Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mercredi 30 septembre 2020 à 9h35

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • citoyenne
  • publicitaire
  • publicité

La réunion

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La Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a examiné la proposition de loi actant de premières mesures pour faire de la publicité un levier au service de la transition écologique et de la sobriété et pour réduire les incitations à la surconsommation (n° 3289) ( M. Matthieu Orphelin, rapporteur ).

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Mes chers collègues, notre ordre du jour appelle la discussion d'une proposition de loi actant de premières mesures pour faire de la publicité un levier au service de la transition écologique et de la sobriété et pour réduire les incitations à la surconsommation.

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Chers collègues, je commencerai cette présentation par un court écran publicitaire : alors que cela fait plusieurs semaines que nous travaillons sur cette proposition de loi, nous avons vu certains lobbies tenter d'influencer – c'est leur métier – mais surtout raconter n'importe quoi au sujet de ce texte. Ils ont en effet réussi à faire croire à de nombreuses personnes que ce texte interdisait toutes les publicités sur les voitures, l'avion, les produits électroménagers et même sur le Nutella, alors qu'il ne s'applique pas aux produits de l'agroalimentaire !

Or, cette proposition de loi, c'est tout sauf une interdiction générale : elle vise à restreindre progressivement, dans certaines familles de produits, la publicité sur ceux d'entre eux qui sont les plus polluants. J'en veux beaucoup à ceux qui ont caricaturé et qui ont volontairement forcé le trait sur cette proposition de loi pour empêcher un débat serein. Même si c'est leur travail, je trouve qu'ils auraient pu se comporter autrement. Résultat, nous avons trouvé ce matin dans la presse écrite, pourtant sérieuse, mais aussi sur les chaînes d'information télévisées, des titres du style : « La loi qui veut interdire toute la publicité sur les voitures et l'aérien » : ce n'est pas du tout ce qui est écrit dans la proposition de loi, et j'espère qu'on pourra en débattre plus sereinement. Fin de la page de publicité.

Si cette proposition de loi devait avoir une vertu et une seule, ce serait celle de nous faire comprendre que répondre au défi du changement climatique ne sera pas possible sans changements sociétaux. Pour paraphraser un grand homme d'État, on peut sauter sur sa chaise comme un cabri en criant : « L'écologie ! L'écologie ! L'écologie ! » mais si ce n'est pas suivi d'actes à la hauteur, jamais nous ne respecterons nos engagements climatiques ; nous continuerons à battre chaque année des records de température, à constater, rapport après rapport, que le réchauffement est plus rapide encore que ce qui avait été prévu et à voir la banquise fondre, les forêts brûler et les écosystèmes basculer à un rythme alarmant.

Je ne suis pas ici pour jouer à l'oiseau de mauvais augure mais, comme vous, pour proposer des solutions. La publicité peut devenir un levier de la transition écologique, et c'est bien l'objectif de cette proposition de loi : favoriser une évolution du modèle publicitaire pour le rendre compatible – et même proactif – avec la transition écologique.

La publicité, les soixante-neuf personnes que nous avons auditionnées s'accordent sur ce point, exerce une influence majeure sur nos actes et nos représentations sociales. D'abord, elle est omniprésente dans nos vies : dans les intervalles entre deux dessins animés de vos enfants, sur les bus et dans les couloirs de métro, dans les gares ou les aéroports. Selon différentes études, nous sommes exposés quotidiennement à entre 1 200 et 2 200 publicités. Elle a également une incidence psychologique forte sur nos comportements, prouvée par de nombreuses études, conditionnant nos idées et nos représentations sociales. Ce n'est pas insulter la publicité que de dire cela, c'est même son rôle premier : la publicité, selon le Robert, vise à « exercer une action psychologique sur le public à des fins commerciales, afin de faire connaître un produit et d'inciter à l'acquérir ».

Cette influence est souvent mise au service des produits les plus polluants – en 2019, 95 % des publicités pour les voitures concernaient des modèles thermiques – et des comportements les moins sobres. Combien de publicités incitent à ne pas utiliser la voiture plutôt qu'à en acheter une nouvelle ? Trop peu, voire aucune. Combien de publicités incitent à réparer plutôt qu'à acheter un nouveau produit ? Trop peu, voire aucune. Admettons-le sans détours : le modèle publicitaire actuel est un frein à la transition écologique.

La publicité ne peut pas s'exonérer des changements nécessaires. Pourquoi se priver d'une telle puissance de frappe pour faire évoluer les comportements d'achat ? L'attente est forte : plusieurs rapports poussent à une telle remise en cause ; de nombreux sondages montrent une vraie attente des Français, qui trouvent à 80 % que la publicité pour les produits les plus émetteurs de gaz à effet de serre devrait être interdite. La Convention citoyenne pour le climat, que nous applaudissons tous quand il s'agit de parler de ce processus, a elle aussi fait des propositions fortes pour mieux réguler le secteur de la publicité, adoptées à près de 90 %. Personne ne pourrait comprendre le fossé que vous créeriez entre les attentes citoyennes et vos actes en rejetant cette proposition de loi.

Alors allons-y !

Avec l'article 1er, rendons obligatoire l'enseignement des enjeux du développement durable dans les écoles de communication, de marketing et de publicité. Les soixante-neuf acteurs auditionnés, sans aucune exception, valident cette volonté et nous poussent même à aller plus loin, ce que je vous proposerai tout à l'heure par amendement afin d'étendre cet enseignement à toutes les formations du supérieur. En parallèle des auditions, nous avons mené une enquête « flash » et obtenu des réponses d'élèves en communication et publicité issus de plus de trente écoles différentes. Écoutez bien le résultat : 70 % des étudiants et anciens étudiants déclarent n'avoir reçu aucun cours sur le rôle de la publicité dans la transition écologique ou la sobriété dans l'utilisation des ressources. Les étudiants demandent eux-mêmes que cela change : le collectif étudiant Pour un réveil écologique, que nous avons auditionné, demande par exemple que les étudiants en marketing et communication soient formés contre les écueils de la publicité dans la transition écologique.

Avec l'article 2, interdisons progressivement, de 2022 à 2032, toute publicité portant sur des produits ou services à fort impact sur l'environnement. Les auditions m'ont permis de comprendre qu'il fallait préciser cet article pour répondre aux inquiétudes du secteur – c'est ce que je vous proposerai par amendement –, mais elles m'ont aussi conforté dans l'idée d'aller au bout de cette proposition avec vous. Certains caricaturent volontairement la loi et c'est regrettable : il ne s'agit pas d'interdire du jour au lendemain toute la publicité sur les voitures ou les trajets aériens, mais simplement de restreindre progressivement les publicités sur les produits les plus polluants de ces catégories.

Avec l'article 3, interdisons dès 2025 les écrans lumineux numériques qui consomment trop d'énergie et qui mettent en danger notre santé et celle de nos enfants. Vous trouverez dans le projet de rapport des études qui le démontrent. Aux procrastinateurs de la politique, à ceux qui diront qu'il faut renvoyer cette proposition de loi à plus tard et laisser les concertations se faire, je répondrai que j'ai assisté à la réunion de concertation sur cette question entre les membres de la Convention citoyenne pour le climat et les acteurs du secteur. Ce n'est pas une vraie concertation : j'ai détesté cette réunion, j'en suis ressorti avec un grand sentiment de malaise face à ces quelques citoyens jetés en pâture aux représentants d'intérêts qui, jouant les Cassandre, prédisaient la fin de leur secteur, la perte de centaines de milliers d'emplois, tout cela à cause d'une seule proposition de la Convention citoyenne pour le climat, déboussolant les citoyens et les laissant sans voix. Est-ce cela, la volonté des députés ? Détricoter tout le travail de la Convention citoyenne pour le climat, le sacrifier sur l'autel des lobbies et des caricatures, multiplier les jokers sur ses propositions ? Nous verrons ce que les uns et les autres répondront ce matin.

À ceux enfin, que j'espère peu nombreux, surtout dans cette belle Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, qui diront que cela est trop rapide, qu'il faut faire différemment, moins fort, autrement, je pose la question : comment proposez-vous de baisser de 5 à 7 % nos émissions de gaz à effet de serre chaque année ? C'est l'objectif que s'est fixé notre pays mais, pour cela, il faut des mesures fortes : la restriction progressive de la publicité sur les produits les plus polluants en est une. Si vous avez d'autres solutions, mettez-les sur la table ; si vous n'en avez pas, allons-y et votons cette proposition de loi !

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Nous avons tous conscience qu'il faut faire évoluer le secteur de la publicité : celui-ci doit se réformer pour être en phase avec la transition écologique. Je salue le travail de mon collègue rapporteur, qui ouvre le débat sur cette question. Le groupe La République en Marche partage pleinement son objectif de faire de la publicité un véritable levier pour la transition écologique et d'opérer une véritable transition culturelle par ce biais.

Ce sujet, qui occupe largement le débat public, est présent dans les travaux de la Convention citoyenne pour le climat. Celle-ci a fait seize propositions sur cette question, selon trois axes : interdire la publicité des produits les plus émetteurs de gaz à effet de serre sur tous les supports publicitaires, sur le modèle de la loi dite « Évin » ; réguler la publicité pour limiter les incitations à la consommation ; enfin, mettre en place des mentions pour inciter à mieux consommer. Cela représente 10 % de leurs propositions. Pourtant, les annonceurs que nous avons auditionnés disent ne pas avoir été entendus dans le cadre de l'élaboration de ces propositions. Il est nécessaire d'embarquer le secteur de la publicité si l'on veut qu'il évolue et se réforme. Or ce secteur est persuadé d'avoir déjà bougé et souhaite désormais dépasser les opérations de « greenwashing » qui l'ont caractérisé dans un premier temps, et dont personne n'est dupe.

À ce stade, les études d'impact sont insuffisantes, y compris sur la trajectoire d'interdiction. En outre, le calendrier pose problème dans la mesure où un projet de loi visant à transposer 40 % des propositions de la Convention citoyenne pour le climat est en préparation. Pourquoi devrions-nous court-circuiter ce processus démocratique ? Il est toujours tentant de montrer à l'opinion que l'on agit, mais il ne faut pas pour autant minimiser la complexité du problème. Nous allons donc examiner les articles de cette proposition de loi, même s'ils ne nous semblent pas aboutis en l'état. Nous ferons par la suite le travail parlementaire exigeant qui s'impose lorsque nous examinerons le projet de loi transposant les mesures de la Convention citoyenne pour le climat.

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Nous avons lu avec intérêt le travail fourni par notre collègue M. Orphelin. Le groupe Les Républicains partage son constat sur l'urgence climatique : il est nécessaire de réduire les émissions de gaz à effet de serre et nous ferons un certain nombre de propositions – qu'il se rassure.

Tout comme lui, nous avons été approchés par des lobbies, mais qui défendaient des positions manifestement différentes – la capacité à faire des propositions sur le climat n'est pas réservée à quelques-uns ! Nous sommes tous, dans cette commission, acteurs de notre développement.

Par ailleurs, certains journalistes lanceurs d'alerte nous ont mis en garde contre ce texte dont ils craignaient qu'il ne remette en cause l'indépendance des médias. La publicité étant un élément essentiel du budget des radios indépendantes, votre texte déséquilibrerait l'ensemble de cette filière. Je sais qu'il est de bon ton de faire quelques annonces qui marquent les médias plutôt que d'être dans le concret, mais on aura beau annoncer la fin du Tour de France ou des sapins de Noël, cela ne changera rien à l'urgence climatique !

Nous aurions préféré examiner de vrais textes de loi portant sur de vrais problèmes. Qu'en est-il de l'amélioration énergétique des logements ou du verdissement des transports grâce à l'électricité et à l'hydrogène ? C'est de cela que nous devons parler si nous voulons réduire les émissions de CO2. Cette proposition de loi a sans doute un intérêt sur le long terme, mais elle doit d'abord être négociée ; or une réunion de quelques citoyens avec quelques représentants de la profession ne constitue pas une négociation. On ne peut pas rayer les unes après les autres toutes les filières qui ne nous plaisent pas. Il faut les écouter, négocier, se donner du temps : c'est comme cela que l'on parvient à tenir compte de la réalité. Il y a quelques mois, le Gouvernement a voulu avancer très vite sur l'augmentation de la taxe carbone ; résultat, il est désormais très en retard. Si nous voulons avancer sérieusement sur l'urgence climatique, nous devons prendre le temps de négocier avec l'ensemble des Français concernés.

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La publicité représente l'un des symboles de notre société de consommation. Les sujets que vous traitez dans votre proposition de loi ont fait l'objet de longues discussions lors de l'examen du projet de loi d'orientation des mobilités (LOM) et du projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire.

Le cœur de votre proposition de loi, à savoir l'article 2 qui interdit à compter du 1er janvier 2022 toute publicité portant sur des produits et services à fort impact sur l'environnement, reprend une des préconisations formulées par la Convention citoyenne pour le climat. Le groupe MoDem et Démocrates apparentés ne peut toutefois la soutenir en l'état. En effet, il n'est pas possible de procéder à des interdictions pures et simples de publicité pour certaines catégories de produits, sauf en cas de problème de santé publique, comme c'est le cas pour le tabac. Nous avons eu ce débat durant l'examen de la LOM et notre proposition n'a pas varié : nous soutenons, depuis plusieurs années, une écologie incitative et positive. Nous avons préféré voter l'article 75 de la LOM qui dispose que « toute publicité en faveur de véhicules terrestres à moteur est obligatoirement accompagnée d'un message promotionnel encourageant l'usage des mobilités actives […], ou partagées, ou des transports en commun. » Nous pourrions soutenir un amendement similaire pour d'autres secteurs, comme celui de l'aérien. Travaillons à une meilleure information du consommateur, afin qu'il fasse un choix libre et éclairé.

L'article 3 traite de l'un des sujets qui a provoqué le plus de débats durant l'examen du projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire. Bien que les écrans publicitaires numériques représentent un fort gaspillage d'énergie, nous ne pouvons pas soutenir cette disposition car elle contrevient à la libre administration des collectivités territoriales. En effet, celles-ci ont déjà les moyens de réglementer la publicité dans l'espace public : c'est par exemple le cas à Grenoble qui a interdit ce type d'affichage. Rappelons également que dans les plus grandes agglomérations, la publicité numérique est soumise à autorisation préalable. Cela permet à l'autorité compétente de veiller à ce que le dispositif respecte les règles qui lui sont propres, notamment l'interaction avec l'environnement architectural et paysager, et l'impact sur le cadre de vie, en tenant compte de la nécessité de limiter les nuisances visuelles pour l'homme et l'environnement. Cet article est donc déjà satisfait.

Enfin, s'agissant de l'article 1er, le code de l'éducation prévoit déjà des enseignements sur l'importance de la préservation de la biodiversité. Il est vrai qu'il ne précise pas que ces enseignements doivent être également adressés aux étudiants en communication ; cependant, il n'est pas du ressort du législateur d'influer sur le contenu des cours prodigués, cette responsabilité relevant des établissements d'enseignement supérieur. Ils sont d'ailleurs nombreux à intégrer ces enjeux dans leur formation et le seront encore plus d'année en année. Pour l'ensemble de ces raisons, le groupe MoDem et Démocrates apparentés ne peut soutenir votre proposition de loi.

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Le groupe Socialistes et apparentés défend cette proposition de loi et se félicite qu'elle soit inscrite à l'ordre du jour de notre assemblée. Nous considérons en effet que ce texte renforce la démocratie et l'esprit de la République, à travers les principes d'égalité, de fraternité et également de liberté – je tiens à le souligner car cela ne paraît pas évident à tous nos collègues. C'est en effet une loi de liberté dans le sens où elle rééquilibre la puissance publique et la puissance privée : elle instaure des mécanismes de régulation de la puissance privée et renforce la puissance publique au moyen de l'information et de l'éducation, qui sont absolument indispensables au discernement et à la liberté des citoyens.

Cette loi de liberté n'a pas que des aspects négatifs, liés à la contrainte portée sur la publicité dans ce qu'elle a de toxique ou de négatif. Elle doit renforcer l'éducation populaire, l'éducation citoyenne et l'éco-citoyenneté, pour permettre aux Français de monter en liberté, en discernement, et de s'engager de façon heureuse dans la transition sociale et écologique.

Pour reprendre une expression de M. Roland Lescure, député des Français de l'étranger et notamment du Québec, c'est une loi d'« empuissancement ». Elle permet la montée en puissance de la société dans le sens où elle s'affranchit d'une forme de servitude marchande et où elle acquiert des capacités plus grandes de discernement pour choisir sa vie et s'engager dans la transition écologique. Celle-ci ne sera pas uniquement le fait des grandes entreprises ou de l'État : elle sera le fait de chaque citoyen qui, face aux 31 milliards d'euros dépensés par la puissance privée pour lui dire pourquoi il vit et comment il faut vivre, doit recevoir d'autres messages. C'est pour ce renforcement du discernement, de l'éducation populaire et de l'information que nous plaiderons aujourd'hui.

C'est aussi une question de sécurité. L'un de nos collègues évoquait une étude d'impact : tant d'années après la COP21, on n'en est plus à faire des études d'impact sur le climat et sur la santé publique ! Alors que nous vivons une décennie capitale, tant pour le changement climatique que pour la montée des maladies chroniques, plusieurs centaines de millions d'euros sont consacrés chaque année à faire de la publicité pour du gras, du sucré et du salé, conduisant les gamins, y compris les plus défavorisés sur le plan culturel et économique, à subir des maladies chroniques qui les condamnent à vie. Avons-nous encore besoin d'études d'impact pour dire que nous avons besoin de réguler la publicité ? Il nous faut apporter des limites, ainsi qu'une nouvelle instance de régulation, compte tenu de la défaillance de la structure actuelle. Au-delà, il nous faut faire en sorte que la responsabilité sociale et environnementale ne relève plus d'une liberté ou de soft law, mais d'une certification publique donnant à chacun, comme consommateur, comme épargnant et comme collaborateur, le choix du mode d'entreprise, d'économie et de société dans lesquelles il veut vivre.

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Je partage avec vous, cher collègue Matthieu Orphelin, le sentiment qu'il faut faire évoluer notre modèle publicitaire. La Convention citoyenne pour le climat a montré que cette volonté était largement partagée par nos concitoyens, dénonçant, entre autres, une publicité incitant à la surconsommation. En outre, cette nécessité d'encadrer la publicité s'inscrit dans le cadre de l'urgence climatique et écologique.

Je partage également le constat qu'une incompatibilité existe entre certaines publicités et les objectifs nationaux de transition écologique. C'est la raison pour laquelle le groupe UDI et Indépendants soutient l'article 1er proposant une formation obligatoire des étudiants en publicité, en communication et en marketing aux enjeux liés à la préservation de l'environnement.

Concernant l'article 2, nous sommes bien plus nuancés. En effet, préciser par décret les produits et services à fort impact sur l'environnement ne nous semble pas pertinent. De plus, nous considérons que nous ne pouvons pas pénaliser des secteurs entiers en intégrant ce genre d'interdictions avant même de leur avoir proposé des alternatives ; nous devons enclencher ensemble la transition.

Ensuite, nous sommes fondamentalement contre l'article 3, sur le fond comme sur la forme. Nous nous positionnons contre cette économie suradministrée qui établit des interdictions en pagaille. C'est l'échelon local qui doit intervenir sur ce sujet. Nous devons nous appuyer sur le règlement local de publicité pour prendre ces mesures. Laissons aux territoires leur autonomie et ne laissons pas l'État établir une liste d'interdictions par décret, sans prise en compte des spécificités locales – les Hauts-de-France ne sont pas la Corse, la Bretagne n'est pas l'Est de la France.

Enfin, nous ne pouvons négliger le fait que la publicité représente une ressource non négligeable pour de nombreuses entreprises. Est-ce le moment, au vu de la conjoncture économique, de priver certaines entreprises de cette ressource ? Je n'en suis pas certaine, en l'absence d'alternatives. Au nom du groupe UDI et Indépendants, je vous remercie pour ce travail, mais nous considérons que ce texte n'est pas totalement abouti. Nous souhaitons que cet examen soit l'occasion de retravailler des dispositifs aux côtés du Gouvernement, afin d'établir des propositions plus détaillées, opérationnelles, voire déconcentrées sur les territoires.

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Nous sommes réunis ce matin pour examiner un texte « actant de premières mesures pour faire de la publicité un levier au service de la transition écologique et de la sobriété et pour réduire les incitations à la surconsommation ». Je dois dire que j'ai relu plusieurs fois le titre, pensant d'abord à une erreur de lecture : faire de la publicité un levier de la sobriété, voilà qui est osé ! C'est même quasiment un oxymore quand on connaît l'objectif de ce secteur : nous faire consommer, même sans besoin. Monsieur Orphelin, pourquoi tant de pincettes et de précautions schizophrènes pour aborder la réforme d'une activité qui aurait besoin d'un encadrement ferme et urgent ? Nous subissons la publicité au quotidien : environ 2 000 messages publicitaires tous les jours, qui entrent dans nos vies et dans nos têtes sans y avoir été invités, guident nos envies et créent des besoins artificiels.

La publicité pose un problème à l'environnement, pour deux raisons : la première, la plus problématique, est que la publicité pousse à la surconsommation en créant des besoins en vue d'une accumulation infinie de marchandises, la plupart inutiles et superflues. Alors que vous le soulignez dans votre rapport, vous continuez d'espérer voir des publicitaires dire « Achetez moins, mais achetez mieux ». C'est complètement illusoire !

La seconde raison pour laquelle la publicité est non pas un frein, mais un obstacle à la transition écologique, c'est que les principaux investissements publicitaires sont le fait d'un nombre restreint de très grosses entreprises de secteurs très polluants – automobile, aérien, énergies fossiles, agroalimentaire. Mais pour limiter cela, vous prévoyez des interdictions progressives, voire repoussées aux calendes grecques, jusqu'à dix ans avant la mise en application de certaines restrictions pour « laisser le temps aux secteurs économiques de s'adapter », dites-vous. Mais le climat, lui, n'attend pas que la pub ou nous-mêmes nous adaptions : il a déjà changé et le réchauffement s'accélère. Nous n'avons pas dix ans devant nous pour changer nos habitudes de consommation, monsieur Orphelin ! Ou plutôt, nous n'avons plus dix ans pour prendre des habitudes de sobriété, pour nous libérer des injonctions marketing à consommer sans limite dans un monde aux ressources limitées.

L'écologie libérale, celle des petits pas et de l'incitation, montre à nouveau ses limites. Croire que la publicité peut être un levier de la transition écologique est au mieux une illusion gentiment naïve, au pire un mensonge éhonté. Nous avons besoin de mesures fortes pour faire taire le marketing climaticide et libérer enfin l'espace public des injonctions à consommer sans cesse des produits dont nous n'avons pas besoin.

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Je salue tout d'abord le travail de fond qu'a effectué notre rapporteur, avec près de soixante-dix personnes auditionnées, des rapports d'experts, un questionnaire à destination des étudiants et un site internet dédié. Nos concitoyens ont bien compris ce qu'implique l'urgence climatique dans la transformation de nos modes de vie. Une part croissante d'entre eux rejette la consommation effrénée que la publicité suscite et encourage.

Mais soyons positifs : la publicité peut être utile. M. Matthieu Orphelin l'a dit, elle a pour vocation d'exercer une action psychologique sur le consommateur pour modifier son comportement d'achat. Elle crée donc de l'imaginaire. Et demain, elle peut créer un imaginaire plus propice à la préservation du vivant plutôt qu'à sa destruction. Qui, parmi nos concitoyens, parmi les acteurs économiques ou les acteurs politiques que nous sommes n'a pas pris conscience de l'accroissement de la pression publicitaire et de la nécessité de réguler ce secteur ?

La présente proposition de loi rejoint ce qu'expriment les Français : 36 % d'entre eux affirment désirer consommer moins et 20 %, autant, mais mieux. Surtout, depuis 2018, un mouvement se dessine : la vente des produits de grande consommation baisse quand celle des produits bio augmente de 15 % en une année.

Le Gouvernement nous invite souvent à être dans une écologie de l'action plutôt que de l'incantation. La proposition de loi poursuit précisément cet objectif : nous voulons être dans l'écologie de l'action et invitons tout un secteur économique à nous suivre.

Les étudiants en publicité, vous le savez, vont dans ce sens – en cela, l'article 1er est essentiel. Ils sont nombreux à faire partie de cette jeunesse engagée en faveur du climat. Comment leur projet professionnel pourrait-il être incompatible avec leur engagement et le sens qu'ils veulent donner à leur action ?

Certains acteurs du secteur considèrent qu'ils font déjà beaucoup. Cela est vrai mais nous sommes à un moment charnière, où il faut impérativement changer d'échelle.

Ayons un débat apaisé. M. Matthieu Orphelin l'a rappelé, nous devons nous affranchir des caricatures qui fleurissent depuis quelques semaines – « écologie de l'incantation », « ayatollahs », « Khmers », « Amish »… Nos débats méritent mieux.

Ce texte, on l'a dit, n'est ni antipub ni anticonsommation : c'est une loi pour la consommation durable et la transition écologique.

Dans 99 francs, Frédéric Beigbeder décrit un univers où le rédacteur publicitaire détient le pouvoir absolu sur notre consommation : il suscite l'envie, influence notre inconscient, décide à notre place ce qui lui semblera indispensable d'acheter. « Tout s'achète : l'amour, l'art, la planète Terre, vous, moi » dit Octave. Si le publicitaire a le pouvoir de vous faire acheter ce qu'il veut, il n'a pas celui de recycler ni celui de régénérer ou de guérir. Et si le fameux Octave nous incitait plutôt à acheter des produits écoresponsables et durables, ou des services respectueux de l'environnement et de la biodiversité ?

Ne passons pas à côté d'enjeux majeurs comme celui-là. Les Français ne le comprendraient pas. Pour un enjeu qui leur est aussi cher, dépassons nos clivages et donnons une majorité à cette proposition de loi.

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Nous avions annoncé très tôt, dans la semaine qui a suivi les conclusions de la Convention citoyenne pour le climat, comment le Gouvernement allait peu à peu les détricoter. Pour ce qui nous concerne, nous n'avons pas été approchés par les lobbies, et nous n'avons sans doute pas la même analyse du phénomène publicitaire que les rédacteurs de cette proposition de loi. Nous considérons que ce phénomène est intrinsèquement lié à la libéralisation massive et accélérée de tous les marchés de consommation de services et de biens et à la concurrence impitoyable à laquelle se livrent les entreprises privées, des médicaments à l'automobile, de l'énergie à l'eau, des assurances à la grande distribution. Qu'il s'agisse de consommation courante ou plus rare, l'appui publicitaire fait partie de ces outils de guerre économique dont usent les grandes entreprises.

En appréhendant le phénomène publicitaire, nous sommes au cœur de la sphère de l'économie privée et capitaliste, bien loin de traiter des bienfaits d'une planification et d'une promotion des biens communs et des services publics. Dernier avatar en date, la fameuse publicité séquencée, qui a fait récemment l'objet d'un article dans UFC-Que Choisir, apparaît bien comme un outil majeur de pression sur les salariés consommateurs. Autant dire que c'est dans un cadre très contraint, purement réformiste, que nous abordons ce texte.

La proposition de l'article 1er peut paraître de bon aloi, compte tenu des constats qu'a opérés M. le rapporteur. Cependant, seul le caractère obligatoire de cette formation initiale et continue est à même de garantir une sensibilisation pérenne des professionnels à l'enjeu de l'écologie – ce qui ne suffira pas toutefois à les mettre à l'abri des pressions des donneurs d'ordre.

L'article 2 vise une régulation progressive, en ciblant certains biens et services, suivant un calendrier déterminé et en tenant compte de la réglementation européenne et d'une série de critères à déterminer par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) afin de catégoriser ces produits. Si la loi constituera sans doute une avancée qualitative, tout se jouera dans le décret d'application et le travail d'arbitrage, au risque de créer certaines surprises.

Enfin l'article 3 est salutaire : il prend de court l'envahissement que constitue la numérisation, qui devient un véritable fléau. Nous le voterons.

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Cette proposition de loi met en avant certains travers de notre société – la surconsommation, le superflu, l'inutile –, source d'une masse de déchets qui vont jusqu'à constituer des continents dans les océans. À l'évidence, cette société, qui entraîne nombre d'inconvénients, n'est pas durable.

Je suis toujours partagé lorsqu'il s'agit de légiférer dans des domaines qui relèvent de notre liberté : jusqu'à quel point pouvons-nous aller ?

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Le fait que l'État en vienne à prendre des initiatives pour nous contraindre me gêne. Nous devons plutôt considérer le citoyen comme une personne capable de faire ses choix. Penser que la publicité le conduira nécessairement à effectuer certains choix, c'est aller trop loin. L'agriculture biologique représente désormais 15 % du marché et progresse de 20 % par an ; les circuits courts se développent alors que, parallèlement, la crise de la covid-19 a provoqué une prise de conscience chez les consommateurs. Cela va forcément dans le bon sens.

S'agissant de l'article 1er, on peut rappeler que l'écologie est déjà largement enseignée au collège et au lycée, en cours de géographie par exemple : c'est ce que je faisais, dans une autre vie, lorsque j'étais professeur. Faut-il à toute force le graver dans le marbre ? On peut se poser la question.

Autant de points sur lesquels nous continuons à réfléchir. Le groupe Libertés et Territoires n'a pas arrêté de position pour l'instant. Mais la liberté est importante pour nous, monsieur Potier…

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M. le rapporteur a bien décrit les inconvénients de notre société de surconsommation, mais ce n'est pas en taxant, en interdisant, en culpabilisant que nous progresserons. Il faut donner plus de place à l'éducation à la publicité, inciter à exercer son esprit critique, apprendre à décrypter et comprendre les images.

Par ailleurs, comment comptez-vous agir sur la publicité en ligne, sur l'ultradomination des GAFA – Google, Apple, Facebook, Amazon – et la publicité véhiculée par les supports numériques, en particulier par les réseaux sociaux ? Il faudrait aussi responsabiliser ceux qui tweettent ou qui publient sur Facebook pour rien, et qui sont les vecteurs indirects de la publicité.

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Si l'objectif final est louable et même souhaitable, ce texte m'inspire cependant quelques réserves : en l'état, il peut avoir de lourdes conséquences sur certaines entreprises et mettre en péril de nombreux emplois. Plusieurs éléments méritent d'être pris en compte.

Les publicités numériques sont une solution écologique et positive face à la prolifération des panneaux publicitaires en papier. Certaines entreprises orientent déjà leur message publicitaire au service de la transition écologique ou de l'intérêt général, par exemple en diffusant des messages de prévention sanitaire, d'information publique ou de publicité pour des produits et services verts. Des technologies quasi autonomes en énergie existent ou fonctionnent en hybride et incluent des énergies propres comme le photovoltaïque. Des entreprises investissent massivement dans la recherche et développement (R&D) pour trouver des solutions publicitaires neutres en émissions de carbone.

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Mes chers collègues, je vous remercie pour ces échanges très intéressants. En rédigeant mon rapport après les auditions, j'avais le sentiment que cette proposition de loi était parvenue à un bon point d'équilibre. Vos positionnements parfaitement nuancés m'ont conforté dans cette impression : elle est jugée trop dure, trop rapide par les groupes LaREM et Les Républicains, et trop molle, pas assez rapide par la France insoumise… Nous nous retrouvons dans l'entre-deux, et nous l'assumons.

Je remercie tout d'abord Mme Riotton avec laquelle nous partageons de nombreux objectifs. Depuis des années, nous tentons d'amener le secteur à s'autoréguler. Cela ne fonctionne pas. Jamais il n'y a eu autant de pratiques abusives de verdissement ou « greenwashing » que l'an dernier, où les cas ont été multipliés par deux. L'autorégulation à la française de la publicité était une première étape ; il faut en enclencher une seconde. C'est aussi l'objet de ce texte.

Je ne partage pas votre analyse selon laquelle la proposition de loi court-circuiterait le débat démocratique. C'est tout sauf cela : il s'agit de positions que nous défendons depuis plus de deux ans et il me paraît tout à fait normal d'en débattre à l'Assemblée nationale. Je regrette la position du groupe LaREM qui a décidé de la rejeter en bloc ; vous aviez d'autres choix, notamment la possibilité de voter au moins l'article 1er, sinon les articles 2 et 3, ne serait-ce que pour envoyer un signal fort au secteur. Sachant, madame Riotton, combien vous êtes engagée sur ces questions, je regrette que vous envoyiez un message qui ne sera pas compris par les citoyens et singulièrement par les membres de la Convention citoyenne pour le climat que j'ai soutenue depuis le début. Aujourd'hui, vous les perdez ainsi que tous ceux qui lui avaient apporté leur soutien.

Monsieur Sermier, lobbies contre lobbies, certains sont visiblement plus efficaces que d'autres, si j'en crois les remontées dans la presse et la télévision… Vous avez beaucoup caricaturé la situation dans votre intervention. C'est le jeu de nombreux responsables politiques, dont ceux de votre parti, sur l'écologie.

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C'est vous qui avez parlé du sapin de Noël, du Tour de France : cela n'a rien à voir avec la proposition de loi. Merci tout de même d'avoir mentionné la rénovation énergétique, pour laquelle certains d'entre nous se battent depuis vint-cinq ans.

Madame Luquet, l'article 2 est progressif, sur dix ans, ce qui évite tout risque d'inconstitutionnalité. J'ai déposé un amendement qui en propose une nouvelle rédaction, pour répondre plus clairement aux inquiétudes, notamment juridiques, qui ont été exprimées à cet égard. Vous avez fait état des mentions légales, notamment celles que nous avons ajoutées dans la loi d'orientation des mobilités (LOM) : aucune étude scientifique, sur aucun sujet, ne démontre leur efficacité, notamment pour les mentions apposées sur les produits alimentaires. J'aimerais y croire, comme vous, mais cela ne suffit pas. C'est malheureux, mais c'est ainsi.

Du reste, j'observe que beaucoup d'entre vous passent totalement à côté de ce qu'est la publicité. Pourquoi la France y investit-elle 34 milliards d'euros chaque année ? Parce que le but de la publicité, c'est de changer les comportements et d'inciter à agir. C'est cela qu'il nous faut réguler. Que nous le voulions ou non, les mentions légales n'y changeront rien.

À vous entendre, ce ne serait pas la peine d'insérer des dispositions dans le code de l'éducation. Nous avons pourtant prévu une obligation de ce genre dans la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, pour les études d'architecture ; pourquoi n'en ferait-on pas autant dans l'enseignement supérieur ? Du reste, les établissements n'y sont pas opposés ; ils savent qu'ils doivent faire davantage dans ce domaine. Notre enquête a montré, je l'ai dit, que les deux tiers des étudiants du supérieur ne suivent aucun enseignement de ce genre.

Que vous dire, monsieur Potier, sinon merci pour vos arguments et la hauteur de votre raisonnement, qui montre que notre proposition de loi est aussi un projet de société. Nous avons si souvent partagé ces combats, loi après loi ! C'est un plaisir de vous retrouver pour promouvoir ces mesures.

Je remercie également Mme Auconie pour son soutien à l'article 1er. S'il n'était pas voté aujourd'hui, nous enverrions un drôle de signal à l'extérieur – mais chacun votera ce qu'il veut.

La nouvelle rédaction de l'article 2 devrait répondre à votre préoccupation. J'espère qu'elle emportera votre adhésion. Nous y renvoyons volontairement au décret. J'entends ceux qui craignent que le Gouvernement ne fasse pas assez ; au moins aurons-nous fixé un cadre. La concertation sera menée avant la publication des décrets.

Il est dommage, monsieur Prud'homme, de vous entendre tenir des propos aussi durs à l'égard d'une proposition de loi qui visiblement dérange et fait bouger les choses ! Dès 2022, nous commençons par les véhicules les plus écologiquement néfastes, les plus gros 4x4, les plus gros SUV – et non tous les SUV, comme je l'ai entendu. La trajectoire que nous définissons ensemble est celle d'une sortie en dix ans. Elle représente déjà une évolution majeure car nous l'avons conçue progressivement, avec les acteurs, en leur donnant de la lisibilité. Mais vous, et vos amendements le montrent, vous voulez tout et tout de suite. Interdire la publicité du jour au lendemain sur tous les produits, ce n'est pas notre position.

Je remercie également M. Hubert Julien-Laferrière pour son soutien.

La rédaction de l'article 2 que nous proposons à la suite des auditions devrait vous satisfaire, monsieur Wulfranc. Nous avons essayé d'engager le secteur à se mobiliser beaucoup plus. Nous assumons toutefois de ne pas faire disparaître le secteur de la publicité du jour au lendemain – c'est peut-être là où nous différons dans l'approche du sujet. Nous assumons d'atteindre ce but progressivement, en donnant de la lisibilité. J'ai compris que, comme avec Mme Riotton, nous avions des convergences de fond sur ces sujets.

La liberté est importante pour nous tous, monsieur Molac, mais la publicité la biaise. Mon rapport contient plusieurs références à des études dans lesquelles on a déterminé le nombre de publicités à partir duquel, qu'on le veuille ou non, on a envie d'acheter un produit. La répétition et l'insistance de la publicité influent sur nos choix, donc sur notre liberté, sans que nous nous en rendions compte. Il ne s'agit donc pas d'une loi anti-liberté ; tout au contraire, comme M. Potier l'a dit, elle permet de réarmer les citoyens pour la préserver.

Pour ce qui est des tweets, madame Brulebois, faisons des tweets utiles… Contrairement à ce que certains lobbyistes ont essayé de faire croire, cette loi s'applique sans ambiguïté aux GAFA. La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), que nous avons auditionnée, nous a assuré qu'elle pourrait également les contrôler.

Enfin, monsieur Loiseau, les incidences de la publicité numérique en termes de consommation d'énergie, de matières utilisées, de terres rares, tout comme ses effets sur la santé font l'objet d'un encadré spécifique dans le rapport. Elles sont reprises par un amendement qui vise à interdire la publicité numérique d'ici à trois ans.

La commission en vient à l'examen des articles.

Article 1er (article L. 611-13 [nouveau] du code de l'éducation) : Obligation d'enseignement des enjeux liés à la préservation de l'environnement pour les étudiants formés dans les grands domaines liés à la publicité

La commission examine l'amendement CD21 du rapporteur.

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Cet amendement élargit l'obligation d'enseignement dans les formations liées à la publicité, prévue à l'article 1er, à toutes les filières de l'enseignement supérieur. Ce point est souvent revenu lors des auditions.

Il y a un an et demi, nous avions déposé une proposition de loi sur le sujet, cosignée par quatre-vingts députés, qui a donné lieu à une concertation, souhaitée par la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, et présidée par M. Jean Jouzel. Mon amendement en reprend la première recommandation, celle d'insérer dans le code de l'éducation « l'apprentissage des enjeux liés à la préservation de l'environnement et de la biodiversité, aux changements climatiques et à la sobriété de consommation permettant le respect des limites planétaires ». Cet ajout, qui concrétisera la mesure phare du groupe de travail de M. Jean Jouzel, donnera un cap nouveau à l'enseignement supérieur.

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Le groupe UDI et Indépendants votera cet amendement. Ces thématiques sont bien identifiées dans les écoles, et enseignées dans les collèges et les lycées ; nos enfants sont les rois du tri sélectif parce qu'il leur est enseigné à l'école. Il faut continuer à sensibiliser les étudiants dans des domaines aussi fondamentaux que l'urgence climatique.

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L'article 1er ne mange pas de pain : il est difficile de s'y opposer. Cela dit, votre rapport indique que l'Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) s'est proposée pour réaliser ces formations, avec votre soutien. C'est un peu comme si vous disiez que la multinationale Total offrira demain des formations au vélo à tous les automobilistes ou que Monsanto délivrera les certifications d'agriculture biologique ! J'ai donc quelques doutes sur l'efficacité de cette mesure…

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Je suis en quelque sorte une repentie, puisque j'ai dirigé une agence de communication durant trente ans… Et je connais l'énorme efficacité de la publicité – réclame, propagande, c'est la même chose –, dans le bon sens comme le mauvais. J'ai beaucoup côtoyé les directeurs de clientèle, chefs de pub, directeurs de création des agences de publicité. Souvent très sensibles à la transition écologique, ils vivent un réel conflit intérieur car ils doivent créer et réaliser des messages sur des sujets parfois contraires à leurs convictions. Introduire ces dispositions dans leur éducation leur donnerait du poids et au moins des arguments face à leurs clients.

Cet article n'a donc rien de « ramollo ». Au contraire, il pourra aider les professionnels qui travaillent dans les agences.

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Je ne partage pas l'analyse de M. Prud'homme. Je l'ai dit, la majeure partie des étudiants de l'enseignement supérieur n'ont aucune formation sur ces questions. C'est d'ailleurs la première mesure que cite le rapport de M. Jouzel, issu d'un groupe de travail qui a auditionné tous les acteurs – étudiants, écoles, universités.

C'est donc tout sauf un amendement qui ne mange pas de pain : bien au contraire, il changera les choses en généralisant l'enseignement de ces sujets. Il permettra d'apprendre à l'ensemble des étudiants le lien entre les grands dérèglements et l'influence de la façon d'exercer leur métier.

Enfin, je transmettrai votre boutade aux représentants de l'ARPP car ils ont souvent l'impression que je suis trop dur avec eux, et non trop laxiste. Le rapport n'indique pas que l'ARPP peut tout faire, mais si elle se décide à en faire plus pour lutter efficacement contre le « greenwashing », cela ne me choque pas. Elle ne devra évidemment pas être la seule intervenante : je crois d'abord aux équipes éducatives et aux professionnels qui interviendront. Et surtout, ce sera un grand changement par rapport avec le rien ou le quasi-rien d'aujourd'hui : une étude portant sur 50 000 étudiants vient d'être publiée aujourd'hui. Ses conclusions pourront faire basculer les certitudes de certains. On est loin d'étudier ces sujets autant qu'il le faudrait dans l'enseignement supérieur. Cet amendement vise à franchir une nouvelle étape ; j'espère qu'il sera voté à l'unanimité.

La commission rejette l'amendement.

Elle en vient à l'amendement CD23 du M. le rapporteur

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Je suis chagriné du message qu'envoie la Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire en refusant un tel amendement. On est vraiment dans la quatrième dimension !

L'amendement CD23 est rédactionnel.

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Votre amendement CD21 ne mangeait pas de pain, mais je l'ai voté malgré tout – on ne sait jamais. Mais votre article 1er visait plus particulièrement les étudiants suivant une formation dans le domaine de la publicité et de la communication. C'est ce qui m'a fait dire que c'était demander à Total de former les automobilistes à utiliser un vélo… C'est une illusion de penser que l'ARPP pourra enseigner aux futurs professionnels à s'autoréguler, autrement dit à scier la branche sur laquelle ils sont assis.

La commission rejette l'amendement.

Elle examine l'amendement CD22 du rapporteur.

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Pour éviter les trous dans la raquette, je propose d'élargir le champ de cet article aux écoles de commerce privées.

Plus généralement, j'aimerais comprendre pourquoi le groupe LaREM s'oppose à cet article. J'avoue ne pas bien saisir les arguments des uns et des autres.

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M. Cédric Villani le rappelle souvent lorsqu'il s'agit de l'enseignement supérieur : on estime que les élites devraient avoir une conscience éthique pour diriger le monde. C'est déjà le cas, puisque nous avons entendu hier en audition que 40 % des jeunes mettent en avant l'éthique comme critère dans leurs choix d'orientation professionnelle. Sans mésestimer cette question – je considère que c'est l'un des éléments le plus à même d'ébranler le mauvais capitalisme –, je voudrais que nous parlions aussi des lycées professionnels et de ces professeurs qui consacrent une semaine au développement durable ou au commerce équitable. Il n'y a pas que les bacs +5 qui contribuent au changement : ceux qui ont des problèmes de fin de mois se préoccupent aussi de la fin du monde !

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Vous avez raison de le signaler, cher collègue, cela ne doit pas apparaître comme une intention élitiste. J'ai pu le constater lorsque j'étais vice-président en charge de l'éducation et de l'apprentissage entre 2010 et 2015 au conseil régional des Pays-de-la-Loire : des lycées professionnels et technologiques mènent des actions formidables dans ce domaine. Mais comme une collègue l'a précisé tout à l'heure, les textes prévoient un enseignement de ce type pour les années pré-baccalauréat ; nous entendions simplement étendre ces dispositions aux études post-baccalauréat. Nous avons auditionné les cabinets ministériels, et celui de Mme Frédérique Vidal a confirmé que cet élargissement était en phase avec les conclusions du rapport de M. Jean Jouzel.

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L'enseignement supérieur opère des transformations sous l'effet des attentes sociétales, mais il reste très jaloux de son indépendance vis-à-vis du pouvoir politique quant au contenu des formations. Je ne suis pas certaine que les enseignants apprécient qu'on leur dise comment penser, enseigner et, somme toute, influencer leurs étudiants.

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La conférence des présidents d'université (CPU) a été très claire à ce sujet – je vous renvoie au communiqué qu'elle a publié –, et pour avoir enseigné pendant vingt et un ans à l'université, je confirme que les universitaires sont très attachés à leur indépendance lorsqu'il s'agit de concevoir les maquettes pédagogiques. Ils vivraient très mal qu'on leur impose tel ou tel thème dans leurs enseignements. Cette indépendance est un principe de base ; adopter un tel article irait à l'encontre de ce qui se pratique dans ce pays depuis plus de deux cents ans. Il suffit de rencontrer et de discuter avec les universitaires pour s'en convaincre. Vous verrez comment ils réagiront…

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Je suis gênée car cet article laisse entendre qu'il ne se passe rien dans l'enseignement supérieur, alors que cela fait bien dix ans que les établissements ont fait évoluer les enseignements et les consciences. Je vous invite à venir voir ce qui se fait dans l'académie de Rennes, où des démarches ont été entreprises selon les objectifs du développement durable. L'école de commerce de Rennes propose également des modules et des enseignements très poussés sur le changement climatique et la transition écologique.

J'entends bien que vous souhaitiez faire passer des messages, mais nous sommes ici pour faire la loi. Nous devrions nous employer à accompagner et à valoriser les initiatives, nombreuses dans ce domaine. Les jeunes n'ont pas besoin de nos injonctions pour se sentir concernés par ces enjeux. La marche du monde va plus vite que nous !

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Monsieur le rapporteur, nous partageons nombre de combats ; simplement, nous ne prenons pas toujours les mêmes chemins pour atteindre nos buts. L'écologie est une lame de fond, un tsunami même : les citoyens s'emparent de ces sujets et nous parviendrons, certes pas aussi rapidement que vous le souhaiteriez, à ce que certains recherchent depuis des années. Ce n'est pas tant sur le fond que nous nous opposons à cet article que sur la forme. Avec de telles injonctions, vous risquez d'en braquer beaucoup, alors que ce que nous voulons, c'est que tous acceptent d'entrer dans un monde plus durable et plus écologique. Tous les sujets abordés sont importants et je vous remercie de porter le débat au sein de la commission, mais les moyens que vous proposez d'employer dans ce texte ne sont pas les bons.

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Chers collègues, je suis perdu car vos arguments sont pour le moins en contradiction avec les positions que vous avez jadis adoptées. Vous avez défendu et voté, dans la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, une disposition qui visait à renforcer l'enseignement des enjeux environnementaux au sein des écoles nationales supérieures d'architecture. Et vous venez maintenant expliquer qu'une disposition semblable, sur un autre sujet, n'a pas sa place dans la loi ? C'est incohérent !

Madame Maillart-Méhaignerie, je viendrai avec grand plaisir à Rennes, où mon fils est étudiant – il s'appelle Adam et fête ses dix-huit ans aujourd'hui même. Je ne méprise pas ce qui se fait dans certaines écoles, mais c'est un fait et l'enquête « flash » publiée aujourd'hui le démontre : deux tiers des étudiants sortent de leur école de commerce ou de marketing sans jamais avoir eu une seule heure d'éthique. Cela se fait parfois sous forme d'options ou de modules, mais bon nombre y échappent. Je me demande bien comment vous justifierez votre vote lorsque la ministre de l'enseignement supérieur soumettra un amendement semblable dans quelques semaines. Cela risque d'être cocasse !

Monsieur Fugit, vous être un grand professeur et j'ai beaucoup d'estime pour vous : vous savez mieux que quiconque que cet article ne touche pas aux maquettes pédagogiques, et encore moins à la liberté des établissements du supérieur ! Il ne s'agit que de faire figurer la défense de l'environnement parmi les grands objectifs assignés à l'enseignement supérieur, comme l'égalité entre les hommes et les femmes.

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Je crois qu'il y a un malentendu : il ne s'agit pas, avec cet article, de dire quoi penser, mais d'inviter les établissements à intégrer cet enseignement supplémentaire dans les formations. Si je regarde, au hasard, le programme de Sup de pub où j'ai enseigné, je constate que pas une heure n'est consacrée à l'impact des publicités sur l'environnement. Il serait pourtant fort intéressant que les étudiants puissent bénéficier de tels enseignements, et dès la première année.

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Nous avons fait le même constat lors des auditions, ces enseignements sont souvent inexistants. Les écoles doivent adopter cette dynamique et intégrer davantage d'enseignements sur la transition écologique. Cela étant, nous refusons d'inscrire une telle disposition dans la loi, d'une part parce que cela irait à l'encontre de l'indépendance des universités, d'autre part parce que nous attendons les conclusions du groupe de travail. C'est donc davantage pour une question de calendrier et de forme que nous voterons contre cet article.

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Il me semble aussi que cet article stigmatise les communicants, les marketeurs et les publicitaires et que cette forme d'injonction s'inscrit dans une tendance qui nous forcera tous, un jour, à « manger du pain », mais bio ! Il faut que les enfants apprennent à décoder les publicités et à décrypter les messages, comme cela se fait déjà dans le secondaire, pour être libres en tant que consommateurs. Mais ne stigmatisons pas ces métiers : nous en avons besoin et ils peuvent aider à la transformation de la société.

La commission rejette l'amendement.

Puis elle rejette l'article 1er.

Après l'article 1er

La commission examine l'amendement CD1 de M. Loïc Prud'homme.

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L'écologie libérale, celle des incitations et des petits pas, montre ses limites. L'urgence climatique réclame une rupture nette. Il ne peut y avoir de transition écologique rapide et populaire sans se défaire de cette emprise cognitive que les multinationales ont construite depuis des décennies.

Cet article additionnel a donc pour objet de libérer entièrement l'espace public de la manipulation cognitive de masse. Pour ce faire, il la subordonne aux motifs d'intérêt général relatifs à la protection de l'environnement et du cadre de vie. Toute publicité qualifiée de commerciale dans l'espace public est ainsi interdite. Des exceptions restent autorisées, notamment la publicité culturelle, celle liée à l'affichage municipal ou encore celle relative à des campagnes à l'initiative des services de l'État. Cet amendement vise également à interdire l'affichage de publicités commerciales dans les gares, aéroports et stations de transports publics de personnes.

Il convient de faire de l'interdiction de la publicité la règle et non l'exception. Certains pousseront des cris d'orfraie : je leur rappelle que la publicité dans l'espace public ne représente que 1,4 milliard d'euros sur les 34 milliards annuels investis, ce qui est sans commune mesure avec sa capacité à nous ronger le cerveau. Libérer nos vies de ces agressions publicitaires est essentiel. Il faut en finir avec l'écologie des touillettes et passer à quelque chose d'un peu plus sérieux !

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Nous partageons une volonté, cher collègue. J'avais prévu de vous demander de retirer l'amendement pour y travailler en vue de la séance, trouvant la méthode proposée trop rapide et trop forte. Mais dans la mesure où la majorité a rejeté l'article 1er, je m'en remets à la sagesse de la commission : qui sait, le texte n'arrivera peut-être pas complètement vidé de sa substance ?

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C'est vrai, nous avons une divergence d'appréciation sur la méthode et la nécessaire urgence à agir. Le changement climatique, je l'ai dit tout à l'heure, ce n'est pas dans dix ans – nous sommes déjà dans le mur. Cette partie du marché de la publicité est en valeur assez faible, mais elle est majeure pour son impact sur nos comportements. S'il existe une mesure qui peut avoir rapidement des effets et contribuer à la transition vers la sobriété et la frugalité, c'est bien celle-là. Je vous remercie pour votre avis de sagesse, mais je vous invite à aller plus loin et à voter pour cet amendement.

La commission rejette l'amendement.

Article 2 (section 12 [nouvelle] du chapitre Ier du titre II du livre Ier du code de la consommation) : Interdiction progressive de la publicité portant sur des produits et services à fort impact négatif sur l'environnement

La commission est saisie de l'amendement CD28 du rapporteur.

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Pour lever les inquiétudes qui se sont fait jour lors des auditions et battre en brèche les mensonges proférés sur cette proposition de loi, je propose de réécrire cet article. Il s'agit de préciser ce qui est entendu comme ayant un fort impact sur l'environnement ; définir des critères de constitution des seuils d'impact et préciser qu'ils doivent être pris en compte dans le cadre d'une analyse sur l'ensemble du cycle de vie du produit ; énoncer plus clairement la progressivité de ces interdictions de publicité sur une période de dix ans, de 2022 à 2032, pour laisser le temps au secteur de s'adapter. Un décret fixera donc les seuils selon une trajectoire progressive.

Pour reprendre l'exemple de la voiture, les premières années, on interdira la publicité uniquement sur les véhicules les plus polluants– les plus gros des 4x4, les plus gros des SUV. On définira les critères, qui ne seront pas basés uniquement sur les émissions de CO2, mais aussi sur le poids : ainsi, les énormes 4x4 électriques seront aussi concernés.

Ce que nous voulons, c'est envoyer un signal fort à l'ensemble des acteurs et éviter que les mesures de la Convention citoyenne pour le climat ne se trouvent détricotées par le pouvoir politique. Il faut regarder ce qui se passe aujourd'hui : le Président de la République a expliqué qu'il userait de trois jokers – de 149 mesures, on passait à 146. Mais depuis, chaque semaine, un joker s'ajoute : pas de moratoire sur la 5G, pas de critère de poids pour le bonus-malus, moins de mesures sur l'aérien. Les citoyens s'en inquiètent, ils sont reçus ce matin par le Premier ministre.

Qu'allez-vous leur proposer ? De reporter à plus tard, de faire davantage de concertations ? J'étais présent lors des concertations, c'était scandaleux ! Trois citoyens se sont retrouvés pendant trois heures face à des lobbies qui leur ont expliqué que les mesures de la Convention citoyenne pour le climat allaient entraîner la suppression de centaines de milliers d'emplois en France. Ce n'est pas sérieux ! Envoyons un message : nous ne calerons pas sur les mesures de la Convention citoyenne pour le climat. Ne comptons pas uniquement sur la mobilisation des acteurs. Si elle suffisait, nous ne serions pas dans un tel pétrin aujourd'hui, et aussi loin de nos objectifs.

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Cet amendement n'est pas suffisamment précis : qui fixera les seuils d'impact sur l'environnement, secteur par secteur ?

Ce que je constate, c'est que le job n'a pas été trop mal fait, puisqu'il n'y a plus aucune publicité télévisée pour les voitures diesel, seulement pour les hybrides et les électriques. On ne peut pas dire qu'il n'y a pas de prise de conscience. Je suis peut-être un bisounours, mais j'ai le sentiment que l'on avance dans le bon sens, sans imposer les choses.

Lorsque nous prenons des décisions, ce n'est pas en pensant à la publicité que nous pourrons en tirer, mais aux conséquences qu'elles emporteront. C'est ainsi que je me suis opposé à Mme Delphine Batho dans l'hémicycle sur l'interdiction de l'utilisation des huiles minérales, qui menaçait entre 50 000 et 100 000 emplois dans l'imprimerie. On ne peut pas évacuer, comme vous venez de le faire, le fait que les mesures de la Convention citoyenne pour le climat ont des incidences sur l'économie. Vous dénoncez les lobbies, mais il en existe aussi dans l'autre camp, qui essaient d'imposer leurs vues. On entend tout et son contraire. Soyons un peu raisonnables et essayons de mettre en place des choses concrètes sur le terrain, plutôt que de se payer de mots car cela fait de la bonne publicité !

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C'est bien parce que nous respectons les acteurs de la Convention citoyenne pour le climat que nous sommes résolus à discuter de l'ensemble de ces mesures dans le cadre du futur projet de loi. Il ne faut pas caricaturer : les citoyens ont travaillé, ils ont rendu leurs préconisations, ils ne sont plus engagés dans les concertations. Les représentants des secteurs concernés n'ont pas été entendus durant la Convention citoyenne pour le climat, ils l'ont fait savoir lors des auditions, monsieur le rapporteur. Désormais, le processus législatif est enclenché et 40 % des mesures passeront par le Parlement. Nous allons travailler, mener des auditions et défendre le projet de loi, avec les bons arbitrages. Fort heureusement, les citoyens de la Convention citoyenne pour le climat sont très respectueux du processus parlementaire !

Si nous nous en tenons aux objectifs, il n'y a pas un millimètre entre ce que vous défendez et ce que nous soutenons, monsieur le rapporteur : il faut mettre une saine pression sur le secteur publicitaire. Nous savons qu'il peut faire passer des messages positifs, et parfois à la demande des pouvoirs publics. Or il existe comme un décalage entre les actions qu'ils ont entreprises en faveur de la transition écologique et la perception que nous pouvons en avoir. Les représentations changent : songez à ces publicités qui montrent désormais plusieurs passagers dans une voiture ou des lave-vaisselle pleins.

Enfin, je ne vous laisserai pas dire que nous détricotons votre texte. Nous sommes là pour débattre et comme vous, nous pensons qu'il faut engager la transition écologique en mettant une saine pression sur la publicité. Le rapport de MM. Libaert et Guibert a fait des préconisations. Nous défendons l'idée d'un cheminement entre l'information, l'incitation, l'accompagnement – et l'interdiction au bout du bout. Comptez sur nous, nous ferons preuve d'exigence lors de la préparation du projet de loi. Le groupe LaREM ne votera pas cet amendement.

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Je suis d'accord avec M. Bruno Millienne, nous nous payons de mots ! Avec cet article, vous dépossédez le consommateur de sa réflexion et de ses choix : il est pourtant capable, grâce aux indicateurs existants, d'opter pour le produit qui fait le moins de bruit, ou qui consomme le moins d'énergie – ses finances en dépendent aussi. Votre démarche, quelque part, est démagogique !

En outre, je suis choquée, en tant que législateur, que vous proposiez de définir les critères et d'en fixer la liste par décret. Vous savez très bien que choisir la voie réglementaire, c'est faire en sorte que rien ne s'applique ! Renvoyer à un décret, c'est la meilleure façon de saborder un sujet !

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C'est peut-être parce qu'il y a du vécu derrière que je me permets de le dire avec conviction !

Vous savez que l'on expérimente aujourd'hui l'affichage environnemental, basé sur l'analyse du cycle de vie (ACV). Ce dont on s'aperçoit, c'est que cela va pénaliser notre modèle agricole dans le secteur de la boucherie : le bilan d'une viande issue d'un animal resté au pré sera plus mauvais que celui d'une viande issue d'un animal engraissé rapidement dans de mauvaises conditions.

Enfin, je ne vois pas pourquoi vous vous focalisez sur la filière automobile. Ce que j'affirme, c'est que le consommateur est capable de choisir, de lire et d'interpréter des étiquettes !

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Je suis bien sûr favorable à l'interdiction déterminée, mais progressive, des publicités pour les produits et les services ayant un fort impact sur l'environnement. Mais je m'interroge sur les conséquences qui en résulteront pour les outre-mer. Un décret déterminera les seuils d'impact négatif sur l'environnement au-delà desquels la publicité portant sur les produits et services est interdite. Ces seuils sont établis, pour chaque catégorie de produits et services, en fonction notamment des émissions de gaz à effet de serre, de la consommation d'énergie et de matières, des déchets produits et du niveau d'atteinte à la biodiversité et aux milieux naturels résultant de la fabrication, de la distribution, de la mise à disposition et de l'utilisation des biens et services. Une telle mesure pourrait priver les territoires ultramarins d'une manne touristique majeure : ce serait porter un coup fatal aux acteurs du tourisme qui traversent une période difficile en raison de la crise sanitaire. Par ailleurs, les productions agricoles ultramarines pourraient être menacées si la mesure de leur impact sur l'environnement devait prendre en compte le transport.

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Ce texte propose un encadrement. J'entends ici et là qu'on reviendrait au Moyen-Âge, qu'on supprimerait des emplois ; au contraire, il s'agit de remettre un peu de vertu dans un domaine où elle est absente – je connais le sujet, j'ai dirigé une agence pendant des années et je sais comment ça marche. Contrairement à ce qu'a dit Mme Stéphanie Kerbarh, tout le monde n'est pas au même niveau devant les annonces publicitaires ; il n'est pas toujours facile de décoder froidement des messages qui jouent sur la séduction et l'émotion.

Un exemple : au Chili, qui connaît les taux les plus élevés au monde d'obésité – 75 % des adultes, 50 % des enfants –, il a été décidé d'apposer sur les packagings et les publicités d'énormes logos noirs rappelant la teneur en glucides et les dangers d'une alimentation sucrée. Grâce à cette mesure, l'obésité a reculé de 25 % en cinq ans.

Alors qu'il existe encore des gens pour croire que la Terre est plate, il est important d'aider nos concitoyens à former ce jugement dont a parlé Mme Stéphanie Kerbarh.

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Je suis pour le moins étonné de certaines affirmations, sans doute dénuées de tout esprit de provocation. Mme Stéphanie Kerbarh a mis en cause les décrets, or il y a peu de législatures où l'on a autant usé et abusé de la voie réglementaire ! C'est faire un bien mauvais procès que de reprocher au rapporteur, sur un sujet aussi complexe et sensible, de s'en remettre à un décret pour l'application d'une mesure.

M. Bruno Millienne a expliqué que l'on entendait tout et son contraire et qu'il y avait des lobbies dans les deux camps. Mettre au même niveau les défenseurs de la publicité et les institutions me semble défier la logique scientifique et la raison démocratique ! Le Haut Conseil pour le climat, la COP 21, les accords internationaux ont débouché, par discernement, sur une vérité partagée qui justifie divers plaidoyers. Ce sont des socles. On ne peut pas tout mettre au même niveau, il faut tout de même rétablir la hiérarchie des valeurs ! Non, monsieur Millienne, on n'entend pas tout et son contraire : il y a ce que dit le Haut Conseil pour le climat, qui est le fruit d'un processus scientifique et démocratique, et ce que prétend le lobby des SUV. Faut-il rappeler que la vente des SUV ruine à elle seule tous les efforts d'électromobilité et d'altermobilité que nous réalisons par ailleurs ? Doit-on se satisfaire de cette situation ? N'est-il pas temps de changer et de remettre un peu de raison, de science et de démocratie dans tout cela ?

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Dans ce débat un peu curieux, certains semblent oublier que la réglementation de la publicité ne date pas d'aujourd'hui ! La publicité sur la cigarette est interdite et les paquets doivent comporter des messages d'avertissement ; la publicité sur l'alcool est strictement réglementée. Si l'on estime que le climat est une cause juste, au même titre que la santé, il ne me paraît pas choquant que le pouvoir exécutif, par une injonction qui demeure à vrai dire générale, prenne un certain nombre de mesures pour éviter les impacts les plus importants sur l'environnement.

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Madame Yolaine de Courson, la baisse de l'obésité en Amérique du Sud n'est pas seulement liée à la réglementation de la publicité : c'est plutôt en travaillant sur politiques favorisant l'accès à une alimentation saine et de qualité et à l'amélioration du pouvoir d'achat que le problème a pu être résolu.

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Je serai plus bref sur les articles qui suivent.

Je ne partage du tout à ce que vous venez de dire, chère collègue Stéphanie Kerbarh. Des études ont montré, et les chercheurs que nous avons auditionnés nous l'ont confirmé, qu'il était parfaitement possible – l'obésité en est un bon exemple – de déterminer précisément les incidences spécifiques des mesures prises en matière de publicité.

Je m'inscris également en faux contre votre analyse pour le moins surprenante selon laquelle la proposition de loi compterait trop de décrets – notre collègue M. Potier l'a très brillamment expliqué. Enfin, vous êtes totalement hors sujet pour ce qui est de l'agroalimentaire, puisqu'il n'entre pas dans le champ de la proposition de loi, même si certains essaient de faire croire le contraire.

Je remercie notre collègue M. Naillet, avec lequel je serai heureux de débattre de ce sujet au cours des prochains mois. Ce texte ne vise absolument pas le transport aérien à destination des outremers, même si l'on a tenté, dimanche, de le faire passer pour une loi anti-outremers : sont seulement visées les publicités du type « week-end à Athènes » ou « week-end à New York » – arrivée vendredi soir, retour dimanche soir – que, pour l'heure, l'ARPP autorise sans aucun problème. Nous ne parlons que des courts séjours ; les outremers ne sont absolument pas concernés.

J'aimerais également m'adresser à notre collègue M. Millienne, avec lequel je mène des combats communs – hier encore, pour un amendement adopté à une voix de majorité : ne vous laissez pas enfumer, cher collègue ! Si nous nous contentons, dans un premier temps, d'interdire la publicité pour les plus polluants des 4x4 et des SUV, aucun constructeur français ne sera concerné.

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Il n'y a plus de publicités pour ces voitures-là !

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Les choses évoluent et c'est tant mieux ; reste qu'en 2019, 95 % des publicités dans le secteur automobile concernaient des moteurs thermiques.

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Tant mieux, je prends note des progrès réalisés, mais il faut accélérer.

Plus généralement, contrairement à ce que vous semblez penser et à ce que les annonceurs prétendent, cette proposition de loi ne change pas le volume total de publicité, ce qui chagrine d'ailleurs nos collègues du groupe La France insoumise. Je veux bien que l'on nous fasse croire que tout le secteur se retrouvera au chômage du jour au lendemain, et de coup tous les médias faute de rentrées d'argent, mais c'est faux : on ne change pas le volume de publicité, on le réoriente progressivement vers les produits les moins impactants. On ne supprime pas la publicité, comme le proposent d'autres collègues et d'autres groupes. Il ne faut pas caricaturer.

Enfin, pourquoi un décret ? Pour laisser le temps à la concertation.

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Mais sur quoi vous appuyez-vous ? Les indicateurs n'existent pas ! Ils sont en cours de validation !

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Ne m'apostrophez pas comme ainsi, chère collègue !

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Monsieur le rapporteur, c'est à moi de faire la police des débats.

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La rédaction initiale pouvait paraître un peu floue sur certains points ; mais tout devient très clair avec mon amendement de réécriture de l'article, qui définit précisément les critères de constitution des seuils d'impact.

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J'entends dire que cet amendement porterait atteinte à la liberté de choix de consommation, qu'il serait liberticide. En abordant le problème sous le seul angle de la consommation, démarche qui intrinsèquement nous pose problème, on élude la question de la production et de la liberté de production. Quelle est la liberté de choix des salariés dans la stratégie des entreprises, pour contribuer eux-mêmes au caractère durable du produit, pour décider quel produit fabriquer et comment ?

Prenons le cas de Renault : les propositions des salariés visant à développer une petite voiture électrique populaire, à coût accessible pour les citoyens, sont systématiquement rejetées par la direction. En adoptant une approche centrée sur la consommation – ce n'est pas un reproche, c'est un constat –, on passe à côté d'un enjeu démocratique dans la détermination des choix de production dans notre pays, au-delà des enjeux économiques, notamment en matière d'emploi. C'est la raison pour laquelle je m'abstiendrai.

La commission rejette l'amendement CD28.

(Présidence de Mme Stéphanie Kerbarh.)

La commission examine l'amendement CD3 de M. Loïc Prud'homme.

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L'amendement CD3 me permettra d'indiquer ma position sur l'article 2 et sur les échanges précédents.

Monsieur le rapporteur, votre proposition ne changera absolument rien aux volumes financiers engagés dans l'industrie publicitaire, dites-vous. Mais le comportement des lobbyistes qui depuis plusieurs jours vous prêtent des intentions d'interdiction plaide pour l'adoption de notre amendement : ce qui les ennuie, c'est bien qu'on les contraigne à modifier le volume de leurs publicités, mais également qu'on limite les types de publicité autorisés.

Notre amendement CD3 est très clair : il n'est pas question de continuer à autoriser la publicité pour les industries les plus polluantes qui nous ont menés dans le mur climatique devant lequel nous sommes aujourd'hui – et non dans dix ans, monsieur le rapporteur. Les débats que nous avons depuis deux heures confirment à mes yeux que cet amendement est le plus à même d'engager la transition écologique dont nous avons besoin.

Quant au recours à un décret, il me semble poser problème. Cette législature est vraiment celle du gouvernement des décrets. Peut-être avez-vous passé trop de temps en Macronie, cher Matthieu Orphelin, mais vous reprenez exactement les mêmes méthodes ! Vous nous faites voter une coquille, certes très jolie et peinte en vert, mais vide, car tout renvoie à des décrets ! À quoi vous attendez-vous ? Croyez-vous que le gouvernement de votre ami M. Emmanuel Macron prendra le moindre décret contraignant ? Je vous pensais naïf, mais pas à ce point-là !

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C'est toujours vers onze heures trente que notre collègue M. Prud'homme se réveille, quand il commence à avoir faim ! Je le remercie de ce rappel, mais cela fait dix-huit mois que j'ai quitté la « Macronie », où je ne suis resté que treize mois…

Le but était de commencer par fixer un cadre, et le recours à un décret permet de continuer à agir après la phase de concertation. Je sais que nous ne sommes pas d'accord sur la façon de faire, monsieur Prud'homme ; j'espère que nous parviendrons un jour à faire converger nos positions qui sont moins éloignées que vous voulez le faire croire. Je préfère la rédaction plus progressive que j'ai proposée. Je suis donc défavorable à votre amendement. J'entends bien que, pour vous, je suis trop mou, et pour les députés LaREM, trop dur : tout cela est affaire de point de vue.

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L'économie de la création culturelle induite par la publicité est une réalité : il s'agit d'une véritable industrie, avec des artistes, des artisans, tout un commerce. Nous serions fous de la mépriser, comme de mépriser tel ou tel secteur d'activité concerné par la transition sociale et écologique. Ce serait preuve de faiblesse, et d'une certaine pauvreté d'imagination de considérer que ce serait la fin de cette industrie. Nous avons à lutter contre des maladies chroniques, nous avons engagé des millions de concitoyens à adopter d'autres modes de vie, une autre manière de vivre ; nous avons besoin de messages publicitaires.

Le groupe Socialistes et apparentés avait déposé une série d'amendements, malheureusement tombés sous le coup de l'article 40 de la Constitution, qui distinguaient trois catégories : la rouge, où la publicité serait purement et simplement interdite, l'orange, où elle serait autorisée mais taxée, et la verte où elle serait tolérée, comme aujourd'hui. En taxant les publicités de la catégorie orange à un taux suffisant, nous pourrions renforcer le financement de l'association France prévention ou celui de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie – ADEME –, afin de leur donner des moyens d'information et d'éducation à la hauteur des enjeux de notre société. Ce qui garantirait, pour les médias qui accueillent la publicité, une ressource, qu'elle soit publique ou privée, de même hauteur ; quant aux créateurs, j'imagine qu'ils sont prêts à mettre leur talent au service de la puissance publique comme ils le font pour une multinationale. C'est un abaissement du raisonnement que de penser que la fin de la publicité équivaut à la fin de la communication. C'est au contraire une mutation de la communication, avec un rééquilibrage au bénéfice de la citoyenneté et non plus de cette servitude marchande à laquelle nous consentons trop facilement.

La commission rejette l'amendement CD3.

Puis elle rejette l'article 2.

Après l'article 2

La commission examine, en discussion commune, l'amendement CD2 de M. Loïc Prud'homme et l'amendement CD19 de M. Hubert Julien-Lafferrière.

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L'amendement CD2 vise à interdire toute forme de publicité ou de communication commerciale incitant directement ou indirectement à dégrader, abandonner ou remplacer prématurément des produits encore fonctionnels.

Selon les auteurs du rapport intitulé « Big Corpo », paru juste avant l'été à l'initiative d'un collectif d'associations, chaque individu serait exposé chaque jour à 15 000 stimuli commerciaux en moyenne. L'objet de ces messages n'est pas d'accorder la marchandise aux besoins réels de l'individu, mais d'accorder les besoins de l'individu à l'accumulation infinie de marchandises.

Les marques savent parfaitement comment influer sur nos choix de consommation ou de non-consommation. Leur impact neuro-cognitif est avéré et documenté. Elles nous persuadent que la sobriété n'est pas une solution et qu'il est possible de consommer toujours plus sans altérer ni la qualité des ressources disponibles, ni leur quantité, ni la qualité de l'environnement.

Ainsi, chaque Français consomme en moyenne dix kilos de textile neuf par an. Pour respecter les accords de Paris en matière d'émissions de gaz à effet de serre, il faudrait diviser ce chiffre par dix, pour parvenir à une consommation d'un kilo de textile neuf par habitant en 2022. Il est illusoire de considérer que le marché se régulera seul. L'obsolescence des produits n'est pas réservée, contrairement à ce qu'on pense, au monde de l'électronique et de l'électroménager. Elle vaut le secteur textile : en vous faisant croire que la couleur de vos chaussures ou de vos habits n'est plus la bonne parce que la mode a changé, on vous incite à en racheter régulièrement, même si même si vous n'en avez pas forcément besoin. De fait, cette proposition de loi ne s'attaque pas assez au problème de l'obsolescence des produits, quels qu'ils soient. Nous souhaitons par l'amendement CD2 l'introduire dans le débat.

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Mon amendement CD19 propose d'intégrer dans la loi certains points de la dernière recommandation « Développement durable » de l'ARPP. Il me semble que nous pouvons tomber d'accord sur le fait que l'autorégulation, en matière de publicité, ne fonctionne pas bien.

Certaines publicités incitant à la surconsommation ne sont pas soumises à l'avis de l'ARPP. Beaucoup passent à travers les mailles du filet ou sont jugées a posteriori conformes aux règles déontologiques par le jury de déontologie publicitaire, ce qui provoque parfois des scandales – tels que l'affaire C-Discount. Plus grave, même si des publicités sont condamnées par le jury de déontologie publicitaire, la seule sanction se limite à un affichage sur son site internet…

Lorsque l'autorégulation fonctionne, comme c'est le cas dans d'autres domaines, il n'est pas besoin de légiférer. Mais en l'espèce, le caractère a posteriori du contrôle des campagnes publicitaires et l'absence de réelle maîtrise des sanctions prouvent la nécessité d'un encadrement législatif confortant la régulation assurée par l'ARPP.

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Je partage la volonté de mieux encadrer la publicité en matière d'incitation à la surconsommation et remercie nos collègues de leurs amendements. J'ai une légère préférence pour celui de M. Julien-Laferrière, qui me semble plus complet, soit dit sans aucun favoritisme. Je suggère donc à M. Prud'homme de retirer son amendement CD2 afin que nous puissions tous voter, dans un immense élan, l'amendement CD19…

La commission rejette successivement les amendements.

Puis elle examine l'amendement CD20 de M. Hubert Julien-Lafferrière.

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L'article additionnel proposé par cet amendement vise à instaurer l'obligation d'afficher de façon visible, sur les produits concernés, une information environnementale obligatoire ou un label environnemental reconnu par l'État.

Dans la plupart des publicités où elles sont obligatoires, les rares mentions à caractère écologique sont quasiment illisibles, voire invisibles. L'exemple le plus emblématique est l'affichage obligatoire des émissions de CO2 des voitures, qui passe inaperçu. Le Gouvernement a reçu au mois de juin dernier un rapport de MM. Libaert et Guibert qui préconise d'accroître la visibilité des mentions légales, pour l'heure dépourvues d'efficacité.

Nous proposons d'adopter un dispositif plus simple et plus clair, immédiatement compréhensible, sous forme de codes couleur, dont le détail serait précisé par décret. L'exemple du Nutriscore démontre que nous pouvons faire beaucoup mieux pour informer le consommateur des dégâts sur l'environnement de certains produits mis en avant par la publicité.

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Avis très favorable. Ces informations sont insuffisamment mises en évidence. Certains amendements de notre collègue M. Potier, qui ne satisfaisaient pas aux critères de recevabilité financière, procédaient de la même idée. Mieux mettre en avant les conséquences de certains produits sur l'environnement ne peut qu'avoir des effets positifs.

J'espère que nous finirons par adopter l'une ou l'autre des dispositions proposées. Si la Commission du développement durable de l'Assemblée nationale n'y parvient pas,…

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Monsieur le rapporteur, nos collègues savent ce qu'ils doivent voter.

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On ne commente pas le vote de ses collègues !

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Mme Kerbarh l'a fait tout à l'heure ! Cela suffit, les leçons du groupe La République en Marche ! Un peu de dignité !

La commission rejette l'amendement.

Puis elle examine l'amendement CD12 de M. Dominique Potier et l'amendement CD4 de M. Loïc Prud'homme.

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Mon amendement CD12 reprend un combat que Guillaume Garot, moi-même et les autres membres du groupe Socialistes et apparentés menons depuis très longtemps. Soyons honnêtes : même sous la précédente majorité, nous n'avons pas réussi à le mener à bien… Il fallait maintenir l'équilibre financier des grands médias, notamment des chaînes de télévision.

Il s'agit de limiter et d'encadrer la publicité de tout produit nocif pour la santé des enfants. Plus ceux-ci grandissent dans des milieux culturellement, socialement et économiquement défavorisés, plus ils en sont victimes. Les familles, trop fragiles pour faire contrepoids, ne relaient pas les messages de santé publique alors même qu'elles sont sans cesse exposées, par le biais des écrans, aux messages incitant globalement à manger gras, sucré et salé.

Chacun connaît les conséquences de cet état de fait en France comme dans d'autres pays : l'augmentation des cas de diabète de type 2 et autres problèmes gravissimes de santé publique, notamment l'obésité. Au handicap sanitaire vient s'ajouter un véritable handicap social.

La moindre des choses, nous semble-t-il, consisterait, comme nous l'avons fait dans les lois relatives à l'agriculture et dans les véhicules législatifs qui le permettaient, d'encadrer la publicité destinée aux enfants. Rappeler les contre-indications n'est pas efficace. Il faut impérativement interdire ces publicités, ou à tout le moins les encadrer.

Or à chaque fois, sous la présidence de M. François Hollande comme sous celle de M. Emmanuel Macron, on nous a opposé le même et unique argument : l'équilibre financier des chaînes de télévision. Le jour où la sécurité sociale va exploser face aux problèmes de santé publique qui frapperont notamment les milieux populaires, comment expliquerons-nous à nos enfants et à nos petits-enfants combien nous avons été lâches en continuant à favoriser la malbouffe ? C'est incroyable ! J'appelle vraiment votre attention sur ce point.

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Mon amendement CD4 porte sur le même sujet. Nous proposons d'interdire immédiatement la publicité relative aux pratiques alimentaires néfastes pour la santé. Comme l'a rappelé M. Dominique Potier, la promotion d'une alimentation saine est un enjeu de société majeur. La consommation d'aliments trop gras, trop salés ou trop sucrés expose à un risque accru de développer un diabète, du surpoids, de l'obésité ou des maladies cardio-vasculaires. J'ai beaucoup travaillé sur ce sujet, notamment lorsque j'ai présidé une commission d'enquête qui y était consacrée.

En quelques années, la proportion de personnes traitées pour un diabète a doublé en France, atteignant 5,4 % de nos concitoyens. Près de la moitié des Français sont en surpoids ; 17 % sont obèses. Les maladies cardio-vasculaires sont responsables de 140 000 décès par an. Il est temps d'agir pour inverser cette tendance, ce qui suppose d'autoriser la publicité des seuls produits permettant une alimentation saine, qui pourraient être évalués d'après leur Nutriscore : ce pourrait être une première base, à défaut d'être l'alpha et l'oméga de la nourriture saine.

S'agissant plus spécifiquement des enfants et des adolescents, il convient de cesser toute publicité pour les produits alimentaires et les boissons qui les ciblent. Le marketing neuro-cognitif explique que 76 % des demandes d'achat des enfants âgés de quatre à dix ans portent sur des produits pour lesquels ils ont vu une publicité. Ces publicités sont réalisées en vue de créer des besoins qui n'existent pas au sein de ce public, dont 18 % est en surpoids.

Comment une proposition de loi relative à l'encadrement de la publicité peut-elle ignorer ce sujet ? Monsieur le rapporteur, j'ai cru comprendre que vous êtes favorable à son inclusion dans la présente proposition de loi.

S'agissant de l'équilibre financier d'une telle mesure, j'aimerais abonder dans le sens des propos de M. Dominique Potier par quelques données chiffrées : l'obésité, le diabète et les autres maladies chroniques provoqués par la malbouffe, ainsi que les émergences de cancer qui en découlent, coûtent à notre système de santé plus de 50 milliards d'euros par an. Les conséquences des mesures que nous proposons sur l'équilibre financier des régies publicitaires, télévisées par exemple, seraient, d'après mes calculs, de l'ordre de 600 millions d'euros par an, soit 100 euros pour chacun de nos fils et chacune de nos filles. La santé de nos enfants vaut bien plus que 100 euros par tête…

Il faut absolument que nous nous saisissions de ce sujet et que la puissance publique mobilise les moyens nécessaires pour que la sécurité sociale, notre système de santé en général et la santé de notre population n'explosent pas en plein vol.

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L'amendement CD12 se propose d'ajouter aux objectifs de la politique alimentaire française l'encadrement de la publicité et du marketing alimentaires auxquels sont exposés les enfants. Ce n'est pas le sujet d'aujourd'hui, mais comme il s'agit d'ajouter un principe à la loi qui pourra permettre des avancées par la suite, je suis très favorable à cet amendement et je remercie notre collègue M. Potier de mener ce combat inlassablement, depuis plusieurs années. Il faut en effet mettre un terme à une certaine lâcheté sur ce sujet, comme sur d'autres.

Je remercie également notre collègue M. Prud'homme du travail qu'il a réalisé sur la malbouffe. Chacun sait que votre implication a été totale, cher collègue. En dépit de l'importance du sujet pour notre société, il est assez éloigné de l'objectif initial de la proposition de loi dans la mesure où celle-ci porte sur l'impact environnemental de la publicité, non sur l'agriculture et l'alimentation. Cela pouvait justifier certaines réserves à son égard ; mais loin de moi l'idée de mésestimer l'importance du sujet.

Toutefois, à présent que le texte a été largement vidé de sa substance et que tout porte à croire qu'il le sera complètement lorsque nous achèverons son examen, j'émets un avis favorable. Même si la rédaction de l'amendement CD4 pose problème, mieux vaut une action, fût-elle imparfaite, que l'inaction.

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Je soutiens l'amendement de M. Loïc Prud'homme, auquel je dois le chiffrage du coût de la mesure proposée pour le secteur de la publicité. Je l'avais estimé à 800 millions d'euros, et lui à 600 millions ; pour une fois, le groupe La France insoumise donne l'exemple de la modération, ce dont je suis très heureux…

En revanche, les chiffres qu'il avance pour le diabète de type 2 et l'obésité me semblent très en deçà de la réalité. Nous pouvons vérifier ce point et l'aborder de nouveau en séance publique. Je m'appuie pour ma part sur un chiffre solide, fourni par le ministère des solidarités et de la santé.

J'aimerais aussi évoquer un problème qui frappe les enfants in utero : le syndrome d'alcoolisme fœtal. Il s'agit d'une addiction provoquée par des pauvretés multiples, mais aussi d'un problème d'information des femmes enceintes sur la consommation ou la non-consommation d'alcool. Le coût pour la sécurité sociale des réparations de ses conséquences – pour autant qu'on puisse les réparer, car les dégâts sont souvent irréversibles – est estimé à 20 milliards d'euros.

Allons-nous continuer à raisonner « en silo », en protégeant les quelques centaines de millions gagnés par l'industrie publicitaire grâce à la malbouffe, qui pourraient être mieux utilisés, et en réparant de façon indigne les dégâts dont sont victimes les plus fragiles de notre société ? Franchement, sur ce sujet, sur un amendement aussi modéré prévoyant d'encadrer la publicité et le marketing alimentaires auxquels sont exposés les enfants, pouvons-nous renoncer au courage ?

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Monsieur le rapporteur, mon amendement est loin d'être sans rapport avec l'environnement : la production d'aliments ultratransformés par l'agro-industrie a des conséquences directes sur le mode d'agriculture retenu, donc sur notre environnement.

La commission rejette successivement les amendements.

Puis elle est saisie de l'amendement CD18 de Mme Aude Luquet.

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Cet amendement d'appel reprend celui déposé par la majorité et adopté au cours de l'examen de la proposition de loi du groupe La France insoumise visant à améliorer la qualité nutritionnelle des aliments et à encourager les bonnes pratiques alimentaires. Il s'agit de rappeler l'importance de la présence du Nutri-Score dans les publicités alimentaires et au-delà, afin de renforcer la lutte contre l'obésité en améliorant l'information du consommateur, qui doit être simple et transparente. Ce combat est à mener à l'échelon français comme au niveau européen. Rappelons que la proportion de personnes obèses a presque doublé en vingt ans.

La commission rejette l'amendement.

Article 3 (article L. 581-4 du code de l'environnement) : Interdiction de la publicité lumineuse numérique

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L'article 3 prévoit d'interdire toutes les publicités lumineuses numériques. Si l'affichage numérique peut soulever de légitimes interrogations, une disposition aussi radicale ne nous semble pas envisageable.

Tout d'abord, ce secteur d'activité est déjà très réglementé, particulièrement au niveau local : les collectivités, sur le territoire municipal ou intercommunal, peuvent décider d'interdire la publicité ou tout au moins d'en encadrer le format ou le type de dispositif. C'est particulièrement vrai pour l'affichage numérique, soumis à une réglementation en général plus restrictive.

Qui plus est, ces panneaux, tous équipés d'une sonde de luminosité, sont éteints entre minuit et six heures du matin. Bref, les villes qui autorisent l'affichage numérique pourraient très bien, d'ores et déjà, décider de l'interdire.

Pour ce qui est des conséquences économiques d'une telle mesure, je m'étonne qu'à l'heure où nous traversons une crise sanitaire, économique et sociale, le numérique se retrouve banni du secteur de l'affichage publicitaire et de lui seul, alors même qu'il est partout ailleurs présenté comme un élément incontournable de la transition écologique et comme la solution pour évoluer vers une société plus sobre – sans parler des conséquences sur l'emploi.

Tout comme Mme Aude Luquet, j'ai le sentiment que vous faites de l'affichage numérique l'épouvantail qui serait à l'origine de tous les maux de notre société.

Je suis convaincu que le numérique, mis au service de la publicité, représente une véritable opportunité pour relancer l'économie, dans le respect de la transition écologique. Souvenons-nous des entrées de nos villes, polluées par une multitude de panneaux publicitaires de quatre mètres par trois il y a encore quelques années : les panneaux numériques, en permettant de regrouper plusieurs annonceurs sur un seul affichage, ont considérablement réduit la pollution visuelle.

Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas l'article 3.

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Le groupe UDI et Indépendants votera contre cet article pour des raisons de fond et de forme. Les élus locaux sont les plus à même de réguler ce secteur en prenant des mesures qui, tout en allant dans notre sens, seront adaptées aux réalités des territoires. De surcroît, il convient de distinguer entre les différents types d'affichages lumineux : si les panneaux numériques installés à l'extérieur, notamment ceux qui mesurent quatre mètres par trois, peuvent représenter une pollution visuelle importante, surtout la nuit, il n'en va pas de même de ceux que l'on trouve à l'intérieur des gares, des aéroports ou des stations de transport public, qui peuvent permettre, par ailleurs, d'engranger des recettes. Il me semble impossible d'adopter une disposition aussi générale.

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Ce dernier article subira, n'en doutons pas, le même sort que les précédents… Ne perdons pas notre temps à écouter les raisons qui vous poussent à ne pas agir et à balayer d'un revers de la main une proposition de la Convention citoyenne pour le climat. Vous en avez le droit mais je le regrette. Selon une étude de l'ADEME, un panneau lumineux de deux mètres carrés, qui aura nécessité plus huit tonnes de matériaux pour sa construction, émet environ 2,5 tonnes d'équivalent CO2 sur l'ensemble du cycle de vie et consomme plus de 2 000 kilowattheures d'électricité par an.

Pour ce qui est de la pollution visuelle, vous trouverez dans notre rapport quelques éléments de synthèse des analyses des chercheurs auditionnés. Ils militent largement pour une régulation de la publicité numérique lumineuse dans les espaces publics comme privés, ce que prévoit l'article 3.

Enfin, pour répondre aux inquiétudes du secteur concerné, je proposerai tout à l'heure un amendement CD25 qui vise à repousser la date d'entrée en vigueur de cette interdiction au 1er janvier 2025. Je retire les autres amendements, rendus inutiles par la non-fertilité du débat.

La commission en vient à l'amendement CD5 de M. Loïc Prud'homme.

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Cet amendement vise à étendre le champ de l'interdiction des publicités numériques ou lumineuses. La publicité s'apparente à une manipulation cognitive qu'il convient d'éliminer de l'espace public. Le rapporteur vous a rappelé les effets de cette publicité sur l'environnement mais il était, ce faisant, bien en deçà de la réalité car certains nouveaux panneaux, je viens de l'apprendre, ne sont plus seulement numériques ou lumineux : ils peuvent reproduire le fumet et le crépitement d'un plat qui mijote ! Tous les moyens sont bons pour manipuler notre imaginaire et nous faire acheter des produits dont nous n'avons pas besoin. Je suis très inquiet qu'on en arrive à cette extrémité : il est pratiquement impossible pour nos cerveaux de résister à ces messages de manipulation cognitive. Qui plus est, les outils techniques qui permettent d'atteindre un tel résultat rendront les panneaux publicitaires encore plus consommateurs d'énergie et de ressources, au détriment de l'environnement. Nous avons atteint le sommet de la folie. Il faut absolument mettre fin à cette dérive.

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Ne tombons pas dans la caricature, cher collègue Prud'homme. L'exemple que vous citez se résume à un panneau et je ne suis pas certain qu'il sera suivi de beaucoup d'autres.

Monsieur le rapporteur, vos propos sont contradictoires : d'un côté, vous affirmez votre volonté de réguler, que nous partageons, mais de l'autre, vous proposez d'interdire. Or, on ne régule pas en interdisant.

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Mme Auconie l'a très justement rappelé, les élus locaux ont toute latitude pour réguler la publicité, en particulier l'affichage numérique, à travers des règlements locaux de publicité municipaux ou intercommunaux. Ainsi, la ville de Grenoble avait décidé, en 2014, d'interdire la publicité mais cette décision a été remise en cause en 2019, puisque le syndicat mixte des mobilités de l'aire grenobloise a lancé un appel d'offres portant, notamment, sur des dispositifs numériques, lequel a été remporté par une grande société d'affichage. L'affichage et la publicité représentent des ressources nécessaires pour les collectivités locales. Ne serait-ce que pour cette raison, il est préférable de réguler.

Rappelons enfin que la proposition issue de la Convention citoyenne pour le climat, à laquelle vous faites souvent référence, opère une distinction en autorisant les panneaux publicitaires destinés à l'information locale ou culturelle. Or le code de l'environnement définit clairement la publicité en son article L. 581-3 comme « toute inscription, forme ou image, à l'exclusion des enseignes et des pré-enseignes, destinée à informer le public ou à attirer son attention ». Par conséquent, il est impossible de distinguer entre la publicité, l'affichage municipal, culturel, sportif ou associatif. Vous expliquerez aux élus locaux que vous voulez interdire l'ensemble de ces messages dans leur territoire…

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Je comprends votre intention, monsieur le rapporteur, mais je partage l'avis de Mme Auconie : le groupe MoDem attache une importance capitale à la libre administration des collectivités. Mme la ministre Jacqueline Gourault s'apprête d'ailleurs à présenter au Parlement un projet de loi dit « 3D » – décentralisation, différenciation et déconcentration – et nous serons particulièrement attentifs aux mesures relatives à la décentralisation et à la différenciation. Or votre article 3 revient à donner la main à la déconcentration, ce que nous voulons précisément éviter. Nous voterons donc contre.

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Cet argument de la liberté des territoires m'agace. Nous avions obtenu la liberté de construire des lotissements, de créer des zones industrielles : c'était le fruit de la décentralisation. On s'est aperçu qu'il fallait une régulation : c'est ce qu'a fait la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain, dite « loi SRU », en instaurant une planification stratégique pour économiser les sols, l'énergie et le capital naturel. Cette régulation s'est faite par le bas, avec les élus locaux, sous le regard de l'État qui a fixé des limites ; mais ce sont les élus qui font la régulation.

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Le processus qui nous est proposé aujourd'hui relève de la même logique. Les élus locaux peuvent mettre librement en œuvre ces mesures, dans un cadre fixé par la loi car l'énergie n'est pas inépuisable et il faut en limiter la consommation. Dès juillet-août, on a déjà consommé toutes les ressources annuelles que produit la Terre et on se met à faire crever les autres ! Opposer la liberté des territoires à notre survie commune est d'un archaïsme absolu.

Pour réguler les grands espaces urbains sous le regard de l'État, nous avons inventé la loi SRU. C'est ce processus vertueux que je reconnais dans le dessein de cette proposition de loi : réguler au nom de l'intérêt général, dans le respect du discernement local. N'opposons surtout pas les uns aux autres.

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Je retiens de cet échange que nos divergences quant au rôle de la loi sont beaucoup plus profondes que je ne le pensais. La loi est là pour encadrer, interdire, fixer un cap. Or, à chaque fois que nous avons voulu lui donner ce rôle, on nous a répondu qu'il ne fallait surtout pas dessaisir certains de leurs prérogatives, ce qui revient à reconnaître l'impuissance politique au niveau national. Décidément, on aime l'incantation… On se respecte énormément au sein de cette commission, tout le monde dit partager notre analyse, et je ne doute pas que ce soit sincère, mais dans la pratique, on ne fait rien ! Cette proposition de loi ne contient plus aucune mesure qui permette de s'engager dans la bonne voie. Il faudrait réduire de 5 à 7 % les émissions de gaz à effet de serre, diminuer notre consommation d'énergie. Bien sûr, vous semblez approuver le principe mais dès qu'il s'agit de prendre des mesures concrètes, vous nous opposez les collectivités, les compétences, les maquettes pédagogiques – auxquelles nous ne touchions pas, du reste. J'ai le sentiment qu'un fossé nous sépare sur nos conceptions de ce que doit faire la loi. Ou bien l'on décide de ne rien faire et de ne servir à rien, ou bien on essaie de faire une loi de l'action, quitte à discuter de la date de mise en œuvre et des modalités. Or, depuis trois heures, nous avons des débats très intéressants, mais nous n'avons pas réussi à avancer sur la moindre action.

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Je ne peux vous laisser dire que rien n'a été fait et que nous ne voulons rien faire. Commençons par reconnaître que nous ne partons pas de rien. Nous avons deux manières de voir les choses, qui s'opposent ; prenons acte de ce désaccord, dans le respect les uns des autres. Je soutiens que le numérique doit être mis au service de la transition écologique et de l'économie de demain : ce n'est pas en l'interdisant que nous avancerons. Oui à la régulation, non à l'interdiction totale.

La commission rejette l'amendement.

L'amendement CD24 du rapporteur est retiré.

La commission rejette l'amendement CD25 du rapporteur.

Les amendements CD26 et CD27 du rapporteur sont retirés.

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Cette discussion aura mis en évidence, de manière claire et respectueuse, les positions des uns et des autres. J'aurai deux regrets.

Pour commencer, certains sous-estiment totalement la portée de la publicité qui n'est rien d'autre que l'art d'orienter les choix des consommateurs. C'est son essence même. C'est dommage : nos débats en auraient été différents.

Je regrette également, mais ainsi le veut la règle démocratique, que sur ce sujet, comme sur tant d'autres qui touchent à l'écologie, l'inaction l'ait une nouvelle fois emporté sur l'action. Il aurait pu en être autrement, ne serait-ce qu'en adoptant l'article 1er ou l'article 2 réécrit : vous auriez envoyé aux acteurs le signal que la mobilisation changeait d'échelle. Cela aurait même pu préparer le terrain pour la future loi issue des travaux de la Convention citoyenne pour le climat, dont on nous dit maintenant qu'elle n'arrivera pas à l'Assemblée avant la fin du premier trimestre 2021 : autrement dit, elle ne sera pratiquement pas appliquée durant ce mandat. Espérons que les choses changeront en 2022 et que nous pourrons enfin avancer, en accompagnant l'ensemble des acteurs, notamment dans le secteur de la publicité.

La commission rejette l'article 3.

Après l'article 3

La commission est saisie de l'amendement CD6 de M. Loïc Prud'homme.

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Cet amendement vise à taxer le montant des contrats de publicité et de marketing signés par les entreprises ainsi que le chiffre d'affaires des régies publicitaires à hauteur de 5 %. Il permet de baisser le seuil du chiffre d'affaires des personnes assujetties à cette taxe sur la valeur ajoutée et d'augmenter le pourcentage de cette taxe. Les sommes ainsi collectées permettront d'abonder le budget de l'État ; le volant budgétaire ainsi dégagé pourra être fléché pour partie vers l'audiovisuel public dont les recettes publicitaires seront réduites du fait des dispositions de l'article 2, qui prévoit d'interdire la publicité pour la malbouffe, ainsi que vers les collectivités locales qui s'engageraient dans des actions visant à promouvoir la sobriété et qui accepteraient de retirer les panneaux publicitaires de l'espace public.

Sur 3 millions d'entreprises en France, moins de 1 % ont accès au marché publicitaire. En 2014, à peine de plus de 600, autrement dit 0,02 % d'entre elles, représentent 80 % des dépenses publicitaires engagées. Des sommes colossales sont investies à rebours de l'urgence écologique et climatique pour laquelle je plaide depuis trois ans. En 2019, les secteurs automobile, aérien et des énergies fossiles auront à eux seuls investi plus de 5,1 milliards d'euros dans la publicité et la communication.

Grâce aux marges financières ainsi dégagées, les élus locaux pourraient sortir de cette spirale infernale qui les oblige à accepter des panneaux publicitaires dans leur territoire parce qu'ils sont synonymes de recettes. Et pour ce qui est de l'audiovisuel, il me semble essentiel de ne pas fragiliser certains équilibres et de favoriser la transition rapide et efficace de ce secteur en lui trouvant de nouvelles ressources, indépendantes de la publicité.

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Avis plutôt défavorable car nous proposerons, lors de l'examen du projet de loi de finances, un autre dispositif à partir d'une contribution sur l'ensemble des achats d'espaces plutôt que du chiffre d'affaires des régies publicitaires. Mais vous abordez un réel problème. Nous y travaillerons dans le cadre du projet de loi de finances avec notre collègue Mme Émilie Cariou.

La commission rejette l'amendement.

Elle examine enfin les amendements CD10, CD11, CD8, CD13, CD14 et CD16 de M. Dominique Potier.

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Ces amendements visent à approfondir certaines dispositions de la proposition de loi, si du moins celle-ci avait été construite dans un esprit participatif.

L'amendement CD10 vise à consolider une avancée obtenue dans la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, en matière d'affichage environnemental et social dans l'industrie de la mode. L'industrie du textile est la deuxième plus polluante au monde et ce secteur est celui où il est le plus porté atteinte aux droits de l'homme, notamment pour ce qui concerne la sécurité et le travail des enfants.

L'amendement CD11, dans le même esprit, tend à ce que le Gouvernement remette au Parlement un rapport relatif à la mise en œuvre d'une obligation d'affichage environnemental et social applicable à la publicité faisant la promotion de produits textiles d'habillement.

L'amendement CD8 est peut-être le plus important de la série. Il prolonge une proposition de loi du groupe Socialistes et apparentés défendue le 19 décembre 2019 mais qui n'avait pas été suivie par la majorité – mais, entre-temps, les consciences ont pu évoluer. L'idée est d'expérimenter un « scoring », une certification publique de la responsabilité sociale et environnementale (RSE) des entreprises. Cette notation mettrait en valeur, par exemple, leur absence dans les paradis fiscaux, leur respect de l'égalité hommes-femmes, la diminution progressive de leur empreinte carbone ou encore leur participation à l'économie circulaire – bref, des critères sociaux.

Le monde de l'économie sociale et solidaire (ESS) a réalisé, sur la base des travaux des Journées de l'économie autrement, un scoring qui ressemble furieusement à ce que nous n'avons pas pu, à mon grand regret, inscrire dans la loi. Il est renseigné à 80 % à partir des documents comptables, le reste faisant l'objet d'une simple enquête. Ainsi, la loyauté fiscale et sociale, la contribution au bien-être et le respect de la planète sont notés sur une échelle de 1 à 100. Cela permet de classer les entreprises en rouge, vert et orange – c'est une sorte de Nutri-Score pour les entreprises. Tout le mouvement de l'ESS – je pense en particulier au Centre des jeunes dirigeants d'entreprise – est favorable à cette différenciation qui éclairerait le citoyen, comme consommateur, épargnant et collaborateur potentiel, mais qui permettrait également à l'État de mener des politiques sociales et fiscales modulées.

Il y a un siècle, la comptabilité classique a permis d'augmenter la prospérité par la loyauté des échanges ; je suis persuadé que le fait de connaître la réalité de la contribution sociale et environnementale d'une entreprise serait un levier de changement extrêmement puissant pour notre société. En tout cas, ce serait un acte démocratique tout à fait fondateur.

L'amendement CD13 propose, dans une autre version, un encadrement de la publicité et du marketing alimentaires auxquels sont exposés les enfants, que j'ai défendu tout à l'heure avec le succès que vous savez.

Enfin, j'ai la conviction profonde que la gauche a perdu son âme le jour où, sous l'impulsion d'un ministre de l'économie qui s'appelait Emmanuel Macron, elle a augmenté le nombre de jours d'ouverture des magasins. C'était en 2015, dans un texte préfigurant la loi dite PACTE. Si l'on devait écrire ce qui est la fin d'un récit social, écologique et, j'en ai peur, civilisationnel… (Exclamations.) Puis-je terminer ? Vous pourriez au moins me respecter, d'autant que j'ai fait l'effort de regrouper tous mes amendements.

À l'époque, j'ai échangé avec M. Emmanuel Macron, avec beaucoup de respect, car ce sont des choses dont on peut parler en se respectant, même quand on n'a pas les mêmes opinions. J'étais un des rares, dans le groupe socialiste, à m'opposer à cette décision, ce qui m'a valu d'être tourné en ridicule. Je soutenais que faciliter l'ouverture des magasins le dimanche et les jours patriotiques et religieux, autrement dit les jours fériés, était un abaissement de notre civilisation ; que, dès lors que nous étions entrés dans l'anthropocène, nous devions, au contraire, apprendre à partager, à vivre autrement ; qu'une société ayant une âme, une culture, était aussi capable d'être productive, et qu'il fallait réussir les deux à la fois ; que cette sorte d'abaissement civilisationnel consistant à supprimer les jours communs était une faiblesse énorme qui, sur le plan idéologique, a marqué pour nous le début de la fin. Eh bien, il faut envoyer un signe de renaissance. Je dis qu'il faudrait un jour sans pub, un jour où ni Amazon – ou un autre des GAFA – ni aucune puissance privée ne pourront coloniser nos imaginaires, un jour libéré pour la culture, pour le spirituel, pour le lien, pour le décarboné, pour tout ce qui est le sens et l'essence même de notre vie. Tel est l'objet de l'amendement CD16.

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Je soutiens tous ces amendements, à l'exception du dernier, car je ne suis pas persuadé par ce jour sans pub, malgré le brillant plaidoyer que nous venons d'entendre : même ce jour-là, la publicité sera partout, par exemple dans les magazines. Je préfère donc des mesures valables toute l'année.

En revanche, je suis favorable à la généralisation de mentions relatives à la qualité environnementale et sociale dans les publicités pour des produits textiles d'habillement. Merci, cher collègue Potier, de montrer la voie et d'essayer inlassablement de faire avancer cette question évidemment très importante. Avis favorable, donc, à l'amendement CD10.

Il en va de même pour l'amendement CD11. Le consommateur manque d'informations quant à l'impact des produits d'habillement sur l'environnement. L'amendement prend la forme d'une demande de rapport ; ne pas l'adopter serait assez révélateur de l'inaction qui nous caractérise depuis le début de la matinée.

Avec l'amendement CD8, vous réintroduisez le label public RSE que vous aviez défendu dans une proposition de loi. À l'époque, déjà, j'étais plutôt favorable à cette idée, qui va dans le sens de l'histoire.

Je suis plus que favorable, évidemment, à l'amendement CD13, amendement de repli par rapport au CD12, rejeté tout à l'heure. Il demande un rapport sur l'encadrement de la publicité et du marketing alimentaires auxquels sont exposés les enfants.

S'agissant de l'amendement CD14, on pourrait en débattre : faut-il une nouvelle agence pour la régulation de la publicité ou bien ce rôle peut-il être confié à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) ou à une autre agence existante ? Quoi qu'il en soit, sur le principe, on voit bien la nécessité de ce que vous demandez.

Je salue votre travail et votre engagement sur ces questions, monsieur Potier.

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Je voudrais remettre les choses en perspective. Monsieur le rapporteur, je ne peux pas vous laisser parler de l'inaction de notre commission depuis le début de la matinée. Nous aurions pu déposer trois amendements de suppression et cela aurait été terminé en vingt minutes… Il faut respecter le travail parlementaire qui a été fait aux cours de ces trois heures d'un débat dont je salue la qualité. De même, dans mon propos liminaire, j'ai salué votre travail qui nous permet d'engager l'ensemble des citoyens, de la profession visée et de nos collègues dans ce débat. Nos discussions ont été éclairées et éclairantes.

La Convention citoyenne pour le climat a engagé une dynamique et fait des propositions, sur lesquelles nous allons travailler. Comme le dirait ma collègue Mme Danielle Brulebois, vous faites de la « com' » sur la question, relayée par des tweets par les associations environnementales. Je conteste votre accusation d'inaction : nous sommes dans une dynamique de travail. Nous allons continuer d'auditionner et de mettre une pression saine sur le secteur publicitaire, car nous partageons l'objectif de transformer la publicité au service de la transition écologique.

Je ne retiendrai qu'une chose de notre réunion de ce matin : je suis ravie de nos débats et du travail que nous avons accompli, et je remercie l'ensemble des collègues d'être restés mobilisés durant ces trois heures. Nous aurons certainement de nouveaux débats en séance. Si, techniquement, nous n'adoptons pas ces articles et amendements, nous n'en poursuivons pas moins le travail.

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Nous voterons les amendements de M. Dominique Potier, même si, j'imagine, ils seront rejetés par la commission, vu l'orientation des votes depuis le début de la réunion.

Il y a vingt ans, j'enseignais le droit constitutionnel, et quand j'expliquais le vote de la loi à mes étudiants, je leur disais que dans l'hémicycle, chacun respecte les consignes de son camp, mais qu'en commission les clivages politiques s'estompent et qu'on se rejoint sur l'intérêt général. Là, je constate une opposition totale à l'article 1er qui vise à ce que l'on enseigne les enjeux liés à la protection de l'environnement ; même chose s'agissant de la demande d'une meilleure lisibilité des informations environnementales – pardon de prendre pour exemple mon amendement. Je trouve cela lunaire et affligeant. Je vais devoir retourner devant les étudiants pour leur dire que je m'étais complètement trompé : en commission, chacun respecte les consignes de son camp et lève la main quand on le lui demande…

Sur le fond, vous soutenez que l'on déposséderait les citoyens d'un choix considéré comme totalement rationnel, au rebours de ce que montrent pourtant toutes les études : la publicité agit sur le système cognitif. Autrement dit, du fait de la publicité, nos choix ne sont pas à 100 % rationnels. Si on accepte l'ensemble des études scientifiques, il faut légiférer. Je constate que vous ne le voulez pas ce matin ; c'est dommage.

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Je remercie Mme Riotton qui, dans sa munificence, n'a pas mis un terme au débat en faisant adopter trois amendements de suppression… Selon moi, débattre, c'est la moindre des choses. En même temps, je veux lui dire que, paradoxalement, même si elle vient de rejeter tout ce que nous proposions, je ne doute pas de sa sincérité et je ne désespère pas.

Lors des débats sur le projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, nous avons réussi à faire inscrire, avec deux voix de majorité, un affichage social et environnemental du textile. Or vous avez eu, avec Mme Brune Poirson, alors secrétaire d'État, la délicatesse de ne pas demander de seconde délibération, et nous sommes maintenant engagés ensemble, avec la ministre Mme Barbara Pompili, pour mettre en œuvre de manière expérimentale cet affichage qui serait une petite révolution dans le monde du textile. Je vous fais donc crédit de votre sincérité, tout en regrettant, évidemment, que nous n'ayons pas obtenu ce matin une ouverture, quelques signes permettant d'engager avec un peu d'espoir la discussion en séance. Nous aurions pu apporter au moins une contribution à la loi future ; malheureusement, je ne vois pas trace de cette construction et de ces débats de fond.

Je félicite pour son travail M. le rapporteur, ainsi que le groupe politique qui a présenté cette proposition de loi. S'agissant de l'amendement CD14, vous avez tout à fait raison : il est mal rédigé. Je ferai mieux pour la séance publique. On pourrait tout à fait confier à l'ADEME, en collaboration avec le ministère de la santé, le soin d'installer des feux rouges indiquant que certaines choses sont interdites car mortifères pour la planète et pour notre société. Il n'est nul besoin pour ce faire d'une nouvelle agence. Moi aussi je suis pour la simplification. Quoi qu'il en soit, on doit sortir du système, proprement stupéfiant, de l'ARPP : il faut remettre la puissance publique au cœur de la vie démocratique.

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Que les choses soient claires : je salue moi aussi la qualité de nos débats qui, la plupart du temps, ont été respectueux. Nous avons pu donner nos arguments. Ce que je regrette, c'est l'absence totale d'action : tout a été rejeté en bloc, jusqu'à la plus minime des demandes de rapport.

Mme Riotton disait qu'il aurait été possible de terminer cela en cinq minutes avec trois amendements de suppression. Je croyais pourtant que le groupe LaREM, après avoir agi de la sorte en commission pour les niches d'autres groupes, en avait tiré la leçon et compris que c'était une erreur sur le plan démocratique, qu'il fallait avoir de la considération pour la discussion. Je vous le dis franchement : vous aviez d'autres possibilités. Vous pouviez envoyer quelques petits signaux dont nous nous serions servis pour dire que l'action allait arriver.

Certes, madame Riotton, vous nous trouverez présents, bien sûr, au moment de la traduction législative des propositions de la Convention citoyenne pour le climat : nous vous féliciterons si les dispositions sont au niveau, nous ferons des propositions si elles ne le sont pas et nous les dénoncerons si elles relèvent du « greenwashing », mais je regrette vraiment que vous ayez aujourd'hui tout rejeté en bloc, quel que soit le sujet. Ce n'est pas nous que vous devez convaincre de votre action écologique : ce sont les citoyens. Or, ils vont avoir du mal à comprendre ce que vous avez fait ce matin – et je ne parle pas seulement des 150 personnes qui faisaient partie de la convention citoyenne. Il aurait pourtant été si simple d'envoyer un microsignal d'action sur l'un ou l'autre des thèmes : l'article 1er, par exemple, était parfait pour cela, c'était son objectif. C'est bien dommage, même si cela n'enlève rien à la qualité de nos débats – dont je vous remercie.

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À mon tour de souligner la qualité de nos débats, mais vous venez de dire, cher collègue, que vous auriez aimé travailler avec nous, alors que c'est ce que nous faisons depuis trois ans, avec à la clé de belles avancées, par exemple la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, dont il a été fait mention. Si on veut travailler dans la collégialité, encore faut-il, à un moment donné, arrêter de s'opposer : comme je le disais à propos de la biodiversité, il n'y a pas ceux qui sont contre le vivant et ceux qui sont pour sa sauvegarde. Il faut également cesser ces reproches qui sont blessants pour nous, députés de la majorité, qui avons à cœur, et vous le savez très bien, les enjeux de développement durable.

Et puis, à propos de travail en commun, nous examinons actuellement dans l'hémicycle le projet de loi d'accélération et de simplification de l'action publique (ASAP). Certes, vous avez été présent et vous avez défendu vos amendements, mais lorsque nous nous sommes mis à défendre les énergies renouvelables, et particulièrement les éoliennes, vous n'étiez plus là pour les soutenir.

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Nous ne sommes que quinze dans notre groupe, et j'étais là jusqu'à vingt-trois heures !

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À un moment donné, il faut être cohérent, cher collègue. Je veux bien qu'on nous fasse des procès mais, pour défendre ses positions et travailler de manière commune au bien-être, notamment s'agissant des objectifs en matière d'énergies renouvelables, encore faut-il être présent. Moi, j'aime bien les gens pragmatiques et factuels.

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Parce que votre président de groupe était en séance hier soir, lui, peut-être ?

La commission rejette successivement les amendements.

La commission rejette l'ensemble de la proposition de loi.

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mercredi 30 septembre 2020 à 9 h 35

Présents. - Mme Sophie Auconie, Mme Valérie Beauvais, M. Jean-Yves Bony, Mme Claire Bouchet, Mme Sylvie Bouchet Bellecourt, M. Guy Bricout, Mme Danielle Brulebois, M. Stéphane Buchou, Mme Émilie Cariou, M. Lionel Causse, M. Jean-Charles Colas-Roy, Mme Bérangère Couillard, Mme Yolaine de Courson, M. Michel Delpon, M. Vincent Descoeur, M. Jean-Luc Fugit, Mme Camille Galliard-Minier, M. Yannick Haury, Mme Chantal Jourdan, M. Hubert Julien-Laferrière, Mme Stéphanie Kerbarh, Mme Célia de Lavergne, Mme Sandrine Le Feur, M. Patrick Loiseau, Mme Aude Luquet, Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, M. Emmanuel Maquet, Mme Sandra Marsaud, Mme Marjolaine Meynier-Millefert, M. Bruno Millienne, M. Philippe Naillet, M. Matthieu Orphelin, M. Jimmy Pahun, M. Alain Perea, M. Patrice Perrot, M. Damien Pichereau, M. Loïc Prud'homme, Mme Véronique Riotton, M. Martial Saddier, M. Jean-Marie Sermier, Mme Marie Silin, M. Sylvain Templier, M. Vincent Thiébaut, M. Pierre Vatin, M. Hubert Wulfranc, Mme Souad Zitouni, M. Jean-Marc Zulesi

Excusés. - M. Christophe Castaner, Mme Mathilde Panot, M. Jean-Luc Poudroux, Mme Laurianne Rossi, Mme Nathalie Sarles, M. Gabriel Serville

Assistaient également à la réunion. - M. Éric Alauzet, M. Dino Cinieri, M. Paul Molac, Mme Nathalie Porte, M. Dominique Potier, M. Jean-Pierre Vigier