La réunion

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Mercredi 27 septembre 2023

La séance est ouverte à quatorze heures quinze.

(Présidence de M. Frédéric Descrozaille, président de la commission)

La commission procède à l'audition de Mme Maud Faipoux, directrice générale de l'alimentation (DGAL) au ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

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Nous sommes entrés depuis une semaine dans la phase d'examen critique des politiques publiques de réduction des usages de produits phytopharmaceutiques, qui sont au cœur de l'objet de cette commission d'enquête. C'est pourquoi nous auditionnons toutes les parties prenantes.

L'objet de cette commission d'enquête est en effet de comprendre les raisons pour lesquelles l'écart entre les objectifs que la Nation s'est donnés et les résultats obtenus est si important. Après le premier plan Écophyto qui a vu le jour en 2009, il y a eu un deuxième plan Écophyto, avec un objectif de réduction de 50 % des usages de pesticides qui a été reporté de 2020 à 2030. Et il n'est absolument pas certain que cet objectif sera tenu…

Je rappelle qu'il s'agit pour nous de discerner entre l'évaluation du danger et l'évaluation du risque, tout en distinguant l'analyse du risque de sa gestion. L'analyse du risque est confiée aux institutions européennes – c'est le rôle de l'Efsa – tandis que la gestion du risque relève des autorités des États membres. L'Efsa approuve des principes actifs, les États membres autorisent ou interdisent des produits qui les contiennent. Il est d'autant plus important de le rappeler que l'Anses a longtemps été chargée de l'analyse du risque, alors que la gestion du risque revenait au ministre. La loi de 2014 a modifié cette répartition : l'analyse et la gestion du risque ont été confiées à l'Anses.

Pour autant, le ministère de l'agriculture joue un rôle déterminant dans la conduite des politiques publiques de réduction des usages des produits phytopharmaceutiques. Nous accueillons aujourd'hui Madame Maud Faipoux, directrice générale de l'alimentation au ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire ; elle est accompagnée par Madame Caroline Cornuau, sous-directrice adjointe de l'accompagnement des transitions alimentaires et agroécologiques, et Monsieur Olivier Prunaux, sous-directeur adjoint de la santé et de la protection des végétaux.

Je rappelle que cette audition est ouverte à la presse et qu'elle est retransmise en direct sur le site de l'Assemblée nationale. Je vous rappelle également que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire « je le jure ».

(Mme Faipoux, Mme Cornuau et M. Prunaux prêtent successivement serment.)

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Maud Faipoux, directrice générale de l'alimentation (DGAL) au ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

La direction générale de l'alimentation est au cœur de larges missions de protection de la santé, qu'il s'agisse de la protection animale, de la santé des consommateurs via la sécurité sanitaire des aliments, ou de la santé végétale et de l'environnement.

C'est dans le cadre de la santé végétale et de la protection des cultures que la DGAL travaille sur le sujet des produits phytopharmaceutiques, pour élaborer et mettre en œuvre la réglementation, pour mettre en place des contrôles et des politiques incitatives, dans l'objectif, partagé par l'ensemble du Gouvernement, de réduire l'usage de ces produits phytopharmaceutiques et leurs impacts.

La DGAL est pilote de tout ce qui a trait à la politique de réduction des usages et des impacts. À ce titre, le premier plan Écophyto issu du Grenelle de l'environnement, en 2008, a été confié à la DGAL. Il fixait comme objectif une réduction des usages de – 50 % à l'horizon 2018. Ce premier plan Écophyto a donné lieu à d'autres plans. Le plan Écophyto II a, en 2015, reporté cet objectif au regard de la dynamique de réduction de l'usage des produits phytopharmaceutiques. Au même moment, la gouvernance du plan a été élargie au ministère en charge de l'écologie. En 2018, le plan Écophyto II+ plus comportait des reports d'objectifs mais aussi de nouvelles impulsions, en accordant une priorité aux actions de recherche. Il ciblait en particulier la recherche de solutions, grâce à des programmes prioritaires ou à des fonds financiers. Il s'agit là d'un axe d'efforts majeur pour faire avancer l'ensemble de cette politique. Le plan de sortie du glyphosate constitue quant à lui une extension des plans Écophyto. Il prévoyait notamment la révision des autorisations de mise sur le marché.

Cet enchaînement de plans et ces nouvelles impulsions au fil des quinze dernières années s'expliquent par des résultats en termes de réduction des usages de produits phytosanitaires qui sont inférieurs aux attentes. Il y a eu des résultats mais ils peinent parfois à diffuser et des impasses subsistent.

Pour autant, on note, depuis quelques mois voire quelques années, une inflexion de la dynamique d'utilisation des produits phytopharmaceutiques. La dernière moyenne triennale calculée sur les ventes de produits est la plus faible enregistrée depuis le début des plans. Si les premiers plans Écophyto avaient donné peu de résultats visibles, nous sommes désormais sous les moyennes observées en 2009-2011. La baisse est donc bien amorcée.

Je relève également de bons résultats avec l'augmentation des produits utilisables en biocontrôle et en agriculture biologique, de l'ordre de 15 % en 2022 par rapport à 2020. Nous constatons par ailleurs un signal très fort sur les produits cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques (CMR), avec une baisse de 96% pour les produits dits « CMR1 » par rapport à la moyenne 2015-2017, et supérieure à – 20 % pour les « CMR 2 ». Concernant plus spécifiquement le glyphosate, nous avons constaté une baisse des ventes de 27 % entre 2021 et 2022, en conséquence des actions qui ont été mises en place. Ces résultats traduisent un vrai mouvement positif qui n'est cependant pas à la hauteur des objectifs que s'étaient initialement fixés les plans.

Je pense néanmoins qu'il faut regarder sans rougir ce qui a été fait ces quinze dernières années. Des enseignements positifs sont ainsi à tirer des plans successifs. Tout d'abord, la France est le premier pays qui se soit assigné un objectif ambitieux de réduction. Ensuite, tous les travaux menés au cours de ces quinze années ont permis une sensibilisation très forte de l'ensemble des acteurs sur les impacts de ces produits sur la santé et sur l'environnement. Ces impacts sont désormais admis et cela engage l'ensemble des acteurs vers la réduction des usages.

La mise en place d'indicateurs objectifs pour mesurer les usages et les impacts des produits phytosanitaires est un autre enseignement positif. Ainsi par exemple, la mise au point du nombre de doses unités (Nodu) permet une mesure objective et fiable de l'évolution du recours aux produits phytosanitaires, même s'il a l'inconvénient d'être franco-français.

Sur le plan de la recherche, la temporalité est toujours assez longue, et nous n'avons probablement pas pu bénéficier encore de tous ses apports, mais ils sont désormais devant nous. Les plans Écophyto ont permis d'améliorer nos connaissances des phénomènes. Ils ont également permis la mise en place de groupes – les fermes Dephy – qui ont prouvé qu'il était possible de produire avec moins de produits phytosanitaires. Nous sommes maintenant à une étape où il faut diffuser l'ensemble de ces connaissances, ce sera tout l'effort de ces prochains mois.

Sur le fond, les enseignements de ces plans sont positifs. Un cap doit néanmoins être passé, pour basculer de la preuve de concept à une massification auprès de l'ensemble des agriculteurs.

Sur la forme, la gouvernance s'est étoffée au cours des années pour embarquer l'ensemble des composantes – agriculture, environnement, santé – mais elle a pu paraître un peu complexe et un peu lourde à gérer au fil du temps. Par ailleurs, les plans Écophyto étaient très focalisés sur les actions finançables par la maquette Écophyto et n'avaient peut-être pas une vision assez large sur l'ensemble des politiques, que ce soit sur les axes réglementaires ou sur les autres financements possibles.

Forts de ces constats, il convient de s'interroger sur la suite d'Écophyto II+ qui arrive à échéance début 2020. La Première ministre a annoncé en février, lors du salon de l'agriculture, le lancement de travaux dont le paradigme change par rapport aux plans actuels. Ce ne seront d'ailleurs plus des plans mais une stratégie, la stratégie Écophyto 2030.

Avec cette stratégie, il s'agira de passer un cap et de mettre en relation l'ensemble des politiques – financière, réglementaire, incitative – pour aller plus loin et sortir d'une logique de substitution d'un produit par un autre. Cette logique a ses limites et nous sommes maintenant à l'ère du changement de système. Il ne s'agit plus de substituer mais de s'affranchir, autant que faire se peut, du chimique, en démontrant que c'est viable techniquement et économiquement.

L'objectif est de trouver le meilleur équilibre entre la protection des cultures – nécessaire à la production et à notre souveraineté alimentaire – et la protection de la santé des opérateurs, de l'environnement et des riverains. Il faut reconcevoir les systèmes pour prendre en compte l'ensemble de ces enjeux. Ce sera un point fort de la stratégie Écophyto 2030 telle que nous la concevons : nous devons collectivement préparer l'ensemble des filières à faire émerger et à développer des solutions alternatives pour certains usages.

Dans ce contexte, le ministre de l'agriculture a lancé, au mois de mai dernier, un plan d'anticipation du retrait de certaines substances phytopharmaceutiques. Le mot « anticipation » ayant soulevé des interrogations, nous parlons maintenant de planification ou de préparation au retrait de certaines substances. L'objectif est de réunir tous les acteurs pour chercher des alternatives aux différents usages et les déployer. C'est en montrant que c'est techniquement possible et en apportant les moyens financiers correspondants – le ministre a annoncé que son budget augmenterait de 250 millions d'euros à cet effet – que nous nous donnerons les moyens d'atteindre les objectifs fixés.

Mais pour embarquer l'ensemble des acteurs dans cette dynamique, il faudra parvenir à redynamiser la gouvernance de cette nouvelle stratégie et à mettre en place des mesures de réciprocité vis-à-vis des autres pays, afin de répondre aussi à l'enjeu de compétitivité.

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Merci pour cet exposé liminaire très clair qui est empreint à la fois d'humilité face à tout ce qui reste à accomplir et de fierté devant les progrès déjà réalisés.

Je voudrais souligner, en tant qu'initiateur de cette mission au nom du groupe socialiste, que notre volonté première est de contribuer utilement à la réussite d'un plan Écophyto qui permette de réconcilier santé, souveraineté alimentaire, agriculture et société.

La politique d'autorisation constitue l'un des grands moteurs de la réduction de l'impact des produits phytosanitaires. Aujourd'hui, certaines déclarations du ministre et des prises de position politiques des uns et des autres semblent aller dans le sens d'une remise en cause de ce qui apparaît à de nombreuses personnes comme un acquis. Je vous demanderai donc très clairement, au nom du ministère de l'agriculture, de lever les doutes à ce sujet. Entendez-vous remettre en cause l'autorité scientifique de l'Anses ou au contraire la renforcer, en vue d'une évaluation encore plus indépendante et plus globale des risques et impacts liés aux produits phytosanitaires dans le cadre du processus d'autorisation de mise sur le marché ? J'englobe dans ma question les problématiques de phytopharmacovigilance, cette compétence devant permettre à l'Anses de revenir sur des autorisations ex post, le cas échéant.

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Maud Faipoux, directrice générale de l'alimentation (DGAL) au ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

Ce débat a, en effet, pris une certaine acuité au début de cette année. Il est clair qu'il n'y a aucune remise en cause de la compétence et de la qualité de l'évaluation scientifique de l'Anses. Il n'y a aucune ambiguïté et je ne pense pas que c'était le sens des propos portés par le ministre et par le ministère à ce sujet. Le processus actuel de délivrance des autorisations de mise sur le marché n'a pas vocation à être remise en cause.

La question qui peut se poser concerne plutôt l'attribution de ces autorisations de mise sur le marché en fonction d'évaluations des risques fondées sur des modèles européens. Ces modèles mériteraient peut-être d'être actualisés. Des travaux ont été lancés depuis cet été sur cette question, afin d'essayer de prendre en compte les mesures de gestion que peuvent mettre en place les agriculteurs.

Comme vous le savez, les produits dont la substance active est autorisée au niveau européen sont quand même soumis à une autorisation. Pour ce faire, ils sont évalués à partir de modèles calibrés au niveau européen. Les travaux en cours visent à prendre en compte l'évolution technique et technologique plus finement, concernant notamment les pulvérisateurs et leurs dérives. Il existe en effet des matériels qui sont beaucoup plus performants que ce que les modèles retiennent.

Il n'y a donc aucune remise en cause de l'évaluation par l'Anses mais plutôt un travail avec l'Anses et nos homologues européens pour être plus précis dans nos modèles et permettre des évaluations qui soient plus fines.

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Vous dites qu'il faut travailler plus sur les usages, et que la définition des autorisations pourrait être liée à des usages qui seraient précisés pour tenir compte des évolutions technologiques, des pratiques, des conditions de traitement, etc. L'objectif n'est pas de se soustraire aux réglementations européennes mais d'affiner leur mise en œuvre. Merci pour ces précisions.

Pour être clair, il n'est donc pas dans l'intention du ministère de l'agriculture de faire en sorte qu'une décision politique d'opportunité, fondée sur des considérations économiques et de souveraineté, puisse remettre en cause l'interdiction d'un produit dès lors que son caractère dangereux pour la santé humaine ou environnementale a été relevé.

Dans le même esprit, encouragez-vous tous les travaux que l'Efsa et l'Anses réalisent, notamment sur la question des effets cocktails, de l'exposome, des effets à long terme – tous ces champs qui sont relativement inexplorés ? Est-ce que votre ministère pousse à développer une capacité d'expertise sur ces questions ? Êtes-vous un frein ou un accélérateur sur ces enjeux que l'ensemble des personnes que nous avons auditionnées nous ont signalées comme des zones à explorer ?

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Maud Faipoux, directrice générale de l'alimentation (DGAL) au ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

Dans les différents plans Écophyto comme dans Écophyto 2030, une part du financement est consacrée à la recherche et à l'évaluation des impacts. Au-delà du danger d'une substance, il est important d'évaluer les risques pour pouvoir y remédier. Pour connaître les leviers à activer, il faut connaître les impacts par les différentes matrices – l'air, l'eau, l'alimentation éventuellement. Les sujets que vous mentionnez sont partie intégrante de ces thématiques de recherche et nous n'avons évidemment aucune difficulté à ce sujet.

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La question des indicateurs est capitale car elle permet de poser le diagnostic. Or, tant qu'il n'y a pas d'accord sur le diagnostic, il est difficile de progresser.

Vous mentionnez quelques résultats probants concernant l'évolution des volumes de produits phytosanitaires vendus au cours des dernières années. Mais comment expliquez-vous la baisse récente constatée alors que, sur la période du plan Écophyto, on relève plutôt une certaine atonie ? Par ailleurs, le Nodu est d'une constance affligeante. Il n'y a pas d'indicateur parfait mais ne pouvez-vous pas admettre qu'il est difficile de se targuer d'une diminution des volumes dont l'explication reste incertaine alors que le Nodu reste constant ?

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Maud Faipoux, directrice générale de l'alimentation (DGAL) au ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

Nous prenons en considération les deux indicateurs. Ils peuvent avoir des évolutions d'ampleur différente mais ils sont tous les deux orientés à la baisse.

L'indicateur des quantités de substance active vendues (QSA) prend en compte la masse de chaque substance. Il peut connaître des évolutions contre-intuitives lorsqu'un produit très peu lourd est remplacé par un autre produit avec moins d'impacts sur la santé mais plus lourd. Il doit donc être manié avec précaution. Le Nodu, parce qu'il est en dose unitaire et n'est pas influencé par la masse des produits, est plus objectif. Même si cela est moins visible, il s'inscrit également en baisse.

Au niveau européen, nous travaillons à l'élaboration d'un troisième indicateur commun, qui permettrait d'intégrer, en outre, le risque attaché à chaque produit.

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La France a-t-elle formulé des propositions en la matière ? Avez-vous la trace de prises de position de la France en faveur de la construction de ce nouvel indicateur ?

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Maud Faipoux, directrice générale de l'alimentation (DGAL) au ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

Le règlement européen pour une utilisation durable des pesticides (SUR) qui a vocation à prendre la suite de la directive du même nom, intègre un travail sur les indicateurs incluant cette notion de pondération selon les caractéristiques de la molécule et notamment de son caractère cancérogène, mutagène et reprotoxique (CMR) ou perturbateur endocrinien. La France pousse pour cette prise en compte, afin de mieux piloter les impacts de produits. Il s'agit de réduire les usages mais aussi les risques que font courir les produits. La France participe aux travaux européens pour calibrer au mieux les pondérations et les catégories. La France soutient donc cette pondération par le risque.

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L'absence d'enregistrement des pratiques par les agriculteurs constitue un angle mort de la connaissance de l'usage des phytos. Pouvez-vous nous faire un point réglementaire ? Est-ce un sujet tabou ? Le système de collecte des informations paraît assez ubuesque, avec des délais incroyables et une interprétation toujours sujette à caution, d'autant plus qu'il manque l'élément fondamental : à quoi ont servi ces produits, où et quand ? Est-ce un point sur lequel vous avez l'ambition de porter une proposition, même impopulaire ?

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Maud Faipoux, directrice générale de l'alimentation (DGAL) au ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

Pour suivre les indicateurs et la politique de réduction des usages et des risques, nous nous reposons sur les données de ventes au travers de la base nationale des ventes distributeurs (BNVD) pilotée par le ministère de l'écologie. Malheureusement, nous ne pouvons pas savoir si tous les produits vendus sont utilisés dans l'année. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous raisonnons en moyenne triennale : nous estimons que cela permet de lisser les phénomènes de stockage et déstockage.

Pour ce qui est des données d'usage, les agriculteurs ont l'obligation d'enregistrer leurs pratiques. Un cahier d'enregistrement existe dans chaque exploitation, contrôlé par l'État, notamment au titre de la conditionnalité des aides de la PAC. Cependant, il subsiste des cahiers papiers qui ne sont pas « collationnables » en l'état. La réglementation européenne avance sur ce sujet : chaque agriculteur devra disposer d'un enregistrement électronique à l'horizon 2026. Par ailleurs, une réflexion a été engagée sur la collecte de ces données dans le cadre de la préparation du règlement européen SUR, pour améliorer notre connaissance précise de l'usage réel et de la localisation de l'usage de ces produits.

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Je voudrais vous interroger sur la séparation du conseil et de la vente. J'ai eu l'honneur de conduire une mission sur le sujet avec Stéphane Travert. Cette séparation n'a pas tenu ses promesses et, aujourd'hui, nous sommes dans une forme d'urgence sur le plan réglementaire, car nos agriculteurs pourraient être privés de l'autorisation d'utiliser des produits phytosanitaires faute d'avoir bénéficié à temps du conseil stratégique prévu par la loi. Une action législative semble nécessaire. Pouvez-vous nous dire si vous avez l'intention de sortir du statu quo et d'engager une réforme en la matière ? Avez-vous envisagé un véhicule législatif pour éviter l'impasse à laquelle nous serons confrontés à défaut ?

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Maud Faipoux, directrice générale de l'alimentation (DGAL) au ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

La loi Egalim a instauré la séparation de la vente et du conseil. Une entité qui vend des produits phytosanitaires ne peut désormais plus prodiguer de conseil.

Cette loi Egalim prévoit aussi que chaque agriculteur a l'obligation de faire effectuer sur son exploitation un conseil stratégique sur l'utilisation de produits phytosanitaires, au moins deux fois sur une période de cinq ans. Le respect de cette obligation de réaliser un conseil stratégique est vérifiée notamment lors de la délivrance du Certiphyto, le certificat qui permet d'acheter et d'utiliser des produits phytopharmaceutiques. À compter du 1er janvier 2024, chaque exploitation devra justifier de ce conseil stratégique sous peine d'impossibilité de renouveler le Certiphyto.

Il apparaît cependant que le nombre de conseils stratégiques réalisés à ce jour est loin de l'objectif fixé. Par conséquent, un décret en conseil d'État devrait permettre d'assouplir ce calendrier, en instaurant une période pendant laquelle un Certiphyto temporaire pourrait être délivré à condition que l'agriculteur s'engage à réaliser un conseil stratégique dans un délai court après sa délivrance. Cette mécanique calendaire est en cours de finalisation.

Cette situation résulte du choix plutôt surprenant des entités concernées par la vente et le conseil au moment de la séparation de ces deux activités. À de rares exceptions, elles ont toutes privilégié la vente, ce qui a conduit à retirer un grand nombre de conseillers du terrain. Si le développement du conseil a été amorcé, le temps a manqué pour dynamiser ce marché, de façon à rendre le service attendu à l'ensemble des agriculteurs. L'aménagement du calendrier permettra d'éviter une remise en cause des objectifs fixés.

Par ailleurs, le dispositif de séparation entre la vente et le conseil fait l'objet de réflexions plus approfondies, face au constat de l'inadéquation entre le nombre de conseillers et les besoins des exploitations. Les services de l'État analysent les recommandations contenues dans le rapport remis par Monsieur le rapporteur et le député Stéphane Travert.

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Merci pour ces informations. Je voudrais maintenant vous interroger sur les moyens consacrés à la recherche d'alternatives et au continuum recherche-développement.

Dans le cadre de nos auditions, nous sommes très étonnés de constater que de nombreuses propositions existent – à l'Association de coordination technique agricole (Acta), à l'Inrae voire dans les chambres d'agriculture – mais qu'elles ne sont pas mises en œuvre dans les fermes, en raison d'un défaut de continuum dans l'appareil de développement ou parce que les conditions socioéconomiques ne sont pas propices. Nous ne manquons pas d'alternatives, mais elles n'arrivent pas dans les fermes et ne sont pas mises en œuvre. N'est-ce pas l'échec principal du plan Écophyto ?

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Maud Faipoux, directrice générale de l'alimentation (DGAL) au ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

Je précise quand même quand dans beaucoup de situations et d'usages, nous n'avons pas de système alternatif non chimique. C'est d'ailleurs l'axe de recherche que nous souhaitons développer dans le cadre du plan d'anticipation du retrait de certaines substances actives, qui bénéficiera d'une partie du fonds phytopharmaceutique alloué au ministère de l'agriculture dans le projet de loi de finances pour 2024.

Il est néanmoins exact que des preuves de concept existent dans certaines fermes mais qu'elles ne parviennent pas à être mises en œuvre auprès d'un public plus large. Il manque souvent la conviction que ces alternatives sont techniquement et économiquement équivalentes et qu'elles sont transposables dans toute exploitation.

Le transfert des connaissances au-delà d'un cercle restreint à quelques agriculteurs passe par la reconception des systèmes et par un conseil stratégique qui démontrera la pertinence de ces alternatives. Cela nécessitera un accompagnement qui sera parfois financier, pour investir dans de nouveaux matériels ou de nouvelles pratiques. C'est aussi l'objet du fonds phytopharmaceutique.

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Quel est le dimensionnement de ce fonds phytopharmaceutique ?

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Maud Faipoux, directrice générale de l'alimentation (DGAL) au ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

Il sera présenté officiellement mais le ministre a déjà annoncé qu'il serait alimenté à hauteur de 250 millions d'euros pour 2024.

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Pouvez-vous confirmer que les sommes disponibles au titre du plan stratégique national (PSN) pour orienter les pratiques agricoles s'élèvent à 1,6 milliard d'euros ?

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Maud Faipoux, directrice générale de l'alimentation (DGAL) au ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

Je ne dispose pas du chiffre exact mais l'ordre de grandeur me paraît correct.

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Ce chiffre relativise le montant du fonds phytopharmaceutique.

Je vous informe que je demanderai officiellement à votre ministère toutes les positions défendues par la France dans le cadre du règlement SUR à tous les niveaux, en particulier celle concernant la construction d'un indicateur européen de suivi de l'usage des produits phytosanitaires.

Je voudrais encore vous interroger sur l'état d'avancement du chantier Écophyto 2030. Comment cette nouvelle stratégie s'articulera-t-elle avec le futur règlement européen SUR ?

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Maud Faipoux, directrice générale de l'alimentation (DGAL) au ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

Le règlement SUR est en cours de négociation entre les États membres et au Parlement européen. De nombreux volets sont encore en débat. Je ne pense pas qu'il faille lier le calendrier de la stratégie Écophyto 2030 au projet de règlement SUR. Nous aurons sans aucun doute une stratégie Écophyto 2030 avant le règlement européen. La Première ministre l'a annoncé en février 2023, l'objectif est de disposer d'un document qui prenne le relais d'Écophyto II+ dont l'échéance est fixée au printemps 2024.

Les travaux ont démarré sous l'égide du secrétariat général à la planification écologique, service rattaché à la Première ministre qui coordonne les travaux interministériels sur le sujet. Il conduit actuellement des dialogues avec l'ensemble des parties prenantes pour s'enrichir des retours sur les plans passés, au-delà de ce que produisent les ministères. À l'issue de ces concertations, le gouvernement proposera une première trame de stratégie dans la deuxième quinzaine d'octobre. Il lancera ensuite officiellement des travaux de concertation et affinera la stratégie pour la fin de l'année ou le début de l'année prochaine.

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Les travaux de cette commission pourraient donc être considérés comme une contribution à la finalisation de la stratégie. C'est plutôt rassurant pour nos collègues : les travaux que nous produirons pourront être pris en compte.

Le président de la République a déclaré qu'il n'y aurait pas d'interdiction sans alternative. Il me semble que ces propos sont ambigus et doivent être précisés pour la clarté du débat public. Pouvez-vous nous dire si les interdictions de produits sont l'un des moteurs de la recherche d'alternatives ?

Enfin, les concurrences déloyales constituent une problématique incontournable. Lors de nos auditions, nous avons entendu que des aliments produits selon des normes moins-disantes, avec des molécules plus toxiques, pouvaient pénétrer en France. Or l'Efsa est formelle : aucun produit ne rentre en France qui ne respecte pas les limites maximales de résidus (LMR) applicables à tout produit commercialisé dans l'Union européenne. Pouvez-vous nous éclairer sur ce sujet ? Notre commission envisage de formuler des propositions pour éviter les concurrences déloyales qui réduiraient à néant nos efforts de réduction sur les produits phytosanitaires.

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Maud Faipoux, directrice générale de l'alimentation (DGAL) au ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

Un produit doit être interdit lorsqu'il a des impacts trop dommageables. Dans le même temps, nous essayons d'avoir des solutions avant d'interdire. C'est justement l'intérêt du plan d'anticipation du retrait de certaines substances, que de permettre d'articuler ces deux nécessités. Au niveau européen, dans les cinq prochaines années, 250 substances actives seront réévaluées. Nous savons qu'il existe un risque assez fort pour qu'une partie d'entre elles ne satisfassent pas les critères pour voir leur autorisation renouvelée. Dès lors, soit nous subirons ces interdictions sans solutions alternatives, soit nous nous y préparons. Si une molécule risque de ne pas être renouvelée à l'horizon de trois, quatre ou cinq ans, il faut dès aujourd'hui rechercher une alternative, que ce soit par la recherche fondamentale, la recherche appliquée ou par le déploiement d'une alternative déjà existante. Nous devons anticiper pour ne pas être obligés de subir des interdictions sans solution de protection pour nos cultures. Nous devons trouver le meilleur équilibre entre le retrait de molécules et le maintien de notre capacité à protéger les cultures.

Au sujet des concurrences déloyales, deux éléments sont à prendre en compte. D'une part, des traces de produits peuvent être retrouvées dans les denrées ou dans les produits végétaux qui entrent en Europe. Ces traces sont comparées aux limites maximales de résidus, ou aux limites de quantification lorsque les produits interdits.

D'autre part, parfois des produits phytosanitaires interdits en Europe sont utilisés mais leur trace ne peut être trouvée dans les végétaux. Pour contrer cette situation, il faut mettre en place des mesures miroirs, emportant l'interdiction d'importer des denrées qui auraient été cultivées en recourant à ce type de produits. Nous le faisons, par exemple, lorsque nous interdisons d'importer des viandes produites en utilisant certains antibiotiques : seules les filières certifiées sans utilisation de ces antibiotiques et auditées par la commission européenne sont autorisées à exporter vers l'Europe. Ce type de mesures pourrait être appliqué aux produits phytosanitaires.

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D'après ce que vous proposez, il y aurait donc une obligation de résultat, via les limites maximales de résidus applicables aux produits importés, mais aussi une obligation de moyens : une molécule interdite en Europe ne pourrait pas servir pour un produit que nous importerions. Il me semble que cela suppose des procédures de certification assez extraordinaires !

Pourquoi, Madame la directrice, avez-vous tant tardé à diffuser le rapport d'inspection interministériel d'évaluation des actions financières du programme Écophyto, dont la lecture nous a beaucoup éclairés ? Nous aurions aimé en avoir connaissance au Parlement dès le mois de mars 2021. Pourquoi n'a-t-il pas été publié alors ?

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Maud Faipoux, directrice générale de l'alimentation (DGAL) au ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

C'est un rapport qui a été commandité par le cabinet, lequel décide ou non de sa publication. Ce n'est donc pas de mon ressort.

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Je précise que cette dernière question portait uniquement sur le processus de décision. Il ne s'agissait pas de mettre en cause qui que ce soit. Par ailleurs, il serait intéressant de savoir qui décide qu'une solution en est effectivement une. Est-ce l'Inrae ? Est-ce l'agriculteur par la voix de ses représentants ? C'est un point central.

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Je voudrais revenir sur les clauses miroirs. Vous dites qu'il faut prévoir des contrôles sur les méthodes de production dans les pays de départ. En théorie c'est une idée intéressante, mais comment pourrez-vous mettre en place ces contrôles en pratique ? Disposeriez-vous des moyens humains, matériels et légaux nécessaires ?

Par ailleurs, je tiens à préciser que je ne partage pas l'avis personnel exprimé par le rapporteur au sujet du rôle de l'Anses dans la procédure d'autorisation de mise sur le marché des produits. Si j'ai bien compris vos propos exprimés au nom du ministère, ce rôle n'a pas vocation à être remis en question. Dans ce cas, comment comptez-vous parvenir à vous adapter à des paramètres comme les distorsions de concurrence ?

Le Nodu reste sur une notion quantitative qui n'est pas satisfaisante. A travers mes pratiques, j'ai dégradé le Nodu alors que je suis pourtant plus vertueux. Il y a toujours un problème d'évaluation qualitative des produits utilisés. Vous nous dites qu'un nouvel indicateur est à l'étude, mais quand sera-t-il opérationnel ?

Pouvez-vous nous donner des éléments sur les études qui ont permis à l'Efsa de fonder sa décision sur le glyphosate ? Il semblerait qu'elles aient toutes été commandées par les producteurs de glyphosate. Par ailleurs, pouvez-vous m'expliquer comment votre ministère peut, d'une part, défendre la position scientifique de l'Efsa et, dans le même temps, refuser de soutenir le renouvellement de l'autorisation du glyphosate préconisé par cette agence ? A ce sujet, je voudrais quand même souligner que les alternatives au glyphosate sont mécaniques et aboutissent à dégrader la décarbonation permise par les sols. C'est pourquoi la position de la France au sein du Conseil européen sur le renouvellement de l'autorisation du glyphosate me semble incompréhensible.

Concernant les alternatives au glyphosate développées dans les fermes Dephy, vous nous dites qu'elles sont économiquement viables mais qu'il faut aider les agriculteurs à investir. Pourriez-vous nous donner des exemples ?

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Maud Faipoux, directrice générale de l'alimentation (DGAL) au ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

Au sujet des mesures miroirs, il s'agit d'inscrire dans la réglementation européenne l'interdiction d'importer un végétal qui aurait mobilisé tel ou tel produit dans sa production. C'est un concept assez nouveau sur lequel nous avons peu de recul. La Commission européenne a néanmoins mené une étude qui montre que, dans certains cas, il n'y a pas de contradiction avec le droit de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Nous avons aussi ce premier exemple avec les antibiotiques critiques dans la viande. Il est interdit d'importer toute viande qui aurait été produite en utilisant ces antibiotiques. Pour garantir le respect de cette interdiction, l'importation est autorisée pour les seules filières certifiées et contrôlées – y compris sur place, dans le pays d'origine – par la Commission européenne.

Je confirme que l'évaluation et la délivrance des autorisations de mise sur le marché resteront bien entre les mains de l'Anses. Il n'y a donc aucune remise en cause du rôle de l'Anses ; mais nous travaillons ensemble sur la réglementation, les modèles et les guides qui s'imposent à elle pour la délivrance d'une AMM.

Concernant le Nodu, en effet, des effets contre-intuitifs ne sont pas à exclure. L'indicateur peut se dégrader alors que l'objectif recherché est atteint. C'est pourquoi la France soutient les travaux européens sur un indicateur qui tiendrait compte du risque et des dangers propres à chaque produit.

Le ministre de l'agriculture considère que la proposition de la Commission européenne pour le renouvellement du glyphosate n'est pas satisfaisante. Si l'évaluation scientifique de l'Efsa indique qu'il existe des usages sûrs, elle formule également deux remarques : les impacts sur la biodiversité n'ont pas été évalués faute de méthodologie en ce sens ; et, à certaines doses, il peut y avoir des impacts sur les petits mammifères herbivores. La France appelle donc à tenir compte de ces remarques en mettant en place une méthodologie permettant d'évaluer l'impact sur la biodiversité.

La France appelle aussi à tirer les enseignements de l'évaluation comparative qu'elle a mise en place, consistant à regarder s'il existe des alternatives techniquement et économiquement viables à l'utilisation du glyphosate. Cette évaluation a d'ailleurs donné lieu, en France, à la révision des autorisations de mise sur le marché : certains usages du glyphosate ont ainsi été interdits. La France demande que cette évaluation comparative et la restriction des usages qui en découle soient mis en œuvre au niveau européen.

Il est exact qu'il faut parfois investir dans un matériel mécanique pour se passer d'un produit de désherbage. Même si cette alternative est, à l'usage, viable économiquement, il existe un coût d'investissement pour acquérir le matériel. C'est ce coût qui pourrait être accompagné.

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L'État se donne-t-il les moyens d'accompagner pleinement les acteurs engagés dans la politique de réduction des produits phytosanitaires, dès lors que des enjeux de santé environnementale et humaine apparaissent clairement ?

En particulier, vous mentionnez dans votre rapport d'activité la création d'un appel à manifestation d'intérêt pour des démonstrateurs territoriaux des transitions agricoles et alimentaires, avec une enveloppe de 152 millions d'euros destinée entre autres à la réduction de l'usage des produits phytosanitaires. Quels sont les critères retenus pour les démarches sélectionnées ? Cet appel à manifestation d'intérêt est-il efficace ?

De même, vous avez lancé entre mai et août un appel à projets national Écophyto. Quels sont les critères permettant de sélectionner les projets ? Plus globalement, quelle est la stratégie de l'appel à projets national ?

Dans le rapport d'inspection interministériel de 2021, est soulignée l'incapacité à distribuer l'intégralité des financements prévus pour le plan Écophyto sur une année. Pour quelle raison ? Devons-nous craindre que cette situation se reproduise ?

Dans votre rapport d'activité, vous mentionnez les produits phytosanitaires autorisés par dérogation – c'est le cas par exemple dans la filière de la banane – alors que leur procédure d'évaluation par l'Anses avant une éventuelle autorisation de mise sur le marché n'est pas encore complètement terminée. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur ce mécanisme ?

Je reviens sur le sujet de la concurrence déloyale subie en particulier par l'agriculture française. Comment parvenez-vous à mettre en œuvre et contrôler l'interdiction de proposer à la vente les denrées alimentaires et produits agricoles pour lesquels il a été fait usage de produits phytosanitaires non autorisés par la réglementation européenne ? Certaines organisations agricoles se plaignent que tout n'est pas correctement appliqué ; avez-vous des remontées à ce sujet ?

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Maud Faipoux, directrice générale de l'alimentation (DGAL) au ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

Nous avons deux outils pour accompagner les filières et les agriculteurs.

Tout d'abord, le plan Écophyto, doté d'une maquette de 71 millions d'euros dont 40 millions d'euros sont pilotés au niveau central et le reste par les agences de l'eau. Cette maquette Écophyto finance notamment des appels à projets, comme vous l'avez signalé. Concernant l'appel à projets lancé début 2023, il a été décidé de mettre l'accent sur toutes les alternatives et tous les projets visant à faire émerger des alternatives au désherbage chimique. Une priorité sera donc donnée à tous les projets qui visent à se passer de désherbant. Ces appels à projets font l'objet d'une sélection interministérielle selon la même gouvernance que celle prévue pour le plan Écophyto.

France 2030 est le second outil financier à notre disposition. Dans le volet agricole et alimentaire de France 2030, il y a effectivement cette action « Démonstrateur territorial ». Il s'agit de pouvoir financer sur le terrain des fermes expérimentales ou des démonstrateurs destinés à prouver aux agriculteurs qu'il est possible de mettre en place des alternatives.

Concernant les autorisations de mise sur le marché dérogatoires, celles-ci sont attribuées par le ministère de l'agriculture pour une durée maximale de cent-vingt jours. Elles sont prévues par l'article 53 de la directive européenne, au titre de l'urgence sanitaire. Ces dérogations sont majoritairement utilisées lorsque les produits disponibles sont insuffisants alors qu'il faut faire face à un danger sanitaire. Elles sont souvent mobilisées dans les Outre-mer, parce que l'arsenal des produits phytopharmaceutiques disponibles y est moins riche. Nous pouvons alors autoriser certains produits qui sont d'ores et déjà utilisés pour un usage sur des cultures en métropole en les étendant, par dérogation, à des usages en Outre-mer. Ce sont ainsi souvent des extensions d'usage ou des modalités d'usage modifiées pour faire face à un danger. Quoi qu'il en soit, elles sont temporaires et ne portent que sur une durée maximale de cent-vingt jours.

Le contrôle sur les produits importés s'effectue actuellement via les LMR. Nous défendons par ailleurs la mise en place de mesures miroir : ce n'est encore qu'un objectif. Pour l'instant, face à une concurrence déloyale, nous pouvons seulement mettre en place des clauses de sauvegarde. Concrètement, en attendant que la Commission européenne abaisse les LMR, en application d'une procédure qui peut être longue, il est prévu qu'un État membre peut, de manière unilatérale, adopter une clause de sauvegarde qui interdit tout import de produit. La France y a déjà recouru à deux reprises, pour des cerises traitées par le diméthoate et le phosmet. Lorsque les LMR auront été ajustées, la France rentrera dans le droit commun.

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Ma question portait plutôt sur votre capacité de dialogue avec les organisations agricoles, lorsque celles-ci alertent sur des produits proposés à la vente qui ne respecteraient pas certaines interdictions en matière de produits phytosanitaires, en raison des insuffisances des contrôles ?

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Maud Faipoux, directrice générale de l'alimentation (DGAL) au ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

Si un produit est interdit ou s'il existe une LMR sur les denrées végétales, il y a des contrôles. Je peine à identifier les remontées qui pourraient nous parvenir. En tout cas, en l'état actuel du droit, il ne peut pas y avoir de remontée sur l'usage d'un produit interdit s'il n'y a pas de conséquences sur les résidus retrouvés dans le végétal.

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Ma première question sera d'ordre historique. À un moment, la décision a été prise de diviser par deux l'usage des produits phytosanitaires. Sur quels critères scientifiques repose ce choix ? La faisabilité de cette réduction a-t-elle été étudiée ?

Ma deuxième question porte sur l'utilisation des pesticides en dehors de l'agriculture. Je pense notamment à la désinsectisation dans les zones touristiques. Y a-t-il un suivi de ces pratiques ? Quel en est l'ampleur ? Quelles sont les informations disponibles et transmises à la population ? Des analyses d'impact ont-elles été réalisées ? Il me semble que ce sujet mériterait d'être intégré dans notre réflexion.

Vous avez par ailleurs évoqué la recherche de solutions en anticipant sur les interdictions. Or, aujourd'hui, de nombreuses productions sont déjà orphelines. Je pense notamment à l'arboriculture et aux cultures légumières. Pourquoi les travaux de recherche sont-ils orientés sur une filière plutôt qu'une autre ? Même si l'on peut comprendre que les petites filières ne soient pas prioritaires, il faudrait que ce soit clairement exprimé. J'ajouterai qu'une solution peut fonctionner à un endroit mais pas forcément à un autre. Je pense notamment aux filets, qui peuvent être très efficaces en plaine, mais complètement inefficaces dans les zones de coteaux ou les zones giboyeuses. Comment tenir compte de ces situations pour déterminer la pertinence d'une solution ?

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Maud Faipoux, directrice générale de l'alimentation (DGAL) au ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

Lorsqu'un objectif de diminution est fixé, il est important de connaître la situation de référence et l'indicateur qui sera suivi. Ainsi, une division par deux des produits phytosanitaires n'aura pas la même opérationnalité selon qu'elle concerne la QSA, le NODU ou un autre indicateur. C'est d'ailleurs tout l'enjeu des échanges européens que nous avons actuellement sur l'indicateur et la période de référence. C'est bien ce binôme qui donne corps à notre ambition de réduction.

L'usage de produits phytopharmaceutiques est désormais interdit en dehors de l'agriculture, chez les particuliers ou les collectivités locales. Quant à la désinsectisation, elle est soumise à la réglementation des biocides qui sort du champ de compétences de ma direction générale.

Les productions orphelines sont un sujet suivi attentivement, notamment dans le cadre de la commission des usages orphelins. Les productions dites mineures ou celles qui n'ont pas forcément un arsenal thérapeutique à leur disposition y sont répertoriées. De plus, les travaux en filières au titre du plan d'anticipation du retrait des substances embarquent les retraits potentiels futurs et les impasses déjà existantes. Nous n'abandonnons pas ces filières qui ont d'ores et déjà des difficultés pour la protection de leurs cultures.

La viabilité et le fonctionnement d'une alternative est examinée au sein d'une des commissions interfilières qui réunissent les instituts techniques des filières, les professions, l'Inrae, l'Acta et l'ensemble des partenaires.

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Vous avez indiqué précédemment que l'Efsa n'avait pas évalué les impacts sur la biodiversité et les petits mammifères en raison d'une absence de méthodologie. Avec les robots actuellement mis au point, nous sommes en mesure d'administrer exactement la bonne quantité de produit phytosanitaire au bon endroit ; pour autant, nous ne sommes pas au risque zéro. Comment la méthodologie de l'Efsa pourrait-elle évoluer pour prendre en compte ces solutions, en l'absence de véritable alternative ? Il me semble qu'il existe des cabinets qui seraient capables de définir rapidement une méthodologie efficace, mesurable, lisible, transposable et peut-être même diffusable. Quel outil l'Efsa pourrait-elle proposer pour améliorer la santé animale, humaine, et environnementale ?

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Maud Faipoux, directrice générale de l'alimentation (DGAL) au ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

Il existe deux volants pour limiter les risques et les usages de produits phytosanitaires. Il y a les alternatives sans phytosanitaires qui sont celles que nous recherchons. Mais, dans certains cas, il n'est pas possible de s'en passer. Il faut alors réfléchir à mieux les utiliser, à meilleur escient et en moindre quantité. Dans ce cas, l'agriculture de précision est un axe majeur.

Lorsque l'Efsa coordonne l'évaluation des substances actives au niveau européen, elle regarde les caractéristiques intrinsèques des substances et non leurs modalités d'utilisation – sauf à travers l'effet dose qui peut être pris en compte. L'Efsa évalue des substances et non des alternatives qui n'ont pas ces substances chimiques.

Si la produit est utilisé parce que la substance est autorisée au niveau européen, notamment à la suite de l'évaluation de l'Efsa, l'objectif est alors de l'utiliser de la meilleure manière pour limiter les risques sur la santé des opérateurs, des riverains, et de l'environnement. C'est véritablement l'objectif poursuivi.

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Je ne comprends pas. Vous nous avez dit que les impacts n'étaient pas évalués faute de méthodologie.

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Maud Faipoux, directrice générale de l'alimentation (DGAL) au ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

Ces propos concernaient l'évaluation que l'Efsa a rendue sur le glyphosate. L'impact sur la biodiversité n'a pas pu être évalué parce que la méthodologie n'était pas finalisée. C'est dans ce contexte très particulier.

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C'est très important. La méthodologie n'existe pas, donc l'impact sur la biodiversité ne peut être évalué.

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Il ressort de nos auditions que l'impact des produits phytopharmaceutiques est mal mesuré. C'est particulièrement net pour l'air, un peu moins pour l'eau et le sol.

Je rappelle également que le glyphosate est un principe actif qui n'est ni autorisé ni interdit. Il est approuvé. L'Efsa n'interdit rien, elle approuve. Elle dit que l'exposition au danger est gérable ; mais la gestion du risque revient aux États membres, qui interdisent ou autorisent des produits mis en marché, lesquels contiennent la molécule approuvée. Il est important d'être rigoureux dans les termes pour ne pas ajouter à la confusion.

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Ce dégagement de l'Europe, s'agissant des autorisations de mise sur le marché, peut être vu comme un exercice de souveraineté nationale. Mais il peut aussi générer objectivement des concurrences que les agriculteurs jugeraient déloyales. Ainsi par exemple, si l'Allemagne était dans une logique d'interdiction des produits avec du glyphosate, si la France les autorisait dans certaines conditions et si l'Espagne les autorisait totalement, nous pourrions avoir des distorsions de concurrence sur certaines productions.

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Je m'interroge sur les moyens à disposition des agriculteurs pour trouver des alternatives aux produits phytosanitaires, ainsi que sur la complexité des dossiers. Les agriculteurs qui devront investir auront besoin d'un financement et feront appel aux banques. Or certaines filières sont fragiles et éprouveront des difficultés à obtenir des prêts. De plus, les agriculteurs sont-ils vraiment incités à changer leurs pratiques dès lors que les contrôles sont toujours plus complexes et exigeants ?

Par ailleurs, ne faudrait-il pas investir plus dans la recherche météorologique ? Dans les cultures, beaucoup d'interventions sont préventives parce que la pluie est annoncée. Ces interventions ne seraient-elles pas plus limitées, si les prévisions météorologiques étaient plus précises ?

Concernant les mesures miroirs, il est possible de déterminer l'origine d'un produit par sa mesure radioactive. En France, ne serait-il pas possible de contrôler les produits que nous consommons et de vérifier la bonne application des règles ? Ce serait d'autant plus appréciable qu'il existe une vraie concurrence déloyale de la part de produits « francisés ».

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Maud Faipoux, directrice générale de l'alimentation (DGAL) au ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

Des guichets ont été ouverts pour accompagner les agriculteurs dans leurs investissements. Cependant, pour garder l'ambition des plans de financements, il existe une liste de matériels éligibles. Il faut rentrer dans la liste pour être éligible à l'appel à projets qui vise un changement des pratiques. Hormis cette contrainte, la procédure de demande de financement a été largement simplifiée.

J'étendrai votre remarque sur les prévisions météorologiques à tout ce qui peut être fait en termes de modélisation et d'outils d'aide à la décision. Ces modélisations qui s'appuient sur des connaissances qui sont consolidées au travers des bulletins de santé des végétaux peuvent effectivement permettre de rationaliser l'utilisation des produits phytos.

La fraude telle que la francisation des produits n'est pas contrôlée par le ministère de l'agriculture mais par le ministère de l'économie au travers de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) qui a en charge toute la politique de loyauté des relations commerciales. Elle mène des enquêtes sur les marchés et remonte des chaînes logistiques pour mettre à jour des trafics ; mais je ne suis pas sûre qu'elle effectue souvent des mesures de radioactivité.

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Je voudrais revenir sur les contrôles aux frontières de produits importés. Pouvez-vous nous dire si l'intégralité des produits est bien contrôlée ? Si ce n'est pas le cas, quelle est la proportion de produits contrôlés ?

Vous dites que les alternatives développées dans les fermes Dephy sont « viables ». C'est un concept assez relatif dans un contexte où la compétitivité est un aspect non négligeable. Pourriez-vous être plus précise ?

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Maud Faipoux, directrice générale de l'alimentation (DGAL) au ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

La viabilité découle d'une analyse globale qui compare les charges entre la méthode chimique et la méthode non chimique. C'est l'Inrae qui conduit ces études car c'est une analyse complexe qui ne se limite pas aux charges mais considère l'économie globale de l'exploitation. Les fermes Dephy produisent aussi des données, mais moins complètes. C'est vraiment une analyse globale qu'il faut mener.

Concernant les contrôles aux frontières de l'Union européenne, ils sont réalisés par les postes de contrôle aux frontières ou les services d'inspection vétérinaire et phytosanitaire aux frontières (SIVEP) qui procèdent à des contrôles documentaires sur l'ensemble des cargaisons et à des contrôles physiques sur des échantillons – assortis d'analyses pour vérifier le respect des LMR.

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Que représentent ces contrôles sur échantillon par rapport au volume des importations ?

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Maud Faipoux, directrice générale de l'alimentation (DGAL) au ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

Cela représente environ 5 % du total.

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Il existe de nombreux endroits où sont discutés ces enjeux d'alternatives à la dépendance à la chimie de l'agriculture. Ne faudrait-il pas une coordination de toutes ces réflexions pour proposer aux agriculteurs une approche un peu globale ? J'ajouterai que les solutions alternatives n'ont pas beaucoup de sens si elles sont intégrées toutes choses égales par ailleurs. Nous avons besoin de transformations qui impactent tout la chaîne, y compris les circuits de commercialisation, etc.

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Maud Faipoux, directrice générale de l'alimentation (DGAL) au ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

Je vous rejoins sur ce sujet. C'est pourquoi nous passons à une nouvelle ère de la réflexion sur la reconception des systèmes. Nous voyons bien qu'il faut tout considérer et qu'il n'est pas possible de traiter les enjeux en silo. Il faut les traiter globalement au titre de l'exploitation.

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Je me permets d'informer les commissaires qu'en lien et en accord avec le président, nous proposons d'ajouter à nos auditions une table ronde consacrée exclusivement à la question des concurrences, des contrôles aux frontières et de la nature de ces contrôles. Il faut que nous allions au bout de cette question.

J'ai observé que le comité d'orientation stratégique (COS) du plan Écophyto s'est peu réuni ces dernières années. En dehors de ces comités stratégiques qui réunissent toutes les parties prenantes, l'activité interministérielle et le dialogue avec la société civile se sont-ils poursuivis au cours de cette période ? Dans les territoires, nous avons le sentiment qu'il y a une panne de l'impulsion politique, illustrée par le faible nombre de comités d'orientation stratégique et par une faible animation des dispositifs. Quelles sont les raisons qui pourraient justifier une telle panne au moment où nous sommes en quête de résultats ?

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Maud Faipoux, directrice générale de l'alimentation (DGAL) au ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

Le COS dans sa version plénière pilotée par les cinq ministres impliqués s'est réuni l'été dernier pour relancer la dynamique ; il ne l'avait pas fait depuis plus d'un an. Nous partageons votre constat qu'une nouvelle impulsion est nécessaire. Pour autant, l'activité interministérielle et les échanges avec les parties prenantes ont eu lieu dans d'autres enceintes. Le pilotage, la définition et la mise en œuvre de la maquette Écophyto ont bien perduré pendant ces années.

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Quels ont été les points d'achoppement avec les ministères de la santé et de l'écologie, qui ont pu animer ces arbitrages interministériels ?

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Maud Faipoux, directrice générale de l'alimentation (DGAL) au ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

Ce ne sont pas des points d'achoppement profonds. Mais, avec une enveloppe de 41 millions d'euros – relativement limitée compte tenu des enjeux – il y a toujours des ajustements nécessaires sur des projets qui remontent chacun de leur canal ministériel et qu'il faut faire entrer dans l'enveloppe.

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Avez-vous tiré des conclusions du fameux rapport de 2021 qui n'avait pas été publié – sauf sur le site de la Fondation pour la nature et l'environnement (FNE), à la demande de la Commission d'accès aux documents administratifs (Cada) ? Étaient notamment critiquées la dispersion des actions et des moyens, l'absence de ciblage des actions sur les filières à fort enjeu. On y trouvait également une critique sous-jacente, celle d'une comitologie d'action intégrant parfois des acteurs privés représentants de filières. S'ils sont légitimes dans ces enceintes, est-ce que leur présence peut devenir un frein à l'adoption de solutions utiles pour l'intérêt général ?

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Maud Faipoux, directrice générale de l'alimentation (DGAL) au ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

Dans le cadre du plan d'actions sur le retrait de certaines substances actives, nous souhaitons avant tout embarquer et convaincre. C'est plutôt en co-construisant les méthodes alternatives avec les filières que nous y parviendrons, en nous appuyant sur leurs connaissances et leurs relais auprès des agriculteurs.

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Avez-vous tiré les conclusions de ce rapport, s'agissant en particulier de la gouvernance et de l'utilisation de l'argent public, dans la perspective de la mise en œuvre dans la stratégie Écophyto 2030 ?

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Maud Faipoux, directrice générale de l'alimentation (DGAL) au ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

Ces réflexions viennent en effet nourrir la stratégie Écophyto 2030, qui passera notamment par une gouvernance rénovée plus opérationnelle à plusieurs niveaux.

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D'autres rapports concernant la dynamique Écophyto ont-ils été délibérément tenus secret au sein de votre ministère ?

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Maud Faipoux, directrice générale de l'alimentation (DGAL) au ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

Pas à ma connaissance.

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Vous avez répondu que 5 % des volumes étaient contrôlés. Quel est le taux de non-conformités détectées ?

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Maud Faipoux, directrice générale de l'alimentation (DGAL) au ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

Le taux de non-conformités s'établit à environ 5 % des volumes contrôlés.

Puis, la commission entend plusieurs associations :

- Mme Maureen Jorand, coordinatrice du Collectif Nourrir ;

- Mme Cécile Claveirole, vice-présidente de France Nature Environnement (FNE) ;

- M. Thomas Uthayakumar, directeur Programmes & Plaidoyer de la Fondation pour la Nature et l'Homme (FNH) ;

- M. Olivier Andrault, chargé de mission Alimentation et nutrition de UFC-Que Choisir.

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Nous avons reçu le 7 septembre plusieurs représentants d'associations et d'ONG. L'audition avait été assez focalisée sur la question des autorisations de mise en marché et des tests d'évaluation réalisés en amont, sur l'estimation de la dangerosité des molécules et des produits. Nous recevons aujourd'hui à nouveau des associations dont le spectre est cependant un peu différent et peut-être plus large. Il s'agit du Collectif Nourrir, de France Nature Environnement (FNE), de la Fondation pour la Nature et l'Homme (FNH) et de l'UFC-Que Choisir. Même si votre combat n'est pas strictement centré sur la question des produits phytosanitaires, vous êtes tous concernés par nos choix en termes de modèle agronomique et de modèle alimentaire.

Je rappelle que cette audition est ouverte à la presse et qu'elle est retransmise en direct sur le site de l'Assemblée nationale. Je vous rappelle également que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter serment, de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire « je le jure ».

(Mme Jorand, Mme Claveirole, M. Uthayakumar, M. Andrault prêtent successivement serment)

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Thomas Uthayakumar, directeur Programmes & Plaidoyer de la FNH

Les pesticides sont un des piliers du système agricole depuis la deuxième moitié du XXe siècle, en lien avec la modernisation agricole, l'amélioration variétale, les engrais et la mécanisation. Tous ces phénomènes ont conduit à un raccourcissement des rotations et à une absence de diversification des cultures.

Aujourd'hui, il est urgent de réduire l'usage des phytosanitaires de synthèse. A cette fin, nous avons assisté à la mise en œuvre de plans successifs. Le premier plan Écophyto avait pour objectif de réduire de moitié la quantité des pesticides utilisés en dix ans, avec 40 millions d'euros de budget. La moitié de ce budget était financée par les distributeurs de produits phytosanitaires, via la redevance pour pollutions diffuses (RPD). Il a été suivi du plan Écophyto II qui partageait les mêmes objectifs sur dix ans. Il y a eu ensuite le plan Écophyto II+, qui était un plan Écophyto II avec une sortie du glyphosate.

Malheureusement, ces plans ont échoué. Les rapports intermédiaires – dont celui produit par M. Dominique Potier – ont montré que les objectifs n'étaient pas atteints, que les quantités de produits phytosanitaires vendues aux échéances fixées par les différents plans n'avaient pas été réduites de moitié. Je rappelle que le rapport publié six ans après le début du premier plan Écophyto signalait une augmentation de près de 15 000 tonnes des produits utilisés.

Je retiens néanmoins, dans ces différents plan, la promotion des certificats d'économie de produits phytosanitaires (CEPP). Ce sont des certificats attribués aux distributeurs de produits phytosanitaires, lorsqu'ils promeuvent des produits de biocontrôle, des outils pour réduire les quantités de produits utilisés et des variétés résistantes. Il s'agissait de l'une des mesures phares – et contraignantes – du plan Écophyto. Malheureusement, la sanction financière adossée à cette mesure a été supprimée par une ordonnance de 2019.

Les controverses sont nombreuses sur la question de l'évolution de la quantité des produits phytosanitaires utilisés. Ce qui est intéressant, c'est de regarder le temps long. Il y a eu par exemple une controverse en raison d'une augmentation très importante des quantités vendues en 2018. L'augmentation annoncée de la redevance a en effet conduit les agriculteurs à acheter plus de produits phytosanitaires, à constituer des stocks. Or, si l'on prend 2018 comme point de référence, il est facile de mettre en évidence une diminution ultérieure de l'utilisation des produits phytosanitaires. Mais cette diminution n'est que conjoncturelle. Pour être pertinente, la diminution de l'usage des produits phytosanitaires doit plutôt s'apprécier depuis le premier plan Écophyto, après le Grenelle de l'environnement. Ce temps long permet de dégager une tendance. J'ajoute que le Nodu n'est pas un indicateur optimal puisqu'il est impacté par les phénomènes de stockage.

Au-delà des plans Ecophyto, il me semble intéressant de se pencher sur les différents plans de promotion de l'agriculture biologique, ou plans « Ambition Bio », les actions entreprises, leur financement, les objectifs obtenus. La stratégie européenne actuelle – dite « Farm to fork » – nous fait tendre vers un objectif de 25 % de la surface agricole utile (SAU) en bio d'ici 2030, avec un objectif intermédiaire de 18 % en 2027. La loi Grenelle I avait pour objectif d'atteindre 20 % de la surface agricole utile en bio en 2020. Mais cet objectif a été révisé à la baisse au fil des plans.

Cela résulte en partie d'un certain désinvestissement de l'État vis-à-vis du secteur de l'agriculture biologique, même si des plans d'urgence ont été récemment annoncés. Il est nécessaire de structurer ces filières biologiques, d'investir et de discuter ensemble de ce qui est possible ou non, pour véritablement promouvoir l'agriculture biologique et atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés. Nous sommes actuellement autour de 11 % de la SAU en bio. Il faudra des efforts importants pour atteindre l'objectif de 18 % en 2027.

Les questions de formation agricole devront également être évoquées. J'avais déjà eu l'occasion de m'entretenir avec M. Dominique Potier sur la séparation de la vente et du conseil. Aujourd'hui, il faut que les conseillers soient en mesure de donner aux agriculteurs les clés pour savoir comment faire évoluer leurs pratiques. Il faut investir dans la formation agricole, le brevet professionnel responsable d'entreprise agricole (BPREA), les écoles d'agronomie, les écoles de techniciens agricole. Plusieurs leviers sont disponibles pour dégager les financements nécessaires, comme l'augmentation de la RPD ou la réactivation de la sanction financière sur les CEPP.

Il ne faut pas penser que les produits phytosanitaires interdits seront remplacés par une autre substance chimique ou par du biocontrôle. L'enjeu des phytosanitaires est celui d'une refonte profonde des systèmes agricoles et du passage à l'agroécologie. L'agroécologie consiste à caractériser les exploitations et leur environnement et à créer des systèmes différents et diversifiés qui utilisent le moins d'intrants possible. Il s'agit de sortir du modèle des cultures dominantes et de réintroduire des cultures minoritaires.

Les enjeux de distorsion de concurrence méritent aussi d'être évoqués. À la FNH, nous promouvons notamment la mise en place de mesures miroirs, dans le but d'interdire l'importation de produits qui n'ont pas été produits dans le respect des normes sociales et environnementales françaises et européennes.

Beaucoup d'études ont été publiées sur les moyens de sortir des pesticides de synthèse. Il apparaît qu'au-delà de la discussion purement technique, il existe aussi une discussion économique puisque les pesticides sont pour beaucoup dans la compétitivité économique de notre agriculture. Il est clair et évident que l'utilisation d'alternatives aux pesticides est coûteuse ; elle représente une charge supplémentaire pour les agriculteurs. Il faut donc envisager de les accompagner sur le temps long.

Enfin, nous avons aussi un enjeu de communication auprès des consommateurs. Les labels sont nombreux, au-delà des seuls signes officiels de la qualité et de l'origine (Siqo). Il faut apporter de la clarté dans cette jungle des labels. Pour promouvoir des produits durables, il sera aussi nécessaire d'agir sur les acteurs de l'aval : les industries agroalimentaires, les distributeurs mais aussi les filières et leur structure. La structuration de filières différentes, biologiques notamment, impose en effet de penser aux débouchés.

Pour conclure, j'insisterai sur le fait que la construction de systèmes alimentaires avec des exploitations beaucoup plus diversifiées est une des clés de la refonte des systèmes agricoles en France.

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Cécile Claveirole, vice-présidente de France Nature Environnement (FNE)

Je rappelle que l'Inrae a publié deux expertises scientifiques collectives l'an dernier. L'une porte sur l'impact des pesticides sur la biodiversité et l'autre, sur les moyens de se passer des pesticides grâce à la biodiversité. La mise en place d'une véritable agroécologie nécessite un accompagnement volontaire, fort et politiquement engagé. Il faut réfléchir sur le changement de modèle agricole et sur la refonte des systèmes agricoles pour pouvoir se passer des pesticides. Il s'agit de remettre en cause d'un point de vue agronomique la façon dont nous produisons notre alimentation. L'agroécologie est un système qui se repose sur la puissance des phénomènes naturels. Elle nous permet de produire notre nourriture le plus naturellement possible. L'objectif n'est pas aujourd'hui de revenir en arrière mais d'utiliser ces phénomènes pour notre production.

D'après le rapport d'inspection interministériel de 2021, un budget d'environ deux milliards d'euros a été alloué depuis 2008, dont une grande partie a été confiée aux chambres d'agriculture. Sachant que les résultats sont à l'opposé des objectifs fixés, il est complètement irresponsable qu'aucune évaluation n'ait été engagée et qu'il n'y ait aucune redevabilité des chambres d'agriculture sur l'utilisation de cet argent public. Il est prouvé que les politiques mises en œuvre dans les chambres d'agriculture ne favorisent pas la mise en place de l'agroécologie scientifique. Cette agroécologie est adoptée par certaines fermes mais elle n'est ni prônée ni mise en œuvre par les chambres d'agriculture ; elle est plutôt déployée dans le cadre d'accompagnements alternatifs, par exemple par les centres d'initiatives pour valoriser l'agriculture et le milieu rural (Civam).

Par conséquent, à qui seront confiés les fonds des prochains programmes Écophyto et avec quelle redevabilité ? Il semblerait que les leçons n'aient pas été tirées des retours d'expérience des dix ou quinze dernières années.

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Olivier Andrault, chargé de mission Alimentation et nutrition de UFC-Que Choisir

J'interviendrai pour ma part sur la problématique des limites maximales de résidus. Nous savons que l'impact des pesticides sur la biodiversité est catastrophique, pour la biodiversité animale comme végétale. Cependant, dans l'ensemble, nous constatons un bon niveau de conformité sur la présence de résidus de pesticides dans les aliments, lesquels sont souvent mesurés à des doses inférieures à celles qui sont autorisées par la réglementation européenne dans le cadre des limites maximales de résidus (LMR). C'est le discours tenu par la direction générale de l'alimentation (DGAL) et par les autorités européennes. Il est vrai que la plupart des produits alimentaires sont conformes à ces LMR.

Nous avons cependant souhaité creuser un peu plus cette question, en fonction de la nature de ces substances. Nous avons analysé les 14 000 contrôles sanitaires officiels réalisés en 2022 par les autorités françaises sur les aliments vendus, notamment sur les fruits et légumes. Nous nous sommes aperçus que 51 % des contrôles révèlent la présence d'au moins une des cent-cinquante substances suspectées d'être cancérogènes, mutagènes, reprotoxiques (CMR) ou perturbatrices endocriniennes. 30 % des contrôles révèlent la présence d'au moins deux de ces pesticides à risque.

Cela signifie que pour des molécules à risque comme les CMR et les perturbateurs endocriniens suspectés ou avérés, la notion de LMR n'est pas protectrice. Ces substances peuvent en effet agir à des doses extrêmement faibles. La solution serait donc d'agir directement sur les procédures d'autorisation des molécules de pesticides.

J'en viens à la problématique de l'eau du robinet. Les pollutions d'origine agricole dans les cours d'eau ou les nappes phréatiques génèrent un surcoût pour la dépollution estimé entre 750 millions d'euros et 1,3 milliard d'euros par an. C'est le consommateur d'eau qui paie pour cette dépollution via sa facture d'eau, afin que son eau soit conforme aux critères européens et français. C'est le principe pollué-payeur.

Malgré ces coûteux traitements, il y a des dépassements récurrents des normes de qualité. Notre dernière enquête sur la qualité de l'eau du robinet révèle que 450 000 consommateurs boivent une eau non-conforme en raison de la présence de pesticides à des niveaux supérieurs aux limites spécifiques applicables à l'eau. 148 000 consommateurs sont concernés par ces dépassements s'agissant des nitrates.

Nous avons également analysé le type de molécules trouvé dans les analyses jugées conformes. La présence de pesticides suspectés d'être des perturbateurs endocriniens est avérée dans 28 % des analyses jugées conformes. En Ile-de-France, où le nombre de molécules retrouvées est le plus élevé, les perturbateurs endocriniens sont présents dans 80 % des analyses jugées conformes. Il s'agit donc d'une conformité en trompe-l'œil. On retrouve notamment le métabolite du chlorothalonil – un fongicide interdit mais largement utilisé par le passé – en raison de sa rémanence. Toutes ces données montrent que des investissements conséquents seront nécessaires pour nous mettre en conformité avec la réglementation européenne.

Au regard de ces constats, nous recommandons une remise à plat des procédures d'autorisation des produits phytosanitaires. Comme vous le savez, ces procédures reposent très majoritairement sur des études transmises par les fabricants eux-mêmes. Même si elles ne sont pas réalisées par les fabricants, elles sont transmises par des laboratoires dits indépendants aux fabricants avant d'être communiquées aux autorités régulatrices.

Nous demandons des méthodologies officielles pour mieux identifier les composés CMR PE. Nous demandons que des contre-analyses indépendantes puissent être réalisées, notamment sous la responsabilité des agences sanitaires. En application du principe de précaution, nous demandons aussi l'interdiction immédiate des molécules les plus à risque, compte tenu de l'accumulation des preuves.

Enfin, pour terminer sur un message positif, nous avons réalisé il y a quelque temps une enquête sur l'impact de mesures assez anciennes mais très utiles ; il s'agit des mesures de protection des captages prioritaires instaurées par les lois Grenelle I et Grenelle II. Il en ressort que la mise en place d'un plan d'actions pour réduire l'usage des pesticides fonctionne. Sur les deux tiers des captages que nous avons étudiés avec nos associations locales, nous observons une baisse ou une stabilisation de pollution. Ces résultats ont pu être obtenu grâce à plusieurs paramètres essentiels : un pilotage par les communes desservies – et non par les chambres –, un caractère obligatoire, des suivis réguliers et d'autres mesures génériques.

Nous demandons donc que ces bonnes pratiques soient source d'inspiration et que des négociations soient engagées avec la profession agricole. Pour les collectivités territoriales, le coût d'une aide financière à la transition écologique sur les aires de captage est, selon nos estimations, entre deux et trois fois inférieur à celui de la dépollution. L'eau est quand même le premier aliment consommé. Les réponses apportées à la problématique de l'eau par les instances décisionnaires sont généralement des solutions palliatives et non préventives. Au lieu de financer la dépollution, il nous semble plus pertinent d'aider les agriculteurs à faire évoluer leurs pratiques de captage. La priorité actuellement accordée aux solutions palliatives nous semble symptomatique d'une gouvernance insuffisamment démocratique dans ces instances.

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Maureen Jorand, coordinatrice du Collectif Nourrir

Le Collectif Nourrir réunit cinquante organisations de la société civile. Il s'est associé à la version française de l'atlas des pesticides qui montre que les pesticides emportent de nombreux enjeux environnementaux et sanitaires. Et – c'est peut-être moins visible dans le débat public – ils ont également une dimension géopolitique et économique.

Dans un premier temps, il paraît important de considérer les coûts sociétaux générés par l'usage des pesticides. Le secteur met en avant son poids socio-économique. Or l'estimation du coût sociétal des pesticides réalisée par le bureau d'études Le Basic aboutit à des bénéfices directs de 211 millions d'euros pour la France et environ 900 millions d'euros au niveau européen, pour des coûts sociétaux d'au minimum 1,9 milliard d'euros en Europe et 371 millions d'euros en France. Ces coûts sociétaux intègrent la dépollution, les coûts sanitaires liés aux maladies, les réductions de TVA. En revanche, les coûts indirects ne sont pas pris en compte.

Cette étude soulève le besoin que nous avons de conduire des recherches approfondies sur les coûts sociétaux générés par l'usage des pesticides, pour éclairer au mieux cette question et identifier le coût pour chaque citoyen de l'usage de ces pesticides.

J'en viens à la problématique de la souveraineté alimentaire. Sommes-nous réellement souverains face au secteur des pesticides ? La concentration du secteur s'est renforcée au fil des différentes fusions et acquisitions. Actuellement, quatre entreprises – Corteva, Bayer, BASF, Syngenta/ChemChina – détiennent près de trois quarts du marché. Hormis l'une d'elles, détenue par l'État chinois, elles appartiennent aux mêmes cinq fonds d'investissement américains. Ces fonds détiennent par ailleurs une partie importante du capital des leaders mondiaux de l'agroalimentaire. Ces acteurs mettent en avant des investissements de plus en plus importants dans les nouvelles technologies. Pour nous, cette approche ne fait qu'accentuer la dépendance des agriculteurs. Elle ne permet pas d'améliorer leur résilience, leur autonomie et leur capacité d'adaptation.

Par ailleurs, la profitabilité du secteur s'appuie encore sur la vente dans les pays hors Union européenne – pays en développement et pays émergents – de pesticides interdits chez nous. Ainsi, la France continue d'exporter des pesticides dangereux et interdits. Entre janvier et septembre 2022, les autorités françaises ont approuvé 155 demandes d'exportation pour des pesticides interdits. Si cette exportation est directement dommageable pour les pays concernés, elle peut aussi nous conduire à retrouver ces pesticides dans nos assiettes, via des aliments produits à l'étranger et importés.

J'ajoute que les dispositions de la loi Egalim présentent plusieurs limites. La loi interdit d'exporter des produits interdits en France, mais pas les substances actives en elles-mêmes. Les fabricants sont ainsi libres d'exporter les substances et de reformuler leurs produits à l'extérieur de nos frontières. En outre, le décret d'application de cette loi indique que seules les substances interdites en France sont concernées ; cela signifie que les substances qui n'ont pas fait l'objet d'une décision formelle ne le sont pas.

S'il faut reconnaître une baisse des volumes exportés de pesticides interdits, de l'ordre de 75 % depuis 2021, on observe la mise en place de stratégies de contournement par les acteurs du secteur. Ainsi, certaines productions ont été délocalisées et l'exportation de substances s'est substituée à celle de produits.

Il semble donc nécessaire de renforcer ce dispositif en englobant les substances, comme la Belgique l'a fait à travers une loi votée en 2013. Il faudrait également porter cette interdiction d'export à l'échelle européenne, pour qu'elle ait un réel impact.

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Merci pour vos interventions. Cette commission d'enquête porte sur un sujet extrêmement sensible, qui charrie des émotions. Je voudrais juste vous rappeler que vous êtes sous serment et vous demander d'être aussi rigoureux que possible dans vos expressions.

J'aurais presque envie de vous demander – je pense particulièrement à vous, Monsieur Andrault – si vous pensez que les entreprises privées qui mettent sur le marché les produits phytopharmaceutiques et les autorités qui analysent et gèrent le risque mettent sciemment en danger la santé des consommateurs. J'imagine que vous ne le pensez pas mais certains propos tenus pourraient laisser supposer le contraire.

Je vous demanderai donc d'être, pour cette audition, aussi juste et précis que possible dans vos réponses et dans vos expressions. Nous pourrons ainsi continuer à avoir une approche critique, dépassionnée et rationnelle de politiques publiques qui n'ont pas atteint les résultats escomptés.

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Je vous remercie pour la clarté et la force de vos propos et pour vos engagements respectifs. Il semble qu'il y ait quatre ou cinq leviers qui, activés ensemble, pourraient permettre de mettre en œuvre cette politique de réduction des produits phytosanitaires. Le premier de ces leviers est celui du régime d'autorisation des pesticides. Vous vous êtes finalement peu exprimés sur cette question qui est pourtant clairement d'actualité, dans un contexte où le rôle de l'Anses semble remis en cause, notamment au travers d'une proposition de loi déposée et adoptée au sénat. J'aimerais connaître votre opinion sur ce sujet.

M. Andrault, vous entendez l'améliorer par ailleurs et vous le faites sur la base de l'affirmation que les normes LMR ne sont pas valables. Au nom de quoi pouvez-vous porter cette affirmation ? Sur quelles bases scientifiques – plus fondées que celles de l'ensemble des organisations scientifiques à l'établissement de ces normes est confié – vous reposez-vous ? Je pense naturellement à l'Anses, qui travaille avec toutes les parties prenantes et qui a mis en place un système de déontologie parmi les plus exigeants au monde.

La FNH évoque par ailleurs la problématique des stocks, qui pourrait biaiser notre approche de l'évolution des usages des produits phytosanitaires. Avez-vous les moyens d'étayer votre affirmation que la constitution des stocks de 2018 permet d'expliquer la baisse observée sur les quantités de substances actives vendues au cours des trois dernières années ? Une telle démonstration serait précieuse car le Gouvernement et les différents ministres affirment que la situation s'améliore.

Sur la question de l'eau, pouvez-vous préciser, au nom de l'UFC-Que Choisir, quelle est, dans les coûts de dépollution que vous avez cités, la part propre aux pesticides, et celle qui est liée aux nitrates ou à d'autres polluants qui ne sont pas d'origine agricole ?

La FNE porte par ailleurs des accusations fortes contre les chambres d'agriculture. Vous affirmez qu'elles sont le principal acteur de la mise en œuvre du plan Écophyto. Il me semblait que les responsabilités étaient plus partagées. Mais vous posez aussi une question extrêmement sensible sur la redevabilité. D'après ce que vous dites, il y aurait une obligation de moyens mais pas de résultats. Avez-vous une proposition précise qui faire en sorte de mesurer l'efficience des actions engagées sur fonds publics par l'appareil de développement consulaire ?

Enfin, le Collectif Nourrir a démontré à partir des travaux de Le Basic la forte confluence des fonds d'investissement et d'un capitalisme financier qui est à la fois très présent sur la phytopharmacie et sur l'agroalimentaire. Existe-t-il une façon claire de démontrer en quoi cette double puissance dans l'agroalimentaire et dans la phytopharmacie influe sur la puissance publique européenne ou française, au point de provoquer l'échec relatif des politiques publiques en la matière ?

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Olivier Andrault, chargé de mission Alimentation et nutrition de UFC-Que Choisir

L'enquête réalisée en 2022 par l'UFC-Que Choisir sur les fruits et légumes porte sur les substances chimiques d'intérêt en raison de leur activité endocrine potentielle, dont la liste a été publiée en avril 2021 par l'Anses. Elle s'intéresse aussi aux substances listées dans les règlements européens 12-172/2008, pour les substances considérées comme cancérogènes, mutagènes, reprotoxiques (CMR) avérés, présumés ou suspectés.

Les données que je vous ai présentées sont factuelles : il y a au moins un pesticide à risque dans plus de la moitié des contrôles officiels ; et au moins deux pesticides dans 30 % des contrôles. L'affirmation selon laquelle les LMR n'offrent pas une sécurité suffisante pour les consommateurs est une interprétation de l'UFC-Que Choisir sur la base de très nombreuses prises de position des scientifiques et d'éléments réglementaires. Les listes de substances problématiques n'ont pas été inventées par l'UFC-Que Choisir. Ce sont les autorités sanitaires françaises et européennes qui les ont établies.

Je crois être intervenu assez clairement sur les procédures d'autorisation qui nous semblent largement insuffisantes pour la protection du consommateur. Le principe de l'autorisation d'une substance basée sur des analyses qui sont transmises par le fabricant est clairement insuffisant. Je ne pense pas que la demande d'élaboration d'une méthodologie officielle soit une demande exagérée. De même, des contre-analyses indépendantes réalisées sous la responsabilité des autorités sanitaires européenne et française me semblent le minimum qui puisse être demandé.

En ce qui concerne l'interdiction immédiate des molécules les plus à risque, elle existe déjà mais il faut aller plus loin. La présence d'un métabolite qui, si elle était plus largement recherchée, rendrait non-conforme une eau actuellement conforme, soulève quand même des questions sur les procédures d'autorisation et sur le suivi. Je rappelle également que les pesticides analysés et suivis diffèrent selon les départements et qu'il serait préférable de mettre en place des procédures qui permettraient d'uniformiser la recherche de pesticides à travers la France. Malheureusement, je n'ai pas eu de réponses très claires sur ce sujet de la part du ministère de la santé.

Enfin, le surcoût que j'évoquais ne correspond pas au coût total de la dépollution. Je ne dispose pas du chiffre total du coût de la fabrication d'eau du robinet, coût global qu'il serait effectivement intéressant de rapporter au surcoût engendré pour la dépollution des nitrates et des pesticides qui sont majoritairement d'origine agricole. Ce surcoût avait été estimé entre 750 millions et 1,3 milliard d'euros par an par l'une des administrations dépendant du ministère de l'écologie.

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Vous avez un doute sur la validité des LMR, qui n'est pas fondé sur une contre-expertise scientifique mais sur la nature de l'expertise scientifique, laquelle s'appuie trop, selon vous, sur les démonstrations des industriels et pas assez sur une expertise indépendante.

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Olivier Andrault, chargé de mission Alimentation et nutrition de UFC-Que Choisir

Il faut distinguer deux sujets, l'autorisation d'une molécule et la dose maximale de résidus autorisée dans un produit alimentaire.

Sur les procédures d'autorisation, il est clair que nous ne nous satisfaisons pas de procédures qui reposent majoritairement sur des données transmises par les professionnels fabricants.

Concernant les LMR, pour ces molécules qui figurent dans les listes officielles de l'Anses ou du règlement européen, nous pensons assurément qu'il faut pratiquer une procédure de détermination des limites qui soit beaucoup plus exigeante que pour les autres molécules. Les procédures qui définissent les niveaux de LMR sont protectrices pour les substances qui ne posent pas de problème. En revanche, pour les molécules qui sont classées parmi les perturbateurs endocriniens avérés ou potentiels, et pour les molécules CMR avérées ou suspectées, il est clair que ce principe officiel, qui repose sur le principe de Paracelse « la dose fait l'effet » ne suffit pas. Il faut aller plus loin.

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Je vous suggère de demander au ministère de l'écologie de nous fournir le coût de la dépollution en isolant la part liée aux molécules chimiques, autant que possible. Pour notre part, nous poserons la question aux agences de l'eau. Il doit être difficile de distinguer les motifs de dépollution mais s'ils peuvent nous proposer une estimation, ce sera extrêmement intéressant.

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Olivier Andrault, chargé de mission Alimentation et nutrition de UFC-Que Choisir

C'est une très bonne demande mais à ma connaissance, ce cette estimation n'a pas fait l'objet d'actualisation récente.

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Je tiens à rappeler qu'à proprement parler, l'Efsa n'interdit ni n'autorise aucun produit ; elle se prononce sur des molécules. Le reste relève de l'autorité des États membres, qui interdisent ou autorisent la mise en marché de produits qui contiennent des molécules approuvées. Cette confusion est très répandue et il ne faut pas l'entretenir.

J'ajoute que d'après les explications qui nous ont été données par le chef de la production des évaluations des risques de l'Efsa, les fabricants réalisent des études au contenu et selon une méthodologie dictés par la réglementation. En outre, les tests doivent être effectués par des laboratoires agréés. Au regard de la robustesse de cette procédure, des études supplémentaires isolées ne seraient d'aucun apport sur le plan scientifique.

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La question des indicateurs – Nodu, QSA – est revenue très souvent lors de nos auditions. Un nouvel indicateur européen est en construction et nous avons demandé au gouvernement français de nous préciser sa position sur ce point. Avez-vous un avis sur ce sujet ? Quant à l'hypothèse des stocks, elle est très intéressante. Il y aurait eu un pic et ensuite un effet trompeur lié à un déstockage lent.

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Thomas Uthayakumar, directeur Programmes & Plaidoyer de la FNH

Le Nodu est l'indicateur retenu par la France pour suivre le plan Écophyto. C'est un indicateur de doses unité qui permet de suivre les ventes nationales de pesticides. Ce Nodu était de 82 en 2009, il est aujourd'hui de 85,7. Lorsque vous suivez l'évolution du Nodu sur cette période, vous constatez un pic en 2018. Ce que j'évoquais, c'est un lien possible et fort entre la hausse des achats en 2018, et l'augmentation de la redevance pour pollutions diffuses qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2019. Alors que le Nodu atteignait 97,5 en 2017, il s'est élevé à 120,3 en 2018 avant de redescendre à 75,7 en 2019. Il remonte à 90 en 2020 et 85,7 en 2021, soit le niveau de 2009. Le Nodu traduit ainsi très clairement un constat d'échec. Alors que nous nous sommes fixé l'objectif de réduire le Nodu de moitié, son niveau en moyenne triennale est proche de celui de 2010.

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Le Nodu est un indicateur imparfait ; même l'Inrae qui l'a conçu en convient. Par ailleurs l'indicateur des QSA est en baisse significative depuis trois ans. Pouvez-vous nous faire une démonstration similaire à celle du Nodu pour les QSA ?

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Thomas Uthayakumar, directeur Programmes & Plaidoyer de la FNH

Une légère baisse est effectivement observée sur les QSA, mais pas au niveau des objectifs du plan Écophyto. Cette baisse peut être considérée comme significative mais il faut quand même décider de l'objet du débat. Est-ce le Nodu ? Les QSA ? Il y a aussi les indices de fréquence de traitement (IFT) qui sont des indicateurs précis mais difficilement applicables à toutes les cultures.

Si cette commission a pour objectif d'identifier les causes structurelles de l'échec des plans Écophyto, mieux vaut regarder le temps long. À partir de là, il est possible de discuter de tous les indicateurs et de voir comment les améliorer, pour déterminer si la baisse récente constatée s'inscrit véritablement dans les objectifs successifs des plans Écophyto depuis 2009.

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Cécile Claveirole, vice-présidente de France Nature Environnement (FNE)

Les chiffres publiés par le ministère de l'agriculture indiquent une hausse de 22 % de la moyenne triennale de la QSA totale tous produits et usages confondus entre la période 2009-2011 et la période 2016-2018. Nous n'avons pas trouvé de chiffres plus récents.

S'agissant du financement du plan Écophyto, je n'ai pas les chiffres précis de la répartition des budgets entre les chambres d'agriculture, les instituts techniques, etc. Il me semble néanmoins évident que la mise en œuvre stratégique et opérationnelle des plans Écophyto a bien été confiée aux chambres d'agriculture. Elles sont sur le terrain auprès des agriculteurs et mettent en œuvre ce que peuvent éventuellement prôner les instituts techniques.

Je voudrais revenir sur l'aspect émotionnel du sujet qui nous occupe. Ce sont des questions de santé publique et plus particulièrement d'épidémiologie. Aujourd'hui, à ma connaissance, nous n'avons pas les études épidémiologiques suffisantes pour connaître les effets cocktails des produits qui sont utilisés dans la nature depuis cinquante ou soixante ans. Or si nos parents de 90 ans et plus sont relativement en bonne santé, ceux qui sont un peu plus jeunes sont un peu moins en bonne santé et nous – j'ai 62 ans – avons moins de chances de finir en bonne santé parce que nous avons respiré, bu, mangé, tous ces pesticides.

Je n'ai pas de faits précis mais il faudrait conduire des études épidémiologiques concrètes, pratiques. Cela permettrait de faire enfin le lien entre les produits auxquels nous sommes globalement exposés – il n'y a pas que l'agriculture – et l'évolution des maladies, que ce soient des maladies neurodégénératives, des cancers, des maladies cardiovasculaires, etc.

Il y a aussi la question essentielle du principe de précaution. Comment imaginer que ces pesticides qui sont là pour tuer soient actifs sur certains organismes animaux et végétaux mais pas sur les nôtres ? Il n'est pas imaginable que des produits qui sont destinés à tuer certaines formes de vie n'aient pas d'action sur d'autres formes de vie.

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Il reste une question au collectif Nourrir : à votre avis, quel est le degré d'influence de la puissance économique et financière des secteurs dont nous avons parlé sur les autorités publiques dont nous dénonçons en partie l'incurie ?

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Maureen Jorand, coordinatrice du Collectif Nourrir

L'examen de la concentration du secteur de 1990 à aujourd'hui illustre bien les mécanismes de constitution de l'oligopole à quatre que nous connaissons actuellement. Il faut cependant reconnaître que cet oligopole perd des parts de marché avec la montée des génériques en Inde et en Chine. Il détient quand même les trois quarts du marché. Il est compliqué de quantifier l'influence sur le débat public et sur les politiques publiques.

En revanche, il a été possible d'estimer les dépenses associées au lobbying de ces entreprises, notamment aux niveaux européen et français. Le Basic et CCFD-Terre solidaire ont effectué un travail de recensement sur le portail du registre européen sur la transparence et au niveau français pour ces quatre acteurs et l'ensemble de leurs filiales. Ils ont estimé que chaque année, leurs dépenses en lobbying avoisinent 10 millions d'euros. C'est le budget de l'autorité européenne de la sécurité des aliments consacrée à la réglementation des pesticides. C'est la donnée la plus tangible et précise des registres que je peux vous donner.

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L'Efsa dispose d'un budget de 150 millions d'euros par an. Comment avez-vous pu isoler ces 10 millions d'euros ?

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Maureen Jorand, coordinatrice du Collectif Nourrir

C'est le budget de la direction en charge de la réglementation des pesticides au sein de l'Efsa. Je vous enverrai les éléments.

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La FNE a plaidé pendant de nombreuses années, notamment au sein des instances Écophyto, pour une séparation du conseil et de la vente. Vous avez été entendus par le président de la République. Or six années après, cette politique est perçue par tous comme un échec. Quelles conclusions en tirez-vous ? Est-ce un problème de mise en œuvre ou l'idée elle-même était-elle fragile ?

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Cécile Claveirole, vice-présidente de France Nature Environnement (FNE)

L'échec s'explique par une mauvaise mise en œuvre plutôt que par une mauvaise idée. Il est effectivement compliqué de financer un conseil indépendant qui ne soit pas financé par la vente de produits. Le modèle économique n'a sans doute pas été suffisamment réfléchi. Malgré tout, l'expérience mérite d'être tentée à nouveau, avec une mise en œuvre plus précise.

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En raison d'une contrainte horaire, je demanderai à Monsieur Jean-Luc Fugit de me remplacer. Je vous prie de m'en excuser.

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Lors des présentations initiales, une augmentation de 40 000 tonnes des produits phytosanitaires a été mentionnée.

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Thomas Uthayakumar, directeur Programmes & Plaidoyer de la FNH

Il s'agit plutôt d'une augmentation de 15 000 tonnes, sur six ans.

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Merci. Quoi qu'il en soit, que ce soient 15 000 ou 40 000 tonnes, cette affirmation me dérange. Je suis député mais je suis aussi viticulteur dans le Bordelais et j'ai déjà eu l'occasion, dans le cadre de cette commission d'enquête, d'évoquer le fait que le Nodu ou le QSA étaient problématiques. Ce qui m'agace un peu, c'est que vous revendiquez un certain sérieux et une certaine expertise alors que vous propagez des informations très imparfaites. En effet dans cette augmentation de 15 000 tonnes, il y a une part des efforts effectués par les agriculteurs pour sortir de produits problématiques et se tourner vers des solutions plus vertueuses, parfois plus pondéreuses. Je regrette que vous diabolisiez le travail vertueux d'agriculteurs sous couvert d'une expertise que vous ne possédez manifestement pas. Vous trompez l'opinion publique.

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Je vous propose de poser vos questions, cher collègue.

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Je veux juste mettre en lumière le fait que nous auditionnons des personnes qui se revendiquent expertes et nous exposent des démonstrations problématiques.

J'ai également été perturbé par la démonstration de Madame Jorand, qui compare les bénéfices de la commercialisation des produits phytosanitaires – qui se monteraient à environ 200 millions d'euros – à un coût estimé pour la société d'un peu plus de 300 millions d'euros. Vous semblez oublier que les produits phytosanitaires participent à l'activité agricole, qui représente environ 100 milliards d'euros. Ce montant n'est pas entièrement produit grâce aux produits phytosanitaires mais ils y contribuent largement.

En revanche, d'autres points soulevés par Madame Jorand me semblent intéressants. Ainsi, pourquoi des produits phytosanitaires interdits en France sont-ils toujours exportés, en contradiction avec la loi Egalim 2 ? C'est un point sur lequel notre commission d'enquête pourra travailler.

J'ai aussi été gêné par la démonstration de Madame Claveirole que la santé humaine se dégrade. Pourquoi cette dégradation serait-elle forcément le fait des produits phytosanitaires ? J'ai l'impression que vous raisonnez à l'envers et que les études scientifiques ne vous servent qu'à confirmer vos convictions.

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Thomas Uthayakumar, directeur Programmes & Plaidoyer de la FNH

Monsieur le député, vous arrivez avec un argument d'autorité en revendiquant votre statut de viticulteur. Pour ma part, je n'ai pas commencé mon exposé en vous disant que je côtoyais le monde agricole ou que j'étais agronome de profession. Cependant, si vous le souhaitez, nous pouvons débattre sans problème sur ces questions d'expertise.

Concernant le tonnage dont vous parlez, il est issu d'un rapport publié par Monsieur Potier, qui est disponible et dans lequel il est fait état des QSA. Faut-il considérer le Nodu ? Les QSA ? Les IFT ? C'est un débat, mais ne prétendez pas que les données ne vous conviennent pas alors qu'elles émanent de documents officiels. Si vous le souhaitez, nous pouvons aussi évoquer le Nodu. Je le répète, il ne diminue pas si l'on considère la période longue.

La FNH travaille sur les enjeux de justice sociale, d'encadrement des marges, de répartition de la valeur. Je ne sais pas si vous connaissez nos travaux mais nous pouvons discuter ensemble de nombreux sujets. Nous pouvons par exemple discuter de l'environnement alimentaire et des enjeux pour l'environnement de la distribution, de l'agroalimentaire. Où est captée la marge ? Pourquoi les agriculteurs sont-ils dans des situations difficiles et pourquoi leur rémunération est-elle un sujet ? Nous pouvons en débattre.

Nous pouvons aussi parler des certificats d'économie de produits phytosanitaires (CEPP), des enjeux capitalistiques ou de l'échec de la séparation de la vente et du conseil. Nous pouvons parler de la hausse de la redevance pour pollutions diffuses (RPD) et, pour finir, de la part réelle et effective des subventions publiques injectées pour le secteur agricole – 24 milliards d'euros – qui contribuent réellement à la réduction des produits phytosanitaires. Nous pouvons débattre de tous ces sujets plutôt que d'arriver avec des arguments d'autorité et de faire des débats d'expertise.

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Il y a aussi une liberté d'expression de la part des parlementaires. Monsieur de Fournas vous a posé des questions et vous a interpellé.

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Cécile Claveirole, vice-présidente de France Nature Environnement (FNE)

Pour étudier les effets cocktail, nous devons prendre en compte l'ensemble des produits auxquels nous sommes exposés, y compris les colles, les peintures, la pollution de l'air, etc. Quoi qu'il en soit, les principaux polluants retrouvés dans l'eau sont d'origine agricole. Il existe des études locales recensant l'occurrence de certaines maladies à proximité de certaines productions. Il faut qu'elles puissent être élargies.

Par ailleurs, je ne crois pas que la suppression des produits phytosanitaires fragiliserait notre souveraineté alimentaire. De nombreuses études ont prouvé qu'il était possible de produire nos biens alimentaires pour alimenter les Français voire les Européens de façon agroécologique et sans pesticides.

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Maureen Jorand, coordinatrice du Collectif Nourrir

Je précise que l'objectif de l'étude que j'ai mentionnée était de quantifier le poids économique du secteur des pesticides et de souligner un angle mort avec la question des coûts sociétaux. Il n'était pas question de conduire l'analyse économique de notre système agricole et alimentaire.

Je note votre intérêt pour les dispositions de la loi Egalim 2. Je pourrai vous transmettre des éléments plus précis.

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Olivier Andrault, chargé de mission Alimentation et nutrition de UFC-Que Choisir

Je voudrais m'adresser à l'ensemble des députés ici présents et leur rappeler une proposition qui s'appuie sur l'un des rares succès obtenus dans le cadre de la lutte contre les pesticides en France. Sur la base d'un échantillon de 76 captages prioritaires, nous avons montré que la mise en place de mesures décidées par l'ensemble des partenaires et avec la profession agricole était efficace. Il est possible de réduire ou de stabiliser les taux de pesticides et de nitrates dans ces captages.

J'insiste sur ce point car si nous parvenons à concentrer les efforts sur 5 % de la surface agricole utile, nous pourrons diminuer assez rapidement l'exposition des consommateurs à ces molécules. Outre le bénéfice sanitaire il y aura aussi un bénéfice économique évident. De très nombreuses études montrent qu'il est plus intéressant financièrement pour les collectivités territoriales d'aider les agriculteurs à aller vers une transition écologique sur les aires de captage plutôt que de dépolluer.

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Lorsque je signale que je suis viticulteur dans le Bordelais, ce n'est pas un argument d'autorité. Je n'ai pas la prétention d'être un expert et d'ailleurs, j'ai une vision très partielle de l'agriculture française. Si je précise que je suis viticulteur, c'est parce que je suis touché par vos affirmations. Quand je vois dans la presse que la consommation de produits phytosanitaires explose en Gironde alors que nous faisons des efforts importants, je me sens blessé. La question du tonnage pose problème, qu'il s'agisse du Nodu ou des QSA.

Par ailleurs, la DGAL qui est intervenue avant vous nous a communiqué quelques chiffres que vous ne citez pas : une baisse de 96 % des ventes de produits classés « CMR 1 », par exemple. C'est le résultat d'efforts considérables. Je peux vous assurer que supprimer un produit CMR, ce n'est pas anodin. J'ai l'impression que vous ne reprenez pas ce chiffre de 96 % parce qu'il est en opposition avec ce que vous voulez démontrer. Sous couvert de compétences scientifiques, vous avez quand même une démarche militante.

J'aimerais qu'au lieu de rappeler cette augmentation de 15 000 tonnes qui reflète probablement plus des efforts que des dérives, vous soyez capable de reconnaître ces efforts de la profession.

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Merci pour vos expertises citoyennes qui viennent enrichir nos questionnements politiques. Ma première question porte sur le bilan global des politiques de réduction des produits phytosanitaires. La FNH constate une hausse de 14,9 % de l'utilisation des pesticides de synthèse sur la période 2009-2019 alors même que le premier plan Écophyto prévoyait une diminution de 50 % sur cette même période. Comment pouvez-vous expliquer ce décalage majeur ?

J'aimerais aussi connaître votre réaction aux propos de la Première ministre qui a déclaré vouloir respecter le cadre européen, rien que le cadre européen. Ce cadre européen qui sert d'objectif stratégique au gouvernement vous semble-t-il suffisant ? Si vous préconisez d'aller plus loin au niveau national, comment y parvenir sans soumettre nos agriculteurs français à une concurrence déloyale de la part des autres pays européens ?

En avril dernier, les deux géants Syngenta et Biotalys ont annoncé un partenariat stratégique pour commercialiser de nouvelles solutions de biocontrôle à partir de protéines. Ils mettent en avant l'idée d'un développement des techniques de protection des cultures qui limite l'impact sur la biodiversité. De tels discours sont-ils le symbole d'une conversion – ou d'un glissement au moins partiel – des plus gros acteurs de l'agrochimie en faveur d'alternatives à l'agrochimie ?

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Vous avez exprimé la volonté d'uniformiser les molécules recherchées dans les eaux sur le territoire. Or il me semble qu'en France, nous avons une agriculture diverse et variée. Je ne vois donc pas forcément l'intérêt ou l'opportunité de systématiquement chercher les mêmes molécules partout sur le territoire.

J'ai également entendu des rapprochements entre l'exposition aux pesticides et un état de santé général dégradé. Or il existe bien d'autres molécules et micropolluants qui sont apparus progressivement au cours des dernières années et pour lesquels nous n'avons aucune donnée toxicologique. Dans ce contexte, il me paraît difficile d'attribuer les problèmes de santé aux seuls pesticides.

Enfin, je m'interroge toujours sur l'usage des pesticides dans d'autres secteurs d'activité que l'agriculture. Même s'ils ont été interdits pour les particuliers et les collectivités locales, nous savons bien qu'ils sont encore utilisés, notamment lors des campagnes de désinsectisation.

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J'aurais aimé rappeler que les agriculteurs n'utilisent jamais les pesticides par plaisir mais uniquement par nécessité. Si nos grands-parents ont traité et pulvérisé des produits, c'était pour répondre à une attente sociétale. Il ne faut pas réécrire l'Histoire. Il ne faut pas non plus oublier que les tickets de rationnement n'ont été supprimés qu'en décembre 1949.

Je suis agriculteur bio. Je constate que si le désir de basculer vers le bio est réel chez certains, les productions bio peinent à se vendre car elles sont trop chères. Cela conduit à des déconversions du biologique, parce que les agriculteurs ne parviennent pas à en vivre. C'est une triste réalité dont il faut être conscient. D'où ma question : est-ce que le consommateur est prêt à payer le prix juste qui découlerait d'une réduction de moitié des pesticides ?

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Je souhaite revenir sur votre proposition relative aux captages, que je trouve très intéressante. Les périmètres des captages sont sans doute un levier de progrès ; il est important de prendre conscience des effets provoqués par la pollution dans les périmètres de captage et de les faire connaître à l'ensemble de la population. Autour de cet enjeu, nous pouvons faire émerger la conscience d'une responsabilité partagée, au-delà des seuls agriculteurs. Ces derniers ont déjà réalisé un travail important en amont, avec les bassins versants. Aujourd'hui enfin, les collectivités et les citoyens prennent conscience de ces périmètres de captage. C'est ensemble que nous pourrons avancer.

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Madame Faipoux, la directrice générale de l'alimentation, nous a rappelé la position actuelle de la France sur le glyphosate. J'aimerais que les intervenants puissent nous donner leur point de vue, alors qu'est posée la question d'une prolongation de l'autorisation de cette substance active. C'est un sujet qui n'est pas si simple.

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Olivier Andrault, chargé de mission Alimentation et nutrition de UFC-Que Choisir

Le nombre de molécules de pesticides recherchées dans les eaux diffère selon les départements, du fait de décisions prises par les agences régionales de santé. C'est un peu étonnant et cela peut conduire à une quantité de molécules recherchées très différente pour des départements agricoles pourtant comparables.

206 molécules différentes – pesticides et métabolites – sont recherchées en moyenne en France, mais ce chiffre masque des disparités extrêmes. Ainsi par exemple, dans le Var, 600 molécules et métabolites sont recherchées, et environ 500 en Île-de-France. En revanche, l'Aisne n'en recherche que 12, soit cinquante fois moins que le Var. C'est la raison pour laquelle nous avons demandé au ministère de la santé qu'une règle claire soit adoptée s'agissant du nombre et du type de molécules recherchées.

Je confirme par ailleurs que toutes les molécules ne sont pas issues des pesticides et je peux vous assurer que l'UFC-Que Choisir ne communique pas uniquement sur les risques liés aux pesticides. Nous communiquons aussi sur les fournitures scolaires, les détergents, les cosmétiques, etc. Malheureusement, de nombreuses molécules de substances problématiques se retrouvent dans notre environnement quotidien. C'est incontestable.

Et nous ne sommes pas capables d'évaluer la responsabilité de telle ou telle molécule ou de tel ou tel produit dans l'émergence ou dans l'accroissement de certains problèmes de santé. Notre rôle se limite à analyser la présence de ces substances dans les produits de consommation et à alerter sur la présence de substances jugées problématiques par différentes instances scientifiques.

Au sujet du bio, alors que la croissance a été extraordinaire pendant la période du Covid-19, force est de constater que l'inflation galopante des prix alimentaires a brisé cette dynamique. Les consommateurs voudraient consommer plus de bio mais ils se heurtent à une double problématique de prix et de disponibilité, notamment en grande surface.

Vous questionnez la volonté des consommateurs de payer le prix d'un mode de production agricole plus protecteur pour l'environnement et pour la santé. Mais je pense qu'il faudrait aussi s'interroger sur la construction des prix. Nous avons mené deux études qui pointent la responsabilité de la grande distribution dans les prix des produits bio vendus aux consommateurs. Notre étude montre qu'elle cherche à vendre le moins cher possible les produits transformés, qui bénéficient d'une plus grande visibilité médiatique. Elle se rattrape en faisant une marge importante sur les produits bruts, et plus encore sur les produits bio. Nous ne pouvons que déplorer cette politique de marge de la grande distribution et nous la dénonçons. Je conclus en soulignant que les aides financières à la filière bio sont ridicules au regard de ses bénéfices.

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Thomas Uthayakumar, directeur Programmes & Plaidoyer de la FNH

Il serait peut-être intéressant d'évoquer les rapports de force entre les acteurs dans la filière agro-alimentaire. Cette problématique des rapports de force se retrouve derrière la question des marges, derrière celle de la rémunération des agriculteurs.

Si les plans de réduction d'usage des phytosanitaires ont échoué alors que, dans le même temps, les agriculteurs ne parviennent pas à vivre de leur activité, il faut peut-être s'interroger. La profession va mal, nous l'entendons. Face à ce constat, nous conduisons des travaux, études et programmes pour examiner plus précisément ces enjeux de répartition de la valeur. Je rappelle que c'était l'un des objectifs de la loi Egalim, dans la foulée des états généraux de l'alimentation en 2017.

Il faut aussi parler des enjeux de formation, dans le contexte de la séparation de la vente et du conseil. Il est possible de financer davantage de conseillers indépendants, c'est peut-être l'une des solutions.

Il faut aussi essayer de comprendre pourquoi dans certaines filières d'agriculteurs ne peuvent se rémunérer et parviennent à peine à assumer leurs coûts de production. La défense des agriculteurs nécessite d'aborder tous ces sujets et de parler de répartition de la valeur.

Concernant l'agriculture biologique, il faut rappeler que le décret d'application de la loi Egalim, qui prévoit 50 % de produits durables dans la restauration collective publique, dont 20 %. Ce n'est pas appliqué, c'est pourtant un levier pour dynamiser l'agriculture biologique. La filière bio est en difficulté mais, dans le même temps, des aides au maintien sont supprimées et l'on procède par ajustements dans le cadre de plans d'aide d'urgence. Ce dont a besoin la filière biologique, ce sont d'aides structurelles de long terme. Cela nécessite de débattre des financements publics, de leur fléchage, et de voir dans quelle mesure il est possible d'impulser une conversion vers l'agriculture biologique pour atteindre nos objectifs.

L'UFC-Que Choisir a évoqué l'encadrement des marges et l'environnement alimentaire. Il y a des éléments importants à considérer pour que les distributeurs et les industries agroalimentaires soient parties prenantes dans la réduction des produits phytosanitaires. L'affichage environnemental sera probablement un levier pour les consommateurs. Il y a aussi un travail d'acculturation, de communication. Tous ces enjeux sur la demande doivent être considérés en parallèle de toutes les actions réalisées sur l'offre pour promouvoir les systèmes agricoles biologiques.

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Pouvez-vous donner votre avis sur le glyphosate ?

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Maureen Jorand, coordinatrice du Collectif Nourrir

Le Collectif nourrir n'a pas de position sur ce sujet et je ne m'engagerai donc pas sur ce point.

Concernant le partenariat évoqué entre Syngenta et Biotalys, je ne l'ai pas regardé en particulier. Ce qui est sûr, c'est que les industriels du secteur sont confrontés à une montée en puissance du générique et des industries venant d'Asie. Nous pourrions faire le parallèle avec l'industrie pharmaceutique, s'agissant notamment des coûts de recherche et développement, qui sont de plus en plus élevés. Ce qui est certain, c'est que même si de nouveaux marchés se développent comme le biocontrôle, la profitabilité de ces acteurs reste largement générée par les pesticides traditionnels.

Concernant l'interdiction d'exporter des pesticides interdits d'usage en Europe, la France a été le premier pays à s'engager dans cette voie et la Belgique a suivi quelques mois après. Ce sujet est également en débat dans d'autres pays européens. Cela montre bien qu'il est possible d'enclencher des dynamiques entre le niveau national et le niveau européen.

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Je voudrais signaler à nos interlocuteurs que peu de personnes auditionnées ont été aussi vivement interpellées. J'ajouterai que j'ai peu goûté le niveau d'interpellation de l'un de nos collègues. Notre rôle est de poser des questions et d'obtenir des réponses, il n'est pas d'engager une controverse idéologique.

Je voudrais également vous remercier pour la précision de certaines de vos propositions, qui peuvent devenir des recommandations pour notre commission d'enquête. Je pense notamment à la question très précise des captages – question d'autant plus importante que le dérèglement climatique pose en des termes nouveaux l'enjeu de la sécurisation sanitaire de ces zones. Est-ce que le droit de propriété doit être sacralisé ou des mesures d'autorité s'imposent-elles au nom du bien commun ?

Je remercie aussi Monsieur Uthayakumar pour la précision de ses analyses et de ses propositions, notamment sur le financement du conseil qui est un élément clé. Assurément, la question du conseil et de son indépendance doit être posée à nouveau.

Je voudrais enfin remercier le Collectif Nourrir qui, à travers ses travaux, nous renseigne et nous rappelle qu'en face de la puissance publique se dressent des superpuissances qui disposent de pouvoirs d'influence sur les consommateurs mais aussi sur les décideurs publics.

Il me semblait important d'exprimer notre gratitude pour votre travail et vos contributions, même si certaines de vos affirmations peuvent être contestées.

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Je vous remercie au nom de cette commission d'enquête. Vous avez tout notre respect et notre reconnaissance pour avoir pris le temps de répondre à toutes nos questions. Si vous souhaitez compléter vos propos, vous pouvez nous transmettre les documents que vous jugerez utiles pour nourrir cette commission.

La séance est levée à dix-huit heures trente.

Membres présents ou excusés

Présents. – Mme Anne-Laure Babault, M. Christophe Barthès, M. Frédéric Descrozaille, M. Grégoire de Fournas, M. Jean-Luc Fugit, Mme Laurence Heydel Grillere, Mme Nicole Le Peih, M. Éric Martineau, M. Dominique Potier, Mme Mélanie Thomin