La réunion

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La séance est ouverte à neuf heures.

La commission auditionne M. Fabien Canu, directeur général de l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP), Mme Anne Barrois-Chombart, directrice générale adjointe en charge de la politique sportive, M. Patrick Roult, chef du pôle haut-niveau, et M. Sébastien Le Garrec, chef du pôle médical.

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Nous allons pouvoir commencer. Merci, chers collègues rapporteurs, nous accueillons à présent Monsieur Fabien Canu, directeur général de l'institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP), Madame Anne Barrois-Chambard, directrice générale adjointe en charge de la performance sportive, Monsieur Patrick Roult, chef du pôle haut niveau, et Monsieur Sébastien Le Garrec, chef du pôle médical.

Mesdames et Messieurs, je vous souhaite la bienvenue et vous remercie de votre disponibilité pour répondre à nos questions. Nous avons entamé les travaux de cette commission d'enquête sur l'identification des défaillances de fonctionnement au sein des fédérations françaises de sport, du monde sportif et des organismes de gouvernance du monde sportif le 20 juillet dernier. L'Assemblée Nationale a décidé de sa création à la suite de très nombreuses révélations publiques de sportives et sportifs, et de diverses affaires judiciaires ayant trait à la gestion de certaines fédérations.

Nos travaux se déclinent donc autour de trois axes : l'identification des violences physiques, sexuelles ou psychologiques dans le sport ; l'identification des discriminations sexuelles et raciales dans le sport ; l'identification des problématiques liées à la gouvernance financière des fédérations sportives et des organismes de gouvernance du monde sportif bénéficiant d'une délégation de service public.

L'INSEP, établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel sous tutelle du ministère des sports, est un acteur majeur du sport de haut niveau en France. L'INSEP est également le centre d'entraînement et de préparation olympique et paralympique, de référence pour les équipes de France.

Son cœur de métier est donc l'accompagnement des sportifs haut niveau et leur encadrement. 50 % des médailles olympiques sont issues directement des sportives et sportifs qui s'entraînent à l'INSEP. En tant que cadre d'entraînement et de vie exigeant où de jeunes sportifs s'entraînent, dorment, mangent, vivent, créent un cercle social, se donnent corps et âme pour leurs rêves olympiques, l'INSEP est un lieu où peuvent évidemment survenir des violences sexuelles et sexistes, ou encore des violences psychologiques ou physiques. L'INSEP a donc aussi la lourde responsabilité d'agir pour prévenir ces actes et apporter des réponses adaptées lorsqu'ils surviennent.

Notre commission souhaite comprendre comment l'INSEP s'acquitte de cette mission, en lien le cas échéant avec son ministère de tutelle, les fédérations et les autres acteurs du milieu sportif. Quels sont les faits et signalements dans le champ de notre commission d'enquête dont vous avez eu connaissance ? Comment ont-ils évolué le cas échéant ? Comment l'INSEP est-il organisé et quels sont les moyens qui sont mis en œuvre pour prévenir et traiter ces problématiques ? Quelles sont précisément les procédures applicables ? L'action et l'organisation de l'INSEP dans ce domaine ont-elles évolué pour accompagner le mouvement de la libération de la parole qui a suivi les révélations de Sarah Abitbol ?

La commission d'enquête a à cet égard recueilli le témoignage public de deux athlètes sur des violences subies à l'INSEP. Nous aurons l'occasion d'y revenir en détail dans le courant de votre audition. Monsieur le Directeur général, vous avez également été nommé en 2019 inspecteur général de la jeunesse et des sports, après avoir exercé les fonctions de directeur technique national à la Fédération française de Judo, sport qui a également été marqué par de nombreuses dénonciations.

Votre audition sera également l'occasion de revenir sur les faits dont vous avez pu avoir connaissance dans ces fonctions importantes et les suites qui leur ont été données à l'époque. Nous aimerions plus généralement connaître votre appréciation sur les évolutions qui vous paraîtraient souhaitables. Je rappelle que cette audition est ouverte à la presse et qu'elle est retransmise en direct sur le site de l'Assemblée Nationale.

Avant de vous laisser la parole et d'entamer nos échanges, je vous rappelle que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes entendues par une commission d'enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite à tour de rôle et à dire « Je le jure ».

M. Fabien Canu, Mme Anne Barrois-Chambard, M. Patrick Roult et M. Sébastien Le Garrec prêtent serment.

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Fabien Canu, directeur général de l'institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP)

Tout d'abord, merci de nous permettre d'être auditionnés aujourd'hui dans le cadre de vos travaux. Je vais donner des éléments de contexte concernant les enjeux de sécurité au sein de l'INSEP, avant de céder la parole à ma collègue Anne Barrois-Chambard.

Il est important de préciser que le site de l'INSEP est fréquenté par 800 sportifs, 315 agents de l'INSEP et une centaine d'agents travaillant pour des prestataires de services, soit un total de 1 000 à 1 500 personnes. Les enjeux de sécurité concernent bien évidemment l'ensemble des individus qui fréquentent le site, ce qui représente une responsabilité considérable. S'y ajoutent les personnels des fédérations sportives, à savoir l'encadrement ainsi que des kinésithérapeutes et médecins. Il convient de noter que nous sommes des prestataires de services pour les fédérations qui couvrent 27 disciplines sportives. Elles ont la charge des entraînements et nous leur proposons divers services qu'elles peuvent prendre ou pas, ce qui peut parfois poser des questions en termes d'autorité et de responsabilité. En effet, dans le cadre des activités sportives, nous n'avons pas toujours la possibilité de voir tout ce qu'il peut se passer concrètement dans la relation entraîneur-entraîné, ce qui ne nous empêche pas de mettre en place des actions. Pour autant, c'est une difficulté à avoir à l'esprit. Je ne m'étendrai pas davantage sur le sujet.

Les prestations et services que nous proposons sont variés. Ils concernent notamment le domaine médical. Le docteur Sébastien Le Garrec ici présent dirige un très grand centre médical. En termes de formation, nous avons le fameux « double projet », qui est un marqueur du système français. Nos prestations couvrent aussi les domaines de l'accompagnement à la performance, de la préparation mentale ou de la nutrition entre autres. Nous mettons également à la disposition des fédérations des installations sportives haut de gamme.

Nous défendons le principe selon lequel le sport de haut niveau doit rester un soutien éducatif pour les jeunes, qu'ils perdent ou qu'ils gagnent. L'objectif de notre établissement est de former des jeunes pour leur avenir. Ainsi, ils apprennent à se prendre en main, à se gérer, à gagner, à vivre ensemble. La lutte contre les violences sexuelles fait partie de cette dimension éducative, comme nous aurons l'occasion d'y revenir.

Je vais maintenant laisser la parole à Anne Barrois-Chambard pour qu'elle vous explique comment l'INSEP est organisé.

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Anne Barrois-Chambard, directrice générale adjointe de l'INSEP en charge de la performance sportive

Comme vous l'avez indiqué Madame la présidente, les sportifs vivent sur le site. Ils sont un nombre conséquent d'internes, et ils peuvent être mineurs ou majeurs. À notre niveau, l'objectif est avant tout de travailler autour des valeurs du respect de soi et du respect des autres. C'est ce sur quoi nous nous sommes engagés et à ce titre, nous mettons en place un certain nombre de dispositifs de prévention. Ils peuvent être permanents, mis en œuvre au quotidien, mais il peut s'agir aussi d'actions plus ponctuelles principalement à destination de nos sportifs, mais pas seulement. Ceux-ci représentent évidemment la cible privilégiée, mais les actions peuvent aussi viser les agents de l'établissement dont les personnels d'encadrement comme les surveillants d'internat ou d'externat. Elles peuvent aussi concerner les entraîneurs, même s'ils ne sont pas des agents de l'établissement. Ce sont des cadres d'État ou des cadres fédéraux qui viennent au quotidien sur les entraînements. L'idée est que collectivement nous travaillions sur ces valeurs, et nous le faisons notamment en appui et en soutien d'associations qui nous sont proposées et recommandées par le Ministère des Sports, des Jeux Olympiques et Paralympiques. Les interventions peuvent se faire directement auprès de nos sportifs ou au travers de supports divers et variés comme des films avec des temps d'échange ou des scènes de théâtre pour mettre en situation ces notions de respect de soi et des autres.

Ces actions ne sont pas nouvelles, elles s'inscrivent dans le cadre d'un plan « éthique et intégrité » sur lequel nous travaillons chaque année et qui est proposé au directeur général. Ces dispositifs dans les domaines de l'éthique et de l'intégrité ont eu des noms différents dans les années précédentes, mais nous avons en tout cas une feuille de route chaque année qui comporte différentes actions de prévention, mises en œuvre en direction des sportifs majeurs et mineurs, des agents de l'INSEP et des personnes avec lesquelles les sportifs sont en contact directement. Nous avons un public de sportifs qui est captif, dans le sens où beaucoup dorment sur place. Pour autant, le temps d'un sportif de haut niveau est très contraint en termes de disponibilité. Nous essayons donc de mobiliser les sportifs sur des temps où ils sont disponibles, soit en début d'année, au moment de la rentrée scolaire, soit certains soirs. C'est évidemment plus facile avec des sportifs mineurs, puisque nous pouvons plus facilement les mobiliser. C'est moins le cas pour ceux qui sont majeurs, puisque nous ne pouvons pas les contraindre. De plus, certains sont effectivement internes à l'INSEP mais d'autres sont externes. Nous sommes donc sur des temporalités un peu différentes, ce qui fait que les sportifs majeurs peuvent être plus compliqués à mobiliser. Il est clair que nous souhaiterions que les sportifs majeurs répondent davantage à ce type de sollicitations ou de sensibilisations. Nous travaillons aussi avec les entraîneurs. Pas plus tard qu'il y a quelques semaines lors d'un séminaire de rentrée, Fabien Canu est intervenu auprès des entraîneurs sur le thème du bien-vivre ensemble et du respect des uns et des autres. À ce titre, nous avons d'ailleurs fait intervenir une association sur cette relation entraîneur-entraîné. Là aussi, nous aimerions cependant qu'il y ait plus de mobilisation de la part des entraîneurs qui sont présents à l'INSEP, mais – comme le précisait Monsieur Canu – nous intervenons en tant que prestataire. C'est notre rôle d'accompagner et il faut en retour un peu de mobilisation.

Au-delà de toutes les actions mises en œuvre, qu'elles soient ponctuelles ou plus régulières, nous avons un dispositif d'information des sportifs et de tous les agents sur le site sur les différentes procédures qui existent en interne, sur les personnes ou dispositifs ressources, ou encore sur les numéros de téléphone qui peuvent être appelés par les personnes qui souhaiteraient s'exprimer sur toute situation de violence sexuelle ou d'autre type qu'elles pourraient avoir subie ou dont elles pourraient avoir été témoin au sein de l'établissement. Nous diffusons ces informations principalement sous la forme d'affichages qui sont visibles dans tous les bâtiments de l'INSEP et qui permettent donc d'identifier les personnes ressources au sein de l'établissement si des personnes souhaitent évoquer des problématiques particulières au sein de l'institut.

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Vous avez indiqué que l'INSEP était prestataire de services. J'aimerais que nous revenions un peu sur cette notion et sur le fait qu'un établissement public puisse être prestataire de services.

Ensuite, vous avez souligné que le site de l'INSEP est un lieu où se croisent plus de 1 000 personnes par jour, parmi lesquelles des mineurs, des adultes, des agents de prestations, ou encore des entraîneurs. Est-ce que vous pourriez partager avec nous les mesures ou dispositifs spécifiques qui sont mis en place par les équipes de l'INSEP sur les sujets qui nous intéressent, à savoir les violences sexuelles et sexistes (VSS), les discriminations, le racisme, les violences physiques en dehors des partenariats que vous avez pu engager avec des associations comme Colosse aux pieds d'argile, Stop aux violences sexuelles ou Fight for Dignity ? En effet, nous connaissons maintenant plutôt bien ces associations et nous souhaiterions donc savoir quelles sont les actions précises que vous vous mettez en place de votre côté.

Au regard du fait que le site de l'INSEP rassemble des jeunes athlètes qui vivent sur le campus et sont susceptibles d'être victimes ou cibles d'agressions, comment garantissez-vous leur sécurité ? Sachant que les entraînements peuvent se terminer tard le soir ou avoir lieu les week-ends, est-ce que vous avez des dispositifs spécifiques à ce titre ? De manière plus générale, quelle est votre stratégie de lutte contre les VSS ? De quel pouvoir réel est-ce que vous disposez pour travailler et pour mettre en place des actions en lien avec les fédérations, qui sont des locataires de l'INSEP et pas forcément dans une relation de prestation de service ?

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Fabien Canu, directeur général de l'institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP)

Oui, ce sont des locataires et nous leur offrons un certain nombre de services, y compris d'accompagnement dans la performance. Pour autant, les fédérations ne sont pas obligées de faire appel à un nutritionniste ou à un préparateur mental par exemple. Ce sont elles qui décident de recourir aux services que nous leur proposons en termes d'accompagnement à la performance. Nous avons des fédérations qui utilisent tous nos services, et d'autres pour lesquelles c'est un peu moins le cas. Notre souhait est qu'ils soient utilisés au maximum étant donné les moyens mis en œuvre. Pour être bien clair, nous n'avons pas d'autorité sur ce qu'il se passe dans le cadre des entraînements et sur les plans de préparation qui sont construits. La responsabilité du résultat sportif incombe aux fédérations, et ce sont elles qui seront jugées sur ce plan lors des Jeux olympiques l'année prochaine. Certes, l'INSEP sera en partie concernée, mais son avis n'est pas sollicité au moment où des changements d'encadrement ou d'entraîneurs sont envisagés et nous apprenons souvent les informations par la presse. Lorsque des fédérations ont des difficultés, nous sommes un peu spectateurs. Tous ces éléments visaient à expliquer les liens que nous avons avec les fédérations. Pour autant, nous travaillons avec elles et elles ont toutes un responsable de Pôle France qui est notre courroie de transmission sur tous les sujets. Ce sont nos correspondants permanents et c'est souvent par leur intermédiaire que nous faisons passer des messages aux fédérations. Charge à eux ensuite de les diffuser auprès de leurs sportifs.

Pour ce qui est du dispositif de prévention, nous avons deux cas de figure. En ce qui concerne les mineurs, ils vivent dans un internat qui est un bâtiment dédié et qui est très encadré. Tous les soirs, des ateliers divers et variés sont proposés pour leur apprendre à vivre ensemble ou pour les sensibiliser sur des sujets comme le dopage. Sur ce plan, le fonctionnement est assez fluide. En revanche, nous avons certainement des efforts à faire dans l'information à l'égard des sportifs majeurs. Il y a un déficit d'information auprès des sportifs majeurs comme nous avons pu l'identifier suite à des échanges avec Emma Oudiou, que vous avez d'ailleurs auditionnée. Nous avons plus de mal à les capter parce qu'ils sont plus libres que les mineurs. Chez les majeurs, les procédures de signalement ne sont par exemple pas toujours connues. Il y a deux ans lorsque je suis arrivé, l'établissement a mis en place une procédure de signalement avec des affiches collées partout dans les bâtiments. Cette procédure s'adresse aux agents de l'INSEP, aux sportifs et à toutes les personnes qui fréquentent le site. Comme Emma Oudiou l'a mis en avant, les sportifs majeurs ne lisent pas forcément les affiches ou les mails, et nous avons un vrai enjeu d'information à leur égard.

La procédure va être dissociée et nous allons distinguer les agents publics (pour lesquels un texte a été publié récemment) et les sportifs. Nous allons vraiment différencier les modalités d'information par rapport au dispositif entre les deux populations. Toutefois, nous avons déjà mis en place une réunion pour les nouveaux majeurs accueillis à la rentrée. Isabelle Dounias (qui est une infirmière de l'INSEP en charge de recueillir les propos lorsque des situations se présentent) est venue se présenter auprès de ces nouveaux majeurs afin qu'ils connaissent son visage et qu'ils puissent aussi identifier le dispositif qui leur est proposé dans le cas de violences notamment. Par ailleurs, nous allons mettre en place très prochainement une application – car c'est un support privilégié pour les jeunes – afin de délivrer aux sportifs un certain nombre d'informations sur la vie de l'INSEP. Elles concerneront des sujets comme la restauration mais aussi ce dispositif de signalement que nous avons dans l'établissement. Emma Oudiou avait en tout cas raison sur le fait que nous devons davantage informer les sportifs majeurs et que le relais que nous pouvons avoir avec les fédérations n'est pas suffisant.

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Vous parliez tout à l'heure de la responsabilité du prestataire que vous êtes, mais est-ce que vous avez une charte ou un autre document qui vous lie aux fédérations ?

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Fabien Canu, directeur général de l'institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP)

Nous signons des conventions avec elles.

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Est-ce qu'elles listent toutes les responsabilités des différentes parties ?

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Fabien Canu, directeur général de l'institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP)

Patrick Roult sera plus à même de vous répondre sur le sujet.

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Patrick Roult, chef du pôle haut niveau de l'INSEP

Nous signons avec chaque fédération une convention pluriannuelle de Pôle France dans laquelle nous listons à la fois les prestations et les responsabilités sur lesquelles nous nous engageons respectivement. Nous pourrons vous en envoyer un exemplaire pour que vous en ayez une meilleure visibilité.

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Vous nous avez indiqué que des ateliers étaient organisés à l'attention des mineurs pour communiquer avec eux sur différents sujets. Au-delà de ces ateliers, est-ce qu'il existe des dispositifs qui sont mis en place pour les protéger d'un point de vue sécuritaire, notamment pour qu'ils ne se retrouvent pas seuls avec des adultes sans que vous puissiez en avoir connaissance par exemple ? Vous avez évoqué aussi la question d'une infirmière qui est en charge de recueillir les propos de victimes ou de témoins de violences. Est-ce à dire que vous ne disposez que d'une personne en charge de cela pour les 800 sportifs accueillis à l'INSEP ?

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Nous allons peut-être demander à Monsieur Le Garrec d'intervenir sur les aspects médicaux.

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Sébastien Le Garrec, chef du pôle médical de l'INSEP

Pour répondre à la question sur les personnes ressources, elles sont deux à être identifiées pour recueillir la parole. J'en profite pour donner des précisions sur les grandes missions du pôle médical de l'établissement, qui sont au nombre de trois. La première et la prioritaire consiste à préserver la santé mentale et physique des athlètes. Sur ce sujet, nous nous appuyons essentiellement sur la surveillance médicale réglementaire, telle que définie par l'arrêté du 13 juin 2016 relatif à la surveillance médicale des sportifs de haut niveau, des espoirs et des collectifs nationaux. La deuxième mission est de soigner les sportifs, car les athlètes de haut niveau peuvent être soumis à des blessures. La troisième mission est de participer à la récupération des sportifs au vu des charges d'entraînement importantes qui sont les leurs.

Le pôle médical de l'INSEP représente à peu près 80 personnes et environ 45 ETP, avec des métiers très variés : des médecins évidemment, avec différentes spécialités, des kinésithérapeutes, des infirmières, quatre psychologues cliniciennes (dont le rôle est de surveiller l'état mental de nos athlètes), des podologues, des dentistes, des radiologues. Nous avons donc une équipe extrêmement complète.

La surveillance médicale réglementaire est vraiment quelque chose d'important pour nous. Nous disposons d'une secrétaire qui est dédiée à temps plein pour planifier les rendez-vous en lien avec cette surveillance. C'est malheureusement une charge qui n'est pas simple à gérer parce que nous avons parfois des difficultés à faire venir nos athlètes pour assurer cette surveillance médicale réglementaire. Il y a là un vrai sujet. Pour vous citer l'exemple du bilan psychologique, qui est obligatoire et fait partie de la surveillance médicale réglementaire, moins de 10 % des sportifs de certains pôles l'ont réalisé en 2021. Je pense que c'est lié à la mauvaise image qu'ont les psychologues, alors que c'est vraiment important. La surveillance médicale réglementaire a été mise en place pour préserver nos athlètes, elle a tout son sens et il faut vraiment faire en sorte qu'elle soit appliquée pleinement. Dans ce domaine, la responsabilité revient avant tout aux fédérations. Nous sentons bien que certaines fédérations ont pris le sujet à bras le corps avec des secrétaires qui sont très prégnantes et des médecins qui assurent particulièrement bien le suivi de leurs athlètes. Dans d'autres fédérations, c'est un peu plus aléatoire et nous avons un vrai sujet à traiter.

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Je vais vous demander – les uns et les autres – d'être un peu plus précis dans vos réponses. En effet, certaines notions employées comme les fédérations, les valeurs, les associations ne le sont pas suffisamment. Pour nous éclaircir pendant cette commission d'enquête, il faut que nous puissions avoir davantage d'explications.

Je voudrais aussi revenir sur un élément. Lors de son audition, Madame Palou a évoqué le médecin du sport de l'INSEP. Elle a évoqué le fait qu'il lui aurait prescrit un antidépresseur comme un Doliprane et sans la prévenir des idées suicidaires qui peuvent survenir en début de traitement. Il lui aurait également prescrit des anxiolytiques sans l'informer du risque d'addiction. Docteur Le Garrec, avez-vous été destinataire ou étiez-vous vous-même le prescripteur de cette ordonnance ?

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Sébastien Le Garrec, chef du pôle médical de l'INSEP

Oui tout à fait, c'est de moi qu'il est question. J'ai effectivement entendu les propos de Claire Palou et ils m'ont un peu choqué, je vous le dis très sincèrement.

Avant tout, je tiens à préciser que bien avant de rejoindre l'INSEP en 2014, j'ai exercé pendant 20 ans en tant que médecin généraliste. J'ai rencontré de nombreuses personnes en détresse au fil des années. J'ai écouté leurs souffrances, prescrit des médicaments, y compris des antidépresseurs et d'autres psychotropes. Je pense donc être légitime sur la prescription de ces traitements.

Le traitement que j'ai prescrit a été établi après un entretien lors duquel j'ai jugé nécessaire de le mettre en place. Le traitement a été basé sur des molécules qui sont vraiment celles qui sont classiquement prescrites dans ce type de situation. En ce qui concerne les effets secondaires, je ne suis pas d'accord avec ce qui a été mentionné. J'ai clairement informé l'athlète des possibles effets secondaires. D'ailleurs, je l'ai revue trois jours après la prescription, même si je l'avais déjà contactée entre-temps. Je voulais m'assurer que le traitement était bien toléré. Je crois avoir bien mis en place le traitement. Peut-être qu'elle ne l'a pas ressenti de cette manière, ce que je peux comprendre. Cependant, de mon côté, j'ai la conviction d'avoir bien fait mon travail. Si je devais refaire le traitement, je prescrirais exactement les mêmes molécules. Je tiens à le souligner.

Par ailleurs, en ce qui concerne l'affaire de Claire Palou, je pourrai peut-être aborder les détails plus tard. Lorsque je l'ai vue pour la première fois en état de détresse, j'ai un peu été pris au dépourvu. Je l'avais rencontrée huit jours auparavant pour un tout autre sujet, et elle ne m'avait pas parlé de son état de détresse à ce moment-là. Quand j'ai eu connaissance de sa situation, j'ai immédiatement planifié son hospitalisation en centre psychiatrique, dans les six jours qui ont suivi notre rencontre. Croyez-moi, ce n'est pas une décision qui se prend à la légère. Ma parole a autant de valeur que la sienne, mais je peux vous assurer que je n'ai pas pour habitude de prescrire des psychotropes de la même manière que l'on prescrit un simple Doliprane. Je préviens toujours les personnes des effets possibles.

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Fabien Canu, directeur général de l'institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP)

Pour répondre à votre question concernant le dispositif de surveillance, nous avons seize assistants d'éducation qui sont directement en contact avec les sportifs. Souvent, ce sont souvent ces assistants qui remontent les informations concernant les sportifs en situation de détresse, que ce soit pour des problèmes personnels ou d'autre nature. Ils jouent un rôle essentiel dans notre dispositif, car une certaine confiance s'établit entre les sportifs et eux. C'est donc souvent par leur intermédiaire que nous sommes informés des difficultés rencontrées par les athlètes, quelles qu'elles soient.

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J'entends ce que vous expliquez mais ce qui nous intéresse vraiment au niveau de cette commission, c'est d'identifier les dysfonctionnements ou les failles dans notre système. Nous cherchons à comprendre pourquoi des événements de type VSS se produisent et comment ils sont traités ou malheureusement pas parfois. Notre préoccupation aujourd'hui est avant tout de savoir ce qui est fait en amont et notamment quels dispositifs sont en place pour sécuriser le site de l'INSEP afin d'éviter toute forme d'agression, de racisme ou de discrimination.

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Patrick Roult, chef du pôle haut niveau de l'INSEP

Il existe plusieurs niveaux de sécurité sur le site de l'INSEP. Tout d'abord, le site est sécurisé, seules les personnes identifiées peuvent y entrer. Le personnel de l'INSEP, les membres des fédérations ou les partenaires dans le cadre du partenariat public-privé possèdent tous un badge individuel. Ainsi, nous avons un contrôle sur chaque personne qui franchit une porte et nous savons à quelle heure elle le fait.

Concernant les bâtiments d'hébergement, il y en a un pour les mineurs et un pour les majeurs. Le bâtiment d'hébergement des mineurs est fermé et son accès est limité à un nombre restreint de personnes qui ont un badge. Il est géré par une responsable, assistée par une adjointe et dix surmédiants. Nous les appelons ainsi car ce sont des assistants d'éducation qui assument à la fois un rôle de surveillance et de médiation.

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Patrick Roult, chef du pôle haut niveau de l'INSEP

Leur profil est sensiblement le même pour ceux qui s'occupent des mineurs ou des majeurs. Ils sont recrutés sur des contrats d'assistant d'éducation et sont formés avant leur prise de fonction lors d'un séminaire qui se déroule en août. Leur contrat porte généralement sur une période d'un an renouvelable deux fois, parfois exceptionnellement une troisième fois. Ce sont pour partie d'anciens sportifs de haut niveau ayant une expérience du site et pour une autre partie des personnes extérieures qui viennent apporter un regard différent. À une certaine époque, nous avions par exemple recruté des jeunes femmes venant du secteur médical ou sociomédical, des élèves infirmières notamment. Les surmédiants sont souvent jeunes, entre 21 et 30 ans en règle générale, et poursuivent des études. Ils sont embauchés à mi-temps et travaillent principalement le soir et la nuit. Ils sont logés sur place dans des chambres de l'internat. Dans l'internat des mineurs, nous avons dix surmédiants assurant une rotation de service, garantissant ainsi une surveillance constante du bâtiment tant de jour que de nuit.

Pour ce qui est des bâtiments réservés aux majeurs, la surveillance est différente. Normalement, la règle ne prévoit pas qu'il y ait de surveillance puisque les personnes accueillies sont majeures. Cependant, nos prédécesseurs avaient obtenu – hors plafond d'emploi – l'embauche de six surmédiants, qui sont également des assistants d'éducation. Ces surmédiants surveillent la nuit les trois bâtiments où sont logés les majeurs. Ce système n'est pas simple, car les surmédiants ne sont pas présents chaque nuit du fait de leurs rotations. Nous avons mis en place un dispositif d'astreinte, avec un téléphone d'urgence affiché partout dans tous les bâtiments. Ce numéro est communiqué aux sportifs internes, tant aux mineurs qu'aux majeurs, afin qu'ils puissent appeler en cas de besoin.

Par ailleurs, le site est également surveillé par les équipes de sécurité qui contrôlent les entrées et effectuent des rondes régulières de jour comme de nuit, à la fois dans les bâtiments et dans les installations sportives. Le site est vaste puisqu'il s'étend sur 28 hectares, mais nous avons un nombre de personnels de sécurité assez important. Les rondes sont effectuées de manière aléatoire, ce qui empêche toute tentative d'intrusion entre deux rondes. Malgré ces précautions, nous sommes parfois confrontés à des incidents, comme des individus qui passent assez régulièrement au-dessus des clôtures pour voler des vélos. C'est assez régulier. Cependant, nous avons des agents de sécurité d'une société privée avec laquelle nous avons un contrat de marché public pour assurer cette surveillance. De plus, nous avons récemment installé un grand nombre de caméras de vidéosurveillance sur l'ensemble du site. Ces caméras couvrent le périmètre de l'INSEP et surveillent l'accès aux bâtiments d'hébergement. Chaque porte des bâtiments d'hébergement est surveillée par ces caméras.

Au-delà de ces mesures sécuritaires, il y a également un volet éducatif. À ce titre, nous mettons en place des formations très spécifiques pour nos surmédiants, car ce sont eux qui sont en contact quotidien le plus proche avec l'ensemble des sportifs. Nous insistons beaucoup sur la notion de distance appropriée. Quand tout va bien, nous maintenons une certaine distance pour ne pas oppresser les sportifs. Quand ils vont moins bien, le but est de se rapprocher d'eux. Cette approche subtile est un aspect essentiel du quotidien des surmédiants et de leur manière d'être. Nous les formons à reconnaître les situations délicates, qui ne sont pas toujours celles où les sportifs font le plus de bruit ou montrent le plus de difficultés. Nous sommes par exemple vigilants par rapport aux personnes habituellement souriantes qui soudainement s'effacent ou s'éteignent. Dans ces cas, nous faisons en sorte d'intervenir.

Nous formons aussi les jeunes sportifs qui entrent chaque année. Ils ont une semaine de formation dense avec des intervenants sur des questions de sécurité et sur la relation aux autres. Il y a aussi des formations sur ce que l'on appelle la vie sexuelle et affective, la prévention des conduites addictives, notamment le dopage, les jeux d'argent, les réseaux sociaux. On pourra vous fournir le tableau des modules de formation mis en place pour les sportifs et les surmédiants.

Nous proposons également des formations à tous les membres du personnel, et d'autres sont destinées aux entraîneurs et aux sportifs. Comme le mentionnait Fabien Canu plus tôt, notre principale difficulté concerne les sportifs majeurs, qu'ils vivent ou non sur le site, car contrairement aux mineurs, nous ne pouvons pas les obliger à assister à ces formations. Nous les invitons, mais ils ne sont pas toujours présents. Pour illustrer ce point, nous lancions hier soir une série de diffusion de films sur les Jeux olympiques. Hier soir, nous avons invité les sportifs à la diffusion d'un documentaire sur les Jeux olympiques de Barcelone et les majeurs ne sont pas venus. Étant donné que nous travaillons sur l'autonomie des sportifs mineurs, nous avons choisi de ne pas les contraindre non plus, et il s'avère qu'ils ne sont pas venus non plus à cette séance.

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Merci. Je vais vous demander quelques clarifications rapidement. Si vous pouviez être un plus concis, ce serait bien car nous avons beaucoup de questions à aborder. Tout d'abord, pourriez-vous me donner le nombre précis d'agents de sécurité présents sur le site, notamment en soirée ? Estimez-vous que ce nombre est suffisant pour garantir la sécurité ?

En ce qui concerne la formation des surmédiants, vous avez mentionné qu'ils étaient formés pendant l'été juste avant leur prise de fonction. Sachant qu'ils viennent avec des expériences et des compétences variées, pensez-vous que cette diversité de profils est adaptée et que la durée de formation est suffisante pour ce poste de surmédiant ? De plus, pourriez-vous me donner des détails sur la durée et le contenu de la formation, notamment sur le temps consacré aux sujets sensibles tels que les VSS, le racisme et les discriminations ?

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Fabien Canu, directeur général de l'institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP)

Je vais répondre sur l'aspect sécurité. Lorsque j'ai pris mes fonctions, j'ai identifié la sécurisation du site comme l'un des enjeux majeurs. Nous avons procédé à l'installation d'une quarantaine de caméras, ce qui nous offre une vue assez exceptionnelle sur l'ensemble du site. Nous travaillons avec un prestataire de services qui emploie au moins sept ou huit agents de sécurité en soirée et la nuit. En vue des Jeux olympiques, ce dispositif de sécurité va encore être renforcé car l'INSEP sera centre d'entraînement et car des équipes seront hébergées sur le site pendant les Jeux olympiques.

J'ai aussi nommé un responsable de la sécurité. Même si les actions déployées depuis quelque temps produisent des effets, la préservation de la sécurité est un combat permanent dans le sens où beaucoup de monde pénètre sur le site et où nous avons des risques d'intrusion.

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Les mesures en place vous semblent-elles suffisantes ?

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Fabien Canu, directeur général de l'institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP)

Sincèrement oui. Nous contrôlons même les véhicules qui sortent du site – hors les voitures individuelles – afin de prévenir des vols sur les installations sportives, ce qui était un autre problème important.

Nous avons reçu une visite des représentants de la préfecture de police dans le cadre de la Coupe du monde de rugby car nous sommes camp d'entraînement pendant celle-ci, et ils prévoient de revenir en vue des Jeux olympiques y compris pour traiter les enjeux liés à l'informatique. Nous travaillons en étroite collaboration avec les autorités pour améliorer constamment notre dispositif de sécurité. Pour l'instant, je suis convaincu que nos mesures de sécurité sont adéquates, mais je reste ouvert aux recommandations de la préfecture de police pour renforcer davantage la sécurité si nécessaire.

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Patrick Roult, chef du pôle haut niveau de l'INSEP

Pour compléter sur la présence notamment la nuit, nous avons pour l'internat des mineurs un surmédiant qui est d'astreinte et un surmédiant qui est de réserve en plus des autres qui vivent sur place et qui peuvent être sollicités en cas de besoin. Sur les internats majeurs, nous avons de la même façon un surmédiant qui est d'astreinte et un autre qui est de réserve, mais les hébergements sont répartis sur trois bâtiments.

Par ailleurs, un cadre de la direction générale est d'astreinte toutes les nuits. Concrètement, les cadres de la direction générale qui vivent sur le site opèrent une astreinte d'une semaine à tour de rôle. Nous disposons d'un téléphone d'astreinte et nous pouvons être appelés à toute heure du jour et de la nuit. Pour vous donner un exemple, il est assez fréquent que nous devions emmener un sportif aux urgences au milieu de la nuit parce qu'il est malade ou autre. Tout ce dispositif de sécurité me semble suffisant car il nous a permis de répondre à toutes les difficultés que nous avons eues à rencontrer, y compris dans une période récente où nous avons eu un empoisonnement de notre système d'eau qui a généré beaucoup de sollicitations sur plusieurs jours. Mon collègue responsable du service médical en garde un souvenir ému de même que nous tous, mais nous avons pu assurer la sécurité et la prise en charge des sportifs ou des sportifs qui tombaient malades d'une façon satisfaisante pendant cette période.

En ce qui concerne la formation des surmédiants, leur contrat d'un an est renouvelable deux fois, mais tous ne sont pas reconduits chaque année. Lorsque nous en avons un qui ne nous satisfait pas sur le plan de sa posture ou dans le cadre de l'exercice de ses missions, il n'est pas renouvelé mais c'est quelque chose d'assez rare. Dans nos recrutements pour ces postes de surmédiants, nous recrutons des individus ayant une expérience éducative dans des activités d'encadrement de vacances ou autres, ou au travers de leurs études. Un bon tiers de leur formation de trois jours est consacré à l'ensemble des questions de sécurité et à la prévention des divers problèmes qui peuvent être rencontrés sur le site.

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Pourrez-vous d'ailleurs nous transmettre des informations sur les différents profils de ces surmédiants et sur la manière dont se déroule une journée type pour eux (en incluant les gardes de nuit) ?

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Patrick Roult, chef du pôle haut niveau de l'INSEP

Bien sûr.

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Fabien Canu, directeur général de l'institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP)

Je précise que nous interrogeons le casier judiciaire de ces personnes avant leur recrutement. C'est le B3 qui est demandé pour chaque candidature.

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Patrick Roult, chef du pôle haut niveau de l'INSEP

En revanche, nous n'avons pas accès au FIJAISV à notre niveau, ce qui est un sujet...

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Lorsque nous avons auditionné Mesdames Oudiou et Palou, cette dernière nous a affirmé que lors de son témoignage auprès d'une personne de l'INSEP, il lui avait très clairement été fait comprendre que ce serait mieux pour tout le monde si son histoire ne sortait pas dans la presse. Il s'agirait là de menaces. Avez-vous eu – les uns ou les autres – connaissance de telles menaces et savez-vous qui les a proférées ?

Par la même occasion, je voudrais savoir comment vous réagissez lorsque vous avez connaissance d'un signalement de la part de vos sportifs, qu'ils soient d'ailleurs mineurs ou majeurs. Quel est le processus que vous enclenchez dans ce type de cas ?

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Fabien Canu, directeur général de l'institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP)

Nous avons découvert par voie de presse que des responsables de l'INSEP auraient tenu de tels propos, et je vous avoue que c'est l'incompréhension totale pour moi. Je ne vois pas qui aurait pu tenir ce type de propos, ni comment et à quel moment. Nous nous sommes interrogés parce que nous avions reçu Claire Palou avec ses parents au mois de juin de mémoire.

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Je vous interromps car en relisant mon document je m'aperçois bien qu'elle a déclaré vous avoir rencontré, Monsieur Canu.

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Fabien Canu, directeur général de l'institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP)

Oui, c'est là où je comprends encore moins parce que nous avons effectivement vu Claire Palou avec ses parents. À cette période, les contacts ont assez réguliers avec elle par l'intermédiaire d'Anne Barrois pour l'INSEP, et la fédération était également dans la boucle avec son DTN.

Claire Palou souhaitait nous rencontrer et évoquer sa situation. Nous lui avons posé la question de savoir si elle souhaitait porter plainte. Elle nous a répondu qu'elle ne le souhaitait pas, parce qu'elle avait peur des effets médiatiques si l'affaire était portée sur la place publique. Ce sont ces propos. De mon côté, j'ai seulement confirmé que si c'était sur la place publique, cela aurait certainement des répercussions au niveau médiatique. Je tiens à souligner que dans toute ma carrière professionnelle, je n'ai jamais caché quoi que ce soit. Je ne comprends pas cette incompréhension... On pense qu'elle a fait référence à ce moment de l'échange.

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Lorsque vous l'avez reçue, elle vous a indiqué avoir peur que son histoire se retrouve sur la place publique selon ce que vous nous dites. À la suite de cet échange, avez-vous fait un signalement ou déclenché un article 40 ?

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Fabien Canu, directeur général de l'institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP)

Oui. Nous nous sommes d'abord assurés de savoir où elle en était, parce qu'elle a été moralement atteinte par cette affaire. Je lui ai indiqué que je souhaitais qu'elle témoigne auprès de la personne référente au sein de l'INSEP, et que des suites seraient données à son témoignage. Un article 40 a bien été déclenché fin août ou début septembre.

Par rapport aux propos tenus ce jour-là, je ne comprends même pas comment elle peut faire état d'une volonté de notre part de cacher sa situation. Je m'étonne. Elle a en tout cas été entendue et la procédure est lancée.

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Pouvez-vous nous donner la date précise à laquelle l'article 40 a été déclenché ? Vous avez parlé de fin août ou début septembre, mais étant donné que nous l'avons auditionnée le 5 ou 6 septembre, il est important pour nous de savoir si c'était avant ou après.

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Fabien Canu, directeur général de l'institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP)

C'était avant mais je ne suis pas sûr qu'elle ait eu l'information en revanche. Pour toutes les affaires de violences sexuelles, je déclenche automatiquement l'article 40 parce que ce sont des affaires complexes. Je tiens à souligner que nos pouvoirs d'investigation sont très limités dans ce type d'affaire, ce qui est un sujet.

Dans une affaire précédente qui a concerné l'établissement et qui impliquait d'ailleurs Emma Oudiou, une exclusion définitive d'un jeune athlète de l'INSEP a été prononcée mais la justice a ensuite classé le dossier. Dès lors, le jeune athlète et sa fédération ont demandé qu'il soit réintégré. L'établissement a également été attaqué pour le manque à gagner que cette personne aurait subi pendant sa période d'exclusion. À cette époque, nous l'avons réintégré avec tout de même la mise en place de mesures de contraintes : il ne pouvait venir que deux fois par semaine et il n'avait le droit d'aller qu'à la salle d'entraînement, sans pouvoir utiliser les services de l'INSEP. La personne qui avait porté le signalement a aussi été informée avec un dispositif associé, sachant que la salle d'entraînement où elle s'entraînait était située juste à côté de celle du sportif mis en cause.

Dans de telles affaires, c'est souvent parole contre parole et il nous est très difficile – au niveau de l'établissement – de porter des jugements. Le recours à l'article 40 nous permet de signifier que nous sommes dépassés par ces situations au regard des pouvoirs d'investigation qui sont les nôtres. D'où l'article 40.

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Je voudrais que nous refassions précisément la chronologie de l'affaire Claire Palou. J'ai compris que vous l'aviez reçue en juin mais il serait bien que nous sachions ce qui a été mis en œuvre entre juin et fin août – début septembre. Est-ce qu'une procédure administrative a été déclenchée par exemple ? S'agissant de l'article 40, nous souhaiterions savoir précisément la date à laquelle il a été déclenché. C'est une information importante pour nous. De même, quelles suites vont être données à ce déclenchement de l'article 40 ? Lors de son audition, Claire Palou nous a indiqué que sa fédération avait pris le relais.

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Pour ma part, je voudrais savoir ce qu'il s'est dit lors de votre rencontre en présence des parents de Claire Palou et pourquoi d'après vous cette dernière a manifesté de la peur à l'idée de déposer plainte. Par ailleurs, est-ce qu'elle vous a fait part de son appréhension par rapport au fait de revenir ensuite dans sa discipline sportive et aux possibles conséquences pour sa carrière sportive ?

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Anne Barrois-Chambard, directrice générale adjointe de l'INSEP en charge de la performance sportive

J'ai pris mes fonctions le 1er mai 2022 et les faits dénoncés par Claire se sont produits vers la mi-mai 2022. À l'issue des rendez-vous que Sébastien Le Garrec a pu avoir avec elle à cette période, je me suis entretenue avec ses parents sachant que Claire a été longuement hospitalisée. Beaucoup de mois se sont ensuite écoulés et nous avons pu rencontrer Claire au mois de juin en présence de ses parents et du directeur technique national de la Fédération française d'athlétisme. Elle nous a fait part de l'état dans lequel elle se trouvait à ce moment-là et elle allait mieux par rapport aux mois précédents. Je ne crois pas qu'elle ait utilisé le terme de « peur » mais elle était effectivement inquiète des conséquences d'une plainte contre le sportif incriminé. Elle redoutait les réactions de l'environnement sportif et s'inquiétait de la manière dont une plainte serait perçue, puisque c'est un sportif connu qu'elle a accusé. Si la situation était médiatisée, elle se demandait quelle en serait l'incidence pour elle : est-ce que les gens allaient prendre parti pour lui plutôt que pour elle ou inversement ? Comment allait-elle se sentir dans sa pratique de l'athlétisme après, puisqu'elle n'avait pas prévu de mettre un terme à sa carrière ? Au contraire, elle avait d'autres projets, elle partait sur Montpellier et elle avait envie de continuer sa pratique sportive intensive voire de haut niveau. Dans ce contexte, elle avait peur d'être jugée par rapport à cette affaire si celle-ci était connue du grand public et donc par incidence dans le monde de l'athlétisme. C'est ce qu'elle a évoqué lorsque nous lui avons posé la question de savoir si elle prévoyait de porter plainte. C'est à ce moment-là que nous lui avons indiqué qu'à partir du moment où la situation serait rendue publique ce serait certainement plus difficile à gérer. Cependant, à aucun moment nous ne lui avons dit qu'il ne fallait pas porter plainte.

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Comment vous réagissez-vous vous-même lorsque vous êtes face à un sportif ou une sportive qui – comme Claire Palou – manifeste une inquiétude et de l'appréhension par rapport aux conséquences de la médiatisation d'une affaire ? Quelle est votre position, quelle est celle du DTN, quelle est celle de la fédération concernée ? Comment est-ce que vous accompagnez cette victime ?

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Pour aller un tout petit peu plus loin, nous avons compris de son témoignage qu'elle accusait un athlète qui serait célèbre et qui va sûrement participer aux Jeux olympiques l'année prochaine. Est-ce qu'il est mis à l'écart ou quelles sont les mesures mises en place au niveau de l'INSEP pour cet athlète pour lequel vous avez visiblement déclenché un article 40 suite au témoignage de Claire Palou ?

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Anne Barrois-Chambard, directrice générale adjointe de l'INSEP en charge de la performance sportive

Une procédure établie a été suivie pour Claire. Elle a été reçue par l'infirmière qui fait partie des deux personnes spécifiquement formées pour recueillir ce type de témoignages à l'INSEP. Lors de l'entretien que nous avons eu au mois de juin avec Claire, Fabien Canu lui a demandé de rencontrer cette infirmière pour recueillir sa parole et avoir un écrit.

En parallèle, nous avons aussi des personnes qui sont clairement identifiées et qui sont chargées d'entendre les personnes qui sont incriminées (que ce soient des sportifs majeurs ou des entraîneurs). Dans ce type de cas, nous lançons une enquête administrative comme partout. Tous ces éléments recueillis sont remontés à Fabien Canu et il est amené à les partager avec les membres de la direction.

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Où en êtes-vous de cette enquête administrative ?

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Fabien Canu, directeur général de l'institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP)

Nous vous avons adressé hier des éléments à ce sujet. Vous pourrez les regarder et constater que la situation est franchement très compliquée à appréhender. Sur la base des éléments recueillis, je vois mal comment je peux convoquer un conseil de discipline. Dans ce type de cas, il faut aussi penser à celui qui est qui est incriminé. Nous avons eu un autre cas l'année dernière en athlétisme aussi, avec des faits relativement similaires qui ont conduits la justice à classer l'affaire. Nous sommes vraiment dans des cas où c'est parole contre parole. L'athlète qui a été incriminé l'année dernière a dû être accompagné psychologiquement.

Loin de moi l'idée de remettre en cause les témoignages des victimes, mais nous sommes obligés d'être prudents dans ce type de situations. Pour les faits dont il est question, il me semble préférable de s'en remettre à la justice car je vois mal comment nous pouvons prendre une décision disciplinaire sur la base de ce qui a été rapporté. J'insiste sur le fait que ce n'est pas pour protéger les sportifs incriminés, contrairement à ce qu'a pu laisser entendre Emma Oudiou. Je ne protège personne et il n'est pas question de le faire. J'estime cependant qu'il convient d'être prudents.

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Je souhaite revenir sur les points que vous venez de soulever, Monsieur Canu. Je comprends les difficultés auxquelles vous êtes confrontés et qui peuvent être partagées par de nombreuses institutions similaires aujourd'hui. Il est évident qu'il est crucial de prendre en considération les témoignages que vous recevez et de les traiter avec une attention toute particulière. Je suppose que vous êtes de plus en plus sensible à ce principe et que vous y prêtez une attention croissante. Cependant, il est aussi essentiel de respecter le principe de la présomption d'innocence.

Pensez-vous disposer à l'heure actuelle des moyens nécessaires pour accorder une importance particulière à ces témoignages tout en permettant à votre établissement de continuer à fonctionner et en préservant les positions de chacun ? Nous constatons qu'il existe actuellement une grande difficulté à cet égard, d'autant plus dans votre secteur où nous avons affaire à des athlètes de haut niveau qui considèrent l'INSEP comme le Graal. Ils ne veulent surtout pas y perdre leur place, car ils aspirent à participer aux plus grandes épreuves sportives demain.

Pouvez-vous nous expliquer si vous estimez disposer des éléments suffisants pour prendre en compte la parole qui se libère tout en préservant les grands principes tels que la présomption d'innocence et en permettant à chacun et chacune de garder sa place à l'INSEP le temps que la justice fasse son œuvre ? C'est vrai tant pour les victimes qui souhaitent rester à l'INSEP et continuer de s'entraîner que pour les personnes qui peuvent être mises en cause et qui sont présumées innocentes tant qu'elles n'ont pas été reconnues coupables ?

Je ne sais pas si j'ai été clair dans mes propos, mais il faut à mon sens chercher à concilier les grands principes de notre État de droit avec le fonctionnement d'un établissement comme le vôtre, sachant qu'une enquête peut prendre plusieurs mois voire plusieurs années pour aboutir.

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Je me permets d'intervenir dans la continuité des propos de mon collègue en vous posant une question assez simple : quand nous sommes dans une situation de « parole contre parole », ne pensez-vous pas que le bénéfice doit aller à la victime ?

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Fabien Canu, directeur général de l'institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP)

Si vous regardez l'affaire que j'évoquais, qui a été jugée avant que je prenne mes fonctions, nous étions dans cette configuration et la justice l'a tout de même classée sans suite. C'est donc très délicat à appréhender.

Sur une affaire précédente que j'évoquais et qui date de l'année dernière, plusieurs témoignages contredisaient fortement ce que prétendait la supposée victime. Sur l'affaire Palou, vous avez le dossier et je vous invite à le lire. Vous avez entre autres les comptes rendus des auditions des entraîneurs. Sur cette base-là, il est assez difficile de prendre position. Ce qui est important pour moi, c'est de faire en sorte que les deux personnes ne se croisent pas. C'est la moindre des choses, le temps de la procédure. Il se trouve en l'espèce que Claire Palou n'était plus à INSEP et qu'elle est maintenant à Montpellier.

Il nous importe donc de protéger les personnes dans ce cadre. De là à aller plus loin en termes de sanctions disciplinaires, je ne vois pas comment je pouvais convoquer un conseil de discipline sur la base des éléments recueillis sur ce dossier.

Vous m'interrogiez sur ce qu'il nous manque sur des sujets comme ceux-là sur le plan des moyens d'investigation par exemple. Je ne sais pas trop vous répondre. J'ai pris conseil auprès du bureau des établissements de la direction des sports avec lequel nous sommes en contact étroit pour avoir un avis extérieur. Patrick souhaite peut-être compléter.

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Patrick Roult, chef du pôle haut niveau de l'INSEP

L'expérience de ces dernières années sur ce type d'affaires montre qu'à chaque fois que nous avons eu la sensation qu'il y avait vraiment un danger, une exclusion à titre conservatoire a été prononcée. Dans notre règlement intérieur, il y a des dispositions qui nous permettent de prononcer de telles exclusions à titre conservatoire, le temps de réaliser les enquêtes administratives et de convoquer ou non un conseil de discipline. Nous ne pouvons nous baser que sur notre règlement intérieur pour établir qu'un trouble est créé au sein de l'INSEP. Lorsqu'une jeune femme vient nous voir et nous dit qu'elle a un problème avec tel ou tel sportif, nous vérifions ce trouble et nous pouvons exclure la personne à titre conservatoire. Nous le faisons d'une façon assez systématique, je dirais même de manière systématique, et je pense donc que nous avons les outils administratifs au travers des dispositions de notre règlement intérieur, même s'il a été attaqué puisqu'un sportif a déposé plainte contre la décision d'exclusion temporaire qui avait été prise à son encontre. Je considère que nous avons un dispositif solide qui nous permet de travailler, de recueillir la parole et de protéger les victimes. Je vais vous donner rapidement quelques exemples que nous avons eu à traiter.

Il n'y a pas si longtemps, un agent de sécurité au niveau d'une porte a attrapé une jeune fille par le badge qu'elle avait autour du cou en lui disant « T'es mignonne, toi ! ». Elle a forcément été choquée et émue, et elle est venue nous rapporter la situation. Dans la demi-heure qui a suivi, cet agent de sécurité a été exclu du site.

Un autre exemple concerne une jeune femme qui en rentrant de stage a constaté que quelqu'un a essayé d'ouvrir l'appareil photo de sa tablette qui était restée sur son bureau dans sa chambre. Il se trouve que quand quelqu'un essaie à plusieurs reprises d'ouvrir l'album photo sur une tablette, celle-ci prend une photo. Nous avions donc le visage de la personne et nous sommes allés voir l'interlocuteur qui en était responsable dans le cadre du partenaire public privé pour lequel elle intervenait. Il s'agissait d'un électricien venu pour une opération de maintenance. Là encore, il a été exclu dans la demi-heure qui a suivi.

Sur la base de ces exemples, je pense que nous avons les dispositifs qui nous permettent de répondre administrativement. Nous pouvons être plus en difficulté dans d'autres situations qui peuvent nous concerner. J'ai en tête le cas d'une jeune femme et d'un jeune homme qui ont été dans une relation amoureuse qui était plus sexuelle que sentimentale et plus de type pornographique qu'érotique. À un moment donné, la jeune femme a rompu la relation parce que ce n'était pas ce qu'elle voulait. Le jeune homme a insisté. C'est très complexe à juger pour nous en tant qu'institution, au-delà de l'avis que nous pouvons avoir moralement ou individuellement. En l'espèce, les deux personnes étaient adultes. Nous n'avons pas eu d'affaires de ce type impliquant des mineurs. Lorsque la jeune femme est venue nous voir en disant « Je suis harcelée », nous avons lancé une enquête administrative et le directeur général a déclenché une procédure en application de l'article 40. La jeune femme n'a pas déposé plainte et c'est bien l'INSEP en tant qu'institution qui a déclenché un article 40.

Permettez-moi de partager un dernier exemple, qui remonte à une époque antérieure à la libération de la parole, ou du moins à ses débuts. Une jeune sportive était arrivée à l'INSEP en tant que brillante junior, mais il s'est avéré qu'elle était ensuite fréquemment blessée et terne. Un jour, elle a pris son courage à deux mains et est venue voir le directeur général de l'époque pour dénoncer le harcèlement dont elle était victime de la part d'un de ses entraîneurs. Dans la demi-heure qui a suivi, des courriels ont été envoyés à la direction des sports et au directeur technique national, et l'entraîneur en question a quitté le site de l'INSEP dans la journée. Depuis cet incident, cette jeune fille ne s'est plus blessée et elle est devenue l'une des meilleures du monde. Notre objectif est que de telles situations n'aient jamais lieu, y compris du point de vue de la performance des sportifs. La sérénité des jeunes hommes et des jeunes femmes qui sont sur le site est extrêmement importante pour la qualité de leurs performances sportives. À ma connaissance, chaque fois qu'un danger est signalé, la réaction est immédiate avec un traitement dans les 24 heures.

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J'ai plusieurs remarques suite à votre intervention. Tout d'abord, lorsque vous avez un entretien avec une personne se déclarant victime, vous enclenchez une procédure administrative. Pendant ce laps de temps, que se passe-t-il pour la personne mise en cause ? Est-ce qu'une mise à l'écart est étudiée en lien avec sa fédération d'appartenance ou non ? Je pose la question car je considère qu'il faut toujours croire parole des victimes afin notamment protéger d'autres éventuelles victimes sur le site.

Ensuite, vous avez évoqué le cas de cet agent de sécurité ou de cette personne qui était intervenue sur le site. Ce qui semble assez facile à faire pour des agents de sécurité ou d'autres personnes intervenant en tant que prestataires paraît plus complexe à mettre en œuvre lorsque ce sont des athlètes ou des entraîneurs qui sont incriminés. J'ai l'impression qu'il peut y avoir deux approches distinctes pour traiter ce type de situations, mais je vous laisserai apporter des précisions là-dessus si vous le souhaitez.

En troisième lieu, vous avez évoqué la question des relations entre sportifs. Dans ce cadre, il me semble que le paramètre essentiel à prendre en compte est le consentement. Nous ne sommes plus au XIXe siècle. Aujourd'hui, il paraît clairement établi que le consentement est la base de toute relation et il n'y a pas de débat à avoir à ce sujet. Si une personne estime avoir été lésée dans une relation sexuelle en raison de l'absence de consentement de sa part, c'est quelque chose qui doit à mon sens être pris en considération quelle que soit la nature de la relation des protagonistes.

Enfin, je souhaiterais savoir combien de mesures conservatoires ont été prises en 2022.

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Anne Barrois-Chambard, directrice générale adjointe de l'INSEP en charge de la performance sportive

Comme l'a expliqué Monsieur Roult, nous prenons en considération la parole de la potentielle victime dès lors que nous avons connaissance d'une situation et la personne incriminée est exclue à titre conservatoire. Une telle mesure n'a pas été mise en œuvre dans la situation impliquant Claire Palou puisqu'elle n'était pas présente sur le site. Dans les autres cas, nous prenons des mesures conservatoires.

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En l'espèce, ma question était de savoir si des mesures conservatoires n'auraient pas pu être prises pour protéger d'autres potentielles victimes sur le site.

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Anne Barrois-Chambard, directrice générale adjointe de l'INSEP en charge de la performance sportive

Nous avons eu une information qui ne concernait que Claire. Chaque fois qu'une situation nous a été remontée, nous avons pris les mesures conservatoires pour protéger les victimes potentielles, mais encore faut-il savoir qui elles sont.

Pour répondre à une autre de vos questions, le traitement des affaires est le même qu'elle concerne un prestataire de services, un agent de l'établissement, un sportif de haut niveau ou un entraîneur. Nous ne faisons pas de différence.

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Je tiens à rappeler qu'à partir de 2020, suite au témoignage de Sarah Abitbol, la ministre des Sports de l'époque, Roxana Maracineanu, a lancé la cellule Signal-sports, qui a été reprise par la ministre actuelle, Amélie Oudéa-Castéra. Cela a été érigé en priorité de son mandat : l'écoute de la victime. Cependant, les deux sportives de la FFA que nous avons auditionnées ont indiqué qu'elles n'avaient eu aucune connaissance de l'existence de Signal-sports à l'INSEP. Nous avons là une lacune flagrante. Je pense qu'il est impératif de mettre l'accent sur la communication autour de cette cellule Signal-sports, qui est destinée aux sportifs pour tout signalement. Il est crucial que cette ressource soit connue et accessible à tous les athlètes de l'INSEP afin de renforcer la prévention et l'accompagnement des victimes.

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Fabien Canu, directeur général de l'institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP)

Lorsque je parlais de la nécessité de faire évoluer le dispositif, notamment pour les sportifs majeurs, car les mineurs sont encadrés et ont normalement connaissance de Signal-sports, je faisais référence aux ressources internes existantes pour recueillir la parole des victimes et à la possibilité d'intervenir auprès du ministère grâce à Signal-sports. Il est indéniable que nous devons progresser dans ce domaine. L'application que j'évoquais est l'un des moyens pour y parvenir et il faut que les sportifs sachent qu'ils peuvent utiliser cet outil en cas de besoin. Sur ce point, je suis entièrement d'accord, et je l'avais d'ailleurs indiqué à Emma Oudiou lorsque je l'ai rencontrée. Nous avons une marge de progrès dans ce domaine, et nous travaillons activement dans ce sens.

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Combien de mesures conservatoires ont été prises en 2022 ?

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Patrick Roult, chef du pôle haut niveau de l'INSEP

Une fois sur les deux cas connus. Pour le second cas, je pense que les documents vous ont été envoyés, mais les éléments ne nous semblaient pas justifier une mesure d'exclusion conservatoire.

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Fabien Canu, directeur général de l'institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP)

Ce qui est important dans ce type d'affaires, c'est de faire en sorte que le supposé agresseur et la victime ne se rencontrent pas, surtout dans les cas où il y a de notre point de vue un manque d'éléments. C'est ce qui a été appliqué pour le cas de Claire Palou et pour une autre situation qui concernait la fédération d'athlétisme l'année dernière.

Nous avons eu une autre affaire dans le domaine de la lutte. Elle concernait un entraîneur d'origine étrangère et nous avait été remontée par la fédération. Dès que nous avons eu l'information, le badge d'accès à l'INSEP de cet entraîneur a été désactivé. Depuis, il est parti à l'étranger et nous n'avons pas de nouvelles de lui, mais une mesure avait été prise tout de suite pour éviter que cet entraîneur puisse être sur le tapis de lutte avec l'athlète.

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L'idée de cette audition est d'entendre les propositions que vous pourriez avoir. À ce titre, nous pouvons constater qu'en plus d'une heure d'échanges vous n'avez pas mentionné l'existence de la cellule Signal-sports avant que la présidente ne le fasse. Pour moi, c'est caractéristique du fait que cette cellule – qui existe depuis plus de deux ans maintenant – est trop peu connue. C'est ce que montrent les témoignages des deux athlètes passées par l'INSEP et ceux d'autres sportifs que nous avons pu auditionner dans le cadre de cette commission d'enquête.

Dès lors, est-ce que vous avez mis en place des dispositifs pour mieux faire connaître cette plateforme au-delà des deux personnes qui sont aujourd'hui dédiées au recueil de la parole au sein de l'INSEP ?

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Anne Barrois-Chambard, directrice générale adjointe de l'INSEP en charge de la performance sportive

La plateforme Signal-sports est déjà bien identifiée au sein de l'INSEP. J'en veux pour preuve le fait que l'agenda scolaire que nous remettons à tous les sportifs qui sont dans le secondaire contient une page qui parle spécifiquement de Signal-sports. Dans les affichages réalisés dans les bâtiments, il est bien question de Signal-sports, au même titre que du 119 ou d'autres dispositifs. Nous pouvons convenir du fait que l'information ne passe pas forcément bien, mais les sportifs l'ont, au moins en ce qui concerne ceux qui sont scolarisés dans le secondaire. Même si ce n'est certainement pas suffisant, l'information sur tous ces dispositifs existe bien.

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Fabien Canu, directeur général de l'institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP)

Nous devrons certainement réaliser une communication directe auprès des sportifs au moyen de l'application qui va être mise en place. Il ne faudra pas le faire au travers de mails car nous savons que les sportifs ne les lisent pas. Il sera peut-être judicieux de passer par les réseaux sociaux. Vous avez totalement raison sur le fait que l'enjeu est de mieux communiquer sur les dispositifs existants.

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Puisque vous avez évoqué à plusieurs reprises cette application, il serait intéressant pour nous de savoir quand elle sera mise en place.

Pour en revenir à Signal-sports, il apparaît clairement que l'information sur l'existence de cette plateforme ne passe pas et qu'il existe une vraie marge de progression en la matière.

Je me permets de revenir sur les situations qui ont concerné un agent de sécurité d'un côté et un sportif de l'autre. Dans un cas le traitement a été immédiat et dans l'autre une procédure s'est mise en place mais elle prend du temps et elle n'a pas forcément abouti à une mise à l'écart de l'athlète. Je souhaiterais donc que vous nous précisiez si la procédure mise en place pour l'agent de sécurité est la même que pour une situation où des athlètes auraient des relations non consenties.

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Patrick Roult, chef du pôle haut niveau de l'INSEP

Je vous ai expliqué ce qu'il s'est passé dans le cas de l'agent de sécurité. Le traitement a été exactement le même pour la situation impliquant un entraîneur. Pour un agent de sécurité ou un autre prestataire, c'est l'employeur qui décide de retirer la personne du site. Pour un entraîneur, la décision revient à la fédération qui l'emploie.

Lorsqu'il s'agit d'un problème entre sportifs, nous mettons en place un dispositif d'alerte et nous informons immédiatement la direction des sports et la fédération concernée. L'enquête administrative qui est ensuite lancée doit nous permettre d'y voir plus clair dans la situation en question, ce qui n'est pas forcément toujours évident comme nous l'avons déjà évoqué.

Pour ce qui est des personnels employés par des entreprises privées ou des entraîneurs sous l'autorité d'une fédération, nous expliquons bien à nos interlocuteurs que la confiance est rompue. Charge à eux de faire sortir les personnes du site car ce sont eux qui ont autorité sur ces personnes.

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Pour moi, déplacer les personnes ne permet pas de répondre complètement au problème car elles pourraient tout à fait aller sur d'autres sites et avoir exactement les mêmes pratiques. C'est ce qu'il s'est passé avec d'autres entraîneurs par le passé. La question est donc de savoir si vous avez fait un signalement et si une enquête judiciaire a été lancée pour la situation qui concernait une athlète et un entraîneur.

Dans la situation de Claire Palou ou une autre qui serait similaire, qu'est-ce qu'il se passe si la fédération concernée refuse de suspendre ou de mettre à l'écart la personne incriminée ?

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Patrick Roult, chef du pôle haut niveau de l'INSEP

Dans un cas où nous avons exclu un sportif à titre conservatoire, la fédération n'a pas été d'accord. Nous avons eu des demandes à la fois du président de cette fédération et de la direction technique nationale pour réintégrer immédiatement le sportif, mais nous avons refusé de le faire. À l'issue de l'enquête administrative, nous avons réuni un conseil de discipline et décidé de l'exclusion définitive de ce sportif. C'est après le classement sans suite par la justice et le dépôt de plainte de ce sportif contre l'INSEP que le directeur général a donné son accord pour le réintégrer, et ce dans des conditions très limitatives. En effet, il avait uniquement accès à la salle d'entraînement et pas aux autres services. De même, il n'était plus interne après sa réintégration alors qu'il l'était auparavant.

S'agissant des mesures d'exclusion immédiate prises à l'encontre d'un entraîneur et d'un agent d'une entreprise qui travaille sur le site de l'INSEP, nous n'avons pas procédé à des signalements. Le fait d'agripper une sportive par le badge et de lui dire « T'es mignonne, toi ! » constituait une agression à l'égard de celle-ci, mais nous ne sommes pas des juges. Nous avons signalé cette agression à l'employeur mais nous ne savons pas précisément ce qui a été mis en œuvre à la suite du signalement que nous avons fait auprès de l'employeur de cet agent.

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Je pense que nous avons un désaccord là-dessus, car les faits se sont déroulés sur le site de l'INSEP. Jusqu'à preuve du contraire, c'était une agression et vous auriez dès lors été tout à fait été légitimes pour effectuer un signalement suite à ces faits, y compris auprès de la justice. Charge ensuite à la justice de faire son travail et de qualifier précisément les faits. Par conséquent, je me demande pourquoi aucun signalement n'a été effectué dans ce cas précis.

Sur la question des exclusions, il me semble que le directeur général de l'INSEP peut s'appuyer sur le règlement intérieur de l'établissement pour exclure qui il veut à tout moment.

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Fabien Canu, directeur général de l'institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP)

Oui tout à fait. Peut-être avons-nous mal apprécié les choses. Je peux interdire à tout moment l'accès à qui que ce soit au site. Sur l'affaire concernant l'agent de sécurité, il a été écarté tout de suite du site par son entreprise et j'avoue que nous n'avons pas pensé à aller plus loin et à faire un signalement de notre côté.

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Dans mon propos liminaire, je vous ai posé la question du nombre et de la nature des signalements dont l'INSEP a eu connaissance au cours de ces dernières années sur les sujets de VSS et de discrimination.

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Fabien Canu, directeur général de l'institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP)

Depuis que je suis en poste, nous en sommes à trois affaires de violences sexuelles. Deux sont encore en cours : celle de Claire Palou et une autre qui concerne la fédération de lutte. Une troisième – faisant suite à une plainte déposée l'année dernière et impliquant des sportifs de la fédération d'athlétisme – a été classée sans suite comme nous l'évoquions.

Le conseil de discipline s'est réuni cinq ou six fois depuis ma prise de fonctions pour d'autres aspects que des faits de violences sexuelles. Il s'agissait d'événements d'une autre nature disciplinaire, mais ils ont été traités parce que je ne veux rien laisser passer. Dès que des informations me remontent sur une dégradation d'une chambre ou d'autres faits, les personnes passent en conseil de discipline. Bien entendu, les sanctions qui sont prises peuvent avoir une vocation pédagogique en fonction de la nature des faits, mais je ne veux rien laisser passer encore une fois.

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Vous nous avez parlé d'un dossier concernant la fédération de lutte. Est-ce que vous pouvez nous en dire davantage dessus ?

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Fabien Canu, directeur général de l'institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP)

C'est un signalement qui a été fait il y a quelques mois par une sportive qui a écrit directement à la ministre d'ailleurs, en mettant sa fédération en copie. Celle-ci nous a alertés tout de suite pour nous dire qu'il y avait un sujet avec un entraîneur de lutte d'origine étrangère qui travaillait pour la Fédération française de lutte et une décision d'exclusion immédiate a été prise conjointement par la fédération et l'INSEP. L'entraîneur est parti je ne sais où à l'étranger et je ne pouvais pas convoquer de conseil de discipline parce que ce n'est pas quelqu'un qui était à l'INSEP, mais j'ai tout de même effectué un signalement.

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N'avez-vous pas interrogé la fédération pour savoir où il est parti ?

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Fabien Canu, directeur général de l'institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP)

Ils ont été incapables de nous répondre. Nous souhaitions entendre cet entraîneur dans le cadre de notre enquête interne mais nous n'avons pas pu parce qu'il était soi-disant parti à l'étranger. Nous avions posé la question à la fédération de lutte car nous n'avions pas de contact direct avec lui. Nous n'avons pas pu l'entendre dans le cadre de l'enquête interne.

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Vous avez évoqué tout à l'heure effectivement le travail avec les fédérations en indiquant qu'il se passait bien avec certaines et moins avec d'autres. Pouvez nous préciser de quelles fédérations vous parliez ?

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Fabien Canu, directeur général de l'institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP)

Sur les dossiers dont il est question, la fédération d'athlétisme a mis du temps à réagir mais nous travaillons de concert désormais. Nos comptes rendus d'entretiens leur sont transmis, ce qui n'était pas le cas à mon arrivée. Ces affaires sont complexes ils avaient tendance à s'en remettre à la justice et j'ai échangé avec eux pour leur faire comprendre que certains aspects étaient également de leur ressort.

Mis à part les deux cas dont il a été question, nous n'avons pas eu d'autres dossiers disciplinaires à traiter en lien avec des fédérations sur des sujets de VSS. Sur les autres sujets qui ont donné lieu à des conseils de discipline, les fédérations ont suivi nos décisions et nous avons vraiment travaillé avec elles. Les décisions étaient d'ailleurs la plupart du temps prises en commun.

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Tout à l'heure, la présidente a évoqué la fédération de judo, qui avait été particulièrement critiquée ces derniers mois notamment suite à la publication du livre de Patrick Roux, Le revers de nos médailles. Nous avons beaucoup parlé de VSS, mais d'autres faits peuvent aussi poser problème. Je pense notamment à la violence physique, aux discriminations, au racisme ou encore aux pratiques financières qui peuvent être problématiques. Je voulais savoir si vous avez été surpris par les révélations au grand public des violences au sein de la fédération de judo évoquées dans ce livre.

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Fabien Canu, directeur général de l'institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP)

Totalement pour être franc, même si j'ai été DTN à la fédération de judo jusqu'en 2005. Lorsque j'ai lu le livre de Patrick Roux et les articles précédemment publiés dans la presse, j'ai effectivement été surpris mis à part pour une affaire que j'avais eu à gérer moi-même en interne à l'époque. Pour le reste, j'ai été fortement surpris.

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Est-ce à dire que lorsque vous étiez DTN de cette fédération vous n'aviez pas eu connaissance de ces faits de violence et de tout ce qui a été rapporté dans le livre de Patrick Roux ?

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Fabien Canu, directeur général de l'institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP)

Des faits de violence – notamment dans des clubs de judo – avaient été traités à l'époque par la fédération. Des problèmes de pédophilie avaient aussi malheureusement été remontés, et la fédération les avait traités. Sur d'autres affaires qui ont pu sortir, j'avoue ma très grande surprise. Jamais je n'ai eu à l'époque d'alertes sur ces sujets-là. Je n'ai d'ailleurs pas manqué de l'indiquer à Patrick Roux, que je connais bien parce qu'il a été à la direction technique nationale en même temps que moi. Je lui ai demandé s'il avait déjà eu vent des faits qu'il a rapportés à cette époque.

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Je voudrais juste vous rappeler à vous, Monsieur Canu, comme à Mesdames et Messieurs, que vous êtes sous serment.

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Fabien Canu, directeur général de l'institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP)

Nous sommes bien d'accord.

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Je le souligne parce que l'audition portant spécifiquement sur le judo a duré près de quatre heures, et elle s'est tenue en présence de plus de 37 personnes. Lors de celle-ci, il a bien été souligné que des violences physiques étaient faites au vu et au su de tout le monde, et que des agressions sexuelles qui étaient plus de l'ordre de la torture et de la barbarie avaient été commises. Les personnes auditionnées ont indiqué avoir alerté les instances à ce moment-là. C'est pour cette raison que nous sommes interrogatifs sur le fait que vous n'ayez eu aucune connaissance de ces affaires alors que vous avez été DTN à la fédération de judo.

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Il en a notamment été question avec la psychologue Karine Repérant, qui est d'ailleurs coautrice du livre Le revers de nos médailles.

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Fabien Canu, directeur général de l'institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP)

Je ne la connais pas. À l'époque, j'avais uniquement été alerté sur des blessures au sein de l'équipe de France cadets. Pour autant, c'est quelque chose qui peut se produire lors de stages nationaux où les entraînements sont plus intensifs mais je n'avais pas eu d'alertes quant à de la maltraitance. Si j'en avais eu connaissance, j'aurais très certainement réagi.

J'ai eu à traiter un sujet de maltraitance à l'entraînement de la part d'un entraîneur national. Je l'ai peut-être traité à la manière de l'époque. Une réunion avait été organisée en présence des parents et du président de la fédération, et l'entraîneur en question avait présenté ses excuses. Le ministère avait été informé à l'époque, puisque je l'avais alerté. Peut-être qu'aujourd'hui on pourrait considérer que je ne suis pas allé assez loin, mais cela correspond à la façon de traiter ce type de cas à l'époque et nous n'avions plus entendu parler de l'histoire. Ce cas-là, j'ai effectivement eu à le traiter. En revanche, je perds peut-être la mémoire mais je n'avais pas connaissance d'autres affaires et je ne vois pas pourquoi je n'y aurais pas réagi si cela avait été le cas.

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Cela amène deux questions. Nous pouvons premièrement interroger la relation entre le DTN et la fédération. Dans les affaires dont il est question, il semblerait en effet que de nombreuses personnes au sein de cette fédération étaient informées mais pas le DTN. C'est problématique puisque les cadres sont mis à disposition des fédérations pour travailler avec elles, dans le cadre d'une délégation de service public. Si vous avez des propositions à faire pour améliorer cette relation de travail et pour faire en sorte que les DTN soient informés ou en tout cas mis dans les boucles quand des faits extrêmement graves se produisent, n'hésitez pas en faire. Sauf erreur de ma part, les DTN ont le devoir de déclencher des articles 40 lorsqu'ils ont connaissance de faits graves comme ceux qui ont pu être rapportés concernant la fédération de judo.

Deuxièmement, il a été question de la mise en place de conciliations ou de médiations entre les victimes et les auteurs pour certaines affaires. Est-ce que vous-même, vous avez déjà eu l'occasion d'en voir ou est-ce que vous aviez connaissance de telles procédures dans le cadre de vos fonctions ?

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Fabien Canu, directeur général de l'institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP)

Si vous me questionnez sur d'éventuelles médiations mises en œuvre lorsque j'étais DTN à la fédération de judo, c'est une époque qui commence à remonter et je ne le sais pas précisément.

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Fabien Canu, directeur général de l'institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP)

Depuis que je suis à la tête de l'établissement, aucune médiation n'a été mise en œuvre. Les moindres faits qui nous sont remontés, nous les traitons.

Pour ce qui est de la fédération de judo, je n'ai pas de souvenir de médiations sincèrement. Une autre affaire était remontée et me revient maintenant, concernant un pôle en Bretagne. Elle était passée en conseil de discipline au niveau de la fédération, et le sujet avait été aussi traité du côté de l'État. Une enquête avait été faite. Ce sont donc deux affaires qui me reviennent et qui me concernaient en tant que DTN. Pour les autres, je n'en avais pas connaissance.

Le meilleur moyen d'améliorer les choses me semble être que la parole se libère, que ce soit chez les victimes ou les témoins. Je pense à titre personnel qu'il y a encore trop peu de témoins qui font des signalements alors qu'ils peuvent être au courant de fait. C'est aussi là-dessus qu'il faut faire en sorte que la parole se libère, parce que c'est de cette manière que davantage de faits pourront remonter.

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Vous avez parlé tout à l'heure d'un cas de pédophilie. Est-ce que vous pouvez nous en dire davantage à ce sujet ?

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Fabien Canu, directeur général de l'institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP)

C'est le cas d'un enseignant de judo. L'affaire avait été révélée par la justice et nous l'avions apprise bien après en tant que fédération. La personne est passée en conseil de discipline et a été condamnée à une très lourde peine. Nous avons eu d'autres affaires de ce type à cette époque-là. Je me souviens d'une autre affaire assez complexe d'un jeune qui avait été accusé de pédophilie. Il se trouve que la fédération s'était battue à son sujet parce qu'il avait été accepté pour suivre une formation aux métiers du sport alors que d'un autre côté il avait été sanctionné pour des faits de pédophilie.

En définitive, il n'est pas possible de dire que ces sujets-là n'étaient pas traités lorsque j'étais DTN. Jamais la fédération de judo n'a fait le choix de ne pas s'occuper des cas dont elle a eu connaissance. Ce n'était pas l'omerta. Ce n'est pas pour autant que nous n'avons pas eu des affaires qui ne sont pas remontées, nous avons pu le constater avec la libération de la parole.

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Anne Barrois-Chambard, directrice générale adjointe de l'INSEP en charge de la performance sportive

Je me permets d'apporter un complément par rapport à des pistes d'amélioration. Comme nous pouvons le voir dans des fédérations comme celle d'athlétisme, le fait d'avoir un cadre d'État qui soit chargé justement de l'éthique et de recueillir potentiellement la parole des victimes est de nature à faciliter le travail et le lien entre les fédérations et un établissement comme le nôtre ou d'autres structures. C'est un vrai plus d'avoir un cadre d'État comme point d'entrée auprès d'une fédération, et c'est quelque chose qui pourrait gagner à être généralisé.

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C'est quelque chose qui n'existe pas dans toutes les fédérations n'est-ce pas ?

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Anne Barrois-Chambard, directrice générale adjointe de l'INSEP en charge de la performance sportive

Je pense que les formats sont variables selon les fédérations. Je sais qu'elles disposent en règle générale d'un comité d'éthique composé d'élus de la fédération, mais je ne suis pas certaine qu'elles disposent toutes d'un cadre d'État en charge spécifiquement de ces sujets d'éthique.

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Dans quelles fédérations avez-vous ce contact avec un cadre d'État ?

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Anne Barrois-Chambard, directrice générale adjointe de l'INSEP en charge de la performance sportive

Nous pouvons citer la fédération d'athlétisme par exemple. Tout à l'heure, Fabien Canu évoquait certaines difficultés d'échange par le passé. Aujourd'hui, les relations sont meilleures notamment grâce à la présence – au sein de cette fédération – d'un cadre d'État qui fait office de référent en matière d'éthique et d'intégrité.

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Est-ce le cas dans d'autres fédérations avec lesquelles vous travaillez ?

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Anne Barrois-Chambard, directrice générale adjointe de l'INSEP en charge de la performance sportive

Depuis un an que je suis en poste, nous avons surtout eu à gérer des cas en lien avec la fédération d'athlétisme. Nous n'avons pas eu l'occasion d'interpeller d'autres fédérations sur des sujets de cet ordre et d'avoir affaire à ce type de référents.

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Fabien Canu, directeur général de l'institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP)

Pour ce qui est de la fédération de lutte, c'était la DTN – qui est cadre d'État – qui avait pris les choses en main dans le cadre de la situation évoquée. Le fait d'avoir ces cadres d'État n'est peut-être pas une garantie à toute épreuve mais c'est une bonne chose. En tant que représentants de l'État, ils ont un rôle de signalement pour les situations qui le nécessitent.

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L'idée n'était pas de remettre en cause ces cadres d'État mais de faire en sorte que le fonctionnement entre ces derniers, l'INSEP et les fédérations soit plus fluide pour éviter des trous dans la raquette dans ce type de situation. Nous avons affaire à un écosystème qui n'est pas forcément simple à comprendre en réalité, et le fait d'avoir autant d'acteurs peut créer un effet de dilution des responsabilités des uns et des autres. Comme nous avons pu le voir dans le cas de l'agent de sécurité ou celui de l'entraîneur de lutte par exemple, le réflexe peut être de dire que c'est à l'employeur ou à la fédération de gérer les affaires, ou encore que c'est au ministère de prendre la main. Nous pouvons donc assister à une forme de dilution des responsabilités, ce qui fait qu'il peut être intéressant de muscler ce volet pour que les choses soient plus claires. Lorsqu'une telle affaire arrive, il est certainement nécessaire de savoir quelle procédure doit être enclenchée, comment l'auteur doit être mis à l'écart, ou comment il faut écouter et respecter la parole des victimes.

Nous entendons beaucoup d'éléments sur la manière dont sont traitées les affaires, mais en réalité très peu sur ce qui doit être fait pour éviter qu'elles n'arrivent. Les cas au sein de la fédération de judo en sont une illustration. Au-delà de la question des VSS s'est aussi posée celle des violences physiques qui ont eu lieu pendant de nombreuses années concernant des mineurs et des moins jeunes. Il faut se demander comment des dispositifs peuvent être mis en place par exemple du point de vue de l'État – puisque nous sommes dans le cadre de délégations de service public – pour faire en sorte que ce type de situations n'arrive pas.

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Fabien Canu, directeur général de l'institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP)

Pour aller dans le sens de votre propos, nous voyons poindre un fort besoin de toucher les entraîneurs. Dans le cadre de la prévention des violences sexuelles à l'INSEP, nous avons organisé une projection du film Slalom. Pour une fois, beaucoup d'entraîneurs étaient présents. Lors de la discussion qui a suivi la projection, le sujet de la relation entraîneur-entraîné a été abordé. Dans le cadre de celle-ci, les violences dites morales sont de plus en plus pointées, et des sanctions ont été prononcées par la justice dans des cas de ce type. Il semble nécessaire de faire évoluer les méthodes d'entraînement, en particulier la relation aux sportifs.

L'année dernière, je suis allé en voyage aux États-Unis et au Canada. Pour entrer dans un centre d'entraînement américain, vous devez répondre à un questionnaire dont le remplissage dure 2 heures 30. Si vous ne répondez pas, vous n'entrez pas. C'est un bon moyen de sensibiliser aux bonnes pratiques et à la réglementation, et nous avons proposé à la direction des sports de mettre en place un système similaire en France à titre expérimental pour l'instant. Avant d'entrer dans l'établissement, chaque individu va devoir remplir un questionnaire composé d'une vingtaine de questions. Si le questionnaire n'est pas complété, l'accès à l'établissement est refusé. Cette initiative vise à assurer une sensibilisation continue car il semble nécessaire de répéter régulièrement ce type d'informations. Les entraîneurs sont d'ailleurs souvent demandeurs sur ces sujets, car ils se posent des questions sur les pratiques appropriées dans divers domaines, tels que les parades en gymnastique. La relation entre entraîneur et entraîné est en train de changer et il est essentiel de suivre ces changements. Dans ce contexte, nous avons identifié un défi majeur concernant la formation continue des entraîneurs. Actuellement, il est difficile de les faire participer aux formations car ils sont fortement occupés. Une solution potentielle serait de rendre obligatoires certains sujets de formation continue pour certaines professions, dont celle des entraîneurs. Cette mesure pourrait contribuer à améliorer la sensibilisation et les connaissances des professionnels impliqués dans le monde sportif.

En résumé, notre volonté est de favoriser une prise de conscience continue, tout en questionnant la nature de la relation entre les entraîneurs et les athlètes.

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Nous avons beaucoup parlé des entraîneurs et de l'écosystème autour des athlètes, mais nous n'avons pas du tout évoqué les relations avec les familles et les parents. Sur ce volet, est-ce que des dispositifs sont à l'œuvre ? Avez-vous pu identifier des pistes d'amélioration pour former les parents et les familles de ces jeunes athlètes sur les risques dont il a été question et sur la manière dont ils peuvent être entourés et protégés ?

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Patrick Roult, chef du pôle haut niveau de l'INSEP

Notre relation avec les parents débute principalement à l'entrée à l'INSEP, surtout pour les sportifs mineurs. Pour ceux qui sont majeurs, notre interaction avec les parents est bien sûr très limitée. Nous organisons des réunions avec tous les parents à l'arrivée des sportifs et nous leur remettons un livret d'information détaillé. De plus, nous publions une newsletter envoyée à tous les sportifs et à leurs familles à chaque période de vacances scolaires. Dans cette newsletter, la référence à Signal-sports est désormais systématique. Nous pourrons vous fournir des numéros de cette newsletter ainsi que le livret d'information destiné aux parents.

La relation la plus significative avec les parents se construit lorsqu'ils viennent à l'INSEP. Ils sont accueillis individuellement le jour de l'arrivée de leur enfant, qui se fait un dimanche puisque la semaine de formation des sportifs commence le lundi. Ce jour-là, nous organisons généralement une session dans l'amphithéâtre avec tous les parents, où nous présentons les divers dispositifs, notre fonctionnement et la manière dont nous souhaitons établir la relation de suivi avec eux car c'est un point très important. Plus tard dans l'après-midi de ce dimanche de rentrée, nous faisons la même chose avec les jeunes sportifs une fois qu'ils sont installés dans leur chambre.

Les parents ont plusieurs canaux pour communiquer avec nous, notamment par l'intermédiaire du lieu de vie et des équipes de l'internat. De plus, nous entretenons une relation étroite avec les parents par le biais de l'école, car nous avons un lycée sur place. Les jeunes athlètes mineurs fréquentent le lycée à partir de la classe de troisième, et nous avons également une classe de BTS ainsi qu'une classe de filière professionnelle. Nous n'avons pas de dispositif de formation des parents à proprement parler, mais nous cherchons à établir des relations de communication et d'information solides avec eux. Notre principal point de contact est le responsable du pôle, qui est un fonctionnaire de l'État placé auprès de sa fédération de rattachement et qui est présent en permanence à l'INSEP. Notre circuit d'information passe notamment par ce responsable du pôle, qui entretient également une relation permanente avec les parents des sportifs mineurs.

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Il semble que l'un des défis à l'INSEP soit l'identification des personnes-ressources. Vous avez mentionné tout à l'heure l'infirmière, qui est apparemment reconnue comme une personne compétente, mais que trop peu d'athlètes connaissent. De même, vous avez un psychiatre dont les sportifs ignorent l'existence, et il semble y avoir un nombre insuffisant de personnes de confiance. Dans le cas où un témoignage est exprimé, l'information serait transmise rapidement à l'entraîneur, ce qui peut avoir des conséquences néfastes pour le sportif par la suite.

Concernant Signals-sport, j'aimerais savoir si les entraîneurs connaissent son existence et s'ils peuvent également transmettre cette information aux sportifs.

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Merci, Madame la Présidente. Ma question fait écho à ce que vous venez d'évoquer. La question de savoir comment diffuser plus efficacement l'information sur Signals-sport paraît cruciale. De ce point de vue, je me demande si cela ne pourrait pas faire partie des responsabilités de l'entraîneur, qui est en lien direct avec les athlètes, qui a une certaine autorité sur eux et qui établit un lien à long terme avec eux. Ne pourrait-il pas être responsable de diffuser cette information, ce qui aurait également l'avantage de le responsabiliser et de montrer aux athlètes qu'ils peuvent utiliser cette cellule, y compris contre lui-même si son comportement est questionnable ? Qu'en pensez-vous ?

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Patrick Roult, chef du pôle haut niveau de l'INSEP

La cellule Signals-sport est apparue dans notre paysage à la fin de l'année 2019. Le premier semestre de 2020 a été très perturbé, car nous avons fermé l'établissement. Lors des réunions des responsables de Pôle France, qui ont lieu toutes les sept semaines, nous échangeons beaucoup d'informations. Dès celles de la rentrée de septembre 2020, nous avons informé les responsables de Pôle France de l'existence de cette cellule Signals-sport. C'était une première étape et il leur appartenait de répercuter l'information. Cependant, c'est quelque chose qui est extrêmement compliqué à contrôler pour nous, car nous n'avons pas d'autorité sur les entraîneurs. Ils relèvent des fédérations et sont placés sous l'autorité de leur DTN. Cependant, il appartient aux responsables de Pôle France de faire circuler cette information. Nous constatons effectivement que parfois, l'information ne circule pas bien. Ce n'est pas nécessairement de la faute des responsables de Pôle France, car ils font leur travail consciencieusement. Cependant, il se peut que certains entraîneurs, tout comme certains sportifs, reçoivent l'information mais n'en tiennent pas nécessairement compte. C'est un vrai facteur de complexité.

L'idée de faire en sorte que les entraîneurs informent également les sportifs de ces dispositifs paraît intéressante, mais nous n'avons pas de cadre réglementaire pour les y obliger. Nous pourrions nous en charger dans le cadre des formations continues que nous organisons, mais elles sont basées sur le volontariat comme nous l'avons déjà mentionné. Hier encore, nous avons reçu une proposition de visioconférence sur les violences sexistes et sexuelles de la part de la DRAJES d'Île-de-France. Nous avons régulièrement des propositions de ce type, mais la participation reste soumise au volontariat.

Effectivement, un cadre réglementaire rendant obligatoire l'information régulière de tous les acteurs impliqués sur ces sujets pourrait être une proposition intéressante. Cependant, la mise en œuvre n'est pas aussi simple. Au travers de la proximité et du dialogue entre l'entraîneur et ses athlètes, des opportunités pourraient certainement être saisies.

En venant ici ce matin, nous évoquions la différence de comportement entre les entraîneurs américains et français. Ici, ils ont tendance à avoir une relation très proche, presque familiale voire affective avec les athlètes. Aux États-Unis, la relation est souvent plus professionnelle et ils appliquent les règles de manière très stricte. Peut-être que nous devrions envisager une évolution du cadre culturel et relationnel qui est le nôtre. Par conséquent, l'idée que vous soumettez me semble pleine de bon sens.

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Anne Barrois-Chambard, directrice générale adjointe de l'INSEP en charge de la performance sportive

Peut-être que les sportifs que vous avez entendus ont-ils eu l'impression de ne pas trouver la bonne écoute ou les bonnes personnes au sein de l'établissement. Je ne sais pas s'il faut généraliser à partir de ces deux témoignages. Personnellement, en observant le pôle médical, les personnes qui y travaillent, leur expertise et leur bienveillance envers les sportifs qui fréquentent ce service, je pense que tous les sportifs de l'INSEP n'ont pas nécessairement le même avis que les deux sportives que vous avez entendues.

Je vais laisser la parole à Sébastien Le Garrec pour vous expliquer un peu comment cela fonctionne, notamment avec les psychologues.

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Je n'ai pas fait une généralité de mes propos. J'ai expliqué leur genèse et vous interroge sur ce que nous avons entendu.

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Sébastien Le Garrec, chef du pôle médical de l'INSEP

Merci Anne, pour tes propos élogieux sur le pôle médical. Je tiens vraiment à rétablir une vérité qui me semble importante, qui est qu'il y a un vrai respect de la confidentialité par nos psychologues. La confidentialité est le fondement de la confiance et il est évident que nos psychologues ne divulguent rien, sauf si la situation est réellement préoccupante. Il est vraiment important de le rappeler.

Bien que nous soyons en contact quotidien avec les athlètes, les entraîneurs et les staffs techniques, cela ne signifie pas que nous partageons avec eux le contenu de nos échanges qui se tiennent dans un cadre confidentiel. J'en profite pour mettre en avant le travail exceptionnel mené par nos quatre psychologues cliniciens. Il faut vraiment le souligner.

J'ai entendu dans les témoignages d'Emma Oudiou et de Claire Palou qu'elles avaient choisi de voir une psychologue extérieure en raison de préoccupations concernant la confidentialité. Je ne suis pas certain que ce soit totalement exact. La psychologue extérieure qu'elles ont consultée était la même pour les deux. Elle est réputée pour travailler avec les meilleurs athlètes français. Je crois que c'est ce qui a influencé leur choix et je peux tout à fait le comprendre.

Néanmoins, cela pose le problème de la communication entre l'intervenant extérieur et le personnel qui s'occupe de l'athlète, en particulier dans le cas de Claire Palou. Comme je l'ai mentionné précédemment, nous sommes souvent alertés très tard et parfois trop tard, quand la situation est devenue critique. Je tiens également à souligner que dans les deux cas, la surveillance médicale réglementaire dont j'ai parlé précédemment n'avait pas été effectuée, ce qui pour nous est très préoccupant. Nous devons peut-être nous demander si les athlètes qui fréquentent le site ne devraient pas réaliser leur surveillance médicale réglementaire psychologique à l'INSEP, ce qui ne les empêcherait pas de consulter à l'extérieur s'ils le souhaitent.

En ce qui concerne le psychiatre dont vous avez parlé, il est possible que sa présence ne soit pas suffisamment connue. Il travaille en tant que vacataire chez nous. Il vient une fois par mois et exerce également en libéral. Lorsque nous avons besoin de lui, nous pouvons donc le contacter. Dans la très grande majorité des cas, les athlètes le consultent après avoir vu nos psychologues. Il est rare, voire inexistant, que les athlètes consultent directement le psychiatre. Cependant, c'est une option. Peut-être avez-vous raison sur le fait que nous devrions peut-être communiquer davantage sur la présence du Docteur Bricou chez nous. Sachez cependant que nous ne cachons pas cette information. Si nous ne la mettons pas en avant, c'est peut-être parce que presque tous les athlètes passent d'abord par nos psychologues avant de consulter le psychiatre.

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Dans les entreprises, il existe des formations continues obligatoires sur la sécurité et sur d'autres sujets. Au vu de la sensibilité du sujet des VSS dans le sport, il serait tout à fait approprié pour l'INSEP de décider de mettre en place des formations obligatoires sans attendre un cadre légal contraignant. Ce serait de nature à renforcer la sensibilisation et la prévention au sein de l'établissement.

Vous avez – Monsieur Roult – utilisé une expression sur laquelle je souhaiterais revenir. Vous avez parlé de relations affectives entre les entraîneurs français et leurs sportifs, en comparant avec la situation différente des États-Unis en la matière. Pouvez-vous préciser ce que vous entendiez par « relations affectives » ?

Concernant le recueil de la parole et des témoignages, nous avons évoqué les différentes auditions que nous avons pu avoir dans le cadre de cette commission et les témoignages que nous avons reçus par d'autres biais. L'idée pour nous n'est pas de généraliser. En revanche, un élément qui revient assez régulièrement dans ces témoignages a trait au manque de confiance des sportifs dans le fait de pouvoir s'exprimer librement. Ils ont bien souvent la crainte que leur affaire ne soit pas traitée et que des fuites d'informations ne se produisent. En effet, ont beaucoup été évoqués cette notion de vase clos et le fait que tout le monde se connaît.

Quant à la question de savoir pourquoi certains athlètes choisissent de consulter des psychologues ou des psychiatres externes à l'INSEP ou à leur établissement, c'est peut-être dû au fait qu'ils se sentent plus à l'aise de parler à un professionnel en dehors de leur environnement habituel. Ils peuvent craindre des répercussions professionnelles ou sociales s'ils consultent à l'intérieur de l'établissement. Pour surmonter cet écueil, il est nécessaire de créer un climat de confiance au sein de l'INSEP, où les athlètes se sentent en sécurité pour chercher de l'aide à l'intérieur de l'établissement.

Enfin, je souhaiterais vraiment que la date à laquelle l'article 40 a été déclenché dans l'affaire Claire Palou nous soit transmise dès que vous aurez l'information.

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Fabien Canu, directeur général de l'institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP)

Sur ce dernier point, vous avez copie de tous les documents dans le dossier qui vous a été transmis.

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Sébastien Le Garrec, chef du pôle médical de l'INSEP

Lorsque vous avez demandé pourquoi les athlètes veulent aller voir des psychologues extérieurs, vous avez un peu répondu en mettant en avant le fait que nous sommes dans un environnement assez clos. La crainte – que nous pouvons entendre – est que la promiscuité nuit au respect du secret et de la confidentialité, mais c'est une idée contre laquelle il faut vraiment lutter. En témoigne le fait que pour assurer la confidentialité des séances, nos psychologues utilisent des outils papier pour le recueil des informations. Celles-ci ne sont donc pas enregistrées dans le logiciel médical de l'établissement. Ainsi, aucune donnée spécifique concernant les athlètes n'est conservée dans le système informatique. Dans l'agenda du logiciel médical, les informations se limitent à des indications générales telles que la discipline sportive (« lutteuse », ou « judoka » par exemple). De même, rien sur le contenu des consultations n'est entré dans le logiciel.

Bien que la crainte puisse exister en raison des interactions qu'ont les personnels médicaux et les staffs techniques, il est important de souligner que l'intégrité et la confidentialité sont des principes fondamentaux respectés rigoureusement par l'équipe médicale de l'INSEP. La confiance entre les athlètes et les psychologues est cruciale, et toute violation de cette confiance serait préjudiciable à l'efficacité des services fournis. En effet, il est clair que si la confiance est trahie nous ne pouvons plus travailler. Il faut vraiment lutter contre ces idées reçues pour ne pas dissuader ou perturber les sportifs qui viennent nous voir. Je crois que c'est important de bien le souligner.

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Patrick Roult, chef du pôle haut niveau de l'INSEP

Sur la question du caractère obligatoire de la formation, le filtre que nous avons proposé est la soumission d'un questionnaire avant de pouvoir entrer dans des établissements comme le nôtre. Nous sommes encore dans une réflexion sur le sujet. Se pose la question de savoir si ce filtre peut constituer un moyen d'informer et de faire des rappels sur les dispositifs en place au sein des établissements concernés. Il pourrait y avoir une forme de passage obligatoire si la réponse aux questions était indispensable pour entrer dans nos établissements. Pour le reste, je ne vois pas comment nous pourrions rendre obligatoire une formation ou autre chose dans le cadre réglementaire existant actuellement.

Lorsque mes collègues invitent les entraîneurs – ce qu'ils font de manière régulière, ces derniers n'ont aucune obligation de participer aux actions proposées. En revanche, le plan « Coachs 2024 » mis en place par l'Agence nationale du sport revêt un caractère obligatoire dans la mesure où la participation à ce dispositif est associée à une rémunération complémentaire pour les entraîneurs concernés.

Sur l'aspect affectif, il ne faut pas se méprendre sur mes propos. Je soulignais simplement que les entraîneurs et les sportifs vivent ensemble sur des temps longs. Ils peuvent avoir des relations d'amitié ou d'inimitié également, et l'utilisation du terme affectif n'allait pas plus loin.

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J'ai une question pour vous également, Docteur Le Garrec. Vous avez été me semble-t-il médecin de l'équipe de France de judo.

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Sébastien Le Garrec, chef du pôle médical de l'INSEP

Non, je suis médecin de l'équipe de France de natation. Je n'ai jamais été médecin de l'équipe de France de judo. Je pense que cette erreur vient du fait que c'est ce qui est apparu un temps sur le site de l'AP-HP.

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Je vais revenir sur la fédération de judo pour ma part. Dans son livre, Patrick Roux indique à un moment : « Fabien Canu, auquel nous avons donné connaissance des propos du livre le concernant, nous a indiqué : "Il est possible que j'aie appelé Jane Bridge n'ayant probablement pas, dans un premier temps, mesuré l'impact des faits sur la jeune judokate. Mais de là à dire que je lui interdisais d'exercer son métier d'entraîneur de club... Par la suite, j'ai adressé une très sévère réprimande orale à l'entraîneur en question, qui a présenté ses excuses à la jeune fille et aux parents, en présence de Paulette Fouillet (chargée du suivi socioprofessionnel à l'époque). Cette manière de traiter l'incident a été faite en accord avec la direction des sports, par l'intermédiaire de mon adjoint François Besson, en charge des CTS et des relations avec le ministère. Je n'ai pas défendu l'entraîneur" ».

Est-ce que vous pouvez nous en dire davantage sur cette affaire et sur la manière dont elle a été traitée ?

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Fabien Canu, directeur général de l'institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP)

Lorsque l'affaire sort médiatiquement, plusieurs versions se confrontent : celle d'une témoin (Jane Bridge) et celles de personnes de la direction technique qui sont sur place, qui sont entraîneurs et qui ne me rapportent pas les mêmes faits que ce qui est indiqué dans la presse. Je reconnais que je les ai plus crus eux que Jane Bridge. C'est pour cette raison que je l'ai appelée sur le moment pour lui demander « Qu'est-ce qu'il se passe ? Je ne comprends pas. À quoi tu joues ? ». Par la suite, je me suis aperçu que les faits rapportés étaient sérieux. Je précise que Jane Bridge n'a jamais été interdite à l'INSEP et qu'elle a pu continuer son travail.

Pour ce qui est du traitement de ce sujet, j'ai effectué – comme expliqué dans le passage du livre – un sévère recadrage auprès de la personne en question et les parents de la jeune fille sont effectivement venus. Je sais que la manière dont a été traitée l'affaire peut susciter des interrogations aujourd'hui, mais c'était conforme à ce qu'il se faisait à l'époque (soit en 2005). Du côté du ministère, il ne m'avait pas été demandé d'appliquer une sanction. J'ai traité l'affaire conformément à la façon de faire de l'époque. Je ne sais pas si c'était véritablement suffisant mais j'ai réagi.

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Merci à vous quatre. Si vous le souhaitez, vous pourrez bien sûr revenir vers nous par mail suite à cette audition, notamment pour fournir les informations dont il a été question précédemment. Si vous avez encore des éléments à partager sur un sujet que nous n'aurions pas abordé ensemble et qu'il vous semblerait important de faire part à cette commission d'enquête, n'hésitez pas à le faire. Merci à vous et bonne journée.

La commission auditionne M. David Lappartient, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF).

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Je souhaite la bienvenue à Monsieur David Lappartient, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF).

Monsieur le président, vous êtes par ailleurs président du conseil département du Morbihan et président de l'Union cycliste internationale (UCI) depuis septembre 2017. Vous avez présidé la fédération française de cyclisme de 2009 à 2017 et l'Union européenne de cyclisme (UEC) de 2013 à 2017.

Nous avons entamé les travaux de cette commission d'enquête sur l'identification des défaillances de fonctionnement au sein des fédérations françaises de sport, du mouvement sportif et des organismes de gouvernance du monde sportif le 20 juillet dernier. L'Assemblée nationale a décidé de la création de cette commission à la suite de nombreuses révélations publiques de sportives et sportifs et de diverses affaires judiciaires ayant trait à la gestion de certaines fédérations.

Nos travaux portent donc sur trois axes : les violences physiques, sexuelles, ou psychologiques dans le sport ; les discriminations sexuelles et raciales dans le sport ; les problématiques liées à la gouvernance financière des organismes de gouvernance du monde sportif.

Monsieur, vous n'avez pas encore été auditionné mais dans un courrier que vous nous avez adressé le 19 juillet 2023 et dont la presse s'est fait écho, vous formulez un certain nombre de constats et vous interrogez sur les objectifs de cette commission d'enquête et sur « son calendrier à moins de quatre cents jours de l'ouverture des Jeux olympiques de Paris ».

Je voudrais signaler qu'à la fin du courrier qui m'est destiné vous rajoutez : « Je ne vous cache pas que les motifs de la création de la commission d'enquête tels qu'exposé par votre collègue rapporteuse nous ont particulièrement blessés. Respectueusement. »

Je ne doute pas que vous aurez à cœur de revenir sur ce point. Ne pensez-vous pas que la perspective de ce grand événement sportif peut constituer au contraire une chance pour renforcer durablement l'éthique et la prévention de toutes les formes de dérives au sein du sport français ?

C'est d'ailleurs le sens des travaux du comité national pour renforcer l'éthique et la vie démocratique dans le sport coprésidé par Marie-George Buffet et Stéphane Diagana auxquels vous contribuez. Ce comité doit renforcer l'éthique, la démocratie, et la protection des pratiquants.

« Sans », je vous cite, « occulter les difficultés que traversent certaines fédérations », vous insistez sur le fait que le mouvement sportif « travaille dans une démarche collective à des améliorations continues ». Je m'en réjouis car c'est précisément dans cette perspective que nous devons nous inscrire.

Votre audition sera donc l'occasion de faire le point sur la situation, le bilan des évolutions intervenues dans les années récentes pour renforcer l'éthique du sport, le rôle du CNOSF, et les améliorations qui restent à apporter.

Votre courrier insiste sur les dispositions essentielles apportées par la loi du 2 mars 2022, notamment en matière de parité ou de limitation des mandats. Pouvez-vous revenir sur la position du CNOSF sur ces mesures ?

Vous insistez sur les nombreux contrôles qui s'exercent sur les fédérations de la part du ministère, de la Cour des comptes ou de l'Agence française anti-corruption. De nombreux intervenants ont pointé les faiblesses de la tutelle ou l'absence de regard extérieur indépendant sur les questions d'éthique. Qu'en pensez-vous ?

En tout état de cause votre prédécesseur, Monsieur Denis Masseglia, dans un courrier qu'il nous a adressé à la suite de son audition et dont vous êtes d'ailleurs en copie, insiste sur le fait que si le code du sport confie au CNOSF le soin d'être le garant de l'éthique et de la déontologie dans le sport, le texte n'est nullement accompagné par les moyens notamment juridiques et disciplinaires qui pourraient permettre au CNOSF d'agir. Une mission qui ne s'accompagne pas des moyens de l'exercer ne peut qu'interroger.

Partagez-vous ce constat ? Comment appréhendez-vous cette mission ?

Dans votre courrier toujours, vous mettez en avant le rôle des comités d'éthique indépendants. Nous souhaiterions revenir avec vous sur le fonctionnement de ces comités, leur composition, leur bilan, d'autant qu'il a été porté à notre connaissance que plusieurs fédérations ne disposent pas encore d'un tel comité. C'est étonnant s'agissant d'une obligation légale. Quels sont la position et les moyens d'action du CNOSF sur ce point ?

Vous indiquez dans votre courrier contribuer aux travaux du comité national pour renforcer l'éthique et la vie démocratique dans le sport. Vous indiquez que l'objectif partagé est que nous puissions aller encore plus loin et renforcer le cadre législatif, réglementaire et statutaire s'appliquant aux fédérations sportives. C'est précisément l'un des objectifs majeurs que poursuit cette commission. Nous serons donc particulièrement intéressés de vous entendre sur les recommandations formulées par le CNOSF sur ces sujets.

Je rappelle que cette audition est ouverte à la presse et qu'elle est retransmise en direct sur le site de l'Assemblée nationale. Je vous rappelle également que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes entendues par une commission d'enquête de prêter serment, de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire « je le jure ».

(Monsieur Lappartient prête serment)

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David Lappartient, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF)

Je me réjouis que nos objectifs partagés soient les mêmes et que la représentation nationale s'empare d'un sujet aussi important pour le sport. Je me réjouis qu'il en soit ainsi car il en va aussi de sa gouvernance et de nos capacités à améliorer notre fonctionnement.

Dans un État démocratique, que le Parlement puisse contrôler le Gouvernement et mener les commissions d'enquête qu'il estime nécessaires paraît sain et logique. À cet égard, je salue cette volonté partagée tant nous devons encore améliorer les choses en ce qui concerne la gouvernance, l'ensemble des violences et sur les trois axes que vous avez mentionnés.

À titre personnel, ces sujets m'ont toujours beaucoup animé. En 2012, le CNOSF m'avait d'ailleurs désigné à la tête d'une commission chargée de faire des recommandations sur la gouvernance des fédérations. J'avais fait des recommandations – pas toujours soutenues par mes collègues – visant à limiter le nombre de mandats dans le temps et à améliorer grandement la transparence des fédérations nationales. Je m'étais imposé cette transparence, avec mes collègues, au sein de la Fédération française de cyclisme. Aujourd'hui, la fédération internationale que je préside et qui a défrayé la chronique il y a quelques années, est classée au deuxième rang des fédérations internationales en matière de transparence. On peut donc toujours améliorer les choses.

On se réjouit aussi de la contribution du mouvement sportif aux travaux du Parlement. J'en veux pour preuve ce qui a été fait par la loi du 2 mars dernier, qui vise à améliorer la gouvernance dans le sport. 70 % des propositions que nous avions eues à faire aux parlementaires ont été reprises ce dont je vous remercie.

Nous ne contestons absolument pas – et ce n'était pas le sens de mon courrier – le principe d'une commission d'enquête pour un sport toujours plus éthique, plus responsable, avec une gouvernance améliorée et avec des améliorations à porter dans le mouvement sportif dans son entier et dans nos fédérations nationales.

Ce qui nous a un peu blessés, ce sont les attendus de la commission d'enquête. Nous avions le sentiment, peut-être à tort, que les conclusions étaient déjà quasiment écrites dès le début. Quand vous évoquez par exemple des fédérations « abreuvées de subventions publiques », c'est assez blessant dans la mesure où les subventions publiques représentent 7,9 % du budget des fédérations membres du CNOSF.

Nous partageons le même objectif que vous mais nous ne voudrions pas que les conclusions soient dans les énoncés de la commission d'enquête. Nous essayons de travailler avec sérieux et je vais essayer de vous dire où nous en sommes et quelles propositions nous pouvons formuler. Comme vous l'avez pointé, il y a des dysfonctionnements, des choses à améliorer, et nous avons des propositions à formuler. Il n'est pas concevable que la situation reste en l'état car nous représentons 3,5 millions de bénévoles dont l'engagement est à saluer.

Le CNOSF n'est pas un organisme de tutelle des autres fédérations nationales. Les fédérations nationales reçoivent une délégation de l'État par le ministère de la jeunesse et des sports pour exercer au nom de l'État un certain nombre de prérogatives et de missions de service public.

Nous sommes l'organisme faîtier qui parle au nom de l'ensemble du mouvement olympique mais nous n'avons pas d'autorité de tutelle sur certaines fédérations. Nous parlons au nom de l'ensemble et notre voix peut et doit porter. Nous avons des propositions à formuler parce que ce qui affecte l'un d'entre nous affecte la communauté sportive tout entière. C'est fondamental et je le dis à mes collègues, nous devons tous être exemplaires.

On aimerait que le sport soit un îlot préservé des dérives sociétales et les valeurs qu'il véhicule font que naturellement, on attend qu'il en soit ainsi. Malheureusement, tel n'est pas le cas. Le sport est peut-être simplement le reflet de la société et nous devons travailler pour améliorer les choses.

Je suis président de conseil départemental et parmi nos compétences, il y a notamment celle de la protection de l'enfance. 1 800 enfants sont placés sous mon autorité et quand je vois les cas parfois terribles que nous recueillons dans les Cellules de recueil et de traitement des informations préoccupantes (Crip), il apparaît que le sport n'en est à certains égards qu'un reflet. Nous devons travailler pour améliorer les choses.

Nous avons fait des propositions pour corriger un certain nombre de dysfonctionnements. Ainsi, j'ai été auditionné le 6 septembre dernier dans le cadre de la commission coprésidée par Marie-George Buffet et Stéphane Diagana et vingt-deux propositions lui ont été transmises. Nous vous communiquerons le document si vous ne l'avez pas reçu.

Sur la gouvernance des fédérations, beaucoup de choses ont été améliorées notamment avec les déclarations auprès de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Il y a aussi des révisions statutaires qui sont en cours dans nos fédérations pour transcrire la loi de mars dernier.

Nous nous sommes aussi donné pour mission de définir les grands principes fondamentaux qui doivent s'appliquer au bon déroulement des élections et garantir l'égalité entre les candidats. Tous les candidats ne sont pas toujours égaux devant une élection.

Vous êtes candidat dans des circonscriptions et vous êtes soumis à des règles de financement. Ces règles n'existent pas lors des élections dans les fédérations et donc, un président qui a des moyens peut plus facilement mener campagne qu'un candidat qui en a moins. Il y a beaucoup d'autres choses à améliorer pour s'assurer de l'égalité des candidats lors des campagnes, notamment entre le candidat sortant, qui peut mobiliser les moyens de la structure, et les autres candidats.

Il faut s'assurer que les fédérations ne soient pas dans l'entre-soi et que les différentes opinions puissent y être représentées. La diversité des opinions est fondamentale car elle permet une forme de contrôle et donc une forme d'exigence pour les responsables.

Nous avons aussi des propositions sur la rémunération des dirigeants fédéraux, qui doivent permettre de rajeunir et diversifier les profils. Aujourd'hui, pour être président de fédération, il faut y consacrer un temps nécessaire. Sauf à être à la retraite, il est compliqué de postuler à cette fonction. Je milite pour que l'indemnisation des présidents de fédération soit réelle mais il faut aussi s'assurer que les comités d'éthique fonctionnent. Ils sont souvent constitués puisque 83 % des fédérations disposent d'un comité d'éthique. Il est cependant inacceptable que 17 % des fédérations n'en aient pas alors qu'il s'agit d'une obligation légale. À cet égard, je trouve que les fédérations qui n'en ont pas devraient être mises en demeure sous peine de perdre leur délégation ou ne plus être éligibles aux financements publics. Il est quand même compliqué d'expliquer qu'on peut bénéficier de financements publics et conserver sa délégation quand on ne respecte pas la loi.

Ces comités d'éthiques ne doivent pas être des comités d'éthique alibis nommés par l'exécutif et ayant des liens forts avec ce dernier. Les comités doivent être de vrais comités crédibles et à cet égard, deux formules sont possibles : soit ils obtiennent un avis conforme du CNOSF, soit ils sont constitués de membres reconnus inscrits sur une liste du CNOSF. Cela permettrait d'avoir des comités d'éthique dignes de ce nom.

Je propose aussi que ces comités d'éthique, en particulier sur les sujets de harcèlement et de violences sexuelles, soient dotés d'un pouvoir disciplinaire. Les victimes qui racontent leur histoire devant un comité d'éthique sont souvent renvoyées devant une commission disciplinaire lorsque le comité d'éthique juge que les règles n'ont pas été respectées. Cette double procédure est douloureuse pour les victimes, longue, et je pense que doter les comités d'éthiques de pouvoirs disciplinaires serait de nature à accélérer le traitement des dossiers. C'est ce que j'ai fait à l'UCI, au regard des cas que nous avions eus. C'est une mesure concrète que nous pouvons déployer.

Il faut saluer les victimes qui ont accepté de parler. Je pense bien évidemment à Sarah Abitbol qui a eu le courage d'œuvrer à la libération de la parole. Je pense également à Angélique Cauchy qui a été interrogée sur France 5. Ce sont des athlètes qui ont parlé mais si la parole se libère, ce n'est pas encore suffisant à mon sens.

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Nous avons eu l'occasion d'auditionner Angélique Cauchy et son témoignage était accablant.

Vous abordez la question de la rémunération des dirigeants en suggérant que cette rémunération pourrait permettre de rajeunir les équipes parce que diriger une fédération demande du temps.

Vous êtes actuellement titulaire d'une dizaine de mandats et de fonctions, ce qui a pu d'ailleurs susciter quelques interrogations et critiques. Vous aviez indiqué au journal L'Équipe que vous alliez réfléchir à la meilleure organisation souhaitable. Je vous cite : « J'ai prévu soit de démissionner de certains mandats soit de changer un peu mon mode de fonctionnement parce qu'il y a des choses qui roulent tout à fait normalement. » Qu'en est-il depuis ? Vos différents mandats vous laissent-ils suffisamment de temps pour le sport français à l'heure où ce dernier connaît d'immenses défis, qu'il s'agisse de la libération de la parole des victimes ou de la tenue des Jeux olympiques et paralympiques en 2024 ?

Vous avez évoqué le calendrier de cette commission d'enquête et ce qui était indiqué dans l'exposé des motifs de la proposition de résolution tendant à sa création. Je tiens à rappeler que sur les deux ou trois dernières années, il y a eu plusieurs affaires dans plusieurs fédérations. S'il fallait en citer quelques-unes je nommerais le rugby, le football, le tennis, le CNOSF, le COJOP, les sports de glace, le handball, le judo, etc. Cette liste ne tient pas compte de tous les témoignages que nous recevons depuis la mise en place de cette commission d'enquête.

Je ne pense donc pas que l'exposé des motifs soit caricatural dans la description de ce qui va mal dans le mouvement sportif. Nous souhaitons travailler pour que cela ne se reproduise plus et pour dresser des remparts contre les VSS, le racisme, les discriminations et tout ce qui dysfonctionne mais la réalité, c'est qu'il n'est pas possible de faire comme si tout cela n'existait pas. Il y a des dysfonctionnements et vous l'avez reconnu. Il serait d'ailleurs intéressant que vous nous précisiez de quels dysfonctionnements vous parlez précisément.

Vous avez aussi dit qu'il n'y avait pas de tutelle du CNOSF sur certaines fédérations. Cela signifie-t-il qu'il y en a sur d'autres ou est-ce une erreur d'expression ?

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David Lappartient, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF)

Très objectivement, je n'avais pas prévu d'être président du CNOSF. J'ai été administrateur du CNOSF de 2009 à 2017 et mon élection comme membre du Comité international olympique (CIO) m'a conféré le statut de membre de droit du CNOSF. J'ai assisté au conseil d'administration et face à la crise qu'il a traversée, un certain nombre de collègues m'ont demandé d'être candidat. Je n'avais absolument pas prévu d'être président du CNOSF. J'essaie d'y consacrer le temps et l'énergie nécessaires au prix de sacrifices personnels qui sont importants.

J'ai effectivement démissionné d'un certain nombre de mandats. J'étais président du Parc naturel régional du golfe du Morbihan, dossier qui m'a tenu à cœur et que j'ai porté sur les fonts baptismaux. J'ai démissionné de la présidence du Parc naturel régional.

J'ai démissionné également de mon mandat de conseiller communautaire début septembre. Par ailleurs, j'ai aussi réduit la voilure s'agissant de ma présence dans des conseils portuaires ou autres instances pour essayer de consacrer le temps nécessaire à l'ensemble de ces missions.

J'ai fait le choix d'être aussi un président bénévole parce que je suis correctement rémunéré par ailleurs et que je ne voulais pas donner le sentiment que j'étais candidat pour bénéficier d'une rémunération. Concernant la rémunération du président du CNOSF, j'ai souhaité lors de la dernière assemblée générale qu'il ne s'agisse pas d'une économie nette pour le CNOSF mais qu'un montant équivalent soit alloué à des causes et notamment à l'accompagnement des victimes de violences sexuelles ou d'autres sujets que notre conseil d'administration aura décidés.

Je suis pleinement engagé dans l'ensemble de ces missions mais au prix effectivement d'heures de travail qui sont très importantes tant il y a de défis à relever. L'art est aussi de bien s'entourer et de connaître les dossiers. C'est ce que je fais au quotidien.

Il y a naturellement d'immenses défis dans le sport. Vous m'avez demandé de préciser les dysfonctionnements. On a presque la réponse à votre question dans l'énoncé des fédérations que vous avez donné parce qu'en plus, ce sont souvent les plus emblématiques ou visibles d'entre elles qui ont fait l'objet d'un dysfonctionnement.

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J'ai cité des dysfonctionnements au sein de fédérations et des affaires dont on a eu connaissance.

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David Lappartient, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF)

Pour moi, les dysfonctionnement résultent souvent de l'absence de contrôle.

Il ne peut pas ne pas y avoir de contrôle, et donc de contre-pouvoir. Vous pouvez contrôler le Gouvernement, c'est un contre-pouvoir à l'exécutif et c'est logique. La Constitution a été prévue ainsi.

Dans les fédérations, les choses évoluent, notamment sur les systèmes de grands électeurs. Le système des grands électeurs fonctionne au Sénat parce que le corps électoral est suffisamment large. En revanche, dans certaines fédérations, il y avait moins de quatre-vingt ou de cinquante grands électeurs. Ça tourne alors à l'entre-soi. Il est donc nécessaire de garantir un plus large échantillon de votants. Il est fondamental d'élargir le champ des personnes qui votent.

Il est aussi fondamental pour éviter les dysfonctionnements que l'on puisse garantir que tout le monde ne soit pas de la même majorité. Sinon, cela revient aussi à ce qu'on ne soit jamais challengé. Or il faut parfois être poussé, il faut qu'on sache qu'on est contrôlé pour pouvoir le faire. Pour moi, ce sont des points de dysfonctionnement majeurs.

L'absence de mise en place de comité d'éthique constitue également un dysfonctionnement. Comment une fédération délégataire peut-elle ne pas respecter les obligations légales ? Je l'ai répété à certains collègues : il n'y a pas d'excuses.

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Pouvez-vous nous indiquer quelles sont les fédérations qui n'ont pas de comité d'éthique ?

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David Lappartient, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF)

17 % des fédérations n'en ont pas. Nous pourrons vous transmettre la liste.

Je précise par ailleurs que nous n'avons pas de tutelle sur les fédérations nationales. Nous avons par contre quelques missions que la loi nous a confiées expressément et qui sont des missions de conciliation, sans cependant que les parties soient obligées de les accepter. Ce sont quand même 500 dossiers de conciliation qui seront traités en 2023, dont 70 % d'acceptation de la conciliation. Nos conciliateurs évitent ainsi 350 dossiers à la justice.

Cette mission de conciliation que la loi nous a donnée est transversale à l'ensemble des fédérations.

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Quand vous évoquez la conciliation, de quel type d'affaires parlez-vous ?

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David Lappartient, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF)

Cela concerne plutôt des contestations de décisions administratives des fédérations nationales ou d'autres organes. 70 % de nos affaires concernent le football. Elles peuvent par exemple concerner un coureur ou un athlète qui est récusé dans une épreuve ou une contestation d'une sélection en équipe nationale.

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En tant que président du CNOSF, vous représentez le mouvement sportif français. Comment cette mission peut-elle s'articuler avec votre mandat à l'UCI, fédération internationale dont parfois peut-être les intérêts peuvent être divergents des intérêts français ?

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David Lappartient, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF)

Je trouve qu'il y a plutôt des intérêts convergents à défendre le sport, à défendre le sport à l'international, à faire rayonner notre pays. Je suis fier d'être français et je suis fier d'une manière générale des valeurs que nous portons et de ce que nous apportons au mouvement olympique.

Nous n'avons pas dans le monde du sport un système de déport aussi formalisé que celui qui s'applique aux élus. Il faut se l'appliquer à soi-même et naturellement au CNOSF, nous avons des déclarations d'intérêts. En cas de conflit d'intérêts, nous nous déportons et ne participons ni au débat ni au vote.

Ce n'est pas votre question mais s'agissant du département, j'ai pris tous les arrêtés de déport nécessaires dès mes différentes élections. J'ai même interrogé la HATVP pour savoir si mon élection à la présidence du CNOSF entraînait le déport sur l'ensemble du sport et par exemple la subvention à un club de football local.

Le CNOSF a des missions strictement nationales. Il a aussi des missions qui sont celles des équipes de France, olympiques plus particulièrement. Les missions du CNOSF sont donc très peu en conflit avec celles de l'UCI. S'il devait y avoir conflit, on s'appliquerait des règles de déport.

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On ne peut pas mettre de côté l'article qui est sorti vous mentionnant dans Le Monde en mai dernier et dont le titre est, je cite « Les liens troubles de David Lappartient, poids lourd de la gouvernance du sport français ».

Vous avez parlé d'éthique, on a parlé de l'UCI, vous êtes un de nos représentants du sport français. Cet article mentionne les liens que vous auriez avec Monsieur Makarov qui est un oligarque russo-turkmène si je ne me trompe. Vous auriez eu avec lui des relations qui laissent planer un doute sur votre nomination à la tête de l'UCI.

Plusieurs faits sont rapportés qui, selon le journaliste, ressembleraient à des retours suite à cette nomination. Je citerai tout d'abord l'organisation des mondiaux de cyclisme sur piste 2021 accordée par l'UCI à Achgabat, ville natale de Monsieur Makarov et capitale du Turkménistan. J'évoquerai ensuite la remise de la médaille d'honneur de l'UCI à Monsieur Berdimoukhamedov, le président du Turkménistan souvent épinglé pour ses atteintes à la démocratie. Je mentionnerai enfin le fait que Monsieur Makarov soit toujours présent dans les instances de l'UCI alors que ses liens avec Vladimir Poutine sont assez avérés.

J'aimerais pouvoir recueillir votre expression sur ces éléments. Vous paraît-il inéluctable qu'il y ait de tels personnages qui, par leurs positions économiques, politique, ne peuvent que laisser planer le doute sur ce qui se passe au niveau des nominations dans les grandes instances internationales et notamment l'UCI ?

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David Lappartient, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF)

Tout d'abord, je n'ai pas été nommé. J'ai été élu. J'ai été élu à plus de 82 % pour des raisons assez simples. Mon prédécesseur, qui était un homme honnête – je le suis aussi – avait oublié une règle de base à mon sens : les membres de l'UCI sont les fédérations nationales et il faut s'en occuper comme un maire doit s'occuper de ses électeurs.

J'ai fait ma campagne en respectant mes règles de morale et d'éthique. Je ne pense pas qu'on puisse être à moitié honnête. Soit on est honnête, soit on est malhonnête. Je suis assurément dans le camp de l'honnêteté.

Igor Makarov ne dispose plus de la nationalité russe. Il fait partie de ces personnes qui ont rendu leur passeport russe. Il est turkmène et chypriote.

Il a été champion de haut niveau en équipe de cyclisme sur piste à l'époque de l'URSS. Il est passionné de vélo et connaît le vélo, à la différence parfois d'un certain nombre d'acteurs dans le monde du sport qui peuvent être des gens aisés ou fortunés investis dans un sport sans l'avoir pratiqué à haut niveau.

Vous avez mentionné l'octroi en 2021 de l'organisation des championnats du monde de cyclisme sur piste à Achgabat, capitale du Turkménistan. Les discussions avaient été engagées par mon prédécesseur et j'ajoute que ces championnats du monde n'ont pas eu lieu à cause de la Covid. Nous ne les avons pas réattribués au Turkménistan, ce qui a d'ailleurs engendré un conflit entre l'UCI et le Turkménistan sur les causes majeures ou non et les conséquences financières de cette annulation et nous n'avons pas cédé.

Concernant la remise de la médaille d'honneur, elle a été remise au président de l'époque parce que le Turkménistan avait proposé aux Nations Unies que le 3 juin soit la journée mondiale du vélo. Cette résolution portée par le Turkménistan a été votée à l'unanimité, dont la France, aux Nations Unies. C'est à ce titre que cette médaille lui a été remise et pas pour son action sur le terrain des droits de l'homme. Lorsque j'ai rencontré le président dans son bureau, je lui ai d'ailleurs parlé de droits de l'homme. Je ne suis pas convaincu que beaucoup de personnes soient allées lui parler de droits de l'homme dans son bureau, fidèle aux valeurs qui sont les nôtres et en lui rappelant un certain nombre de principes qui devaient être respectés. On peut toujours penser que je n'aurais pas dû y aller. Je peux entendre les critiques sur ce point.

Monsieur Makarov est toujours membre du comité directeur de l'UCI. Il participe aux débats lorsqu'il y a des débats. Aujourd'hui Monsieur Makarov ne fait pas l'objet de sanctions américaines ou européennes. Je connais très bien les fonctions qui sont les siennes et à mon avis, il est faux de dire que c'est un proche de Vladimir Poutine.

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Vous avez récemment pris vos fonctions dans un contexte de crise interne qui a duré plus de 18 mois. Cette situation exige une présence importante à moins d'un an de Paris 2024. Or vous cumulez plus de 10 mandats politiques et sportifs. Vous avez d'ailleurs sur ce point partiellement répondu à Madame la rapporteure.

Je ne vais pas non plus commenter la générosité de votre geste qui consiste à avoir refusé d'être indemnisé. Je ne dévoilerai pas ici le montant de votre indemnité en tant que président de l'UCI puisque celle-ci est publique sur le site de la HATVP.

Je voudrais quand même revenir sur la question du cyclisme français qui fait partie des sports les plus importants dans notre pays et que vous connaissez bien avec un événement mondialement reconnu, une fédération d'à peu près 110 000 licenciés qui ne fait pas partie du top 10 des fédérations françaises alors que la pratique du cyclisme n'a jamais été autant d'actualité. La moyenne des 10 plus grandes fédérations est aujourd'hui de 592 000 licenciés.

Sportivement, cette fédération n'a pas beaucoup de vision d'avenir avec un monde amateur en très grande difficulté, plusieurs clubs formateurs qui décident de cesser leurs activités, des médailles dans des disciplines spécifiques portées souvent par des structures où résident les sportifs qui sont souvent étrangères. En témoigne le fait que les dernières médailles en cyclisme sur route ont été remportées par des champions évoluant dans des structures étrangères. D'ailleurs depuis mardi 3 octobre, la France est rétrogradée dans le classement UCI. Cela aura des conséquences lourdes pour les JOP de Paris puisqu'elle ne pourra aligner que trois coureurs.

Je ne vais pas revenir non plus sur les discriminations ordinaires puisque par exemple, lors des mondiaux en Australie, dans l'avion, les hommes étaient en classe business et les femmes étaient en classe éco. Ce sont des stigmates du sexisme ordinaire.

Structurellement, cette fédération n'a pas réussi à optimiser ses acquis. Je ne vais pas revenir sur la redistribution des recettes du Tour de France ni sur la question du vélodrome national qui héberge une fédération qui a à peu près une dizaine d'années et qui n'a pas réussi à accueillir un grand événement d'ampleur important alors que cet outil a coûté 74 millions d'euros.

C'est bien sûr là-dessus que je voudrais revenir Monsieur le président, puisque vous savez que la Haute-Savoie a obtenu l'organisation des mondiaux de cyclisme en 2027, sans gloire puisque nous étions les seuls candidats. Je suis favorable à l'accueil de grands événements sportifs en Haute-Savoie – c'est une grande tradition – mais un certain nombre d'éléments nous ont été dissimulés. On nous a d'abord parlé de treize épreuves, elles sont 19 désormais. Nous avons également découvert que nous devions construire un Haute-Savoie Arena comprenant un vélodrome. Celui de Saint-Quentin-en-Yvelines a coûté 74 millions d'euros. En Haute-Savoie nous n'avons toujours pas le chiffre précis.

Ma question est simple. Pourquoi ne pas utiliser une infrastructure existante, en l'occurrence le vélodrome olympique ? Je rappelle que dans le cadre des JOP de Paris 2024, toutes les épreuves ne se dérouleront pas à Paris. C'est notamment le cas du surf qui aura lieu en Polynésie française et ce bien sûr dans un souci d'éviter le gaspillage d'argent public. Vous êtes vous-même président d'un conseil départemental Monsieur Lappartient, et je suis sûre que vous êtes attaché au bon usage des deniers publics.

Enfin une dernière question à laquelle j'associe mon collègue sénateur Loïc Hervé. S'agissant des grands événements sportifs, je souhaite qu'on ait une meilleure information des parlementaires. Sur l'organisation de ces mondiaux de cyclisme en Haute-Savoie, les parlementaires ont très peu d'informations. Or nous devrions y être associés dans le cadre de réunions en préfecture dans un esprit de transparence. Je rappelle que les parlementaires votent les budgets de l'État parmi lesquels ceux des collectivités et bien sûr la mission « sports, jeunesse et vie associative ».

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David Lappartient, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF)

Je vous trouve bien dure à l'égard de la Fédération française de cyclisme que je ne préside plus mais que je soutiens. Je sais que le président Michel Callot et ses équipes sont totalement investis sur ces sujets. Comme on dit en Bretagne, c'est à la fin du marché qu'on fait les comptes et pour ma part, j'attendrai les jeux de 2024 avant d'être aussi direct sur les résultats de l'équipe de France.

Nous avons des athlètes et à Glasgow, nous avons réalisé un triplé dans une épreuve olympique en BMX par exemple. En VTT, nos filles ont fait première et deuxième. Concernant le cyclisme sur route, les filles françaises progressent comme on l'a vu lors du dernier Tour de France.

Je me réjouis plutôt de tout cela mais on pourrait débattre assez longuement. J'ai été président de club et j'étais encore il y a deux semaines bénévole dans une course, l'accès à la voie publique est une vraie difficulté pour nos clubs. Il y a plein de raisons qui pourraient être évoquées mais la Fédération française de cyclisme se développe. Il ne vous a pas échappé que si on ne fait pas de compétition, pour aller rouler le dimanche avec des amis, on n'a pas forcément besoin d'une licence.

Il y a beaucoup de pratiquants de vélo mais pas forcément beaucoup de licenciés. C'est néanmoins une fédération dynamique, l'une des plus dynamiques et dont je suis convaincu qu'elle continuera à se développer. Je salue à cet égard le travail que fait le président Callot dont l'intégrité et l'honnêteté intellectuelle méritent d'être soulignées. Ce n'est pas une fédération qui serait à ranger au rang des fédérations à dysfonctionnements. Je n'y suis plus et je peux donc d'autant plus facilement le dire. Il y a des élus qui sont vraiment engagés sur ces sujets.

Vous dites que le vélodrome national n'a pas accueilli de grands événements. Il a accueilli les championnats du monde 2015 et 2022 et il accueillera les jeux olympiques. Il a fallu huit ans de ma vie pour faire aboutir ce dossier et toutes les collectivités de toutes les sensibilités se sont unies à l'époque pour le faire aboutir. Je salue le fait que ce que le Général de Gaulle avait promis à Daniel Morelon à l'époque ait fini par aboutir avec la construction de ce vélodrome national.

Je suis effectivement très attentif à la dépense publique. Le département que je préside est à -21 % de dépenses de fonctionnement par rapport à la moyenne nationale en euros par habitant.

Le projet, qui me semble beaucoup plus large qu'un projet de vélodrome et vous le savez, est un projet qui vise à ce qu'on ait une Arena qui dispose de tout un tas d'équipements que la Haute-Savoie n'a pas. Je salue ce projet monté par le conseil départemental de la Haute-Savoie. Je sais que vous êtes aussi conseillère départementale et naturellement, il y a des débats sur ce sujet. Il y a aussi eu une volonté de ne pas artificialiser et de mettre ça sur le parking existant conformément aux objectifs du ZAN (zéro artificialisation nette) qui sont mis en place.

Concernant une éventuelle mutualisation avec Paris, dans l'absolu, on recherche toujours à optimiser ce qui pourrait être fait. Je me permets simplement de signaler que la région Auvergne-Rhône-Alpes, grande région en France, n'a pas de vélodrome couvert. C'est un manque dans cette région. On ne peut pas avoir une cathédrale sans avoir des églises et donc, il faut que nous ayons aussi des vélodromes couverts. Il y en a un à Roubaix, un à Bordeaux, un qui s'ouvre en Bretagne à Loudéac, mais on n'en a pas dans cette partie de la France. Je me réjouis que cette Arena le permette.

J'étais récemment au conseil départemental de la Haute-Savoie et j'ai d'ailleurs vu votre signature sur l'engagement à soutenir cet événement.

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Je voudrais quand même revenir sur les billets d'avion en classe business pour messieurs et en classe éco pour mesdames. On appréciera.

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David Lappartient, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF)

Il faudrait poser la question à la fédération mais elle a des explications. Dans d'autres disciplines, notamment le VTT ou d'autres, où les femmes sont beaucoup plus performantes, cela a été l'inverse.

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C'est intéressant parce que vous nous avez dit que cette fédération ne connaissait pas de dysfonctionnements. Je trouve en l'occurrence que mettre les hommes en business et les femmes en classe éco, c'est un dysfonctionnement et cela reflète un certain sexisme. Cette commission d'enquête s'intéresse aux VSS, aux discriminations, au racisme et je trouve quand même qu'il y aurait peut-être des choses à dire là-dessus.

Je remarquerai par ailleurs qu'un vélodrome n'est pas tout à fait un équipement grand public, mais peut-être que je me trompe. En tout cas, je ne suis pas certaine qu'il faille un équipement de ce type dans toutes les régions mais nous sommes un peu en dehors du périmètre de cette commission.

Je voudrais qu'on revienne au CNOSF et à cette commission d'enquête. Au sein des fédérations, c'est justement parce qu'on a vu des défaillances de toutes sortes qui perdurent qu'on a mis en place cette commission. Nous aimerions donc connaître votre appréciation personnelle de l'évolution du sport français. Est-ce que vous considérez aujourd'hui que les défaillances sont moins nombreuses depuis « l'accélération de l'histoire » à laquelle nous assistons depuis 2020 ? Est-ce que le régime de l'omerta a disparu selon vous ? S'il est en train de disparaître, dans cette levée de l'omerta, quel rôle peut jouer le CNOSF en faveur des victimes de VSS alors même que ses membres, les fédérations, ont du mal à prendre le sujet à bras-le-corps ? En tout cas, c'est le sentiment qu'on a de l'extérieur et on pourrait même y ajouter l'Insep (Institut national du sport, de l'expertise et de la performance) qu'on a auditionné juste avant.

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David Lappartient, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF)

Nous sommes sur le bon chemin mais il y a de la route à faire. D'une manière générale, les langues se délient et c'est tant mieux. Je ne reviendrai pas sur les polémiques sur les plateformes de signalement mais je milite vraiment pour qu'on ait une campagne pour mieux faire connaître la cellule officielle de l'État. Si elle doit changer de nom, qu'elle change de nom mais aujourd'hui la cellule officielle est Signal-sports. On a besoin de mieux la faire connaître pour que la parole continue de se libérer. C'est absolument fondamental.

Il y a sans doute des campagnes de « publicité » à mettre en place, peut-être même à la télévision, mais il faut aussi faire en sorte que cette cellule soit systématiquement indiquée dans les formations obligatoires que font un certain nombre de fédérations vis-à-vis de leurs clubs. Il faut aussi une obligation d'information de l'ensemble des athlètes dans les sélections, qu'elles soient au niveau départemental dans les équipes départementales, dans les équipes régionales, les organes déconcentrés des fédérations.

Un certain nombre le font. On a aujourd'hui clairement des délégués sur les violences sexuelles dans les fédérations. Tout cela est en train de se diffuser. Nous travaillons conjointement avec le ministère des sports sur ce sujet. On anime le réseau. Il y a eu trois réunions en 2023 avec nos fédérations. On leur demande aussi que cela irrigue jusqu'en bas mais l'information sur cette cellule doit être mieux connue et mieux diffusée par les fédérations, mieux diffusée encore par nous, avec sans doute une campagne grand public pour que nous ayons le plus de signalements possible et que la parole continue de se libérer.

Elle se libère et c'est tant mieux mais nous devons aussi mieux accompagner les victimes. Aujourd'hui, quand on a un signalement, on a besoin de mieux collaborer avec les autorités judiciaires. Lorsqu'une enquête judiciaire se met en place, il est parfois demandé aux fédérations de temporiser. La justice, pour les besoins d'une enquête qui doit se dérouler de manière discrète, peut appeler les fédérations à temporiser dans la mise en place de leurs propres actions.

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Est-ce que la justice vous demande parfois de temporiser en ne mettant pas à l'écart de potentiels agresseurs ?

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David Lappartient, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF)

Le président de Fédération française de volley-ball m'a fait part d'un témoignage en ce sens. Il y a sans doute des raisons à cela. Je ne connais pas le dossier en question. Le signalement était remonté par Signal-sports via le site de signalement de la fédération. Il n'y a pas eu de dysfonctionnement de signalement mais la justice enquête. Il y a sans doute des raisons mais cela peut effectivement être compliqué pour la victime.

Il peut y avoir une sanction pénale et éventuellement une sanction disciplinaire. Elles sont nécessaires pour la « réparation » mais ne sont pas suffisantes. La victime est souvent laissée un peu seule et l'accompagnement des victimes doit être renforcé. Je pense que c'est là que le CNOSF a un rôle à jouer pour renforcer l'accompagnement des victimes, à côté des fédérations, avec France victimes, avec Colosse aux pieds d'argile, avec d'autres acteurs. La reconstruction est très longue et très difficile et le manque d'accompagnement peut être une réalité.

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Vous nous avez expliqué qu'il n'y avait pas de tutelle du CNOSF sur les fédérations. Quel pouvoir avez-vous pour imposer aux fédérations de prendre à bras-le-corps cette question des VSS ?

Nous avons beaucoup parlé de la cellule Signal-sports, même si différents athlètes nous on dit qu'ils n'en connaissaient pas l'existence. Cette cellule ne peut-elle pas conduire les fédérations à se défausser ? Désormais, quand il y a un problème, il suffit d'aller sur Signal-sports pour le régler. Par conséquent, les fédérations sont un peu dessaisies de ces dossiers alors qu'elles devraient mettre en place des dispositifs de prévention.

Vous avez évoqué la formation mais il nous a été dit que sur le volet des VSS, la formation est insuffisante. Comment travailler avec les fédérations pour que la lutte contre les VSS soit plus efficace ?

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David Lappartient, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF)

Je reste persuadé qu'il faut des comités d'éthique au niveau des fédérations. Avoir un seul comité d'éthique au niveau du CNOSF poserait la question des moyens qui nous sont alloués et pourrait déresponsabiliser les fédérations. Or je souhaite que les fédérations soient responsabilisées par rapport à ce qui se passe en leur sein.

Nous n'avons pas de tutelle mais il y a une mutualisation des moyens. Il y a les fédérations riches qui sont capables de faire un certain nombre de choses mais n'oublions pas quand même que la plupart des fédérations disposent de peu de moyens et sont un peu dépourvues face à un certain nombre de dossiers.

Aujourd'hui, l'animation des réseaux, des référents en matière de violences sexuelles, c'est le CNOSF qui s'en charge avec le ministère. C'est pleinement notre rôle que d'animer le réseau. C'est sur ce terrain que nous pouvons renforcer nos missions parce que ce réseau est fondamental. L'échange des bonnes pratiques est fondamental. L'expérience mutualisée et les moyens mutualisés du CNOSF, à travers notamment les guides que nous pouvons mettre en place, sont fondamentaux. D'ailleurs dans la convention qui nous lie à l'État, en contrepartie des moyens qui nous viennent de l'État et qui ne sont pas négligeables, nous avons clairement ces missions d'animer le réseau au niveau des fédérations nationales au nom de l'État. Nous sommes aussi un service non pas de tutelle mais de mutualisation sur ce sujet, et c'est nécessaire.

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Comment le CNOSF peut-il représenter le mouvement sportif et le réguler en même temps ?

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David Lappartient, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF)

C'est le « en même temps » qui n'est jamais simple. Nous le représentons par nature, c'est notre mission, c'est dans nos statuts. Nous représentons le mouvement olympique, non seulement les fédérations olympiques mais aussi l'ensemble du mouvement sportif français : 110 membres, 17 millions de licenciés, 3,5 millions de bénévoles.

Nous parlons au nom de l'ensemble de nos membres mais nous n'avons pas forcément de pouvoir de régulation. Nous avons un pouvoir d'incitation et aussi un pouvoir de proposition. Par exemple, nous avons formulé des propositions dans le cadre de la loi du 2 mars dernier sur la gouvernance des fédérations. Vous en avez repris 70 %, nous vous en remercions.

Je le répète, ce qui affecte l'un d'entre nous affecte l'ensemble du mouvement olympique. C'est fondamental.

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Ne pensez-vous pas que la communication autour de Signal-sports pourrait être dévolue aux entraîneurs ? Ils sont au plus près des athlètes et des jeunes sportifs, ils les suivent, ils ont souvent une autorité vis-à-vis des jeunes athlètes. Ne pourrait-il pas entrer dans leurs missions de communiquer cette information sur Signal-sports ?

Cela aurait d'ailleurs aussi comme vertu de les responsabiliser sur ce sujet et de les obliger à être attentifs à tous les signaux faibles concernant les jeunes dans les clubs.

Plus généralement, la difficulté est que la parole se libère et qu'il faut y être très attentif. Il faut l'être, c'est important, et on l'est de plus en plus de manière générale dans notre société. À partir du moment où une parole se libère, il y a des procédures administratives et des procédures souvent judiciaires qui sont mises en œuvre. Pensez-vous qu'aujourd'hui, l'articulation entre la procédure administrative qui est mise en place, qui est nécessaire, qui doit se faire rapidement, et la procédure judiciaire, qui nécessite un temps plus long, est suffisamment claire et que toutes les fédérations se sont bien approprié le double mécanisme administratif et judiciaire ?

Derrière tout cela, il y a deux grands principes à faire cohabiter. Le recueil de la parole et l'attention que l'on doit y porter, mais aussi le respect de la présomption d'innocence qui fait que tant que notre système judiciaire n'a pas reconnu les faits comme étant établis, on a quand même des personnes qui sont présumées innocentes et qui doivent aussi faire l'objet d'une attention toute particulière.

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David Lappartient, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF)

C'est naturellement aussi dans le rôle de l'entraîneur d'informer sur Signal-sports. En haut de la pyramide, le CNOSF doit animer le réseau dans chaque fédération qui elles-mêmes ont un rôle d'information et d'animation au niveau régional, départemental, dans les formations pour l'ensemble des entraîneurs. Il est évident que l'entraîneur a un rôle à jouer dans cette animation. C'est le cas également dans les équipes nationales avec les entraîneurs nationaux. Nous avons vu malheureusement aussi dans les cas qui nous sont remontés que c'est parfois par l'entraîneur qui est en cause dans un certain nombre de cas. Les entraîneurs jouent un rôle naturel dans la diffusion de l'information sur Signal-sports ou tout autre nom qui pourrait être un peu plus percutant.

Il y a en réalité trois procédures : une procédure disciplinaire qui relève de la fédération, une procédure administrative qui relève du ministère ou de la préfecture et une procédure judiciaire qui a son temps. S'agissant des fédérations, il est plutôt souhaitable qu'elles puissent se porter partie civile dans un certain nombre de dossiers. Je pense que cela permet aussi de porter la parole et d'avoir accès à un certain nombre de documents. Cela me paraît fondamental qu'elles le fassent plus souvent.

La procédure judiciaire a sa propre temporalité, et parfois un certain nombre de fédérations me disent qu'elles prennent des risques lorsqu'elles prennent des sanctions qui viennent avant une décision judiciaire, compte tenu de la nécessité de respecter la présomption d'innocence. C'est la difficulté à laquelle sont concrètement confrontées les fédérations. Je ne sais pas quelles recommandations faire pour que le temps judiciaire aille plus vite ou qu'on ait une concomitance des choses. Il n'y a rien de pire que de laisser pendant plusieurs années une personne qui sera condamnée pour un certain nombre de faits agir dans le milieu qui était le sien. Quelles mesures préventives d'éloignement, d'interdiction provisoire, de suspension, sont possibles à titre conservatoire sans méconnaître le droit de la présomption d'innocence ? Il y a sans doute quelque chose à imaginer.

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Je voudrais revenir sur la loi de mars 2022, qui modifie les règles en ce qui concerne la parité mais également le nombre de mandats renouvelables. Je voudrais que vous reveniez sur la position du CNOSF sur ces différentes mesures.

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David Lappartient, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF)

La position du CNOSF, qui était celle que j'avais recommandée en 2012, c'était la limitation dans le temps du nombre de mandats de président de fédération. Je me réjouis que cette limitation se mette en place.

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David Lappartient, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF)

Trois mandats. Ce que vous n'avez pas fait en douze ans, vous ne le ferez pas forcément après. Je pense aussi qu'il faut que nos fédérations respirent. Il n'est pas rare que les grosses difficultés apparaissent dans des fédérations où un système a eu le temps de se mettre en place au fil du temps. La limitation du nombre de mandats me semble souhaitable.

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Dans quelles fédérations un système a-t-il pu se mettre en place ?

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David Lappartient, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF)

Il s'agit des fédérations qui à l'époque n'avaient pas de limitation du nombre de mandats, avaient un corps électoral faible, ce qui faisait que le système tournait tout seul. Ceux qui élisaient étaient ceux qui étaient élus et cela tournait à la cooptation.

Il y a heureusement eu beaucoup d'évolutions. Il y a eu la volonté d'élargir les collèges électoraux, c'est d'ailleurs ce que prévoit la loi.

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David Lappartient, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF)

La parité est une bonne chose mais certaines fédérations ont 90 % de femmes dans leurs membres et d'autres, 90 % d'hommes. La parité aura au moins le mérite de permettre, que quel que soit le sexe minoritaire en nombre, une politique qui vise à diversifier la fédération. C'est une évolution que nous avons saluée, même si elle n'est pas parfois sans difficultés au niveau local. Nous saluons cette avancée qui a donné de très bons résultats au niveau des élections, notamment municipales.

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Je reviens sur la question des signalements et de leur prise en compte quand on est président du CNOSF. La semaine dernière, nous avons auditionné Monsieur Denis Masseglia qui était votre prédécesseur. Il nous a indiqué qu'il n'avait jamais été informé de faits illégaux susceptibles de déclencher de sa part un article 40 du code de procédure pénale. Qu'en pensez-vous, sachant qu'il a été président d'une fédération puis président du CNOSF pendant vingt-cinq ans ?

Avez-vous vous-même été mis au courant de faits illégaux en lien avec le périmètre d'investigation de cette commission dans l'une de vos fonctions ?

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David Lappartient, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF)

L'article 40 n'entre pas totalement dans le champ par rapport à la personnalité morale du CNOSF mais nous avons une obligation morale de dénoncer les faits délictueux. Les modalités de l'article 40 trouvent quand même à s'appliquer chez nous. Les faits délictueux doivent être remontés.

Je n'ai pas d'élément pour juger et je connais l'intégrité de Denis Masseglia. S'il vous a dit sous serment qu'il n'a pas eu connaissance de faits, j'ai tendance à le croire. Cela ne veut pas dire qu'il n'y en a pas eu dans les fédérations.

Quand j'ai exercé mes fonctions à la Fédération française de cyclisme, je n'ai pas eu connaissance de faits qui auraient justifié que j'intervienne de cette manière.

En tant que président de l'UCI, c'est différent. J'ai travaillé avec la commission d'éthique sur un certain nombre de faits qui m'ont été remontés. Nous avons d'ailleurs créé un poste dédié référent sur ces sujets de déontologie et notamment chargé de l'écoute des victimes. Souvent, elles n'avaient pas confiance dans les institutions et donc elles craignaient de parler à l'institution et que l'affaire soit étouffée par l'exécutif, que ce soit au niveau national ou international. Il est fondamental que les victimes puissent être assurées qu'elles seront écoutées et qu'il y aura vraiment un suivi. À l'UCI, je ne sais comment on faisait avant la création de ce référent. Nous accompagnons les victimes dans leur plainte devant la commission d'éthique. Le vrai sujet que nous avons parfois, c'est qu'officiellement nous devons investiguer mais nous n'avons pas les moyens d'investigation de la gendarmerie, de la police. Au sein de l'UCI, il y a des dossiers qui nous ont coûté 100 000 euros d'investigation par des cabinets privés pour essayer d'établir les faits. On peut se le payer à l'UCI, ce n'est pas toujours possible à l'échelle nationale.

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Au cours de plusieurs nos auditions, il nous a été signalé que certaines fédérations ne prendraient pas le risque de mettre en péril la participation d'athlètes français médaillables aux JO 2024 et donc étoufferaient certaines affaires. Est-ce que c'est vrai ?

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David Lappartient, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF)

Je n'ai pas entendu parler d'une affaire pareille. Personne n'est au-dessus de la loi. Si des faits nous étaient remontés, il n'y aurait aucune complaisance. Il en va de notre responsabilité. L'équipe de France olympique est sous l'autorité du CNOSF. C'est à nous, à moi personnellement qu'incombe cette mission.

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Nous avons auditionné l'Insep précédemment et c'est pourtant le cas. Un cas d'agression sexuelle a été remonté sur un athlète de la fédération d'athlétisme qui va participer au JO l'année prochaine. Pour l'instant, une enquête est en cours mais il n'y a pas de mesures qui ont été prises. Quel est votre avis à ce sujet ?

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David Lappartient, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF)

Il est compliqué de s'exprimer sur un dossier en cours. Il faut un peu de mesure dans le traitement des dossiers et essayer d'analyser la totalité du dossier. Il faut aussi voir à quel niveau s'exerce la présomption d'innocence et si elle est conciliable ou non avec une sélection. C'est ce qu'il nous faut mesurer et c'est pour cela que je parlais précédemment de mesures à titre conservatoire lorsque les faits semblent avérés.

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Ne pensez-vous pas que quand une victime s'exprime, surtout quand on connaît la complexité de ces affaires et le fait que ce soit extrêmement difficile pour elle de prendre la parole, qu'il faut d'abord croire la victime ?

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David Lappartient, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF)

Il n'y a pas de raison de ne pas croire la victime. Il doit ensuite y avoir une confrontation c'est le principe du contradictoire et du respect de la présomption d'innocence, mais notre rôle est avant tout de protéger les victimes. Je ne peux pas vous répondre précisément sur la mesure que nous adopterons parce que d'ici là, il y aura peut-être eu des décisions de justice, des évolutions, mais naturellement ce seront des cas qui seront examinés en interne y compris par notre comité de déontologie si nécessaire.

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Pour votre information, un article 40 a été déclenché par le directeur général de l'Insep sur cette affaire. Pour le moment, dans la mesure où la fédération d'athlétisme n'a pas pris de mesures, cet athlète participera aux JO 2024.

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David Lappartient, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF)

Je répète que la sélection sera une sélection du CNOSF. Ce ne sera pas une sélection de la fédération. Certes, ce sera sur proposition et recommandation des fédérations mais elles proposent et nous décidons. Il y a quand même des critères de sélection et parmi ces critères, il y a bien sûr le résultat sportif et la qualification sportive mais il y a tout un tas d'autres éléments y compris des éléments comportementaux.

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Ne pensez-vous pas que le fait que toutes ces affaires soient en cours et que cela prenne du temps, ce n'est pas une manière de détourner le regard et de permettre à ces athlètes de participer aux JO malgré des plaintes ?

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David Lappartient, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF)

En tout cas, pas à notre niveau. S'il y a un article 40 qui a été déclenché, s'agissant d'un athlète susceptible de participer aux JO, j'espère que le dossier sera traité avec la célérité nécessaire pour que des éléments fermes nous permettent de prendre une décision avant les jeux olympiques.

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Vous disiez tout à l'heure que vous doutiez de l'efficacité des comités d'éthique au sein des fédérations.

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David Lappartient, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF)

Je n'ai pas généralisé mon propos. J'ai dit que pour un certain nombre d'entre elles et c'est une majorité, on avait des comités qui fonctionnaient très bien. 17 % des fédérations n'ont pas de comité d'éthique et pour d'autres, le comité existe sur le papier mais ne dispose pas des moyens nécessaires pour fonctionner. Pour d'autres encore, les liens avec l'exécutif n'en garantissent pas l'impartialité et pourraient être revisités.

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David Lappartient, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF)

Je n'ai pas forcément les noms mais dans la réponse que nous vous ferons sur les fédérations qui n'ont pas de comité d'éthique, nous pourrons aussi vous indiquer les comités dont nous estimons que le fonctionnement peut être perfectible.

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Je reviens sur cette affaire d'article 40. Dans ce cas, à la suite du déclenchement de l'article 40, le CNOSF peut agir.

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David Lappartient, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF)

L'article 40 est une saisine du procureur qui intervient lorsqu'un fonctionnaire public estime que les faits dont il a connaissance constituent une violation de la loi. L'Insep a donc le sentiment que les faits en question sont une violation de la loi et méritent une réponse pénale. Le dossier est transmis au procureur et nous attendons qu'il se prononce ou non sur l'ouverture d'une procédure.

Pour être très clair, nous ne protégerons jamais une personne auteure de violences pour garantir des médailles olympiques. L'intégrité et la moralité ne sont pas négociables pour des médailles olympiques.

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Je ne comprends pas qui fait quoi et qui prend les décisions. Si la fédération ne fait pas la sélection pour les JO, si l'Insep déclenche un article 40 mais n'a pas de leviers pour sanctionner le sportif, qui fait quoi ?

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David Lappartient, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF)

L'Insep fait un article 40, le procureur est saisi et décidera ou non s'il y a lieu d'ouvrir une procédure.

La Fédération française d'athlétisme suit le processus de sélection et propose au comité national olympique les athlètes qui représenteront la France pour les jeux olympiques. La décision finale de composition de l'équipe de France olympique appartient au CNOSF et non à la fédération française d'athlétisme. C'est à nous qu'appartiendra la décision finale. Les éléments de qualification sportive ou de minima de temps notamment en athlétisme sont obligatoires mais ne sont pas la seule condition. Le comportement de l'athlète à tous égards est aussi un élément qui sera pris en compte. Naturellement, lorsque nous serons amenés à prendre la décision de sélection, nous regarderons l'ensemble de ces éléments.

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Tant qu'il n'y a pas de décision de justice, il n'y a pas d'action du CNOSF.

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David Lappartient, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF)

Ce n'est pas tout à fait ce que j'ai dit.

D'abord, ce n'est pas maintenant que nous devons divulguer la composition de l'équipe de France olympique. Nous le ferons en temps utile, à l'approche des jeux olympiques. Il n'est pas nécessaire qu'il y ait une condamnation judiciaire pour écarter l'athlète. Nous regardons l'ensemble des éléments en connaissance de cause. Nous devrons forcément être justes et équilibrés mais nous prendrons la décision en connaissance de cause et nous en serons responsables.

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Qui intervient pour sanctionner administrativement ou écarter un athlète quand il y a des plaintes ? Je parle d'agressions sexuelles, ce sont des faits assez graves.

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David Lappartient, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF)

C'est la fédération.

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Quand ce n'est pas le cas, personne n'intervient ?

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David Lappartient, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF)

Nous n'avons pas le pouvoir de nous substituer à une fédération. Il est prévu que le comité de déontologie du CNOSF puisse s'autosaisir d'un certain nombre de dossiers. C'est aussi ce qui paraîtrait important sur des sujets à l'avenir.

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Seriez-vous favorable à l'intervention de sanctions administratives ou financières ? Qui selon vous pourrait porter ces sanctions ?

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David Lappartient, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF)

S'il y a des sanctions administratives, elles ressortent du ministère. Il y a aussi des sanctions qui peuvent être financières vis-à-vis des fédérations qui ne respecteraient pas des obligations. Je l'ai dit dès le début, une absence de comité d'éthique devrait conduire à une absence de subventions. C'est de facto une sanction.

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Je vais revenir sur le courrier qui nous a été adressé à la présidente et à moi-même. Vous vous êtes interrogé sur le calendrier de la création de la commission d'enquête à un an des jeux olympiques. Est-ce que vous pourriez préciser ce point ? Ne pensez-vous pas que la perspective de ce grand événement sportif constitue au contraire une chance pour renforcer durablement l'éthique et la prévention de toutes les formes de dérives de ce mouvement sportif ?

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David Lappartient, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF)

C'est clairement notre ambition et je vois que c'est une ambition partagée. Je m'en réjouis.

Ce courrier, je l'ai signé au nom du mouvement olympique. Il avait d'ailleurs été préparé avant mon élection mais je l'ai signé et j'en assume la paternité.

Ce que nous voulons dire, c'est que les jeux olympiques sont un accélérateur à tous les niveaux pour le sport français. Si cela doit être un accélérateur pour le renforcement des mesures d'éthique et de la gouvernance, alors effectivement nous saluons l'ensemble de ces efforts.

Cependant, je ne vous cache pas que la manière dont est rédigé le texte qui a créé cette commission a créé un certain émoi. Nous y avons vu – peut-être à tort – une violente critique du sport français dans son ensemble. Les mots « abreuvées d'argent public » en ce qui concerne les fédérations, alors que des présidents de fédération ne savent pas comment boucler les fins de mois… Il y a de grosses fédérations comme le football, le tennis et le rugby, mais la plupart sont des petites fédérations.

Il y a eu une interrogation sur l'objectif de cette commission, une crainte qu'elle ne cherche peut-être à jeter l'opprobre sur le mouvement sportif. Je constate à la lumière des débats d'aujourd'hui et d'autres débats que j'ai pu voir que tel n'est pas le cas. Je m'en réjouis.

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Ce qui jette l'opprobre sur le mouvement sportif, ce sont plutôt toutes les affaires qui éclatent en son sein depuis maintenant plusieurs années. Il y a des cas de pédocriminalité, des faits de racisme et de discrimination, parfois de la corruption financière. Il y a quand même certaines instances qui ont été perquisitionnées cet été et qui sont en charge de l'organisation des jeux olympiques. Cela devrait d'ailleurs tous nous questionner.

L'objectif de cette commission est justement de pouvoir réaliser un état des lieux de ce qui se passe et de pouvoir proposer des pistes d'amélioration pour que cela ne se reproduise plus.

Les personnes que nous avons auditionnées ont beaucoup évoqué l'omerta et des phénomènes de vases clos dans un milieu où tout le monde se connaît. Est revenue plusieurs fois l'idée d'avoir une entité extérieure pour traiter et gérer les plaintes. Est-ce que vous avez un avis là-dessus ?

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David Lappartient, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF)

Il est vrai qu'on crée sur tous les sujets tout un tas d'autorités indépendantes. Elles ont leur légitimité, elles ont leur efficacité, mais je ne voudrais pas que la création d'une autorité indépendante aboutisse à la déresponsabilisation des fédérations en tant que telles. Une telle réforme pourrait être un constat d'échec. Il est vrai que les comités d'éthique ne fonctionnent pas partout. Je suis favorable à un renforcement des comités d'éthique s'agissant de leurs moyens, des obligations, des personnes qui pourraient y être nommées. Je pense que cela permettrait d'atteindre l'objectif recherché sans forcément avoir une autorité indépendante.

De toutes les façons, on voit qu'on attend du sport qu'il soit à l'image des valeurs qu'il porte. Or on voit aujourd'hui qu'il n'est malheureusement pas préservé d'un certain nombre de dérives sociétales. C'est malheureux, nous en sommes tous malheureux parce que nous avons des millions de bénévoles, des millions de licenciés qui respectent les règles.

Pour faire nation, il y a quand même trois piliers : l'éducation qu'on a en famille, l'éducation nationale et le sport. Le sport est un outil d'éducation, c'est aussi un outil d'intégration dans un certain nombre de secteurs. Je pense qu'il faut aussi retenir ce sujet mais aussi balayer là où il le faut sans craindre de prendre un certain nombre de mesures, fussent-elles compliquées pour certains.

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On a tendance à parler du mouvement sportif mais de notre point de vue, c'est plutôt dans les fédérations qu'il y a des dysfonctionnements.

Des témoignages qui nous sont remontés sur des faits souvent très graves, il apparaît que beaucoup de personnes étaient informées et que parfois, le choix a été fait, sciemment ou non, de ne pas en parler qu'il s'agisse des témoins ou des victimes. Surtout, on a parfois demandé aux victimes de se taire pour ne pas salir l'image du club, de la fédération, de ce mouvement sportif. Je pense que c'est là qu'il y a un vrai souci et c'est la particularité de ce mouvement sportif.

La société est effectivement traversée par ces problématiques mais quand on a un argument d'autorité qui consiste à dire qu'il ne faut ni s'exprimer, ni porter plainte, ni en parler à l'extérieur parce que cela risque de nuire à l'image du club ou de la fédération, c'est là qu'il y a une particularité qu'il faut traiter à l'échelle des fédérations, peut-être du CNOSF, peut-être même d'ailleurs du ministère des sports.

Aujourd'hui, estimez-vous que le ministère est assez doté pour faire face à tout cela ? On a évoqué la cellule Signal-sports. Il y a quatre personnes dédiées à la cellule. Est-ce suffisant quand on voit qu'il y a quasiment 16 millions de licenciés et 3 millions de bénévoles en France déjà plus de 1 000 signalements sur cette plateforme ?

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David Lappartient, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF)

La réponse est clairement non. Si on veut qu'il y ait une plateforme qui fonctionne, il faut y mettre les moyens. Il faut qu'il y ait plus de moyens sur cette cellule, sinon cela ne peut pas fonctionner. Nous avons dans chaque département des commissions de recueil des informations préoccupantes sur la protection des enfants. Elles donnent lieu à de nombreux signalements auxquels une suite est donnée avec des professionnels formés et nous y consacrons les moyens nécessaires. Ça marche ! Mais la plateforme Signal-sports ne dispose pas de moyens suffisants.

À mon avis, il faut clairement renforcer cette cellule et c'est pour cela que je milite pour qu'il n'y ait qu'une seule cellule, bien mieux connue et dotée de professionnels qui soient en mesure de faire ce qu'il faut.

Aujourd'hui, les langues se délient et on ne doit protéger personne. Ces comportements ont pu avoir lieu avant et je me demande d'ailleurs s'ils sont propres au sport ou s'ils existent dans le milieu de l'entreprise ou d'autres endroits. Je ne suis pas convaincu que nous soyons forcément différents – malheureusement – et que ce soit une spécificité du sport. En tout cas, cela ne doit plus fonctionner ainsi.

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Comment faire pour que cela ne fonctionne plus ainsi ? Vous avez fait quelques propositions, notamment sur la question de la gouvernance qui est beaucoup revenue. Est-ce qu'il y a d'autres dispositifs ?

La cellule existe mais est-ce que vous ne pensez pas que les fédérations doivent avoir un rôle plus important à jouer pour éviter tout ce à quoi nous assistons aujourd'hui ?

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David Lappartient, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF)

Bien sûr. Il faut faire connaître cette cellule et lui donner les moyens, qu'elle soit un fil rouge comme on a dans d'autres domaines où l'État a mis des moyens. Il faut beaucoup plus de moyens et il faut que nos comités de déontologie soient dotés du pouvoir disciplinaire, que ce soient de vrais comités qui puissent agir sur ces cas-là. Il faut voir aussi de quelle manière des dispositions transitoires de suspension à titre conservatoire peuvent intervenir lorsque des faits visiblement avérés sont révélés, sans pour autant porter atteinte à la présomption d'innocence. Cela permettrait de ne pas être dans des situations que vous avez décrites précédemment.

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Le CNOSF a mis en place avant votre arrivée sous la présidence de Brigitte Henriques une commission de lutte contre les violences sexuelles et les discriminations dans le sport qui doit travailler à l'accompagnement des acteurs et du mouvement sportif. Qu'en pensez-vous ? N'avez-vous pas peur qu'elle fasse doublon avec la cellule Signal-sports ?

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David Lappartient, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF)

Je me réjouis que cette commission ait été mise en place en 2021 avec deux co-présidents, Jean Zoungrana et Catherine Moyon de Baecque. Cette commission n'est pas un organe de signalement. Son objectif est de mettre en œuvre une politique transversale auprès de l'ensemble des fédérations et de recommander au conseil d'administration un certain nombre de mesures à mettre en place. Son travail est d'animer sur le contenu, de discuter de la meilleure manière de mettre en place les choses. Ce n'est pas auprès de la commission qu'on vient se signaler. Ce n'est pas un comité d'éthique, cette commission est plus de nature politique. Elle fait des propositions au conseil d'administration du CNOSF, des recommandations qui ensuite trouvent à être mises en place au niveau des fédérations.

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Est-ce qu'il sera possible de recevoir le bilan d'activité ?

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David Lappartient, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF)

Bien sûr. Nous vous enverrons les éléments.

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Est-ce qu'il y a des sujets que nous n'avons pas abordés lors de cette audition ?

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David Lappartient, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF)

Je pense que nous avons déjà abordé beaucoup de sujets. Je soulignerai encore une fois la détermination qui est la nôtre à faire avancer les choses. Si votre commission d'enquête peut faire des propositions concrètes qui visent à améliorer les choses – nous vous transmettrons les propositions que nous avons faites au comité national pour renforcer l'éthique et la vie démocratique dans le sport – qui pourraient alimenter un projet de loi, nous ne pourrons qu'en être satisfaits. L'objectif est partagé et vous pouvez compter sur la détermination du CNOSF à cet égard.

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Vous avez parlé de vos fonctions de président de l'UCI, dans le cadre desquelles vous avez été saisi de faits qui méritaient une réaction de l'UCI. Vous avez été obligé de solliciter des moyens d'investigation privés pour essayer de vous forger une conviction par rapport à une décision à prendre. Est-ce bien cela ?

Quand on le met en parallèle avec ce que vous avez dit sur des fédérations qui ont peu de moyens d'investigation pour prendre des décisions d'ordre disciplinaire, on voit bien ce qui fait défaut et ce qui peut être mis en place mais qui n'est pas toujours satisfaisant si on s'en remet « à des moyens d'investigation privés ».

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David Lappartient, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF)

Les faits concernaient un pays étranger à la France. Le président de la commission d'éthique était d'ailleurs un conseiller d'État français qui avait été nommé avant mon élection, Monsieur Bernard Foucher.

Nous avons tiré beaucoup d'enseignements de ce cas. Nous avions une commission d'éthique et une commission disciplinaire, ce qui fait que cela a duré quatre ans et que la victime a été obligée d'expliquer deux fois son parcours. Nous avons fusionné les deux commissions et je pense que c'était utile. Le président de la commission d'éthique a également signalé qu'il manquait de moyens d'investigation. Nous avons pu lui apporter des moyens supplémentaires mais cela coûte relativement cher.

Pour autant, ce que l'UCI est capable de faire sur quelques cas particuliers ne pourrait être généralisé à une échelle mondiale. De plus, beaucoup de fédérations en France sont dans l'incapacité de mener de telles investigations et donc s'en remettent au temps judiciaire qui ne va pas aussi vite que les décisions disciplinaires attendues sur des faits de cette nature, qui souvent sont dans les médias avant qu'une décision n'intervienne.

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Concernant l'affaire d'Angélique Cauchy, la Fédération française de tennis l'avait accompagnée dans sa plainte. On sait que cela représente un coût pour les victimes.

Il a été préconisé que les fédérations puissent systématiquement se mettre aux côtés des victimes. Y êtes-vous favorable ?

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David Lappartient, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF)

Cela dépend de ce que l'on entend par « se mettre aux côtés des victimes ».

Je pense qu'il faut qu'il y ait dans les fédérations, au-delà des plateformes de signalement, des capacités d'accompagnement. Souvent, les victimes ne savent pas à qui s'adresser, ne serait-ce que pour porter plainte. Il y a clairement des besoins d'accompagnement. Est-ce qu'il faut y répondre au niveau de la fédération ou de manière mutualisée au niveau du CNOSF ? Cela peut être clairement discuté.

Quant à l'accompagnement financier, il sera possible pour les fédérations qui ont le plus de moyens mais les toutes petites fédérations en seront incapables. Par ailleurs, il faut parvenir à articuler l'accompagnement des victimes et la nécessaire neutralité dans l'exercice de la sanction disciplinaire.

Quoi qu'il en soit, l'accompagnement des victimes est nécessaire

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La neutralité a été évoquée. Certaines victimes ont parfois le sentiment qu'il est difficile de pouvoir compter sur une gestion par la fédération au regard du fait que tout le monde se connaît. Cela doit nous interroger.

Nous devons aussi nous questionner sur le fait qu'en 2023, nous soyons encore dans des situations où les victimes n'ont pas les informations nécessaires pour pouvoir engager des démarches et porter plainte. Il y a vraisemblablement une faille sur laquelle nous devons avancer assez rapidement pour que l'information arrive vraiment aux destinataires. On voit finalement le chemin qu'il reste à parcourir puisque vous l'avez évoqué tout à l'heure.

Avant de terminer, je signale que nous avons reçu plusieurs documents que vous nous avez transmis et notamment des comptes rendus. Il en manque quelques-uns, ceux qui concernent des réunions du conseil d'administration qui se sont tenues juste avant l'été. Vous avez évoqué la possibilité de nous les envoyer le 6 décembre, il faudrait que nous puissions les obtenir plus tôt.

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David Lappartient, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF)

Nous vous les enverrons, à la précision près qu'ils n'ont pas encore été formellement approuvés.

Je pense quand même qu'il n'y aura pas de marche arrière sur la libération de la parole, et c'est tant mieux. Je viens d'un sport, le cyclisme, qui dans le domaine du dopage a été souvent sur le devant de la scène. Il y avait quand même une certaine omerta, il faut dire les choses telles qu'elles sont.

Nous sommes passés par la crise, notamment avec l'affaire Festina en 1998 et d'autres. La prise de conscience de la fédération internationale a abouti à ce que les choses ne soient plus exactement comme avant. Cela ne veut pas dire qu'il n'y aura plus jamais de dopage dans le sport et dans le cyclisme mais nous avons pris des mesures et la parole s'est libérée.

Je pense que dans ce domaine des violences faites aux femmes et du harcèlement de manière beaucoup plus générale, la parole se libère. Elle doit se libérer encore plus et il nous appartient d'en assurer la fluidité pour que les omertas éventuelles qui pourraient exister dans des fédérations puissent enfin disparaître.

La séance s'achève à douze heure quarante-cinq.

Membres présents ou excusés

Présents. – Mme Béatrice Bellamy, Mme Fabienne Colboc, M. Stéphane Mazars, M. François Piquemal, Mme Sabrina Sebaihi

Excusé. – Mme Claudia Rouaux

Assistait également à la réunion. – Mme Virginie Duby-Muller