Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mercredi 28 mars 2018 à 9h00

Résumé de la réunion

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  • AFITF
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La réunion

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La Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a entendu, en application de l'article 13 de la Constitution, M. Christophe Béchu, dont la nomination est proposée par M. le Président de la République à la fonction de président du conseil d'administration de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF).

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Mes chers collègues, en application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution et de la loi organique du 23 juillet 2010, nous auditionnons ce matin M. Christophe Béchu, que le Président de la République a proposé de nommer à la présidence du conseil d'administration de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF).

Le Président de la République ne peut procéder à la nomination si l'addition des votes négatifs dans chaque commission compétente de l'Assemblée nationale et du Sénat représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés.

M. Christophe Béchu a déjà été entendu hier par la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat. L'audition d'aujourd'hui, qui est publique, sera suivie d'un vote à bulletin secret effectué par appel nominal et hors la présence de la personne auditionnée. Aucune délégation de vote n'est possible, les bulletins vous seront distribués à cet effet. Deux scrutateurs seront nécessaires.

Un questionnaire de notre commission a été envoyé à M. Béchu préalablement à son audition et ses réponses ont été rendues publiques sur le site de l'Assemblée nationale.

Monsieur Béchu, c'est avec plaisir que nous vous accueillons. Le Président de la République propose de vous nommer à la présidence de l'AFITF, véritable « bras armé » de l'État pour apporter sa contribution financière au financement des projets d'infrastructure, grâce à des recettes affectées. Depuis 2013, les ressources de l'AFITF sont devenues insuffisantes pour faire face aux engagements pris. La Cour des comptes, à plusieurs reprises, a souligné l'écart entre les recettes de l'établissement et ses engagements et s'est inquiétée de l'absence de feuille de route et de marge de manoeuvre de cet opérateur.

Quelles sont les voies pour renforcer l'autonomie décisionnelle de l'agence dans un tel contexte ? L'AFITF jouera nécessairement un rôle important dans la mise en oeuvre de la programmation pluriannuelle des infrastructures de transport, qui résultera de la future loi d'orientation sur les mobilités, sur la base des travaux du Conseil d'orientation des infrastructures (COI) présentés le 30 janvier 2018. Le scénario un du rapport du COI mobiliserait environ 48 milliards d'euros sur vingt ans pour l'AFITF ; le scénario deux nécessiterait environ 60 milliards, et le scénario trois environ 80 milliards. Quelles appréciations portez-vous sur ces trois scénarios ?

Enfin, considérez-vous que l'AFITF dispose de capacités suffisantes pour évaluer la réalisation des projets qu'elle contribue à financer, et d'informations suffisantes, en amont comme en aval de chaque dépense, pour exercer un contrôle ?

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Christophe Béchu

Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, merci de m'accueillir ce matin et de me permettre de répondre à vos questions pour vous permettre de juger mon aptitude à exercer cette fonction pour laquelle je suis pressenti. Je ne vais pas être très long afin de pouvoir répondre à vos questions. La procédure m'ayant déjà permis de fournir un certain nombre de réponses par écrit, qui ont pu commencer à vous éclairer, je préfère continuer à le faire en répondant de manière précise aux questions précises que vous me poserez. Je vais donc me contenter d'un bref propos liminaire pour retracer le chemin de l'agence et vous dire quelles seraient mes priorités si plus de 60 % d'entre vous ne s'opposent pas à ma nomination.

L'agence a été créée après que certains parlementaires, au début des années 2000, se sont émus du décalage temporel entre les promesses de réalisation d'infrastructures et le fait que, par définition, les recettes pour financer ces tranches avaient un caractère annuel, qui ne correspondait donc pas au caractère pluriannuel des engagements pris. L'idée de créer une agence de financement n'est pas une spécificité française, puisqu'on s'est inspiré des agences présentes dans plusieurs autres pays européens, même s'il existe quelques différences sur lesquelles je reviendrai très brièvement.

Quand cette agence a été lancée en 2005, il était imaginé qu'elle serait alimentée par les dividendes des sociétés d'autoroutes, de manière à disposer d'une recette pérenne et pluriannuelle pour faire face au montant de ses dépenses.

Un an après la création de l'agence, la vente de ces sociétés d'autoroutes a entraîné une première difficulté à l'égard du modèle de financement soutenable permettant de couvrir de manière pluriannuelle les besoins de financement des infrastructures.

Dans la continuité, le Grenelle de l'environnement a diversifié le panel des infrastructures sur lesquelles il était possible d'engager l'agence, avec en particulier le lancement simultané de quatre lignes à grande vitesse. L'agence est notamment intervenue dans le cadre de partenariats publics-privés qui donnent lieu aujourd'hui à des paiements échelonnés pour deux de ces lignes LGV, jusqu'en 2036 et 2037, en particulier pour la ligne Bretagne-Pays-de-la-Loire et pour le contournement Nîmes-Montpellier, qui font l'objet de 115 millions d'euros de crédits de paiement annuels jusqu'aux échéances précitées.

Mais le Grenelle de l'environnement a surtout permis de considérer que l'agence pouvait aussi avoir une utilité pour le report modal, en faisant en sorte que des recettes tirées du transport routier financent des infrastructures ferroviaires, fluviales, voire de manière marginale, maritimes. Aujourd'hui, 100 % des recettes proviennent des routes, et 45 % des dépenses concernent le rail, 38 % les routes, 8 % le fluvial, le reste étant des dépenses beaucoup plus légères.

Dans cette configuration, après le Grenelle de l'environnement, a été décidée la mise en place de l'écotaxe pour rendre soutenable cette trajectoire financière. L'abandon de l'écotaxe, au-delà des autres sujets, a donc provoqué une deuxième difficulté pour la soutenabilité financière des ressources de l'agence. C'est à ce moment-là que la ministre Mme Ségolène Royal a décidé d'augmenter la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers (TICPE), faisant en sorte qu'à partir de 2015 nous puissions disposer d'un niveau de ressources et de crédit proche des besoins au milieu des années 2010.

Les ressources seront de 2,44 milliards d'euros dans le budget 2018, qui sera voté dès lors qu'un président aura été nommé au conseil d'administration de l'agence. L'agence utilise moins de 700 000 euros pour ses dépenses de fonctionnement, puisqu'elle ne compte que quatre collaborateurs : 99,99 % de ses moyens sont donc bien affectés aux investissements sur les projets dont nous parlons. Les 2,5 milliards d'euros de recettes proviennent, pour 500 millions, des amendes des radars automatiques. Environ 900 millions proviennent des sociétés d'autoroutes à travers trois dispositifs : la redevance domaniale ; la taxe d'aménagement du territoire et, depuis 2015, la contribution volontaire exceptionnelle. La TICPE, avec la hausse de deux centimes pour les particuliers et de quatre centimes pour les professionnels, décidée en remplacement de l'écotaxe, rapporte 1,46 milliard d'euros au budget, soit un total de 2,44 milliards d'euros.

Même si ce montant est sensiblement supérieur à celui des dernières années, il ne suffit pas à faire face aux enjeux financiers de l'agence. Mon prédécesseur, M. Philippe Duron, auquel je veux rendre hommage pour la qualité avec laquelle il a présidé cette agence et son expertise, qui explique l'humilité avec laquelle je m'exprime devant vous ce matin, a mis en évidence trois scénarios ou hypothèses qui correspondent à des choix financiers.

Dans la première de ces hypothèses, l'agence continue de fonctionner avec des recettes au fil de l'eau, soit 2,4 milliards pendant vingt ans qui représentent les 48 milliards évoqués par le scénario un du rapport du COI.

La deuxième hypothèse suppose d'atteindre 3 milliards d'euros par an, et représente 60 milliards d'euros sur vingt ans. Elle permet de tenir les objectifs de régénération, puisqu'avec 2,4 milliards, nous ne pouvons pas payer les sommes dues sur de grands projets tout en assurant la régénération, qui correspond pourtant à l'engagement de se préoccuper aussi des transports du quotidien, pris par le Président de la République à Rennes le 1er juillet dernier.

Mais pour atteindre ces 3 milliards d'euros, chacun mesure qu'il y a un « trou » d'un demi-milliard, sujet profondément politique qui concerne en tout premier lieu la représentation nationale, mais qui a une incidence forte sur l'agence. Je répondrai évidemment aux questions précises que vous pourriez avoir sur ce sujet.

S'agissant du troisième scénario, à 80 milliards d'euros, je pense que chacun a compris qu'il représentait un idéal sans doute impossible à atteindre compte tenu de l'état de nos finances publiques, et du fait qu'un scénario de ce type suppose une augmentation considérable des moyens que les collectivités locales affecteraient au cofinancement des projets, ce qui ne semble pas correspondre à une volonté politique, ni à des disponibilités budgétaires.

Au regard de son parcours, l'agence a montré sa résilience après s'être vue imposer davantage de dépenses tout en ayant à faire face à deux crises majeures concernant ses recettes : la vente des sociétés d'autoroute, puis l'abandon de l'écotaxe.

L'agence a pleinement justifié son inscription dans le paysage, malgré les critiques de la Cour des comptes dont vous n'avez rappelé que certaines, pas forcément les plus sévères. Si l'on compare les observations de la Cour de 2009, celles de 2012 et celles de 2016, on note une inflexion : lors du premier audit, la Cour s'interrogeait de manière extrêmement explicite sur l'intérêt de l'agence et sur l'éventualité de sa suppression. En 2016, l'interrogation de la Cour des comptes porte plutôt sur l'absence de feuille de route et sur le fait qu'en dépit d'une circulaire du Premier ministre du 26 mars 2010 qui impose que les relations entre l'État et ses opérateurs stratégiques soient encadrées par des feuilles de route ou des contrats d'objectifs et de performance, de tels documents n'existent pas, alors même que l'agence joue un rôle de financement, en collaboration très étroite avec le Gouvernement.

Au vu de ce constat, il apparaît que nous sommes à une croisée des chemins intéressante, car dans les semaines qui viennent, lors des discussions sur le projet de loi d'orientation sur les mobilités et de programmation sur les transports, la représentation nationale aura l'occasion de préciser la hiérarchisation des besoins, les ambitions et les besoins politiques, et par conséquent, les moyens qu'il est souhaitable d'y consacrer, le rapport de M. Duron permettant d'objectiver l'ensemble de ces éléments.

Dans ces conditions, je me présente à vous pour assumer une responsabilité de « courroie de transmission », de médiateur. L'agence en elle-même est une structure paritaire. Son conseil d'administration est composé de douze membres, six représentants des ministères et six représentants, si j'ose dire, des citoyens. Parmi eux, on compte trois élus locaux : une personnalité qualifiée que je suis – malgré ma qualité d'élu local et mon mandat de maire d'Angers – ; un député, votre collègue M. Jean-Baptiste Djebbari, et pas de sénateur, puisque la loi sur la confiance dans la vie politique prévoit qu'un parlementaire ne peut pas siéger dans une structure sauf habilitation législative. La subtilité est que vous avez nommé M. Jean-Baptiste Djebbari avant l'adoption de la loi sur la confiance dans la vie politique. Il serait sans doute souhaitable que la loi d'orientation sur les mobilités prévoie expressément qu'un député et un sénateur siègent dans ces structures, de manière à ce que vous ne rencontriez pas la difficulté que connaît le Sénat pour la prochaine recomposition de ce conseil d'administration.

Je me donne trois priorités si je suis nommé président de l'AFITF. La première sera la transparence, en particulier dans les relations avec la représentation nationale. Des progrès ont été faits : un site internet permet au grand public de consulter les engagements de l'agence et un rapport annuel est publié, mais je pense que le dialogue avec la représentation nationale, qui est seule habilitée à attribuer des crédits, est absolument essentiel. Ce dialogue implique une présence durable et stabilisée des parlementaires au sein du conseil d'administration de l'agence.

Mon deuxième objectif sera bien entendu d'assurer la viabilité financière de l'AFITF, ce qui suppose, à vos côtés, de veiller à sa capacité à honorer les engagements de l'État et s'assurer qu'il y ait une visibilité des recettes correspondant à la visibilité des engagements.

L'efficacité sera pour moi la troisième priorité. Je souhaite qu'un contrat d'objectifs et de moyens soit signé entre l'agence et le Gouvernement pour clarifier la feuille de route et les moyens disponibles. Une comparaison avec les huit autres agences européennes permettra de repérer les bonnes pratiques. Les points de faiblesse de notre organisation par rapport à nos voisins sont que pour la plupart, ceux-ci ont des niveaux de recettes qui correspondent à leurs dépenses. Un de nos avantages est que notre agence permet le report modal, puisque 100 % des recettes proviennent de la route et que nous en profitons pour attribuer une partie de ces recettes à des infrastructures dont l'empreinte environnementale est moindre, là où certains de nos voisins ont une agence par mode de transport – le fer finance le fer, la route finance la route, et le fluvial finance le fluvial.

Je ne serai pas plus long, pour respecter le temps qui m'a été imparti. Je vous ai dit combien le respect des enveloppes – de toute nature – serait une de mes préoccupations ! (Sourires.)

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Monsieur Béchu, après quelques mois de suspense, nous sommes ravis de pouvoir vous auditionner aujourd'hui suite à la proposition de nomination par le Président de la République à la fonction de président du conseil d'administration de cette agence.

Comme le rappelait madame la présidente, l'AFITF a été instituée comme le bras armé de l'État, apportant la contribution de ce dernier au financement de projets d'infrastructures, grâce à des recettes affectées. Dans ce cadre, la loi de finances pour 2018 prévoit un montant total de recettes au budget de l'AFITF de 2,448 milliards d'euros, soit une augmentation conséquente de plus de 10 % par rapport à 2017.

Vous prendrez peut-être la suite d'un député, maire et président de région qui a porté publiquement et depuis très longtemps un fort intérêt pour la question des mobilités, et en particulier des infrastructures de transport. En tant qu'ancien président du conseil général de Maine-et-Loire et actuel maire d'Angers, vous êtes bien au fait de ces problématiques qui touchent vos administrés, mais également l'ensemble de nos concitoyens.

C'est votre vision que nous souhaitons découvrir aujourd'hui, conscients de la tâche qui pourrait vous être dévolue et de l'héritage, aussi bien législatif que dans la gestion de l'AFITF, que laisse M. Duron.

Alors que les besoins de mobilité, les technologies, mais aussi les infrastructures évoluent et se modernisent, où souhaitez-vous nous emmener, avec les citoyens habitants de ce pays ? Lorsque la loi d'orientation sur les mobilités sera votée, il est à prévoir que l'AFITF aura à financer des projets ambitieux et essentiels pour notre mobilité du quotidien. Cela implique des recettes et des financements supplémentaires ; ce fut l'objet du Conseil d'orientation des infrastructures. Quel est votre point de vue concernant les conclusions de son rapport ? Et d'autres recettes sont-elles selon vous envisageables ?

En matière de financement, la Commission européenne, dans le cadre du paquet mobilité, propose une révision de la directive « eurovignette ». Ce paquet a fait l'objet d'une résolution européenne adoptée le 6 mars dernier par l'Assemblée nationale. Quelle est votre position concernant ce dispositif, notamment s'agissant de l'assiette – poids lourds ou véhicules utilitaires légers – mais surtout de type de tarification, puisque deux systèmes s'opposent : la distance et la durée ?

Vous l'aurez constaté : le transport ferroviaire fait l'objet d'attentions particulières actuellement. Alors que l'état de notre réseau secondaire est connu et que la régénération des premières lignes à grande vitesse (LGV) commence, quelle est votre vision concernant le réseau ferré français ? Quels investissements souhaitez-vous mener en priorité ? Par ailleurs, en tant que président du groupe d'études véhicules terrestres, je suis inquiet de la régression de l'état de notre réseau routier, résultant de dix ans de baisse de dotation aux collectivités territoriales, qui ont directement affecté l'entretien des routes. Que faire, selon vous ?

Enfin, serait-il envisageable que l'AFITF joue un rôle sur les infrastructures du type espace de logistique urbain, ou des infrastructures d'avitaillement, comme le laissent entendre les textes qui donnent pour mission de concourir au financement des projets relatifs à la réalisation ou à l'aménagement d'infrastructures routières, ferroviaires, fluviales, portuaires, y compris des équipements qui en sont l'accessoire indissociable ? L'AFITF pourrait ainsi agir sur la transition énergétique du transport routier. Quel est votre avis sur ce point ? Quels choix faire pour demain, alors même que plusieurs technologies de carburants alternatifs semblent émerger avec l'électrique, le gaz naturel pour véhicules (GNV), mais aussi l'hydrogène, chacun semblant au final adapté à un usage particulier ?

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Monsieur Béchu, c'est avec beaucoup de plaisir que nous vous auditionnons ce matin pour votre nomination, proposée par le Président de la République, à la fonction de président du conseil d'administration de l'AFITF. C'est une instance importante, compte tenu des enjeux qu'elle a à traiter en matière d'infrastructures.

Outre les questions auxquelles vous avez déjà répondu par écrit, nous souhaitons connaître votre sentiment sur l'engagement de l'AFITF concernant les nouvelles mobilités. Aujourd'hui, les réflexions portent sur le véhicule complètement autonome et les nouvelles énergies possibles, notamment l'hydrogène. Quel est le rôle de l'AFITF dans cette réflexion ? Pensez-vous devoir être en charge du financement d'un certain nombre d'infrastructures nécessaires à cette organisation ?

Quel est votre sentiment sur les plateformes de multimodalité qui permettent la continuité des transports par le fer, la route et les canaux ?

Quel est votre avis sur le « dernier kilomètre », en matière de livraison ? L'AFITF doit-elle s'en tenir au financement des grandes infrastructures, ou doit-elle inclure la totalité de la chaîne de transport ?

L'AFITF est avant tout une structure de financement. Elle n'a pas l'expertise nécessaire pour décider des grandes orientations. Souhaitez-vous que l'AFITF se renforce en la matière pour améliorer son autonomie vis-à-vis de l'État ?

Enfin, parce que c'est le nerf de la guerre, vous semble-t-il important de stabiliser les recettes sur des contrats pluriannuels, et quelle est la capacité de l'AFITF à élargir les assiettes de prélèvements ?

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Les transports sous toutes leurs formes – individuels ou collectifs – sont au coeur de la vie de nos concitoyens, qu'ils vivent dans des zones à forte concentration urbaine ou au contraire dans des zones rurales enclavées. En France, en 2015, la durée moyenne pour faire l'aller-retour entre son domicile et son travail est de 50 minutes ; la qualité des modes de déplacement constitue un élément déterminant dans les choix de vie.

Les transports représentent par ailleurs 13,8 % des dépenses des ménages et constituent ainsi le deuxième poste de dépenses derrière le logement, ex aequo avec les produits alimentaires.

Il est temps de fixer un nouveau cap en matière de mobilité, comme ne cessent de le répéter le Président de la République et la ministre chargée des transports, et de faire des transports du quotidien une priorité nationale.

Depuis 1982, pas moins de onze lois ont été adoptées afin d'améliorer nos infrastructures et de façonner l'offre de transports collectifs que nous connaissons aujourd'hui. Alors que la future loi d'orientation sur les mobilités se fixe pour ambition de réviser une loi aussi importante et structurante que la loi d'orientation des transports intérieurs, il est important de réaffirmer la priorité qui doit être donnée à la programmation et la réalisation de travaux d'infrastructure nécessaires à l'amélioration des transports du quotidien.

M. Philippe Duron et les autres membres du Conseil d'orientation des infrastructures ont, dans leur rapport rendu public début février, appelé l'État à réaffirmer son engagement à financer, en priorité, les travaux nécessaires à la rénovation de nos routes et de nos lignes ferroviaires du quotidien, afin de garantir aux Français une offre de mobilité attractive et de qualité.

En vous voyant confier la présidence du conseil d'administration de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France, comment envisagez-vous votre rôle et celui de l'agence dans les transformations du monde des mobilités, transformations appelées de leurs voeux par nos concitoyens, et que le Gouvernement est décidé à mener à leur terme ?

Enfin, toute dernière question, au nom de mes collègues du Modem et du mien, concernant le financement des projets d'infrastructures. La répartition actuelle des fonds publics entre le rail et la route doit-elle, selon vous, être revue ?

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Madame la présidente, monsieur Béchu, je vous surprendrais si je ne parlais pas du canal Seine-Nord, dans lequel l'AFITF a déjà bien investi. Je me félicite que le rapport du Conseil d'orientation des infrastructures, présidé par votre « futur prédécesseur » à l'AFITF, acte sa nécessaire réalisation. Comment vous positionnez-vous sur ce projet ?

Concernant les modes de financement, ce même rapport préconise d'augmenter la part de TICPE affectée aux transports. En effet, sur un produit de 13 milliards d'euros, une part très minoritaire – moins d'un milliard – est directement affectée au budget de l'AFITF. Il propose aussi que les recettes tirées de la TICPE, actuellement redistribuées aux régions et départements, soient directement affectées aux moyens de transport. Comment voyez-vous les choses ?

J'avais interrogé la ministre des transports sur une bonification dont pourrait profiter la région Hauts-de-France dans le cadre de cette affectation de la TICPE, compte tenu des responsabilités qu'elle assume en régionalisant le projet du Canal Seine-Nord. Qu'en pensez-vous ?

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Monsieur le maire, si on ne veut pas que l'agence soit simplement une caisse de financement – pour reprendre la formule de la Cour des comptes –, il faut qu'elle porte une ambition. Vous avez décrit ce qu'elle pourrait être, mais il faut aussi avoir les moyens de ses ambitions, ce qui pose la question du financement.

Il faut incontestablement plus de moyens. La part affectée de la TICPE est plus importante, mais il faut bien évidemment être imaginatifs en la matière. Y a-t-il des moyens à prendre sur les concessions d'autoroutes ? Cette piste peut-elle encore être exploitée ?

Vous avez évoqué la pluriannualité, et il est évident qu'il faut tracer une trajectoire. Comment comptez-vous conforter ce principe ? Vous avez décrit par ailleurs les trois scénarios du COI ; j'ai le sentiment que vous avez quand même une préférence, mais elle pose plus encore la question des moyens supplémentaires. Quels enseignements tirez-vous de l'échec de l'écotaxe en termes d'acceptabilité ? Vous êtes élu local, vous étiez déjà administrateur de l'agence, sans doute avez-vous une idée en la matière et une réflexion qui pourrait être utile pour l'avenir.

Je m'interroge par ailleurs sur la répartition entre les différents modes de transport. J'ai entendu ce que vous avez décrit depuis plusieurs années, entre la route et le fer notamment. Dans le budget prévisionnel pour 2018, l'augmentation est plus conséquente pour la route que pour le fer. L'effet modal, qui est une des missions de l'agence, doit sans doute être amélioré, en tout cas conforté. Est-ce que vous avez des idées en la matière, pour davantage favoriser le fer, surtout compte tenu des attentes en matière de régénération de l'existant et d'accompagnement des infrastructures ?

Dans votre réponse par écrit à notre questionnaire préalable, vous avez décrit l'agence comme un outil de réduction du temps. C'est une notion intéressante, et elle interpelle parfois. En Seine-Maritime, une réalisation ferroviaire, la ligne nouvelle Paris-Normandie, comprend un tronçon de 34 kilomètres, entre Rouen et Yvetot, où les pouvoirs publics veulent investir plus d'1 milliard d'euros pour gagner quatre minutes. Il y a un moment où l'on est en droit de s'interroger lorsqu'on est confronté à des situations de cette nature.

Enfin, pour prolonger la question de notre collègue M. Damien Pichereau sur votre préférence entre une taxation à la distance ou une taxation à la durée, plus largement pensez-vous que nous sommes aujourd'hui capables de dépasser les réticences qui existent en termes d'acceptabilité, pour aller franchement vers une taxation à la distance ?

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Christophe Béchu

La variété des questions m'impose de poser un préalable périmétrique : le président de l'AFITF ne détermine pas la politique des transports de la Nation. Il ne prend pas de décisions fiscales, qui incombent à la représentation nationale. Et il n'a pas la possibilité de déroger à des textes européens en vigueur. Ces préalables posés, je vais répondre à toutes vos questions, mais je vous demande d'entendre que ce qui relève d'une opinion personnelle ne peut en aucun cas être considéré comme un engagement à faire.

Une question revient, de tous côtés : celle des moyens. Chacun mesure bien qu'elle est centrale pour une agence de financement. L'ambition, la raison d'être de l'agence est qu'on ne peut pas, malgré le cadre de l'annualité budgétaire, n'avoir que des tranches annuelles sans garantie sur les années qui suivent, dès lors qu'il est question de réalisations de longue durée.

Les ressources affectées sont les amendes des radars, à l'exception prévisible des amendes pour dépassement de la limite de 80 kilomètres par heure, dont le produit irait aux victimes. En l'état, à la minute où nous parlons, 500 millions d'euros de produit des amendes reviennent à l'agence. Tout ce qui relève des autoroutes revient à l'agence. Pour la TICPE, Bercy décide chaque année de la part qui nous est attribuée. Elle est de 1,43 milliard d'euros car c'est le budget que le législateur a arrêté pour l'année 2018. Elle n'était que de 716 millions l'année dernière. Il vous appartient donc, au sein de l'enveloppe de TICPE, et dans le cadre des discussions avec Bercy, de déterminer le niveau adéquat. Il faut au moins stabiliser le produit de la hausse de 2 centimes et 4 centimes en remplacement de l'écotaxe.

Ce constat posé, M. Pichereau a bien expliqué qu'il existait une marge, et je dis à M. Bouillon que je ne vois pas comment nous pourrions rester dans le scénario un, qui ne ferait que créer des frustrations sans permettre d'assurer la régénération, ni aller vers un scénario trois, très éloigné de ce que nous sommes capables de faire.

Nous « tournons » donc autour du scénario numéro deux, qui implique de trouver 500 millions d'euros. Il y a quatre moyens de trouver ce montant.

Le premier a un avantage : il n'emporte pas de conséquences fiscales. Mais il a un inconvénient : il n'est pas durable et ne résout absolument pas la question de la soutenabilité sur la période. Ce premier moyen serait d'utiliser le produit d'une privatisation, par exemple dans le domaine des infrastructures de transport, et de considérer que cela peut représenter quelques milliards qui peuvent être affectés à l'agence. Nous avons connu un précédent lorsque, pour compenser une partie des recettes des sociétés d'autoroute, on a attribué à l'agence 4 milliards d'euros sur le produit des cessions en début de période.

La deuxième hypothèse consiste à augmenter la TICPE. Après tout, nous l'avons déjà fait, et 500 millions représentent un centime d'euro de plus par titre. J'appelle votre attention sur le fait que ces hausses ont eu lieu dans un contexte où la taxe carbone n'avait pas encore produit ses pleins effets, qu'il y a un problème avec le prix du pétrole, et qu'il faut être vigilant quant aux conséquences additionnelles éventuelles, telles qu'un « ras-le-bol fiscal ».

Un autre moyen, s'agissant de la TICPE, ne concerne que les poids lourds. Car lorsqu'a été décidée cette hausse, elle a été assortie d'un mécanisme de remboursement des éventuelles hausses fiscales que les transporteurs subiraient. Aujourd'hui, le montant de ce remboursement est supérieur aux 500 millions d'euros que nous recherchons.

Enfin, il est possible de créer une vignette. Mais, comme je n'imagine pas qu'il puisse y avoir une quelconque volonté de rétablir une vignette qui affecterait les 40 millions de véhicules qui circulent dans ce pays, je considère que le débat ne porte que sur les 6 millions de véhicules qui ont un caractère professionnel – parmi ces 6 millions de véhicules, il faut distinguer les véhicules utilitaires légers qui, pour beaucoup, sont ceux des artisans - dont 552 000 poids lourds en circulation auxquels il serait assez légitime d'ajouter les poids lourds étrangers qui utilisent nos infrastructures sans jamais financer leur entretien.

Malgré l'efficacité d'un tel dispositif, dont je ne doute pas, il est totalement impossible d'imaginer que ce soit un moyen crédible pour assurer une montée en puissance du financement de l'agence en 2019. Au mieux, même en allant vite, y compris compte tenu des contraintes techniques qui existent, de la mise en place des barèmes et de la discussion avec l'Union européenne, se posera en 2019 une question qui pourrait rendre crédible l'hypothèse du déremboursement de manière temporaire si vous cherchiez à tout prix à permettre à l'agence de disposer de 500 millions d'euros supplémentaires dès l'année 2019.

La question de l'eurovignette rejoint celle de l'écotaxe. Je pense qu'un dispositif ne reposant pas sur des infrastructures physiques risquant de cristalliser un mécontentement rend les choses plus simples en termes de pédagogie et d'acceptabilité. Ensuite, il serait peut-être souhaitable de trouver un système moins complexe, pour lequel le niveau des coûts de recouvrement ne représente pas une part significative de l'impôt. En effet, indépendamment de l'intérêt intellectuel que pouvait avoir l'écotaxe, il faut savoir que plus d'un tiers des recettes servait à financer le prélèvement. La question de l'efficacité est donc légitime compte tenu de la situation actuelle.

J'en viens à la question du temps, puisque c'est dans vingt ans que les concessions autoroutières prendront fin. Pour essayer de se « raccrocher aux branches » après la vente des sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroute (SEMCA), on s'est appuyé sur la redevance domaniale et la taxe d'aménagement du territoire pour collecter plusieurs centaines de millions d'euros. Avec la fin des concessions d'autoroute, nous aurons des disponibilités en termes de moyens.

Aujourd'hui, notre pays est dans une situation paradoxale, puisque d'un côté il possède des infrastructures autoroutières dans un état exceptionnel, la maintenance étant assurée de manière extraordinairement régulière mais avec un niveau de prix et d'accès très élevé, et de l'autre, des routes qui ne sont pas payantes, ne bénéficient donc pas de ressources affectées, et ont souvent servi de variable d'ajustement, soit sur le plan national, soit sur le plan local.

On estime que la régénération, l'entretien et la modernisation des routes nationales nécessiteraient au moins un milliard d'euros par an, simplement en maintenant et en soutenant notre patrimoine, sans aucune ambition de développer le réseau, et qu'il manque à l'heure actuelle environ 300 millions d'euros pour ces seules routes nationales. D'où l'hypothèse de créer une agence dédiée, sur le modèle de Voies navigables de France (VNF) pour le transport fluvial, qui pourrait s'appeler Routes nationales de France, et qui ne serait pas une agence de financement, puisque les agents d'exploitation des routes nationales y seraient également placés, mais une agence d'investissement et de fonctionnement. Cela pourrait être une façon de faire évoluer pour partie le dispositif ou le modèle.

Mesdames et messieurs les députés, il convient de ne pas confondre le budget de l'agence avec les moyens globaux affectés aux infrastructures. Il faut ajouter aux crédits qui sont versés par l'agence ceux qui relèvent des crédits d'investissement du ministère des transports, en particulier à travers le programme 203. Si l'on additionne les 45 % de l'agence et les 77 % du ministère affectés au fer, on voit bien la stratégie globale en termes d'infrastructures qui consiste à donner la priorité à ces questions.

Par ailleurs, l'agence ne finance pas tous les projets. Il existe aujourd'hui trois cas de figure. Premièrement, les projets pour lesquels l'agence s'est subrogée à l'État ou finance la part nationale. Ce fut le cas pour les nouvelles LGV de manière claire, et ce sera à nouveau le cas en fonction des décisions qui seront prises potentiellement pour d'autres projets. Deuxièmement, les grands projets d'infrastructures pour lesquels le modèle arrêté aujourd'hui est celui d'une société de projets ad hoc. S'agissant du projet ferroviaire Lyon-Turin, on a créé une société avec la France et l'Italie, à « 50-50 ». L'État a demandé à l'agence de financer les études à hauteur de 500 millions d'euros, mais elle n'apparaît pas dans les moyens de financement susceptibles d'être appelés dans les années qui viennent.

Monsieur Bricout, j'en arrive au projet du canal Seine-Nord Europe. Pour l'heure, l'agence a financé 180 millions d'euros au titre des études sur ce projet estimé à 4,5 milliards d'euros, pour lequel la ventilation budgétaire repose sur 1,8 milliard d'euros de l'Union européenne, 1 milliard des collectivités locales, 1 milliard de l'État et 700 millions d'euros d'emprunts. Vous ne trouverez pas aujourd'hui le mot « Agence » dans la manière d'accompagner le financement ou même de porter la part de l'État. Nous avons été partie prenante dans les études, mais sans commande de la part du ministère pour en faire un de nos engagements pluriannuels. Nous regardons bien évidemment le calendrier de ce projet avec intérêt en ce qui concerne son utilité en termes de report modal, de vitalisation économique du territoire, de projet transeuropéen, mais sans être directement concernés par les échéances de paiement qui pourraient être appelées.

Vous avez évoqué, Monsieur Sermier, la question des nouvelles technologies. Il n'appartient pas à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France de faire des choix technologiques et de conseiller le GNV, l'hydrogène ou l'électrique. Nous pourrions être concernés si notre pays prenait la décision d'investir, par exemple, dans des infrastructures permettant à des voitures autonomes de rouler. Mais, je le répète, la décision politique ne doit pas échapper à la représentation nationale, pour autant que dans une agence de financement il y ait parité entre élus et représentants des ministères. Donc, même à ce stade qui consiste à rendre soutenables les trajectoires financières, il me semble souhaitable que les élus puissent savoir quelles stratégies sont mises en oeuvre. Nous ne prendrons pas ces décisions à la place de la représentation nationale.

À titre personnel, je considère qu'il faut évidemment accompagner les innovations, mais en se rappelant que, dans un pays qui compte 60 millions d'habitants, si nous ne jouons pas la carte européenne sur des sujets de rupture technologique, la probabilité que nos standards s'imposent est extrêmement faible, le niveau des investissements d'autres pays risquant d'imposer un modèle à un moment donné. Donc, sur ces questions, de grâce ayons des réflexes européens ! Sur les nouvelles mobilités, il faut pouvoir faire ce que l'on a été capable de réussir sur le spatial et l'aérien.

Vous avez ensuite évoqué la question d'une plus grande autonomie de l'agence. Je pense que l'agence gagnerait à se doter d'une forme de comité consultatif dont le conseil d'administration se réunirait une, deux ou trois fois par an et qui pourrait être composé de représentants des usagers des différents modes de transports. Cela pourrait être un moyen à la fois de l'ouvrir, de la rendre plus transparente et d'avoir des débats qui dépassent ceux de la question des modes de financement les plus pertinents. C'est pourquoi je pense que la stabilisation de la présence de parlementaires dans ces structures est une nécessité absolue, pour des impératifs de contrôle mais aussi de visibilité et de répercussion de ce qui se dit.

Madame Lasserre-David, je vous remercie pour vos questions et pour avoir insisté sur le fait que les dépenses de transport représentent près de 14 % des dépenses des ménages. Plus largement, vous savez que le secteur des transports contribue à hauteur de 17 % au PIB de notre pays et que les enjeux en termes d'infrastructures soutiennent de manière directe ou indirecte 1,4 million de salariés dans ce pays.

Je crois avoir déjà partiellement répondu à la question relative à la part entre le rail et la route. Il convient d'éviter de faire trop vite le procès de la route. En la matière, deux questions se posent. Premièrement, faut-il construire de nouvelles routes ? Cette question concerne très peu l'AFITF, qui intervient d'abord sur la régénération. Ce serait une folie de ne pas entretenir notre patrimoine au motif que l'avenir serait aux mobilités nouvelles. C'est une chose de faire le choix d'investissements à moindre empreinte environnementale quand on construit une infrastructure nouvelle, c'en est une autre que de considérer qu'il faut faire des investissements nouveaux au détriment de l'entretien de notre patrimoine existant. Je plaide pour qu'on ne faiblisse pas sur la régénération et pour qu'on atteigne, au contraire, les niveaux qui permettent cette régénération, qu'il s'agisse de la route, du rail ou du fluvial, car dans chacun de ces domaines, les niveaux d'engagement actuels ne sont pas à la hauteur des besoins pour plusieurs raisons.

D'abord, disons-le très clairement, il est globalement moins attractif pour un responsable politique d'expliquer qu'on va réparer des trous que de lancer un grand projet ou d'expliquer les nouvelles perspectives liées à tel ou tel investissement. Ensuite, il est souvent plus complexe d'obtenir des cofinancements quand on régénère que quand on investit. Mais le vrai sujet, ce sont les équilibres globaux : ils sont la résultante des engagements du passé. Par exemple, quand on a signé un contrat sur l'autoroute urbaine L2 de Marseille, dont la dernière traite sera en 2042, quelles que soient les décisions qui seront prises par la représentation nationale, on sera bien obligé de consacrer au moins 30 millions d'euros par an à l'équilibre de cette autoroute urbaine jusqu'en 2042, puisque cet engagement a été signé dans le cadre d'un partenariat public-privé (PPP).

Monsieur Bricout, la question de la TICPE relève avant tout d'une décision politique. La question de la possible bonification territoriale pour soutenir tel ou tel projet peut, dans l'absolu, se poser à travers les dispositifs de péage. Je ne suis pas persuadé qu'on gagnerait à multiplier les « usines à gaz » locales, parce que si demain on explique que seuls les habitants du Nord de la France devront, par exemple, financer ou payer plus cher pour tel ou tel type de projet, ce sera le meilleur moyen de susciter des oppositions contre ce projet.

Monsieur Bouillon, les concessions autoroutières prendront fin dans longtemps. Compte tenu des probables évolutions, je ne suis pas persuadé que nous pourrons participer à ces débats le moment venu. Néanmoins, en imaginant que nous soyons au milieu des années 2030, trois options s'offriraient à nous. Première option : considérer que le moment est enfin venu de baisser le niveau de péage. Deuxième option : le maintenir, mais faire en sorte qu'il ne finance plus uniquement l'entretien et la maintenance des autoroutes, mais aussi l'ensemble du réseau. Troisième option : avoir un système mixte qui consiste à supprimer les péages et passer à un dispositif de type « eurovignette » qui aurait pu être testé, dans un premier temps, sur certaines catégories de véhicules avant d'être étendu, afin de ne plus avoir de barrières et avoir les mêmes règles sur la totalité du réseau national.

Enfin, la question du temps de transport est évidemment cruciale. Faut-il investir 250 millions d'euros pour gagner une minute ? Voilà un sujet qui soulève des interrogations, mais il ne faut pas perdre de vue les dynamiques qui sont à l'oeuvre. Autrement dit, il peut y avoir des points de saturation qui approchent et qui font que la question ne se mesure pas par rapport au temps d'aujourd'hui, mais en fonction de ce qui se passerait si rien n'était fait. Il faut donc être capable de mesurer le coût de l'inaction, en termes environnemental et économique sur un certain nombre de sujets.

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Nous en arrivons aux questions. Je vous rappelle qu'elles ne doivent pas excéder une minute.

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Monsieur Béchu, je souhaite vous interroger sur la méthode que vous entendez adopter à la tête de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France pour disposer de la marge de manoeuvre nécessaire à l'orientation des financements. Critiquée pour sa sujétion au ministère des transports, l'AFITF, établissement public, doit être force de propositions pour consolider sa raison d'être et sa légitimité. Quels sont les grands principes qui orienteront l'action de l'AFITF sous la nouvelle présidence ?

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Monsieur Béchu, j'ai une petite devinette à vous soumettre. Quel est le seul département de France qui ne dispose pas d'autoroute, pas de voie routière express, pas d'aéroport ni de train de voyageurs ? C'est une situation unique en France et la mobilité des habitants de ce département magnifique, qui est le premier département français en termes de tourisme vert, repose uniquement sur la route. Je vous aide un peu en vous donnant quelques indices : ce département compte une seule route nationale relevant de la compétence de l'État, la route nationale 102, qui mérite d'être régénérée et modernisée. Je vous laisse réfléchir…

Ma question porte sur votre vision ou votre volonté d'accompagner la dizaine de bassins de vie ruraux les plus enclavés de notre pays, tels qu'ils avaient été identifiés par la délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (DATAR) il y a de nombreuses années, sans solution concrète depuis – je pense au bassin d'Aubenas et au bassin d'Aurillac. Je pense vous avoir donné quelques indices…

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Monsieur Béchu, j'entends bien que l'AFITF ne soit pas en mesure de prendre des décisions et que les autorités de tutelle vous donnent des orientations. L'idée d'un comité consultatif me semble extrêmement importante et je sais votre capacité de dialogue et surtout de conviction. À ce sujet, je voudrais revenir sur la question de l'hydrogène. Vous savez que nos voisins d'outre-Rhin ont un objectif clairement affiché de 100 stations d'hydrogène d'ici à 2020. Une fois encore, la France est en retard par rapport à ses voisins en matière d'équipements. Nous avons besoin de regarder ces nouvelles méthodes de mobilité. Pensez-vous que les Français devront soutenir ce sujet avec les Allemands ? Ne devrions-nous pas prendre le leadership en la matière ?

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Parmi les ressources affectées à l'AFITF, il en est une qui par essence n'est pas pérennisée : la contribution volontaire exceptionnelle des sociétés d'autoroute. Ne faudrait-il pas envisager de la pérenniser en proposant soit de la transformer en taxe additionnelle à la redevance domaniale versée par ces entreprises, soit d'augmenter le taux de cette dernière, eu égard aux excellents résultats financiers de ces sociétés puisqu'elles ont connu une hausse de leurs profits de 20 % en dix ans et que 1,5 milliard d'euros de dividendes ont été distribués chaque année aux actionnaires ?

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Les infrastructures comportent des enjeux financiers importants. Dans nos territoires, de nombreuses voies ferrées sont dans un état pour le moins dégradé, et une partie de ces lignes devrait être transférée de l'État vers les régions.

Ma question n'est pas totalement hors sujet, car cela aura des conséquences financières au sein de l'Agence. Quelles doivent être, selon vous, les modalités de transfert de propriété de l'État vers les régions concernant les voies ferrées, et accessoirement sur quelle base juridique cela se fera-t-il ?

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Les textes instituant l'AFITF prévoient que l'agence est compétente à la fois pour le financement des infrastructures et les équipements qui en sont l'accessoire indissociable. Cela vous permet donc d'avoir un rôle actif dans le soutien aux innovations dans le domaine des transports.

Quelle est votre vision sur ces innovations et comment comptez-vous impliquer l'agence dans la transition vers une mobilité plus durable et connectée ?

Enfin, vous êtes maire de la ville d'Angers et président de la communauté urbaine Angers-Loire-Métropole. Ces fonctions sont-elles conciliables avec celle de président de l'AFITF en termes de disponibilité ?

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Christophe Béchu

Madame Boyer, l'AFITF est une structure paritaire puisqu'elle est composée de six représentants de l'État et de six élus. Mon objectif est de pouvoir à la fois exprimer les attentes des élus locaux, leurs impatiences et leurs incompréhensions par rapport à des financements qui n'existent pas, et de relayer les contraintes de l'État. C'est cela être l'interface entre les financements et les projets. Cela suppose du dialogue. Comme je n'ai pas la longue expérience de M. Philippe Duron, j'irai à la rencontre des territoires, en particulier des présidents de région et je me rendrai aussi, bien évidemment, sur le site du canal Seine-Nord-Europe ou du côté de Compiègne où se trouve le siège administratif, pour pouvoir échanger avec les élus. Je crois à la vertu du dialogue et à la médiation.

Madame Luquet, dès lors qu'un parlementaire ne peut plus présider cette structure, ou c'est un élu local ou c'est quelqu'un dont cela devient le travail qui prend sa place. Indépendamment du fait que je ne pense pas qu'il s'agisse d'un travail à temps plein, il est souhaitable que des élus locaux puissent être des interlocuteurs de l'État sur de tels sujets. À vous ensuite de savoir si ce doit être le maire d'Angers ou celui d'une autre commune. Sur le principe, il est souhaitable que la présidence de l'agence puisse être portée, en termes de représentation, par les territoires.

S'agissant de l'exercice matériel en lui-même, j'envisage de consacrer à l'AFITF une journée et demie par semaine qui est le temps nécessaire pour remplir cette mission. Après avoir échangé avec la ministre et M. Philippe Duron, je crois que ce temps est réaliste.

J'ai bien entendu la question de M. Brun. Je crois qu'il s'agit de l'Ardèche, puisqu'il évoque la RN 102. Si je devais être un peu ironique, je dirais que le fait qu'il n'y ait qu'un mode qui relève de l'agence simplifie les arbitrages… Votre question rejoint ce qui a été dit tout à l'heure : on ne peut pas appliquer partout un système de « jardin à la française » et considérer que chaque département doit obligatoirement avoir une gare TGV et tel type d'infrastructure. Il faut tenir compte de la densité de population et des réalités. Là où ce sont les routes qui sont structurantes, à défaut d'autres infrastructures, il faut évidemment, à tout le moins, que l'État s'assure de la continuité de ses engagements en termes d'infrastructures. D'où le caractère multimodal dont j'ai déjà parlé.

Je retrouve avec plaisir Mme Sophie Auconie, après l'avoir côtoyée dans d'autres lieux. Je pense que la question du leadership de la France en termes d'hydrogène ne se décrète pas en commission, et encore moins dans le conseil d'administration de l'agence. Certes, on peut avoir une ambition industrielle dans ce domaine, mais cela suppose de pouvoir travailler d'abord avec les industriels, et très certainement à une échelle qui n'est pas uniquement française.

J'ai bien entendu la question de M. Dombreval sur la contribution volontaire exceptionnelle et sur le fait qu'elle pourrait cesser d'être exceptionnelle pour être pérennisée ou intégrée d'une manière ou d'une autre. Dans l'absolu, vous ne me verrez pas me plaindre que vous envisagiez de rendre durables des recettes qui sont aujourd'hui exceptionnelles ou provisoires. Mais au bout d'un moment, l'addition de ces trois lignes complique les choses. Plutôt qu'instituer cette contribution volontaire exceptionnelle à l'époque, plutôt que de créer une troisième catégorie, il aurait mieux valu, effectivement, réviser les barèmes soit de la redevance domaniale, soit de la taxe d'aménagement du territoire. Dans un cas, cela repose sur le trafic, dans l'autre sur le linéaire avec un coefficient qui se rapporte au chiffre d'affaires. Certains paramètres auraient donc potentiellement permis de faire bouger les choses. Je serai attentif aux travaux de la commission et sans doute à la proposition de loi de M. Dombreval sur cette question le jour où elle sera discutée.

Monsieur Menuel, vous me posez une question sur le patrimoine de l'État et des régions, notamment sur le plan ferroviaire. Je crois avoir lu que deux ou trois questions ferroviaires allaient sans doute s'inviter à l'actualité de l'Assemblée nationale dans les jours ou les semaines qui viennent… À la fin de l'année 2013, l'État a pris de nouveaux engagements en direction des régions en utilisant le levier de l'AFITF pour les trains d'équilibre du territoire (TET). Pour l'heure, 1,6 milliard d'euros de crédits sont engagés pour transformer ces trains d'ici à 2025, avec un contrat de 720 millions d'euros pour la seule région Normandie et des engagements qui pourraient s'élever, si toutes les régions de France entraient dans ce processus de contractualisation, à 3,6 milliards d'euros, c'est-à-dire 2 milliards d'euros d'engagements nouveaux pour la transformation de ces rames sur notre territoire. Cela représente un effort significatif et un appui en direction des régions pour assurer cette compétence. Je pense que l'examen global de la relation entre l'État et les régions doit concerner les infrastructures mais aussi les modes de transport qui permettent de les desservir. C'est ce « paquet global » qu'il convient d'analyser pour voir si les choses sont équitables.

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Le Conseil d'orientation des infrastructures rappelle dans son rapport que la transition écologique nous impose de repenser la mobilité et la hiérarchie des priorités d'investissement. Le secteur des transports représente en effet, à lui seul, le tiers de nos émissions de gaz à effet de serre. Il est difficile aujourd'hui pour les décideurs, comme pour nos concitoyens, de juger de la pertinence d'un projet d'infrastructures et de sa cohérence vis-à-vis de nos objectifs de lutte contre le changement climatique. La réalisation systématique, avant projet, d'un bilan carbone global incluant la construction et l'exploitation des infrastructures permettrait de faire de la question climatique un élément central des prises de décisions. L'AFITF a-t-elle les moyens de l'imposer ? À titre personnel, y êtes-vous favorable ?

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Dans son rapport annuel de 2009, la Cour des comptes avait qualifié l'AFITF d'inutile, et recommandé sa suppression en intégrant ses activités à la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM). L'agence dont vous briguez la présidence a pourtant un budget annuel de 2,48 milliards d'euros provenant en grande partie de dotations de l'État, mais également de taxes ou de redevances propres. Or, dans un contexte de restriction budgétaire nécessaire pour l'État, ainsi que dans un climat de défiance et de scepticisme sur l'utilité réelle des agences publiques de l'État comme l'AFITF, une telle somme peut sembler très élevée, surtout au regard d'un résultat utile mais très peu visible, et totalement inconnu des citoyens.

En quoi l'existence de l'AFITF, dont le champ de compétences est identique à celui d'une autre agence indépendante, est-elle justifiée ? En quoi est-elle d'utilité publique au regard de ses dépenses ? Quelles mesures prendriez-vous pour mieux maîtriser son budget de fonctionnement et rendre son travail plus clair, plus précis et plus efficace aux yeux de nos concitoyens ?

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L'AFITF ne décide de rien, mais elle est très utile. Elle ne décide de rien puisque c'est l'État qui décide de tout, mais elle est très utile parce qu'elle permet de vérifier qu'on est dans le cadre d'une affectation de revenus au profit de nos politiques d'infrastructures. Pour nous, l'intérêt de l'AFITF est simple : elle nous permet d'être régulièrement informés sur les opérations de cavalerie régulières de l'État en matière de transports.

Comment comptez-vous informer régulièrement le Parlement sur l'état des dépenses en matière de transport dans notre pays, hormis en faisant entrer des parlementaires au conseil consultatif de l'AFITF ?

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Comment, en tant que président de l'AFITF, comptez-vous traduire l'orientation, affirmée à plusieurs reprises par le Président de la République de réorienter la stratégie d'investissements pour le ferroviaire, à savoir limiter les nouveaux grands projets et concentrer les efforts d'investissements sur l'entretien du réseau existant et la réduction de la fracture territoriale ?

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Je suis intéressé par l'appréciation que vous portez sur notre réseau de transport fluvial. Ce mode de transport économique propre, fiable et sûr présente de nombreux avantages en termes de développement durable. En effet, le réseau, en particulier les voies à grand gabarit, dispose d'atouts indéniables pour constituer une réelle alternative au transport routier. De plus, nous bénéficions grâce à notre situation géographique de quatre façades maritimes. Pourtant, nos ports sont encore aujourd'hui largement devancés par ceux de nos voisins européens. Pour illustrer mon propos, je donnerai l'exemple de l'axe du Rhône, de Lyon jusqu'à Marseille, qui me semble très peu utilisé par le transport fluvial, alors qu'il est parallèle à un axe autoroutier très souvent saturé. Quelle vision et quelle ambition pourriez-vous porter à la tête de l'AFITF pour développer et intensifier le transport fluvial en France ?

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Christophe Béchu

Madame Josso, je suis très favorable à ce que l'on ait une vision très précise du bilan carbone et de l'utilité d'un projet d'infrastructure avant de commencer à le financer. Je pense même que cette approche dépasse la question environnementale : elle rejoint la question du bon usage des deniers publics. Plus nous sommes en mesure d'avoir une évaluation précise en amont, plus on peut vaincre les éventuelles résistances ou réticences de certains habitants qui se trouvent sur le tracé des axes envisagés, en étant capables d'objectiver les choses ou d'éviter la constitution de « zones à défendre » (ZAD) en différents points de notre pays.

Je souhaite que l'on mène cette évaluation, mais ce n'est pas le rôle de l'AFITF. Ce travail doit intervenir lors du débat public. Donner une telle responsabilité à l'agence au moment où l'on décide de l'opportunité de réaliser le projet serait un basculement profond de la nature de ses missions. Il faut donc, dans le cadre des procédures du débat public préalable à une déclaration d'utilité publique (DUP), être extrêmement attentif à ces questions. En revanche, au moment où l'on s'interroge sur la soutenabilité de la trajectoire financière d'un projet préalablement déclaré d'utilité publique, on ne peut pas refaire le bilan carbone, sinon on fragilise les décisions déjà prises, y compris quand elles ont fait l'objet d'un jugement. Cela dit, je souhaite évidemment que vous regardiez cette question de très près.

M. Maquet a évoqué le fait que l'agence était potentiellement une « coquille vide ». Si l'agence ne sert à rien, excusez-moi pour le temps que je vous ai fait perdre… En 2009, on expliquait qu'il fallait la supprimer ; en 2016, on explique qu'il faut que sa feuille de route soit plus claire. Aucun des rapports de la Cour des comptes ne porte sur la gestion de la structure. Aucune agence de l'État n'a un coût de fonctionnement aussi faible, soit 0,01 % de son budget global. Quatre personnes travaillent pour cette agence qui consacre, en 2017, 600 000 euros à son fonctionnement, pour 2,15 milliards d'euros d'investissement. Dans ces conditions, les marges de manoeuvre sur les dépenses de fonctionnement sont extrêmement faibles. Je ne peux pas m'engager à réduire de 2 % la masse salariale, à moins de supprimer l'un des quatre postes.

En revanche, il faut évidemment de la transparence. Aujourd'hui, il nous manque un contrat d'objectifs et de moyens. Il n'est pas normal qu'un opérateur de l'État qui gère 2,5 milliards d'euros ne dispose pas d'une feuille de route et d'un contrat d'objectifs et de performance. Cela contrevient aux règles que nous nous sommes données à nous-mêmes – je pense à la circulaire du 26 mars 2010 –, et cela contrevient à la qualité du contrôle parlementaire. Cela peut même laisser subsister des zones grises. Je demande donc que, dans le cadre du mandat qui pourrait m'être confié, ce contrat d'objectifs et de moyens soit « concomitant » ou « simultané » à la loi d'orientation sur les mobilités ou, mieux encore, à la loi de programmation des infrastructures, puisque ce contexte permettra d'en poser les termes.

M. Pancher, que je suis très heureux de retrouver, m'a interrogé sur l'information du Parlement. Les contrôles d'accès à l'Assemblée nationale étant ce qu'ils sont, je m'y rendrai chaque fois que je serai invité, car je sais qu'on ne me laisserait pas entrer si je venais à l'improviste. Je suis évidemment à votre disposition.

Le Parlement vote le budget, puis le conseil d'administration de l'agence élabore son budget à partir des moyens qui lui ont été alloués par le Parlement. Je ne serais pas choqué qu'après le vote de la loi de finances initiale, vous demandiez au président de l'agence de venir vous expliquer ce que seront les allocations budgétaires. Cela ne semblerait absolument pas aberrant. J'ajoute qu'une telle audition, fondée sur des données chiffrées, prendrait probablement moins de temps que celle qui nous réunit ce matin.

Madame Maillart-Méhaignerie, je partage totalement, s'agissant de la réorientation de la stratégie d'investissement, l'opinion du Président de la République lorsqu'il estime qu'il est aujourd'hui sans doute souhaitable de s'assurer des transports et des mobilités du quotidien, plutôt que de multiplier les nouveaux projets. Cette approche vaut pour tous les modes, mais elle concerne évidemment le ferroviaire.

Dans le contexte actuel, il ne faut toutefois pas oublier un élément essentiel : il faut bien mesurer que l'agence a pris des engagements s'agissant des LGV en cours, et qu'elle a des échéances. Nous ne pouvons pas réorienter des échéances ou des traites qui correspondent à des engagements. Je précise qu'à la minute où je vous parle, nous avons encore 221 millions d'euros de dettes à l'égard de SNCF Réseau. L'Agence devra verser 37 millions d'euros de pénalités pour ne pas avoir honoré à temps des restes à payer. La bonne nouvelle, c'est que le montant de cette dette, qui atteignait 700 millions il y a quelques années, est passé à 400 millions, pour n'être plus que de 221 millions aujourd'hui. L'enjeu consiste à faire de 2018 notre dernière année d'endettement. Payer des pénalités de retard ne constitue pas une bonne allocation des dépenses publique, de surcroît lorsque c'est à un opérateur comme la SNCF.

Monsieur Fugit, je pense que le transport fluvial est effectivement un mode dans lequel nous sous-investissons globalement, alors que la géographie de notre pays permettrait réellement de bénéficier de très forts reports modaux. Cet enjeu est insuffisamment pris en compte. L'agence finance VNF à hauteur de 70 millions d'euros. Aujourd'hui, nous travaillons avec des personnels, y compris du ministère des transports, qui connaissent bien la question fluviale. Les ambitions en la matière pourraient être précisées dans les années qui viennent, et l'agence pourrait tout à fait les accompagner.

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L'AFITF est à l'origine du financement du plan de mobilisation en faveur des transports existants en parallèle du Grand Paris, mais aussi de projets de transports collectifs en site propre, tel le tramway de l'agglomération de Montpellier. Ce sont de beaux projets, très « urbano-centrés », si vous me permettez ce néologisme.

Qu'en est-il du développement de solutions de mobilités innovantes pour les territoires ruraux « à faible densité », comme vous dites, trop souvent isolés, pour lesquels la voiture demeure malheureusement le moyen de transport le plus répandu, faute d'alternative ?

Alors que dans son discours du 1er février dernier, prononcé lors de la remise du rapport du Conseil d'orientation des infrastructures, la ministre des transports a fixé comme priorité le désenclavement des territoires, comment l'AFITF compte-t-elle agir dans ce domaine ? Pourriez-vous nous donner des exemples de projets financés par l'agence permettant d'expérimenter et de mettre en oeuvre des solutions en faveur du désenclavement des territoires ruraux, pour que les « smart cities » puissent enfin avoir des « smart campagnes » ?

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Je vous remercie pour votre volonté de relancer une agence en panne jusqu'à maintenant. En tant que député de La Réunion, je souhaite connaître les intentions de l'AFITF en ce qui concerne l'outre-mer.

Comme vous le savez, nous n'avons pas de voie ferrée : on ne peut pas aller en train des Antilles ou de La Réunion vers la métropole. La mission de l'agence pourrait-elle aussi consister à financer en partie les infrastructures aéroportuaires puisque, pour nous, ce sont des infrastructures de déplacement obligatoires entre différentes parties du territoire national ?

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Je souhaite revenir sur le projet Lyon-Turin. La ministre des transports avait annoncé une pause concernant ce grand projet que le Premier ministre n'a pas mentionné, lors de sa dernière visite en Savoie. M. Philippe Duron, votre prédécesseur à la tête de l'agence, n'en a pas davantage fait état dans le rapport qu'il a remis au Gouvernement au moins de janvier dernier. Devons-nous y voir un signe ?

Vous parlez de respecter les engagements et de renoncer à un projet qui nous semble contraire à l'intérêt général et aux engagements pris, notamment en termes écologiques dans le plan « Climat ». Je rappelle qu'il s'agit du partenariat public-privé (PPP) le plus cher de France, estimé à 26 milliards d'euros non financés. Des études de la société Lyon Turin Ferroviaire évoquent un projet qui draine 300 millions de mètres cubes d'eau par an, et une voie ferrée existante qui pourrait faire passer un million de camions, soit 80 % du trafic annuel des tunnels du Mont-Blanc et du Fréjus. En bref, ce projet ne semble pas adapté.

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Les ressources de l'AFITF et sa dette nous conduisent à nous interroger sur la capacité de l'agence à financer l'intégralité des projets décidés par les gouvernements successifs. Le Gouvernement a affiché comme priorités l'entretien du réseau routier national et la régénération du réseau ferroviaire, trop longtemps laissé à l'abandon. Pensez-vous pouvoir concilier ces priorités et les engagements financiers pris antérieurement qu'il vous appartient d'honorer ? Vous les avez parfaitement décrits en évoquant des échéances qui donnent le vertige. En clair, pouvons-nous espérer que l'AFITF organise une péréquation des recettes des sociétés concessionnaires des autoroutes vers des projets routiers répondant aux besoins des territoires, sans que ces projets soient pour autant identifiés comme des « grands projets » ? Cela pourrait s'appliquer au Cantal comme à l'Ardèche, et votre expérience de président de conseil départemental nous autorise tous les espoirs.

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J'ai rencontré samedi le maire de Camors. Cette petite commune boisée du nord de ma circonscription souffre beaucoup de la concurrence de Quiberon, de Carnac, de La Trinité, des îles… Pour développer sa commune, ce maire a voulu qu'un réseau ferroviaire permette de rejoindre Auray et Pontivy. Il souhaite une ouverture au tourisme et aux transports de proximité.

Quel est votre avis sur ce genre de petites lignes qui ne seront, hélas, jamais bénéficiaires, mais qui pourraient presque s'autofinancer en amenant les gens vers le tourisme vert ? Quel est votre avis sur le prolongement de certaines lignes existantes ? Une ligne de chemin de fer pourrait par exemple relier Auray au port de Lorient, zone d'emploi. Je ne vous parlerai pas du « tire-bouchon », liaison ferroviaire entre Auray et les îles, qui achemine chaque année près d'un million de passagers.

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Christophe Béchu

Madame de Courson, vous m'avez interrogé sur les financements et sur les contrats d'agglomération qui concernent quelque 140 projets « en stock » à l'instant où je vous parle – avec des bus à haut niveau de service (BHNS), des téléphériques, des tramways –, représentant environ 8 % de nos engagements.

Par définition, l'agence fait ce qu'on lui dit, puisque je vous rappelle qu'elle se voit affecter des recettes nationales. Le président de l'agence n'a aucune légitimité pour aller passer un moment dans le golfe du Morbihan et prendre là-bas, parce qu'il trouverait les élus sympathiques ou les paysages enchanteurs, des engagements au nom de la France.

En revanche, s'agissant des mobilités du quotidien, être aux côtés des collectivités locales pour regarder ce que peuvent être les solutions innovantes – pas uniquement dans les endroits de forte densité pour répondre à plusieurs de vos interventions –, cela me semble s'inscrire pleinement dans les missions qui peuvent être celles de l'Agence.

De la même manière, on peut imaginer que, demain, dans le cadre des contrats d'agglomération, on ne mette pas forcément en place des infrastructures très coûteuses. Le développement du vélo, qui est une manière d'obtenir des reports de modalités – et le vélo ne coûte pas 30 millions d'euros au kilomètre – peut entrer dans des contrats d'agglomération, si l'on adopte des logiques d'intermodalité, de la même manière que l'on peut, sur des infrastructures plus « souples », imaginer des dispositifs concernant des territoires enclavés.

Monsieur Lorion, dans le budget 2018, 100 millions d'euros sont encore prévus pour la nouvelle route du littoral. À l'heure actuelle, nous ne finançons pas d'infrastructure aéroportuaire, car nous considérons que ce modèle est globalement équilibré et que lorsqu'il ne l'est pas, il existe des solutions locales qui permettent de l'équilibrer. Vous êtes de La Réunion, je suis des Pays-de-la-Loire, nous avons chacun nos dossiers d'aéroport enterré, relancé, bloqué ou espéré. L'abandon de Notre-Dame-des-Landes soulève d'ailleurs maintenant, dans le Grand Ouest, des questions intéressantes sur les reports modaux. Il est vrai que vous n'avez pas cette perspective. Nous nous interrogeons, par exemple, sur le fait qu'une meilleure connexion avec le sud de l'Île-de-France, grâce à des trains vers Orly, permettrait sans doute d'absorber une partie du trafic aéroportuaire tel qu'il était imaginé.

Le fait que l'outre-mer n'ait pas cette perspective fait qu'il y a sans doute un devoir particulier de solidarité de la métropole à son égard, mais vous avez, en même temps, des atouts en termes touristiques – pensez au nombre de personnes qui veulent venir sur votre territoire – qui rendent les infrastructures éligibles à des partenariats plus innovants que ceux qui sont parfois possibles sur le territoire métropolitain.

Madame Panot, mon niveau de connaissance du dossier du projet Lyon-Turin ne me permet pas de vous répondre sur la justification du projet ou sur le coût du PPP. Je sais en revanche que l'agence, à la minute où je vous parle, n'est pas engagée dans le financement du projet. Il repose sur une société de projet et sur des subventions de l'Union européenne à un niveau très élevé, puisqu'elles représentent 40 % du projet global du tunnel euralpin Lyon-Turin, censé être couvert par l'Union dans le cadre du réseau transeuropéen de transports. Théoriquement, l'année 2018 doit être une année de départ puisque l'Union européenne s'est engagée à apporter 813 millions d'euros sur la première tranche qui se termine à la fin de 2019.

Monsieur Descoeur, je vous invite à mesurer les espoirs que vous évoquiez. (Sourires.) Plus sérieusement, la moitié des restes à payer correspond à des projets inaugurés pour lesquels les échéances courent sur vingt ans. Nous parlons de 5 milliards d'euros ventilés entre la rocade L2, le contournement Nîmes-Montpellier et la liaison Bordeaux-Pays-de-la-Loire. Nous n'avons aucune possibilité de revenir sur ces 5 milliards d'euros qui résultent de la volonté des gouvernements précédents d'étaler les remboursements. Pour autant, cela ne nous coûte que 250 millions d'euros par an, c'est-à-dire 10 % du budget. Autrement dit, nous conservons une véritable capacité à investir.

L'indicateur des restes à payer ne montre pas la fragilité d'une agence de financement. Sa fragilité viendrait du niveau de ses ressources pérennes. Si vos restes à payer sont négligeables, mais que vous ne disposez pas de ressources pérennes, votre situation est bien plus compliquée que si vous avez 250 millions d'euros d'engagements pendant vingt ans avec 3 milliards d'euros de recettes garanties.

La soutenabilité dépend donc des choix qui seront faits dans la continuité du Conseil d'orientation des infrastructures, et à l'occasion de la loi d'orientation sur les mobilités qui sera le vrai rendez-vous politique de l'ambition de notre pays en termes d'infrastructures.

Quant à la péréquation, elle existe déjà, pour partie. Je pense toutefois que l'on peut l'améliorer. À mon avis, il y aura un grand rendez-vous de la péréquation lors de la fin des concessions, mais ce n'est pas pour tout de suite. En revanche, sans attendre, aujourd'hui, à travers les modes de financement des routes nationales il faut saisir des occasions de flécher des crédits à l'intérieur du budget de l'agence.

J'ajoute une question que des présidents du conseil général de 2004 pourraient se poser, Monsieur Descoeur. À l'époque, il y avait deux écoles. Certains pensaient qu'il était préférable que les routes nationales restent dans le giron de l'État pour qu'il investisse. D'autres prônaient la départementalisation du réseau, considérant que l'État n'investirait pas. Globalement, on sait aujourd'hui que les routes départementales ont fait l'objet, au cours de ces dernières années, d'investissements au kilomètre plus élevés que les routes nationales. La même chose vaut pour les collèges et les lycées, et pour beaucoup de sujets relevant de la décentralisation. Il existe en revanche une taille d'infrastructure à partir de laquelle il est souhaitable, en termes de solidarité nationale, de conserver des continuités qui relèvent de l'État.

Enfin, je termine sur une note poétique que vous avez bien voulu amener, monsieur Pahun, en évoquant Camors, Quiberon, Auray et le « tire-bouchon ». C'est une manière de terminer cette audition sur des embruns qui me donnent des envies de week-end en plein milieu de la semaine. Les projets s'examinent, mais lorsque des élus locaux les portent, la question de leur cofinancement, de l'investissement et de leur soutenabilité dépend d'eux. C'est aussi à eux d'imaginer une partie du montage. Dans les responsabilités qui sont les miennes, y compris s'agissant de la deuxième ligne de tram, que nous sommes en train de réaliser, l'effort de l'État représente 10 % du montant total. Le reste dépend évidemment de la responsabilité de ceux qui portent les projets, qui pensent, et qui innovent.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur Béchu, nous vous remercions. Nos échanges ont permis d'éclairer la réflexion de nos collègues.

Après le départ de M. Christophe Béchu, il est procédé au vote sur la nomination par appel nominal à la tribune et à bulletins secrets, les scrutateurs d'âge étant M. Damien Pichereau et Mme Sandrine Le Feur.

Les résultats du scrutin, sont les suivants :

Nombre de votants43
Bulletins blancs ou nuls0
Abstention3
Suffrages exprimés40
Pour35
Contre5

Informations relatives à la Commission

La Commission a nommé Mme Pascale Boyer et M. Guy Bricout, rapporteurs de la mission commune d'application de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques.

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Membres présents ou excusés

Réunion du mercredi 28 mars 2018 à 9 heures

Présents. - Mme Bérangère Abba, Mme Sophie Auconie, M. Joël Aviragnet, Mme Nathalie Bassire, Mme Valérie Beauvais, M. Jean-Yves Bony, M. Christophe Bouillon, Mme Pascale Boyer, M. Guy Bricout, Mme Danielle Brulebois, M. Fabrice Brun, M. Stéphane Buchou, M. Lionel Causse, M. Jean-François Cesarini, M. Jean-Charles Colas-Roy, M. Paul-André Colombani, Mme Yolaine de Courson, M. Vincent Descoeur, Mme Jennifer De Temmerman, M. Loïc Dombreval, M. Bruno Duvergé, M. Olivier Falorni, M. Jean-Luc Fugit, M. Guillaume Garot, Mme Sandrine Josso, Mme Stéphanie Kerbarh, M. Jacques Krabal, M. François-Michel Lambert, Mme Florence Lasserre-David, M. Jean-Claude Leclabart, Mme Sandrine Le Feur, M. Stéphane Le Foll, M. David Lorion, Mme Aude Luquet, Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, M. Emmanuel Maquet, Mme Sandra Marsaud, M. Gérard Menuel, Mme Marjolaine Meynier-Millefert, M. Bruno Millienne, M. Adrien Morenas, M. Matthieu Orphelin, M. Jimmy Pahun, M. Ludovic Pajot, M. Bertrand Pancher, Mme Sophie Panonacle, Mme Mathilde Panot, M. Patrice Perrot, M. Damien Pichereau, Mme Barbara Pompili, M. Loïc Prud'homme, Mme Laurianne Rossi, M. Martial Saddier, Mme Nathalie Sarles, M. Jean-Marie Sermier, M. Vincent Thiébaut, Mme Frédérique Tuffnell, Mme Laurence Vanceunebrock-Mialon, M. Pierre Vatin, M. Michel Vialay, M. Hubert Wulfranc

Excusés. - M. Christophe Arend, Mme Bérangère Couillard, M. Yannick Haury, M. Alain Perea, Mme Véronique Riotton, M. Thierry Robert, M. Gabriel Serville

Assistaient également à la réunion. - Mme Valérie Bazin-Malgras, M. Éric Ciotti, M. Benoit Simian, M. Jean-Pierre Vigier