Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 18 avril 2018 à 11h15

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • SNCF
  • dette
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La réunion

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La commission entend MM. Patrick Jeantet, président délégué du directoire de SNCF et président directeur général de SNCF Réseau, Mme Amélie Verdier, directrice du budget, M. Michel Houdebine, chef économiste à la direction du Trésor, M. Martin Vial, commissaire aux participations de l'État, et Mme Sandrine Chinzi, directrice des infrastructures de transport à la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM), sur la dette de la SNCF.

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Dimanche dernier, le Président de la République s'est exprimé sur la reprise progressive, à partir de 2020, de la dette de la SNCF. Nous attendons de vous, mesdames, messieurs, que vous nous informiez, dans vos propos liminaires, sur l'origine, la soutenabilité, le coût, les frais et les options de résorption de cette dette, avant que ne s'engage une session de questions réponses avec les commissaires.

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Patrick Jeantet, président délégué du directoire de la SNCF, président directeur général de SNCF Réseau

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, merci beaucoup de nous auditionner.

Je vais vous parler de la dette existante de SNCF Réseau qui, au 31 décembre 2017, s'élève à 45,2 milliards d'euros en valeur nominale, dite « valeur de remboursement », et 46,6 milliards d'euros en valeur IFRS, normes comptables selon lesquelles nous comptabilisons notre activité.

Cette dette est constituée à 95 % de dette obligataire à long terme, en euros à hauteur de 75 % et à taux fixe à hauteur de 93 %, le reste étant des taux variables ou indexés à l'inflation. Nous vous fournirons une fiche récapitulative de la dette et des éléments que je suis en train de vous exposer.

SNCF Réseau a également émis des garanties au bénéfice de tiers, notamment dans le cadre du projet de ligne à grande vitesse Sud Europe Atlantique, pour un montant de 750 millions d'euros.

Face à cette dette importante, nous développons une stratégie de financement cherchant tout d'abord à limiter les risques, avec des maturités longues. Ainsi la maturité moyenne de notre endettement est de treize ans aujourd'hui, contre quatre à cinq ans pour des entreprises industrielles et six à huit ans pour les collectivités de l'État. Cela a permis de diversifier et d'élargir notre base d'investisseurs. SNCF Réseau peut en effet s'endetter en devises, de manière à élargir ses bases d'investisseurs, sachant que certaines poches peuvent être relativement saturées. Cette base autre que la France est de 29 % en zone euro et 44 % hors zone euro, en particulier en Asie et en Amérique du Nord. Cela sécurise notre accès à des financements, notamment lors d'éventuelles phases de crise bancaire.

La stratégie de financement de SNCF Réseau a profité au maximum de la tendance à la baisse des taux d'intérêt. Notre taux d'intérêt moyen est ainsi de 3,35 % en 2017, alors qu'il était de 6,7 % à la création de Réseau ferré de France (RFF) en 1997.

Depuis deux ans, nous avons en outre mis en place un programme d'émission de green bonds ou obligations vertes, qui vise à emprunter sur le marché obligataire écologique 1,5 milliard d'euros par an. Nous en avons émis à ce jour pour 2,7 milliards d'euros, ce qui nous plaçait à la cinquième place mondiale des émetteurs d'obligations vertes en 2017.

Face aux différents types de risques, nous mettons en oeuvre des stratégies adaptées. Concernant les risques liés aux taux, nous optons pour une maturité longue de nos financements et une dette essentiellement à taux fixes.

Face au risque de liquidité, nous disposons d'une ligne de crédit non tirée de 1,5 milliard d'euros, ayant vocation à faire face à d'éventuels imprévus. Nous développons également des programmes de financement à court terme, pour un montant maximum de 8 milliards d'euros.

Pour ce qui est des risques de devises, nous levons en devises environ 25 % de nos financements et les transformons immédiatement en euros, le jour même de l'émission obligataire, par des contrats de swap, si bien que nous n'encourons pas de risques de change sur cette dette.

L'entreprise est par ailleurs exposée à différents types de risques de contreparties, tels que faillites, litiges, de nos fournisseurs ou de nos clients, placements de trésorerie ou souscription d'instruments de couverture. Nous avons, sur tous ces sujets, mis en place des mesures visant à limiter les risques. Cela peut se traduire par des limitations en volume pour chaque contrepartie. Nous sommes également très vigilants par rapport aux critères de notation des contreparties et refusons en particulier les garanties corporate. Nous collatéralisons par ailleurs nos positions sur les instruments dérivés, qui nous servent par exemple, dans les contrats de swap, à ne pas prendre de risques de change.

La gestion de notre dette est donc prudente, sur l'ensemble des risques que je viens d'énumérer.

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Martin Vial, commissaire aux participations de l'État

Je suis heureux, mesdames et messieurs les députés, de me trouver à nouveau devant cette commission pour évoquer la manière dont l'État souhaite traiter la dette de la SNCF.

Je rappellerai en introduction le cadre dans lequel s'inscrit ce traitement de la dette. Votre Assemblée a adopté hier après-midi la réforme de la SNCF. Ce projet vise à permettre à l'ensemble de la SNCF et à ses différentes composantes de faire face à des défis considérables, dans un nouveau contexte caractérisé par une concurrence multimodale – en particulier de l'avion, mais aussi d'autres moyens de transport comme le covoiturage –, une concurrence qui s'installe sur le rail et les exigences nouvelles des clients et usagers en matière de qualité de service. Se fait jour, en outre, le besoin d'une plus grande efficacité de l'entreprise pour faire face à ses investissements de développement et assurer sa viabilité et sa soutenabilité financière dans le futur. Cette réforme a pour principal objectif de permettre à l'entreprise d'avoir l'agilité nécessaire pour assurer son développement pérenne, face à ce contexte concurrentiel nouveau, qui s'accroît. Il s'agit donc de donner au groupe SNCF les capacités de délivrer les performances attendues en matière de qualité de service rendu à ses clients et usagers et de se situer au meilleur niveau européen.

Les équilibres financiers montrent qu'il ne saurait y avoir de redressement financier de l'entreprise sans traiter le sujet de la dette. L'État prendra donc ses responsabilités d'ici la fin du quinquennat. Le Président de la République a été explicite lors de son entretien télévisé, dimanche dernier, sur une reprise substantielle et progressive de la dette à partir de 2020. Cette reprise n'est toutefois pas un élément suffisant pour assurer la soutenabilité financière de l'entreprise. En effet, aujourd'hui, le déficit de SNCF Réseau est globalement constitué pour moitié par les frais financiers de la dette, et pour moitié par un déficit d'exploitation qu'il conviendra de résorber. C'est pourquoi nous considérons que le traitement de la dette s'inscrit dans une réforme globale, dont tous les éléments sont liés, ainsi que l'a souligné le Président de la République : statut de l'entreprise, statut du personnel embauché dans le futur – je rappelle que le statut des personnels actuels n'est pas remis en cause –, refonte de l'organisation de l'entreprise, compétitivité globale et qualité de service. Tout cela vise à permettre à la fois la compétitivité, le développement et la soutenabilité financière.

S'agissant de la dette, on observe, au niveau du groupe, trois entités : l'établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) de tête, qui n'est quasiment pas endetté, le sous-groupe SNCF Mobilités, dont l'EPIC a une dette d'environ 8 milliards d'euros, et SNCF Réseau, dont la dette représente en valeur de remboursement un peu plus de 45 milliards d'euros. Cette dette n'est aujourd'hui pas maîtrisée : il ne s'agit évidemment pas de porter un jugement de valeur, mais simplement de signifier que cette dette continue d'augmenter chaque année, avec par exemple un accroissement de l'ordre de 3,2 milliards d'euros pour 2017, en raison du déficit opérationnel et des frais financiers. Le sujet que nous allons évoquer ce matin est donc majeur, puisque dans le cadre du contrat de performance actuel, qui court jusqu'à l'horizon 2026, cette dette atteindra 62 milliards d'euros si rien n'est changé d'ici là. Il faut donc trouver des solutions pour assurer la soutenabilité financière de l'entreprise.

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Sandrine Chinzi, directrice des infrastructures de transport à la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM)

Je vais vous proposer un bref historique de la dette de SNCF Réseau, en distinguant trois périodes. La première période commence en 1997, année de création de RFF. La dette du gestionnaire d'infrastructures s'élève alors, fin 1997, à 20,7 milliards d'euros courants. Entre 1997 et 2010, elle progresse de manière relativement contenue, puisqu'elle est, fin 2010, de l'ordre de 27 milliards d'euros courants. Il convient par ailleurs de noter que, parallèlement, l'état des lignes du réseau se dégrade de façon régulière, du fait de montants d'investissements de renouvellement insuffisants. En réalité, cette période se caractérise donc par une aggravation de l'état du réseau ferré national, une dégradation des actifs, avec un âge moyen des voies les plus circulées passant d'environ 15 ans en 1997 à près de 22 ans en 2010.

S'ouvre ensuite, de 2010 à 2016, une période de forte augmentation de la dette, de l'ordre de 15 milliards d'euros, pour atteindre près de 42 milliards d'euros à la fin de l'année 2016. Cela peut s'expliquer en partie par la réalisation simultanée de quatre lignes à grande vitesse (LGV) : Sud Europe Atlantique, Bretagne Pays-de-la-Loire, phase 2 de la LGV Est, phase 2 de la ligne Rhin-Rhône.

À côté de ces réalisations importantes, une part considérable est due à la dégradation du déficit structurel, de l'ordre de 2 milliards d'euros par an. Ce déficit a trois causes principales, dont la première est une hausse dynamique des dépenses courantes du fait de l'état dégradé du réseau et de son aggravation, supérieure aux recettes perçues par le gestionnaire d'infrastructures en recettes de péage. La deuxième est liée à la mise en oeuvre d'un programme important d'investissements de régénération, insuffisant pour stopper le vieillissement du réseau, mais conduisant à ajouter un investissement de 1,5 milliard d'euros par an. Le troisième volet est une hausse des frais financiers. Ces trois aspects, combinés à la réalisation des LGV, fait que la dette a fortement crû entre 2010 et 2016.

La troisième période, qui court de 2017 jusqu'à aujourd'hui, se caractérise par une dette s'établissant, fin 2017, aux alentours de 45 milliards d'euros. Cette dette est globalement maîtrisée, dans la mesure où elle est adossée à deux éléments importants. Le premier est la règle d'or, instaurée à la fois par la voie du décret et du contrat de performance passé entre SNCF Réseau et l'État, et conduisant à interdire à SNCF Réseau d'investir dans tout nouveau projet de développement de ligne nouvelle tant que son ratio d'endettement est supérieur à 18 – il est aujourd'hui de l'ordre de 23,9. S'ajoute à cela le fait que, quand bien même ce ratio serait respecté, SNCF Réseau ne sera pas en mesure d'investir sur des lignes nouvelles tant qu'il n'y aura pas un retour sur investissement dans l'équilibre global de l'entreprise.

Cette dette continue toutefois à progresser chaque année de 3 milliards d'euros, alors même que l'État intervient massivement dans l'accompagnement du réseau ferré national, en particulier par le biais des redevances d'accès, puisque l'État prend à sa charge ces redevances pour les activités conventionnées et contribue à la compensation fret à hauteur de 2,25 milliards d'euros par an. Les intérêts générés par la dette représentent en outre de l'ordre de 1,5 milliard d'euros par an, malgré, jusqu'à une période assez récente, un contexte assez favorable d'emprunt sur les marchés.

Cette évolution sur une vingtaine d'années conduit au constat que SNCF Réseau souffre aujourd'hui d'un déficit d'exploitation. Je laisse à mes collègues de Bercy le soin de vous apporter quelques précisions à ce sujet.

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Amélie Verdier, directrice du budget

L'un des objectifs de cette audition est de comprendre comment la reprise de dette évoquée pourrait s'effectuer. Je ne vais évidemment pas paraphraser les propos du Président de la République, mais rappeler simplement qu'il a clairement indiqué dimanche, comme le Gouvernement avait déjà eu l'occasion de le souligner, que l'État prendrait sa part et qu'une reprise de dette interviendrait à partir du 1er janvier 2020, de manière substantielle et progressive. Aucun élément chiffré n'a été donné et je pense que les informations qui viennent de vous être apportées montrent bien que l'on se situe dans un environnement mouvant. Martin Vial a notamment expliqué que l'État prendrait sa part, mais que des efforts étaient également attendus de l'entreprise. Nous ne sommes ainsi pas en mesure de répondre très précisément à la question des montants concernés et de l'impact d'une reprise de dette sur les grands agrégats de finances publiques. Je vais néanmoins tâcher de vous apporter quelques pistes sur les possibles, tout en étant explicite quant à l'état d'avancement de cette réforme globale de restauration des grands équilibres économiques de l'entreprise. J'ajoute par ailleurs que l'État décrit les impacts potentiels, mais que c'est le comptable national qui, in fine, se prononce sur nos grands agrégats de finances publiques de manière indépendante, comme en a témoigné la survenue d'une première requalification de dette sur la période la plus récente.

Il m'apparaît important de souligner qu'une reprise de dette est une opération dérogatoire très exceptionnelle ; c'est la raison pour laquelle les lois de finances en ont le monopole. Le moment venu, cela relèvera donc d'un projet de loi de finances, qui sera soumis à l'examen du Parlement et, au premier chef, de votre commission. Ces opérations de reprise de dette s'effectuent en application du 6° du II de l'article 34 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), qui prévoit explicitement cette possibilité, de manière encadrée. Ces opérations ont en effet vocation à être exceptionnelles, dès lors qu'elles aboutissent à mettre à la charge de l'État, donc du contribuable, le remboursement de la dette reprise et de ses intérêts. Depuis l'entrée en vigueur de la LOLF, cela s'est limité à un nombre réduit de cas.

Il existe concrètement plusieurs manières de reprendre une dette et nous ne sommes pas aujourd'hui en mesure de préciser laquelle sera choisie. Il peut s'agir d'une reprise directe, par laquelle l'État se substituerait, pour la part reprise, à SNCF Réseau comme débiteur. D'autres options sont également envisageables. Dans le cas de la reprise de dette déjà effectuée par l'État dans le cadre du service annexe d'amortissement de la dette (SAAD), pour un montant de plus de 8 milliards d'euros, la reprise s'était faite en passant par la Caisse de la dette publique. Le moment venu, nous reviendrons devant votre commission pour expliquer la modalité choisie et les raisons de ce choix.

Comme l'a expliqué Patrick Jeantet, le financement de SNCF Réseau est aujourd'hui principalement assuré par des émissions obligataires sur les marchés financiers, si bien que cela conduit à une multitude de créanciers et à des régimes juridiques applicables différents. Un changement de débiteur en tant que tel ne s'effectue pas du jour au lendemain, même s'il existe diverses solutions pour y parvenir.

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Michel Houdebine, chef économiste du Trésor

Je souhaiterais revenir sur un point de description de la situation actuelle. Cela concerne la façon dont le comptable national, à savoir l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), travaillant sous la supervision d'Eurostat, a retracé SNCF dans les comptes nationaux, utilisés notamment pour les notifications auprès de la Commission européenne.

Aujourd'hui, SNCF Réseau est classée en société non financière, donc en dehors des administrations publiques. Ce classement a été retenu par l'INSEE sur la base de plusieurs indicateurs, qualitatifs notamment. Il s'est ainsi agi de déterminer si l'unité, prenait ses décisions de manière autonome, se comportait en acteur de marché et avait la possibilité de faire face seule à des aléas économiques. Lorsque les réponses à ces questions sont plutôt négatives, l'INSEE a recours à un indicateur quantitatif, qui consiste à regarder si la part des recettes correspondant à des ventes – en l'occurrence les péages versés par les opérateurs circulant sur le réseau – excède 50 % des coûts de production. L'ensemble de cette analyse a conduit l'INSEE à classer SNCF Réseau en dehors des administrations publiques.

L'INSEE s'est ensuite demandé, en 2014, s'il ne convenait toutefois pas de reclasser une partie de la dette de SNCF Réseau dans les comptes des administrations publiques. L'INSEE s'appuyait, pour envisager cette possibilité, sur le constat que le gestionnaire d'infrastructures dépendait structurellement de l'État pour couvrir ses charges d'exploitation. Le principe finalement retenu a consisté à considérer que SNCF Réseau ne finançait qu'une partie de ses immobilisations avec ses recettes, le reste étant couvert par des transferts publics. L'INSEE a alors procédé à un calcul visant à estimer la part des immobilisations non couvertes par des recettes de péage ou des subventions directes à l'investissement. Cette estimation est annuelle et peut donc varier en fonction des comptes de l'entreprise. Cela conduit à ce que la structure de la dette de SNCF Réseau ne soit pas la même en comptabilité nationale que celle perçue au quotidien par l'entreprise, dans la mesure où une partie de cette dette est considérée comme un endettement auprès de l'État. Ainsi, c'est l'État qui finance implicitement SNCF Réseau. La contrepartie de cette démarche apparaît par ailleurs en miroir du côté de l'État, considéré comme s'endettant pour partie à la place de SNCF Réseau, avec à l'actif une créance sur SNCF Réseau. Cette opération retenue par l'INSEE n'a aucun effet sur le déficit, mais produit en revanche un effet à la hausse sur la dette des administrations publiques.

Je terminerai par quelques rappels sur les conséquences opérationnelles de cette requalification, au sens de la comptabilité nationale. Cette décision, relevant du comptable national et consistant à comptabiliser une partie de la dette de SNCF Réseau en dette des administrations publiques, s'effectue indépendamment du portage juridique tel qu'on le connaît aujourd'hui dans la structure SNCF Réseau. Cela n'a pas de conséquence juridique ou pratique pour l'entreprise, sinon d'accroître la dette publique au sens de Maastricht. Il n'y a ainsi aucune obligation pour les administrations publiques de prendre à leur charge les charges d'intérêts, donc pas de flux financier entre l'État et SNCF Réseau à ce titre dans la comptabilité nationale.

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L'expérience de reprise de dette de 8 milliards d'euros en 2007 avec le SAAD, évoquée par Mme Verdier, me paraît extrêmement intéressante. Il est en effet question aujourd'hui de savoir selon quelles modalités s'effectuera la récupération de la dette, en oubliant assez souvent que le cas s'est déjà produit concrètement. Peut-être serait-il opportun de revenir en détail sur la manière dont le dispositif a fonctionné, les conséquences sur le déficit et la dette publics et de voir si une comparaison est possible avec ce que nous souhaitons mettre en oeuvre progressivement à partir de 2020. Est-ce un bon modèle ou bien faut-il chercher des voies alternatives ?

Cette récupération de tout ou partie de la dette va-t-elle par ailleurs avoir des conséquences sur notre propre programme d'émission de dette en tant qu'État ? Il a été question de 1 milliard d'euros de coût de la dette pour la SNCF. J'aimerais savoir si cette reprise aurait un impact sur les frais de financement de la dette de l'État.

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Il est assez frustrant que la loi ferroviaire ait été votée hier sans que ce débat ait pu avoir lieu au préalable. Une audition présente néanmoins toujours une utilité : le pacte de stabilité étant discuté aujourd'hui, nous sommes finalement dans le timing pour ce qui est de la problématique de la stabilité, extrêmement importante au regard de la dette de SNCF Réseau.

Le système décrit est très complexe, notamment pour ce qui concerne le classement comptable de SNCF Réseau et de sa dette. Je vous invite donc à consulter le rapport que j'ai présenté sur le programme de stabilité (PSTAB) et qui vient d'être mis en ligne. Il comporte notamment un encart pédagogique à ce propos. SNCF Réseau est, ainsi que l'a rappelé M. Houdebine, classée en comptabilité nationale dans le secteur des sociétés non financières. Ce traitement suppose un ratio, qui est que les coûts de SNCF Réseau soient couverts par des recettes marchandes à plus de 50 %. Or chaque année, cette part est décroissante et s'approche de plus en plus de ce seuil de 50 %. Selon les chiffres de la Cour des comptes, elle n'était plus que de 54 % en 2016. Une politique est-elle mise en place pour éviter le décrochage, avant même toute question de reprise de la dette ? Je souhaiterais m'assurer que l'on se situe bien dans une perspective maîtrisée.

Ma seconde question s'adresse surtout à Madame la directrice du budget. J'aimerais que vous présentiez les modalités de reprise de la dette de SNCF Réseau susceptibles d'en limiter l'impact sur le déficit public et la dette publique. Il faut que notre commission soit vraiment informée des conséquences des différentes formes de reprise envisageables, en fonction des statuts actuel et futur des établissements concernés.

Ma troisième remarque est relative à la dette « infra ». J'aimerais que l'on puisse disposer un jour d'un coût comparé, notamment en matière d'efficacité, de la construction des lignes à grande vitesse entre la France et les autres pays. Je suis frontalier et connais bien l'Italie, qui a un mode de fonctionnement totalement différent du nôtre et que je trouve moins générateur de dette. Je partage totalement les propos de M. Vial, notamment sur l'impact bénéfique du contexte concurrentiel : l'arrivée d'Italo a ainsi permis d'augmenter le volume des péages, car il y a davantage de trains en circulation, mais aussi de faire baisser les tarifs. Cette question se pose pour les LGV, mais aussi pour l'ensemble des lignes. Nous sommes en effet le seul pays d'Europe à ne pas avoir de référentiel technique différencié selon les types de lignes, qui génèrent, s'agissant de lignes de montagne avec desserte cadencée, des coûts d'infrastructures parfois trois fois supérieurs entre la Suisse, l'Allemagne, l'Italie du Nord et la France. J'aimerais savoir s'il existe dans ce domaine une prospective intéressante pour contribuer au redressement des comptes de SNCF Réseau et pour informer pleinement les régions sur l'opportunité des travaux.

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Ma première question s'adressait à SNCF Réseau, mais vous y avez partiellement répondu en indiquant que la dette se composait d'une part des grands projets ferroviaires, d'autre part de déficits structurels en raison des charges plus élevées rencontrées dans cette entreprise. Le contrat de performance conclu le 20 avril 2017 entre l'État et SNCF Réseau prévoyait la poursuite de l'augmentation de la dette pendant dix ans, jusqu'à une quasi-stabilisation à 61 milliards d'euros en 2026. Le nouveau pacte ferroviaire voté hier vient mettre un coup d'arrêt à ce scénario. Le rapport rendu en février par M. Jean-Cyril Spinetta suggérait de recalibrer la trajectoire financière dessinée par ce contrat, estimant sur avis de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER) que les données retenues étaient critiquables, avant de pouvoir envisager tout transfert de dette à l'État. Comptez-vous suivre cette recommandation de M. Spinetta ?

Le Président de la République a par ailleurs annoncé dimanche soir une reprise progressive de la dette à partir de 2020. Pouvez-vous nous fournir des ordres de grandeur de reprise de la dette envisageables ? Envisagez-vous un transfert unique décidé par la loi ou un transfert progressif sur plusieurs années ? En 2007, l'État avait déjà repris, vous l'avez évoqué, 8 milliards d'euros de dette figurant dans une structure d'amortissement ad hoc de la SNCF. La situation actuelle est-elle comparable ?

Le rapport Spinetta suggérait en outre d'accompagner toute reprise partielle de la dette de dispositions interdisant pour l'avenir à SNCF Réseau de reconstituer une dette non soutenable. Il proposait notamment d'imposer à SNCF Réseau, devenue société nationale à capitaux publics, le respect d'un ratio de marge opérationnelle sur dette nette réduit par rapport à la règle d'or actuelle fixée à 18 fois la marge opérationnelle. Souscrivez-vous à cette proposition ?

Enfin, en cas de reprise de tout ou partie de la dette de la SNCF, quelles seront les conséquences sur le déficit public ? Quels seront les effets en cas de reprise immédiate ou progressive ? Si nous avions conservé le statut d'établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) pour SNCF Réseau, cela ne nous aurait-il pas laissé des marges de manoeuvre pour un étalement de la reprise de cette dette ? Quelle sera surtout la conséquence de ce changement de statut sur les contrats de concession passés ? Je pense typiquement au contrat de concession conclu avec LISEA pour la partie Tours-Bordeaux. On nous parle d'une augmentation de 700 millions d'euros due à ce changement de statut d'EPIC en société anonyme (SA). Pourriez-vous nous apporter des réponses sur l'ensemble de ces sujets ?

Je rejoins le rapporteur général pour déplorer que cette audition ait lieu après le vote du pacte ferroviaire.

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Amélie Verdier, directrice du budget

Vos questions nous invitent, bien que sous des aspects parfois différents, à évoquer l'impact de la reprise de la dette sur les finances publiques, en revenant notamment sur le précédent du SAAD. Il faut, sur ce sujet, avoir en tête qu'il existe plusieurs cas de figure. La dette du SAAD relevait historiquement de la SNCF et se trouve aujourd'hui dans la dette des administrations publiques, puisqu'elle a été reprise par l'État. L'État rembourse et supporte les intérêts. Il existe également le cas, rappelé par Michel Houdebine, de la dette portée par SNCF Réseau et requalifiée par l'INSEE, sous l'autorité d'Eurostat, en dette publique : cette dette est d'ores et déjà incluse dans la dette publique et le programme de stabilité, mais le remboursement des échéances et la charge d'intérêts reviennent à SNCF Réseau.

Vous nous interrogez sur l'impact d'une reprise annoncée : nous n'avons pas de montant à vous communiquer aujourd'hui, mais disposons simplement d'un calendrier et d'une méthode pour y faire face. Je puis seulement vous dire que, concrètement, une reprise de dette ne passe pas par une loi spécifique, mais nécessairement par une loi de finances. À partir du moment où cela sera voté par la représentation nationale, l'État se substituera à SNCF Réseau. Il existe pour ce faire diverses modalités : reviendra-t-il à l'Agence France Trésor (AFT) de faire face aux échéances ? Passera-t-on, comme dans le cas du SAAD, par la Caisse de la dette publique ? Ce sont là des options envisageables, auxquelles il faudra réfléchir en tenant compte de la multiplicité des créanciers.

Outre cet aspect que l'État soumet à la représentation nationale, il existe également un volet de traitement de finances publiques, effectué en toute indépendance par l'INSEE. Comme le souligne l'excellent rapport du rapporteur général sur le programme de stabilité, plusieurs cas sont possibles. Il faut être clair sur le fait que cette décision n'appartient pas au Gouvernement, mais à l'INSEE, dans le respect des règles européennes.

Je tiens à souligner que l'expérience du SAAD s'est déroulée voici plus de dix ans et que la jurisprudence du comptable national a évolué depuis lors. Des titres de ce service annexe de la dette, représentant une forme de cantonnement de cette portion de la dette de la SNCF, avaient été repris par l'État, qui s'était alors substitué juridiquement à la SNCF. En 2006, l'INSEE avait modifié des chroniques de dette et de déficit public pour tenir compte de cet engagement de l'État de rembourser la dette portée par le SAAD. Cela avait donc eu un impact sur les déficits passés. S'il s'agit effectivement d'un élément de comparaison, il convient de l'appréhender avec prudence, dans la mesure où des modifications sont intervenues depuis lors en matière de gouvernance. Aujourd'hui, l'État continue à rembourser la dette du SAAD, qui n'est pas encore complètement amortie.

L'un des critères appliqués à SNCF Réseau est effectivement d'avoir plus de 50 % de recettes marchandes. Vous avez fait référence au contrat de performance existant, qui prévoyait un maintien de cette proportion sur la durée. Certains éléments de ce contrat ont toutefois été remis en discussion dans le cadre du nouveau pacte de gouvernance.

J'ajoute que le changement de statut en société anonyme n'a pas d'impact pour le comptable national, qui regarde avant tout la réalité des flux économiques.

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Michel Houdebine, chef économiste du Trésor

S'il avait à traiter cette affaire aujourd'hui, peut-être le comptable national porterait-il un regard différent sur l'action qu'il avait mise en oeuvre à l'époque dans le cas du SAAD. En effet, la façon dont il fait les comptes nationaux évolue au fil du temps. Le SAAD a été créé en 1991 et visait à cantonner, au sein de la SNCF, une partie de sa dette. La comptabilité de cette structure était distincte de celle du reste du groupe SNCF et cette dette n'était pas consolidée dans la dette du groupe. L'État s'est alors engagé à verser une dotation annuelle pour reprendre progressivement cette dette. Le SAAD a ensuite repris, en 1993, en 1997 et en 1999, une partie de dette supplémentaire. Jusqu'en 2006, cette entité était considérée comme située en dehors des administrations publiques, donc ne jouant pas sur le déficit public ou la dette publique mais l'INSEE a ensuite estimé qu'elle devait l'inclure dans le champ des administrations publiques et modifier la façon dont elle était retracée dans les comptes du passé. Cela a ainsi conduit à rehausser la dette publique de la dette détenue par le SAAD durant toute cette période et à dégrader le déficit chacune des années où une dette a été reprise, donc en 1993, 1997 et 1999 notamment. Ainsi, le SAAD a été intégré in fine aux comptes publics, avec des effets ponctuels sur ces comptes au moment de la reprise de dette, le caveat étant qu'Eurostat, qui fait la doctrine pour les instituts nationaux, a fait évoluer cette dernière depuis 2006. Il appartiendra donc à l'INSEE, en dialogue avec Eurostat, de dire ce qu'il en serait à l'avenir.

Une question concernait par ailleurs le classement et notamment le critère utilisé. La proportion considérée a plutôt décru ces dernières années. Aujourd'hui, dans le cadre du contrat de performance, elle reste au-dessus des 50 % fixés par l'INSEE. Il convient toutefois d'être prudent, car ce critère est complexe, au sens où il regroupe divers éléments, reposant notamment sur les péages qui seraient perçus par SNCF Réseau sur la période en prévision, les redevances d'accès, les coûts de consommation de capital fixe, les consommations intermédiaires, les salaires, les taxes versées par SNCF Réseau et les charges d'intérêts nettes. Or chacun de ces éléments comporte des aspects d'incertitude, à la fois au regard de la réforme telle qu'elle sera finalisée et d'éléments extérieurs, la charge d'intérêts dépendant étroitement du cadre macro-économique dans lequel s'inscrira la trajectoire future de SNCF Réseau.

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Je souhaiterais compléter le propos concernant la couverture des coûts de production par les péages à hauteur de 50 %. Dans le contrat de performance, cette proportion était de 54 %, puis descendait à 51 % en 2020, avant de remonter entre 53 % et 55 % ensuite. Comme nous le savons, ce contrat va être modifié suite à la loi de réforme ferroviaire actuelle, avec des discussions sur les péages et leur indexation, ainsi que sur la productivité, importante dans le cadre de cette reprise de la dette. Comme le soulignait Martin Vial, il faut avoir en tête que, reprise de dette ou pas, nous sommes en déficit structurel, qu'il faut résorber. Il ne faut pas recréer de la dette ultérieurement.

Une autre question portait sur les contrats de concession et les partenariats public-privé (PPP). Il existe effectivement dans ces documents des clauses liées au changement de statut d'EPIC en société anonyme à capitaux publics. Il faudra que nous discutions avec les financiers de ces PPP pour trouver une solution.

Vous nous interrogiez également sur les coûts des lignes nouvelles et de la construction de lignes. Concernant les lignes nouvelles à grande vitesse en Europe, la comparaison est assez complexe, car elle dépend de très nombreux facteurs, dont la vitesse des trains et la géologie. Cela étant dit, je pense que le sujet des standards par rapport à certains types de lignes mérite réflexion. C'est d'ailleurs une réflexion que j'ai proposé de mener avec Régions de France et avec la DGITM, afin que nous envisagions de tels standards, notamment sur les petites lignes, ce qui impliquera des services différents. Il convient en effet, dans ce contexte, d'examiner le couple service-infrastructure et non pas l'infrastructure seule. Trop souvent en France, on mène des projets d'infrastructures pour eux-mêmes, sans se poser d'emblée la question du service. Il faut renverser cette tendance, de façon à pouvoir changer les standards.

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Comment SNCF Réseau envisage-t-elle ses investissements futurs ? Comment compte-t-elle structurer la dette certainement générée par les investissements à venir ? À quels taux ? Dans quelles conditions ? Comment faire en sorte que cette reprise graduelle, complexe et substantielle soit un événement isolé et ne soit pas amené à se répéter par manque de gestion futur ? Quelles leçons pouvons-nous tirer aujourd'hui pour l'avenir ?

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Le groupe des Républicains attendait cette audition avec beaucoup d'impatience. Je dois malheureusement vous faire part de sa déception. Nous n'avons, lors des débats relatifs au projet de loi ferroviaire, eu de cesse de poser des questions sur la structure de la dette, les modalités de sa reprise par l'État, le calendrier. Or nous n'avons, au travers de cette audition, obtenu aucune réponse. J'ajoute que je trouve inadmissible, pour un sujet de cette ampleur, d'effectuer une présentation sans document nous permettant d'examiner plus précisément la structuration de cette dette.

Il m'apparaît par ailleurs que le fait de ne disposer que d'une minute de temps de parole par groupe n'est pas adapté à l'importance du sujet traité, qui est récurrent depuis de nombreuses années. Nos concitoyens attendent de la qualité et veulent voir la SNCF sortir de cette situation et se préparer à l'ouverture à la concurrence. Or nous nous retrouvons, sur un sujet très technique, face à une présentation très nébuleuse. En tant que parlementaire, j'ai le sentiment, alors qu'il me semblait auparavant comprendre la question de la SNCF et de la dette, de saisir moins bien la situation qu'avant d'assister à cette audition.

Je souhaiterais savoir quelle pourrait être la position de Bruxelles sur la reprise éventuelle de cette dette par l'État. Quelles en seront les incidences ? Quels seront les avantages de passer du statut d'EPIC à celui de SA ?

Le ministre Bruno Le Maire a annoncé l'achat de 100 rames par Alstom. Quel va être l'impact de cet achat sur la dette qui, s'y j'ai bien compris, est structurée en deux pans que sont SNCF Réseau et SNCF Mobilités ?

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Concernant les questions de documentation, je veillerai personnellement à ce qu'un compte rendu de cette audition soit rédigé et à ce que nous puissions disposer a posteriori de documents de la part des intervenants.

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Je pense que l'on ne peut parler de la dette sans évoquer l'actif. Cela me semble plus que nécessaire et est retracé dans les 152 pages des comptes du groupe SNCF pour l'année 2017. Je vous renvoie précisément à la page 147 et dois vous avouer être plus qu'inquiet. La dette est-elle certaine et correctement évaluée ? Il est en effet préférable, lorsque l'on reprend une dette, de disposer de l'exhaustivité de la somme. L'actif est-il réel ? Les commissaires aux comptes de ce groupe, qui sont PricewaterhouseCoopers et Ernst and Young, indiquent à la page 147 que « des aléas et des incertitudes majeurs pèsent donc sur les hypothèses pour l'évaluation des actifs corporels et incorporels ». Ils ajoutent qu'ils ne sont pas, pour ces raisons, « en mesure d'apprécier le caractère probant de ces projections et des conséquences ». Ils citent ensuite des chiffres relatifs à la valeur nette après dépréciation de l'actif « infrastructures », qui s'élève à 32,8 milliards d'euros, à la valeur nette après dépréciation des actifs « gares et connexions », s'élevant à 1,7 milliard d'euros, et au montant des actifs d'impôts différés, qui ressortent à 5,2 milliards d'euros. Avec une telle réserve exprimée, je suis plus qu'inquiet vis-à-vis des comptes consolidés, dont vous avez rappelé qu'ils étaient arrêtés avec des normes comptables IFRS.

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Mes chers collègues, nous sommes en train de vivre ce qu'est un Parlement humilié. Nous avons voté un amendement, concernant la transformation des trois EPIC en SA : or il ne peut y avoir de société anonyme sans des capitaux propres au moins positifs. Quel est le montant des capitaux propres négatifs de SNCF Réseau, monsieur le président directeur général ? Il est de 12 milliards d'euros à fin 2017. Le minimum est donc de reprendre ce montant. Il reste encore 46 milliards d'euros de dette IRFS nette, ce qui correspond en brut à 55 milliards d'euros, sans compter la dette « grise », c'est-à-dire la valeur actualisée des déficits futurs sur les lignes LGV, qui ont été financées dans des conditions déséquilibrées. Cela représente, sur la valeur d'usage, un différentiel de 9 milliards d'euros.

Mes deux questions sont très simples : quel est le montant de la dette de SNCF Réseau, voire du groupe SNCF, qu'il faut reprendre pour rendre viable l'ensemble ? Selon quelle technique cette reprise s'effectuera-t-elle et quelles en seront les incidences d'une part sur le déficit budgétaire, d'autre part sur la dette publique de l'État, sachant que figurent déjà dans cette dernière 10,6 milliards d'euros, chiffre qui ne nous a d'ailleurs pas été communiqué, alors qu'il figure dans les comptes publics ?

Pouvez-vous, mesdames et messieurs les hauts fonctionnaires de l'État, répondre aux représentants du peuple français ?

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Je partage la colère qui vient d'être exprimée par mes collègues. Vous ne pouvez vous présenter devant notre commission des finances sans avoir un tableau précis vous permettant de nous indiquer le montant actuel de la dette incluse dans la dette maastrichtienne et le montant qui serait inclus dans la dette maastrichtienne selon les différents scénarios envisagés. Or nous savons aujourd'hui que la SNCF paie 1,5 milliard d'euros d'intérêts par an. En cas de transfert de dette, cette somme sera-t-elle payée ou non par l'État ? Il s'agit d'un montant important.

La seconde question, très justement posée par mon collègue Charles de Courson, concerne le fait qu'une SA nécessite de disposer de capitaux. Où va-t-on chercher l'argent ? Qui mettra l'argent nécessaire ? Quel impact cela aura-t-il sur nos finances publiques ? Nous allons discuter cet après-midi du document que le Gouvernement remet à Bruxelles pour le pacte de stabilité : il ne comporte aucune information à ce propos, ce qui signifie qu'il est insincère. Je vois deux possibilités : soit le Président de la République a menti dimanche soir en indiquant qu'il reprenait la dette, soit s'il reprend la dette, il faut le faire figurer dans le programme de stabilité envoyé à Bruxelles. Le rapporteur général a produit un excellent tableau, en page 46 de son rapport, dans lequel il pose des questions ; or vous ne lui avez donné aucune réponse. Je vous rappelle qu'il est question de milliards d'euros. Nous n'avons pas besoin d'entrer dans le détail de la cuisine comptable que vous utilisez, mais de connaître le résultat et trois scénarios, avec les hypothèses retenues et l'impact potentiel sur les finances publiques, à la fois sur la dette maastrichtienne notifiée à Bruxelles et sur le déficit public.

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J'espère que la vidéo de cette séance va être largement diffusée, car elle me semble très éclairante. On nous explique en effet la loi ferroviaire au nom de la dette. Je pense que la responsabilité n'incombe pas exclusivement aux fonctionnaires de l'État ici présents ou aux représentants de la SNCF, mais aussi aux responsables politiques. Nous ne sommes en effet absolument pas éclairés par vos explications. Vous remarquerez d'ailleurs que cette appréciation est transversale en termes d'opinions politiques. Il apparaît en outre que, selon l'analyse faite de la dette, les lois peuvent être très différentes.

Je souhaiterais vous faire part de quelques énoncés, afin que vous puissiez réagir. Concernant l'origine de la dette, il est dit que l'héritage historique des compagnies privées déficitaires d'avant la nationalisation était de 30 milliards de francs. J'aimerais entendre votre réaction à ce propos.

Quid du coût de la séparation rail – roulant sur la dette ?

Quid du sous-investissement de l'État ? Je rappelle que 66 % de l'investissement de l'État va, depuis 1990, vers la route et 17 % vers le rail. La dépense de rénovation est donc multipliée par trois en dix ans. Êtes-vous d'accord avec ces chiffres ?

Quid du coût d'emprunt sur les marchés financiers, largement dû au sous-investissement de l'État, de l'ordre de 10,3 milliards d'euros entre 2000 et 2017 ? Confirmez-vous ces chiffres ? Cela signifierait que sur 100 euros empruntés, 41 euros seraient utilisés pour les besoins du réseau, tandis que 59 euros seraient consacrés au coût financier.

Quid du « tout LGV », estimé d'après nos sources à 23 milliards d'euros, avec une inflation galopante ?

Quid des mauvais choix de partenariats public-privé ? Je pense notamment à LISEA, sur Tours-Bordeaux, avec 2,4 milliards d'euros consentis par le concessionnaire LISEA sur les 7,6 milliards du total, le tout allant à l'État, pour une ligne qui engendrerait, d'après mes chiffres, 250 millions d'euros de déficit annuel pour la SNCF. J'aimerais recueillir votre réaction à ce propos.

Est-il, au regard de tous ces éléments, vraiment sérieux d'affirmer que c'est prioritairement le statut des cheminots qui explique la dette ? Ne pensez-vous pas qu'un ensemble de mauvaises décisions prises depuis vingt ans par la direction de la SNCF et par l'État expliquent largement cette dette ?

N'êtes-vous pas inquiets sur l'autoconcurrence que va développer la SNCF dans les années à venir, notamment avec les cars ? L'ARAFER estime par exemple qu'entre fin octobre 2015 et fin 2016, les « cars Macron » ont retiré 1,9 million de voyages à la SNCF, ce qui est évidemment autant d'argent qui fera défaut dans les comptes de l'entreprise.

Merci pour vos réponses.

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Je tiens tout d'abord à exprimer ma solidarité avec les cheminots qui luttent et qui, au vu de ce qui se passe ce matin, ont encore du grain à moudre.

Il a été fait état d'une dette de 45,2 milliards d'euros : je souhaiterais savoir qui détient cette dette et à qui nous versons 1,5 milliard d'euros.

Vous avez déclaré, monsieur Jeantet, que le statut des cheminots n'était pas la seule raison pour laquelle la SNCF était plus chère, mais qu'il entrait en jeu pour un bon tiers et que la réforme allait permettre davantage de flexibilité. Vous confirmez donc avoir l'intention de faire des économies sur les rémunérations, revues à la baisse pour les futurs cheminots, donc de dégager des marges en abaissant le coût du travail ? Vous mettez comme à l'accoutumée en avant une amélioration de la qualité de service, ce qui est assez paradoxal.

Nous allons examiner cet après-midi le programme de stabilité 2018-2022, qui ne comporte rien sur la dette, ni sur les modalités de reprise ou d'inscription, ou encore sur la promesse des investissements également mis en avant. Permettez-moi, de ce point de vue, d'insister sur l'avenir des petites lignes. Ce dossier très sensible va être transféré aux régions et il est facile dans ce contexte d'affirmer que ces petites lignes seront maintenues.

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Martin Vial, commissaire aux participations de l'État

Merci pour vos questions. Je souhaiterais, avant de céder la parole à M. Jeantet et à Mme Verdier, répondre à la frustration exprimée par certaines et certains d'entre vous. Il n'y a aucune volonté de notre part de masquer les chiffres. La première réponse que je puis vous apporter est que, naturellement, nous remettrons une documentation, comme chaque fois que cela nous est demandé par le Parlement à l'occasion de questions écrites ou de questions spécifiques des commissions d'enquête et des commissions parlementaires.

M. Houdebine a clairement précisé que figuraient aujourd'hui dans la dette de SNCF Réseau 11 milliards d'euros traités comme une dette maastrichtienne par le comptable national et par Eurostat.

La frustration exprimée est liée, d'une façon plus générale, au fait de ne pas connaître le montant qui va être l'objet de la reprise, la manière dont celle-ci va se dérouler et les modalités techniques concernant les futures sociétés anonymes et l'État. Ainsi que l'a expliqué le Président de la République dimanche, la progressivité, le quantum et les modalités font encore l'objet de discussions avec les organisations syndicales de la SNCF et avec l'entreprise. La directrice du budget a en outre rappelé que toutes ces décisions seraient soumises à votre commission et au Parlement, puisqu'il s'agit de décisions passant en loi de finances.

Un calendrier a été annoncé par le Premier ministre à la fin de l'hiver. Il a ainsi été demandé une feuille de route à l'entreprise, qui l'a remise. Un volet économique sera en outre remis d'ici l'été, qui comprendra l'ensemble des paramètres économiques concernant à la fois les trajectoires financières de l'entreprise, les efforts qu'elle pourra fournir et la façon dont la soutenabilité financière, notamment sur le bilan de SNCF Réseau, sera établie. Ce travail étant en cours, nous ne pouvons répondre dans l'immédiat à la totalité de vos questions.

En comptes sociaux, l'EPIC Réseau a des capitaux propres positifs de 10 milliards d'euros, alors qu'en comptes consolidés, c'est-à-dire en normes IFRS, la situation nette est effectivement négative de 12 milliards d'euros. Je souhaiterais lever une ambiguïté sur ce sujet, en précisant que ces 12 milliards de situation nette ne s'ajoutent pas à la dette existante, si bien que le jour où l'État reprendra un euro de dette, cela améliorera la situation nette d'un euro. Il s'agit d'un mécanisme comptable : cela revient en effet à enlever un passif du même montant à la société. Ces deux sommes ne s'ajoutent pas et ces 12 milliards sont liés au passif de la dette.

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Nous touchons, me semble-t-il, à un aspect très important : le fait qu'un euro repris équivaut à un euro gagné en situation nette. Pouvez-vous expliquer ce mécanisme ?

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Martin Vial, commissaire aux participations de l'État

Dans un bilan d'entreprise, on trouve le passif, avec la dette et les capitaux propres d'un côté, et de l'autre côté les actifs, c'est-à-dire essentiellement les immobilisations et les créances de toutes sortes, y compris la trésorerie. Le fait de réduire le passif sur la partie endettement conduit à améliorer automatiquement les fonds propres, en réduisant l'engagement vis-à-vis des tiers. Il s'agit d'un phénomène mécanique. Ainsi, au fur et à mesure de la reprise progressive de la dette par l'État, la situation nette de l'entreprise sera mécaniquement améliorée.

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Amélie Verdier, directrice du budget

Une reprise de dette impacte nécessairement le programme de financement de l'État. Au moment où la représentation nationale décidera, dans une loi de finances, d'un montant repris, l'État devra émettre davantage d'obligations pour financer cette dette et paiera plus de charges d'intérêts. Je n'avais pas le sentiment d'avoir dissimulé cet élément, monsieur de Courson, et en fais de nouveau état devant vous. Cela dépendra, bien sûr, de la trajectoire de solde public qui sera alors celle de l'État. Nous oeuvrons par ailleurs pour réduire les déficits : moins il y aura de besoin de financement, moins l'impact dépréciatif sera important. Cela dépendra aussi du redressement de la trajectoire sur le reste.

8 milliards d'euros de dette ont été repris au titre du SAAD. 11 milliards d'euros de dette sont aujourd'hui inclus dans la dette publique et supportés par SNCF Réseau. Pour ce qui est de l'avenir, nous n'avons pas la réponse à votre question, pour les raisons évoquées par Martin Vial. Je rappelle simplement que le chiffre actuel de la dette est de 45 milliards d'euros. Nous avons en outre évoqué la dynamique de la dette et les motifs de la réforme, visant à l'infléchir. Nous ne sommes pas aujourd'hui en mesure de dire quel en sera le montant en projection. Des discussions sont en cours.

Quels sont les cas possibles ? Si aujourd'hui SNCF Réseau n'est pas classée parmi les administrations publiques, une partie de la dette qu'elle porte a été requalifiée en dette publique.

Si une reprise de dette se fait alors que SNCF Réseau est toujours comptabilisée par le comptable national en dehors des administrations publiques, cela aura un impact sur la dette et probablement sur le déficit public. Il n'est pas possible de définir à l'avance comment ce traitement sera fait, puisque que nous ne connaissons ni le montant ni la situation économique de l'entreprise à cette date et que ce n'est pas l'État qui effectue cette qualification.

Si, à la date de la reprise, SNCF Réseau est reclassée dans les administrations publiques, il y aura un impact à la fois sur la dette publique et sur le déficit public.

Le programme de stabilité a été transmis le 13 avril dernier et va être discuté à compter de cet après-midi. Il s'agit d'une actualisation de la loi de programmation de finances publiques à partir des comptes désormais connus de 2017, d'une actualisation des conditions macro-économiques qui en sont l'essentiel. Cette trajectoire de programmation n'intègre pas de réformes en cours de discussion, alors même que la situation n'est ni sur les comptes 2017, ni sur les comptes 2018. Le Président de la République a redit dimanche qu'il envisageait une reprise progressive, à partir de 2020. Le moment venu, cela sera intégré à la trajectoire de programmation. La situation s'est déjà produite par le passé : le principe est de n'intégrer dans la trajectoire que les éléments connus avec suffisamment de précision, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

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Bien évidemment, nous vous transmettrons tous les documents nécessaires, avec l'ensemble des chiffres demandés et exposés aujourd'hui.

Concernant votre question sur la prospective, je pense qu'il est vital, à l'occasion de ce sujet de la reprise de la dette, que le futur de SNCF Réseau soit assuré. C'est là l'objet de travaux menés actuellement entre SNCF Réseau et l'État pour envisager tous les éléments du business plan futur de SNCF Réseau, incluant les niveaux de péages, la productivité et les investissements. En 2017, nous avions 2 milliards d'euros de cash flow négatif structurel, 1,1 milliard d'euros de frais financiers et 900 millions d'euros de déficit structurel d'exploitation après investissements de rénovation. Nous sommes en train, à partir de ces données, de bâtir le futur, avec l'objectif très clair de ne pas recréer la même situation dans quelques années. Cela est essentiel pour nous et pour l'État.

Le passage du statut d'EPIC au statut de SA ne devra pas nous empêcher de continuer d'emprunter. Il est donc important de le structurer correctement, pour que le niveau et le coût des emprunts restent raisonnables. Le passage en SA revêt pour SNCF Réseau un aspect très important, dans la mesure où cela constitue à mes yeux une seconde règle d'or : à partir du moment où nous aurons les capitaux, nous ne pourrons pas emprunter à tout va. Le second avantage réside dans le fait que nous allons devenir une véritable entreprise, comme le sont aujourd'hui deux tiers des gestionnaires d'infrastructures européens, et pourrons adopter les règles managériales d'une entreprise normale, ce qui me paraît essentiel. Cela constitue à mes yeux l'un des acquis majeurs que cette réforme propose.

Je tiens par ailleurs à préciser qu'il n'y a pas de dette « grise » à proprement parler, puisque la quote-part des investissements effectuée par SNCF Réseau est bien incluse dans la dette de 45 milliards d'euros que nous avons mentionnée. Certes, il peut y avoir des déficits, mais ce sont des déficits après amortissement et la dette sera déjà prise en compte. Les péages couvrent en outre, évidemment, les coûts d'exploitation.

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Il faut que vous compreniez, monsieur le président de SNCF Réseau, mesdames et messieurs les représentants de l'État, que nous sommes en train de vous aider. Notre indignation est à la hauteur des enjeux de la SNCF. Nous ressentons un petit pincement, au lendemain du vote d'un texte que nous avons soutenu très majoritairement : lorsqu'il s'agit de suivre des amendements de 200 000 euros, cela est passé au microscope électronique de Bercy, mais lorsqu'il s'agit de 60 milliards d'euros, il n'y a plus de problème. Pourquoi 60 milliards ? Parce qu'il faut ajouter, à 46 milliards, les 8 milliards de SNCF Mobilités et la dette grise, ce qui fait 63 milliards, sans compter la dérive. J'ai écouté avec beaucoup d'attention le président Jeantet ce matin sur le groupe Radio France, qui indiquait qu'il pensait encore qu'il y aurait une reprise complète de la dette. Il s'agit donc de 60 milliards d'euros pour donner la capacité au navire amiral de la SNCF de retrouver un avenir positif. À combien doit, au minimum, s'élever la reprise de la dette par l'État pour que la soutenabilité des engagements de la SNCF puisse se faire ? Sinon, il s'agirait d'une trahison totale, pour les cheminots, pour la représentation nationale et pour la France.

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Nous venions ici avec des attentes et des questions. Nous repartons avec un message. J'ai noté, madame Verdier, que vous aviez repris ce que chacun a pu entendre dans la bouche du Président de la République lors de sa conférence de presse de dimanche, à savoir « reprise substantielle et progressive ». Il faudra, à un moment donné, être plus précis : la direction du budget va assurément au-delà de la sémantique. La seule certitude dont nous disposons aujourd'hui est une date, celle du 1er janvier 2020. À part cela, nous n'avons absolument aucune vision. Peut-on par exemple transposer au cas de SNCF Réseau le dispositif utilisé par l'État dans le cadre de la reprise de la dette de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) ? Dans les trois scénarios de reprise de la dette, quelles sont les conséquences en termes de déficit maastrichtien et de finances publiques ? J'imagine que la direction du budget doit être en capacité de procéder à ces simulations et ces projections, avec un étalon.

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Je partage l'indignation de mes collègues sur l'absence de documents. J'ai déjà une certaine habitude de ce genre de situation dans ma circonscription, dans laquelle un site était en difficulté ; aucun document ne nous avait été fourni pour présenter le projet stratégique, bien que des emplois soient en jeu.

Ma question porte sur les perspectives d'avenir et les moyens d'assurer la soutenabilité de cette entreprise. Demain, l'entreprise va devoir faire face à une concurrence. J'aurais souhaité savoir quels étaient les scénarios possibles de reprise de dette pour que le service public que nous souhaitons proroger puisse se dérouler dans de bonnes conditions.

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Nous avons été ensevelis sous des considérations de technique financière, auxquelles je n'ai pas compris grand-chose, si ce n'est que nous sommes face à une quadrature de cercle, puisqu'il existe un endettement cumulé qu'il faut maîtriser et qui coûte déjà très cher en termes d'intérêts, qu'il faut investir parce que le réseau le nécessite et que de grands projets sont annoncés, et qu'il ne faut pas compter sur l'autofinancement puisque les bénéfices dégagés sont de l'ordre de 1,3 milliard d'euros et les remboursements d'intérêts de 1,5 milliards d'euros.

Ma question est la suivante : quelles sont vos priorités ? Comment allez-vous gérer cette situation a priori inextricable ? Allez-vous augmenter les tarifs, récupérer des bénéfices sur le statut du personnel, bloquer les investissements et renoncer aux grands travaux, faire prendre en compte une partie de la dette par l'État et à quelle hauteur – 0,5 point de PIB ? 1 point de PIB ? 1,5 point de PIB ? – ou cacher la dette par des créations artificielles de structures financières, ce qui ne changerait rien sur le fond ?

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J'aimerais revenir sur la question du déficit d'exploitation structurel, qui alimente annuellement la dette. Vous avez évoqué une stratégie de réduction des coûts de production ; je souhaiterais vous interroger sur votre stratégie d'augmentation des recettes.

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Au regard des dernières actualités, jour après jour, voire heure après heure, nous voyons bien qu'un tournant est en train de se dessiner pour la SNCF dans sa globalité. Il s'agit là d'un changement certes complexe, mais ô combien nécessaire. Il suffit de regarder l'historique de la SNCF pour comprendre qu'au-delà des considérations concurrentielles et des marchés, la véritable question sur le financement de ses propres entités est restée en suspens pendant plusieurs décennies. Sous les conditions maastrichtiennes, d'une nécessaire complexité, d'un maintien du ratio dette-PIB, de l'exigence européenne imposant l'indépendance du gestionnaire de réseau vis-à-vis de la compagnie ferroviaire, les jeux d'écritures comptables ont dû s'adapter au gré des changements socio-économiques.

Entre la création, déjà ancienne, du SAAD, destiné à assainir de manière durable la situation financière de l'entreprise, la création de RFF en 1997, puis des deux entités en 2014, avec d'un côté la SNCF Réseau et de l'autre la SNCF Mobilités, comment entendez-vous apporter un assainissement pérenne et viable ? Pensez-vous qu'une caisse d'amortissement de la dette ferroviaire soit envisageable, étant donné la complexité et le morcellement comptable et juridique de la dette, historiquement parlant ? Au regard de l'importance de la dette et de la situation, à quand des études d'impact susceptibles de nous éclairer ? C'est bien là, me semble-t-il, le minimum que nous puissions obtenir.

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Je souscris à la demande de mes collègues de disposer de documents susceptibles de compléter les informations que vous nous avez données. Il s'agit non seulement d'une question de respect et de sérieux, mais aussi tout simplement de compréhension d'un sujet compliqué et important.

Ma question porte sur la dette sociale : je souhaiterais savoir comment elle s'apprécie, notamment au regard du déséquilibre des régimes de retraite et de l'obligation de mise en équité concurrentielle, avec la mise en concurrence de l'ensemble des activités de l'entreprise.

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Martin Vial, commissaire aux participations de l'État

Je comprends totalement vos demandes et vous réaffirme que nous n'avons aucune volonté de masquer quoi que ce soit à la représentation nationale.

La question précise et récurrente est de savoir combien l'État va reprendre et de quelle façon. Or il n'est pas possible, aujourd'hui, d'y apporter une réponse. Si l'on gardait le contrat de performance actuel, la dette monterait à plus de 60 milliards d'euros. Nous ne sommes donc pas seulement obligés de considérer la situation actuelle, mais aussi d'envisager le futur. De ce point de vue, si le déficit d'exploitation, en dehors des frais financiers, de l'ordre de 1,5 milliard par an, cesse d'être un déficit et devient positif, cela ouvrirait un nouveau monde sur le plan de la soutenabilité financière. C'est en ce sens que nous ne pouvons pas, aujourd'hui, dire que l'État reprendra X milliards d'euros, car il faudrait pour ce faire disposer d'une projection sur les résultats financiers de SNCF Réseau, afin de se donner une cible de niveau en valeur absolue, mais surtout une cible de rapport entre la dette et la marge opérationnelle, car c'est bien, à la fin des fins, ce rapport qui va être déterminant sur le niveau cible de la dette et la soutenabilité financière. Nous souhaitons évidemment pouvoir répondre aussi vite que possible à cette question, mais cela est lié à la projection et au travail que nous effectuons avec la SNCF sur le résultat que la réforme telle qu'elle a été votée hier en première lecture par l'Assemblée nationale aura sur la compétitivité de l'entreprise. C'est la raison pour laquelle nous ne pouvons pas répondre précisément à cette question.

Il faut par ailleurs, en effet, pouvoir investir. Dans les éléments de cash flow futurs, le niveau d'investissement sera déterminant. Le critère de résultat d'exploitation et d'investissement de SNCF Réseau – dont le Président de la République, le Premier ministre et la ministre des transports ont clairement affirmé leur volonté qu'il soit renforcé et financièrement soutenable – va permettre de déterminer la cible de niveau d'endettement, en rapport au résultat d'exploitation. C'est tout le travail qui nous attend dans les prochaines semaines et les prochains mois.

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Nous avons un travail considérable à mener sur trois leviers et notamment celui, extrêmement important, de la productivité, afin de faire basculer le résultat d'exploitation positivement. Certains leviers sont de l'ordre du monde du numérique, qui permet d'automatiser davantage nos systèmes. Je vous rappelle que le système ferroviaire français fonctionne aujourd'hui sur des technologies de la première moitié du XXe siècle. Un tiers des postes d'aiguillage datent d'avant 1950. Il y a donc énormément à faire dans ce domaine.

Le deuxième sujet était celui des recettes. Nous disposons là de deux axes de développement. Le premier est une structuration des péages plus incitative qu'elle ne l'est aujourd'hui. Nous travaillons sur ce sujet, sous l'autorité de l'ARAFER, et envisageons notamment de proposer des péages plus attractifs, en 2019 dans une première phase, et sans doute en 2020 ou 2021 dans une phase plus accomplie. Sur l'axe Paris-Lyon, par exemple, où le système est très saturé et la demande potentiellement croissante, il serait possible d'augmenter les péages. À l'inverse, on pourrait, sur des destinations qui aujourd'hui peinent à atteindre l'équilibre, baisser les péages pour faire baisser les prix. Cette structuration des péages pourrait ainsi aider les entreprises ferroviaires à avoir des offres plus attractives, donc à remplir davantage les trains et à avoir plus de trains.

Il faudrait par ailleurs, sur les parties les plus circulées, pouvoir mettre plus de capacité. Cela passe par des systèmes de contrôle commande des trains, qui existent technologiquement. Le premier exemple est celui du NExTEO, que nous sommes en train d'installer sur le tunnel EOLE en Île-de-France et qui va nous permettre de passer d'un train toutes les 3 minutes à un train toutes les 100 secondes, donc d'augmenter substantiellement la capacité, avec à la clef pour nous des recettes de péage supplémentaires. Le même genre de système existe sur la longue distance : sur l'axe Paris-Lyon, la capacité pourra augmenter de 25 %. Cela apportera des circulations et des péages supplémentaires. Évidemment, les investissements supposent toujours un horizon relativement éloigné, tandis qu'il est possible d'aller beaucoup plus vite dans la mise en oeuvre des mesures de productivité. Il faut savoir en outre que sur le réseau classique, nous avons en France trente ans de sous-investissement. Il suffit pour s'en rendre compte de comparer avec nos voisins allemand et anglais.

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Je comprends que vous ne puissiez pas forcément nous donner d'éléments précis aujourd'hui, notamment parce que le Président de la République et le Gouvernement souhaitent au préalable s'assurer qu'au moment où sera annoncée la reprise de tout ou partie de la dette, on ne recréera plus de dette et que le déficit sera effacé. De ce point de vue, nous souhaiterions savoir si les dispositions prévues pour effacer ce déficit, qu'il s'agisse de la réorganisation, de la polyvalence ou du statut, sont crédibles, efficaces, et de nature à effacer progressivement les 1,5 milliard d'euros de déficit sur les années à venir et peut-être d'ici 2020. On pourrait par ailleurs très bien, dès aujourd'hui, arrêter le montant de la dette au montant connu et expliquer comment on compte traiter cette partie de la dette à partir de 2020, puis isoler ce qui va encore se produire durant les quelques années suivantes. Il serait ainsi possible de scinder les choses et de fournir des éléments de réponse sur cette base. Ce fut le cas pour la dette de la CADES.

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Amélie Verdier, directrice du budget

Nous avons essayé d'être les plus transparents possibles dans nos propos et je réitère en notre nom à tous notre entière disponibilité vis-à-vis des parlementaires. La difficulté est que tout cela est en cours d'élaboration. Plusieurs options sont envisagées. L'impact reste toutefois le même, que l'on passe par la Caisse de la dette publique ou par l'Agence France Trésor : cela ne change absolument rien quant à la charge d'intérêts ou à la dette.

L'idée de procéder, comme vous le suggérez, à un cantonnement, fait partie des sujets à l'étude. Il est important de réaffirmer que si nous avons donné du temps au temps, l'objectif est avant tout la restauration des grands équilibres économiques. Cela permettra aussi de bien préciser les modalités de reprise.

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On voit bien, au fil de cette audition, que le sujet de la dette est extrêmement lourd et mérite des études approfondies, loin des agitations médiatiques et des postures. Je constate que nos collègues d'opposition ne sont plus dans la salle. Je rappelle que les annonces du Président de la République datent de quelques heures seulement. Je fais confiance aux services de l'État et à SNCF Réseau pour travailler sur ce sujet et salue le volontarisme du Gouvernement. Cette démarche est inédite, puisque l'on se contentait jusqu'alors de faire de la cavalerie budgétaire. Je pense qu'il serait de bon ton de se donner rendez-vous une fois que vous aurez avancé dans vos travaux. Je vous remercie, monsieur le président, ainsi que l'ensemble des acteurs qui nous ont présenté leur travail.

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Je vous remercie à mon tour chaleureusement, mesdames, messieurs, pour avoir répondu à nos questions, lors de cette audition quelque peu agitée. Si nous pouvons disposer d'une documentation a posteriori, nous la ferons circuler bien volontiers.

Membres présents ou excusés

Réunion du mercredi 18 avril 2018 à 11 heures

Présents. - M. Éric Alauzet, M. Jean-Noël Barrot, Mme Émilie Bonnivard, M. Jean-Louis Bricout, Mme Émilie Cariou, M. Michel Castellani, M. Jean-René Cazeneuve, M. Philippe Chassaing, M. Éric Coquerel, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, Mme Dominique David, M. Jean-Paul Dufrègne, Mme Stella Dupont, Mme Sarah El Haïry, M. Nicolas Forissier, M. Joël Giraud, Mme Perrine Goulet, M. Romain Grau, M. Stanislas Guerini, M. Alexandre Holroyd, M. Christophe Jerretie, M. François Jolivet, M. Daniel Labaronne, Mme Valérie Lacroute, M. Mohamed Laqhila, M. Michel Lauzzana, M. Gilles Le Gendre, M. Fabrice Le Vigoureux, Mme Véronique Louwagie, Mme Marie-Ange Magne, Mme Lise Magnier, Mme Amélie de Montchalin, Mme Cendra Motin, Mme Catherine Osson, M. Xavier Paluszkiewicz, M. Hervé Pellois, Mme Bénédicte Peyrol, Mme Sylvia Pinel, Mme Christine Pires Beaune, M. François Pupponi, Mme Valérie Rabault, M. Xavier Roseren, M. Laurent Saint-Martin, M. Jacques Savatier, M. Benoit Simian, M. Philippe Vigier

Excusés. - Mme Justine Benin, Mme Sophie Errante, M. Marc Le Fur, M. Fabien Roussel, M. Olivier Serva, M. Éric Woerth

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