Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 29 mai 2019 à 9h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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Présidence

La commission entend Mme Michèle Pappalardo, rapporteure générale de la Cour des comptes, et M. Jean-Michel Thornary, président de la formation inter-juridictions, sur le rapport d'enquête réalisé par la Cour, en application du 2° de l'article 58 de la loi organique relative aux lois de finances, sur les sociétés d'économie mixte locales.

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En ce Printemps de l'évaluation nous parlons beaucoup de la Cour des comptes ; nous nous appuyons beaucoup sur vos travaux, les rapporteurs spéciaux en particulier ; c'était un des objectifs et il faut que ce soit de plus en plus naturel.

Nous avions demandé ce rapport sur les sociétés d'économie mixte locales dans le cadre du 2° de l'article 58 de la loi organique relative aux lois de finances. Je vais prochainement prendre contact avec le Premier président, pour mieux assurer le suivi de ces « 58-2° ». Je sais que vous êtes extrêmement sensibles au suivi des rapports de la Cour de manière générale ; nous pourrons l'être encore plus sur les rapports que nous avons demandés.

Je rappelle qu'il a été demandé aux commissaires de faire connaître aujourd'hui au plus tard leurs propositions de thèmes pour les rapports que la Cour nous remettra au printemps 2020. Je dois adresser vos demandes au Premier président début juillet, mais auparavant, le bureau de la commission doit examiner les différentes propositions et les expertiser.

Nous avons demandé à la Cour d'enquêter sur les sociétés d'économie mixte locales car c'est un sujet assez peu connu. Tout le monde connaît les sociétés d'économie mixte locales – il y en a ici ou là sur de nombreux sujets ; cela a fait l'objet de nombreux rapports, notamment des chambres régionales des comptes, mais c'est un objet qu'il est important d'actualiser dans la connaissance que nous en avons et les propositions que nous pouvons faire.

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Jean-Michel Thornary, président de la formation inter-juridictions de la Cour des comptes

Je souhaite tout d'abord vous présenter les excuses du Premier président Didier Migaud qui n'a malheureusement pas pu honorer votre invitation ce matin. En son nom, je suis très heureux de vous faire part des conclusions de l'enquête que nous avons menée à la demande de votre commission sur les sociétés d'économie mixte (SEM) locales.

Vous le disiez à l'instant : le sujet s'est révélé d'une actualité plus brûlante que nous ne l'avions imaginé lorsque vous aviez interpellé la Cour, puisque sur la base d'une proposition de loi portée par quatre sénateurs mi-février, le Parlement a voté définitivement il y a trois semaines les dispositions d'une loi réglant certains problèmes nés des lois de décentralisation sur le statut des SEM. J'y reviendrai dans quelques instants.

Je voudrais faire deux remarques liminaires avant d'en revenir au diagnostic posé par la Cour.

La première porte sur les travaux antérieurs auxquels nous nous sommes référés. Au cours de l'année 2017, une première étude sur les SEM locales vous a été transmise dans le cadre des revues de dépenses effectuées conjointement par le Contrôle général économique et financier (CGEFI) et par l'Inspection générale de l'administration (IGA). Elle identifiait un certain nombre d'insuffisances du dispositif légal et réglementaire applicable aux SEM et formulait dix-sept recommandations à droit constant, visant à sécuriser les entreprises de l'économie mixte locale. Ces recommandations figurent en annexe de notre rapport.

Toujours en 2017, à la suite du contrôle des SEM effectué par les chambres régionales des comptes (CRC), le Premier président Didier Migaud a adressé un référé au Premier ministre qui formulait six recommandations, supposant pour certaines d'entre elles des évolutions du droit et l'intervention du Parlement. Ces recommandations figurent aussi en annexe du rapport.

Ma seconde remarque est une conséquence de la première. Pour répondre à votre interpellation, dans le cadre des dispositions de la loi organique – exigeantes notamment quant au respect des délais qu'elle pose –, nous avons choisi de conduire une instruction éclair en prenant acte des travaux antérieurs et en les enrichissant par l'analyse de 83 rapports récents des chambres régionales des comptes sur des SEM.

J'en viens, sur la base de ces remarques liminaires, à nos constats et recommandations. Notre constat est que l'évolution importante du modèle des SEM, depuis le début des années 1980, s'est heurtée successivement au droit européen et au droit national, conduisant ainsi votre assemblée à prendre de nouvelles dispositions législatives. Pour autant, les contrôles effectués par les CRC en attestent : d'importants risques subsistent pour les collectivités actionnaires des SEM.

De cela, la Cour tire neuf recommandations qui visent à maîtriser ces risques et à rendre l'économie mixte locale plus transparente et mieux pilotée par les collectivités.

Premier point : l'évolution du secteur des SEM. Depuis les premières lois de décentralisation, le secteur de l'économie mixte locale s'est élargi et a connu deux évolutions significatives : le développement de la pluriactivité et de la filialisation, rendant ainsi plus complexe sa maîtrise par les collectivités. Quelques ordres de grandeur tout d'abord :

– plus de 900 SEM ;

– un capital consolidé de l'ordre de 4,6 milliards d'euros, détenu pour près de 80 % par des acteurs publics pour un chiffre d'affaires de 11,6 milliards d'euros ;

– 53 000 salariés ;

– des activités dans pratiquement tous les domaines de compétence des collectivités : l'aménagement et l'immobilier, les réseaux, mais aussi la culture, le tourisme, les loisirs, l'environnement ou encore la production d'énergie.

Autre critère de mesure, étendu au champ plus large des entreprises publiques locales – dont les SEM constituent 80 % –, les collectivités et les structures de l'économie mixte locale sont régies par :

– 11 000 contrats publics,

– 1 300 délégations de service public,

– 3 100 concessions d'aménagement,

– plus de 6 700 marchés.

Ma première analyse porte sur le développement de la pluriactivité. La pluriactivité s'est progressivement imposée dans le secteur comme un modèle dominant. En 2018, 67 % des SEM ont au moins deux activités différentes, 17 % en ont cinq ou plus. La pluriactivité est autorisée par les textes sous la réserve que les différentes activités aient un lien entre elles et soient complémentaires.

Lorsqu'il en a été saisi, le juge administratif a su préciser les conditions de cette complémentarité. Toutefois, force est de constater que cette condition s'est assouplie dans le temps, les SEM cherchant à se développer sur des activités plus lucratives en entrant dans le champ concurrentiel. Si la compensation attractivité n'est pas interdite, il convient toutefois d'y mettre deux limites : d'abord la transparence vis-à-vis des collectivités actionnaires ; ensuite l'équilibre entre les coûts de production et les prix proposés aux usagers, pour éviter de faire payer aux uns les déficits occasionnés par les activités au profit des autres.

Deuxième évolution notable du secteur des SEM : la filialisation et la prise de participation. Aujourd'hui, une SEM sur trois a au moins une filiale ou des participations dans d'autres structures de droit privé, dont éventuellement d'autres SEM. À l'origine principalement immobilières, ces structures se sont diversifiées et se multiplient notamment dans le secteur de l'environnement et des réseaux ou dans le développement économique.

Elles permettent souvent de lancer une activité innovante avec un nouveau partenaire, d'isoler une activité particulière, ou encore de mobiliser des financements spécifiques. Mais sauf à être elles-mêmes des SEM, elles ne bénéficient pas des mêmes dispositions ou des mêmes contraintes vis-à-vis des collectivités, tant en matière d'information sur leur projet et leur situation que de protection des élus qui animent potentiellement leur conseil d'administration ou de surveillance. En fin de compte, elles peuvent présenter pour les collectivités actionnaires des SEM un risque financier non maîtrisé, d'autant que ces activités sont pour l'essentiel explicitement dans le champ concurrentiel.

Ce secteur a été contraint par l'évolution du droit européen, qui vous a conduits à compléter le statut des SEM par d'autres types d'entreprises publiques locales. Dès les années 1980, la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes a contesté le modèle de la SEM lorsqu'elle était utilisée en quasi-régie.

En application de l'arrêt Stadt Halle du 11 janvier 1985, la présence de capitaux privés au sein du capital d'un prestataire d'une collectivité excluait l'application de la notion d'« in house » ou de quasi-régie. Dès lors, les SEM devaient être mises en concurrence pour pouvoir contracter avec leurs collectivités actionnaires. De multiples jurisprudences ultérieures, ainsi que des directives relatives à la commande publique ou aux concessions, sont venues confirmer cette position. Explicitement soumises aux dispositions du droit de la concurrence, les SEM n'offraient plus le même confort d'utilisation pour les collectivités. Elles devaient dès lors prendre davantage de risques et indirectement les faire supporter par leurs actionnaires.

Le Parlement est alors intervenu et vous avez défini successivement les statuts des sociétés publiques locales (SPL) et des sociétés d'économie mixte à opération unique (SEMOP) pour retrouver les conditions de la quasi-régie en respectant le droit européen. Ces deux statuts ne couvrent certainement pas l'intégralité du champ d'intervention des SEM et présentent les contraintes : pas de capital privé donc pas d'actionnaires privés dans les SPL, un projet unique délimité dans le temps avec un partenaire privé sélectionné selon une procédure ouverte et transparente pour les SEMOP. En contrepartie, dans les cas où leur projet peut être conduit sous l'un ou l'autre de ces statuts, les collectivités retrouvent la souplesse d'utilisation qu'elles recherchaient avec les SEM, dans le respect du droit.

Après le droit européen qui vous a conduits à faire évoluer les statuts, la prise en compte des lois de décentralisation a conduit à une nouvelle intervention du législateur. La répartition des compétences entre niveaux de collectivités et la suppression de la clause générale de compétence opérée par les lois de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (« MAPTAM ») et portant nouvelle organisation territoriale de la République (« NOTRe ») ont eu pour conséquence de placer potentiellement nombre de collectivités et de SEM en situation irrégulière. Qu'il s'agisse de compétences transférées des communes vers les groupements de communes, de la privation de la clause générale de compétence des départements et des régions, ou encore de l'affirmation de tel ou tel niveau de collectivité comme seul titulaire d'une compétence particulière, les collectivités ont pu se trouver actionnaires de SEM dont l'activité ne correspondait plus à l'une de leurs compétences.

La loi a disposé que ces collectivités devaient vendre leur participation aux autres actionnaires, ceux qui avaient gardé ou renforcé leurs compétences dans ce domaine d'activité, faute de quoi elles se trouvaient dans l'illégalité au regard de tous les textes relatifs à l'économie mixte locale en vigueur à ce moment-là.

Saisi d'une situation de cette nature après que des cours administratives d'appel ont retenu des solutions différentes, le Conseil d'État a rappelé le droit en novembre 2018. Aux termes des textes alors en vigueur, il convenait que chacune des collectivités actionnaires dispose de compétences recouvrant l'intégralité de l'objet social de la SEM. Sur cette base réaffirmée, le constat a été fait par la direction générale des collectivités locales que 40 % des entreprises publiques locales et près de 50 % des SEM seraient de fait dans des situations irrégulières. Cette situation ne pouvait durer, les actes de gestion de ces SEM étant de ce fait fragiles et contestables.

Sur la base d'une proposition de loi – je le disais en introduction – portée par quatre sénateurs, le Sénat puis l'Assemblée y ont mis fin par la loi de sécurisation de l'actionnariat des entreprises publiques locales publiée le 18 mai, à l'issue d'une procédure que je qualifierai de particulièrement efficace allant du dépôt de la proposition à la mi-février au vote par le Sénat le 4 avril et au vote par l'Assemblée le 9 mai, pour une publication le 18 mai.

Désormais, une collectivité peut créer une SEM ou participer à son capital dès lors que la réalisation de l'objet de celle-ci concourt à l'exercice d'au moins une compétence de chacune des collectivités actionnaires.

En conséquence, dans la limite du pourcentage de sa participation au capital de la SEM, la collectivité est susceptible d'assumer des risques induits par des activités de la SEM n'entrant pas dans le champ de ses compétences. Les conditions dans lesquelles elle est en mesure de connaître et d'évaluer ces risques sont alors essentielles, et force est de constater que la loi de mai 2018 est restée muette sur ce sujet.

C'est pourquoi la Cour, en réponse à votre demande d'enquête, a choisi d'axer ses recommandations sur la maîtrise des risques induits par les entreprises publiques locales (EPL) sur la situation de leurs collectivités actionnaires.

La Cour a formulé neuf recommandations visant à :

– mieux connaître le secteur de l'économie mixte locale ;

– mieux contrôler les structures de ce secteur ;

– mieux utiliser toute la palette des statuts disponibles.

Déjà en 2017, le rapport que j'évoquais précédemment, relatif à la revue des dépenses, établi par le CGEFI et par l'IGA, indiquait que le recensement des EPL est imparfait, et en conséquence que l'appréciation exacte de leur situation financière est hors de portée.

Deux ans plus tard, le constat est inchangé. Notre enquête a repris les seuls chiffres disponibles qui sont ceux de la Fédération des entreprises locales (FEPL), qui comptabilisent de manière fiable les données de ses membres mais ne peuvent prétendre à l'exhaustivité. La même conclusion s'impose s'agissant d'une cartographie des risques induits par l'activité des SEM sur leurs actionnaires. L'exception des structures du logement social, dont l'identification et l'évaluation reposent sur la mission expressément confiée par les pouvoirs publics à cette même FEPL, ne doit pas obérer le caractère lacunaire de l'information disponible sur l'ensemble du secteur.

La première des recommandations de la Cour vise en conséquence à la mise en place d'un dispositif statistique indépendant, de suivi et d'évaluation des SEM, de leurs filiales directes et indirectes et de leur participation, fondé sur des obligations déclaratives, dont la méconnaissance serait sanctionnée.

Au-delà de la restauration d'un contrôle de légalité portant tant sur les actes des collectivités touchant aux SEM que sur les actes des SEM elles-mêmes lorsqu'elles sont soumises à obligation de transmission, c'est le droit à l'information du préfet que la Cour souhaiterait renforcer.

En même temps qu'elle supprimait la fonction de commissaire du gouvernement au sein des SEM, la loi de 1983, fondatrice du statut des SEM actuelles, instituait un droit à l'information de l'autorité préfectorale dont l'objectif était de lui permettre de prévenir des situations à risque pour les collectivités actionnaires. À ce titre, les SEM doivent transmettre au préfet un certain nombre de documents de natures budgétaire, comptable et financière, en particulier les rapports de leurs commissaires aux comptes. Toutefois, aucune sanction n'est prévue en cas de non-transmission.

La Cour préconise ainsi qu'à l'image des actes des collectivités, ceux des SEM qui relèvent de ce droit à l'information ne soient exécutoires qu'à la condition d'une transmission effective.

Il s'agit, par analogie avec les dispositions de la loi NOTRe sur le suivi des observations de ces chambres par les collectivités, du fait que la Cour recommande la mise en place d'un dispositif de même nature pour les SEM. Il s'agirait de l'obligation de communication des observations définitives d'une CRC au conseil d'administration ou de surveillance de la SEM, de même qu'à l'assemblée de ses actionnaires puis, après la communication du contrôle lui-même, des actions entreprises à la suite de ces observations.

La Cour suggère que le compte rendu de ces actions soit ensuite transmis aux collectivités actionnaires elles-mêmes et donne lieu à débat dans leurs propres assemblées délibérantes.

Une des faiblesses majeures du dispositif actuel tient à l'opacité du fonctionnement des SEM vis-à-vis des élus locaux des collectivités actionnaires, en particulier ceux qui ne participent pas à leurs exécutifs. De fait, ils ne sont ou ne paraissent pas en mesure de porter une appréciation objective sur les apports ou les risques de la participation de leur collectivité au capital d'une SEM.

Le rapport du mandataire à l'assemblée qui l'a désigné pour représenter la collectivité au conseil d'une SEM est une obligation dont le non-respect n'est toutefois pas sanctionné. De plus, son contenu est peu normé. Or, c'est dans bien des cas la seule source formelle d'information dont disposent l'ensemble des élus d'une collectivité.

Les constats adressés tant par le rapport de l'IGA et du CGEFI que par les CRC témoignent du fait que cette obligation est peu ou mal respectée, soit que les rapports ne sont pas soumis aux assemblées, soit qu'ils sont peu explicites sur la situation des SEM et ne permettent pas de véritables débats dans leurs assemblées.

La Cour recommande en conséquence que soient précisés dans le code général des collectivités territoriales (CGCT) les éléments constitutifs du rapport du mandataire, qu'on l'enrichisse en particulier des risques potentiels pesant sur les collectivités actionnaires du fait des activités de la SEM.

Elle recommande en outre que ce rapport soit intégré au rapport budgétaire suivant. Aller au-delà et adapter le droit d'information des élus locaux pour leur permettre de suivre activement l'activité des SEM supposerait aussi une modification du CGCT. Le code de commerce ouvre un droit d'information aux actionnaires, qui dans le cas des SEM sont les collectivités, par l'entreprise de leur seul mandataire. Ce droit permet notamment l'interpellation des dirigeants de l'entreprise sur des actes de gestion ou sur des événements susceptibles d'influer sur sa stratégie ou son fonctionnement.

La Cour recommande que soit institué un droit comparable au profit de l'ensemble des membres des assemblées délibérantes des collectivités actionnaires. Dans les situations où les informations souhaitées relèveraient d'un secret protégé par la loi – je pense en particulier au secret des affaires –, ce droit serait exercé au profit des membres d'une commission spéciale, émanation de l'assemblée et spécifiquement composée à cet effet.

Troisième sujet de contrôle des élus : insuffisamment établie et pourtant potentiellement polémique, la transparence sur la rémunération des dirigeants des SEM non élus appelle aussi une évolution des textes. Les indemnités des élus siégeant au conseil des SEM doivent faire l'objet de votes explicites de leurs assemblées délibérantes. De même, le code de commerce prévoit des dispositions relatives à la communication de rémunération des dirigeants des plus grandes entreprises. Ces dispositions étaient encore en discussion dans le cadre de la loi relative à la croissance et à la transformation des entreprises (« PACTE ») ces derniers jours.

L'État a aussi prévu depuis 1953 que les rémunérations des dirigeants d'entreprises publiques nationales soient encadrées et limitées en volume. Aucune disposition de cette nature n'existe pour les dirigeants non élus de l'économie mixte locale. La Cour recommande en conséquence de combler ce vide par la mise en place d'un régime de plafonnement des revenus des dirigeants non élus comparable à celui de l'État, avec des montants à déterminer qui ne sont pas obligatoirement équivalents à ceux retenus par l'État.

Les collectivités disposent aujourd'hui d'une palette de statuts d'EPL, dont l'utilisation doit être optimisée en fonction de leur projet et de leurs partenaires. La Cour recommande ainsi de privilégier l'utilisation des statuts de SPL et de SEMOP autant que faire se peut. Ces entreprises, conformes, comme je le disais il y a quelques instants, au droit européen et évidemment au droit national, permettent de retrouver la souplesse d'utilisation des SEM de 1983 et limitent les risques encourus par les collectivités.

Cette recommandation rencontre l'évolution naturelle du secteur. Selon la FEPL, au cours des cinq dernières années, le nombre de SEM a diminué de près de 10 % alors que celui des SPL augmentait de 50 % et que la formule récente des SEMOP prend de l'ampleur.

La SPL est un prolongement des collectivités actionnaires et n'intervient que sur leur territoire dans les limites de son objet social. Si l'association de partenaires privés à son capital ou à sa gestion est exclue, d'autres formes de partenariat peuvent être envisagées au coup par coup par opérations ou au travers de structures non décisionnelles. De même, la SEMOP répond aux contraintes imposées par Bruxelles pour la mise en place de partenariats public-privé institutionnalisés et permet ainsi l'association d'un partenaire privé à la construction ou à la gestion d'un projet ou d'un équipement dans des conditions plus intéressantes pour lui.

En effet, contrairement au cas des SEM, le partenaire privé peut ici être majoritaire et conduire ses activités de manière homogène avec celles qu'il conduit à l'extérieur des SEM ou en propre. Le choix est ainsi ouvert s'agissant des créations, et peut-être plus complexe s'agissant de structures existantes.

À la suite du contrôle des chambres régionales des comptes, on a constaté des transformations de SEM essentiellement en SPL. Ces évolutions répondaient sans doute à une appréciation comparée des avantages et inconvénients des deux formules, mais aussi à la prise en compte des dispositions des lois de décentralisation comme je l'évoquais il y a quelques instants.

Or, autant les conditions de transformation des SEM en SEMOP ont été anticipées, autant celles de la transformation d'une SEM en SPL ont pu à l'expérience se révéler insuffisantes. En effet, les modalités de cession des participations d'une collectivité à une autre dans une SEM ne sont pas précisées, en particulier leur prix. La Cour recommande en conséquence qu'un dispositif législatif soit adopté en ce sens, qui pourrait être comparable à celui qui régit les transformations de SEM en SEMOP.

Pour conclure, je peux vous assurer que l'ensemble des interlocuteurs de la Cour tout au long de cette enquête ont partagé nos diagnostics sur la nécessité de parfaire l'information des collectivités et le contrôle des SEM par leurs élus pour in fine mieux en maîtrise les risques. La FEPL en a fait le sujet d'un livre blanc qui devrait paraître cet automne. Soyez assurés que si une grande loi sur l'économie mixte locale était en débat dès l'année prochaine et qu'elle permette de répondre aux constats précédents, la Cour ne pourrait en être que satisfaite.

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C'est un rapport très intéressant car il creuse un sujet sur lequel il y a peu d'informations consolidées. C'était une difficulté que vous avez rencontrée même en vous fondant sur le réseau des chambres régionales.

Nous voyons bien aussi que l'univers réglementaire ou législatif a évolué. Il est à la fois européen et national, mais l'utilisation de cette structure juridique ou des structures juridiques proches de celle-là est extraordinairement diversifiée, avec à la clef toujours cette notion de risque et de risque moins transparent qu'une activité prise en direct.

Les conclusions qui aboutissent notamment à demander que la transparence soit plus importante sur la rémunération mais aussi sur les activités et les multi-activités me semblent nécessaires. Pour autant, il ne faut pas réduire la capacité des collectivités locales à investir et à le faire dans le cadre d'un partenariat public-privé comme c'est le cas des SEM, mais cela nécessite que les collectivités y réfléchissent à deux fois. Cela nécessite également que les choses soient suivies. Tout cela est du bon sens. Cela nécessite aussi parfois que l'on puisse reclasser des SEM dans d'autres catégories ou créer des activités avec d'autres catégories.

Le défaut principal des SPL est qu'on reste entre collectivités, alors que la SEM est créée en général pour essayer d'introduire un actionnaire privé – l'actionnaire privé est parfois la Caisse des dépôts, donc plus ou moins privé – on joue sur les mots. D'ailleurs, la Caisse des dépôts en a fait une activité en elle-même. Les SEMOP ont d'autres avantages, me semble-t-il.

C'est un rapport qu'il va falloir suivre de près et il faudra regarder, en accord avec les élus locaux, de quelle façon faire évoluer le droit.

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Je crois qu'avec le président Éric Woerth, nous partageons un certain passé dans les collectivités locales : ce « 58-2° » nous intéresse particulièrement. Je vous félicite, monsieur le président Thornary, c'était très clair.

Nous sommes un certain nombre à avoir pratiqué le système des SEM – certains d'entre nous ont été élus pendant un temps. J'ai toujours été marqué par le fait que l'on pouvait avoir une panique généralisée au poste de comptable dans la mesure où il y avait eu une erreur de caisse de 12 centimes sur la piscine municipale – cela nous demandait beaucoup de temps –, mais on était moins paniqué par des rendus de caisse beaucoup plus baroques de certaines SEM.

Vous le savez bien ; vous êtes un ancien Datarien – les Datariens sont une forme particulière de la fonction publique. Vous avez bien connu la situation singulière des communes stations notamment. Sur ce plan, j'ai bien écouté ce que vous avez dit, à l'aune de l'expérience qui peut être celle d'un élu municipal et intercommunal. Les SEM gèrent souvent des stations de sports d'hiver et constituent des budgets beaucoup plus importants que ceux des collectivités locales concernées – avec la même remarque que celle que je faisais sur l'erreur de caisse à la piscine municipale.

Ma première remarque : vous souhaitez clairement dans votre rapport que soit privilégié le recours aux SPL et aux SEMOP. Je partage la remarque qui vient d'être faite à l'instant par le président Woerth. Vous expliquez que la situation des SEM à l'égard du droit de l'Union ne vous paraît pas complètement sécurisée. Ce risque juridique – vous l'évoquez à plusieurs reprises – est-il réel ? Y a-t-il vraiment des procédures contentieuses en cours devant des juridictions sur ce chef particulier ?

Vous indiquez ensuite que les SEM sont un moyen de déconsolider certaines dépenses et de contourner les règles d'équilibre budgétaire ou les normes d'évolution des dépenses, ce qui est indéniable, mais, au-delà de la théorie, avez-vous observé de tels comportements, notamment pour contourner l'application des contrats de maîtrise de dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales – un sujet que je qualifierais de « dans l'air du temps » ?

Vous soulignez l'absence d'outils statistiques relatifs aux SEM et rappelez que l'appréciation de leur situation financière est hors de portée. Je peux le confirmer, compte tenu de l'expérience particulière que je vous décrivais tout à l'heure. Mais comment pouvez-vous expliquer l'absence totale de progrès sur ce point, ne serait-ce que depuis la date du dernier rapport, il y a deux ans ? Il me semble que des choses auraient pu être faites pour clarifier cela.

Enfin, vous portez un regard très critique sur le développement des filiales et des participations des SEM. Pensez-vous qu'il faut revenir sur cette faculté qui est ouverte au SEM, ou plutôt mieux l'encadrer, et sous quelle forme ?

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Nous évoquons ce matin un sujet politique majeur. Vous l'avez rappelé : il y a énormément de SEM aujourd'hui en France. Je ne les ai pas pratiquées mais je les observe sur mon territoire et j'échange beaucoup avec les élus sur ce sujet. Cet outil permet aux collectivités d'être agiles. Je pense qu'il faut qu'elles puissent continuer à l'utiliser, de même que la sécurité juridique et financière qui va avec. C'est tout l'objet du présent rapport.

J'aurais deux questions pour essayer d'améliorer l'état juridique et financier de ces collectivités. Lors de la discussion du projet de loi auquel vous faisiez référence tout à l'heure, la ministre de la cohésion des territoires, Jacqueline Gourault, avait évoqué un risque de contournement des dispositions de la loi NOTRe, notamment via les SEM. Vous avez parlé des préfets et du rôle qui peut leur être attribué notamment via un droit d'information renforcé. Le droit d'information reste limité. Avant, ils pouvaient être commissaires du Gouvernement au sein de ces SEM. Aujourd'hui, elles sont tellement nombreuses que, d'un point de vue matériel, serait-ce suffisant ? Les directions départementales des finances publiques (DDFiP) pourraient-elles jouer un rôle dans le cadre du contrôle de ces SEM ?

Ma seconde question concerne un point que vous soulignez dans votre rapport concernant les risques financiers pour les actionnaires et les collectivités ayant apporté leur garantie à un emprunt contracté par la société. J'ai bien compris que vous aviez des difficultés à agglomérer l'ensemble des informations, mais auriez-vous déjà une idée de la masse que cela représente en termes de garanties d'emprunt et de risques ? Les collectivités qualifient-elles et contrôlent-elles ces risques ? Que préconisez-vous pour améliorer ce suivi, au-delà du suivi statistique, qui est votre première recommandation ?

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Merci pour ces travaux et cette présentation. Vous faites un état des lieux et un diagnostic très critique qui conduit à un jugement plutôt sévère des SEM. Vous relatez de nombreuses dérives qui les ont détournées des objectifs initiaux et les ont conduites à des orientations différentes de celles qui pouvaient exister il y a plusieurs décennies. Le constat est sévère mais vos propositions conduisent à mettre en adéquation les SEM avec un certain nombre de dispositions, qui existent pour les collectivités locales ou pour d'autres acteurs en matière de contrôle, de reporting, de rémunération et de transparence.

Vous faites état également de la récente initiative prise par le Parlement de sécuriser l'actionnariat des entreprises publiques locales et permettre à nouveau à des collectivités locales de différents niveaux d'être actionnaires du même EPL. Mais les récentes dispositions, sur lesquelles vous portez également une analyse critique, n'ont-elles pas contribué à sécuriser le dispositif et à apporter une réponse concrète sur les territoires ? C'est ma première question, au regard de l'analyse critique que vous faites.

J'aurais une seconde question, sur l'aspect concurrentiel. Il y a un risque en matière de législation qui, me semble-t-il, est important, et que vous soulevez en page 30. En revanche, vous n'avez pas de recommandation sur cet aspect particulier. Pour autant, n'y aurait-il pas un point à mettre en oeuvre au regard de ces risques ?

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J'ai beaucoup apprécié votre rapport : je pense que nous pourrions le conseiller aux étudiants en droit des collectivités territoriales. Vous identifiez bien les problèmes que l'on rencontre dans les SEM par rapport à leurs compétences, leur objet, leurs filiales.

Vous avez un oeil critique sur la notion de mixité, qui ne fonctionne pas vraiment semble-t-il. Je ne suis pas tout à fait d'accord avec votre analyse ; je voudrais en arriver aux préconisations. Je crains que certaines préconisations, même si elles sont légitimes, aient pour conséquence d'entraîner des lourdeurs.

Le contrôle de légalité : allons-nous avoir dans les préfectures des services en capacité d'exercer ce contrôle ? On sait bien, quand on a une certaine pratique des SEM, que l'on dépose certains procès-verbaux, on a le tampon, et c'est terminé.

Sur le caractère exécutoire, j'ai un doute, mais il faudrait que les équipes soient en face.

Sur la transmission de certains documents à la CRC, pourquoi pas, mais a posteriori.

La mesure sur les conséquences du non-respect de la forme m'inquiète plus, même si je comprends qu'elle semble nécessaire. Obtenir les délibérations des différentes collectivités représentées dans un conseil d'administration ou dans un conseil de surveillance prend beaucoup de temps. Or, parfois, une SEM doit être assez réactive dans son intervention. J'ai peur que, par la sanction que vous préconisez – la nullité –, on entraîne une certaine insécurité juridique pour les SEM. C'est compliqué, mais attention à la lourdeur.

Enfin, vous évoquez dans votre rapport le rôle du commissaire aux comptes dans ces SEM. Vous déplorez le fait qu'il ne soit pas spécialisé, qu'il n'ait pas un oeil dans les collectivités territoriales et autres. Ne faudrait-il pas créer un véritable corps de commissaires aux comptes spécialisés, qui pourraient être des tiers de confiance ? Nous leur avons fait un peu de mal dans la loi « PACTE » ; ce serait peut-être une piste.

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Ce rapport d'enquête est bienvenu car il fait suite à l'arrêt du Conseil d'État et à la proposition de loi qui a été adoptée en urgence. Nous avons paré au plus pressé mais nous sommes loin d'avoir épuisé le dossier.

Je formulerai trois observations qui sont autant de questionnements à propos de ce rapport. Premièrement, le rapport demande que les SPL et les SEMOP soient plus facilement utilisées, dans un contexte où la pluri-activité, la filialisation et les prises de participation génèrent des risques financiers et juridiques importants pour les collectivités et les groupements d'actionnaires.

Le modèle sur lequel ont été créés ces deux outils permet de satisfaire aux évolutions de l'Union européenne puisqu'elles fonctionnent en quasi-régie pour le compte de leurs collectivités actionnaires. La Cour recommande que le législateur intervienne afin de faciliter la transformation des SEM en SPL, en permettant de valoriser le transfert d'actions entre collectivités et en évitant tout blocage, parce que c'est ce qui se produit aujourd'hui. Mais puisque la SPL est une quasi-régie, pourquoi ne pas lui appliquer le régime de la quasi-régie prévu par l'article 16 de l'ordonnance relative aux contrats de concession ?

Ensuite, le rapport évoque les partenariats public-privé institutionnalisés pour dire que le schéma est mal appliqué par les SEM. C'est une réalité. Pourquoi ne pas proposer alors la possibilité de créer des SEM « in house », répondant aux critères de la quasi-régie ? Cette possibilité a été évoquée par la doctrine juridique et par l'étude d'impact consacrée aux ordonnances relatives aux marchés publics et aux concessions. Pourquoi cette non-recommandation ou cet oubli dans le rapport ? Cela permettrait d'être en conformité avec le droit communautaire et surtout avec des textes français issus de la transposition des directives communautaires.

Dernière remarque : je pense que, dans ce rapport, il manque une analyse forte des SPL, alors même que l'arrêt rendu par le Conseil d'État menaçait l'existence de bon nombre d'entre elles. Est absente une analyse approfondie des sociétés publiques locales d'aménagement (SPLA) ou des sociétés publiques locales d'aménagement d'intérêt national (SPLAIN). J'ai l'impression qu'il y a deux poids, deux mesures. Alors que le Gouvernement cherche à brider plus ou moins les SPL, pourquoi tout est-il permis avec les SPLA dans lesquelles l'État et la CDC peuvent être actionnaires ?

Je pense que les recommandations que vous faites devraient être rapidement suivies d'un texte, que ce soit en termes de transparence ou de rémunérations.

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J'ai été très étonné que le rapport n'évoque pas l'idée ancienne de créer des comptes consolidés entre les collectivités locales et leurs SEM, en équivalence ou en intégration totale, de façon que les assemblées d'élus aient une vision claire de la situation financière. Cela pose des problèmes techniques un peu compliqués, mais les comptables savent résoudre cela. Dans les groupes, nous avons les mêmes problèmes ; nous avons fait des comptes consolidés. C'est le cas de Levallois-Perret : 700 000 euros de dette dans la commune, 300 000 dans les SEM, ce n'est pas dit. Ne faudrait-il pas compléter votre rapport par une dixième proposition en ce sens ?

Deuxième sujet que vous abordez : le plafonnement des rémunérations des dirigeants non élus. Les actionnaires sont des collectivités locales qui ont des assemblées délibérantes. Elles n'en savent rien. Dans le droit tel qu'il a été modifié, ce sont maintenant les assemblées générales qui doivent ratifier les propositions des conseils d'administration. Ne faudrait-il pas avoir une disposition spécifique sur les SEM, que ce soient les assemblées délibérantes, c'est-à-dire différents actionnaires, qui délibèrent, et voir ensuite s'il y a une majorité ? Dans ces conditions, il y aurait un contrôle démocratique.

Je ne crois pas au plafonnement. Nous savons comment, dans les entreprises publiques, tout cela a été détourné. La transparence est la meilleure garantie. Y a-t-il un plafonnement des rémunérations des dirigeants élus ?

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Jean-Michel Thornary, président de la formation inter-juridictions de la Cour des comptes

Pour les élus, il y a l'écrêtement.

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Je suis toujours étonné que la Cour des comptes, dans sa grande sagesse, à l'échelon régional, ne se soit pas intéressée à la non-vérification du respect du plafonnement. Il lui suffit d'aller voir les feuilles d'impôts. Au temps où j'appartenais à votre noble maison, c'est ce que je faisais. On découvre beaucoup de choses. Ce n'est pas parce qu'il y a une règle qu'elle est respectée. Encore faut-il avoir les moyens de la faire respecter, ce qui n'est pas le cas actuellement.

Troisièmement, en droit, ne pensez-vous pas qu'il y a un problème fondamental ? Quelques collectivités territoriales ont changé de statut, les départements et régions ont été spécialisés, mais pas les communes, et les intercommunalités l'ont aussi été – par définition, elles l'étaient déjà. Le principe de spécialité est-il compatible avec l'appartenance de régions, de départements ou d'établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à des SEM en pluri-activité dont l'une d'entre elles ne correspond pas à la compétence de l'actionnaire ? Et quid des filiales ? Avec la filialisation, le principe de spécialité ne peut plus être respecté.

Enfin, la transformation d'un certain nombre de SEM en SEMOP ou en SPL pose problème. Il faut que les assemblées rachètent les participations minoritaires. Or, d'après les calculs faits par leur syndicat, ce rachat représente 1,5 milliard d'euros – c'est l'hypothèse maximale.

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Je vous ai trouvés assez sévère, dans le rapport et dans vos propos. Ceux-ci peuvent être légitimes sur certains points de droit, mais il ne faut pas oublier l'outil important que les SEM ont été en matière d'aménagement du territoire. Je trouve qu'il ne faut pas trop alourdir les choses. Pour émettre cette analyse assez dure en matière de droit, considérez-vous que certaines ont été très mal gérées ?

Sur la recommandation n° 9, dans la continuité de Charles de Courson, je suis absolument défavorable aux transformations SEMSPL. Pour connaître le sujet, ce n'est pas le même outil et nous ne pouvons pas les comparer. Beaucoup qui sont passées en SPL, à mon avis, sont en train de le regretter. Avez-vous eu des avis contraires au mien, vu que la recommandation est inverse ?

Enfin, j'ai trois points très spécifiques. avez-vous analysé les SEM et les consultations publiques sur les marchés publics ? considérez-vous que la capitalisation des SEM énergie, qui sont en plein développement, sera suffisante pour absorber ce qu'elles veulent faire ? quelle est la place de la Caisse des dépôts et consignations dans les SEM ?

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J'ai d'abord une question théorique sur les compétences. Le Parlement a inventé la notion de « chef de filât », qui est à la compétence ce que le gaz est au liquide. Je voulais savoir si vous avez abordé cette problématique pour savoir si, dans la répartition de ce que les SEM peuvent faire, le fait d'être chef de file ou d'être derrière un chef de file pouvait influer.

Ma deuxième question porte sur la rémunération. Cela m'a perturbé de voir certains encadrés sur les rémunérations. Avez-vous tenté d'établir le niveau moyen de la rémunération des dirigeants des SEM ? Vous nous confirmez que pour les élus, les SEM sont des établissements publics. Il est marqué « organismes et autres établissements publics ». Il y a un écrêtement, c'est certain.

Ma troisième question porte sur les services rendus par les SEM. Ont-elles des services moins chers que les autres entreprises privées ? Avez-vous des éléments vous permettant d'établir la pertinence du recours à cet outil par rapport à un dispositif normal ?

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J'ai lu avec attention votre rapport. En tant qu'élus, dans nos territoires de montagne, nous recourons beaucoup aux SEM. Votre rapport en donne une vision assez critique et propose leur transformation soit en SPL, soit en SEMOP. Je voudrais que vous nous précisiez si vous pensez réellement qu'il faut transformer l'ensemble des SEM en SPL ou en SEMOP, ou bien si les SEM peuvent avoir une particularité, et si, en augmentant la transparence et le contrôle, nous pourrions les conserver.

Vous évoquez dans votre rapport la loi du 17 mai dernier. Elle a permis de prendre en compte les difficultés issues de la loi NOTRe en dissociant la participation au capital et les compétences de la SEM. Considérez-vous que cette loi participe à la régulation des SEM et constitue une avancée, ou au contraire complexifie un système que vous qualifiez déjà d'éparpillé ?

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Nous avons besoin, pour des collectivités qui voient leurs moyens diminuer, d'outils d'aménagement du territoire. À ce titre, les SEM ont depuis de nombreuses décennies joué ce rôle, notamment dans le tourisme et l'aménagement économique. Je pense aux stations de ski : les plus grandes stations savoyardes se sont construites avec un effet de levier du département de la Savoie qui entraîné les acteurs privés avec lui. Cela leur a permis de réinvestir dans d'autres outils pour aménager des stations moyennes, donc de jouer un rôle de solidarité, ce qu'il n'aurait absolument pas pu faire seul.

Pour compléter ce qu'ont dit mes collègues, j'aimerais avoir votre analyse sur les points positifs des SEM. Qu'ont-elles permis ? Que permettent-elles de réaliser en matière d'aménagement du territoire, que d'autres outils ne permettent pas de réaliser ? Vous avez relevé le manque de contrôle des collectivités et les risques financiers pour les contribuables. Les collectivités ont-elles les moyens et les compétences en expertise non seulement financière mais technique, par exemple dans le secteur de l'énergie, d'évaluer les actions menées par les acteurs privés ?

Vous parlez de tiers pour l'analyse – Cour des comptes, préfet – mais, pour les aspects techniques, l'évaluation technique des choix, comment pouvons-nous faire pour sécuriser ces investissements ?

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Lorsque le législateur a autorisé les collectivités territoriales à créer des sociétés d'économie mixte, le premier argument qui présidait à l'explication de ce projet était qu'il appartient aux collectivités territoriales, liées par le statut de la fonction publique, de s'attacher les services de personnels compétents et spécialisés – je laisse au législateur de l'époque la responsabilité de ses propos. Seconde raison : l'ampleur des projets fait que les budgets des collectivités territoriales ne peuvent porter seuls ces opérations. On a imaginé une association de collectivités territoriales au sein du capital, mais je ne peux m'empêcher de penser qu'il y avait aussi l'idée de débudgétiser.

Les deux critères qui ont présidé à cela étaient débudgétisation et recrutement. Le recrutement, avec la loi modifiant le statut des trois fonctions publiques, semble évoluer. La comptabilité publique, par ailleurs, a énormément évolué, avec la possibilité de faire des budgets annexes, y compris pour des services industriels et commerciaux. En dehors de SEMOP, quel est le destin des SEM et des SPL ? Que pourrait faire une SEM bien mieux qu'une collectivité territoriale en régie directe ?

Quel est le montant débudgétisé par les collectivités territoriales qui devrait être réintégré si SEM et SPL étaient amenées à disparaître ?

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Votre rapport comporte de nombreux points tout à fait intéressants et argumentés. Il n'en demeure pas moins qu'à certains égards, c'est un procès fait aux SEM. C'est sans doute pertinent pour certaines d'entre elles, mais n'est-ce pas généraliser un peu vite ?

Deuxièmement, j'aurais souhaité que votre rapport commence par : « Que pourraient faire les SEM ? » Un certain nombre de choses ont été réalisées positivement. Cela aurait-il été possible avec d'autres outils ? Peut-être, mais là encore, cela reste à démontrer.

Troisième élément de l'analyse : vous nous dites qu'il y a des alternatives de type SPL. Pourquoi pas ? Mais n'aurons-nous pas les mêmes dérives avec des alternatives de cette nature ? Est-ce pour autant une solution ? Cela condamne-t-il définitivement les SEM ?

Quatrième élément : des éléments très à charge. Vous avez travaillé la question, je n'en doute pas, mais les propositions, au vu de ces éléments très à charge, nous semblent « petit bras », en quelque sorte. Si c'est si grave, il faut changer de dimension dans la réponse. Voilà des questions – non définitives, mais des questions.

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Jean-Michel Thornary, président de la formation inter-juridictions de la Cour des comptes

Merci de vos questions, qui témoignent de l'intérêt du sujet et du fait que vous nous ayez questionnés sur ce sujet, ce qui nous a amenés à vous proposer cette analyse.

Plusieurs d'entre vous nous ont dit que notre analyse était sévère, voire qu'elle était un procès aux SEM. Nous sommes partis de constats établis par les chambres régionales des comptes qui portent sur 83 sociétés d'économie mixte, en gros 10 % du nombre total de sociétés. Ce n'est pas représentatif de la diversité du monde des SEM. Pour autant, c'est relativement important, signifiant. Notre objectif était simplement d'identifier des risques.

Les risques existent. Des sauvegardes sont mises en face de ces risques. Nous n'avons pas constaté un nombre de défaillances important sur ces dernières années, relativement à ces sociétés contrôlées ou à d'autres sociétés qui n'ont pas été contrôlées dans le même temps. En gros, notre objectif est d'identifier les risques et de vérifier ou de proposer que l'on mette en place des dispositifs permettant de réduire les risques.

Nous n'allons pas plus loin que cela dans notre analyse. Nous ne condamnons pas le monde des SEM. Nous ne disons pas – la question a été posée – que les SPL et les SEMOP doivent se substituer à toutes les SEM. Non, les SPL et les SEMOP ont aussi des limites. Vous disiez, monsieur le président, que nous sommes un peu dans l'entre-soi avec les SPL. Même si des exemples en témoignent, nous pouvons trouver des modalités d'association différentes à des projets portés par des SPL. J'ai en tête le cas d'une SEM transformée en SPL : les privés interviennent sous forme de mécénat dans le cadre d'actions qui continuent d'être conduites par la SPL. Je pense qu'il existe des dispositions existent permettant de continuer d'associer les privés.

Il n'y a pas un procès définitif sur l'ensemble des SEM, ni une demande ou une proposition de la Cour des comptes de remplacer toutes les SEM par des SPL ou des SEMOP. Il s'agit de voir là où c'est possible, là où les situations permettent de réaliser les projets sous statut de SPL ou de SEMOP, de réduire le risque juridique au regard du droit européen. C'est dans ces situations que nous estimons qu'il serait plus utile, plus optimal de procéder à la transformation et si possible, grâce à votre intervention, de traiter le cas de la transformation en SPL qui n'a pas été traité par la loi NOTRe ou par la loi MAPTAM. C'est le point de départ.

Je ne sais pas si j'aurai la possibilité de répondre aux très nombreuses questions que vous nous avez posées. Monsieur le rapporteur général, vous nous demandiez si des procédures contentieuses sont en cours devant les juridictions sur ce sujet, notamment des contestations sur le plan du droit européen. Sur ce plan, il peut y avoir contestation sur deux terrains : celui de l'ouverture à la concurrence et celui des conditions d'exploitation des SEM.

Sur le terrain de l'ouverture à la concurrence, les collectivités, avec les statuts de SPL et de SEMOP, ont retrouvé, dans le cas où c'est possible, des situations de quasi-régie. Dans ces cas-là, la situation est réglée. Il y a peu ou il n'y a plus de contentieux sur ces terrains devant les juridictions européennes.

Sur les conditions d'exploitation des EPL, nous sommes devant le risque de qualification d'aide d'État. Il y a peu ou pas de contentieux parce que les collectivités trouvent des solutions avant de se trouver dans une situation contestable. Nous avons constaté, dans les différents contrôles que nous avons pu réaliser, des baisses de redevances de contrats, des abandons de créances ou de foncier, des remises de loyers à une SEM, qui ont permis de « limiter la casse », de résoudre une situation. En fin de compte, nous avons peu de contentieux, ce qui ne veut pas dire pour autant que les situations ont été claires, ou que les risques de requalification de ces actions seraient totalement éliminés.

Plusieurs d'entre vous ont demandé ce qu'il en était des risques de débudgétisation ou de contournement, notamment dans l'obligation des contrats portant sur la maîtrise des dépenses de fonctionnement. Vous faisiez référence au contrat dit « Cahors », j'imagine. Le risque était identifié bien avant. La preuve : il figurait dans les analyses portées par le CGEFI et par l'IGA en 2017.

Vis-à-vis du dispositif des contrats « Cahors », nous n'avons pas d'éléments. Nous sommes à une année d'application des contrats ; nous ne les avons pas analysés. Les retraitements sont encore en cours. Ce qu'il est important de savoir, c'est que le guide des retraitements négocié par les associations d'élus et les administrations centrales a prévu la possibilité pour l'autorité préfectorale ou les collectivités d'invoquer la création d'un budget annexe ou d'une structure qui devient porteuse d'une activité, ou d'une compétence qui, auparavant, était assumée par la collectivité. Là-dessus, si le risque existe au regard de la contrainte posée par les contrats « Cahors », nous ne pourrons le mesurer que dans les mois à venir – dans le cadre des retraitements de la première année, qui sont en cours – et tout au long de l'application de ces contrats. Pour l'instant, nous n'avons pas de situation explicite pour répondre à votre question.

Sur l'absence d'un outil de recensement des informations, dont nous pourrions disposer dans les SEM comme dans l'ensemble des EPL, comme je vous le disais, la situation n'a pas changé. Ce n'est pas la Cour qui mettra en place le dispositif de recensement ou d'identification. Nous n'irons pas au-delà du constat que cela n'a pas été fait et que le dispositif existant, à savoir les données disponibles au sein de la FEPL, restera non exhaustif puisqu'il ne concerne, par définition, que les membres de la FEPL. Nous n'avons malheureusement pas de proposition positive à vous faire sur ce point, tout simplement parce que ce n'est pas le rôle de la Cour.

Faut-il revenir sur la faculté de développer des filiales ou de prendre des participations ? Nous avons voulu vous dire que la filialisation ou la multiplication des prises de participation est génératrice de complexité et de difficultés de lisibilité. En l'absence de comptes consolidés pour l'ensemble du périmètre SEMfiliales et dans les conditions du droit commun de participation, les risques encourus par les collectivités du fait de ces évolutions appellent certes une meilleure information et une plus grande transparence.

Pour autant, vous avez choisi, au travers des statues des SPL et SEMOP, de renoncer à la filialisation ou à la prise de participation. Le législateur a été sensible à cette question de multiplication des risques. Faut-il aller au-delà, dans le cadre des SEM ? Notre proposition consiste à mettre en place plutôt des éléments permettant de réduire les risques portant sur le défaut d'information ou le défaut de transparence, sans aller au-delà.

Nous avions évoqué la proposition de M. de Courson consistant à mettre en place des comptes consolidés. Nous ne l'avons pas retenue comme recommandation. Je fais confiance au législateur pour aller au-delà des recommandations de la Cour s'il l'estime utile et si ce n'est pas générateur, comme M. le député le disait, d'un surcroît de lourdeurs ou de procédures qui pourrait être contraire à l'ambition souhaitée.

Parmi vos nombreuses questions, vous nous avez demandé quel peut être le rôle des DDFiP sur l'information apportée aux collectivités ou sur le travail fait par les préfectures dans le cadre soit du contrôle de légalité, soit de l'exercice du droit à l'information. Cela se met en place : aujourd'hui, je crois que dans une dizaine de départements un accord formel a été passé entre l'autorité préfectorale et la DGFiP pour que les équipes des DDFiP soient pour partie mises à disposition de l'autorité préfectorale dans le cadre de demandes d'expertises qui émaneraient du préfet, pour lui permettre d'exercer cette vigilance et cette information des collectivités sur des risques que les collectivités elles-mêmes ne seraient pas en mesure d'apprécier.

Cela me permet de rebondir sur la question des compétences des collectivités. Nous pouvons trouver les compétences juridiques ou financières dans la fonction publique en général, dans de bonnes conditions, je vous l'assure, mais nous n'avons pas les compétences techniques – nous parlions de production d'énergie renouvelable – dans les collectivités comme dans les préfectures. Il est certain que les collectivités, comme l'autorité préfectorale, ont besoin de s'entourer d'expertises complémentaires pour pouvoir donner aux collectivités qui n'en ont pas les moyens une information d'autant plus nécessaire qu'elles ne disposent pas un interne de la compétence pour porter une appréciation sur les participations qu'elles vont prendre dans telle ou telle de ces SEM.

Vous avez évoqué la position de Mme Gourault tout au long du débat sur la loi tendant à la sécurisation de l'actionnariat des entreprises publiques locales. La loi votée définitivement au mois de mai est venue modifier le dispositif des lois de décentralisation de 2014 et 2015. Les lois MAPTAM et NOTRe, au travers notamment de la perte de la clause de compétence générale pour les départements et les régions, au travers des glissements de la compétence donnée aux EPCI par rapport aux communes, avaient créé des situations dans lesquelles le « multiniveaux », le « multicatégories » au sein d'une SEM étaient exclus.

La loi de 2018 permet de régulariser – c'était bien son objectif – des situations juridiques devenues illégales depuis 2014-2015 et qui n'avaient pas été sanctionnées à l'occasion de contentieux qui auraient pu être portés par des personnes auxquelles l'activité des SEM en question aurait porté grief. Il était logique que le législateur se préoccupe de ces situations de fragilité ou d'insécurité juridique nées des lois de décentralisation. Vous avez apporté des réponses à cette question. La question des compétences est désormais réglée. Les SEM, qui étaient dans une situation d'irrégularité sur ce terrain des compétences, sont revenues dans le cadre du droit.

C'est pour cela que nous n'avons pas fait de recommandations sur ce terrain et que nous considérons qu'il faut optimiser l'utilisation de tous les statuts d'entreprises publiques locales : SEM, SPL, SEMOP, SPLA, SPLAIN – nous en parlions tout à l'heure, madame Pires Beaune. Une palette de statuts est à disposition des collectivités. Tous ces outils doivent être utilisés en fonction des situations particulières des projets portés par les collectivités demandeuses.

Sur le caractère générateur de lourdeurs des recommandations, vous évoquiez en particulier, monsieur le député, les délibérations de l'ensemble des collectivités. Certes. Pour autant, si les collectivités actionnaires d'une SEM n'ont pas délibéré sur des questions aussi essentielles que la filialisation, la création des SEM et les évolutions stratégiques majeures de celles-ci, il est clair qu'elles ne peuvent pas mesurer les risques qu'elles portent du fait de leur participation à ces structures.

Je reconnais volontiers que la SEM d'un EPCI « XXL » qui recouvrerait l'ensemble des communes de cet EPCI serait difficile à traiter sur le plan de la lourdeur des délibérations à prendre pour faire évoluer la SEM. Il reste que ces délibérations sont la seule ou la meilleure des possibilités pour chacune des communes ou des collectivités actionnaires de savoir ce que leur participation signifie au sein de ladite SEM.

Plusieurs d'entre vous sont revenus sur la sévérité de notre constat. Je vous le redis : ce n'est pas un constat sévère. Il s'agit de l'identification de risques et de la volonté de notre part de faire en sorte que ces risques soient limités et que les élus des collectivités les mesurent précisément avant de s'engager ou en suivant l'activité des SEM dans lesquelles ils ont des participations.

Monsieur Aubert a évoqué la question du chef de filât. Je pense que c'est un sujet sur lequel le législateur devra revenir. Il est clair que, que ce soit dans les lois MAPTAM ou NOTRe, s'agissant des compétences partagées par les collectivités sur lesquelles un chef de filât a été établi au bénéfice de l'une ou l'autre des catégories, quelque chose reste relativement flou. Les conférences territoriales de l'action publique, chargées d'établir de manière consensuelle les compétences partagées entre ces différentes collectivités, n'ont pas réussi à éclaircir le concept de chef de filât et à en permettre une expression dans chacune des régions au profit de l'ensemble des collectivités. Là-dessus, je ne peux pas dire grand-chose de plus, si ce n'est que sans doute un jour, vous aurez à revenir sur le sujet.

Ensuite, il y a toute une série de questions sur lesquelles malheureusement nous n'avons pas de réponse. Avons-nous une idée du niveau moyen des revenus des dirigeants non élus dans les SEM ? La réponse est non. Nous avons pu regarder cela dans certains des 83 rapports qui sont à la base de notre travail. Nous considérons que ce n'est pas suffisamment représentatif pour vous donner une assurance du niveau moyen des revenus des dirigeants de SEM.

Sur les services rendus par les SEM, plusieurs d'entre vous m'ont interpellé sur le thème : « Vous ne l'avez pas fait. » Cela ne correspondait pas à la commande. La commande que, monsieur le président, vous nous aviez passée, était plus tournée vers les risques que vers les réalisations. Vous qui avez été, qui êtes ou qui serez élus locaux, vous voyez l'utilité des différentes SEM dans les collectivités dont vous émanez ou dans vos circonscriptions.

De la même manière, sur la masse globale de garanties d'emprunt, je n'ai évidemment rien de significatif. Nous retombons sur la difficulté que nous avons rencontrée, que vous rencontrez, d'absence de centralisation de l'information ou d'exhaustivité de l'information disponible. Même la FEPL, au titre de l'ensemble de ses membres, ne tient pas une statistique sur le niveau d'endettement ni sur celui des garanties apportées par les différentes collectivités.

De la même manière que sur les réalisations des SEM, vous nous avez demandé pourquoi nous n'avions pas fait un état ou une analyse particulière des SPL : la question que vous nous avez posée portait sur les SEM.

Les SPL sont la réponse sur la question du droit européen. Je ne pense pas qu'il n'y ait plus aucun risque vis-à-vis du droit européen. Nous limitons le risque, mais ce sont les sauvegardes à mettre en place, aussi bien avec les SPL que pour l'ensemble des entreprises publiques locales, qui vont réduire le risque de manière définitive.

S'agissant du rôle de la Caisse des dépôts, partenaire majeur des SEM, lorsque j'ai dit que nous étions à pratiquement 80 % de financement public dans les SEM, en réalité ce sont un peu plus de 10 % de financement des collectivités et 20 % d'autres acteurs publics, dont la Caisse des dépôts, qui est l'acteur public majeur en la matière. Pour ce qui est du rôle particulier de la Caisse des dépôts, une réponse a déjà été faite à l'Assemblée nationale ou au Sénat, dans le cadre d'un « 58-2° ». Elle mériterait sans doute d'être actualisée, mais nous pouvons essayer de vous la faire passer si, sous réserve d'actualisation, le sujet peut apporter des réponses à votre question.

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Le sujet suscite des débats. Les SEM sont un outil important pour les collectivités, et en même temps, cet outil, cela va de soi, doit être contrôlé et transparent. C'était l'objectif de ce rapport que de poser les questions après une série de rapports et, pour nous, d'en tirer les conséquences si nous le souhaitons.

La commission entend ensuite M. Raoul Briet, président de la première chambre de la Cour des comptes, sur le rapport d'enquête réalisé par la Cour, en application du 2° de l'article 58 de la loi organique relative aux lois de finances, « Les systèmes d'information de la DGFiP et de la DGDDI. investir davantage, gérer autrement ».

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Nous avons évoqué le sujet des systèmes d'information de la direction générale des finances publiques (DGFiP) et de la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) pas plus tard qu'hier avec le ministre Darmanin : dans le cadre du Printemps de l'évaluation, nous avons abordé les missions qui concernent le ministère de l'action et des comptes publics, et notamment les programmes relatifs à la DGFiP et la DGDDI. Le sujet a été évoqué par le rapporteur spécial, Laurent Saint-Martin, qui lui-même est à l'origine de ce rapport.

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Raoul Briet, président de la première chambre de la Cour des comptes

J'ai l'honneur de vous présenter ce rapport qui a été demandé à la Cour en juillet 2018 sur les investissements informatiques de la DGFiP et de la DGDDI. Il y a eu plusieurs réunions de mise au point entre l'équipe de la Couret M. Laurent Saint-Martin, le rapporteur spécial, pour définir précisément le champ de cette enquête.

L'instruction à laquelle a donné lieu ce rapport est une instruction ouverte ; cela n'a pas été un travail en chambre. Les équipes ont travaillé et ont rencontré des responsables des systèmes d'information d'organisations publiques, comme les caisses nationales de sécurité sociale, et de grandes organisations du secteur privé, des banques. Elles ont également échangé avec des cabinets de conseil spécialisés en la matière.

Comme vous l'avez peut-être noté, nous avons essayé, dans la mesure de nos moyens, de faire – je reprends l'expression qui a fait florès la semaine dernière – du parangonnage, c'est-à-dire de trouver des points de comparaison avec quelques pays, quatre en l'occurrence : le Royaume-Uni, les États-Unis, l'Australie et la Suède. Voilà pour les précisions de méthode.

Sur le périmètre de cette enquête, un rappel rapide des enjeux. Avec 650 millions d'euros de budget informatique pour les deux grandes directions, plus de 25 % des dépenses informatiques de l'État sont concernées. Ces systèmes sont vitaux non seulement pour ces deux directions, mais beaucoup plus largement pour l'ensemble de l'État, puisqu'il s'agit des recettes et des dépenses de l'État, et également de celles des collectivités locales et des hôpitaux. C'est un périmètre très large.

Le premier élément de diagnostic porte sur les caractéristiques de ces systèmes d'information que nous avons qualifiés de robustes mais vieillissants. Les administrations concernées n'ont pas contesté cette appréciation générale.

Nous disons que les systèmes sont « robustes » parce que les taux de disponibilité sont relativement élevés : il y a peu d'incidents majeurs. Néanmoins, dans ces directions, les taux de disponibilité, de l'ordre de 98 %, sont inférieurs à la cible de 99,9 % fixée par la direction interministérielle du numérique et du système d'information et de communication de l'État (DINSIC). Une autre nuance à apporter au diagnostic réside dans la relative fragilité de la douane, dont le taux de disponibilité s'est dégradé en 2017. Nous avons pu le constater dans un récent contrôle sur l'exercice par la douane de ses missions économiques.

Deuxième élément de caractérisation du système : les outils internes sont moins performants et moins ergonomiques. Nous constatons que les taux de satisfaction des utilisateurs sont nettement en deçà de ceux des usagers, ce qui est une manière d'établir que la DGFiP et la douane ont eu comme premier souci – nous ne pouvons que les en féliciter – de répondre correctement aux demandes de leurs usagers, au détriment de l'ergonomie des applications pour les agents.

La mise en place satisfaisante du prélèvement à la source constitue un autre élément attestant de la robustesse de ces systèmes. Même s'il s'agit d'un projet tout à fait atypique avec une gouvernance, un coût et un financement particuliers, au strict plan technique, cela a à ce stade fonctionné de manière satisfaisante. Néanmoins, notre étude est intervenue trop tôt pour pouvoir réaliser un point détaillé, mais le sujet pourra donner lieu à une analyse a posteriori.

Si les systèmes sont robustes, ils sont toutefois anciens. La plupart de ces systèmes se sont construits par couches technologiques successives, dont certaines remontent aux années 1970. La « dette technique » –c'est le terme consacré, que nous employons souvent dans le rapport – est l'accumulation de produits obsolètes en matière de matériels, de logiciels, de lignes de code, tout cela conduisant à un système d'information sous-optimal.

Nous avons demandé à la DGFiP, une évaluation du coût d'une résorption complète de cette dette technique ; nous n'avons pas pu obtenir cette information, car elle n'existe pas. À côté des systèmes phares et récents comme Copernic et Chorus, il y a encore des applications informatiques anciennes pour la gestion de la fiscalité des particuliers, des professionnels, pour le recouvrement ou pour la paye.

De son côté, la douane a entrepris depuis plusieurs années une démarche d'identification de mesures et de résorption des principaux éléments de la dette technique. Le retard technologique qui crée cette dette technique conduit à des coûts d'exploitation élevés et obère, ou rend impossible, l'évolution vers une gestion plus souple ou plus agile.

Enfin, nous avons relevé des évolutions contrastées concernant les budgets de ces administrations : ils sont en baisse à la DGFiP, et en hausse à la douane. Cette dernière a en effet connu une augmentation de son budget informatique de près d'un tiers entre 2012 et 2017 : elle a bénéficié de renforcements budgétaires pour moderniser le dédouanement, puis dans le cadre des plans de lutte contre le terrorisme, et enfin, et plus récemment, afin de permettre la de préparation de cette administration au Brexit.

À l'inverse, sur la même période, la DGFiP a connu une baisse de près de 8 % de ses crédits, enrayée en fin de période par le prélèvement à la source. Cette baisse de crédits a été partiellement compensée par une politique, légèrement opportuniste, consistant à aller puiser dans les sources de financement particulières qu'ont constitué les programmes d'investissement d'avenir, le fonds de transformation du secrétariat général des ministères économiques et financiers, ou plus récemment, le Fonds de transformation de l'action publique (FTAP).

Cette baisse des moyens informatiques de la DGFiP contraste avec la période antérieure à la fusion, marquée par des niveaux élevés d'investissement informatique, avec Chorus et Copernic. Nous avons eu le sentiment qu'après 2008, après la fusion, nolens volens, la DGFiP a réduit la voilure en matière informatique, en privilégiant les mesures d'accompagnement social de la réforme. Les auditions que nous avons réalisées n'ont pas démenti cette impression.

La part des dépenses informatiques dans le budget global de la DGFiP représente 6,7 %. Les comparaisons sont à prendre avec précaution, mais il est significatif de relever que pour une entité comme l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, qui fait un métier assez similaire à celui de la DGFiP en termes de recouvrement, ce pourcentage est double et atteint 14,8 %. Au sein des quatre administrations fiscales étrangères étudiées, ce pourcentage se situe entre 11 et 21 %.

Le budget de la DGFiP est également caractérisé par un poids très lourd des dépenses de personnel, qui reflète le choix de ne recourir que très exceptionnellement et marginalement à la sous-traitance. Cette approche a un mérite, puisqu'elle permet de préserver la maîtrise par la DGFiP de ses principaux outils sur son coeur de métier. En revanche, cela la prive des avantages que l'on peut attendre de l'externalisation, notamment l'ajustement des charges au niveau de l'activité et la possibilité de se rapprocher de la frontière technologique en accédant aux dernières compétences techniques à l'état de l'art.

Le budget informatique de la DGFiP présente une autre caractéristique : une part importante est consacrée aux dépenses de personnel. L'État dans son ensemble, et les organismes privés que nous avons étudié, consacrent 30 % de leur budget aux dépenses de personnel, et 70 % aux dépenses de fonctionnement et d'investissement. C'est l'inverse à la DGFiP : 70 % du budget des systèmes d'information est consacré à des dépenses de personnel.

Ces éléments conduisent à des dépenses d'exploitation et de maintenance très lourdes, liées à une dette technique et très ancienne, et à des dépenses d'investissement faibles. La DGFiP consacre ainsi 10 à 15 % de son budget à des dépenses d'investissement, soit à peu près la moitié de ce que nous trouvons dans des organisations publiques ou privées comparables.

Voilà pour le diagnostic d'entrée sur les systèmes, leur robustesse, leur ancienneté et les évolutions des moyens dans la période récente.

À ces facteurs budgétaires s'ajoutent des faiblesses plus structurelles, qui sont de trois ordres. Mon propos portera essentiellement sur la DGFiP, et dans une moindre mesure, sur la douane, car les situations et les poids relatifs des deux entités sont différents.

La première faiblesse structurelle tient à la gouvernance, qui, à la DGFiP, est particulièrement lourde. La DGFiP dispose d'une gouvernance à son image : complexe, lourde, peu fluide, avec une comitologie abondante, un processus de juxtaposition de microprojets portés de manière verticale, à défaut d'orientations stratégiques claires.

La gouvernance informatique de la DGFiP est également caractérisée par une dispersion excessive de ses moyens sur le territoire. La fusion des deux anciennes directions, la direction générale des impôts (DGI) et la direction générale de la comptabilité publique (DGCP), n'aura pas conduit encore à des fusions en termes d'appareils informatiques, puisque trente-quatre établissements de services informatiques demeurent, là où, de notre point de vue, la moitié suffirait.

La part des effectifs employés à l'assistance technique des agents dans l'ensemble du réseau est considérable, de l'ordre d'un quart. La DGDDI n'est pas dans cette situation, et recourt à un mode de gouvernance plus classique ; cette administration a cherché à remédier aux difficultés tenant aux ruptures de chaîne hiérarchique depuis l'été 2018.

En outre, il existe dans l'organisation de la DGFiP un service à compétence nationale, Cap numérique, qui est un lieu d'innovation et de transformation. Ce lieu existe et fonctionne, mais son poids relatif est faible, et il bénéficie d'une faible reconnaissance au sein de la DGFiP.

La deuxième faiblesse réside dans la conduite de projets, qui est à professionnaliser. Nous avons été marqués par le fait que ni la DGFiP, ni la douane n'aient mis en place des systèmes et des indicateurs permettant de piloter et de suivre les coûts et les délais. De ce fait, 90 % des grands projets dépassent les coûts de manière importante, de 65 % en moyenne. La DINSIC a estimé que, pour l'ensemble des projets informatiques de l'État, ces dépassements étaient de l'ordre de 20 %. Les ordres de grandeur sont donc beaucoup plus élevés.

De plus, il n'existe pas de suivi systématique des délais, et les écarts à la prévision ne sont pas analysés : la gestion est faite en continu, au fil de l'eau, sans indicateur permettant de piloter les coûts et les délais dans une stricte logique technique.

La troisième faiblesse structurelle que nous avons relevée concerne la gestion des ressources humaines, confrontée à des problèmes très sérieux de difficultés de recrutement et de renouvellement des compétences. À la DGFiP, nous relevons que les modalités actuelles du concours ne lui permettent pas de recruter des jeunes diplômés pour des raisons de calendrier : les diplômés de juin ne peuvent se présenter au concours qu'en mars de l'année suivant celle de leur diplôme, pour pouvoir être recrutés en septembre ; mais entre le moment où ils sont diplômés et le moment où ils entrent dans les cadres, le marché du travail leur a offert bien d'autres perspectives et d'autres propositions, tant et si bien que le moment venu, les postes ne sont pas pourvus. Le pourcentage de postes de programmeurs non pourvus est ainsi très important. De même, nous relevons des difficultés dans la capacité à retenir les alternants ou les apprentis, à les intégrer à temps plein de manière durable au sein de l'administration fiscale.

La douane rencontre quant à elle un important problème d'attractivité, qui est moins prégnant à la DGFiP, puisque cette maison est d'une taille, d'une visibilité, et d'un poids qui attirent spontanément les jeunes informaticiens. À la douane, en 2018, 80 % des postes d'informaticien ouverts au concours n'ont pu être pourvus.

En dépit de cette situation difficile, nous relevons que les deux directions ne recourent que de façon tout à fait marginale au recrutement d'agents contractuels, en raison de freins internes, d'habitudes, de pesanteurs sociologiques ou de pesanteurs au sein des équipes de direction. Environ 2 % des effectifs informatiques de la DGFiP sont constitués de contractuels. Ce pourcentage atteint 5 % s'agissant de la douane. Cela est fort peu, et il n'y a pas d'accélération récente. Dix-sept contractuels ont en effet été recrutés en trois ans dans chacune des directions. Ce recours reste donc totalement marginal.

La quatrième faiblesse structurelle identifiée tient au fait que les démarches stratégiques sont inégalement abouties, avec une situation nettement différente entre les deux directions. La DGDDI a engagé un effort de mise en mouvement et a défini une stratégie ambitieuse, baptisée « e-Douane ». La douane a formalisé une stratégie ambitieuse, que son manque de moyens peut néanmoins sérieusement compromettre. En revanche, la DGFiP a fait historiquement un chemin singulier qu'elle continue à suivre – à moins de changements proches à espérer : elle n'a pas formalisé de stratégie, et n'a pas non plus adopté de schéma directeur informatique.

C'est un choix pleinement revendiqué, qui la place dans une situation très singulière par rapport aux autres organisations publiques et privées. Deux explications nous ont été livrées oralement : la première est que « comme nous n'avons pas de crédits, rien ne sert de faire un schéma directeur », et la seconde, que « la législation change tellement souvent que faire un schéma directeur à trois ans n'a pas de sens ».

Ce sont des arguties plutôt que des arguments, à mon sens, qui renvoient à une logique de fonctionnement au coup par coup, à court terme, sans arbitrage, sans vision stratégique à moyen terme et sans volonté de faire de l'outil informatique un levier de transformation de l'organisation et des métiers. L'informatique constitue un sujet traité à part, selon une conception purement technique, et pas dans une vision stratégique. Or, un schéma directeur rattaché à un plan de transformation oblige aussi à penser aux conséquences que peut avoir la transformation numérique sur les métiers et le réseau.

Le troisième chapitre du rapport énonce les conditions d'une transformation numérique réussie. Dans le rapport que nous avions consacré il y a un an au bilan de la fusion entre la DGI et la DGCP, pour les dix ans de la DGFiP, nous avions recommandé d'intensifier la capacité d'investissement dans les systèmes d'information, ce que ce travail confirme.

Nous ajoutons qu'il faut investir davantage et gérer autrement, ou investir davantage mais gérer autrement. Ces deux aspects doivent aller clairement de pair, et nous formulons plusieurs recommandations pour une autre forme de gestion de ces projets et ressources informatiques.

La première condition réside dans la mise en place d'un cadre stratégique pluriannuel, ou d'un schéma directeur, qui doit permettre d'expliciter des priorités stratégiques et en termes de modernisation des pans les plus anciens des systèmes d'information.

Nous considérons que ce cadre stratégique pluriannuel, indispensable, devrait gagner en interdirectionnalité au sein des administrations de Bercy car la caractéristique des deux directions, la douane et la DGFiP, est qu'elles pensent leurs évolutions, leurs transformations informatiques de manière séparée. Nous appelons à un rôle accru du secrétariat général, non dans le détail de la mise en oeuvre ou du contenu du schéma directeur, mais dans les orientations stratégiques, de manière à maximiser les effets d'entraînement. De même, nous considérons que les deux directions devraient s'inscrire de manière plus explicite, plus proactive, dans les orientations interministérielles de la DINSIC. Une stratégie informatique de transformation est nécessaire à la DGFiP.

Notre deuxième axe de recommandations porte sur l'accroissement de la performance des services informatiques. Cela suppose de simplifier considérablement la gouvernance de la fonction informatique, de réduire le nombre de sites informatiques à la DGFiP et de mettre en place une politique beaucoup plus active et ambitieuse en matière de ressources humaines pour diversifier les profils des agents, identifier les compétences nécessaires, recourir aux contractuels et adapter les règles en matière de concours.

Notre troisième axe de recommandations a pour objectifs d'améliorer la conduite de projets et de recourir aux méthodes dites « agiles ». La DGFiP n'y recourt quasiment pas. Sans en faire l'alpha et l'oméga pour l'ensemble des développements des applications informatiques, il y a manifestement une nécessité à la DGFiP d'utiliser plus largement cette méthode, et de mettre en place un dispositif de contrôle interne et de suivi, à la fois des coûts et des délais, car les dispositifs font actuellement défaut.

Voilà pour les trois orientations définies pour que la transformation numérique soit réussie. Cela débouche sur dix recommandations que je ne reprends pas ici. Je pense que nous aurons la possibilité, avec les collègues qui m'entourent, de les développer en répondant aux questions que vous ne manquerez pas de nous poser.

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Je vais, avec votre autorisation monsieur le président, passer la parole au rapporteur spécial pour les questions de fond.

D'abord, je voulais vous remercier, monsieur le président de chambre et mesdames et messieurs les magistrats, pour ce document, et lancer un droit d'alerte, presque syndical, en forme de question, sur le système Chorus, système dont je bénéficie régulièrement : je continue à servir de consultant gratuit et éloigné des collectivités locales pour tenter de gérer des programmes européens, puisque plus personne n'y arrive vraiment !

Dans votre rapport, vous revenez sur les turpitudes de la préparation de l'introduction dans Chorus de la comptabilité générale de l'État, fin 2011 – cela ne date pas d'hier –, et sur les raisons de ne pas modifier des applications dites « remettantes », avec des modalités d'échange qui n'ont jamais évolué par la suite. C'est assez catastrophique.

Je voudrais simplement illustrer ce que vous venez de dire au travers des conséquences que peut avoir ce genre de problème de logistique informatique. Souvent, sur un « 58–2° » comme celui-là, on peut penser que la situation est gênante pour ces administrations, mais que les difficultés qu'elles rencontrent ne vont pas changer la face du monde. Si. Cependant nous sommes arrivés à de tels problèmes de gestion au travers de Chorus – je pense notamment aux programmes européens – que nous sommes dans une situation où certains programmes sont en voie d'être littéralement abandonnés, notamment les programmes opérationnels, et les programmes internationaux au motif de la complexité du système informatique.

Pendant que nos voisins et amis, qu'ils soient italiens, allemands, autrichiens ou autres, ont un système parfaitement efficace, nous sommes en train, côté français, de faire en sorte que remontent des informations sur la suppression d'un certain nombre de programmes, au motif de l'incapacité de les prendre en compte en comptabilité de manière correcte. Cela crée en plus des hurlements entre collectivités locales et État car plus personne ne sait ce qui est imputé réellement sur ses programmes, d'où cela vient, quel a été le montant de la contrepartie régionale, départementale, nationale sur un certain nombre de programmes.

Au-delà de l'informatique, il y a une fois de plus des difficultés pour la France de se situer sur un certain nombre de programmes, notamment européens. Je vous prie de croire que quand il y a un contrôle de l'Office européen de lutte antifraude sur les programmes français, c'est la catastrophe complète. Souvent, des remboursements sont demandés tout simplement car nous sommes incapables de faire des extractions correctes à partir de ces systèmes. Nous nous retrouvons dans une situation où des porteurs de projet sont mis en difficulté, alors qu'ils n'auraient jamais dû l'être car personne n'a fait d'abus de confiance particulier sur ces projets.

C'est un droit d'alerte avec une simple question : est-ce amené à évoluer ? Nous atteignons le bout. J'en viens à conseiller à tous mes collègues qui veulent faire soit des programmes interrégionaux, soit des programmes transnationaux, de trouver un porteur de projet et un chef de file à l'étranger, de façon que nous soyons sûrs que l'affaire puisse être maîtrisée comptablement de manière à peu près correcte, puisque la France n'est pas capable de le faire.

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D'abord, merci monsieur le président de la première chambre, et mesdames et messieurs les magistrats, pour ce travail qui correspond bien aux cadrages que nous avions fixés ensemble le 12 septembre dernier.

Merci aussi pour le respect des délais. Il permet ce chaînage vertueux avec le Printemps de l'évaluation. Cela nourrit bien l'audition, hier après-midi, du ministre de l'action et des comptes publics, M. Gérald Darmanin, et l'angle d'évaluation de politique publique qui a été le mien comme rapporteur spécial sur les systèmes d'information de ces deux grandes administrations. Merci au président de la commission de veiller à ce chaînage vertueux qu'il faudra poursuivre au cours des prochaines années.

Je ne reviendrai pas sur l'ensemble des propositions, ce serait trop long. Je voudrais me concentrer sur trois points : le sujet de la dette technique et de sa résorption ; pour résoudre cette dette technique, le sujet du recrutement, des ressources humaines ; enfin, les méthodologies de financement entre crédits budgétaires et fonds d'appels à projets.

Sur le sujet de la « dette technique », votre rapport indique qu'il y a plus de 760 applications à la DGFiP, dont 9 % sont obsolètes, vous le dites, un certain nombre d'entre elles ont une durée de vie arrivée à échéance. Manifestement, il y a un vrai défi pour résorber cette dette technique.

La question se pose de savoir combien d'années cela va prendre, et sur ce sujet, nous manquons encore de visibilité. Vous proposez un schéma directeur ; je me demande s'il ne faudrait pas plutôt parler d'un schéma glissant. Je ne sais pas quelle serait la bonne terminologie, mais la méthode suivie par l'administration a forcément besoin d'une certaine agilité, vous le mentionnez vous-même. Dès le calcul pour essayer de savoir combien de temps cela pourrait prendre, cela me paraît nécessaire. Avez-vous réfléchi au temps qui serait exigé pour mettre à niveau les systèmes d'information de la DGFiP ?

Lors de l'audition du ministre de l'action et des comptes publics, hier, j'ai appelé de mes voeux à une augmentation des crédits informatiques sur la DGFiP et la DGDDI – et surtout à la DGFiP. Cela a été, je crois, entendu. J'ai aussi mentionné les sujets de recrutement. Pour cela, je souhaite vous interroger sur votre vision sur la manière d'améliorer l'efficacité du recrutement, non pas strictement budgétaire, mais plus généralement du point de vue de la gestion ressources humaines. Que pensez-vous du dispositif des entrepreneurs d'intérêt général? Avez-vous réalisé une comparaison avec d'autres ministères sur le sujet des recrutements de personnes affectées aux systèmes d'information ? Et que pensez-vous du projet de loi relatif à la transformation de la fonction publique, adopté hier par notre assemblée, concernant plus particulièrement le développement du recours aux agents contractuels, et le statut d' « agents projet » ? Ce dernier dispositif pourrait être tout à fait adapté à la problématique des chantiers informatiques, qui sont bornés dans le temps.

Enfin, je ne peux m'empêcher de faire une passerelle avec la mission d'information sur la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances, que nous sommes en train de conduire avec le président et le rapporteur général de la commission des finances. Je me demande s'il n'y a pas un cadre organique à revisiter pour ces contractuels qui seraient affectés à des chantiers informatiques : le cadre organique ne doit-il pas être applicable à une masse salariale de l'État réadaptée et permettre une meilleure gestion des effectifs ? Je pense notamment au titre 2 et aux règles de fongibilité qui, à mon avis, empêchent l'agilité que vous appelez de vos voeux dans votre rapport. Ne faut-il pas assouplir les règles de fongibilité entre les natures de dépenses pour certains secteurs d'emploi très particuliers ? Je le disais au ministre hier : nous pourrions imaginer que ces secteurs soient définis dans la loi de programmation des finances publiques. Nous définirions des secteurs d'emploi bien particuliers où un certain assouplissement des règles de fongibilité serait applicable, et permettrait d'améliorer l'agilité dans un certain nombre de projets informatiques, ce que vous appelez de vos voeux.

Dernière question : quel est votre avis sur le FTAP, doté de 700 millions d'euros entre 2018 et 2022, qui permet à beaucoup de projets informatiques ou numériques de trouver des financements ? Il y a en effet deux curseurs : le premier renvoie aux crédits de paiement sur les crédits informatiques, et le second, aux fonds fonctionnant par appels à projets. L'équilibre est-il trouvé aujourd'hui ? Faut-il un peu plus pousser le bouton des crédits de paiement ? Faut-il un peu plus pousser le bouton du FTAP, ou de ses équivalents ? Il y existe également un fonds créé par le secrétariat général de Bercy, ainsi que le fonds pour l'accélération du financement des start-up d'État, le FAST, créé l'an dernier : il existe ainsi une myriade de fonds. Est-il plus pertinent, selon vous, de loger ces financements dans des fonds dédiés, ou la priorité est-elle celle à propos de laquelle j'ai interrogé le ministre hier, qui consiste à augmenter les crédits informatiques de l'administration ?

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Je suis à l'origine de la fusion entre la DGI et la DGCP. Je note que personne ne remet en cause cela, même si la fusion est complexe. Nous savions qu'il faudrait des années pour conclure cela. Il est vrai que les systèmes d'information jouent un rôle absolument majeur dans ce domaine.

Force est de constater, et le rapport le signale ici ou là, qu'il existe de très grandes difficultés de construction des systèmes-clefs, comme Chorus ou Copernic, que vous avez cités, et beaucoup de moyens ont été injectés pour réussir à les mettre en place. Je pense que c'est plutôt un succès, mais toute chose vieillit.

Le temps passé a montré notamment que le pilotage des prestataires extérieurs pouvait être à l'origine de certaines difficultés, en raison du pilotage intérieur, mais également d'une incapacité politique. Il n'y a pas de politique dans le domaine des systèmes informatiques. À l'opposé de l'idée générale selon laquelle il y a toujours un pilotage politique puis un pilotage administratif, dans le domaine informatique, il n'y a aucun pilotage politique. Un politique passe d'un an à trois ans dans un ministère ; on met des années pour déployer des systèmes informatiques de cette nature : il ne peut pas comprendre, ni « entrer dans le truc ». Il peut éventuellement créer un comité supplémentaire pour essayer de se sécuriser, ce qui en général est fait, mais est balayé par le comité d'après. Ce sujet pose une vraie question : il n'y a pas de pilotage politique. Je pense que c'est un problème, mais je ne sais pas si nous pouvons le résoudre.

Je crois aussi que la baisse des crédits informatiques est liée au fait qu'après cet effort intense réalisé, on a lâché un peu la bride pendant quelques années. Maintenant il faut reprendre cet effort. Il y a beaucoup d'autres systèmes, vous les citiez. Copernic et Chorus sont les arbres qui masquent la forêt, peut-être pas en termes budgétaires cependant. Je pense par exemple à l'échec de l'Opérateur national de paye (ONP) ; je ne sais pas si vous avez repris cela dans votre rapport. Il n'y a pas que Louvois ! C'est une bonne idée mais qui n'a pas fonctionné, et qui, si mes souvenirs sont bons, a été abandonnée. L'idée est semble-t-il reprise. Considérez-vous que nous ayons tiré tous les enseignements de cet échec ?

Second point, concernant le prélèvement à la source. Cette réforme est considérée comme une réussite technique. Je n'entre pas dans la question sur l'opportunité de cette réforme, car c'est un autre sujet. Cette réussite technique, vous le dites dans votre rapport, n'a-t-elle pas concentré tous les efforts de la DGFiP au détriment d'autres développements déjà considérés comme prioritaires ? Cela est compréhensible, car l'administration ne pouvait pas se permettre de se tromper là-dessus. Allons-nous accumuler des retards dans d'autres domaines que vous considérez comme importants parce qu'il a fallu loger le prélèvement à la source ?

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Nous avons des efforts à faire dans des fonctions support importantes, surtout pour nos concitoyens. Nous sommes là face à quelque chose auquel tous les responsables d'administrations et de collectivités doivent faire face : un problème de modernisation et de mutualisation de systèmes d'information très différents, qui ont un historique, un historique aussi humain. Ce que nous avons enclenché depuis quelques mois avec la majorité va dans le sens de cette rationalisation et de cette optimisation des services d'information.

Ma première question porte sur la manière dont ce que vous avez décrit s'inscrit dans le cadre d'« Action publique 2022 ». Je vous ai écouté, j'ai lu votre document, on y parle beaucoup d'efficience, d'optimisation des budgets, des ressources humaines. La question que je me pose pour avoir piloté ce genre d'outils et de dispositifs en collectivité : tout cela pour quoi ? Service à la personne, service au public ? On sent bien que c'est inhérent à tout ce que vous avez décrit, mais à mon sens cela ne ressort pas assez. J'ai peur que dans le cadre de ce dispositif qui est en train de se mettre en place, cet objectif principal soit perdu, passe au second plan.

De plus, comment s'assurer que cet objectif principal de service aux usagers reste la feuille de route de ceux qui auront amené cette réforme ?

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Nous auditionnions hier le ministre en charge de l'administration de Bercy et de l'ensemble de ces dispositifs. Je n'ai pas le sentiment, d'après les questions qui lui ont été posées et ses réponses, qu'il relevait un quelconque dysfonctionnement ou une quelconque difficulté. Nous avions le sentiment que tout allait bien, qu'il pilotait et qu'il y avait une parfaite harmonisation entre les différents services, qu'il s'agisse de la DGFiP ou de la DGDDI, qu'a priori, il avait recadré les choses s'agissant des systèmes informatiques et que l'ensemble donnait aujourd'hui satisfaction. Je schématise, mais cela donnait réellement ce sentiment. J'ai déjà utilisé votre rapport hier et je n'ai pas été beaucoup entendue, mais ce matin, je suis ravie de cette audition.

Sur la « dette technique », le rapporteur spécial parle de résorption de la dette. C'est très bien et nous avons l'impératif de la résorber. Mais pour résorber une dette, encore faut-il en connaître l'étendue. J'ai le sentiment, à entendre les rapporteurs aujourd'hui, que nous n'avons pas d'évaluation précise de la part de l'administration fiscale. C'est le danger.

Imaginez : Bercy est en capacité de contrôler la moindre entreprise, de la petite entreprise à la très grosse entreprise internationale, mais n'est pas en capacité d'évaluer la dette technique de son système informatique ! C'est hallucinant, tout simplement.

La réalité en revanche – cela a été très bien dit – est que l'on obère complètement de ce fait les capacités d'investissement, qui sont limitées, entre 10 et 15 % du budget. Tout le monde a conscience que c'est largement insuffisant par rapport aux besoins. Cet alourdissement, ce retard technologique va amener des surcoûts d'exploitation. C'est un peu comme une boule de neige. On va, de plus en plus, aller vers des surcoûts d'exploitation, au détriment des capacités d'investissement. C'est inquiétant.

Seconde question, sur le FTAP. Nous avons 425 millions d'autorisations d'engagement en 2019. À voir comme cela, c'est très bien, nous allons pouvoir avancer sur des projets concrets et des mesures précises. Sauf que nous savons tous que toute politique publique doit avoir des indicateurs de suivi. Or, sur ce sujet, où sont les indicateurs de suivi des coûts et des délais par rapport aux projets informatiques ? Je n'en ai pas trouvé de trace. Monsieur le rapporteur, avez-vous une idée des indicateurs retenus ?

Enfin, vous préconisez une fluidification de la gouvernance. Je crois que c'est fondamental : si nous voulons avoir demain des services cohérents avec une totale synergie, il va falloir, alors que nous avons un seul ministre de tutelle, aller vers une gouvernance fluidifiée et un vrai pilotage. On ne cesse de parler d'optimisation et de réduction des coûts par le rassemblement des services : je ne comprends pas que nous ne fassions pas quelque chose d'un peu plus large, un peu plus cohérent entre les deux services, la DGFiP et la DGDDI.

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Merci, monsieur le président de la première chambre, pour votre rapport qui relève sans surprise l'importance des systèmes informatiques pour les deux directions des finances et des douanes. Vous observez le bon fonctionnement de ces systèmes en ce qui concerne ces deux directions.

Dans ce domaine où les choses vont vite, vous mettez l'accent sur le fait que l'ancienneté de nombreux logiciels a engendré une dette technique. Vous dénoncez une « absence de stratégie informatique » et faites une série de recommandations dans ce domaine, dans l'objectif de moderniser les systèmes d'information.

Je voudrais souligner un seul point, pour ne pas revenir sur ce que d'autres collègues ont dit : le domaine de la cybersécurité, qui est devenu un enjeu de protection considérable pour les citoyens et pour les intérêts fondamentaux de tous les pays. Quel est l'état de la cyberdéfense dans les deux directions étudiées dans le rapport ? Quels sont les retards en la matière ? Quelles sont les perspectives pour ces deux directions ?

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Monsieur le président de la première chambre, je me pose beaucoup de questions sur votre proposition 3. À travers tout ce que vous décrivez, la question de fond est : « Avons-nous les équipes d'informaticiens à la hauteur de ce qu'il faudrait faire pour avoir un système performant, qui évolue en permanence, etc. ? ». C'est vrai dans ces deux directions, mais aussi dans bien d'autres ministères.

Il me semble que dans votre rapport, vous ne parlez pas assez du problème des rémunérations. Nous sommes sur un marché, vous l'avez dit, monsieur le président, mais faut-il passer par un concours ? Vous dites dans vos recommandations : « augmentons le nombre de contractuels ». Il faut payer les gens à un niveau sensiblement équivalent au prix du marché dans le privé, sinon nous n'aurons jamais d'informaticiens de haut niveau, de personnes capables de mener de très gros programmes. Ma question est la suivante : avons-nous humainement les compétences et le niveau nécessaires pour faire évoluer suffisamment vite les systèmes informatiques de ces deux directions ?

Ma seconde question : pourquoi en sommes-nous là ? Est-ce parce que cette question n'intéresse pas du tout les ministres successifs ? Politiquement, cela vous explose à la figure quand cela ne marche plus du tout, sinon personne ne s'intéresse à ces questions. Il n'y a jamais eu de pilotage politique parce que les ministres en charge de ces deux directions changent tous les deux ans ; or de tels projets requièrent cinq à dix ans d'efforts continus et l'on n'a jamais fini.

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Raoul Briet, président de la première chambre de la Cour des comptes

Sur Chorus et le droit d'alerte de M. le rapporteur général, dont acte. Chorus est piloté par l'Agence pour l'informatique financière de l'État (AIFE), une entité distincte de la DGFiP. C'est un service à compétence nationale, « Bercy hors Bercy », mais ce n'est pas la DGFiP. Cela renvoie d'ailleurs à des questions un peu plus globales de gouvernance informatique à Bercy.

S'agissant de Chorus, on a fait un gros investissement mais on s'est arrêtés en chemin et de ce fait, on n'a pas tiré toutes les contreparties possibles de l'investissement initial. Après l'investissement initial, la transition, et le gros travail fait au moment du basculement en comptabilité générale, tout le travail d'investissement financier, humain et technique qui devait être fait pour tirer toutes les potentialités de Chorus se sont arrêtés faute de crédits de nos deux ministères, faute d'intérêt à agir également. Nous sommes dans un système qui est de toute évidence sous-optimal.

Sur la « dette technique », question abordée par M. Saint-Martin, la DGFiP s'est en quelque sorte mise en situation de ne pas chercher à la mesurer, l'identifier, la globaliser. Cela fait partie de ces impensés des responsables de la DGFiP. Cela ne veut pas dire que cela ne se fera pas.

Nous avons pu voir, en regardant ce qui se passait dans d'autres organisations, qu'une entité comme la branche famille, la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) – dont nous savons que l'informatique est le talon d'Achille car c'est un univers très compliqué – s'est mise en situation à la fois de mesurer sa dette technique et de bâtir un plan de résorption. Il faut bien voir qu'en termes économiques, un plan de résorption est normalement un investissement rentable. Du côté de la CNAF, cet investissement initial de 22 millions d'euros lui a permis au bout de deux ans de dégager des économies de fonctionnement de 20 millions d'euros. Il faut attaquer le sujet au principal, faute de quoi on continue à dépenser beaucoup d'argent pour continuer à maintenir en vie des applications ou logiciels qui ne fonctionnent pas.

Le sujet informatique est porté à la DGFiP au cas par cas, un peu au fil de l'eau, sans vision stratégique de ce vers quoi nous voulons aller. À partir de là, nous accumulons chaque année et nous essayons de faire aussi bien que possible – pas si mal que cela, en fin de compte, avec des systèmes qui ne cessent de vieillir et qui génèrent des coûts de fonctionnement croissants.

Nous appelons de nos voeux un changement de portage. Le ministre dit que tout va bien car les difficultés ne lui remontent pas, mais stratégiquement, tout ne va pas bien. C'est ce que dit le rapport. Précisément, il manque cette dimension globale, stratégique et volontariste. C'est de la gestion au quotidien, correcte, mais ce n'est pas une stratégie de transformation.

Surtout, et cela renvoie à une autre question de M. Saint-Martin, dans des entités comparables à l'étranger ou en France, dans le secteur public ou privé, la stratégie de transformation numérique est le fil directeur d'une transformation tout court des organisations, des métiers, du réseau et des relations territoriales. C'est ce qui fait bouger l'organisation dans son ensemble. Au sein de l'administration fiscale, cet élément n'est pas utilisé comme facteur de transformation. Il est utilisé comme strict objet technique, permettant chaque année d'exécuter les missions que le législateur lui confie.

Il est sûr que pour une maison comme la DGFiP, recenser, mesurer sa dette technique est un gros travail. Pour l'instant, elle n'en a que des éléments très partiels. Mais le sujet est à la mesure des moyens de cette direction qui emploie quelque 5 000 informaticiens. Je pense qu'il faut opérer un changement de représentation, de culture en la matière.

Il est frappant que nous trouvions en l'absence de schéma stratégique cette même difficulté à se projeter, à réfléchir. L'argument serait que les choses évoluent tellement, que le législateur change tellement la législation fiscale que cela n'a pas de sens. Je pense que c'est un faux argument. Toutes les organisations, à l'étranger ou en France, publiques ou privées, ont des schémas directeurs informatiques.

La douane a appelé cela « e-Douane », pour donner un ton plus moderne et plus transformateur, ou plus disruptif, mais fondamentalement il faut savoir quelle est la cible vers laquelle nous voulons faire évoluer les schémas directeurs, les schémas informatiques, et derrière cela, quelle est la cible vers laquelle nous nous voulons faire évoluer la direction elle-même. Ce n'est jamais qu'un moyen de transformer la direction et de répondre à la demande des usagers.

Cela se fait partout, toutes les caisses nationales de sécurité sociale en ont toujours eu. Il y a même maintenant, du côté de la sécurité sociale, un schéma informatique transverse. L'une des difficultés dans les tuyaux d'orgue est de faire en sorte que de temps en temps chacun pense les éléments de complémentarité. Ces éléments transverses n'existent pas à Bercy, et c'est un vrai sujet.

De ce point de vue, l'élément nouveau et assez positif est ce que la secrétaire générale des ministères économiques et financiers nous a dit qu'il y a maintenant un petit volant de crédits. Cela répond indirectement à la question de M. Saint-Martin. Je pense que donner tous les crédits aux seules directions, c'est les conforter dans une stratégie de tuyaux d'orgue, de silos. Les obliger à expliquer leur stratégie et comment cette stratégie se marie avec d'autres directions ou avec l'interministériel, la DINSIC, me paraît être de bonne politique.

Il est sain que qu'une composante assez significative des budgets informatiques ne soit pas purement et simplement allouée aux directions, en raison de la chape d'opacité qui immédiatement vient recouvrir ces moyens supplémentaires. La nécessité que vont avoir ces directions de devoir justifier et négocier une partie de leurs moyens auprès de l'interministériel, du secrétariat général, va dans le bon sens et les oblige à s'ouvrir à des regards extérieurs.

Sur la fongibilité, sujet évoqué par M. Saint-Martin, nous avons toujours été assez surpris, pour ne pas dire confondus, et nous l'avons dit à l'occasion de l'analyse de l'exécution budgétaire de la mission Gestion des finances publiques et des ressources humaines, qu'ayant des disponibilités en fin d'exercice, la DGFiP ne fasse rien d'autre que recruter quelques dizaines ou centaines d'agents contractuels supplémentaires, comme si elle ne cherchait manifestement pas à mettre tout son poids dans la balance pour obtenir de la direction du budget que ces crédits soient transformés en crédits d'investissement informatique.

Dit autrement, la DGFiP, d'une certaine manière, a conclu ou accepté la situation budgétaire dans laquelle elle a été placée après, comme vous l'avez rappelé justement, monsieur le président, le gros effort fait au début des années 2000 avec Copernic et Chorus. Elle a accepté et privilégié le recours au personnel ou à la moindre diminution d'effectifs par rapport à l'investissement informatique.

N'oublions pas que le prélèvement à la source n'a pas été revendiqué par le ministre mais s'est traduit par, deux années de suite, une moindre réduction des effectifs de la DGFiP. La dynamique habituelle et assez légitime, au regard des gains de productivité de 2 000 effectifs, a été réduite deux années de suite à 1 500 agents. Cela signifie que de ce point de vue, de la souplesse s'est manifestée.

Vous disiez, monsieur le président, qu'il n'y a pas de pilotage politique : c'est vrai. Normalement, dans le ministère, il y a un endroit où l'interdirectionnalité pourrait fonctionner, c'est le secrétariat général. Pour l'instant, c'est plus putatif que réel ; cela le sera un peu moins car si, actuellement, le secrétariat général n'a guère son mot à dire et guère d'informations sur les grandes directions métiers du ministère, il en aura davantage demain, lorsque les directions devront venir justifier d'un certain nombre de produits pour obtenir des crédits.

Mais la question s'impose de savoir jusqu'où faire converger les systèmes d'information de la douane et de la DGFiP sur un certain nombre de sujets, notamment en matière de recouvrement ou en matière fiscale.

La question des ressources humaines est un sujet central, qui n'est pas propre à Bercy, mais qui a des composantes propres au ministère de l'action et des comptes publics.

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Christian Charpy, conseiller maître, président de section à la Cour des comptes

La question des ressources humaines est essentielle, avec la difficulté pour la DGFiP et la douane d'avoir les meilleurs nouveaux personnels sur les nouvelles technologies, et en même temps de garder des gens capables de programmer ou corriger les programmes en cobol. C'est assez large.

La difficulté principale en ce qui concerne les contractuels est que, pour recruter des contractuels, il faut en avoir envie, et fondamentalement, personne n'en a envie. Ni les organisations syndicales des deux directions, pour des raisons que nous comprenons bien, ni les directeurs de ces directions, qui ne veulent pas mécontenter les organisations syndicales, et qui soutiennent que les contractuels ne restent pas forcément au sein des effectifs, n'en ont envie.

Ce n'est pas une question d'impossibilité technique. L'AIFE, dont nous parlions tout à l'heure, ne fonctionne quasiment qu'avec des contractuels, ce qui prouve bien qu'on peut avoir des contractuels dans l'administration. Simplement, fondamentalement, ces directions n'en ont pas envie.

Deuxième élément pour recruter les contractuels : il faut être attractif. Il y a un sujet de rémunération, mais ce n'est pas forcément le sujet principal, car aujourd'hui, on est en mesure de payer des informaticiens que l'on recrute au prix du marché. Certains d'entre eux passent par l'administration pour ensuite demander une augmentation puis partir ensuite dans le privé : cela peut fonctionner.

La vraie difficulté est de leur offrir des perspectives de carrière. Quand on recrute un contractuel, et que l'on veut le promouvoir sur un autre poste, il faut refaire un appel à candidatures et vérifier qu'il n'y ait pas de fonctionnaire en capacité de prendre le poste avant de pouvoir signer un nouveau contrat avec cette personne. C'est extrêmement décourageant pour ces personnels.

Le projet de loi relatif à la fonction publique devrait améliorer les choses significativement. Il faudra que dans le détail, les choses se mettent en place conformément aux objectifs inscrits dans la loi. Il faut surtout lever la prévention des deux directions principales de Bercy à recruter des contractuels. Quand nous regardons la direction du budget, il y a beaucoup de contractuels, ce qui, en soi, est assez étonnant, et il y en a très peu dans ces deux grandes directions.

Sur les entrepreneurs d'intérêt général, c'est un dispositif intéressant, très novateur, mais très réduit et très ciblé.

La question portant sur l'ONP nous ramène à des questions de pilotage des grands projets. C'était un projet très ambitieux, car il visait à relier à un système de paye unique tous les systèmes paye et de gestion des ressources humaines des ministères. Cela voulait dire faire fonctionner ensemble toutes les administrations. La raison pour laquelle cela n'a pas fonctionné a été que chacune des directions et chacun des ministères a tiré dans son sens, et il n'y a pas eu de lieu d'arbitrage pour faire converger les choses.

A-t-on tiré les conséquences de cet échec ? Partiellement. La DINSIC a vu ses pouvoirs renforcés significativement, notamment pour donner un avis sur les grands projets. La difficulté réside dans le fait que la DINSIC, par rapport aux très importantes directions qui ont une grande culture informatique, comme la DGFiP ou la DGDDI, n'a pas le poids suffisant. Elle a plus de poids à l'égard de la direction générale de l'administration et de la fonction publique qu'à l'égard de la DGFiP – c'est assez logique.

Deuxièmement, a-t-on tiré les enseignements sur le pilotage des grands projets informatiques ? La Cour a engagé une enquête sur ce sujet pour le Sénat. Nous verrons ce que nous pouvons en dire.

L'ONP devait répondre au fait que le logiciel de paye de la DGFiP, baptisé « Paye », était obsolète. Cela a été considéré en 2006, et le logiciel est toujours en place. La DGFiP a voulu sortir de cette dette technique, transformer ce système et en mettre en place un nouveau, le système « Paysage », qui a beaucoup de retard. L'administration continue actuellement avec quelque chose qui ne fonctionne pas très bien.

Tout cela pour dire que la notion de dette technique est compliquée. La position de la DGFiP est tant que cela marche, c'est que cela ne casse pas. Si cela ne casse pas, faut-il mettre des investissements très lourds pour le changer ? De plus, les applications remettantes, que le rapporteur général a critiquées avec raison, sont au coeur du système des impôts. Or, changer le système des impôts est une opération sûrement nécessaire, risquée, et chaque ministre du budget y réfléchira à deux fois avant de basculer vers un nouveau système : si ce système « plante », les conséquences seront absolument dramatiques.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Surtout sans dominer le sujet ! On peut parfois prendre un risque mais il faut le comprendre complètement. Basculer d'un système à un autre sur le plan informatique est quasiment une boîte noire pour le ministre.

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Raoul Briet, président de la première chambre de la Cour des comptes

Pour compléter ma réponse à M. de Courson : pourquoi en sommes-nous là ? En faisant un lien avec le débat de la semaine dernière sur le rapport sur le budget de l'État, la logique de performance, je pense que la situation que nous décrivons n'est pas sans lien avec le fait qu'en pratique, depuis dix ans, la démarche de conventions d'objectifs et de moyens, de conventions d'objectifs et de gestion pluriannuelle, d'allocation de ressources en fonction des objectifs, a disparu dans l'univers des deux grandes directions à réseaux, alors même que du côté de la sécurité sociale, cette démarche a continué à se déployer voire à se perfectionner.

Dès lors qu'il n'y avait plus cette nécessité pour une direction d'expliciter sa stratégie à moyen terme et de négocier ses allocations de ressources en fonction de ses stratégies, il n'y avait pas non plus de nécessité de mettre en place un schéma directeur informatique. Nous étions dans une sorte de pilotage annuel ou infra-annuel d'un dispositif, au moment même où il aurait fallu franchir une nouvelle étape. Je rappelle que les conventions d'objectifs et de moyens ont préexisté à la DGFiP, avec la DGI et la DGCP, et se sont interrompues avec la fusion.

Nous sommes en train de revenir à cette démarche. La discussion est en cours. Le directeur général des finances publiques n'a pas contesté, lors de son audition, qu'il fallait que la DGFiP passe outre ses préventions habituelles à l'égard de l'idée d'un schéma directeur informatique, et a admis que c'était désormais une nécessité. S'obliger à se penser à une échéance de trois ou cinq ans, négocier ses objectifs et moyens, va obliger la DGFiP à sortir de cette gestion « à bas bruit », très conservatrice, très court-termiste, qui est la situation actuelle, sachant que le contrat d'objectifs n'est toujours pas négocié. Mais j'ai cru comprendre que le rapport était utile aux deux parties de cette négociation.

Membres présents ou excusés

Réunion du mercredi 29 mai 2019 à 9 heures 30

Présents. - M. Damien Abad, M. Saïd Ahamada, M. Éric Alauzet, M. François André, M. Julien Aubert, M. Jean-Noël Barrot, Mme Émilie Bonnivard, M. Jean-Louis Bricout, M. Fabrice Brun, Mme Émilie Cariou, M. Michel Castellani, Mme Anne-Laure Cattelot, M. Philippe Chassaing, M. Francis Chouat, M. François Cornut-Gentille, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Olivier Damaisin, M. Jean-Paul Dufrègne, Mme Stella Dupont, M. M'jid El Guerrab, Mme Sarah El Haïry, M. Nicolas Forissier, M. Olivier Gaillard, M. Joël Giraud, M. Romain Grau, Mme Nadia Hai, M. Patrick Hetzel, M. Christophe Jerretie, M. François Jolivet, M. Mohamed Laqhila, M. Michel Lauzzana, M. Marc Le Fur, Mme Patricia Lemoine, M. Fabrice Le Vigoureux, Mme Véronique Louwagie, Mme Marie-Ange Magne, M. Jean-Paul Mattei, Mme Catherine Osson, M. Xavier Paluszkiewicz, M. Jean-François Parigi, M. Hervé Pellois, Mme Valérie Petit, Mme Bénédicte Peyrol, Mme Sylvia Pinel, Mme Christine Pires Beaune, M. Benoit Potterie, M. Xavier Roseren, M. Fabien Roussel, M. Laurent Saint-Martin, M. Jacques Savatier, M. Benoit Simian, Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, M. Philippe Vigier, M. Éric Woerth

Excusés. - M. Jean-Louis Bourlanges, M. Gilles Carrez, M. Jean-René Cazeneuve, Mme Perrine Goulet, M. Daniel Labaronne, Mme Lise Magnier, M. François Pupponi, Mme Valérie Rabault, M. Olivier Serva

Assistait également à la réunion. - M. Dino Cinieri

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