Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation

Réunion du mercredi 17 juillet 2019 à 18h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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La réunion débute à 18 heures.

Présidence de M. Jean-René Cazeneuve, président

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Mes chers collègues, nous accueillons aujourd'hui Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics, pour une audition consacrée à la réforme de la fiscalité locale. Il convient de souligner l'importance de cette audition, qui vient très en amont du projet de loi de finances qui ne sera présenté qu'à la rentrée et en laquelle je vois un signe encourageant de la qualité du travail que nous devons faire ensemble.

Cette audition est particulièrement attendue par notre délégation, qui a d'ores et déjà décidé de se saisir à l'automne des articles du projet de loi de finances (PLF) pour 2020 qui réformeront la fiscalité locale, pour tirer les conséquences de la suppression de la taxe d'habitation (TH) sur la résidence principale. Depuis sa création, notre délégation s'intéresse évidemment beaucoup à ce sujet, et je ne doute pas que chacun de vous ait pris connaissance de ses différents travaux.

Je citerai d'abord le rapport rédigé par Charles de Courson et Jean-Paul Mattei en conclusion du groupe de travail sur le suivi de la mission confiée par le Premier ministre à MM. Alain Richard et Dominique Bur sur les relations financières État-collectivités territoriales et la refonte de la fiscalité locale. Nos collègues avaient alors plaidé pour une prise en compte élargie des flux de consommation par la fiscalité locale, pour l'introduction d'un plafond encadrant les impositions locales des entreprises et pour la liaison des taux. Ils avaient également proposé d'exonérer les détenteurs de résidences secondaires les plus modestes et d'ouvrir la possibilité pour les propriétaires non occupants de répercuter sur le locataire les augmentations de taxes foncières.

Notre délégation avait également confié à nos collègues Christine Pires Beaune et Rémy Rebeyrotte une mission consacrée à l'investissement des collectivités territoriales, ainsi qu'une mission relative à l'autonomie financière des collectivités territoriales.

Madame la ministre, le 18 juin dernier, avec M. Gérald Darmanin, vous avez présenté aux différentes associations d'élus les principaux axes et enjeux de votre projet de réforme de la fiscalité locale et vous avez rappelé que la suppression de la taxe d'habitation pour la résidence principale équivalait à une baisse d'impôts pour les Français de l'ordre de 17 milliards d'euros, qu'il fallait compenser pour les collectivités locales.

L'engagement a été pris par ce gouvernement de compenser à l'euro près. Vous proposez pour cela de transférer la part départementale de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) aux communes et d'affecter aux départements une part de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Vous avez prévu de neutraliser les cas de sous-compensation, qui concerneraient environ 10 000 communes, en attribuant un milliard de recettes supplémentaires de l'État aux collectivités. Enfin, vous avez évoqué la possibilité d'une réévaluation des valeurs locatives cadastrales – un dossier dont on parle depuis très longtemps –, en suggérant que le prochain PLF autorise Bercy à y travailler en 2021, en collectant les données relatives des habitants, et qu'à partir de 2022, la réforme puisse être engagée sur une durée de cinq à dix ans.

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Jacqueline Gourault, Ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales

Je suis très heureuse de me trouver devant vous avec mon collègue Olivier Dussopt. Nous avons l'habitude de travailler ensemble – nous le faisons notamment sur le dossier des contrats dits de Cahors – et c'est donc à deux voix que nous allons nous adresser à vous.

Il me semble important de commencer par rappeler que la suppression de la taxe d'habitation était un engagement du Président de la République, désormais matérialisé par une décision politique. Vous le savez, l'idée de supprimer la TH reposait sur deux idées. Premièrement, elle était devenue un impôt assez injuste, avec des variables très différentes selon les villes, voire entre les différents quartiers d'une même ville : de ce point de vue, sa suppression est une évidente mesure de justice sociale. Deuxièmement, c'est une mesure d'augmentation du pouvoir d'achat.

Vous l'avez dit, monsieur le président, c'est à une baisse d'impôts sans précédent que nous allons procéder puisque, dès 2020, 80 % des Français auront définitivement cessé de payer la taxe d'habitation sur leur résidence principale. Leur gain sera de 555 euros en moyenne, après avoir connu des allégements progressifs : un tiers en 2018, deux tiers en 2019. En 2020, les Français n'auront plus de taxe d'habitation à payer. Nous avions initialement imaginé que cette mesure concernerait environ 80 % des Français mais, tenant compte de la décision du Conseil constitutionnel, nous avons finalement décidé que l'ensemble de nos concitoyens bénéficieraient en 2023 de la suppression complète de la taxe d'habitation sur la résidence principale, pour un gain moyen de 723 euros.

Je rappelle que les 20 % de Français qui ne seront exonérés qu'en 2023 correspondent, en termes de revenus, à un couple composé de deux personnes gagnant chacune plus de 2 200 euros par personne. On me fait parfois la réflexion que ce sont les plus riches, mais j'estime pour ma part que deux personnes ayant un revenu total de 4 400 euros ne font pas un couple de millionnaires – même si on trouve dans le haut de la pyramide des personnes payant des taxes d'habitation d'un montant très important.

Bien sûr, derrière tout cela, il y a un enjeu de finances publiques pour la soutenabilité de la réforme. Vous le savez, le Gouvernement a décidé de ne pas recréer d'impôt : en d'autres termes, on a supprimé plus de 20 milliards d'impôts sans les remplacer par quelque prélèvement que ce soit. L'État va assumer la compensation intégrale pour les collectivités sur ses propres ressources, et supportera seul le coût de cette suppression d'impôt sans précédent.

La réforme va s'appliquer en tenant compte de plusieurs principes. Le premier est celui d'une compensation intégrale pour chaque collectivité, à l'euro près : aucune ne perdra de ressources, et c'est un point sur lequel nous ne transigerons pas. Le dégrèvement a déjà commencé à s'appliquer dans les communes et, comme vous le confirmera Olivier Dussopt, qui se tient sur le terrain à l'écoute des retours, nous n'avons pas été informés de difficultés particulières pour le moment.

Nous avons aussi le souci de clarifier le système des impôts locaux, pour le contribuable comme pour les élus. Notre engagement est donc de parvenir à une plus grande lisibilité, ainsi qu'à une meilleure prévisibilité du panier de ressources avant les prochaines échéances. Évidemment, nous avons en ligne de mire les élections municipales de l'année prochaine, c'est pourquoi ce nouveau panier de ressources sera connu dès l'examen du PLF pour 2020. Par ailleurs, de nouveaux paniers de ressources seront instaurés au 1er janvier 2021, ce qui correspond au premier budget après les élections municipales.

Vous connaissez le schéma général de la réforme, puisqu'il a déjà été largement commenté. Je voudrais néanmoins y revenir brièvement pour dire que les communes pourraient recevoir, conformément au dispositif que nous avons présenté à toutes les associations, la fraction départementale du foncier bâti. Les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) qui touchent de la taxe d'habitation – ce n'est pas le cas de tous – pourraient recevoir une ressource fiscale nationale dynamique, c'est-à-dire de la TVA. Enfin, les départements, auxquels est appliquée la suppression de la part de foncier bâti, la verraient remplacée par une fraction d'imposition nationale dynamique – nous pensons évidemment aussi à la TVA.

Ces grands principes ont été accueillis plutôt positivement par les associations d'élus. Certes, les départements ne sont pas ravis de perdre le foncier bâti, je le dis clairement, mais ils sont disposés à poursuivre le dialogue avec nous en vue de trouver des solutions de nature à les satisfaire. L'Association des maires de France (AMF) et les autres associations de maires ont également plutôt bien reçu cette réforme qui laisse aux communes un levier leur permettant de conserver une capacité à lever l'impôt à un certain taux.

Sans entrer dans le détail du système, qu'Olivier Dussopt va vous exposer, il a également le mérite de maintenir une dynamique de ressources, aussi bien pour ceux qui vont toucher de la TVA que pour ceux qui vont bénéficier d'un système de compensation. Mon exposé ne serait pas complet si je ne vous disais pas qu'André Laignel, premier vice-président de l'AMF, nous a parlé de dégrèvements perpétuels – mais il paraît pour le moins curieux de vouloir faire des dégrèvements sur des impôts qui n'existent plus.

D'une manière générale, la réforme est plutôt bien accueillie, dans le sens où les associations d'élus souhaitent poursuivre le dialogue avec nous pour affiner les propositions que nous leur avons faites. Bien entendu, la taxe sur les résidences secondaires sera maintenue : tout au plus changerons-nous éventuellement son nom. Enfin, la suppression de la taxe d'habitation sur la résidence principale va avoir quelques incidences sur un certain nombre d'impôts qui étaient liés à la taxe d'habitation, mais nous aurons l'occasion de revenir sur ce point.

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Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics

Je veux d'abord souligner à nouveau l'impact de cette réforme : avec la seule réforme de la taxe d'habitation, nous allons rendre progressivement 17 milliards aux ménages français et, à horizon 2023, aux 24,4 millions de foyers qui bénéficieront de sa suppression. En tenant compte d'autres diminutions d'impôts d'ores et déjà annoncées, nous parvenons à réduire la fiscalité des ménages de 27 milliards. Supprimer un impôt de presque 23 milliards – c'est le montant global de la taxe d'habitation – est une entreprise qui n'avait jamais été réalisée jusqu'à présent, étant précisé qu'il ne s'agit pas de substituer à cette taxe une nouvelle imposition : l'État a bien la volonté d'alléger les prélèvements sur les ménages.

Mme la ministre venant de rappeler les grands principes, je vais simplement préciser comment nous envisageons de mettre en oeuvre la compensation. Nous souhaitons l'inscrire dans le PLF pour 2020, afin de disposer d'une année entière, jusqu'au PLF pour 2021, pour pouvoir procéder, si nécessaire, à des améliorations ou à des ajustements. Cette année servira également à préciser les simulations existantes et à mieux connaître le cadre dans lequel nous évoluerons.

La première compensation concerne les communes, auxquelles il s'agit d'affecter la part de la taxe foncière actuellement perçue par les conseils départementaux, ce qui représente 14,1 milliards et vient compenser une perte de recettes de 15 milliards. Il manque donc environ 900 millions, que nous proposons de régler par des dotations affectées aux communes pour compenser de manière macroéconomique la recette qui leur est retirée.

Nous proposons de donner aux intercommunalités une fraction de la TVA, de manière à ce que la perte de recettes liée à la suppression de la taxe d'habitation soit intégralement compensée par une ressource dynamique, à l'instar de ce qui se fait actuellement pour les régions. La question ayant été posée dans le cadre du débat public, je précise que les intercommunalités continueront à bénéficier de la fraction de taxe foncière qu'elles perçoivent actuellement, de manière à ce que les intercommunalités qui mènent des politiques en matière d'urbanisme ou de logement puissent aussi être intéressées à ces politiques.

J'ajoute que la compensation de la perte de recettes de taxe d'habitation pour les intercommunalités par une fraction de la TVA permet de coller au plus juste des réalités, puisque le régime fiscal des intercommunalités peut revêtir diverses formes – certaines sont à fiscalité additionnelle, d'autres à fiscalité propre –, ce dont nous devons tenir compte. Attribuer à chacune d'entre elles une fraction de TVA permet justement de répondre à ces spécificités, ce qui n'aurait pas été évident dans un système où nous aurions transféré telle ou telle fraction d'imposition – comme nous le faisons au bénéfice des communes avec la fraction de la taxe foncière départementale.

Il est également proposé d'affecter aux départements une fraction de TVA – même si cela tombe sous le sens, je précise, car la question nous a également été posée, qu'il s'agit d'une fraction de la TVA existante : il ne s'agit en aucun cas d'augmenter la TVA actuelle.

Enfin, nous proposons de remplacer par une dotation les recettes que perdraient les régions. Il s'agit en réalité des frais de gestion de la taxe d'habitation, d'un montant d'environ 300 millions d'euros, qui leur ont été affectés il y a quelques années en tant que recettes dans le cadre de différentes compensations.

Un certain nombre de sujets techniques doivent être évoqués. D'abord, Jacqueline Gourault l'a dit, la taxation sur les résidences secondaires sera maintenue d'une manière formelle ou pratique – nous ferons peut-être le choix de lui donner un autre nom –, car il nous paraît à la fois juste socialement et conforme à l'engagement du Président de la République de ne supprimer la taxe d'habitation que sur les résidences principales.

Nous allons également maintenir la possibilité pour le bloc local d'avoir une taxation supplémentaire, donc une surtaxe, pour les logements vacants. Cet outil utile en matière de politique du logement pour les communes et leurs intercommunalités représente environ 600 millions par an, auxquels s'ajoutera la taxe sur les résidences secondaires, que nous maintenons, et dont la recette totale est comprise entre 2,6 et 2,7 milliards.

Nous allons devoir compenser ou régler d'autres taxes aujourd'hui adossées à la taxe d'habitation. Pour ce qui est de la taxe de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (GEMAPI), nous proposons que l'actuelle part additionnelle à la taxe d'habitation soit répartie entre la taxe d'habitation sur les résidences secondaires et la taxe foncière ou la cotisation foncière des entreprises, de manière à ce que ces taxes-là puissent être porteuses de la GEMAPI, comme l'est aujourd'hui la taxe d'habitation.

Nous devons aussi avoir un débat sur la taxe spéciale d'équipement, pour laquelle se présentent deux options en fonction de la nature des territoires, notamment pour le financement des établissements publics fonciers. On peut envisager soit de remplacer l'actuelle part additionnelle de la taxe d'habitation par un report sur d'autres taxes locales – éventuellement la taxe foncière –, soit de procéder à une compensation budgétaire. C'est un point dont nous discutons encore avec les associations d'élus, mais nous savons que la taxe spéciale d'équipement perçue par les établissements publics fonciers varie beaucoup d'un territoire à l'autre, et du ressort d'un établissement public foncier à l'autre, ce qui donne lieu à des situations très diverses.

Enfin, nous devons régler la question de la contribution à l'audiovisuel public, que nous proposons dans un premier temps de maintenir en l'état, en vue d'une réforme à venir qui pourrait prendre la forme d'un adossement à l'impôt sur le revenu – mais là aussi, la réflexion menée pour trouver la meilleure solution reste à approfondir.

Jacqueline Gourault l'a dit, nous proposons que la révision des valeurs locatives des locaux d'habitation soit engagée dès 2021, selon une procédure similaire à celle qui a été suivie pour la révision des valeurs locatives des locaux professionnels, à savoir l'établissement des nouvelles valeurs, de différents systèmes de plafonnement et de planchonnement, puis d'un tunnel de convergence, afin que la réforme puisse être achevée dans quelques années.

Il reste un point que je n'ai pas évoqué, portant sur les mécanismes de compensation de la taxe d'habitation pour les communes dans le cadre de l'affectation de la taxe foncière des départements. Je l'ai dit, cette affectation représente 14,1 milliards d'euros, alors que la recette supprimée s'élève à 15 milliards. De manière assez évidente, il n'existe qu'un nombre très limité de communes pour lesquelles la valeur de la taxe foncière perçue sur leur territoire par les départements correspond exactement à la valeur de taxe d'habitation qu'elles percevaient. En réalité, nous estimons qu'il y a plus de 24 000 communes surcompensées et 11 000 communes sous-compensées.

Nous proposons de commencer par observer les communes qui font l'objet d'une surcompensation particulièrement limitée. Nous avons proposé – mais ce point reste ouvert à la discussion, tant sur les modalités que sur le montant évoqué – que les communes faiblement surcompensées puissent garder le bénéfice de la surcompensation. Nous avons avancé une idée qui consisterait à ce que les communes surcompensées dans la limite de 15 000 euros par rapport à leur ancien produit de taxe d'habitation puissent garder le bénéfice de cette surcompensation. Les communes surcompensées sont principalement des communes de petite taille – souvent rurales – et, vous le savez, pour les plus petites communes, une recette fiscale supplémentaire de 15 000 euros est loin d'être négligeable. Certains estiment que maintenir le bénéfice d'une surcompensation jusqu'à concurrence de X milliers d'euros est une bonne formule, d'autres estiment que toutes les communes surcompensées devraient pouvoir conserver le bénéfice de la surcompensation – au moins partiellement, car les surcompensations sont parfois d'un montant assez phénoménal – afin d'éviter les effets de seuil. Les différentes solutions envisagées ont toutes un impact budgétaire, mais nous sommes ouverts à la discussion sur ce point.

Laisser aux communes le bénéfice de la surcompensation, lorsqu'elle est inférieure ou égale à 15 000 euros, ferait sortir environ 10 000 communes du champ des mécanismes de compensation. Nous proposons donc un système de compensation entre les communes surcompensées et les communes sous-compensées.

Pour ces dernières, les choses sont assez simples, il suffit de déterminer le montant de la compensation nécessaire et de la leur affecter. La seule difficulté réside dans le prélèvement de la ressource destinée à abonder le fonds de compensation. Nous vous proposons de ne pas adopter de mécanisme identique à celui du fonds national de garantie individuelle de ressources (FNGIR) qui a été retenu pour la taxe professionnelle. L'expérience montre en effet que, huit ans après, le FNGIR se heurte à certaines limites : des communes dont la situation économique et sociale a évolué restent contributrices de manière figée, alors que des communes qui, elles, ont vu leur situation s'améliorer, en restent bénéficiaires, ce qui semble anormal dans les deux cas.

Nous proposons donc d'instaurer un coefficient correcteur fonctionnant comme suit : si une commune perçoit 80 de taxe d'habitation et que demain, la part de la taxe foncière départementale qui lui est affectée est égale à 100, le mécanisme correcteur – permettant de passer de 100 à 80 la première année – serait de 0,8. Un tel mécanisme a plusieurs mérites, à commencer par celui de garantir le maintien d'une ressource dynamique. En effet, si les valeurs locatives de la taxe foncière concernée évoluent, la recette de la commune évolue à due proportion.

Cela nous permet aussi de neutraliser un autre aspect, à savoir le fait que les politiques d'abattement pratiquées respectivement par les départements et les communes peuvent différer, pour deux raisons. La première, c'est que tous les abattements ne sont pas ouverts dans les mêmes conditions aux deux strates ; la seconde, c'est que chaque collectivité ayant procédé à ses propres choix en la matière, cela a pu créer des différences. L'application du mécanisme correcteur nous permet donc de garantir le dynamisme de la compensation, de tenir compte ainsi de l'évolution des territoires et d'éviter de devoir recourir à un mécanisme de type FNGIR qui se caractérise par l'inscription dans les comptes de la commune d'une contribution ou d'un bénéfice pendant des années et des années, alors qu'on en a parfois oublié l'origine – qui peut même avoir disparu, du fait de l'évolution de la situation économique et sociale des territoires concernés.

Présenté aux associations, ce mécanisme a reçu un accueil plutôt favorable, car il permet au bloc local, notamment aux communes, de préserver leur politique fiscale, donc de conserver un levier fiscal, mais aussi parce qu'il garantit le dynamisme de la compensation.

Un certain nombre de questions restent posées et auront vocation à être débattues au cours de la discussion que nous avons avec les associations, mais aussi dans le cadre du débat parlementaire. Elles portent notamment sur l'année de référence que nous allons retenir pour calculer la compensation initiale : vous savez que la loi de finances prévoit que 2017 sera cette année de référence, mais j'imagine que cela suscitera des discussions. Il conviendra également de déterminer si le coefficient correcteur doit rester fixe ou s'il peut être revu à la hausse ou à la baisse en fonction de l'évolution des communes auxquelles il s'applique – ce point peut susciter des difficultés techniques, mais nous n'avons pas l'intention d'esquiver le débat auquel elles peuvent donner lieu.

Vous le voyez, un certain nombre de points sont arrêtés dans notre esprit sur les grands équilibres et les mécanismes de compensation de la recette de taxe d'habitation pour les collectivités – à tous les niveaux. Ces points, ainsi que d'autres, ont vocation à faire l'objet de discussions dans le cadre de cette audition, puis dans celui du débat sur le prochain projet de loi de finances.

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Je vous remercie pour cette présentation très exhaustive – il y a cependant peu de chances d'épuiser le sujet durant la présente audition… Nous allons maintenant passer aux questions, en commençant par les représentants des groupes.

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Vous l'avez dit, le projet que vous venez d'exposer a reçu un avis assez favorable de la part des élus et associations d'élus.

Quelques objections sont cependant formulées, notamment celle du lien fiscal avec les locataires, auquel les maires sont souvent attachés. Contrairement à ce que l'on constate dans les zones rurales, le taux de locataires ne payant pas la taxe d'habitation peut atteindre 70 % à 80 % dans les villes, en particulier dans les grands ensembles et les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Qu'en pensez-vous ?

Pour ce qui est de la réévaluation des valeurs locatives qui doit intervenir en 2021, pouvez-vous nous dire un mot des enseignements tirés des expérimentations qui ont été pratiquées dans quelques départements ?

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Vous l'avez souligné, la suppression de la taxe d'habitation a un impact financier extrêmement important. Les évolutions annoncées ont suscité des inquiétudes de la part des élus depuis deux ans, et sans doute est-il temps aujourd'hui de les rassurer en leur indiquant les solutions susceptibles d'être retenues.

Vous avez dit, monsieur le secrétaire d'État, qu'il y aurait une surcompensation pour 24 000 communes. Vous avez ensuite précisé que le montant serait inférieur ou égal à 15 000 euros pour 10 000 de ces communes, mais qu'il pourrait être relativement important dans d'autres cas. Pouvez-vous nous donner quelques éléments complémentaires en raisonnant par strates ?

En ce qui concerne les résidences secondaires, j'ai cru comprendre qu'un nouvel impôt serait créé.

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Jacqueline Gourault, Ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales

Il y aura un nouveau nom, mais pas un nouvel impôt.

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N'y aura-t-il aucune modification, ou bien envisagez-vous des évolutions ?

La révision des valeurs locatives est un vaste chantier, on a pu le constater pour les locaux professionnels. Avez-vous une idée de la manière dont la réforme se déclinera dans le temps ? Avez-vous réalisé des simulations en fonction de ce qui s'est passé dans le cas des locaux professionnels ?

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La réforme de la taxe d'habitation constitue un véritable choc fiscal : ce n'est pas rien. La première phase, qui concerne 80 % des contribuables, est à peu près financée. Une compensation intégrale est prévue pour les communes, y compris en cas d'évolution des valeurs locatives. Pour ce qui est de la deuxième phase, vous proposez de transférer aux communes la taxe sur le foncier bâti des départements. Les maires garderont un levier via cette taxe et la cotisation foncière des entreprises (CFE), qui leur permettront de mener une politique fiscale – les communes auront une certaine autonomie en ce qui concerne les taux.

J'ai un regret : vous proposez des mesures de compensation, mais rien de nouveau n'est prévu pour relier les contribuables à leur territoire, par exemple en matière de taxation des flux et des réseaux. Je pense notamment à l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER), qui a été créée au moment de la réforme de la taxe professionnelle : il est un peu dommage de ne pas se pencher sur ce sujet.

En ce qui concerne les droits de mutation à titre onéreux, qui sont essentiellement perçus par les départements, pourrait-on instaurer une mutualisation au niveau national, par exemple, afin d'assurer une dynamique qui bénéficierait davantage aux communes ? Il y a aussi la question des plus-values immobilières, qui est mon dada, comme vous le savez : on pourrait assurer un fléchage aussi dans ce domaine. Je trouve que l'on manque un peu de créativité.

Je suis également un peu gêné – j'ai déjà eu l'occasion de le dire – que l'on fasse référence aux valeurs locatives. N'y a-t-il pas d'autres références possibles ? Ne peut-on pas trouver des bases plus réactives ? On voit bien ce qui s'est passé dans le cadre des commissions fiscales – j'ai eu l'honneur d'en présider une au moment où on a revu les valeurs locatives des locaux commerciaux et des bureaux : on a eu beaucoup de mal à s'y retrouver. J'avais été choqué de voir que la référence était la section cadastrale, qui remonte quasiment au cadastre napoléonien et ne correspond pas aux évolutions urbaines, notamment dans le cadre des plans locaux d'urbanisme (PLU) et des plans d'occupation des sols (POS). Tout cela est un peu vieillot : il manque un peu de créativité et de modernité sur le plan fiscal, je le répète.

Cette réforme est importante : elle va donner de l'air à beaucoup de contribuables, mais il faut absolument que l'on trouve aussi des moyens d'action pour les élus locaux – ils doivent être récompensés pour ce qu'ils font dans leur territoire.

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La compensation pour les 80 % de Français concernés dans un premier temps par la réforme a pour référence les taux de 2017.

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Jacqueline Gourault, Ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales

En effet.

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La deuxième tranche, qui concernera les 20 % restants, à partir de 2021, aura-t-elle pour référence les taux de 2020 ou ceux de 2017 ?

Vous paraît-il raisonnable de maintenir la taxe d'habitation sur les résidences secondaires, qui représente 2,4 milliards d'euros ? Une résidence principale peut devenir, demain, une résidence secondaire. Il me semble que vous allez donc être obligés de continuer à tenir les bases, même de manière fictive, pour les résidences principales occupées. Allez-vous continuer à établir la valeur locative pour tous les logements, secondaires et principaux, de manière à pouvoir calculer la taxe d'habitation pour les seules résidences secondaires ?

Ne pensez-vous pas que le choix de donner uniquement aux communes la taxe foncière sur les propriétés bâties qui est perçue par les départements et de ne pas la partager avec les intercommunalités est régressif ? Si les intercommunalités se développent et que leur coefficient d'intégration fiscale augmente, on va se trouver dans une situation paradoxale : les communes participant aux intercommunalités vont avoir beaucoup d'autonomie fiscale, mais pas ces dernières.

Pouvez-vous nous réexpliquer ce qu'est le coefficient correcteur ? Je n'ai rien compris et je ne suis pas le seul : mes voisines m'ont dit qu'elles sont dans le même cas.

En ce qui concerne la taxe d'habitation sur les logements vacants, vous avez dit que vous êtes ouverts. Vous paraît-il raisonnable de maintenir un taux de majoration allant jusqu'à 40 % sur un impôt qui a disparu ?

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Jacqueline Gourault, Ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales

Je vais revenir sur un certain nombre de points – je laisserai les aspects très techniques et financiers à Olivier Dussopt.

M. Le Gac s'est interrogé sur le lien fiscal avec les habitants. Il faut se replacer dans le contexte général, en particulier le ras-le-bol fiscal qui s'est largement exprimé. La suppression de la taxe d'habitation représentera environ 723 euros en moyenne par foyer, ce qui signifie un gain de pouvoir d'achat très important. Le lien fiscal continuera à exister dans le cadre de la taxe foncière sur les propriétés bâties, et il y a aussi la tarification des services publics, qui est un autre lien avec la population. C'est une manière de procéder plus moderne – ou, en tout cas, nouvelle – que l'on rencontre de plus en plus au niveau communal : on fait participer la population dans ce cadre, d'une manière parfois différente, selon la richesse des ménages.

Mme Louwagie a estimé que la taxe d'habitation faisait l'objet de beaucoup d'incertitudes. Je rappelle que le Président de la République s'est engagé, depuis le début, à ce qu'il y ait une compensation intégrale. Certains se sont opposés au principe même de la suppression de cette taxe, et on a parfois instillé l'idée, pour des raisons tenant à des postures politiques, dans certains cas, que les communes y perdraient. J'ai souvent rencontré des maires, à qui j'ai expliqué que ce n'est pas vrai, la compensation s'effectuant à l'euro près. Comme je l'ai dit tout à l'heure, je ne crois pas qu'il y ait des remontées particulières des communes sur les deux premiers tiers qui font l'objet d'une compensation de la part de l'État : on le fait à l'euro près. Je pense que tout le monde est maintenant rassuré.

Je voudrais aussi revenir sur la question de la lisibilité de l'impôt. La taxe foncière sur les propriétés bâties est prélevée par les communes et les départements. Dans l'esprit du citoyen lambda, néanmoins, c'était un impôt communal. Peu de gens savent que le département est également concerné. J'étais maire en 2008, quand la crise financière a eu lieu : cette année-là, ou celle d'après, le taux de la taxe a souvent augmenté au niveau départemental, ce qui a accru le montant global à payer, mais nos concitoyens ne sont jamais allés se plaindre auprès des départements – ils venaient nous voir dans les mairies. Rendre cette taxe entièrement communale sera un vrai facteur de lisibilité : on saura qui augmente l'impôt.

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Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics

Il y a des questions auxquelles nous n'avons pas nécessairement de réponse à ce stade, car la concertation reste ouverte.

Je vais commencer par préciser le calendrier que nous proposons en ce qui concerne la révision des valeurs locatives. Nos objectifs sont que le principe soit inscrit dans le projet de loi de finances pour 2020, que l'on se prépare cette année-là à la collecte des informations relatives aux loyers, dans le cadre d'une téléprocédure ad hoc, que les années 2020 et 2021 soient consacrées à la collecte effective des données auprès des propriétaires et que l'on remette en 2022 un rapport comportant des propositions sur le planchonnement et le plafonnement du dispositif et sur la durée de la convergence. C'est la méthodologie qui avait été retenue pour les valeurs locatives des biens professionnels. Nous savons qu'il peut facilement s'écouler dix ans entre le moment où on lance une telle révision et celui où elle aboutit pleinement et qu'entre le moment où on adopte le principe de la révision et celui où on peut la mettre en oeuvre, il peut y avoir un écart de 3 ou 4 ans – c'est l'expérience qui le montre.

La révision des valeurs locatives des locaux d'habitation concerne 47 millions de biens, alors que celle des locaux professionnels en concernait un peu moins de 4 millions. La méthodologie sera la même, mais il y aura un effet de masse qui décuplera le travail à réaliser. Il sera assez important et il faut en tenir compte. Néanmoins, cela fait longtemps que l'on attend cette révision : il est nécessaire de l'engager afin d'assurer la justice fiscale.

S'agissant des résidences secondaires, nous voulons créer un système déclaratif. Le propriétaire déclarera ce qui est sa résidence principale ou secondaire, et on s'appuiera notamment sur les valeurs locatives utilisées pour la taxe foncière. Ce n'est pas tout à fait la même assiette, et il faut donc continuer à travailler sur ce sujet, mais nous ne voulons pas maintenir et faire cohabiter des bases qui n'auraient plus lieu d'être. Cela fait partie des points sur lesquels nous devons avancer.

Pourquoi n'avons-nous pas souhaité partager entre les communes et les EPCI la recette de la taxe foncière qui est perçue par les départements ? Je peux entendre un certain nombre de remarques que vous avez faites, sur le fond. Néanmoins, nous avons voulu que le mécanisme retenu soit aussi simple que possible – malgré cette volonté, il n'est pas aussi simple qu'on aurait pu le souhaiter. Si l'on affectait une part de la taxe foncière perçue par les départements aux communes et une autre part aux intercommunalités, il faudrait créer un second mécanisme de compensation, pour les intercommunalités. C'est la volonté de ne pas multiplier les mécanismes de ce type qui nous a guidés.

Pour ce qui est du taux de la compensation, la loi finances pour 2018 précise que l'année de référence est 2017. Un certain nombre de choses se sont passées depuis cette année-là : des collectivités ont fait évoluer leur taux, ce qui peut poser une question de justice, dans un sens ou dans un autre. J'ai dit que nous sommes ouverts à la discussion en ce qui concerne l'année de référence. Vous avez demandé quelle serait l'année de référence pour les 20 % de contribuables qui seront exonérés entre 2021 et 2023 : ce sera la même année pour tout le monde.

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Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics

Oui, ou une autre année, selon le résultat des discussions.

Nous voulons que le mécanisme de compensation entre en vigueur en 2021 pour 100 % de la recette perçue au titre de la taxe d'habitation par les communes. Cela signifie que nous allons nationaliser, d'une certaine manière, la recette de la taxe d'habitation versée par les 20 % de contribuables qui sont considérés comme étant les plus riches – Jacqueline Gourault a rappelé, à juste titre, quels sont les seuils. L'État percevra la recette correspondante et il exonérera les contribuables concernés progressivement, par tiers. L'État fera son affaire, si j'ose dire, de la perception de ce que les contribuables concernés auront encore à payer au titre de la taxe d'habitation. Cela évitera que deux mécanismes cohabitent, ce qui serait assez redoutable, et cela réglera la question de la différence de l'année de référence pour les 80 % de contribuables exonérés dans un premier temps et les 20 % suivants.

Comme M. Mattei le sait, puisqu'il a déjà posé sa question dans un autre cadre, on pourrait penser aux valeurs vénales si on ne retenait pas les valeurs locatives comme référence. Nous avons dit que nous sommes ouverts à un travail sur ce point mais je tiens également à souligner qu'il est difficile de trouver un moyen pertinent d'établir une valeur vénale véritablement représentative de la valeur du bien dans un certain nombre de territoires où le nombre de transactions est particulièrement bas. C'est une des difficultés que l'on pourrait rencontrer.

La taxe sur les logements vacants sera différente de celle sur les résidences secondaires. Le principe est qu'elle ne s'applique que dans les zones tendues, il s'agit d'une majoration, et il n'y a pas de lien avec le taux de la taxe d'habitation, compte tenu de l'assiette. Sur ce dernier point, on retrouve le même débat que pour les résidences secondaires, et j'ai indiqué que le travail devait se poursuivre.

Nous estimons à 10 721 le nombre de communes sous-compensées dans le système que nous proposons : 6 306 communes de moins de 1 000 habitants, 3 776 communes comptant entre 1 000 et 9 999 habitants et 639 communes de plus de 10 000 habitants, dont 34 de plus de 100 000 habitants.

Les sous-compensations peuvent être importantes. Cela représenterait, par exemple, 83 millions d'euros pour Lyon et 11 millions pour Cannes. S'agissant de Sceaux, dont le nombre d'habitants est pourtant moins important, la sous-compensation serait également de 11 millions. Les chiffres ne sont pas toujours significatifs, car tout dépend des taux, des bases, des valeurs sur lesquelles on s'appuie, et on rencontre des situations très particulières. Il y a ainsi une commune de 51 habitants pour laquelle la sous-compensation serait de 5 400 euros, ce qui est élevé compte tenu de la population, et une commune de 1 500 habitants pour laquelle la sous-compensation irait jusqu'à 210 000 euros, ces situations très particulières étant liées à la valeur locative des biens soumis à la taxe d'habitation – il s'agit, pour l'essentiel, de communes plutôt bien situées, en bord de mer.

J'en viens aux surcompensations. Sur un total de 24 656 communes surcompensées, près de 19 000 comptent moins de 1 000 habitants, soit 77 % du total, et 5 266 ont entre 1 000 et 9 999 habitants. Au total, 24 269 communes surcompensées comptent moins de 10 000 habitants.

Parmi les communes comptant plus de 10 000 habitants, 387 sont surcompensées, dont 7 comptent plus de 100 000 habitants. Sur les 41 communes de plus de 100 000 habitants, 7 sont surcompensées et 34 sont sous-compensées.

Les surcompensations peuvent être importantes, mais il est difficile de faire des moyennes par strates, les données perdent leur sens. Parmi les communes de plus de 100 000 habitants, la surcompensation la plus importante concerne Toulouse, à hauteur de 33 millions d'euros. Les surcompensations touchent des communes de différentes typologies : Saint-Denis est très surcompensée, avec 13 millions d'euros, et Nancy l'est à hauteur de 4 millions d'euros.

Les écarts sont très importants, la commune qui ferait l'objet de la sous-compensation la plus importante est Paris, qui constitue une collectivité à statut particulier par fusion avec la métropole de Paris. Sa sous-compensation se mesure en centaines de millions d'euros, mais c'est lié à la structure particulière de cette commune.

J'en reviens au coefficient correcteur. Son objectif est d'éviter un mécanisme équivalent au FNGIR et de produire un système transparent. Les communes surcompensées se verront appliquer un coefficient de correction qui réduira les recettes issues de l'affectation de la taxe foncière des départements. Les communes devront savoir comment ce coefficient sera calculé l'année de la mise en oeuvre de la réforme.

Pour vous donner un exemple, si une commune percevait 80 de taxe d'habitation et que la part de taxe foncière du département perçue sur son territoire est égale à 100, le coefficient correcteur sera de 0,8, elle touchera ainsi une recette strictement égale à celle dont elle bénéficiait au titre de la taxe d'habitation. Si les bases et les valeurs locatives évoluent, le produit évoluera de même et la dynamique sera maintenue. Autre avantage : cette mesure permet de neutraliser les écarts de politique d'abattement entre le département et la commune.

Plusieurs options sont ensuite ouvertes.

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Jacqueline Gourault, Ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales

Il est important de comprendre que le coefficient directeur est appliqué avant la distribution, comme un prélèvement à la source. Le FNGIR intervenait après la distribution, ce qui compliquait considérablement le mécanisme. Dans ce cas, nous prélevons avant, et la commune recevra les sommes compensées.

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Le coefficient correcteur restera le même chaque année ?

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Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics

C'est une des questions qui reste à trancher. Les deux systèmes ont des inconvénients.

Modifier le coefficient chaque année serait redoutablement compliqué d'un point de vue technique, car il faudrait tenir compte des variations cadastrales de chacune des communes, de l'évolution des valeurs locatives et des politiques de taux avant de décider si le coefficient augmente, notamment si l'on considère que la recette affectée doit être identique.

À l'inverse, figer le coefficient serait plus simple techniquement, mais la collectivité dont la situation évolue fortement en subirait un préjudice. Et si une commune choisissait d'augmenter les taux, elle ne percevrait pas la totalité du surcoût pour le contribuable, alors qu'elle en supporterait la responsabilité.

Ces deux hypothèses restent donc ouvertes, tant pour les communes surcompensées que pour les communes sous-compensées, puisqu'il est également possible de s'interroger sur l'évolution dans le temps du montant de la compensation versée aux communes sous-compensées.

Nous pourrions d'ailleurs retenir des solutions différentes pour la surcompensation et la sous-compensation. Chaque hypothèse a des avantages et des inconvénients, nous avons formulé la proposition de ce coefficient correcteur aux associations d'élus, et nous attendons qu'elles l'analysent pour nous faire part de leur avis.

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Jacqueline Gourault, Ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales

S'agissant des droits de mutation à titre onéreux (DMTO), la part des départements sera maintenue. Cette question aura une place importante dans les négociations que les départements vont mener avec le Gouvernement, comme ce fut déjà le cas l'an dernier.

Les départements opèrent déjà une péréquation de DMTO. Les recettes issues des DMTO sont très élevées pour certains départements, comme la Charente-Maritime, beaucoup moins pour d'autres tels que la Creuse. Les départements ont donc mutualisé une partie de leurs DMTO, et ils réfléchissent aux moyens d'accentuer cette péréquation.

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Les départements ne sont pas logés à la même enseigne : les dynamiques de la TVA et de la taxe foncière ne sont pas identiques. Certains départements seront gagnants, d'autres seront perdants.

Au sujet de l'impôt économique, il ne faudrait pas que pour compenser une base fiscale plus faible, une pression trop forte soit exercée sur les entreprises.

Enfin, les logements sociaux bénéficient d'une exonération de taxe foncière pendant vingt-cinq ans. Quelle sera l'incitation pour lancer ce type de programmes une fois la taxe d'habitation supprimée ?

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Enfin, les propositions sont sur la table ! À l'approche des élections municipales, les élus s'inquiétaient des modalités de compensation de la suppression de la taxe d'habitation.

Vous avez indiqué un certain nombre d'éléments, je ne suis pas sûre que le système soit aussi simple que vous le présentez, mais nous allons tâcher d'être positifs, à l'instar de l'ensemble des associations d'élus.

Si la compensation peut se faire à l'euro près la première année pour les communes, les départements, les régions et les EPCI, comment assurer dans trois ou quatre ans que les dynamiques des taux de la TVA et de la taxe foncière seront identiques ? Pourriez-vous nous expliquer comment vous envisagez de compenser à l'euro près la suppression de la taxe d'habitation dans les années à venir ?

Comment les liaisons entre les taux seront-elles assurées ?

La suppression de cette taxe représente pour l'État une perte de recettes de 20 milliards. Comment sera-t-elle compensée ? Par une augmentation du déficit ? Par des augmentations d'autres taxes ? Est-ce en 2022, lors de la prochaine campagne présidentielle, que cette perte se fera clairement sentir ?

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La suppression de la taxe d'habitation était un engagement de campagne du Président de la République. C'est une baisse d'impôt sans précédent qui va considérablement améliorer le pouvoir d'achat des Français. Je note cependant que certaines collectivités ont choisi d'augmenter leurs taux pour anticiper certains projets, et leurs habitants n'ont pas pu constater la baisse d'un tiers de la taxe d'habitation, et risquent de ne pas constater la suppression de cette taxe d'ici à 2022.

Pouvez-vous nous en dire plus ? Combien de communes sont dans cette situation ? Comment rendre cela visible à nos concitoyens ?

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À propos de la prise en compte, dans le coefficient correcteur, des variations de taux décidées par les collectivités, il me semble compliqué de jouer la solidarité sur des décisions futures propres aux collectivités. Des politiques opportunistes de baisse de taux risquent d'apparaître, il me semble donc préférable de ne pas intégrer les décisions des collectivités modifiant les taux dans le futur dispositif.

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Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics

Le dynamisme de la TVA par rapport à la taxe foncière est différent dans chaque département, comme le soulignait le président Cazeneuve. Entre 2014 et 2018, la taxe foncière a augmenté légèrement plus que la TVA dans la moitié des départements, tandis que c'était l'inverse pour l'autre moitié. À long terme, les départements peuvent être rassurés sur le dynamisme de cette recette.

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Jacqueline Gourault, Ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales

Surtout les départements les plus pauvres !

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Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics

En 2014 et 2015, en moyenne, le dynamisme de la TFPB est de 2,3 %, alors que celui de la TVA est de 2,9 %.

S'agissant des logements sociaux, à ce stade de nos réflexions, nous n'avons pas prévu d'étendre les dispositifs d'exonérations. La question nous a déjà été posée, car si le levier fiscal dont bénéficient les communes pèse sur les valeurs locatives de la taxe foncière des départements, en plus de celui des communes, l'exonération de taxe foncière pour les logements sociaux construits posera une difficulté. En effet, dans le système actuel, les maires qui construisent des logements sociaux savent qu'ils n'en tireront pas de bénéfice au niveau de la taxe foncière, mais de la taxe d'habitation. La question sera à nouveau posée, et il faudra progresser dans nos réflexions.

Nous sommes ouverts sur les liaisons de taux. Spontanément, donner aux maires la responsabilité et l'autonomie la plus totale pour décider librement de leurs taux nous semblait une bonne chose. Nous entendons de plus en plus d'inquiétudes, venant notamment des acteurs de l'entreprise, quant aux effets d'une dissociation totale des taux. Cette inquiétude peut être relativisée pour les impôts économiques et les impôts de production. La liaison qui existe aujourd'hui s'appuie sur le taux de la taxe d'habitation pour déterminer l'écart autorisé pour les autres taux, et cette règle est très large : elle prévoit un double plafonnement par rapport à la moyenne départementale et la moyenne nationale. Il n'existe pas de collectivité empêchée dans la détermination de sa politique fiscale par cette règle, car l'écart autorisé est très important. Il n'en demeure pas moins que les inquiétudes existent, nous devrons apporter une réponse.

Nous devrons aussi imaginer une liaison de taux pour les résidences secondaires. Nous ne souhaitons pas permettre un système dans lequel les résidents secondaires feraient l'objet d'une pression fiscale extrême afin de financer l'ensemble des activités de la commune, notamment dans les communes où les résidences secondaires sont peu nombreuses.

La compensation sera effectivement réalisée à l'euro près la première année, mais nous ne pouvons pas la garantir année après année dès lors que les communes gardent la capacité de déterminer leurs taux. Nous garantissons donc une compensation à l'euro près au départ, avec la garantie donnée par le dynamisme des bases de la taxe foncière et la possibilité d'une politique de taux, ce qui renvoie à la responsabilité des exécutifs locaux. Il n'est pas possible de garantir la compensation à l'euro près dans le temps, sauf à en revenir au système du FNGIR, avec les difficultés que nous avons évoquées.

S'agissant enfin du financement de la suppression de la taxe, Mme Lacroute évoque un coût de 20 milliards, mais il sera en réalité inférieur. Dans toutes ses composantes, la taxe d'habitation représente aujourd'hui 23 milliards. Sur cette somme, 3 milliards font déjà l'objet d'un dégrèvement que l'État assure auprès des collectivités, et il continuera à le faire, ce n'est donc pas une dépense nouvelle. Environ 2,6 à 3 milliards correspondent aux résidences secondaires et à la taxe sur les logements vacants. Le solde est de 17 milliards.

Une grande partie de ce solde – 10 milliards – a été intégrée dans la loi de programmation adoptée par le Parlement à la fin de l'année 2017, qui prévoit des mesures d'économies et définit des priorités. Nous devrons trouver des mesures d'économies pour les 7 milliards d'euros qui correspondent à l'intégralité de la suppression de la taxe d'habitation. Nous ne voulons pas créer d'impôt nouveau, ni remettre en cause les orientations budgétaires récemment présentées par Gérald Darmanin devant la commission des finances.

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Nous avons besoin d'éléments chiffrés et de simulations pour éclairer les décisions à venir. Je souhaite que nous puissions en disposer pour nos futurs travaux.

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Si j'ai bien compris, la compensation est faite au taux en vigueur en 2017, y compris pour la deuxième tranche, les 20 % les plus riches ?

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Jacqueline Gourault, Ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales

C'est un point en discussion. L'année de référence devra être la même pour les 80 % qui bénéficient immédiatement de la suppression de la taxe d'habitation et pour les 20 % restants.

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La compensation se fait actuellement sur le taux pour 2017. Si vous retenez le taux de 2017 pour les deux tranches, les communes dans lesquelles les taux ont augmenté accuseront une perte sèche correspondant au différentiel de taux.

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Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics

Permettez-moi un retour en arrière. Lorsque la loi de programmation des finances publiques a été adoptée, ainsi que le PLF pour 2018, une première exonération portant sur un tiers de la taxe d'habitation a été décidée pour 80 % des contribuables. Nous travaillions alors dans l'hypothèse d'une suppression de la taxe d'habitation pour 80 % des ménages. La décision du Conseil constitutionnel sur le traitement des 20 % qui ne bénéficiaient pas de cette suppression, fondée sur le principe d'égalité devant l'impôt, a incité le Président de la République à étendre la suppression de la taxe d'habitation à la totalité des ménages.

Si la suppression de la taxe d'habitation s'était limitée à 80 % des ménages, comme nous l'avions envisagé dans un premier temps, lorsqu'un maire aurait décidé d'augmenter les impôts, cela aurait été à la charge de ses administrés qui l'en auraient tenu politiquement responsable. Puisque 20 % de la population continuait d'être assujettie à la taxe d'habitation, les avis d'imposition seraient parvenus à ceux qui entraient dans l'assiette de cette taxe du fait de la politique fiscale de leur commune.

Mais cette logique ne fonctionne plus si tous les ménages sont exonérés. En 2018, 6 000 communes ont augmenté leurs taux, comme elles en avaient le droit, et 3 000 l'ont aussi fait en 2019. Dans une logique de compensation de la totalité de la taxe d'habitation, quel sort réserver à cette imposition nouvelle, depuis 2018, du fait de ces augmentations de taux ?

Deux scénarios, brutaux, ont en commun de maintenir l'année 2017 comme référence. Dans le premier, les communes qui ont augmenté leurs taux devraient expliquer à leurs habitants que la taxe d'habitation est supprimée partout en France, mais qu'ils devront continuer à payer le surcoût entraîné par la hausse des taux décidée par la commune après 2017. Dans le second, les communes perdraient la recette créée depuis 2018 grâce à l'augmentation.

Afin de trouver une solution moins brutale, le Gouvernement est prêt à discuter de l'année de référence pour le calcul de la compensation. Cette hypothèse a un défaut : ceux qui ont augmenté les taux, pour des raisons parfois très bonnes, et parfois plus discutables, n'auraient pas à en assumer la responsabilité.

C'est cette raison, en plus du fait que nous ne souhaitons pas faire cohabiter deux systèmes d'impôts pendant trois ans, qui nous amène à nationaliser la recette de taxe d'habitation pour les 20 % qui y restent assujettis en 2021, 2022 et 2023. Les taux ne pourront pas évoluer, et nous n'aurons pas à nous poser à nouveau cette question pour la période 2021-2023.

Nous sommes donc ouverts à cette discussion. Pour l'instant, la loi de finances prévoit que l'année de référence pour la compensation est 2017.

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Merci beaucoup, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, d'être venus devant la délégation en amont de la discussion du projet de loi de finances.

La réunion s'est achevée à 19 heures 20.

Membres présents ou excusés

Présents. - M. Stéphane Baudu, Mme Anne Blanc, M. Jean-René Cazeneuve, M. Charles de Courson, Mme Stella Dupont, Mme Catherine Kamowski, Mme Fadila Khattabi, Mme Valérie Lacroute, M. Didier Le Gac, Mme Patricia Lemoine, Mme Monique Limon, Mme Véronique Louwagie, M. Didier Martin, M. Jean-Paul Mattei, M. Bruno Millienne, M. Bernard Perrut, M. Éric Poulliat.

Excusés. – M. Christophe Jerretie, Mme Christine Pires Beaune.