La réunion

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La commission des affaires économiques a auditionné, en application de l'article 13 de la Constitution, Mme Valérie Metrich-Hecquet, que le Président de la République envisage de nommer aux fonctions de directrice générale de l'Office national des forêts (ONF) (Mme Bénédicte Taurine, rapporteure).

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Mes chers collègues, par un courrier en date du 3 août 2022, la Première ministre a informé la présidente de l'Assemblée nationale que le Président de la République envisageait de proposer la nomination de Mme Valérie Metrich-Hecquet aux fonctions de directrice générale de l'Office national des forêts (ONF). Je précise que ces fonctions sont exercées pour une durée indéterminée.

Madame Metrich-Hecquet, je vous souhaite la bienvenue.

L'audition que nous organisons répond à une exigence prévue à l'article 13 de la Constitution, qui dispose que, pour certains emplois ou fonctions – en raison de leur importance pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la nation –, le pouvoir de nomination du Président de la République s'exerce après avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée.

Je vous rappelle que la réforme de notre règlement adoptée en 2019 a adapté la procédure suivie en commission pour de telles nominations : il est désormais prévu que la commission compétente nomme un rapporteur parmi ses membres appartenant à un groupe d'opposition ou à un groupe minoritaire. Pour la présente audition, la commission des affaires économiques a désigné rapporteure Mme Bénédicte Taurine, membre du groupe LFI-NUPES.

Notre rapporteure a établi un questionnaire auquel Mme Metrich-Hecquet a bien voulu apporter des réponses détaillées. Ce document a été transmis à l'ensemble des commissaires lundi soir, accompagné du curriculum vitae de la personne auditionnée. Il sera mis en ligne à l'issue de la proclamation des résultats du scrutin.

Avant de donner la parole à notre rapporteure, je rappelle les règles principales régissant les auditions organisées dans le cadre de l'article 13 de la Constitution.

L'audition est publique.

Le scrutin est secret et doit avoir lieu hors la présence de la personne auditionnée ; il ne peut donner lieu à délégation de vote ; il sera effectué par appel public ; des bulletins vous seront distribués à cet effet.

Le dépouillement du scrutin doit avoir lieu simultanément à l'Assemblée nationale et au Sénat, conformément à l'article 5 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 et à l'article 29-1 de notre Règlement. En l'espèce, le Sénat auditionnera Mme Metrich-Hecquet à partir de onze heures, horaire auquel notre commission débutera pour sa part l'audition du président-directeur général d'EDF. Le dépouillement devrait donc avoir lieu dans les deux assemblées à l'issue de cette dernière audition, vers treize heures.

Il sera effectué par deux scrutateurs : les deux plus jeunes députés présents appartenant, pour l'un, à un groupe de la majorité ou minoritaire et, pour l'autre, à un groupe de l'opposition. Les scrutateurs seront désignés avant le scrutin et devront être disponibles au moment du dépouillement.

Enfin, le Président de la République ne peut procéder à une nomination lorsque l'addition des votes négatifs dans chaque commission représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions. Lors de l'audition du précédent directeur général de l'ONF, le 11 décembre 2019, il s'en était fallu d'une seule voix que ce seuil ne soit atteint… Bien sûr, madame, je ne vous souhaite pas que cette situation se reproduise !

Il m'appartiendra de communiquer le résultat du vote à la présidence de l'Assemblée nationale, puis d'en informer les commissaires ultérieurement.

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L'Office national des forêts, ce sont 8 200 femmes et hommes au service de la forêt publique française, dont le rôle est essentiel à l'heure du bouleversement climatique – des femmes et hommes dont les effectifs ne cessent d'être réduits, à qui on demande de faire toujours plus avec moins de moyens et dont le taux de suicide est supérieur à la moyenne nationale. Ils sont chargés de gérer et de prendre soin de 25 % de la forêt française, près de 11 millions d'hectares – 4,6 dans l'Hexagone, plus de 6 outre-mer.

Vous l'avez dit, monsieur le président : le 11 décembre 2019, notre commission entendait le préfet Bertrand Munch, dont la nomination aux fonctions de directeur général de l'ONF était alors envisagée. Les débats avaient été houleux et de très fortes réserves avaient été exprimées concernant cette nomination. Moins de trois ans plus tard, il est mis fin à ses fonctions du fait de méthodes de management brutales. Il en avait été de même de son prédécesseur. Si vous êtes nommée, madame, vous allez donc hériter d'une situation sociale douloureuse qui exigera de votre part une grande humanité, un esprit d'ouverture et d'écoute et un goût véritable et sincère du dialogue social et de l'humilité.

La responsabilité à laquelle vous prétendez est très importante et suppose un engagement résolu. La nôtre, mes chers collègues, ne l'est pas moins : au vu des enjeux, nous n'avons plus droit à l'erreur.

Il s'agit d'abord d'apporter des garanties à des agents qui ont consacré toute leur énergie à des métiers riches de sens et ont aujourd'hui le sentiment d'être méprisés. Ils craignent à juste titre la poursuite de la dégradation de leurs conditions de travail, des réductions d'effectifs et, surtout, de continuer de se heurter à un mur lorsqu'ils voudront nouer un dialogue constructif avec leur hiérarchie.

Votre parcours, bien qu'il témoigne de votre grande connaissance des questions forestières, ne les rassure pas : vous avez occupé au sein du ministère de l'agriculture des fonctions qui vous associent à des décisions ayant contribué à affaiblir l'établissement. Que répondez-vous à ceux qui s'inquiètent à l'idée de vous voir poursuivre la politique désastreuse des précédents directeurs généraux ? Comment envisagez-vous de restaurer la confiance, particulièrement éprouvée ces dernières années ?

Dans le questionnaire préparatoire à votre audition, vous avez indiqué vouloir maintenir les emplois et les compétences au sein de l'ONF tout en attribuant des activités supplémentaires à l'établissement. Comment défendre cette ligne face à une tutelle ministérielle dont vous avez été un rouage essentiel et qui obéit à une logique de diminution des moyens ? Ce sont 2 000 postes qui ont été supprimés depuis 2016, et 500 autres doivent l'être selon le contrat 2021-2025 entre l'État et l'ONF. Le rapport d'information du Sénat intitulé « Feux de forêt et de végétation : prévenir l'embrasement » recommande de revenir sur ces suppressions de postes ; la Fédération nationale des communes forestières (FNCOFOR) comme l'Association des maires ruraux de France encouragent à renforcer les effectifs. Relayerez-vous ces demandes ?

La crise que traverse l'ONF est profonde. Elle touche à son rôle : l'établissement fait l'objet d'injonctions contradictoires de la part de ministères qui ne s'entendent pas. On lui enjoint de produire toujours plus pour assurer sa viabilité économique, tout en réaffirmant ses missions d'intérêt général. La forêt doit à la fois être un objet d'exploitation, un lieu d'épanouissement de la biodiversité et un espace de loisir. Quelle est votre vision des rôles que doit jouer l'ONF ?

La crise est aussi financière. La situation très dégradée de l'établissement à cet égard met sa viabilité en péril. Laisserez-vous poursuivre la privatisation rampante qui conduit à sacrifier de plus en plus les missions de service public au profit de logiques de rentabilité ? Il nous semble par ailleurs essentiel que l'ONF contribue à la relocalisation de l'activité forestière. Qu'en pensez-vous ?

Enfin, c'est à une crise de gouvernance que l'établissement fait face. Il nous paraît impératif d'offrir à l'ensemble des usagers de la forêt une vraie place dans la prise de décisions qui concernent ce bien commun. Comment intégrer les riverains et les associations à un dialogue plus large ? Comment améliorer les relations entre l'ONF et les communes forestières ?

Cette audition est l'occasion de vous entendre au sujet de l'ensemble des enjeux qui ont trait à l'avenir de l'ONF. Vos réponses engageront votre responsabilité, notamment touchant la gestion des personnels. Je le répète, les défis que vous devrez relever si vous êtes nommée sont immenses : vous devrez œuvrer non seulement à pérenniser l'ONF, mais aussi et surtout à le renforcer. Vu les circonstances et les précédents, nous serons certainement nombreux à être très attentifs au respect des engagements que vous prendrez devant nous aujourd'hui.

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Valérie Metrich-Hecquet

Je suis très honorée de m'exprimer devant votre commission pour vous présenter ma candidature au poste de directrice générale de l'Office national des forêts et vous exposer ma vision des priorités stratégiques de l'établissement.

Ingénieure du génie rural, des eaux et des forêts, j'ai exercé au sein du ministère de l'agriculture, puis du ministère de l'écologie, en administration centrale, deux fois en cabinet et dans les services déconcentrés de l'État, dans l'Aisne, où j'ai commencé ma carrière, puis dans les Yvelines. Mon parcours s'est construit autour de l'élaboration et de la mise en œuvre des politiques publiques agricoles, forestières et environnementales, au niveau européen et national, et a toujours comporté une forte composante partenariale. Mes fonctions de secrétaire générale et de directrice m'ont également amenée à assumer la responsabilité des ressources humaines, à pratiquer le dialogue social et à conduire des projets de transformation des organisations.

J'ai eu l'occasion de m'investir dans plusieurs dossiers importants pour la forêt et la filière bois. Parmi les principaux, je citerai les plans d'aide au nettoyage et à la reconstitution des forêts à la suite des terribles tempêtes Lothar et Martin, en 1999, et Klaus, en 2009 ; la loi d'orientation forestière de 2001, votée à l'unanimité par l'Assemblée et par le Sénat, qui a inscrit le principe de multifonctionnalité dans la loi ; le volet forestier du plan France Relance, qui accompagne l'adaptation de la forêt et de la filière bois au changement climatique, notamment grâce à un important soutien au renouvellement forestier ; enfin, les assises de la forêt et du bois, qui ont été l'occasion d'un large débat sur les enjeux de la filière et dont les conclusions ont été rendues en mars 2022.

Si votre commission et celle du Sénat donnent leur accord à ma nomination, je serai heureuse de mettre mon expérience professionnelle au service de l'Office national des forêts. Gestionnaire de plus de 11 millions d'hectares de forêt en métropole et outre-mer, l'ONF incarne pour moi les valeurs d'intérêt général et de long terme qui sont au cœur du développement durable ; un enjeu économique, par sa contribution à la compétitivité d'une filière qui représente 440 000 emplois dans nos territoires ; un enjeu environnemental, celui de l'adaptation de la forêt française au changement climatique afin de préserver le patrimoine forestier, les ressources naturelles et la biodiversité qui y sont associées et de contribuer à l'atténuation de ce changement ; enfin, un enjeu social, d'accueil du public – 700 000 visiteurs viennent chaque année dans les forêts françaises.

Au-delà de ces enjeux, l'ONF est un magnifique établissement, ancré dans les territoires, entretenant des liens forts avec les 11 000 communes propriétaires de 60 % de la forêt publique ; une belle maison, construite – vous l'avez dit, madame la rapporteure – par des générations de forestiers passionnés, aux compétences reconnues dans des domaines et des métiers variés, et profondément engagés au service du bien commun. Cet attachement des personnels au service de la forêt publique, que je partage pleinement, constitue un facteur puissant de motivation, en même temps – j'en ai conscience – qu'il engage et oblige un directeur général.

Nous vivons en cet été 2022 un moment particulier, dramatique par certains aspects, mais qui rend visibles les enjeux propres à l'établissement. Tout d'abord, les terribles incendies qui ont détruit plus de 60 000 hectares de forêt – et cela continue – font prendre conscience à tous de la fragilité de nos forêts et de leurs écosystèmes ainsi que de la nécessité de renforcer la politique de prévention des incendies, mais aussi de préparer la forêt de demain.

Ensuite, le tragique conflit en Ukraine montre le besoin de réduire la dépendance aux énergies fossiles, accroissant l'intérêt du bois comme matériau de construction et comme source d'énergie de substitution.

Enfin, l'accord obtenu en juin dernier par la présidence française de l'Union européenne sur les principaux textes du paquet « climat » marque l'engagement de notre pays en faveur de la lutte contre le changement climatique. Il se traduira en particulier par un objectif de stockage dans les puits de carbone qui rendra nécessaire d'investir pour le renouvellement forestier et le développement de l'utilisation du bois dans la construction.

Mme la Première ministre a indiqué que la forêt serait l'un des trois premiers secteurs de la planification écologique. J'ai la conviction que l'ONF peut jouer un rôle moteur dans cette transition, en œuvrant pour des forêts résilientes, puits de carbone et réservoirs de biodiversité, et dont la gestion durable participera à la décarbonation de notre économie, à notre souveraineté et à la vitalité de nos territoires.

Dès lors, trois grands objectifs stratégiques m'apparaissent.

Premièrement, faire de l'ONF un acteur central de l'adaptation des forêts au changement climatique. Après les épisodes répétés de canicule et de sécheresse, un tiers de la forêt française est fragilisée et, avec elle, tous les services environnementaux associés, ainsi que les potentiels économiques des territoires et les entreprises qui vivent de la forêt. Le puits de carbone et la stabilité, à terme, de l'approvisionnement de la filière sont menacés par la baisse de l'accroissement naturel, la progression de la mortalité et le risque incendie. Gestionnaire de 25 % de la forêt française en métropole, ainsi que de la forêt outre-mer, l'ONF devra jouer un rôle majeur dans la stratégie d'adaptation, afin d'assurer la transmission du patrimoine forestier et écologique aux générations futures.

Cette stratégie doit se traduire dans son activité de recherche et développement, en collaboration avec la recherche française, les partenaires européens et les partenaires de la forêt privée ; dans son activité de surveillance des peuplements, pour élaborer des diagnostics et des solutions à partager avec l'ensemble des acteurs ; enfin, dans sa mission de gestionnaire chargé des aménagements et du renouvellement dans les forêts publiques, pour adapter les plus vulnérables d'entre elles. Son expertise a en effet vocation à être partagée avec l'ensemble des partenaires de la forêt privée, du Centre national de la propriété foncière (CNPF) et des coopératives forestières, au bénéfice de toute la forêt française.

Deuxièmement, accompagner la filière bois dans l'objectif de développer une économie verte et de créer de la valeur dans les territoires. L'ONF, en tant qu'opérateur national, dispose de la capacité de mutualiser les ressources des forêts publiques dans des bassins d'approvisionnement qui dépassent les limites administratives et de garantir des clauses de vente harmonisées et l'équité d'accès à la ressource pour les acheteurs privés. Cela lui confère un rôle structurant et stabilisateur pour la filière, que renforcera encore le développement de la contractualisation inscrit dans le contrat d'objectifs et de performance (COP). Le développement de la valorisation locale de la matière première brute par nos entreprises, défendu par la Fédération nationale du bois et l'interprofession, est un enjeu pour la vitalité de nos territoires ruraux ; je partage pleinement cet objectif.

Troisièmement, conforter le rôle de l'ONF dans la prévention des risques et la gestion des crises. Les incendies de l'été ont montré que l'expertise et l'appui de l'ONF sont reconnus et nécessaires aux partenaires comme aux acteurs de la protection civile. Les événements extrêmes, qu'ils soient climatiques ou sanitaires, sont de plus en plus intenses et fréquents. Dans ce contexte, le maillage territorial de l'ONF et sa capacité à mutualiser les moyens et à mobiliser les renforts sont des atouts qu'il convient de préserver. Ses missions d'intérêt général, dont celles relatives à la défense de la forêt contre les incendies, mais aussi à la restauration des terrains en montagne et à la gestion des dunes, sont prioritaires et seront confortées.

Compte tenu de ces trois objectifs stratégiques, le régime forestier et l'ONF constituent des pièces maîtresses de la gestion durable des forêts. Les événements récents et la rapidité à laquelle nous sommes rattrapés par le changement climatique ont permis de recréer un relatif consensus quant à la pertinence du régime forestier et du statut de l'établissement. C'est aussi parce que je me retrouve dans ce consensus, transcrit par le contrat entre l'État et l'ONF, que je candidate à la direction générale de celui-ci.

Dans ce cadre, j'insisterai sur quatre axes d'action auxquels je crois pour mettre en œuvre ces priorités stratégiques et que je proposerai aux personnels si vous m'accordez votre confiance.

Tout d'abord, resserrer les liens avec les collectivités locales propriétaires des forêts ou souhaitant que les forêts dont elles sont le siège participent à l'aménagement et au développement de leur territoire. Si vous validez ma candidature, je préserverai le maillage territorial de l'ONF et m'emploierai à conforter la confiance des communes forestières (COFOR) par une transparence accrue, l'écoute des attentes des élus, une offre de services adaptée et un accès facilité des élus aux données de leurs forêts. L'instauration de la nouvelle comptabilité analytique de l'ONF et du comité d'audit, dans lequel siègent les communes forestières, vise à donner aux communes des garanties de transparence quant au modèle économique de l'établissement ; je m'engage à ce que le comité d'audit dispose des données nécessaires à l'accomplissement de son travail. Le renforcement des liens avec les communes forestières est consubstantiel à la mission de l'ONF – vous l'avez dit, madame la rapporteure ; je prends l'engagement devant vous d'y œuvrer si je suis nommée, tout comme je m'attacherai à développer les partenariats avec les collectivités régionales.

Le deuxième axe consiste à construire un dialogue transparent avec les partenaires et confiant avec la société civile – un dialogue à mener avec les partenaires historiques que sont les représentants de l'aval et les représentants des chasseurs, acteurs centraux de l'équilibre forêt-gibier, mais aussi à approfondir avec les citoyens, les associations environnementales et les représentants des usagers de la forêt. Multifonctionnelle, la forêt suscite en effet de nombreuses attentes, qui sont diverses et parfois difficiles à concilier. Si l'on veut optimiser la séquestration de carbone dans le sol et dans la biomasse, il faut expliquer les orientations sylvicoles et les partager avec les citoyens, pour dégager des consensus sur la gestion durable de la forêt – en s'adaptant à la spécificité de chaque territoire, car il n'existe pas de solution unique prête à l'emploi. L'urgence climatique et le risque incendie sont paradoxalement des leviers pour faire émerger une vision partagée.

Je suis donc favorable à une association plus étroite des ONG et des citoyens aux choix sylvicoles, sur le fondement d'outils et d'indicateurs rendant compte de cette gestion dans tous les aspects du développement durable, et d'une évaluation indépendante. Je suis également favorable à un renforcement des attributions et de la visibilité du comité scientifique de l'ONF. L'accueil de jeunes publics est un autre moyen de développer le dialogue avec la société, tout comme le service civique en forêt, qui permet d'impliquer nos concitoyens.

Troisième axe : conforter l'établissement en le transformant. Les priorités que j'entends fixer en matière de ressources humaines visent à assurer le renouvellement des générations en maintenant les compétences et en s'adaptant aux besoins nouveaux, à bâtir des parcours professionnels attractifs et à ouvrir des perspectives aux personnels, en particulier ceux dont les missions seront amenées à évoluer. Mais, alors que le changement climatique apporte son lot d'incertitudes, voire d'inquiétudes, ces évolutions ne pourront avoir lieu que grâce à un dialogue social de qualité avec les personnels et leurs représentants syndicaux, dans le respect des instances représentatives et le souci de renforcer la cohésion de la communauté de travail dans sa diversité de métiers, de compétences et de statuts. Il s'agit également de transformation digitale, pour faciliter la vie des personnels comme des partenaires externes et permettre une plus grande responsabilisation au niveau du management intermédiaire.

Enfin, évidence ou défi qui s'impose à tout candidat à la direction générale de l'ONF, il faut consolider son modèle économique. Si les moyens que lui consacre l'État sont en augmentation depuis vingt ans, ils n'ont pas permis d'éviter que ne se creuse l'endettement de l'établissement, confronté à une baisse structurelle du prix du bois et à une hausse des charges. À un moment où l'urgence climatique renforce les attentes vis-à-vis de l'ONF – vous l'avez dit, madame la rapporteure –, la question de l'équilibre de son modèle économique et du niveau d'effectifs nécessaire pour assurer ses missions est cruciale ; j'en ai pleinement conscience.

En ce qui concerne les charges, les marges d'optimisation des processus de production, de commercialisation et de transformation numérique, pour utiles qu'elles soient, ne seront pas à la hauteur du rétablissement financier nécessaire, d'autant que le changement climatique risque de rendre plus complexes les aménagements et d'accroître les besoins en matière de recherche, de surveillance, de prévention des risques et de reconstitution.

Du côté des recettes, le changement climatique et la décarbonation de notre économie devraient se traduire par un rééquilibrage structurel au profit du bois. Les financements carbone sont également une opportunité pour de nouvelles ressources propres. L'établissement pourra aussi bénéficier des financements instaurés pour poursuivre la dynamique du plan de relance, dans le prolongement des assises de la forêt et du bois.

Je n'aurais pas candidaté au poste de directrice générale de l'ONF si je n'étais pas convaincue que les missions de celui-ci sont essentielles, d'intérêt général, et justifient pleinement qu'il dispose des moyens humains et budgétaires nécessaires pour les mener. Je me mobiliserai en ce sens.

C'est donc bien consciente des défis qui attendent l'établissement, de ses difficultés, mais aussi de ses atouts que je me présente devant vous. Ma candidature est le fruit d'un engagement sincère. Si vous donnez votre accord à ma nomination, je serai heureuse de défendre ce beau projet d'intérêt général avec l'ensemble des équipes et, bien sûr, avec son président, Jean-Yves Caullet, dont l'expérience et la présence sont une chance pour l'établissement. Je mènerai mon action avec enthousiasme, détermination et dans le respect des personnes – des équipes de l'ONF comme des partenaires, élus, professionnels, associations. Si je suis nommée, je serai toujours à la disposition du Parlement pour échanger au sujet des enjeux propres à l'établissement et vous rendre compte de mon action en toute transparence.

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Merci beaucoup. Mes chers collègues, je précise que les quatre minutes de temps de parole des orateurs des groupes incluent la réponse de la personne auditionnée : à vous de gérer la durée de votre question, mais je vous couperai au bout de trois minutes afin que notre invitée ait au moins une minute pour vous répondre. Je veillerai aussi strictement, madame, à ce que vous n'alliez pas au-delà de ces quatre minutes.

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Vous l'avez dit, madame : depuis plusieurs années, la situation financière de l'ONF se dégrade, notamment en raison de la baisse des recettes tirées de la vente du bois. En outre, la France continue d'importer. Depuis plus de vingt ans, la surface comme le nombre de plants diminuent. Parallèlement, les volumes de coupe du bois augmentent, sans interrompre la chute des recettes. À ces problèmes s'ajoute la prédation par certains pays, notamment la Chine, de la forêt privée. Par quelle méthode proposez-vous de relever ces grands défis ?

Ancien rapporteur pour avis du programme budgétaire Paysages, eau et biodiversité, je souhaiterais connaître votre analyse et vos perspectives quant à la contribution financière gouvernementale et aux effets du plan de relance, notamment en équivalents temps plein pour l'Office.

Il a été porté à notre connaissance plusieurs situations professionnelles difficiles au sein de ce dernier. Quelle est votre feuille de route afin de renouveler le dialogue social ?

Les récents incendies montrent que les risques évoluent dans l'ensemble du territoire. Comment envisagez-vous d'impliquer l'ONF dans leur gestion ?

S'agissant du projet de règlement de l'Union européenne sur la déforestation importée, la Fédération nationale du bois rejette les dispositions de l'article 31, manifestement prises sans aucune concertation avec les professionnels du secteur, notamment en ce qui concerne l'obligation d'alimenter une base de données européenne avec les coordonnées GPS de chaque chantier forestier. Quelle est votre position à ce sujet ?

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Valérie Metrich-Hecquet

Vous avez raison s'agissant de la filière : l'enjeu est de développer la valorisation locale du bois afin de créer de la valeur ajoutée sur les territoires, plutôt que les grumes ne partent vers les pays tiers.

C'est une filière importante : 440 000 emplois, 60 milliards d'euros de chiffre d'affaires. Mais elle génère 10 % de déficit commercial. C'est pourquoi nous avons mis en place le label « Transformation Union européenne » pour le chêne. Il produit ses effets et c'est une démarche encourageante. Nous devons profiter de cette tendance lourde, en lien avec la décarbonation de notre économie.

Les 300 millions d'euros du plan de relance du Gouvernement représentent un financement inédit pour le secteur. Le plan comprend un volet lié au renouvellement forestier, mais également un volet aval, visant à encourager la première transformation du bois. L'effort sera poursuivi grâce à France 2030, afin d'accompagner plus globalement la transformation aval.

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Un peu précipitamment, l'Élysée a annoncé fin juillet vous avoir choisi pour diriger l'Office national des forêts. La décision a été prise face à la polémique, le manque cruel de moyens humains et matériels ne permettant pas de lutter contre les incendies qui ont ravagé nos forêts cet été – plus particulièrement en Aquitaine – et qui ont menacé d'autres massifs, un peu partout en France.

Notre pays possède un territoire forestier remarquable, majoritairement en métropole, mais également outre-mer, principalement en Guyane où la France possède 500 kilomètres de frontières communes avec le Brésil en pleine forêt amazonienne.

Malheureusement, les gouvernements successifs n'ont pas considéré la préservation de notre patrimoine forestier, et sa gestion par l'ONF, comme un enjeu national. Durant les mandats de François Hollande et d'Emmanuel Macron, environ 2 000 postes ont été supprimés. La réorganisation, visant à passer de neuf à six directions territoriales, sans prendre en compte l'implantation géographique des forêts, ainsi que des changements fréquents et des vacances de direction, sous la tutelle des ministres de l'agriculture et de l'environnement, ont déstabilisé l'ONF.

Le malaise persiste, les agents dénoncent les suppressions de postes à venir et des conditions de travail de plus en plus difficiles, le processus de privatisation mettant en péril une gestion nationale et indépendante de tout intérêt financier privé. Nous regrettons ce manque de vision qui a fragilisé la protection des forêts alors qu'il était urgent de doter l'ONF d'une stratégie d'envergure nationale, notamment pour la prévention des feux de forêt – un récent rapport sénatorial nous alerte.

Alors que vous figuriez au nombre des initiateurs de ces décisions malheureuses, le Gouvernement n'entend visiblement pas changer l'équipe à l'origine de cette calamiteuse gestion. Vos réponses quant au modèle économique et social que vous défendriez si vous preniez la direction de l'ONF nous le confirment : vous persistez et signez dans la politique d'austérité. Vous ne nous rassurez pas non plus quant à la hausse de la contribution qui inquiète les communes forestières – envisagée début 2022, elle semble mise entre parenthèses.

Si vous preniez la direction de l'ONF, vous engagez-vous à ne pas appliquer cette hausse ? Que répondrez-vous aux promoteurs éoliens qui voudraient installer des parcs dans les forêts gérées par l'ONF, au mépris de la protection de la faune et de la flore ? Pour vous, la forêt est-elle un espace de développement des ENR ou doit-elle rester intacte ?

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Valérie Metrich-Hecquet

Le nouveau contrat d'objectifs et de performance (COP) 2021-2025 ne prévoit pas de hausse de la contribution.

Bien entendu, le directeur général de l'ONF, comme tous les directeurs généraux d'établissements publics, a tendance à faire des propositions afin de défendre son établissement parce qu'il croit dans les missions de ce dernier. Je m'inscrirai dans cette tradition, mais les choix réalisés sont plus globaux.

Sur le principe, la future directrice générale de l'ONF, mais aussi la directrice générale en charge des forêts, considèrent que ce n'est pas la vocation première des forêts d'accueillir des équipements – éoliens ou photovoltaïques – consommateurs d'espaces et de surfaces. Bien entendu, il est toujours possible de s'adapter au niveau local, après concertation.

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Quelle étrange sérénité se dégage de vos propos, alors que notre pays vient de connaître des épisodes successifs d'incendies de forêt, entraînant l'évacuation de près de 40 000 personnes et la disparition d'environ 20 000 hectares de forêts cet été en Gironde. Quelle sérénité, alors que l'Office national des forêts a perdu 40 % de ses effectifs en vingt ans – vous n'avez pas évoqué ce chiffre. Avec quels moyens le Président de la République compte-t-il enclencher son fameux plan de replantation, en lien avec l'ONF ? Quelles sont les conséquences de la perte de presque la moitié des effectifs de l'Office national des forêts ? Vous n'avez pas dit un mot de la souffrance des agents : depuis 2000, il y a proportionnellement plus de suicides d'agents à l'ONF qu'il n'y en a eu à France Télécom.

Désormais, un agent est en moyenne en charge de 1 700 hectares, contre 800 il y a vingt ans, réduisant nos chances d'intervenir rapidement en cas d'incendie. Pourtant, vous le savez, ces derniers vont se multiplier et les agents sont en première ligne pour alerter sur les départs de feu, et les combattre.

Le COP 2021-2025 ne prévoit aucune augmentation des moyens de la mission de défense des forêts contre l'incendie, au grand dam de certains préfets, qui n'ont pas manqué d'épingler le Gouvernement pour cet oubli. Madame, faire mieux avec moins, cela n'existe pas !

Vous semblez bien sereine alors que l'ONF recrute désormais des salariés de droit privé, en lieu et place de fonctionnaires, pour effectuer ses missions de police judiciaire, sans même disposer de moyens pour les former.

Vous semblez bien sereine alors qu'à l'heure du dérèglement climatique, nous avons besoin de moyens humains pour observer les écosystèmes forestiers, la résilience de certaines espèces et leur réaction face aux aléas. L'incertitude écologique exige de renforcer l'expertise et la recherche et développement du service public forestier. Les agents dénoncent la perte de sens de leur travail : ils sont contraints de prélever toujours plus de bois – vous semblez vouloir poursuivre dans la même direction – au détriment des missions d'intérêt général liées à la préservation de la biodiversité ou à l'accueil du public.

Comment être sereine alors que vous laissez entendre que l'Office national des forêts pourrait poursuivre ses missions à effectif constant ? Vos agents ne le sont plus car ils ont vu défiler cinquante nuances de technocratie et d'austérité à la tête de l'Office. Si vous êtes le énième visage de la confusion entre entreprise privée et intérêt général, alors vous êtes la candidate idéale pour Emmanuel Macron.

Notre groupe s'opposera à votre nomination car – je cite un agent – « un forestier n'est qu'un héritier et, nous, on hérite du travail des autres. Maintenant que va-t-on donner ? ».

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Valérie Metrich-Hecquet

Je ne mésestime, ni ne méconnais, la souffrance des personnels de l'ONF car j'ai eu l'occasion de discuter avec eux lorsque j'étais secrétaire générale.

L'Office dispose du soutien renouvelé de l'État, et de moyens budgétaires, grâce au COP. Vous avez raison, cela ne s'est pas encore concrétisé en matière d'effectifs. Mais les événements de l'été illustrent l'urgence à agir. Ce sera l'occasion d'un débat salutaire. Les décideurs prendront ensuite la meilleure décision. Enfin, quand un établissement souffre, la sérénité est bienvenue.

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L'ONF rassemble plus de 8 000 professionnels et gère 11 millions d'hectares de forêt, forêt qui joue un rôle majeur en matière de lutte contre les éboulements en montagne, contre l'érosion du littoral, en matière de biodiversité, dans la lutte contre le réchauffement climatique, etc. Gestionnaire unique de notre régime forestier, l'Office a notamment pour mission de gérer durablement la forêt et de développer la filière bois. Votre nomination est donc une grande responsabilité pour nous, parlementaires, d'autant que les attentes et les besoins sont grands.

Plus de 62 000 hectares de forêt sont partis en fumée, et cela continue en Gironde. L'été 2022 a été rythmé par les incendies et le terrible bilan aurait été encore plus lourd sans le travail remarquable de prévention et de contrôle des agents de terrain.

Le récent rapport de nos collègues Les Républicains du Sénat préconise de revenir sur les 500 suppressions de postes prévues d'ici à 2025. Ces postes concernent exclusivement des agents de terrain, travaillant en lien avec les collectivités. En tant qu'ancien conseil des acteurs ayant pris cette décision, comment vous situez-vous ?

Il est désormais obligatoire d'intégrer le bois dans toutes les nouvelles constructions, mais il semble que les forêts n'aient pas encore atteint le niveau d'organisation leur permettant de satisfaire nos besoins. C'est incompréhensible quand on sait que 30 % du territoire est recouvert de forêts. Qu'envisagez-vous pour relancer la filière bois ?

Votre nomination intervient après le limogeage, pour des méthodes de management contestables, de votre prédécesseur. Comment ramener de la confiance au sein de l'Office ? Le groupe Les Républicains se prononcera en fonction de vos réponses.

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Valérie Metrich-Hecquet

Je m'engage à maintenir le maillage territorial, et à ne pas le dégrader.

Compte tenu de l'apport de bois qu'il représente pour le marché, l'établissement public a un effet très stabilisateur pour la filière. Il doit continuer à jouer ce rôle. L'accroissement de la contractualisation – prévue par le COP – est aussi un facteur de stabilisation.

L'ONF a fait d'importants efforts pour professionnaliser et numériser les démarches avec ses partenaires, afin d'améliorer le service rendu.

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Hier, le Parlement européen a voté – c'est une première au monde – une grande loi pour lutter contre la déforestation importée. C'est un grand pas pour rapprocher l'humanité de la nature et mettre un terme aux pratiques agroalimentaires destructrices de biodiversité.

Alors que notre pays a connu un été particulièrement difficile en raison des incendies – les 62 000 hectares brûlés ont emporté avec eux de nombreuses espèces animales –, l'enjeu de votre nomination est grand. Il y a beaucoup à faire pour préserver nos forêts et leur biodiversité.

Il s'agit aussi d'atteindre la neutralité en émissions carbone d'ici à 2050. À cet égard, les forêts jouent un rôle important puisqu'avec d'autres puits de carbone naturels, elles captent environ 20 % des émissions annuelles de gaz à effet de serre. Au niveau mondial, elles sont même le deuxième puits de carbone après les océans. Or elles sont menacées par les effets du réchauffement climatique qui assèche les sols, multiplie les vagues de chaleur extrêmes et favorise les incendies de grande ampleur.

Comment adapter nos pratiques forestières, et la gestion des forêts, notamment publiques, aux conséquences du dérèglement climatique ? Quel modèle de forêt défendre : celles de monoculture, de plantations organisées par l'homme, affectées à l'exploitation ? ou les autres, davantage diversifiées ?

Ces questions sont d'autant plus prégnantes que l'ONF connaît depuis deux ans une situation économique délicate, pour ne pas dire difficile. Comment conjuguer nos exigences écologiques avec le rétablissement de l'équilibre économique de l'ONF dans un contexte fortement marqué par les tensions internationales ?

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Valérie Metrich-Hecquet

Il faut agir dans plusieurs directions : le stockage dans la biomasse vivante ou morte, dans les sols forestiers, d'où l'importance de forêts vivantes et non dépérissantes, d'une part, et d'autre part, l'utilisation du bois en substitution de matériaux plus consommateurs en énergie fossile.

L'ONF est déjà très mobilisé, dans trois directions : la recherche, bien sûr ; la surveillance des peuplements ; la gestion, au travers des aménagements et du renouvellement des espèces forestières. En effet, plus de la moitié du territoire est occupée par des grandes espèces forestières qui auront disparu avant la fin du siècle du fait du changement climatique. Il faut donc mettre toutes les compétences en commun afin d'anticiper et de privilégier la résilience des espèces par rapport à leur productivité, mais aussi la diversité des peuplements, des essences et des modes de culture, car c'est ce qui permettra de produire à long terme.

Il faut aussi veiller à préserver les sols qui constituent une réserve hydrique. Votre question illustre la complexité, mais aussi l'intérêt des enjeux pour l'établissement.

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C'est en 1790 que les constituants déclarent que les eaux et forêts doivent être protégées par la nation – et non l'État. C'est un acte fondateur de la Révolution française. À l'heure de l'anthropocène, on peut s'étonner que, depuis 2000, les législateurs et les exécutifs qui se sont succédé n'aient pas trouvé mieux pour gérer ce commun écologique que de diminuer les effectifs de l'ONF de 13 000 à 8 000 agents forestiers.

La forêt brûle, et elle brûle dix fois plus qu'au cours des dernières décennies. Au-delà de ces incendies, visibles, la forêt dépérit. Chacun en constate les effets catastrophiques : effondrement de la biodiversité, de la couverture forestière, conséquences pour la protection des eaux et notre bilan carbone.

Sous la précédente législature, dans un rapport remis au Gouvernement, Anne-Laure Cattelot, issue de la majorité, demandait un renforcement des effectifs de l'ONF. Vous avez fait le contraire, alors que nous avions voté, parfois la nuit ou au petit matin, ce réarmement, vital. Vous faites partie des opérateurs de la « maltraitance institutionnelle ». Peut-on, à effectif constant et gouvernance identique, maintenir le lien avec les territoires, quand les agents sont débordés et incapables d'entretenir le dialogue indispensable avec les maires et les intercommunalités ?

Comment gérer la défense des forêts contre l'incendie (DFCI), qui relève certes de l'État, mais dont l'ONF est seul opérateur pertinent ? À effectifs constants, comment engager les travaux de sylviculture indispensables à la lutte contre le dépérissement et à la recherche de peuplements plus diversifiés ? Il n'y a pas d'offre privée concurrente : soit le secteur public fait, soit on ne fait pas puisqu'il n'y a plus d'entreprises compétentes.

À l'heure où le risque d'effondrement écologique est universel, quelles coopérations sont envisageables entre le génie français de l'ONF, des eaux et forêts, mais aussi celui d'AgroParisTech et de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAe) afin d'apporter un concours à la recherche européenne et mondiale en la matière ?

Enfin, depuis quelques années, pour la première transformation du bois, l'Office est plus que bégayant quant aux instruments de traçabilité et d'organisation de l'industrie. Il s'est exposé aux vents mauvais de la mondialisation alors que nous aurions dû reterritorialiser les filières.

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Valérie Metrich-Hecquet

Je l'ai évoqué dans mon propos préliminaire, mon idée est bien de développer les liens avec la recherche nationale – l'INRAe pour ne pas le nommer –, avec les partenaires privés et, bien évidemment, la recherche et développement des partenaires de la forêt privée.

Vous avez raison, les incendies ont été le révélateur de l'état de la forêt en général – la forêt publique ne représente que 5 % des incendies. Mais le récent COP marque une évolution très encourageante : financement des missions d'intérêt général à coût complet alors que ces missions ont été multipliées par deux depuis cinq ans ; compensation à coût complet de toute mission nouvelle ou toute extension de mission. Nous verrons quelle sera l'évolution lors des débats sur le projet de loi de finances pour 2023. C'est aux politiques de décider s'il faut renforcer la politique de prévention, mais aussi nous donner les moyens de gérer l'adaptation de la forêt.

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Dans votre propos liminaire, vous nous avez expliqué que vous n'auriez pas postulé si vous n'aviez pas eu la conviction qu'un modèle était viable pour l'Office national des forêts. Plus je vous écoute, et plus je me dis qu'au vu de la situation, vous n'auriez peut-être pas dû postuler.

Depuis des années, le maître mot, c'est coupe rase : coupe rase budgétaire, coupe rase des moyens, mais aussi multifonctionnalité qui est – passez-moi l'expression – l'arbre qui cache l'état de la forêt car elle laisse entendre que tous les équilibres sont possibles. L'été que nous avons passé illustre que les équilibres actuels et la logique économique sont mis à mal. Vous pariez sur l'équilibre grâce à la production de bois, mais c'est un pari incertain, voire fou, quand on analyse l'état général de la ressource : 70 000 hectares sont partis en fumée – dix fois plus que les années précédentes ; la forêt est malade du fait de la sécheresse, des scolytes ou d'autres situations dramatiques.

Comment alors imaginer retrouver un équilibre ? Comment en faire le pari sans une implication forte de la puissance publique, de l'État, afin de ne pas dépendre de la production de bois ? Quelle est la réalité : 87 % des replantations d'arbres promises par Emmanuel Macron ont été utilisées pour des coupes rases en monoculture, qui destructurent la forêt, mais aussi le travail des agents.

Comment développer les liens avec les collectivités ou les organisations non gouvernementales (ONG) sans garantie d'une stabilisation, voire d'une augmentation des effectifs ? Vous ne nous avez d'ailleurs pas répondu sur les 500 suppressions de postes encore programmées. Les préfets vous alertent sur l'importance des ouvriers forestiers pour lutter contre l'incendie. Vous parlez numérisation, digital, mais cela ne réglera pas vos problèmes.

Une autre ambition est nécessaire : plus d'effectifs, plus de moyens afin de protéger la ressource et pouvoir, un jour, créer de véritables filières d'exploitation du bois. La multifonctionnalité sera alors une réalité, et non pas une illusion entretenue. Comment construire un modèle économique durable de la forêt ? Alors que nous avons reçu des alertes quant à votre nomination, comment comptez-vous rétablir la confiance au sein de l'ONF après deux directions catastrophiques, qui ont créé un état de défiance absolue ?

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Valérie Metrich-Hecquet

J'essaierai de rétablir la confiance en dialoguant de manière transparente. J'essaierai de prouver ma sincérité aux personnels de l'ONF, effectivement concernés au premier chef par la désignation de leur futur directeur général.

Je suis consciente des difficultés de l'établissement, mais aussi de ses atouts. La rapporteure l'a évoqué, les agents de l'établissement travaillent pour l'intérêt général de long terme, et c'est un trésor. Nous pouvons nous appuyer sur eux. Je suis moi-même fonctionnaire depuis trente-cinq ans, au service de l'intérêt général, et je me mobiliserai pour défendre les moyens de l'ONF. Ensuite, en toute transparence, je veillerai à l'adéquation entre les missions et les moyens de l'Office. Mais c'est le décideur politique qui choisit de l'équilibre opportun ; je mettrai en œuvre ses orientations.

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Les forêts d'outre-mer sont caractérisées par la richesse de leur diversité biologique, souvent marquée par un très fort endémisme. La France a une responsabilité particulière dans leur protection et leur préservation. Par ailleurs, les forêts font l'objet d'un statut particulier aux Antilles et à La Réunion : elles sont départementalo-domaniales et les collectivités territoriales sont propriétaires du foncier.

En lien étroit avec les collectivités territoriales, l'ONF assure la protection et la mise en valeur de ces forêts, dont de vastes surfaces bénéficient d'un fort statut de protection. Dans les îles, où la pression anthropique est très forte du fait de la densité de population et de la taille des territoires, l'ONF équipe les forêts avec le soutien précieux des collectivités et mène un travail de sensibilisation dans le cadre de sa mission d'accueil du public. Enfin, spécificité de ces territoires, au-delà de son action dans les forêts publiques, l'ONF est chargé du contrôle du défrichement en forêt privée dans le cadre de la mission d'intérêt général financée par le ministère en charge de l'agriculture.

Comment aborderez-vous la situation particulière des forêts d'outre-mer, et la lutte contre les espèces invasives, avec un effectif réduit ?

J'ai été interpellée par la Fédération des services énergie environnement (FEDENE) fortement préoccupée par les impacts de la définition européenne de la biomasse primaire en cours de discussion au Parlement européen. En effet, cette définition pourrait significativement remettre en cause la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) française et la décarbonation de la chaleur, notamment dans l'industrie. Qu'en pensez-vous ?

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Valérie Metrich-Hecquet

C'est effectivement un sujet important dans le cadre de la négociation européenne actuelle. En tant que directrice générale de la performance économique et environnementale des entreprises au ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, je peux vous assurer que nous en avons bien conscience et que nous essayons de formuler des propositions, en lien avec le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Vous avez rappelé la richesse et la spécificité des territoires ultramarins ainsi que le caractère particulier des missions de l'ONF dans ces collectivités. Je suis d'accord avec vous : lorsque nous évaluons l'adéquation entre les moyens de l'ONF et les missions qui lui sont confiées, et eu égard à une disposition du COP qui prévoit que toute extension des missions de l'établissement doit être financée à coût complet, il nous faut porter une attention toute particulière à l'outre-mer, notamment à certains départements ultramarins où la situation est peut-être encore plus compliquée qu'ailleurs.

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Lorsqu'il nous revient de valider la nomination d'une personne à un poste comme celui auquel vous prétendez, nous ne nous déterminons jamais selon des critères intuitu personae, mais en fonction de la feuille de route qui lui est donnée et qu'elle consent à mettre en œuvre.

Serez-vous une gestionnaire brutale ? C'est une question que nous devons poser à chaque prétendant à la direction générale de l'ONF, tant les expériences de management brutal, pour ne pas dire sauvage, se multiplient à la tête de cette institution. Lors de l'audition de votre prédécesseur, dont la nomination avait été validée à une courte majorité, nous n'avions pas été convaincus.

Vous le savez, l'ONF est en passe d'être abîmé alors que nous en avons plus que jamais besoin. La dérive, pour ne pas dire le « dévissage » climatique que nous observons renforce encore la nécessité d'avoir un service public qui prend soin de nos forêts. Pourtant, force est de constater que l'ONF a souffert de saignées sans précédent, qui ont amputé ses effectifs de près de 5 000 postes puisqu'ils sont passés de 12 866 en 2000 à 7 963 en 2020. Allez-vous poursuivre dans cette voie ? Allez-vous continuer à abîmer le service public qui prend soin de nos forêts ?

Les organisations syndicales ont dénoncé, en parallèle de ces saignées dans les effectifs, un mouvement permanent de réorganisation et de dégradation des conditions de travail, ce qui a entraîné un mal-être et évidemment des détresses qui se sont exprimées au sein de l'institution. Serez-vous la présidente qui rétablira le dialogue social, la sérénité sociale, la bienveillance sociale ?

Cette stratégie d'austérité et de misère sociale au sein de l'Office a des conséquences. Une partie des 4,7 millions d'hectares de forêt gérés par l'ONF n'a plus de technicien attitré. Dans ces conditions, comment peut-on prévenir les risques d'incendie ? Comment peut-on disposer d'une défense des forêts contre l'incendie (DFCI) efficace et mobilisable, qui ne se réduit pas à peau de chagrin ? Si vous souhaitez obtenir notre confiance, pouvez-vous nous promettre que l'agence DFCI ne sera amputée d'aucun emploi ? Pouvez-vous nous promettre un plan d'investissement qui remette la protection des espaces, le renouveau écologique des forêts et le travail de terrain au cœur des priorités de l'ONF ?

Plus que jamais, nous avons besoin de retrouver un établissement public fort, qui assure ses missions d'intérêt général. C'est en fonction de vos réponses à ces questions que nous déterminerons notre vote.

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Valérie Metrich-Hecquet

Je ne crois pas être brutale. En trente-cinq ans de service public, jamais mes équipes n'ont déposé à mon encontre une quelconque plainte pour brutalité. Je n'ai pas l'intention de changer à mon âge. J'en prends l'engagement devant vous : je privilégierai le dialogue et la sérénité.

Votre seconde question relative aux effectifs et aux missions d'intérêt général (MIG) est très importante. Toutes les MIG sont essentielles : on a beaucoup parlé de la lutte contre les incendies, compte tenu des événements de cet été, mais je veux aussi insister sur la protection des dunes, dont la tempête Xynthia a montré l'importance, et sur la restauration des terrains de montagne. Entre 2017 et 2022, les MIG ont vu leur dotation doublée, passant de 29 à 52 millions d'euros : cela montre bien que nous nous en préoccupons. J'ajoute que le financement de ces MIG se fait à coût complet, et que le COP prévoit que toutes les nouvelles missions confiées à l'ONF seront compensées à coût complet – ce qui inclut, de mon point de vue, les effectifs.

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Je vous remercie de nous avoir présenté votre projet visant à placer l'ONF au cœur des grands enjeux et des grandes priorités liées au changement climatique et aux impératifs économiques.

Dans le contexte actuel marqué par le dérèglement climatique et les incendies que nous avons connus durant l'été, comment comptez-vous retisser le lien entre l'ONF et les élus des communes forestières, qui est absolument essentiel pour l'avenir de nos forêts ?

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L'ONF est en crise. En mai dernier, dans un contexte de profond mal-être, le Gouvernement a mis fin aux fonctions de son directeur général, cinq mois après le lancement d'une commission d'enquête chargée d'évaluer les méthodes de management au sein de l'Office.

Depuis 2016, selon Georges-André Morin, vous seriez responsable de la suppression de nombreux emplois à l'ONF, dont certains participaient à la prévention des incendies. Comment allez-vous relever le défi de fédérer les personnels de l'ONF, en souffrance depuis de nombreuses années, et de restaurer leur confiance ? En supprimant 500 postes supplémentaires d'ici à 2025, comment allez-vous contribuer à la prévention des risques naturels et à la protection des populations ? Je ne parle même pas des embauches de contractuels, au statut précaire, pour remplacer des salariés bien plus expérimentés et mieux rémunérés.

Comment allez-vous garantir l'approvisionnement des entreprises de la filière bois, qu'il faudra concilier avec les enjeux liés à la préservation de l'environnement, en particulier de l'eau ?

Enfin, comment comptez-vous protéger les forêts des incendies ? Céderez-vous aux menaces des écologistes qui refusent de créer des pistes d'accès ?

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Vous l'avez dit, l'entretien de nos forêts est un enjeu majeur pour notre pays. L'ONF gère les 11 millions d'hectares de forêts publiques françaises, qui ont beaucoup souffert cet été. En milieu rural comme en Haute-Loire, un département dont le taux de boisement dépasse 36 %, les forêts représentent une ressource écologique, naturelle et économique très importante ; aussi est-il essentiel, pour l'ensemble des acteurs de la filière, de valoriser ces espaces naturels tout en exploitant correctement et durablement la ressource en bois. Vous avez dit vouloir conserver un maillage territorial, ce qui est très bien, mais compte tenu de la forte baisse des effectifs de l'ONF, comment pourrez-vous soutenir, en milieu rural, les petites collectivités, les entreprises qui créent de l'emploi et les particuliers concernés ?

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Mes collègues ont rappelé l'importance des arbres et des forêts pour le vivant. La préservation de la biodiversité, dont on parle trop peu, et la lutte contre le changement climatique sont des enjeux absolument essentiels qui sont remis en exergue aujourd'hui, après l'été que nous avons passé. De ce point de vue, l'ONF joue un rôle majeur : c'est pourquoi la nomination du directeur général de cet établissement revêt une importance aussi vitale.

J'ai été assez choquée par un certain nombre de vos propos. Nous n'avons pas besoin d'une directrice qui déclare « Le décideur décidera ». Il faut une personne qui se battra pour trouver des moyens, pour rétablir un ONF capable de préserver la biodiversité, le climat, tout en encourageant le développement d'activités et d'une filière bois contribuant notamment à la rénovation énergétique et thermique des logements. Comment pouvez-vous prétendre à ce poste, et comment allez-vous défendre l'institution ?

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Je vous remercie pour la présentation de votre feuille de route. La forêt française, largement éprouvée cet été, montre des fragilités écologiques et économiques que nous mesurons davantage aujourd'hui.

Les incendies de forêt ne doivent pas demeurer une fatalité : il convient de travailler à leur prévention. Pensez-vous que l'État est suffisamment impliqué aux côtés de l'ONF, à qui on demande beaucoup, et qu'il lui donne les moyens nécessaires à la prévention et à la lutte contre les incendies ? Nous avons parfois le sentiment que l'enveloppe accordée à ce titre sert davantage à financer des investissements historiquement budgétés sur d'autres lignes.

Considérez-vous que les financements d'actions post-incendie sont bien structurés et suffisants ? Depuis deux ans, plusieurs centaines de millions d'euros ont été affectées, dans le cadre du plan de relance, à des projets de replantation et d'adaptation des forêts au changement climatique, mais aucun crédit n'est venu financer des actions post-incendie.

Enfin, pensez-vous qu'il soit nécessaire d'améliorer la gouvernance et la cohérence des politiques publiques de la forêt et du bois, alors que quatre ministères et de nombreux établissements ou institutions se partagent aujourd'hui ces sujets ?

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Sur le site de l'ONF, dans l'onglet « Chasse », on peut lire l'introduction suivante : « La chasse est indispensable à la gestion durable des forêts et se pratique de diverses manières. Promeneurs, pour un partage de l'espace en toute sécurité, les calendriers vous permettent d'identifier les zones et jours chassés. » On comprend que, pour l'ONF, la chasse est prioritaire sur les autres activités, puisque c'est aux promeneurs d'adapter leur calendrier en fonction des zones et jours chassés. Cette vision ne me semble plus adaptée aux aspirations de nos concitoyens, alors que les accidents de chasse choquent de plus en plus les Français. Les armes utilisées sont d'ailleurs bien plus performantes qu'avant, notamment sur une longue distance, et donc plus dangereuses. S'il est nécessaire d'assurer « un partage de l'espace en toute sécurité », il m'apparaît que le paradigme doit s'inverser : c'est aux activités de chasse de tenir compte de toutes les autres. À l'heure où l'on parle de nature en ville, ne serait-il pas pertinent de faire évoluer la réglementation pour permettre à chacun de profiter de la quatrième forêt d'Europe en toute tranquillité ? Certains proposent des week-ends sans chasse : j'y suis favorable, car cela permettrait aux familles et aux enfants de se promener en toute sécurité. Quelle est votre position sur ce sujet du partage de la forêt ?

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Les enjeux auxquels est confronté l'ONF sont majeurs, multiples et toujours plus nombreux. Chaque jour, les agents de l'Office doivent y répondre ; or les effectifs ont diminué de près de 40 % ces vingt dernières années, et le contrat conclu entre l'État et l'ONF prévoit une nouvelle baisse de 500 équivalents temps pleins (ETP). La Franche-Comté, grande région forestière où je vis, n'a pas été épargnée. Ces quinze dernières années, nous avons connu une diminution de 25 % des effectifs, ce qui correspond à 200 personnes – ouvriers forestiers, techniciens, personnels administratifs – en moins. Comment faire face à des enjeux de plus en plus importants et complexes avec de moins en moins de personnel et de moyens de production ? Les agents de l'ONF sont en souffrance. Saurez-vous les entendre et instaurer un véritable dialogue social ? Serez-vous capable de renégocier le contrat entre l'État et l'ONF et d'abandonner le projet de suppression d'emplois ?

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Alors que les coupes rases sont majoritairement pratiquées dans le but d'extraire un maximum de bois le plus rapidement possible, une étude publiée en juin 2020 par la Commission européenne révèle une augmentation significative de la superficie forestière et de la biomasse récoltée, de l'ordre de 49 % pour la période 2016-2018 par rapport à la période 2011-2015. De nombreuses études scientifiques font état de l'incidence négative des coupes rases sur le stock de carbone contenu dans les sols forestiers. C'est pourquoi j'aimerais connaître votre futur engagement, en tant que directrice générale de l'ONF, sur ce sujet.

Par ailleurs, j'ai fait adopter, lors de l'examen de la loi « climat et résilience », un amendement relatif aux forêts mosaïques, qui prévoit d'orienter la politique forestière vers une sylviculture plus proche des cycles naturels. J'aimerais connaître votre point de vue à ce sujet, d'autant que les nouvelles essences plantées sont choisies pour leur meilleure résistance au changement climatique.

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Je vous ai interrogée tout à l'heure au sujet du projet de règlement de l'Union européenne relatif à la déforestation importée. Nous avons été alertés par la Fédération nationale du bois (FNB), qui s'oppose à l'article 31 prévoyant notamment l'obligation d'alimenter une base de données européenne avec les coordonnées GPS de chaque chantier forestier. Ces dispositions auraient été introduites, semble-t-il, sans aucune concertation. Quelle est votre position ?

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Lorsqu'on recrute une personne, on s'intéresse généralement à ses fonctions précédentes et à la façon dont elle les a exercées. À ma connaissance, vous n'avez, pendant toutes ces années à la tête de la direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE), jamais – ou trop peu – adopté un regard critique. Vous avez appliqué des politiques agricoles correspondant exactement aux demandes du ministre de l'agriculture et de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA). En témoigne la déclinaison française de la politique agricole commune dans le futur plan stratégique national. Dans vos futures fonctions, comptez-vous exercer un regard critique ou vous autoriserez-vous une marge de manœuvre dans l'application d'une feuille de route ministérielle qui nous paraît catastrophique, afin de suivre l'intérêt général et celui de l'Office ?

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Dans votre propos initial, vous avez évoqué la rapidité avec laquelle nous étions rattrapés par le réchauffement climatique. En fait, tout était déjà prévu dans les données scientifiques disponibles depuis très longtemps – je pense notamment aux impacts du réchauffement sur la forêt française et sur les risques d'incendies.

Il y a deux choses que je n'ai pas comprises dans vos réponses.

Au regard de l'été 2022, quel jugement portez-vous sur les coupes budgétaires opérées par les gouvernements successifs au détriment de l'Office national des forêts ? Pensez-vous qu'il s'agissait de choix judicieux, ou au contraire d'erreurs dramatiques ?

Par ailleurs, je n'ai pas compris ce que vous comptiez mettre en œuvre, d'un point de vue opérationnel, en matière d'adaptation au réchauffement climatique et de défense des forêts contre les incendies ? Vous avez évoqué des objectifs, des contrats, mais concrètement, combien de personnels recruterez-vous et quelle organisation mettrez-vous en place sur le terrain ?

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Le sujet dont nous débattons nous préoccupe toutes et tous, et votre candidature a de quoi nous inquiéter. Vous avez été secrétaire générale du ministère de l'agriculture, puis vous avez pris la tête de la DGPE : c'est donc sous votre responsabilité, si je ne m'abuse, qu'une politique très offensive de réduction des effectifs a été mise en œuvre à l'ONF. La forêt ne cesse de brûler : nous avons perdu 70 000 hectares cet été, et 3 500 hectares sont partis en fumée en Gironde depuis mardi. Nous savons que cette situation a de multiples causes, liées au réchauffement climatique et à la pénurie d'eau, mais aussi que la baisse des effectifs au sein de l'ONF a eu un impact terrible sur l'entretien des forêts, la prévention des incendies et la capacité d'intervention des pompiers. Votre nomination, si nous ne pouvons l'empêcher, risque donc d'ajouter de la catastrophe à la catastrophe.

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Cela a déjà été dit plusieurs fois : non seulement il est nécessaire de maintenir les 500 postes que l'on s'apprête à supprimer, mais il est également indispensable d'augmenter les effectifs de l'ONF. Quelle est votre opinion précise à ce sujet ? Quelle place accordez-vous à l'humain dans le secteur de la sylviculture ? Quelles actions précises entendez-vous mettre en œuvre pour ouvrir davantage la forêt au public et permettre une meilleure connaissance de ce milieu ?

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Valérie Metrich-Hecquet

Les collectivités locales, qu'elles soient ou non propriétaires de forêts, les jugent à juste titre essentielles pour l'aménagement et le développement de leur territoire. Si vous validez ma candidature, je m'engage à conforter la confiance des communes forestières à travers une transparence accrue et une offre de services adaptés mais, aussi, à être à l'écoute des attentes des élus, notamment en facilitant l'accès aux données de leurs forêts : un maire ne peut pas découvrir la veille que sa forêt sera coupée le lendemain !

Un fonctionnaire doit avoir des convictions et défendre la politique publique ou l'établissement public qu'il dirige mais il n'est pas grand-chose, presque rien même, car seul l'élu de la nation est légitime. À mes yeux, le fonctionnaire conseille – au mieux – et l'élu décide.

La nouvelle comptabilité analytique de l'ONF était très attendue par les élus. Les équipes de l'ONF ont commencé à l'appliquer et je m'engage à ce qu'elle le soit de façon transparente afin que les élus disposent d'une vision claire des coûts et des apports pour leur commune.

Si je peux me permettre, il y a coupe rase et coupe rase. Pour la plupart de nos concitoyens, la coupe rase implique la disparition de tous les arbres adultes. Sur un plan technique, néanmoins, elle recouvre plusieurs modes de sylviculture, dont le prélèvement de la totalité du peuplement adulte issu de plantations et suivi de replantations. Je note à ce propos que les surfaces issues de plantations représentent 13 % de la forêt française, ce qui est peu par rapport aux autres pays de l'Union européenne. Le prélèvement de tous les arbres adultes dans les forêts en régénération naturelle ne signifie pas quant à lui que le sol est vierge de toute essence forestière. Ces deux types de coupe rase doivent donc être distingués.

Compte tenu de cet enjeu qu'est le changement climatique, nous devons impérativement réfléchir à la sylviculture que nous voulons. Certes, la régénération naturelle joue son rôle mais si les espèces naturelles sont confrontées à la sortie de leurs zones bioécologiques des problèmes se posent. Nous devons également résoudre le problème des surfaces dépérissantes. L'ONF essaie donc de promouvoir une « forêt mosaïque », la résilience passant par une plus grande diversité. Les incertitudes étant nombreuses, il est en effet prudent de ne pas mettre « tous ses œufs dans le même panier », de pouvoir s'appuyer sur des essences résilientes diverses et sur la diversité des modes de sylviculture, ce que les personnels de l'ONF savent bien faire.

Je suis d'accord avec vous, madame la ministre Batho, à propos des données concernant le changement climatique mais cet été, chacun de nos concitoyens a pu percevoir ses effets, ce qui change peut-être un peu la perspective.

La question de la chasse est importante et relève elle aussi de la multifonctionnalité de la forêt. D'autres pays européens ont choisi de distinguer des forêts servant d'espaces récréatifs, de réserve environnementale ou productive. En 2001, la France a quant à elle choisi la forêt multifonctionnelle, ce qui complique en effet un peu les choses dans la vie de tous les jours mais qui constitue également un facteur de résilience, de robustesse et, sans doute, d'avenir compte tenu du changement climatique.

Des conflits peuvent donc se faire jour, je l'entends, mais il convient de tenir compte de la diversité des territoires : la situation n'est peut-être pas la même dans les forêts périurbaines et rurales. Quoi qu'il en soit, le dialogue s'impose à tous : ONF, société, chasseurs.

Si nous voulons réussir l'adaptation au changement climatique, il est également nécessaire, dans certains massifs, de retrouver un équilibre entre la forêt et le gibier car si une partie des 10 000 hectares reconstitués par les équipes de l'ONF, à la suite du plan de relance, a souffert de la sécheresse, une autre partie a souffert des destructions occasionnées par les grands ongulés.

Je m'engage à défendre le maillage territorial et à ne pas dégrader la situation des personnels qui font l'interface avec les communes forestières : encore une fois, je considère que nous sommes gestionnaires de territoires qui, à 60 % appartiennent aux élus.

Se pose donc la question des effectifs de l'ONF qui, depuis 1966, ont beaucoup fluctué. Le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire et celui de la transition écologique et de la cohésion des territoires se sont exprimés à la suite des incendies de l'été : ils demanderont à la nouvelle direction générale de l'ONF une présentation de ses missions – le cas échéant, de ses nouvelles missions – et une évaluation de leur nature ainsi que des moyens à leur allouer. Si vous m'accordez votre confiance, nous proposerons une analyse objective de la situation. Ensuite, ce sera au politique de décider. Je suis fonctionnaire. Je me battrai donc pour l'ONF mais aussi, après trente-cinq ans de service public, pour respecter le devoir de loyauté inhérent à ce statut. J'appliquerai donc les décisions qui seront prises par le Gouvernement mais aussi, un peu, par le pouvoir législatif.

Le contrat État-ONF 2021-2025 prévoit en effet une réduction de 475 équivalents temps plein (ETP) mais la décision annuelle relative au budget et aux ETP relève du PLF. L'axe 5 du COP 2016-2020 prévoyait ainsi la stabilisation des moyens de l'ONF, tant sur le plan budgétaire que sur celui des effectifs, mais son application annuelle a été un peu différente.

Je suis candidate car je suis convaincue que l'ONF est un bel établissement. Certes, la situation est complexe, les enjeux sont multiples et les attentes diverses mais nous avons la chance d'être confrontés à un véritable enjeu de politique publique et d'intérêt général. L'ONF dispose de surcroît de nombreuses compétences et ses personnels sont passionnément engagés. Ma candidature résulte d'un engagement sincère : avec honnêteté, transparence, en dialoguant puis en décidant, il sera possible, grâce à votre soutien, de faire de l'ONF un établissement encore plus remarquable. Soyez convaincus de ma détermination à le soutenir et à le défendre, au service de l'intérêt général, de la nation et des générations futures.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je vous remercie, madame Metrich-Hecquet. Nous allons maintenant procéder au scrutin.

Réunie à huis clos, la commission se prononce par un vote au scrutin secret, dans les conditions prévues à l'article 29-1 du Règlement, sur la nomination envisagée de Mme Valérie Metrich-Hecquet aux fonction de directrice générale de l'Office national des forêts.

Les résultats du vote sont les suivants :

Nombre de votants

Bulletins blancs ou nuls

Abstention

Suffrages exprimés

Pour

Contre

Informations relatives à la commission

La commission a désigné M. Nicolas Turquois (MoDEM) et Mme Hélène Laporte (RN) comme rapporteurs de la mission d'application de la loi n° 2022-268 du 28 février 2022 visant à simplifier l'accès des experts forestiers aux données cadastrales ;

La commission a désigné Mmes Marina Ferrari (MoDEM) et Bénédicte Taurine (LFI-NUPES) comme rapporteures de la mission d'application de la loi n° 2022-271 du 28 février 2022 relative à l'aménagement du Rhône.

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 14 septembre 2022 à 9 heures

Présents. – M. Laurent Alexandre, Mme Anne-Laure Babault, Mme Delphine Batho, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Philippe Bolo, M. Bertrand Bouyx, Mme Maud Bregeon, Mme Sophia Chikirou, M. Dominique Da Silva, M. Romain Daubié, M. Stéphane Delautrette, M. Frédéric Descrozaille, Mme Christine Engrand, Mme Marina Ferrari, M. Charles Fournier, M. François Gernigon, M. Éric Girardin, Mme Florence Goulet, Mme Géraldine Grangier, M. Pierre Henriet, M. Alexis Izard, Mme Chantal Jourdan, M. Sébastien Jumel, M. Guillaume Kasbarian, Mme Julie Laernoes, M. Maxime Laisney, M. Luc Lamirault, Mme Hélène Laporte, Mme Patricia Lemoine, Mme Jacqueline Maquet, M. Bastien Marchive, M. Éric Martineau, M. William Martinet, M. Nicolas Meizonnet, Mme Yaël Menache, M. Paul Midy, M. Nicolas Pacquot, M. Patrice Perrot, Mme Anne-Laurence Petel, M. Dominique Potier, M. Charles Rodwell, M. Vincent Rolland, Mme Anaïs Sabatini, Mme Danielle Simonnet, Mme Bénédicte Taurine, M. Matthias Tavel, Mme Prisca Thevenot, M. Lionel Tivoli, M. Stéphane Travert, Mme Aurélie Trouvé, M. Nicolas Turquois, M. Frédéric Valletoux, M. Jean-Pierre Vigier, M. Stéphane Vojetta

Excusés. – M. Jean-Luc Bourgeaux, Mme Mathilde Hignet, M. Hervé de Lépinau, Mme Sandra Marsaud, M. Jérôme Nury

Assistaient également à la réunion. – Mme Nathalie Bassire, Mme Mathilde Panot, M. David Taupiac