La réunion

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La séance est ouverte à 10 heures 05.

Présidence de M. Sacha Houlié, président.

La commission auditionne Mme Dominique Simonnot, contrôleure générale des lieux de privation de liberté.

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Nous aborderons aujourd'hui tout particulièrement la situation au sein des prisons. Mme Simonnot, accompagnée de M. André Ferragne, secrétaire général du CGLPL, évoquera également son rapport annuel d'activité, publié en avril dernier pendant la période de l'inter-législature.

La commission des lois demeure très attentive à la préservation de la dignité des personnes privées de liberté et tout particulièrement aux conditions de détention. Le 12 janvier dernier, a été rendu un rapport établi par la Commission d'enquête visant à identifier les dysfonctionnements et les manquements de la politique pénitentiaire française, qui confirme la nécessité de maintenir notre vigilance, notamment face à la densité carcérale, qui s'élève à 118 % (soit 71 700 personnes détenues pour un peu plus de 60 000 places). Cette densité est par ailleurs encore plus importante dans les seules maisons d'arrêt. La totalité de mes collègues ici présents ont eu connaissance de ce rapport et nous avons organisé un déplacement au centre pénitentiaire de Fresnes en amont de cette audition, le 14 octobre dernier. Nous avons ainsi pu faire le point sur les conditions de détention dans l'établissement, constater les efforts effectués en termes de salubrité et de conditions de vie, rencontré les personnels chargés de la gestion de la détention, des cours dispensés dans l'établissement et du travail. Nous avons observé une réalité bien différente des caricatures habituelles et d'importants efforts en matière de réinsertion des personnes détenues.

Mme Simonnot, vous avez procédé l'an dernier à plus d'une centaine de visites de prisons et autres lieux de privation de liberté : établissements psychiatriques, centres de rétention administrative (CRA) ou encore locaux de détention et de garde à vue. Je souhaiterais que vous dressiez un bilan de l'application de vos recommandations.

Plus particulièrement, vous avez récemment visité le centre Henri Laborit, établissement psychiatrique situé dans ma circonscription. Les recommandations que vous y avez faites ont-elles d'ores et déjà été reçues et appliquées ?

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Dominique Simonnot, Contrôleure générale des lieux de privation de liberté

Malgré les compliments que vous avez adressés sur les évolutions constatées à Fresnes, la situation reste préoccupante et le directeur interrégional des services pénitentiaires estime que cet endroit devrait être rasé tant il est ignoble. La dernière lettre que j'ai reçue de Fresnes est celle d'un homme qui m'appelle à l'aide car sa cellule est envahie de cafards. Plusieurs prisonniers se plaignent de ne pouvoir aller à la selle, gênés par la présence de leurs codétenus. Certains se privent de promenade pour pouvoir rester seuls en cellule afin d'assouvir ce besoin ou vont même jusqu'à se priver de manger pour réduire la fréquence de leurs selles. À la prison de Toulouse Seysses, un détenu a attrapé la leptospirose, maladie transmise par l'urine des rats. Les maisons d'arrêt sont des endroits terrifiants à cause de la surpopulation. La commission de sécurité a rendu un avis favorable à la continuité d'exploitation pour la dernière que j'ai visitée, en se basant toutefois sur le nombre théorique de places et non sur le nombre réel d'habitants. Dans cette prison, il n'y a pas de plaques chauffantes car le système électrique ne le permet pas. Les détenus utilisent par conséquent des « chauffettes » fabriquées à partir de quatre tubes de concentré de tomate dans lesquels ils enroulent des mouchoirs imbibés d'huile. Ils posent une casserole en équilibre sur quatre boites de conserve et mettent le feu à l'huile. Ce système est peu efficace, génère des émanations d'huile brûlée particulièrement incommodantes et surtout un risque d'incendie très élevé. Ce genre d'évènement n'est d'ailleurs pas rare. Lors de notre visite à Gradignan, un incendie volontaire s'est déclaré, ayant entraîné la mort d'au moins une personne. La surpopulation se traduit aussi par l'impossibilité de respecter l'obligation de soin, le délai d'attente pour voir un psychiatre étant de trois mois. Certains percent leurs abcès dentaires eux-mêmes parce qu'aucune escorte n'est disponible pour les accompagner chez le dentiste. Presque aucune activité n'est organisée dans la mesure où les participants seraient trop nombreux. Les surveillants travaillent dans la détresse la plus totale et affirment qu'ils refuseraient d'entrer dans les cellules en tant que détenus. À l'ouverture de Toulouse Seysses, on comptait un surveillant pour 50 détenus. Aujourd'hui, le ratio est d'un surveillant pour 140 détenus. Qui de nous accepterait un triplement de sa charge de travail ? C'est impossible.

Le coût d'une journée en prison s'élève à 110 euros par détenu. Malgré ce coût élevé, les personnes ressortent de prison pires qu'elles n'y sont entrées, sans n'y avoir rien appris. À quoi peut bien servir le fait de passer vingt-deux heures sur vingt-quatre dans des cellules telles que je viens de vous les décrire ? Si vous avez lu le formidable rapport du Secours catholique et d'Emmaüs « Au dernier barreau de l'échelle sociale : la prison », vous constaterez l'importance de l'indigence et de l'illettrisme en prison, auxquels la détention ne change rien. Pourtant, certains ont plus de chance et lorsqu'ils ont accès à un certain nombre d'activités, ils ressortent en bien meilleur état. On le doit au personnel pénitentiaire et au personnel de l'Éducation nationale. Nous avons d'ailleurs bientôt rendez-vous avec le ministre de l'Éducation nationale afin de solliciter de sa part des interventions plus pérennes en milieu carcéral. En effet, les professeurs y bénéficient des mêmes congés que leurs homologues à l'extérieur. Par conséquent, un adolescent incarcéré en juin et sortant en septembre ne reçoit aucune heure de cours.

Nous prônons fermement la régulation carcérale. Nous avons eu le grand plaisir d'accueillir au Contrôle général une trentaine d'organisations syndicales des personnels pénitentiaires, des magistrats, des avocats, et d'autres professionnels intervenant en prison. Toutes, à part deux, préconisent également la régulation carcérale. Nous avons ainsi constitué un groupe de travail afin de préparer un texte en ce sens. Sans même parler d'humanisme ni de droits de l'homme, un simple calcul économique et rationnel pour la société suffit à considérer la nécessité de faire sortir les détenus de prison meilleurs qu'ils n'y sont entrés.

Nous déplorons également la navette permanente de 500 étrangers entre centre de rétention et prison, qui coûte des sommes démentes. En rétention, on dénombre en fait une large majorité de sortants de prison. Certains détenus demandent même à retourner en prison car les conditions y étaient moins mauvaises qu'en rétention. Dans ces centres, initialement prévus pour des séjours de deux semaines, on passe actuellement 90 jours. Pendant la crise de la covid-19, la promiscuité était grande et le port du masque inexistant. Pourtant, la base légale même de la rétention est en cause, dans la mesure où les étrangers doivent y être retenus le temps strictement nécessaire à leur éloignement, alors que dans les faits, ces personnes sont rarement renvoyées à l'extérieur de nos frontières. Comment résoudre ce problème ? Ne devrions-nous pas intégrer les étrangers qui travaillent, qui paient des impôts chez nous et qui constituent malheureusement les cibles les plus faciles à attraper et à renvoyer ?

J'en viens à la question des centres éducatifs fermés (CEF), qui sont les antichambres de la prison. Ces structures sont très préoccupantes. On y trouve le meilleur comme le pire. S'agissant du pire, nous avons récemment visité un centre sur lequel nous avions en amont réalisé un rapport catastrophique. Nous avons été invités un an plus tard à le visiter et à mesurer les efforts de la directrice dans l'application scrupuleuse de l'ensemble de nos recommandations. À notre arrivée, l'endroit paraissait idyllique. Les jeunes nous avaient préparé le repas, nous avons déjeuné avec eux et ils disposaient même d'une salle de détente. Quatre jours plus tard, un syndicat de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) m'a annoncé que la directrice entretenait une relation sexuelle avec l'un des enfants et que le centre allait fermer. Ce fut une expérience cuisante pour nous. Certains centres sont certes absolument formidables. J'en ai visité un, en particulier, qui propose de nombreuses activités. Les enfants y sont heureux, l'absence de murs ne les incite pas à se sauver. Le centre a lié des relations avec la ville proche. Ainsi, les enfants servent les repas à la maison de retraite et fabriquent du mobilier pour les pensionnaires. Cependant, certains CEF sont des endroits abominables. Je suis ennuyée que le Gouvernement prévoie de multiplier leur création, car je crois que le modèle n'est pas du tout stabilisé.

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André Ferragne, secrétaire général du CGLPL

La situation ayant peu évolué entre-temps, nous avons poursuivi les constats des années précédentes sur les établissements de santé mentale.

On note tout d'abord une attrition progressive du nombre de psychiatres et de soignants, avec une aggravation depuis la crise sanitaire. Cela constitue une véritable perte de moyens des établissements de santé mentale, qui se traduit depuis 2021 par un mouvement de fermetures de lits – parfois en nombre important – provisoires en théorie, mais sans perspective de fin. Les causes sont multiples : la démographie médicale en premier lieu, et des questions de moyens de façon plus secondaire. En effet, c'est bien la ressource humaine qui nous fait défaut, en raison du manque d'attractivité des emplois ou du nombre insuffisant de personnes formées.

Les conséquences sur les droits des patients sont graves. La psychiatrie allégeant sa présence sur les structures ouvertes et les moyens de prévention, le nombre de crises augmente, ce qui conduit directement à une élévation du nombre de patients accueillis en services de soins sans consentement. Cette évolution est d'ailleurs facilitée par le droit depuis les lois de 2011 et 2013, qui permettent des procédures allégées de placement en soins sans consentement. Or, c'est exclusivement ce type de procédures qui alimente la croissance très importante du nombre de placements en soins sans consentement. Cette mesure d'allègement des procédures de placement ne se traduit donc pas exclusivement par des retombées positives.

Les conditions matérielles sont variables d'un établissement à l'autre. Très souvent, elles sont globalement plus satisfaisantes que celles des prisons. L'exiguïté ne se pose plus que dans les établissements situés en centre-ville ou dans des services de psychiatrie inclus dans des hôpitaux généraux.

On déplore encore une certaine résistance à l'entrée du droit en psychiatrie. Celle-ci est difficile sous deux aspects. Il s'agit tout d'abord de l'information des patients. Très souvent, ces derniers sont informés sur leurs droits, sur leur situation, leurs droits de recours et leur mode de vie par des soignants. Or, ces derniers éprouvent de grandes difficultés à s'acquitter de cette tâche, d'une part parce qu'ils n'y sont pas formés, d'autre part parce qu'ils ont du mal à en comprendre la pertinence : pourquoi devraient-ils expliquer à des patients comment se prémunir contre l'action de personnes dont la vocation est d'agir uniquement pour leur bien ? On place ainsi les soignants devant une injonction paradoxale qu'il ne faut pas négliger. Il s'agit ensuite de l'entrée du droit par la voie juridictionnelle. Depuis 2013, le juge était entré dans le contrôle des mesures de placement en soins sans consentement. Cette année, le Gouvernement a dû mettre en place un contrôle juridictionnel des mesures d'isolement et de contention. Celui-ci se heurte aujourd'hui à d'importantes difficultés pratiques, la première étant la convergence des systèmes d'information entre l'hôpital et la juridiction (qui existe peu ou mal et peut entraver les possibilités de recours) et la seconde ayant trait à l'agenda des personnels, à la démographie médicale ainsi qu'à l'état de saturation des juridictions qui induisent une charge de travail supplémentaire. Le contrôle juridictionnel reste ainsi, pour le moment, culturellement rejeté de part et d'autre. Le CGLPL, promoteur de ce contrôle depuis longtemps, prône quant à lui son extension à quelques mesures, notamment le placement en unités pour malades difficiles.

Nous n'assurons pas nous-mêmes le suivi de nos recommandations, car celles-ci peuvent être très nombreuses – jusqu'à une cinquantaine. Nous le faisons de manière déclarative, en interrogeant le Gouvernement. Par conséquent, les chiffres que je vais vous donner doivent être interprétés avec précaution. Plus d'un tiers de nos recommandations sont déclarées suivies d'effets, environ un cinquième déclarées sans suite et le reste, soit environ 40 %, déclarées partiellement suivies. Notre ambition n'est pas vraiment de connaître les chiffres, ni même vraiment de les voir progresser, dans la mesure où leur véracité n'est pas avérée. Notre ambition réelle est de faire en sorte que les services de contrôle internes de l'administration, c'est-à-dire l'inspection générale de la justice, la mission de contrôle interne de l'administration pénitentiaire, les inspections des agences régionales de santé et l'inspection générale de la police nationale intègrent nos recommandations et leur suivi à celui de leurs propres recommandations. En somme, il s'agit de faire en sorte que nos recommandations entrent dans les référentiels de contrôle interne des administrations. Ce processus d'intégration est bien en marche. Ainsi, au sein de l'administration pénitentiaire, la mission de contrôle interne, lorsqu'elle contrôle un établissement, contrôle non seulement ce qu'elle a recommandé elle-même, mais aussi ce qui a été recommandé par l'inspection générale de la justice et par le CGLPL. C'est d'ailleurs cette même mission qui est chargée de nous répondre tous les ans au sujet du suivi des recommandations faites trois ans auparavant.

Le cas de Bedenac est particulier, puisqu'il s'agit d'un site sur lequel nous avons formulé des recommandations en urgence. Dans ce cas, nous ne nous contentons pas d'un suivi déclaratif et retournons constater sur place, ce qu'en l'occurrence nous ferons bientôt, les recommandations datant de dix-huit mois. Bedenac est un centre de détention hébergeant des détenus qui sont également des patients dépendants qui, pour des raisons judiciaires ou de difficultés de placement à leur sortie, ne bénéficient pas de suspension de peine pour raisons médicales et restent à la charge de l'administration pénitentiaire. Or, cette dernière n'est absolument pas organisée pour assumer cette prise en charge. Elle a donc fait au mieux, assez bien, mais toute seule. Elle n'a pas bénéficié du soutien des deux institutions qui auraient dû l'aider, à savoir d'une part le système sanitaire et d'autre part l'aide sociale, qui relève du département. Nous y avons donc trouvé des patients grabataires, parfois en situation d'obésité très grave, que les personnels de l'administration pénitentiaire n'étaient tout simplement pas en mesure de sortir de leur lit, y compris lorsqu'ils étaient souillés.

La situation du centre hospitalier Laborit est tout à fait différente. Notre visite datant du mois de juin, l'établissement n'a pas encore reçu le rapport provisoire que nous lui adresserons au titre de la procédure contradictoire. Suivant nos impressions, il s'agit d'un établissement assez semblable aux autres, dans lequel on rencontre les difficultés habituelles propres à la psychiatrie. Il bénéficie de la présence d'une université à proximité. Il est plutôt bien tenu et les droits des patients y sont respectés, bien que la prise en compte de la dimension juridique de la prise en charge ne soit pas toujours optimale. Les recommandations porteront donc vraisemblablement sur ce dernier point, ainsi que sur le mode de calcul et la politique de réduction des recours à l'isolement et à la contention.

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La réalité de la vie en détention nous saute aux yeux lors de nos visites et c'est d'ailleurs pour l'améliorer que, dès 2017, nous donnions à l'administration pénitentiaire des moyens sans précédent. Le plan 15 000 places, qui est en réalité un plan 18 000 places, permettra d'en fermer 3 000 trop vétustes. Nous avons doublé le budget dédié à l'entretien du parc immobilier vieillissant (120 établissements datent d'avant 1920). Nous avons en outre tenté de limiter les courtes peines, qui tendent à désociabiliser, et de leur préférer des alternatives parfois plus contraignantes. Je sais que vous mesurez à leur juste valeur ces efforts et savez que nous ne nous satisfaisons pas des résultats. Aller plus loin, pourquoi pas ? Plus loin que la libération sous contrainte, qui prend effet en janvier 2023 ? La palette des outils offertes aux juges est, en effet, désormais complète. Mais selon quel modèle ? Nous sommes tous d'accord sur la nécessité de réinsérer, mission récente de l'administration pénitentiaire et encore visiblement inconnue. Lorsque 75 % des détenus ont un niveau scolaire inférieur au certificat d'aptitude professionnelle (CAP), il est indispensable de former. La surreprésentation en détention des conduites addictives représente une autre réalité qui saute aux yeux. Trouver un logement, un travail, renouer avec sa famille constituent aussi de puissants leviers pour la réinsertion et la lutte contre la récidive. De quelle manière pourrait-on faire connaître cette réalité du rôle de la réinsertion en détention ?

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La prison est-elle vraiment un lieu de privation de liberté ? Si ce sujet n'était pas aussi sérieux, il prêterait à rire, notamment après les récents évènements à Fresnes, qu'il s'agisse du karting, de la piscine, de l'album de rap en préparation, de la prolifération des téléphones portables, des drones qui atterrissent tranquillement dans la prison pour y effectuer des livraisons ou encore des trafics en tous genres. L'image que les prisons françaises renvoient est une insulte aux victimes comme à leurs familles. Madame la Contrôleure, l'idéologie gauchisante, laxiste et soixante-huitarde dans laquelle vous vous inscrivez est en partie responsable de la catastrophe sécuritaire que subit notre pays. Cette idéologie qui vous habite ne fait de doute pour personne. En effet, au moment de votre nomination, vous avez reçu les chaleureuses félicitations d'un député de la France insoumise et, dans la foulée, vous avez bénéficié d'un magnifique article dans le journal L'Humanité. Pour lutter contre la surpopulation carcérale, vous préconisez une mesure radicale : vider les prisons. De notre côté, nous souhaitons créer des places, comme 86 % des Français. Nous souhaitons expulser les délinquants étrangers, qui représentent environ 25 % des détenus. Vous avez salué la libération de plus de 10 000 détenus pendant la crise de la covid-19. Nous avons personnellement jugé cette décision irresponsable. Vous soutenez le recours aux peines alternatives, les libérations anticipées et la non-application du code pénal. Dans votre propos introductif, vous n'avez pas prononcé un seul mot pour les victimes. Sans surprise, seul le bien-être des détenus compte à vos yeux. N'estimez-vous pas qu'au moment où l'ensemble de la chaîne pénitentiaire réclame davantage de moyens, vos 12 000 euros de salaire mensuel et les 5,3 millions d'euros alloués annuellement à votre autorité administrative indépendante seraient plus utiles s'ils étaient transférés au budget consacré au recrutement d'agents pénitentiaires et à la construction de places de prison ?

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Mme Diaz, il est regrettable que votre groupe et vous-mêmes ne soyez pas venus visiter la prison de Fresnes lors du déplacement de notre commission. Vous ne vous êtes pas déplacés car vous refusez de vous confronter à la réalité carcérale et de constater les conditions d'encellulement contraires à la dignité humaine. Vous n'avez pas vu les efforts de la direction. Il est vraiment dommage de que vous teniez ces propos non mesurés devant notre commission. Par ailleurs, je ne vous ai pas vus déposer d'amendements sur ce sujet, comme je ne vous ai pas vus formuler hier devant le garde des Sceaux toute une série de déclarations que vous faites aujourd'hui.

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Vous avez évoqué la question du mécanisme de régulation carcérale pour éviter la surpopulation. Lorsque j'ai visité les lieux de privation de liberté en période de covid-19, les surveillants de prison étaient heureux et épanouis en raison de la baisse du taux d'occupation, qui leur permettait de trouver le temps d'échanger avec les personnes détenues et d'améliorer les conditions de suivi.

Pourriez-vous nous faire part de votre sentiment concernant la polémique « Kohlantess » à Fresnes, en particulier la course de karting ? Une circulaire a été transmise par le garde des Sceaux afin d'obliger les directeurs de prisons à faire remonter les activités proposées pour validation. Avez-vous constaté des conséquences à ce niveau ?

Quel est votre avis sur l'accès à internet en prison ? Une première étape a été franchie grâce à l'introduction du téléphone en cellule, très décriée par l'extrême droite mais qui a permis d'apaiser les tensions.

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Je ne partage pas votre vision sur la régulation carcérale, qui représente à mon avis un sujet générateur de défiance dans la société. Je ne prétends pas que la solution soit facile, mais on aurait pu attendre de votre part plutôt une demande de moyens supplémentaires.

J'aimerais vous interroger plus particulièrement sur les centres de rétention administrative. Un certain nombre de places vont être livrées dans les prochains mois. Fin 2023, nous atteindrons 2 100 places. Or, on dénombre environ 120 000 obligations de quitter le territoire français (OQTF) chaque année. Quelle est votre vision des centres de rétention administrative ? Ne faut-il pas beaucoup plus de moyens ? Ne faut-il pas envisager d'autres modes de rétention, comme les bracelets électroniques ?

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La France est l'un des trois pays européens recourant à la rétention d'enfants mineurs accompagnés. Elle contrevient à ses obligations internationales et surtout au respect de l'intérêt supérieur de l'enfant, protégé par la Convention internationale des droits de l'enfant (CIDE) et garanti par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. C'est ainsi que le 31 mars dernier, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a condamné la France pour avoir placé en rétention administrative un enfant géorgien de huit ans ainsi que ses parents durant quatorze jours avant leur renvoi dans leur pays. Elle a considéré que ce placement, ainsi que sa durée, constituaient des traitements inhumains et dégradants pour cet enfant au regard de la Convention européenne des droits de l'homme. De fait, à chaque condamnation de la France, le Défenseur des droits réitère son opposition à la rétention des enfants et nous exhorte à faire évoluer notre législation pour proscrire cette mesure en toutes circonstances. J'ai personnellement porté ce sujet lors de la précédente législature et plaidé pour son interdiction.

Vous recommandez la mise en œuvre de mesures d'assignation à résidence des familles plutôt qu'un placement en CRA et des instructions ont été adressées aux préfets dans ce sens. La protection de l'intérêt supérieur de l'enfant doit être assurée en toutes circonstances. Pourriez-vous nous indiquer dans quelle mesure cette assignation à résidence est prononcée par rapport aux placements en rétention ? Puisque nous n'avons pas encore pu interdire ces placements, de quels moyens peuvent manquer les préfectures pour généraliser les assignations à résidence ? De quelle manière pouvons-nous les inciter à privilégier cette mesure ?

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Je souhaiterais revenir sur la question de la santé mentale et des établissements psychiatriques. Depuis plusieurs dizaines d'années, on encourage la baisse du nombre d'hospitalisations pour privilégier les soins à domicile. Près de 2 millions de Français bénéficieraient ainsi d'un suivi ambulatoire. Ces patients ont incontestablement gagné en liberté et en autonomie, mais pouvons-nous affirmer que la qualité des soins s'en soit améliorée ? N'a-t-on pas désengorgé les hôpitaux sans pour autant se donner les moyens de garantir un suivi à domicile de qualité ? On observerait un certain nombre de départs volontaires chez les psychiatres travaillant en établissement, qui se trouvent soit en désaccord avec les procédures, soit dans une situation professionnelle extrêmement compliquée, croulant sous la charge de travail et en particulier les exigences administratives de suivi qui pèsent sur eux. Est-ce une tendance que vous avez vous-mêmes observée ?

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Les différents rapports publiés par votre institution dépeignent un tableau alarmant de l'état de nos lieux de privation de liberté. La circonscription que je représente ne fait pas exception à la règle, avec un taux d'occupation de 151 % à la maison d'arrêt de Nice. Nous avons auditionné hier M. Éric Dupond-Moretti au sujet du budget de son ministère. Celui-ci prévoit notamment la construction de 15 000 places nettes de prison supplémentaires d'ici à 2027, ainsi que la rénovation et la modernisation du parc pénitentiaire existant, avec une dotation de 130 millions d'euros, budget inédit en la matière. Cela s'accompagne d'une amplification des efforts consacrés aux aménagements de peine, avec 28 millions d'euros consacrés aux mesures liées à la surveillance électronique, 11,5 millions aux bracelets anti-rapprochement et 13,9 millions aux placements à l'extérieur. Ce budget nous semble cibler de manière pertinente un certain nombre de problématiques que vous soulevez, mais doit s'accompagner d'autres mesures, notamment en matière de politique pénale.

Vous avez suggéré à plusieurs reprises, dans vos rapports et prises de parole, que soit prévu dans la loi un dispositif de régulation carcérale instituant dans chaque juridiction un examen périodique de la situation de la population pénale. Si l'idée et le concept semblent louables, on peut s'interroger sur leur mise en œuvre pratique. Pourriez-vous nous exposer quelles en seraient les grandes lignes ?

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Dans votre rapport annuel de 2021, vous saluez les avancées issues de la loi du 22 décembre 2021, bien que celles-ci ne fassent pas tout à fait entrer le droit du travail en prison. Les personnes détenues restent en effet sous-payées et privées de tout droit collectif. Le Gouvernement vient de compléter cette réforme par une ordonnance du 19 octobre ouvrant de nouveaux droits sociaux aux détenus qui travaillent. Quelle appréciation portez-vous sur ces avancées ?

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Ma question portera sur les outre-mer, notamment les centres de rétention administrative de la Réunion et de Mayotte, où les conditions sont particulièrement indignes. Ces deux territoires concentrent plus de la moitié des retenues de France. À la Réunion, notre centre compte seulement six places et nous sommes confrontés, tout comme Mayotte, de par notre positionnement géographique, à un nombre important de retenues. Depuis quelques mois, nous connaissons un phénomène nouveau de vagues migratoires venues du Sri Lanka, qui rendent les conditions de rétention encore plus indignes. En février 2022, un homme a passé dix jours en CRA sans possibilité de voir un juge. Au mois de mai, un Français a été enfermé et n'a pu être libéré que tardivement. En septembre, ont été enfermés des Sri-lankais numérotés. Quelles sont vos préconisations au regard de la situation ?

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Le 2 mars dernier, dans la maison centrale d'Arles, un détenu radicalisé a porté atteinte à Yvan Colonna, plongé dans le coma puis décédé des suites de ses blessures. Quel est votre point de vue sur la gestion du parcours du détenu en question ? De nombreux arguments ont été avancés devant cette commission pour justifier le fait qu'il ne devait pas être placé en quartier d'évaluation de la radicalisation (QER). Plus globalement, comment appréciez-vous la gestion du statut des détenus nécessitant une surveillance particulière ?

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Dominique Simonnot, Contrôleure générale des lieux de privation de liberté

De nombreux efforts sont effectivement réalisés quant au budget et à la création de nouvelles places de prison. J'aimerais cependant que l'on m'explique ce que sont ces 15 000 places de prison promises d'une mandature présidentielle à l'autre. Dans les faits, cet objectif de 15 000 places ne sera jamais atteint. La prison de Lutterbach, ouverte il y a un peu moins d'un an, avait été annoncée en 2008 ou 2009, ce qui démontre l'importance des délais avant qu'une prison ne sorte de terre. Ce n'est donc pas vers la création de places qu'il faut se tourner si l'on cherche des solutions rapides. J'ai été quelque peu choquée de la réponse du ministre de la Justice sur nos constats à la prison de Gradignan, surpeuplée à 245 %, pour qui le problème sera résolu dans deux, puis quatre ans, grâce à la construction de deux nouvelles prisons, alors qu'il faudrait agir immédiatement. Il est à noter également que de nombreux élus prônant la création de places de prison sont défavorables à la construction d'une prison dans leur propre circonscription.

La réinsertion et les formations en détention sont d'une importance capitale. Le mécanisme de régulation carcérale a pour but de faciliter l'accès à la formation. Je rejoins totalement Mme Abadie dans sa conception de la prison, qui marche sur deux jambes : l'une qui punit et l'autre qui réinsère. Et c'est sur ce second point que nous devons porter nos efforts. Cette vision des choses n'est pas gauchiste, mais réaliste.

Je profite des reproches qui m'ont été adressés à ce sujet pour évoquer la question de mon salaire, qui s'élève à 10 000 euros, somme très importante, mais qui est liée au travail conséquent que je fournis.

Mme Diaz, vous évoquez la prolifération des portables en prison. Certes, ce phénomène existe, de même que la prolifération de la drogue. Toutefois, cela contribue au calme dans les établissements. Il faut regarder la réalité en face.

On peut envisager les mécanismes de régulation carcérale de différentes façons. On peut agir selon le modèle des ordonnances appliquées pendant la crise de la covid-19 pour un résultat rapide et satisfaisant. Il existe également la solution du numerus clausus.

J'ai trouvé la polémique du karting à Fresnes singulièrement triste. Mon constat personnel est le suivant : exceptionnellement, les détenus et les surveillants ont partagé l'espace d'un instant des activités moins banales que d'ordinaire, avant de regagner pour les uns leurs coursives pourries et pour les autres leurs cellules pourries.

Le téléphone améliore les conditions de vie, quand les câbles ne sont pas rongés par les cafards, insectes qui, au demeurant, s'avèrent très dangereux pour la santé. Toutefois, malgré la prolifération des téléphones, l'accès à internet est impossible, ce qui dénote une certaine hypocrisie.

Les centres de rétention nous coûtent extrêmement cher. La Cour des comptes évoque un coût à la journée que je ne sais comment interpréter, tant il me paraît hors du commun. Le bracelet électronique représente une solution très intelligente – et infiniment moins chère – de même que l'assignation à résidence, pour des personnes dont le retour dans leur pays d'origine, nous le savons tous, n'a, bien souvent, jamais lieu et dépend d'enjeux diplomatiques. La rétention des enfants est indigne et effrayante.

Il faut se souvenir que la prison représente un coût non négligeable et que l'argent public dépensé ne doit pas l'être en pure perte. Si une personne est privée de liberté pendant plusieurs mois et qu'elle en ressort dans le même état, sa peine, dont l'exécution aura pourtant coûté 110 euros par jour au contribuable, n'aura servi à rien. Il faudrait sortir de ce système ancestral qui tourne en rond.

Le sujet du travail est extrêmement compliqué. Le commerce du luxe est souvent impliqué et les marques concernées veillent à ce que ça ne se sache pas. Quoi qu'il en soit, plus les contraintes augmentent, plus ces entreprises menacent de quitter les ateliers des prisons, en particulier quand se présente la question de l'augmentation des salaires. J'ignore comment fait l'Allemagne pour parvenir à 70 % de détenus qui travaillent, les 30 % restants ne le désirant ou ne le pouvant pas. Chez nous, le ratio est exactement inverse, malgré une légère tendance à la hausse.

La situation est épouvantable dans les outre-mer et nous nous rendrons prochainement à Mayotte. Malheureusement, notre constat sera le même que le vôtre et j'ignore quelles mesures pourront être prises. Les enjeux tiennent certainement à la pauvreté du Sri Lanka, au chaos politique qui y règne et à l'accueil des réfugiés politiques.

La mort horrible d'Yvan Colonna fait l'objet de plusieurs enquêtes : une enquête interne, une enquête judiciaire et une enquête de l'Inspection générale de la justice. On nous a réclamé une enquête également, mais je doute de l'utilité de la démarche. Nous avions considéré comme une avancée le fait qu'un détenu particulièrement signalé (DPS) puisse accéder à un travail et circuler dans l'établissement. Il s'agit d'un drame épouvantable. Le détenu se trouvait-il à un endroit non-autorisé ? Il y aurait eu des défaillances dans le système de vidéosurveillance. À vrai dire, Yvan Colonna et son meurtrier s'entendaient assez bien et il est possible que le surveillant ait manqué de vigilance. J'attends les conclusions de l'enquête pour en savoir davantage.

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André Ferragne, secrétaire général du CGLPL

Le CGLPL a rendu il y a deux ou trois ans un avis extrêmement précis sur la question de l'accès à internet en prison. Il en rappelle les enjeux, notamment en termes d'insertion et de liens familiaux, en prenant en compte l'aspect sécuritaire. Les préconisations qui en ressortent sont techniquement solides et décrivent la mise en place d'un système d'accès à internet à trois dimensions. La première consiste en un accès en simple lecture, c'est-à-dire aux sites non-interactifs, pour laquelle nous prônons un système de « liste noire », où tout ce qui n'est pas interdit doit être autorisé (sites d'informations, site de Légifrance ou de l'Assemblée nationale, par exemple). La deuxième concerne la réinsertion : accès à l'enseignement, aux prestations sociales, aux droits en général, au logement. Nous prônons à ce niveau un système de « liste blanche », dans lequel un certain nombre de sites, techniquement contrôlés au préalable, seraient expressément autorisés : sites du Centre national d'enseignement à distance (CNED) ou de Pôle emploi par exemple. Enfin, la troisième dimension est celle des liens familiaux, pour laquelle nous avons préconisé la mise en place de systèmes de messagerie fermée, c'est-à-dire non pas la possibilité d'envoyer des courriels librement à n'importe qui, mais la restriction de ces envois à la liste des destinataires autorisés.

Nous constatons effectivement des départs de médecins, tout simplement parce que le déficit de la démographie médicale en milieu hospitalier s'observe aussi en médecine libérale. Par conséquent, un médecin qui quitte l'hôpital n'éprouve aucune difficulté à se constituer une patientèle en libéral dans la localité de son choix. Nous avons rencontré hier une psychiatre exerçant dans l'hôpital de Mantes-la-Jolie, autour duquel il n'existe aucune autre offre de soins que son propre service. Les raisons que vous avez citées pour expliquer le départ des médecins sont toutes invoquées chacune son tour : les uns sont en désaccord avec les exigences procédurales, les autres sont lassés du manque de moyens, tandis que d'autres, enfin, considèrent que les exigences médico-légales représentent un poids excessif. Nous avions notamment recueilli, en 2019, le témoignage d'une jeune psychiatre de Toulouse qui s'inquiétait du recours à la psychiatrie dans le traitement de la question de la radicalisation, qu'elle craignait de voir ensuite remplacé par le recours à la psychiatrie dans le traitement des violences conjugales ou de la délinquance sexuelle.

Je n'ai pas en mémoire la réponse précise à la question posée au sujet du CRA de la Réunion et me propose donc de vous faire parvenir le rapport de notre dernière visite sur place.

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Nous avons eu l'occasion de débattre hier du sujet des 15 000 places de prison lors de l'audition du garde des Sceaux. On a recensé 3 300 ouvertures pour 1 300 fermetures au cours du dernier quinquennat. 500 places supplémentaires sont attendues dans les prochains mois. Cela porte donc à 2 500 le nombre de places réellement ouvertes. 7 000 au total sont engagées, qu'elles aient déjà été livrées, qu'elles soient en cours de construction ou que les études et permis afférents aient été déposés. S'agissant des 8 000 places restantes, le garde des Sceaux nous a fait part d'une série de difficultés à lever, telles que l'accord des élus locaux.

Traditionnellement, l'odeur de cannabis est caractéristique de la prison. Or, ce n'était pas le cas lors de notre visite à Fresnes. La direction nous a en effet informés qu'une attention particulière avait été portée aux les fouilles, aux saisies et à la lutte anti-drogue dans l'établissement, de sorte que la consommation avait fortement baissé depuis le mois de juin.

S'agissant du travail des détenus en prison, le nouveau contrat de travail était déjà entré en vigueur au moment de notre visite à Fresnes, comportant à la fois un salaire au moins égal à 45 % du SMIC en atelier et de nouveaux droits sociaux (cotisations acquises pour l'assurance vieillesse et l'assurance chômage). En revanche, de façon très surprenante, les détenus ne connaissent pas ces droits.

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Madame la Contrôleure, vous m'avez choqué, notamment par votre vision des CEF. Vous avez évoqué des antichambres de la prison. Or, il me semble que c'est exactement l'inverse, dans la mesure où l'objectif est d'éviter qu'un certain nombre de mineurs passent par la prison pour mineurs, au profit d'une tentative d'approche éducative par l'apprentissage et de tout un réseau mis en place en leur faveur. Une étude de nos collègues sénateurs estimait à 50 % le nombre de sorties positives. Cela ne signifiait pas que l'ensemble des problèmes de ces jeunes étaient réglés, mais du moins évitait-on les récidives rapides et pouvait-on s'orienter vers une reprise immédiate de la vie en société. Êtes-vous plutôt favorable à la prison pour mineurs ou au développement des CEF et, le cas échéant, dans quelles conditions ? Quelles sont vos préconisations ?

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Vous avez rendu en juillet dernier un rapport intitulé « L'intimité au risque de la privation de liberté ». Vous y alertez l'administration pénitentiaire et la société sur le manque de respect de la vie privée engendré par les besoins de sécurité et la surpopulation carcérale. Vous écrivez : « L'intimité peut être mise à mal dans de nombreux aspects de la privation de liberté de manière souvent disproportionnée : conditions d'hébergement, promiscuité, mesures de contrainte, fouilles au corps, correspondance, confidentialité des soins, visites des proches ou encore sexualité ». Pourtant, Madame, la prison n'a jamais été conçue pour être un lieu de villégiature. Dans de bonnes conditions d'hygiène et de sécurité des détenus, les vertus de la prison sont nombreuses. Celle-ci permet en effet de réparer le préjudice subi par les victimes. En mettant à l'écart les individus dangereux, la prison concourt aussi à protéger la société des désordres les plus graves. Enfin, elle contribue à dissuader les condamnés de récidiver car, ceci est une évidence, c'est l'impunité qui crée la récidive. L'intimité des prisonniers est une chose, mais la sécurité des personnels pénitentiaires en est une autre. Or, partout en France, les surveillants subissent la violence de détenus qui cherchent à imposer leurs propres lois en prison. Ces dernières années, les agressions à l'encontre des surveillants ont été nombreuses et c'est intolérable. Comment mieux assurer la protection des surveillants pénitentiaires et leur permettre de travailler dans de bonnes conditions ?

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De vos propos, j'ai retenu cette phrase : « On paie 110 euros par jour pour que les gens sortent de là pires qu'ils n'y sont entrés ». Certains élus vous répondent que la prison n'est pas un endroit destiné à s'amuser ni un lieu de villégiature. Effectivement, nous sommes bien loin d'une telle situation. La prison a deux missions. D'une part, on y purge une peine de privation de liberté – et seulement de liberté. Aucun jugement n'impose que l'on soit aussi privé de conditions d'hygiène décentes. D'autre part, une fois la peine purgée, la personne doit être en mesure de pouvoir se réinsérer dans la société et d'éviter la récidive. Pensez-vous que la prison constitue actuellement le meilleur moyen d'éviter la récidive ? Il existe en outre des moyens alternatifs évoqués lors de l'audition d'hier, notamment le placement à l'extérieur, qui permet un taux de récidive bien plus faible. Quel est votre point de vue sur ce type d'aménagement de peine ? Enfin, que pensez-vous du fait que le ministre de la Justice introduise demain dans le projet de loi de finances, par amendement, une prorogation du moratoire sur l'encellulement individuel, qui devait normalement s'achever au 31 décembre 2022 ?

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Je souhaiterais attirer votre attention sur la situation du centre pénitentiaire de La Talaudière, dans la métropole de Saint-Étienne. Vous vous y êtes déplacée le 5 septembre dernier et je m'y suis rendu à mon tour deux semaines plus tard. Pouvez-vous nous indiquer ce qui vous a amenée à vous intéresser à son fonctionnement ? 15 millions d'euros ont été débloqués en vue d'une réhabilitation, qui n'est que partielle, en lieu et place d'une démolition-reconstruction qui avait été envisagée et que nous aurions préférée. Depuis 2019, trois phases de travaux ont été engagées : sécurisation périmétrique d'un mur d'enceinte pour lutter contre les intrusions et réduire les nuisances dont sont victimes les riverains, installation de douches dans les cellules des bâtiments A et B et, enfin, la perspective de démolition-reconstruction du bâtiment administratif, toujours en attente d'arbitrage. Que pensez-vous de cette réhabilitation ? Pourriez-vous en outre nous faire part de vos constats et de vos premières recommandations pour cet établissement ?

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Ma question porte sur l'Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ), organisme interministériel supprimé en 2019 par Emmanuel Macron, qui visait à faire de la sécurité nationale un sujet d'études transversales, en regroupant de nombreux acteurs de la société civile et privée travaillant sur les différentes politiques publiques en matière de justice et de sécurité. Le caractère interministériel de cet institut et son positionnement formaient l'enceinte adaptée de production du savoir à l'attention des décideurs publics dans le cadre de l'élaboration des politiques de sécurité. Il permettait de dépasser les clivages, les rivalités de chapelle et les logiques de corps. Au sein d'une structure nommée Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) – organisme également supprimé – on étudiait les évolutions statistiques de l'ensemble du processus pénal, l'exécution des peines et des sanctions pénales, ainsi que la récidive. La suppression de l'INHESJ a signé la fin des études indépendantes en matière de criminalité et de délinquance, mais aussi en matière d'application des peines et de réponse pénale, désormais passée sous la férule du ministère de l'intérieur, sous la forme de l'Institut des hautes études du ministère de l'Intérieur (IHEMI). Trouvez-vous normal que le ministère de l'Intérieur soit le seul juge et analyste de sa propre action ? Comment garantir des études indépendantes ? N'est-il pas nécessaire de rétablir l'INHESJ comme l'ONDRP ?

Vous avez également évoqué à plusieurs reprises le coût faramineux des places de rétention. Pourriez-vous nous en indiquer le montant précis ?

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Vous effectuez un travail éminemment important avec des moyens modestes. Comme nous sommes en période de discussion budgétaire, il me semble que nous devrions garder ce sujet à l'esprit.

Je souhaiterais revenir sur des propos que vous avez tenus au sujet des CEF. Vous avez en particulier mentionné d'excellentes expériences, qui s'opposaient à d'autres plutôt problématiques. Vous en concluez que le modèle n'était pas abouti. Je souhaiterais que vous nous apportiez des éléments plus précis, notamment en termes de ratio entre bonnes et mauvaises expériences. Cela permettrait en effet de valider ou d'invalider la poursuite de l'ouverture de tels centres, dont le déploiement est toujours prévu actuellement.

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J'ai été interpellé par votre position sur les CEF. Pour rappel, nous disposons à ce jour de 51 CEF et 20 sont en cours de construction. La création de nouveaux CEF n'émane pas de la seule décision de la précédente garde des Sceaux, Mme Nicole Belloubet, mais d'un travail mûrement réfléchi en amont et, notamment, de la consultation des magistrats. À ce titre, j'invite les collègues critiques à l'égard des CEF à venir assister aux auditions qui ont lieu dans le cadre de l'évaluation du code de justice pénale des mineurs, afin de réaliser que les magistrats se prononcent de façon unanime en faveur des CEF. Ces lieux d'encadrement sont assez exceptionnels : 26 équivalents temps plein (ETP) pour 12 mineurs, soit plus de deux éducateurs pour un seul mineur, un travail éducatif qui se fait sur six mois, qui s'étend bien au-delà de ce que proposent d'autres structures et donc très qualitatif. Il me semble que les éléments que vous avez constatés dans un certain nombre de CEF découlent de deux situations. La première, de mon point de vue, est que certains mineurs entrent trop tardivement en CEF et sont totalement inadaptés à ce type de structure, parce qu'ils ont des problèmes psychologiques ou psychiatriques. La seconde est que certains mineurs ont fait l'objet de nombreuses condamnations, pour lesquelles l'autorité judiciaire telle qu'elle intervient n'aboutit pas au placement dans un CEF.

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Il y a cinq ans, j'ai effectué une première visite à Fresnes. Je suis interpellée par le fait que cinq ans se soient écoulés et que les observations soient sensiblement identiques. Devons-nous nous contenter de constats similaires tous les cinq ans sans que rien n'évolue ?

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Le fond du problème semble lié au fait que les Français ne se satisfont pas d'une sanction de privation de liberté et ne semblent se satisfaire que l'on y ajoute l'absence de respect et de dignité. Cette affaire est donc liée au regard de la société et parfois à des discours démagogiques. Ma question porte sur le constat, regrettable et malheureux, selon lequel on dénombre six fois plus de suicides en prison qu'en milieu ordinaire. En 2021, leur nombre s'élève à 122, soit un décès tous les deux à trois jours. J'aurais donc souhaité vous entendre sur cette réalité, sans nul doute liée au problème que je viens d'évoquer.

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Dominique Simonnot, Contrôleure générale des lieux de privation de liberté

La question des CEF nous préoccupe considérablement et je suis heureuse qu'elle vous préoccupe également. Certains d'entre vous ont été choqués par mes propos, mais ne vous méprenez pas. Nous avons certes visité des CEF absolument formidables. Toutefois, il faut bien être conscient que les problèmes de ces centres sont de plusieurs ordres. Tout d'abord, bien que dans certains CEF on dénombre 26 ETP pour 12 mineurs, il convient de se demander qui sont ces ETP. En effet, si dans certains centres on a su créer et conserver des équipes pérennes, formées, solides, compétentes et bien dirigées, d'autres subissent un turnover permanent, le travail n'étant pas attractif. Dans le centre dont je vous parlais précédemment, où tout se passait très bien, l'équipe était stable et les professionnels mieux payés, ce qui compte certainement aussi. Ensuite, les enfants et adolescents qui entrent en CEF ont un passé. Curieusement, il n'existe pas d'étude longitudinale portant sur les enfants placés à l'aide sociale à l'enfance (ASE) – dont sont issus la majorité des jeunes placés en CEF. On ignore donc d'où ils viennent, les éducateurs n'ont aucun renseignement sur le passé de l'enfant et, pire encore, ne connaissent pas leur avenir une fois partis. Ainsi, il est impossible d'évaluer ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. On ne peut que déplorer ce manque de sérieux dans le suivi des politiques publiques.

Je ne saurais vous répondre sur la question des mineurs arrivés trop tardivement en CEF. Néanmoins, dans le centre que je viens de citer en exemple, était pris en charge un jeune de dix-sept ans qui n'avait plus de dents, suçait son pouce, avait un doudou et dormait avec une tétine. Avant son arrivée, il vivait dans une voiture avec ses parents. Dans ce cas, on peut raisonnablement affirmer qu'il est arrivé un peu tardivement dans le système social. Pour ma part, je ne parviens pas à comprendre comment personne dans son entourage, notamment en milieu scolaire, ne s'était soucié du sort de cet enfant pour le moins différent. On n'évoque jamais le contrôle absolument défaillant des familles d'accueil et des foyers de l'enfance. Il existe à mon sens un énorme problème de l'enfance en danger dans notre pays. On constate une désaffection très nette pour les métiers de l'ASE et équivalents, ainsi qu'un manque de contrôle des endroits où les enfants sont envoyés et où ils sont parfois extraordinairement maltraités. Ce sont nos enfants, notre avenir à tous et nos concitoyens bientôt. Nous allons donc devoir nous pencher sur le problème et je constate avec plaisir que le sujet commence à émerger.

Je n'ai pas d'idée sur le ratio entre bonnes et mauvaises expériences. C'est tout à fait fluctuant.

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André Ferragne, secrétaire général du CGLPL

Ces structures sont extrêmement volatiles. Quand on visite un CEF, on a globalement une chance sur deux pour que ce soit bon, et une chance sur deux pour que ce soit très mauvais. C'est totalement imprévisible, car on peut passer du tout au tout à la faveur d'un changement d'équipe, de projet pédagogique ou de portage institutionnel. Certains CEF sont toutefois condamnés avant leur naissance s'ils sont installés n'importe où, à savoir dans un environnement absolument inadapté : soit un espace très exigu dans un milieu très urbanisé, où il est impossible de séparer les enfants du milieu de délinquance dont ils sortent ; soit, à l'autre extrémité, un CEF installé au milieu de nulle part, dans lequel on ne recrutera jamais d'éducateurs professionnalisés parce qu'il n'y en a pas, à l'exemple de celui, à la frontière entre l'Allier et le Puy-de-Dôme, que nous avons déjà fait fermer deux fois.

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Dominique Simonnot, Contrôleure générale des lieux de privation de liberté

S'agissant du rapport portant sur l'intimité dans les lieux de privation de liberté en général – et non uniquement des prisons – je confirme la mise à mal de cette dernière. Nous n'avons jamais prétendu que la prison devait être un lieu de villégiature et d'ailleurs nous en sommes très loin. J'ai par conséquent été fort étonnée et fort inquiète lorsque j'ai entendu des élus, suite à l'affaire du karting à Fresnes, évoquer une « prison quatre étoiles » ou la comparer au Club Med. Je ne vois pas qui d'entre nous supporterait de vivre à trois dans une même cellule et dans de telles conditions. Quels que soient les délits commis, pour réparer une société, il ne me semble pas opportun d'entasser les gens de cette façon. La privation de liberté doit se suffire à elle-même en tant que punition. L'autre grand objectif du système pénitentiaire, comme cela a été dit de façon très pertinente, est la réinsertion, qui passe par l'apprentissage. À ce titre, le chiffre de 20 % d'illettrés en prison est préoccupant.

Nous sommes parfaitement d'accord sur l'importance de la sécurité des surveillants. Vous pourrez lire dans nos rapports que nous nous entretenons systématiquement avec tous les surveillants que nous rencontrons, gradés ou non, jusqu'à la direction. Tous nous affirment que continuer sur cette voie n'est plus possible. Comme nous l'ont expliqué eux-mêmes les détenus de Gradignan, « les surveillants sont violents, on s'en prend plein la figure, mais il faut les comprendre : on est trop, ils deviennent dingues, ils pètent les plombs, comme nous ». Je n'avais jamais entendu de tels propos dans la bouche de détenus. Ceux-ci sont souvent des hommes très jeunes, pleins de vie, et rester enfermé dans une cellule pour s'énerver ensemble s'avère contre-productif. J'ai vu par ailleurs des surveillants courir dans les coursives pour accompagner qui au parloir, qui en promenade, qui à la douche, tout en se trompant et courant de plus belle pour rattraper leurs erreurs. Le rythme est infernal et ne peut qu'entraîner heurts et violence qui, elle-même, ne concourt pas à la réinsertion.

Je crois avoir répondu à la question du coût de 110 euros par jour et par détenu. Les ratés évoqués sont tout à fait regrettables. Heureusement, on observe aussi de beaux exemples, à l'image de Berthet One, ancien braqueur qui, grâce à l'insistance d'un surveillant, est devenu auteur de bandes dessinées, a signé un contrat avec Le Journal de Mickey et crée des BD sensationnelles sur l'univers carcéral. Nous devons être capables de dépasser le stade de la simple punition pour enseigner à ces personnes et les remettre « sur les rails » de la société. Dans la mesure où de toute façon ils sortiront, c'est un très mauvais calcul que de ne pas investir massivement dans leur réinsertion.

Je suis absolument d'accord avec le fait de favoriser les placements à l'extérieur, qui s'élèvent seulement à 900 par an en France. Les lieux de placement à l'extérieur peuvent être des fermes d'Emmaüs, qui accueillent les sortants de prison ayant des reliquats de peine à effectuer et dans lesquelles ils apprennent un métier et la vie en société. S'ils partent, ils sont considérés comme évadés et retournent en prison. Le nombre si bas de placements à l'extérieur est lié au fait que ces structures de placement, mal financées par l'État, ont du mal à survivre. En effet, si les chambres ne sont pas remplies, elles ne sont pas financées. J'ai visité une ferme de l'espoir dans l'Essonne, endroit formidable accueillant des personnes condamnées à des travaux d'intérêt général (TIG) ; il manque à cette ferme 100 000 euros pour terminer l'année. Il est navrant de visiter des endroits qui fonctionnent et qui périclitent faute de moyens.

Nous nous sommes rendus à La Talaudière en raison du nombre important de courriers de signalement que nous avions reçus. Les constats n'étant pas définitifs, je ne les partagerai pas ici, mais je peux affirmer que la situation y est compliquée. Certains professeurs affirment ne plus pouvoir faire cours à cause des travaux de rénovation, particulièrement assourdissants, mais évidemment les travaux seront utiles in fine. Quoi qu'il en soit, les travaux de rénovation des prisons ne pourront être parfaitement réalisés tant que le taux d'occupation sera aussi important, car il faut être en mesure de vider les lieux.

Je ne sais que vous répondre au sujet de la suppression de l'INHESJ et de l'ONDRP. Il me paraît normal que des instituts puissent produire de l'intelligence et des statistiques. Il serait par exemple très intéressant de disposer d'études portant sur les enfants issus de l'ASE qui sont ensuite accueillis en CEF et que l'on retrouve plus tard sur le banc des comparutions immédiates. Donnons leur chance à ces enfants qui n'en ont pas eu au départ ! La lecture des constats établis sur les foyers de l'enfance est glaçante et aucun de nous n'y enverrait ses enfants. De la même manière, personne ne laisserait ses enfants être défendus dans les conditions de la comparution immédiate, pour laquelle nous prônons également une réforme. En effet, non seulement leur nombre ne cesse d'augmenter, mais elles représentent aussi des procédures extrêmement pourvoyeuses de peines d'emprisonnement, à travers lesquelles il est courant d'écoper d'une peine longue, décidée en peu de temps, sans véritable instruction du dossier.

Concernant le coût de la rétention administrative, je vous invite à consulter le rapport de la Cour des comptes, qui m'a fait sursauter, car il estime le coût journalier à 690 euros, chiffre confirmé ultérieurement par les deux conseillères à l'origine du rapport. Cela pose un problème majeur, qui doit nous conduire à revenir sur la question de l'assignation à résidence et du bracelet électronique. J'espère que vous ferez bon usage de cette information en tant que membres de la représentation nationale.

Vous avez évoqué la lenteur des évolutions à Fresnes. Je peux vous citer un exemple tout aussi choquant. Il y a vingt ans, paraissait le rapport intitulé « Prisons : une humiliation pour la République ». Depuis, les problèmes de surpopulation restent identiques. Malgré tout, on relève de timides évolutions. Mais elles restent à la marge et sont insatisfaisantes.

S'agissant de la question des suicides en prison, j'ai personnellement tenu le standard du Contrôle général et ne peux qu'attester de la détresse des détenus qui nous appellent. On n'a d'autres choix dans ce cas que d'appeler la prison au plus vite pour demander un contrôle de ce qui se passe en cellule. Malheureusement, dans certains établissements comme Gradignan, on ne compte qu'un surveillant par coursive –quand il y en a un. Quand les requêtes de soins, de changement de cellule ou autres ne sont pas entendues, au bout d'un moment on se sent complètement abandonné par l'État. Il faut reconnaître que l'on trouve en prison une proportion de personnes fragiles plus élevée qu'à l'extérieur, mais on déplore une forme d'abandon qui ne pousse pas à l'optimisme.

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André Ferragne, secrétaire général du CGLPL

La question des suicides pose aussi celle de la présence des malades mentaux en prison. Sans statistiques véritables, on estime à 70 % le nombre de détenus qui prennent des traitements de la sphère psychiatrique. Il peut s'agir simplement de traitements de substitution ou d'antidépresseurs, mais également d'antipsychotiques. Les psychoses toucheraient entre un quart et un tiers de la population pénale. Les prisons sont donc peuplées d'un nombre très important de malades mentaux, les uns, parce que faisant l'objet de procédures correctionnelles, n'ont pas été dépistés au stade de la procédure – l'expertise psychiatrique n'étant pas obligatoire en matière correctionnelle – d'autres parce qu'ils ont été déclarés partiellement irresponsables seulement et ont donc été condamnés à une peine de prison, d'autres enfin parce que la prison a une mauvaise influence sur leur santé mentale. Cela reste des situations devant lesquelles l'administration pénitentiaire est démunie, avec des détenus qu'elle ne peut ni traiter, ni faire sortir en raison de la rareté des suspensions de peine pour raisons médicales en matière de psychiatrie.

La séance est levée à 12 heures 10.

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Caroline Abadie, M. Jean-Félix Acquaviva, Mme Sabrina Agresti-Roubache, M. Erwan Balanant, M. Romain Baubry, M. Ugo Bernalicis, Mme Pascale Bordes, M. Ian Boucard, M. Florent Boudié, M. Xavier Breton, Mme Blandine Brocard, Mme Clara Chassaniol, M. Jean-François Coulomme, Mme Edwige Diaz, Mme Raquel Garrido, M. Yoann Gillet, M. Philippe Gosselin, M. Guillaume Gouffier-Cha, Mme Marie Guévenoux, M. Jordan Guitton, M. Benjamin Haddad, M. Sacha Houlié, M. Jérémie Iordanoff, Mme Élodie Jacquier-Laforge, Mme Marietta Karamanli, Mme Emeline K/Bidi, M. Gilles Le Gendre, M. Antoine Léaument, Mme Marie Lebec, Mme Julie Lechanteux, Mme Gisèle Lelouis, M. Didier Lemaire, Mme Marie-France Lorho, M. Benjamin Lucas, M. Emmanuel Mandon, Mme Élisa Martin, M. Thomas Ménagé, M. Ludovic Mendes, Mme Danièle Obono, M. Didier Paris, M. Éric Pauget, M. Jean-Pierre Pont, M. Éric Poulliat, Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, M. Philippe Pradal, M. Stéphane Rambaud, M. Rémy Rebeyrotte, Mme Béatrice Roullaud, M. Thomas Rudigoz, M. Hervé Saulignac, M. Raphaël Schellenberger, Mme Sarah Tanzilli, Mme Andrée Taurinya, M. Jean Terlier, Mme Cécile Untermaier, M. Roger Vicot, M. Guillaume Vuilletet, M. Jean-Luc Warsmann

Excusés. - M. Éric Ciotti, M. Philippe Dunoyer, M. Mansour Kamardine, Mme Naïma Moutchou, M. Davy Rimane