Commission d'enquête sur l'attribution, le contenu et le contrôle des autorisations de services de télévision à caractère national sur la télévision numérique terrestre

Réunion du jeudi 8 février 2024 à 9h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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La séance est ouverte à neuf heures dix.

La commission auditionne des travailleurs de l'audiovisuel :

– M. Renaud Bernard, représentant de la Fédération des arts, du spectacle, de l'audiovisuel et de la presse (FASAP FO)

– M. Jean-Loup Chirol, secrétaire permanent du Syndicat national des techniciens et travailleurs de la production cinématographique et de la télévision (SNTPCT)

– Mme Sarah Fartaoui, représentante du Syndicat national de la radiodiffusion, de la télévision et de l'audiovisuel (SNRT CGT)

– M. Damien Labbé, président de l'Union nationale de défense des intermittents de l'audiovisuel (UNDIA)

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Mes chers collègues, je vous propose de reprendre les auditions de notre commission d'enquête. Nous entendrons aujourd'hui les dirigeants du groupe M6 et du groupe TF1, ainsi que les représentants des fédérations professionnelles de producteurs.

Dans un premier temps, nous recevrons en table ronde les représentants des travailleurs de l'audiovisuel, auxquels je souhaite la bienvenue : M. Renaud Bernard, représentant de la Fédération des arts, du spectacle, de l'audiovisuel et de la presse (FASAP FO), M. Jean-Loup Chirol, secrétaire permanent du Syndicat national des techniciens et travailleurs de la production cinématographique et de la télévision (SNTPCT), Mme Sarah Fartaoui, représentante du Syndicat national de la radiodiffusion, de la télévision et de l'audiovisuel (SNRT CGT), M. Damien Labbé, président de l'Union nationale de défense des intermittents de l'audiovisuel (Undia).

Je précise que le Syndicat national des médias et de l'écrit (SNME CFDT) a été invité à cette table ronde, mais n'a pas pu répondre à cette invitation.

Madame, Messieurs, je vais vous passer la parole pour une intervention liminaire de cinq minutes au plus par organisation, qui précédera un échange sous forme de questions et réponses – à commencer par celles de notre rapporteur. Je vous remercie également de nous déclarer tout autre intérêt public ou privé de nature à influencer vos déclarations.

Enfin, je vous rappelle que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure. »

(Mme Sarah Fartaoui et MM. Renaud Bernard, Jean-Loup Chirol et Damien Labbé prêtent serment)

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Renaud Bernard, représentant de la Fédération des arts, du spectacle, de l'audiovisuel et de la presse (FASAP FO)

Rédacteur en chef dans l'audiovisuel public depuis trente ans, je représente la FASAP Force Ouvrière. À ce titre, je porte la voix de l'ensemble des statuts et des métiers concourant à la fabrique de l'audiovisuel français.

À Force Ouvrière, nous partageons une double conviction au sujet de la télévision numérique terrestre (TNT). En premier lieu, la TNT a permis une multiplication de l'offre gratuite et accessible à tous. Elle a été marquée par un choix stratégique opéré par l'ensemble des acteurs privés et publics au profit du flux, impliquant la dévalorisation des contenus. Il suffit de comparer le prix de la minute de télévision avant et après l'éclosion de la TNT : ce prix s'est « italianisé », au point d'être divisé par quatre dans certains domaines.

En deuxième lieu, nous considérons que la régulation a été trop rigide, alors qu'elle aurait dû être adaptée, notamment pour les raisons qui viennent d'être évoquées.

En troisième lieu, tant que la puissance publique finançait la TNT – je pense par exemple au soutien du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) à la création de reportages magazines –, les acteurs ne souffraient pas trop. Mais dès que l'argent public a commencé à manquer, le marché s'est tendu. Tous les producteurs, en particulier les plus petits et les individuels, ont alors été exposés à de grandes difficultés. Jusqu'alors, certains d'entre eux recevaient, pour un seul projet de cinquante-deux minutes, des aides inconditionnelles qui leur garantissaient leur budget annuel.

Les diffuseurs ont réduit leurs paiements. Quant aux producteurs, ils ont abaissé leurs coûts et abusé des statuts. Ainsi, dans les reportages magazines, le statut de réalisateur intermittent a été surexploité, de manière à faire supporter à la collectivité nationale une partie de ces rémunérations via l'assurance chômage. Détournant la loi, des entreprises ont aussi employé un même réalisateur en intermittence pour plusieurs missions, comme s'il était autoentrepreneur ou en portage salarial.

Ces dérives avaient pour objectif d'alléger la masse salariale en limitant les charges sociales et en modifiant l'imputation comptable de certains coûts, afin de continuer à percevoir des aides de la collectivité.

Je tiens à insister sur ce point, car ces abus sont allés très loin. Désormais, les professionnels ne sont souvent plus recrutés en CDI, en CDD, en CDD d'usage intermittents ou au cachet, mais comme prestataires de service au forfait. Faisant fi de la protection sociale et des conditions de travail, pour une mission audiovisuelle donnée, les opérateurs versent une avance aux professionnels et leur restituent le solde, par exemple, sous forme de droits d'auteur. 100% du salaire d'il y a vingt ans sont devenus aujourd'hui 60 % de salaire et de 40 % de droits d'auteur. L'Inspection générale des affaires culturelles (Igac), dans son rapport sur Le documentaire et ses acteurs à l'heure des bouleversements de l'audiovisuel de septembre 2023, a d'ailleurs constaté une baisse du niveau de vie de ces auteurs-réalisateurs d'environ 30 % en un peu moins de vingt ans.

Pour autant, nous sommes bien loin de penser qu'il faut abattre l'écosystème de la TNT, car nous sommes une organisation syndicale de progrès. Il reste que cet état de fait n'est pas satisfaisant sur le plan social. Nous estimons que les opérateurs auraient dû chercher à créer de la valeur, avec des produits rares et de qualité. La télévision publique a su produire des contenus populaires et de qualité. Nous devrions pouvoir retrouver cette recette.

Nous déplorons également la rigidité du régulateur, qui aurait dû privilégier le bon sens. J'en veux pour exemple la numérotation des chaînes et le bloc des chaînes d'information, qui sont dispersées. Pour un ou deux gagnants, des milliers de personnes sont perdantes, à commencer par les travailleurs. Le régulateur est bien conscient de cette absurdité, qui persiste depuis 2012.

C'est donc avec une sincère reconnaissance que Force Ouvrière, par ma voix, vous remercie pour cette audition.

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Jean-Loup Chirol, secrétaire permanent du Syndicat national des techniciens et travailleurs de la production cinématographique et de la télévision (SNTPCT)

Le SNTPCT occupe une place particulière, puisqu'il a été créé en 1937 par les techniciens du cinéma. Il a longtemps été affilié à la CGT. En 1981, suite à un différend, notre syndicat a été exclu de la confédération et de la fédération auquel il n'est plus affilié depuis lors.

D'une certaine façon, nous sommes entendus aujourd'hui par voie de conséquence, puisque les décisions de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) sur le renouvellement des chaînes de la TNT ont un impact sur la production cinématographique et de la télévision.

De notre point de vue, l'enjeu réside dans la capacité des chaînes à investir dans des programmes inédits, dans des films et émissions de télévision et dans des programmes d'information. Pour nous, c'est bien cette capacité qui doit être placée au centre de la problématique.

À mesure que les moyens de diffusion se dispersent, les recettes sont partagées entre un nombre croissant d'opérateurs, mais lesdits moyens ne sont pas extensibles à l'infini. Il faut donc une régulation réelle pour garantir le développement harmonieux des programmes.

Devant le regroupement des télédiffuseurs, les producteurs se sont, eux aussi, regroupés. Ces groupes ne cessent de se renforcer. De ce fait, les négociations entre les télédiffuseurs et les producteurs ont progressivement évolué. Nous l'avons constaté lorsque nos demandes ont rencontré soudainement un certain écho chez les producteurs. Ces derniers sont venus nous rencontrer, par l'intermédiaire de leurs syndicats, pour nous faire part des pressions subies de la part des télédiffuseurs dans leurs négociations. Cette situation appelait une réponse complexe, qui s'est manifestée par des mouvements récents dont il sera question plus tard. À notre grande surprise, les syndicats de producteurs se sont alignés sur nos demandes : en deux jours, nous avons obtenu ce que nous réclamions depuis vingt-trois ans.

Ces faits dénotent une modification profonde des relations entre producteurs et diffuseurs, et ils doivent être pris en compte dans les réflexions sur le renouvellement des autorisations d'émettre.

Je voudrais réaffirmer qu'à notre sens, c'est bien la capacité d'investissement qui doit réguler l'offre sur les chaînes terrestres numériques, puisque les recettes sont constituées soit de fonds publics pour les chaînes publiques, soit de recettes publicitaires.

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Sarah Fartaoui, représentante du Syndicat national de la radiodiffusion, de la télévision et de l'audiovisuel (SNRT CGT)

J'interviens ici comme secrétaire adjointe du SNRT CGT. En préambule, je tiens à vous signaler que je suis salariée intermittente et représentante du personnel au sein de Maximal Productions, filiale du groupe Mediawan.

Le SNRT CGT est un syndicat et une association de syndicats regroupant les travailleurs des entreprises publiques et privées de l'audiovisuel, tant au niveau de la branche qu'au niveau des entreprises la composant : radio et télévision, production audiovisuelle, prestations techniques pour l'audiovisuel, archivage audiovisuel, nouveaux supports numériques… jusqu'aux télécommunications chez TDF.

Le SNRT CGT revendique et se bat pour une convention collective de l'audiovisuel public et privé étendue, basée sur le mieux-disant social des conventions et des accords collectifs existants. Il milite pour le maintien de l'ensemble des emplois dans le secteur public et privé contre la sous-traitance et le recours abusif à l'intermittence, pour le renforcement d'un pôle audiovisuel public, indispensable pour des programmes et une information pluraliste et de qualité, et pour la pérennisation de son financement. Enfin, il défend des programmes et une information diversifiée et de qualité, qui s'adressent à l'ensemble de la population et soient réellement indépendants des pressions politiques et économiques, tout en y intégrant les enjeux de responsabilité sociétale des entreprises (RSE) tels que la lutte contre le réchauffement climatique et la non-discrimination.

Pour nous, la TNT a l'avantage d'être gratuite pour nos concitoyens, et disponible dans des zones mal ou non couvertes par la fibre ou le réseau ADSL ( asymmetric digital subscriber line, ou liaison numérique asymétrique). Avec la TNT, les diffuseurs locaux – en particulier France 3 – ont une possibilité de décrochage régional, et même local, qu'il est difficile d'imposer aux fournisseurs d'accès Internet. De surcroît, ce mode de diffusion consomme dix fois moins d'énergie que celui des boîtiers d'accès à Internet ou box, et constitue donc un modèle d'avenir.

Les fréquences de la TNT sont un bien public, et les chaînes n'en sont pas propriétaires. Elles doivent donc respecter leur cahier des charges. À ce propos, le renouvellement de quinze canaux de distribution peut permettre d'être plus ambitieux en ce qui concerne les engagements sociaux et environnementaux des chaînes.

Nous assistons depuis plusieurs années à un nivellement vers le bas des acquis sociaux des travailleurs du secteur. Les différents acteurs de l'industrie exigent toujours plus, alors que les moyens humains et financiers ne cessent de diminuer. Ainsi, nombre de métiers se sont vu attribuer des tâches supplémentaires et se sont complexifiés, sans aucune revalorisation en contrepartie.

Depuis plus de quinze ans, les plans de réduction d'emplois se succèdent dans les entreprises publiques et privées. Certains emplois en CDI ont été remplacés par des CDD. Pour illustrer la précarisation du secteur, en 2023, les premiers minima de la convention collective de la télédiffusion ont été augmentés de 9 % afin de dépasser légèrement le Smic.

Les délais de production et de post-production se sont raccourcis, parfois jusqu'à l'impossible, déclenchant des heures supplémentaires que les budgets prévus ne permettent pas de déclarer. La moindre économie compte, depuis la sous-qualification des comptes – combien d'adjoints sans référent ? – jusqu'au non-remboursement des abonnements aux transports en commun des intermittents.

Si ces dérives sont surtout présentes chez les producteurs et les prestataires, qui les justifient par les baisses budgétaires imposées par les diffuseurs, ces derniers ne sont pas exempts de pratiques discutables, qu'il s'agisse de salariat dissimulé par l'emploi d'autoentrepreneurs ou de recours abusif à l'intermittence.

Nos préconisations quant au renouvellement des autorisations de diffusion de la TNT seraient donc liées à des obligations d'engagements sociaux. S'agissant de la vérification des volumes d'intermittence dans les services, il conviendrait de calculer ces proportions par métiers éligibles, et non globalement, comme c'est le cas aujourd'hui. Des engagements écrits et vérifiables sur ce point nous semblent nécessaires. Je tiens à rappeler que malgré ce volume d'emplois intermittents dans certains services, ces salariés, qui se voient souvent plafonner le nombre d'embauches par an par crainte de recours devant les prud'hommes, sont trop rarement éligibles à la représentation du personnel. Cette situation aggrave leur isolement et leur précarité. Tous les publics de salariés devraient être représentés dans les instances représentatives du personnel, notamment les intermittents, qui préfèrent se taire plutôt que de prendre le risque de perdre un employeur.

Nous préconisons également l'interdiction du recours à l'auto-entreprenariat dans l'audiovisuel, des engagements mesurables en ce qui concerne l'écologie, l'empreinte carbone, la non-discrimination et l'égalité entre les femmes et les hommes. En outre, nous prônons une meilleure transparence en matière de résultats financiers, avec une information sur la répartition détaillée entre les bénéfices, les investissements et la masse salariale. Il nous paraît également nécessaire d'imposer une charte de déontologie contraignante garantissant notamment la sécurité matérielle et morale des travailleurs.

D'autre part, nous jugeons indispensable que tous les travailleurs du secteur relèvent de la même convention collective. Ce rattachement commun éviterait des pratiques de concurrence sociale déloyale ou dumping social visant à appliquer des dispositions moins-disantes.

Pour finir, la disparition des chaînes de la TNT, annoncée pour 2030, signifie aussi leur suppression des box et la bascule complète dans l'univers des plateformes Netflix, Apple TV, Amazon Prime, etc. Ces dernières détiennent des accès directs à la TNT via les portails des téléviseurs, ce qui crée déjà une concurrence déloyale avec les acteurs historiques.

Ces géants du numérique, dits Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) captent 90 % des recettes publicitaires sur Internet, dans un marché mondial sur lequel les acteurs nationaux auront le plus grand mal à s'imposer. Des dizaines de milliers d'emplois chez les diffuseurs sont en jeu, sans oublier l'enjeu majeur de souveraineté culturelle. Peut-être faudrait-il mettre à profit cette occasion pour réguler plus largement le secteur.

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Damien Labbé, président de l'Union nationale de défense des intermittents de l'audiovisuel (Undia)

Je voudrais commencer par un point de contexte sur un secteur étrangement méconnu, qui représente pourtant plusieurs milliers d'intermittents. Je veux parler du secteur de la production audiovisuelle d'émissions de télévision, aussi surnommé « le flux ».

Les émissions de télévision regroupent une multitude de genres : le magazine, le reportage, le documentaire, le divertissement, les émissions de plateau, les jeux, la téléréalité, les émissions de variétés, la captation de concerts ou de spectacles vivants. La majorité de ces programmes, tout comme les programmes de fiction, sont imaginés, fabriqués et livrés aux chaînes clé en main par des sociétés de production indépendantes. C'est d'ailleurs une obligation légale pour les chaînes que de favoriser la production indépendante.

Ainsi, les fictions, mais aussi des émissions récurrentes célèbres telles que « Sept à Huit », « Star Academy », « Secrets d'histoire », « C'est à vous », « L'amour est dans le pré », « Quotidien » ou « Touche pas à mon poste » ne sont pas produites par TF1, France Télévisions, M6 ou Canal+, mais par des sociétés de production indépendantes. Les plus célèbres se nomment Éléphant, Endemol, Fremantle, Bangumi, Troisième Œil (filiale de Mediawan) ou H2O Productions (filiale de Banijay).

Les techniciens et journalistes travaillant pour ces sociétés indépendantes sont majoritairement intermittents du spectacle pour les premiers ou pigistes pour les seconds. Ils sont donc salariés par les sociétés de production, et non par les chaînes. Dans ce cas, les producteurs ont tous les droits sur les programmes, dont ils ont eu l'idée originale et qu'ils produisent au quotidien. Puisqu'elles ne sont pas les employeurs des intermittents ou pigistes travaillant pour leur compte, les chaînes s'estiment affranchies de toute responsabilité envers leurs conditions d'embauche.

En tant qu'employeur, le producteur porte la responsabilité légale des heures supplémentaires non rémunérées à un salarié. En réalité, il faut savoir que le producteur fait son possible, avec le budget parfois en baisse alloué par les chaînes de télévision.

En 2021, l'Undia a mené une étude auprès de plus de 2 000 techniciens intermittents de l'audiovisuel, tous secteurs et métiers confondus. D'après les résultats de cette enquête, près de 20 % du temps de travail des personnels interrogés ne serait pas rémunéré. En d'autres termes, chaque technicien travaillerait gratuitement une journée par semaine.

Un article de Mediapart daté du 7 décembre 2023, rédigé à l'occasion du conflit social dans la production audiovisuelle, rapporte que certains techniciens affirment travailler 56 heures par semaine, pour 35 ou 39 heures payées. Cette information n'est malheureusement pas surprenante au regard des témoignages dont nous avons connaissance : certains intermittents déclarent travailler 18 heures par jour pour 8 heures payées. Il ne s'agit nullement d'exceptions ou de cas extrêmes, mais bien de pratiques courantes.

Le Syndicat des professionnels des industries de l'audiovisuel et du cinéma (SPIAC CGT) a d'ailleurs dénoncé ces abus au ministère de la culture le 20 décembre 2023, lors des grèves dans la production audiovisuelle.

Les responsabilités juridiques de cette situation très largement répandue incombent aux employeurs, en l'occurrence les producteurs. Néanmoins, la responsabilité morale est imputable aux clients finaux, à savoir les chaînes de télévision. Ces dernières ne devraient pas pouvoir se retrancher derrière la prétendue méconnaissance d'un système dont elles sont les commanditaires. Elles encouragent tacitement cette concurrence, en durcissant leurs exigences sur la qualité tout en maintenant ou en diminuant leurs tarifs d'achat. Ces constats ont été confirmés à la fois par les syndicats des producteurs et par un directeur de production de Mediawan dans un article paru dans Télé 7 jours en décembre 2023.

Le conflit social récent portait à la fois sur une revalorisation des salaires visant à rattraper l'inflation des quinze dernières années et sur le respect de la convention collective. En réponse à ces revendications, les chaînes ont menacé de commander moins de programmes si le prix d'achat à la minute était revu à la hausse. Cette information m'a été communiquée par les syndicats de producteurs et confirmée directement, à titre officieux, par plusieurs producteurs de télévision.

Je rappellerai également qu'au début de la TNT, le CNC cofinançait les documentaires. À titre d'exemple, un documentaire financé à hauteur de 30 000 euros par la chaîne obtenait une aide du CNC d'un montant équivalent. À mesure que les audiences des chaînes TNT se sont accrues, la dotation du CNC a diminué. Or les versements des chaînes aux producteurs n'ont pas augmenté. Ainsi, le budget global alloué aux documentaires n'a cessé de chuter. De ce fait, les heures supplémentaires se sont envolées. Les réalisateurs ont été payés au forfait, et le recours aux autoentrepreneurs s'est intensifié.

Mon association, l'Undia, est née dans les émissions de flux il y a six ans, car notre secteur était alors un désert syndical et associatif, contrairement au secteur de la fiction. Avec l'ouverture d'une simple page Facebook destinée à informer nos collègues d'un changement à Pôle emploi, nous avons attiré plusieurs milliers d'abonnés ou followers en quelques jours. Nous avons donc décidé de créer une structure plus officielle, qui a immédiatement convaincu 700 adhérents. Nous avons créé une application d'aide aux intermittents, consultée régulièrement par 4 400 utilisateurs. Notre première pétition, diffusée en 2018, a remporté 17 000 signatures. Ces chiffres montrent à quel point le secteur du flux était demandeur de soutien associatif et syndical, et cette réalité explique sans doute pour partie les dérives que je viens d'énoncer.

Depuis notre création, le SPIAC CGT a découvert grâce à nous l'existence des quelques milliers de techniciens et d'intermittents du spectacle qui avaient été oubliés. Depuis lors, nous avons des discussions régulières et constructives avec cette organisation syndicale, qui a été la seule à prendre contact avec l'Undia.

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Merci de vos présentations.

Comme vous le savez, notre commission d'enquête porte sur le respect par les chaînes de leurs obligations à l'égard du public, en particulier. J'ai souhaité vous auditionner, car il existe, à mon sens, un lien très fort entre les conditions de travail et de rémunération et la qualité des contenus produits et diffusés. En tant que rapporteur, il m'appartient de formaliser des propositions précises qui permettront au régulateur d'introduire ces critères sociaux dans les règles d'attribution des autorisations d'émettre à venir. Je précise que nous n'aborderons pas ici la question de la régulation des plateformes, aussi légitime et importante soit-elle.

Pouvez-vous dresser un panorama des secteurs que vous représentez, en nous indiquant notamment la part respective des salariés en CDI, en CDD, en CDD d'usage ou sous d'autres statuts ? Êtes-vous en capacité de nous fournir ces données pour chaque chaîne ? Le cas échéant, vous pourrez bien entendu nous les transmettre par écrit.

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Sarah Fartaoui, représentante du Syndicat national de la radiodiffusion, de la télévision et de l'audiovisuel (SNRT CGT)

Nous pourrons effectivement vous adresser des données détaillées à ce propos. Comme je l'ai expliqué dans mon propos liminaire, le taux d'embauche d'intermittents est calculé de manière globale pour l'ensemble des chaînes et des métiers, ce qui masque des disparités importantes. Parfois, les entreprises affichent un taux d'embauche d'intermittents de 4%, ce qui paraît très faible. Or, si on compare par métiers éligibles à l'intermittence, ces taux atteignent 30%, voire 50%. Il faut donc impérativement revoir les critères de calcul.

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Renaud Bernard, représentant de la Fédération des arts, du spectacle, de l'audiovisuel et de la presse (FASAP FO)

Dans notre groupe, le taux d'emplois précaires s'élève à 10 %, quels que soient les statuts. À côté des différences de statut (intermittent, CDD, CDI), il existe aussi des écarts considérables dans les conditions sociales : à fonction, compétences et travail égaux, les rémunérations varient fortement, de même que les indemnités accessoires. J'ajoute qu'au sein de notre groupe, nous constatons un phénomène de précarisation croissant.

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Jean-Loup Chirol, secrétaire permanent du Syndicat national des techniciens et travailleurs de la production cinématographique et de la télévision (SNTPCT)

En principe, la part des intermittents devrait être limitée aux productions en propre des chaînes. En réalité, nous observons que la grille de salaire des intermittents spécifique à la télédiffusion est la plus basse du secteur. Les chaînes sont donc encouragées à employer sous ce statut même s'il ne correspond pas à la réalité de l'emploi. Il faudrait instituer au moins une priorité de réembauche en faveur des intermittents, qui sont souvent employés sur des émissions récurrentes. Certains personnels cumulent pendant plusieurs années des CDD qui seraient requalifiés en CDI par un juge. Il conviendrait donc de limiter strictement les CDD d'usage à des émissions ponctuelles.

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Damien Labbé, président de l'Union nationale de défense des intermittents de l'audiovisuel (Undia)

En matière de production audiovisuelle, le taux d'emploi d'intermittents est très élevé. Une immense majorité des équipes techniques travaillent sous ce statut. L'autoentreprise est en plein développement et pose de nombreux problèmes. Ce mouvement a pris de l'ampleur en 2016, lors la refonte du système d'indemnisation de Pôle emploi. Certaines personnes, parce qu'elles ont beaucoup travaillé l'année précédente, donc beaucoup cotisé et très peu coûté à la collectivité, se retrouvent à avoir un, deux voire trois mois de franchise de salaire, c'est-à-dire, si elles n'ont pas de travail, un, deux, voire trois mois sans aucun revenu.

Face à cette problématique, certains intermittents ont décidé de créer leur autoentreprise et de facturer leurs prestations à des producteurs. Cette pratique est bien évidemment illégale, car un employeur n'a pas le droit de faire appel à un autoentrepreneur pour exercer un métier référencé dans la convention collective. Ce système est profitable à toutes les parties, mais porte préjudice à la solidarité interprofessionnelle. À titre d'exemple, la rémunération d'une journée de travail d'un monteur, cotisations comprises, coûte 457 euros au producteur. Le technicien perçoit, pour sa part, un revenu de 215 euros imposable. Un autoentrepreneur facturant sa journée 400 euros permet à l'entreprise de dégager une économie de 57 euros par jour. De son côté, le technicien reverse 25 % de son chiffre d'affaires à l'Urssaf et se ménage donc un revenu de 300 euros, quasiment net d'impôt. Il faut donc s'attacher à combattre activement cette dérive.

Lors du dernier conflit social, nous avons appris que certaines sociétés de production créaient leur propre filiale de prestations techniques. En consultant le code de nomenclature d'activité française (NAF) inscrit sur leur bulletin de paie, des techniciens ont découvert qu'ils travaillaient pour le compte d'un prestataire technique, alors qu'ils croyaient intervenir pour une société de production. En réalité, ces prestataires techniques sont des prestataires fantômes. Bien souvent, ils ne disposent même pas du matériel nécessaire, qui est loué à de véritables prestataires techniques. Ils se contentent de se vendre à eux-mêmes leurs propres prestations et n'ont pas de clients. Grâce à ce stratagème, ils peuvent payer leurs techniciens 30 euros de moins par jour puisque la grille salariale de la prestation technique est moins-disante que celle de la production audiovisuelle.

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Sarah Fartaoui, représentante du Syndicat national de la radiodiffusion, de la télévision et de l'audiovisuel (SNRT CGT)

Je viens de recevoir les chiffres publiés par la Commission paritaire nationale emploi et formation de l'audiovisuel ( CPNEF). En 2022, les effectifs de l'ensemble du secteur audiovisuel se composaient de 66 % de CDDU (intermittents), 23 % de CDI, 9 % de CDD et 2 % de pigistes.

J'ajoute que le statut d'autoentrepreneur est parfois imposé par l'employeur. Ainsi, dans un appel d'offres pour les stations régionales, France Télévisions demandait aux maquilleuses de devenir autoentrepreneuses.

Je vous signale également une étude en cours, à l'initiative du ministère de la culture, sur le travail illégal. Elle s'intéresse notamment aux abus à l'autoentreprise et au prêt de main-d'œuvre illicite. À la CGT, et plus spécifiquement au SNRT, nous réclamons la création d'une convention de lutte contre le travail illégal sur ces sujets-là.

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Merci beaucoup. Les décisions de l'Arcom ont-elles un effet sur les conditions de travail dans les différents secteurs que vous représentez ?

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Jean-Loup Chirol, secrétaire permanent du Syndicat national des techniciens et travailleurs de la production cinématographique et de la télévision (SNTPCT)

Dans le secteur de la production, je ne crois pas que ces décisions aient un effet concret, car le producteur est l'employeur des techniciens, donc on ne voit pas bien comment l'Arcom pourrait intervenir directement.

Il aurait été préférable que la production dite « de flux » soit rattachée à la convention collective des prestataires techniques, puisque ces secteurs appartiennent au même corps professionnel et exercent la même activité. Si tel était le cas, le prêt de main-d'œuvre tirant profit d'une convention collective moins-disante n'aurait pas été possible. Cette problématique ne sera résolue qu'une fois que les conditions de la convention collective de la prestation de service auront été améliorées.

En tout état de cause, les chaînes portent une responsabilité de donneur d'ordre, puisqu'elles sont cofinanceuses. Les heures de travail non déclarées et l'embauche de techniciens sous des statuts inappropriés engagent donc la responsabilité des chaînes. L'Urssaf requalifie d'ailleurs en CDI les techniciens employés sous statut d'autoentrepreneur et inflige des sanctions très lourdes aux entreprises contrevenantes. Le cas s'est présenté avec des « ventouseurs » : ces personnels étaient embauchés sous statut d'autoentrepreneur par une société de production pour réserver des places de stationnement pour des tournages. En réalité, rien ne justifiait ce statut, puisqu'ils travaillaient sous la subordination du producteur.

De notre point de vue, la question est d'abord économique, même si elle a des incidences sociales : quelle est la part de la collectivité dans le financement des offres pour garantir le respect des conditions sociales dans le secteur de la production ?

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Sarah Fartaoui, représentante du Syndicat national de la radiodiffusion, de la télévision et de l'audiovisuel (SNRT CGT)

Je souhaiterais réagir à ces propos. Le SNRT CGT est lui aussi favorable au rattachement de l'ensemble des entreprises du champ audiovisuel à une même convention collective, à condition d'opter pour la mieux-disante. En effet, intégrer les personnels du flux à la convention des prestations audiovisuelles reviendrait à dégrader les conditions de travail de tous ces travailleurs. Je ne vous cache pas mon étonnement en entendant les propos de M. Chirol.

S'agissant de l'Arcom, elle ne possède pas encore de moyens de vérification des données sociales des entreprises du secteur. Nous demandons de pallier ce manque. En revanche, l'Arcom s'assure que la représentation des femmes et des personnes en situation de handicap à l'antenne soit respectée. Nous sommes bien évidemment très favorables à ces dispositions.

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Damien Labbé, président de l'Union nationale de défense des intermittents de l'audiovisuel (Undia)

Je partage l'étonnement de Sarah Fartaoui. Il va de soi que les personnels travaillant dans des sociétés de production, flux ou documentaire, ne vendent pas du matériel ni des prestations strictement techniques. Les programmes diffusés sur la TNT comportent tous une part artistique, prise en charge par des techniciens relevant de la production, et non de la prestation.

À ma connaissance, l'Arcom n'exerce aucun rôle sur les relations sociales. Cependant, le CNC remplit un rôle indirect de régulateur social, qui pourrait être une source d'inspiration pour l'Arcom. Avant d'accorder un bonus à un producteur, sur un documentaire de cinquante-deux minutes, le CNC vérifie que les cinq semaines de montage ont été respectées. Pour ce faire, il examine le contrat de travail et les fiches de paie du chef monteur. Il serait envisageable d'assigner des exigences analogues à l'Arcom : celle-ci se devrait alors de vérifier, poste par poste, que le temps de travail est cohérent par rapport à la demande de la chaîne. L'Arcom pourrait aller jusqu'à demander les fiches de paie et les contrats de travail des techniciens concernés. Cette mesure devrait contribuer à responsabiliser les chaînes par rapport au budget alloué aux producteurs.

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Renaud Bernard, représentant de la Fédération des arts, du spectacle, de l'audiovisuel et de la presse (FASAP FO)

L'Arcom veille au respect du cahier des charges, mais n'a aucun droit de regard sur les conditions sociales ni sur une éventuelle conditionnalité. Cela soulève une question qui dépasse l'Arcom. En tant qu'organisations syndicales, nous pourrions appeler de nos vœux une régulation plus stricte et la multiplication des normes. Mais c'est surtout l'application des normes qui fait défaut. Dans un secteur pourtant hautement subventionné par la puissance publique, la loi n'est pas appliquée. Que fait le régulateur pour obtenir le respect de ses propres normes ?

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Merci. Monsieur Labbé, ne pensez-vous pas que la précarité et les inégalités salariales sont des leviers pour faire accepter aux différents agents des situations contraires à leur éthique professionnelle, qu'ils ne toléreraient pas en temps normal ?

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Damien Labbé, président de l'Union nationale de défense des intermittents de l'audiovisuel (Undia)

Je ne le crois pas. D'après les témoignages portés à ma connaissance, aucun technicien ne s'est retrouvé en position de monter un reportage allant à l'encontre de ses convictions. Il suffit de comparer un documentaire diffusé à l'heure de grande écoute ou prime time sur la chaîne Arte avec un documentaire sur la TNT pour mesurer les écarts qualitatifs et budgétaires.

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Renaud Bernard, représentant de la Fédération des arts, du spectacle, de l'audiovisuel et de la presse (FASAP FO)

Dans tous les métiers, la précarisation entraîne effectivement une position de dépendance, qui favorise les dérives. Les débats et les questionnements sont moins approfondis, le travail est mené plus rapidement, voire bâclé. Il ne fait aucun doute que l'institutionnalisation de la précarité se répercute sur la qualité des produits.

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Jean-Loup Chirol, secrétaire permanent du Syndicat national des techniciens et travailleurs de la production cinématographique et de la télévision (SNTPCT)

J'ajoute que les conditions de travail dans le documentaire se sont aggravées. Les producteurs sont soumis à de telles pressions qu'ils peuvent être enclins à moins s'interroger sur leurs actions. Nous sommes convenus avec eux d'aborder séparément la situation du documentaire, car il est primordial de favoriser ce type de programme. La TNT devrait avoir pour objectif d'explorer des horizons non accessibles à d'autres chaînes, et ce point devrait être une condition à l'autorisation d'émettre, ainsi que l'amélioration des conditions économiques dans le reportage et le documentaire.

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Damien Labbé, président de l'Union nationale de défense des intermittents de l'audiovisuel (Undia)

S'agissant du documentaire, je voudrais évoquer le combat mené par la Guilde des auteurs-réalisateurs de reportages et de documentaires (Garrd). Ce syndicat récent a pour mission de protéger les auteurs et réalisateurs de reportages et de documentaires.

Lorsqu'un producteur a l'idée d'un reportage ou d'un documentaire, il soumet un dossier de plus en plus fourni aux chaînes de télévision. La rédaction de ce document nécessite une préenquête, des propositions d'intervenants, et parfois même un séquencier très détaillé. Elle représente des semaines, voire des mois de travail, pour le réalisateur. Toutefois, ce dernier n'est rémunéré par le producteur que si le projet est acheté par la chaîne.

Or un réalisateur n'est pas un entrepreneur censé prendre des risques, mais un salarié payé pour le travail accompli, quand bien même sa mission de développement ne porte pas ses fruits. En réalité, il endosse tous les risques liés au développement, y compris celui de ne pas percevoir de rémunération pour le temps consacré à ses activités de « recherche et développement » (R&D). Pourtant, chacun sait que toute entreprise de grande taille consacre un budget colossal à la R&D.

Il existe tout de même des pistes d'action pour traiter ce problème. Aujourd'hui, Arte et France Télévisions n'acceptent plus de lire un dossier si elles n'ont pas la preuve que le réalisateur a été payé pour l'élaborer. De mon point de vue, cette initiative mériterait d'être étendue à toutes les chaînes privées et à celles de la TNT.

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Vos propos nous mènent à réfléchir à la notion de qualité, qui renvoie souvent à la subjectivité. Monsieur Labbé, vous avez affirmé qu'un documentaire diffusé sur la TNT est « moins bien produit » qu'un documentaire retransmis sur Arte. Pouvez-vous nous préciser le sens que vous donnez à cette expression ?

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Damien Labbé, président de l'Union nationale de défense des intermittents de l'audiovisuel (Undia)

Il est évident que le temps de tournage et de montage d'un documentaire sur la TNT est bien plus court que sur Arte. Le temps de travail peut être divisé par deux ou trois. En TNT, les équipes techniques sont moins nombreuses, et le réalisateur remplit aussi les fonctions de chef opérateur et preneur de son. Bien entendu, une personne seule travaille moins bien qu'une équipe disposant d'un temps plus long.

Le temps de montage est tout aussi déterminant pour l'écriture du documentaire, qui ne repose pas sur un scénario, mais sur un séquencier servant de feuille de route. Plus le temps de montage est long, plus la réflexion est approfondie et plus la qualité de l'œuvre et son impact social potentiel sont grands. Le prix d'achat à la minute est un indice de la qualité du produit final. Il en est de même pour les fictions : un film en salle mobilisant de grandes équipes techniques et des moyens considérables n'a pas la même qualité qu'une fiction quotidienne, produite de manière plus industrielle. C'est en ce sens que j'ai parlé de qualité.

Pour le reste, l'appréciation du message porté par un film est éminemment subjective, et je ne suis pas en capacité de juger cet aspect.

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Renaud Bernard, représentant de la Fédération des arts, du spectacle, de l'audiovisuel et de la presse (FASAP FO)

La qualité d'un film est subjective, et par conséquent discutable. En revanche, les conditions concourant à la réalisation d'un produit sont objectives. Il y a dix ans encore, une minute de télévision traditionnelle revenait à 1 500 euros. Aujourd'hui, ce coût peut tomber à 350 euros. Il va de soi que ces écarts de prix se répercutent sur les moyens mobilisés et, in fine, sur la qualité du produit.

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Sarah Fartaoui, représentante du Syndicat national de la radiodiffusion, de la télévision et de l'audiovisuel (SNRT CGT)

J'abonderai dans ce sens. Nous considérons que la qualité d'un programme est étroitement corrélée à la qualité des conditions de travail. Une réalisation est forcément mieux réussie si les équipes sont au complet. Cette remarque ne s'applique pas forcément au matériel technique : d'excellents films ont été réalisés avec un smartphone. C'est donc essentiellement la qualité des conditions de travail des équipes qui permet d'apprécier objectivement la qualité d'un produit.

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La rentabilité insuffisante de certaines chaînes les incite à réduire davantage leurs coûts. Ainsi, lors d'une audition, NRJ Group nous a expliqué que cette condition était indispensable pour préserver son équilibre budgétaire. Dans le même temps, nous assistons à une forte concentration des acteurs du secteur audiovisuel, qui contribue nécessairement à homogénéiser les contenus. Quelles seraient, d'après vous, les solutions à mettre en œuvre pour enrayer ces deux tendances ?

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Renaud Bernard, représentant de la Fédération des arts, du spectacle, de l'audiovisuel et de la presse (FASAP FO)

Si la puissance publique décidait de suspendre ses subventions au marché, nous distinguerions rapidement les entreprises restant debout et celles qui ne se relèveraient pas. Naturellement, je n'appelle pas de mes vœux ce scénario, puisque je défends les intérêts de tous les salariés de l'audiovisuel.

À défaut d'établir de nouvelles normes, le régulateur pourrait commencer par opérer des contrôles dans tous les domaines. J'en reviens au rapport de l'Inspection générale des affaires culturelles de septembre 2023, qui conclut que les réalisateurs de reportages magazines ont perdu 30 % de leur niveau de vie en vingt ans. Dès lors que ces faits ont été objectivement constatés par l'administration, comment expliquer l'absence de procédure ou de sanction ? Pourquoi l'Urssaf n'intervient-elle pas auprès des entreprises employant des monteurs sous statut d'autoentrepreneur ? Je souligne que ces dérives émanent d'acteurs privés, mais aussi publics. Tous les opérateurs de l'industrie audiovisuelle, qu'ils soient producteurs ou diffuseurs, tirent profit de ces procédés.

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Jean-Loup Chirol, secrétaire permanent du Syndicat national des techniciens et travailleurs de la production cinématographique et de la télévision (SNTPCT)

Le secteur de la production paie la confusion qui s'est introduite dans la convention collective de la production audiovisuelle. Pour les réalisateurs, les premières réunions de négociation auxquelles j'ai participé remontent à 1995. Jusqu'à présent, les syndicats de producteurs ont toujours fait obstruction à notre demande, en exigeant un statut unique de réalisateur de télévision. Nous avions beau leur expliquer qu'un réalisateur de fiction se distingue d'un réalisateur de documentaire ou d'un réalisateur d'émissions de télévision. Face à cette obstruction, le salaire d'un réalisateur, excepté celui d'un réalisateur de fiction qui vient enfin d'avoir un revenu minimum, c'est aujourd'hui le Smic.

La situation a continué de se dégrader, car les syndicats de producteurs n'avaient pas anticipé les pressions des télédiffuseurs du fait de leur concentration. En 2017, les syndicats de producteurs ont finalement accepté d'ouvrir un débat autour du salaire des différents réalisateurs. Mais nous sommes encore loin du but, et les propositions faites frisent l'indécence. Il nous faut donc étudier la situation de chacune des branches concernées pour remettre en selle les producteurs dans leurs négociations avec les télédiffuseurs.

La situation ne pourra s'améliorer qu'à partir du moment où l'équipe technique de documentaire aura été réintégrée dans son identité professionnelle, sans quoi les télédiffuseurs continueront d'imposer des baisses de prix.

Il s'agit de dépasser le paradoxe des chaînes qui ont à la fois besoin d'une audience pour continuer à fonctionner, mais aussi d'une identité de chaîne et d'une originalité de programmation. Si ces conditions ne sont pas remplies, ces chaînes peuvent difficilement être rentables.

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Damien Labbé, président de l'Union nationale de défense des intermittents de l'audiovisuel (Undia)

Je suis entièrement d'accord avec M. Chirol : le métier de réalisateur est complètement différent selon le domaine dans lequel il est exercé. En réalité, les trois métiers de réalisateurs recouvrent des réalités et des champs de compétences très différents les uns des autres.

Concentrant les réalisateurs de documentaires, la convention collective ne prévoit pas de salaire minimum, qui est aligné sur le Smic. Encore faut-il que le réalisateur soit payé ! Lorsque le CNC a réduit sa dotation pour les documentaires diffusés sur la TNT, sans contrepartie des chaînes, les producteurs n'ont pas eu d'autre choix que de proposer des forfaits aux réalisateurs. De fait, il est difficile de quantifier le temps consacré à l'enquête et à la rédaction d'un dossier. En phase de production, en revanche, le temps de tournage et de montage est aisément quantifiable puisqu'il est calculé en nombre de jours. Pourtant, le réalisateur est souvent présent sans être rémunéré parce qu'il dépasse rapidement le forfait alloué, surtout pour des documentaires destinés à la TNT.

Par ailleurs, le profil du réalisateur de documentaire se rapproche beaucoup de celui du journaliste de reportage. D'ailleurs, il arrive souvent que ces deux métiers soient exercés alternativement par la même personne. Pourtant, chacun reconnaîtra qu'un journaliste est mieux placé qu'un réalisateur de documentaire pour réaliser une production destinée à « Envoyé spécial » ou « Complément d'enquête ».

Il s'avère que la plupart des journalistes travaillent comme pigistes, et relèvent donc du régime général. Or la récente réforme du régime général sanctionne très durement les salariés exerçant des activités discontinues, ce qui est le cas des pigistes. Ainsi, ces derniers ont vu leurs indemnités versées par Pôle emploi divisées par deux, voire par trois. Pour subvenir à leurs besoins, ces journalistes sont alors obligés de devenir intermittents, et par conséquent réalisateurs, quitte à perdre leur carte de presse qui leur est pourtant essentielle afin de traiter de certains sujets d'investigation.

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Selon vous, les sanctions financières de l'Arcom ont-elles des conséquences efficaces sur les chaînes et sur les sociétés de production ? Par ailleurs, avez-vous déjà été amenés à saisir un comité d'éthique pour dénoncer des atteintes à l'honnêteté, à l'indépendance et au pluralisme de l'information ? Enfin, que pensez-vous des règles actuelles encadrant la pluralité des courants de pensée et d'opinion, tant dans les périodes électorales qu'en dehors de ces périodes ?

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Renaud Bernard, représentant de la Fédération des arts, du spectacle, de l'audiovisuel et de la presse (FASAP FO)

Sur les sujets d'éthique et de pluralisme de l'information, nous avons eu la chance d'être auditionnés deux fois par le Conseil économique, social et environnemental (CESE) et par le Comité de pilotage des états généraux de l'information. À cette occasion, nous avons souligné que les métiers liés à l'information – et particulièrement celui de journaliste – ne sont pas couverts par des obligations déontologiques ou éthiques. La Commission de la carte d'identité des journalistes professionnels revendique des principes que les journalistes sont libres d'adopter ou non. Imaginons que les médecins ou les notaires, bien qu'affiliés à un ordre, soient libres d'agir sans se conformer aux règles prescrites par ledit ordre ! Nous espérons vivement que le message que nous avons porté auprès des deux instances précitées sera retenu, et que des règles éthiques et déontologiques seront imposées aux métiers de l'audiovisuel.

J'ai moi-même commis des erreurs dans ma carrière professionnelle, et j'ai été amené à constater de multiples dérives qui n'ont souvent pas été traitées. Cette réalité n'est pas acceptable.

Pour ce qui est du pluralisme de l'information, j'observe qu'il existe une forme de pluralisme découlant de la répartition des opérateurs publics et privés. Néanmoins, il me semble que l'intervention de l'Arcom auprès du secteur audiovisuel manque d'agilité et reste trop légère, car elle n'entre pas dans la granularité du manque de pluralisme et laisse passer diverses situations qui mériteraient d'être questionnées.

J'en viens au cœur de votre question, à savoir le pouvoir de sanction de l'Arcom. Si les sanctions financières venaient réprimer des abus incontestables, elles marqueraient bien plus les esprits que les sanctions portant sur le contenu qualitatif d'un programme – lesquelles suscitent de nombreux débats, mais n'ont que peu d'impact sur les conditions de travail et sur les réalisations futures des mêmes programmes. Dans les conditions actuelles, le pouvoir de sanction de l'Arcom me paraît donc contre-productif.

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Sarah Fartaoui, représentante du Syndicat national de la radiodiffusion, de la télévision et de l'audiovisuel (SNRT CGT)

Je voudrais rappeler que la clause de conscience n'existe pas pour les techniciens. De prime abord, les questions éthique et déontologique semblent donc circonscrites au métier de journaliste. Cependant, il ne faut pas oublier que les programmes diffusés à l'antenne ont des répercussions internes et externes pour les travailleurs. À titre d'exemple, il y a une quinzaine d'années, les personnels travaillant à TF1 étaient affublés du sobriquet de « TFN », preuve que les travailleurs finissent par être associés aux contenus retransmis à l'antenne.

S'agissant du rôle de l'Arcom, les amendes infligées aux diffuseurs sont parfois invoquées par ces derniers pour justifier le refus d'accorder des augmentations de salaire. En fin de compte, on revient toujours aux conditions sociales des travailleurs. Je maintiens que l'instauration de critères sociaux dans la création peut favoriser la réalisation de contenus de qualité.

À ce propos, permettez-moi de vous dire que nous avons suivi avec le plus grand intérêt les auditions intéressantes de Julia Cagé et Claire Sécail.

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Monsieur Bernard, vous avez évoqué l'importance des subventions publiques et les difficultés des chaînes non rentables. Toutefois, les grands groupes de production sont très rentables. Quelle est votre analyse sur la répartition des profits sur ce marché ? Connaissez-vous le montant des aides publiques allouées au secteur par rapport aux profits des sociétés et aux salaires des effectifs ?

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Renaud Bernard, représentant de la Fédération des arts, du spectacle, de l'audiovisuel et de la presse (FASAP FO)

Il y a dix ans, le simple fait de déposer le script d'un reportage magazine de cinquante-deux minutes donnait automatiquement droit à une aide du CNC. Cette subvention pouvait alimenter une partie significative du bilan annuel d'un journaliste producteur indépendant, avant même la mise en production. Malgré la diminution du volume d'aide, l'intervention de la puissance publique demeure importante – sans parler des 4 milliards d'euros versés chaque année par la collectivité à l'audiovisuel public.

D'ailleurs, l'audiovisuel est peut-être le deuxième secteur le plus aidé, après la culture, par la collectivité nationale. Sans les dispositifs d'aide de l'État, les producteurs publics et privés seraient certainement en difficulté.

L'industrie de l'audiovisuel se caractérise par un phénomène de concentration : il existe une myriade d'intervenants, mais ce sont souvent les mêmes sociétés mères qui captent l'essentiel des profits.

Je voudrais vous faire part d'un autre exemple éclairant. Lors des négociations sur la révision de la convention collective nationale des journalistes, nous étions en présence d'employeurs, dont certains représentant une grande association de journaux de presse écrite. Tous ces titres appartiennent à de grands groupes capitalisés. Il s'avère que les grilles salariales appliquées par ces employeurs prévoient des minima inférieurs au Smic. Il s'ensuit que lors des révisions salariales, les salaires les plus bas restent alignés sur le Smic – qui constitue le plancher légal de rémunération en France. Cette répartition inégale des profits, nous la rencontrons aussi dans le secteur audiovisuel. Si ces grands groupes ont toute leur place sur le marché, ils ne comprennent pas que la chaîne de valeur inclut tous les travailleurs et ne se limite pas aux entreprises et à leurs actionnaires.

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Sarah Fartaoui, représentante du Syndicat national de la radiodiffusion, de la télévision et de l'audiovisuel (SNRT CGT)

D'après nous, il est évident que les profits sont mal répartis. Il serait judicieux de lancer un audit pour analyser l'utilisation des subventions publiques.

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Jean-Loup Chirol, secrétaire permanent du Syndicat national des techniciens et travailleurs de la production cinématographique et de la télévision (SNTPCT)

Il faudrait aussi examiner le mécanisme du CNC. Une partie du chiffre d'affaires des éditeurs de programmes est prélevé sous forme de taxes et reversé au CNC, qui finance les producteurs. Ce système doit inciter les producteurs à produire. Il serait intéressant de connaître leur plan de développement quant à l'utilisation des fonds reçus du CNC et quant au volume de programmes inédits produits par ce biais.

De notre point de vue, cette question devrait être posée par l'Arcom aux éditeurs de programmes demandant une autorisation d'émettre. Il faudrait surtout favoriser les programmes inédits.

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Damien Labbé, président de l'Union nationale de défense des intermittents de l'audiovisuel (Undia)

Comme je l'ai déjà indiqué, lorsque les syndicats de producteurs sont venus demander une augmentation de l'enveloppe des programmes, suite au récent conflit social, les chaînes de télévision, notamment du service public, ont menacé de réduire leur volume de commandes si le prix à la minute était revu à la hausse.

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Avez-vous pu constater, de manière objective, la standardisation et l'homogénéisation des programmes ? De manière empirique, chaque téléspectateur peut observer ce processus. D'autre part, certaines de vos relations professionnelles vous ont-elles rapporté des consignes visant à standardiser et homogénéiser les contenus ? Je pense par exemple à la scénarisation des jeux ou des émissions de téléréalité.

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Damien Labbé, président de l'Union nationale de défense des intermittents de l'audiovisuel (Undia)

La télévision a toujours redouté la nouveauté, car nous ne pouvons jamais anticiper le succès ou l'échec d'un nouveau format. En pratique, toutes les chaînes et les émissions observent les mêmes standards et les mêmes codes. Lorsqu'une recette fonctionne bien, il nous est demandé de l'appliquer de manière standardisée. Une fois encore, ce problème s'explique par un budget insuffisant de R&D : nous n'avons pas le temps d'expérimenter des contenus innovants, en prenant le risque de sacrifier un travail qui n'aboutirait pas. Nous sommes tenus par des délais très contraints, particulièrement avec la TNT. N'ayant pas assez de temps pour créer des nouveautés, nous sommes tous contraints de répéter indéfiniment les mêmes méthodes.

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Jean-Loup Chirol, secrétaire permanent du Syndicat national des techniciens et travailleurs de la production cinématographique et de la télévision (SNTPCT)

Aujourd'hui, un producteur de télévision est quasiment un prestataire au service de la chaîne qui le finance. Pour qu'il dispose d'une plus grande indépendance, il conviendrait d'inventer des mécanismes nouveaux. Le producteur deviendrait ainsi responsable de son programme au regard des audiences qu'il fait. Cette approche existe dans le cinéma, puisqu'il existe un fonds de soutien automatique qui dépend des entrées. À la télévision, c'est la chaîne qui décide du programme. A ce titre, elle détient un grand pouvoir sur le producteur. La même question se pose pour les rédactions. On pourrait imaginer un système dans lequel on conditionnerait le droit d'une chaîne à avoir une rédaction à l'indépendance de cette dernière – y compris économique

L'enjeu consiste à trouver des mécanismes de régulation suffisamment fins, ce qui implique une remise en question du modèle économique existant. Pour l'instant, la première préoccupation de tous les dirigeants de chaîne est l'audience, car cette dernière conditionne leur rentabilité.

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Sarah Fartaoui, représentante du Syndicat national de la radiodiffusion, de la télévision et de l'audiovisuel (SNRT CGT)

Nous n'avons pas encore mentionné la pression exercée par les annonceurs. Il y a une vingtaine d'années, M6 avait envisagé de diffuser un documentaire sur Danone. L'industriel avait riposté en annonçant qu'il retirait toutes ses publicités sur le groupe M6. Au-delà des lignes éditoriales internes, qui procèdent de choix politiques, ces pressions extérieures pèsent lourdement sur l'équilibre économique des chaînes.

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Renaud Bernard, représentant de la Fédération des arts, du spectacle, de l'audiovisuel et de la presse (FASAP FO)

De nombreux programmes ou chaînes de télévision de la TNT appellent les opérateurs de prises de vue ou cameramen des « aspirateurs à images ». Leur rôle consiste à tout filmer, ce qui permet de raconter une autre histoire en salle de montage, en exploitant les rushs. Le montage, qui est une activité de création propre, permet de raconter l'histoire au travers du prisme choisi a posteriori, et non pas avec un récit linéaire.

L'influence de ceux qui détiennent le pouvoir économique sur la nature du contenu est également liée à la précarisation des statuts. Un journaliste en situation de précarité absolue sera peu enclin à se prévaloir de la clause de conscience pour tenter de résister à une injonction de son employeur.

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Damien Labbé, président de l'Union nationale de défense des intermittents de l'audiovisuel (Undia)

Je rejoins les propos de Jean-Loup Chirol quant à la mainmise des chaînes sur les programmes. Étant en position de faiblesse et de précarité face à la chaîne, le producteur ne peut défendre sa position, sous peine d'être définitivement écarté. La précarité de nos employeurs vis-à-vis de leurs clients finaux est comparable à notre propre précarité envers les producteurs. Un intermittent ayant un conflit avec son producteur s'expose à perdre toute chance de retravailler avec lui : le producteur est également dans cette situation vis-à-vis de la chaîne. À cet égard, le regroupement des sociétés de production pourrait avoir un effet positif, car il est bien plus facile de se séparer d'un petit producteur que d'un groupe puissant.

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Dans la mesure où les capitaux des gros producteurs sont liés à ceux des chaînes, ce processus de concentration risque d'intensifier l'homogénéisation des contenus.

Vos remarques sur l'interventionnisme sont intéressantes, car elles contredisent le discours de la plupart des chaînes : dans le débat public, celles-ci plaident pour une liberté de création totale et affichent leur volonté d'accorder une marge de manœuvre aux réalisateurs. Mais dès lors que les chaînes interviennent même sur des micro-détails, on a du mal imaginer qu'elles n'évaluent pas des choix plus importants en termes de pluralisme ou d'intérêts économiques.

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Sarah Fartaoui, représentante du Syndicat national de la radiodiffusion, de la télévision et de l'audiovisuel (SNRT CGT)

Permettez-moi de préciser le différend entre Danone et M6 auquel j'ai fait référence. À l'époque, un magazine d'enquête de M6 avait produit un reportage consacré au groupe Danone. J'ignore s'il avait été diffusé, mais M6 avait subi des menaces de Danone, qui avait décidé de retirer toutes ses publicités.

Encore une fois, les chaînes sont très dépendantes de la publicité. Or l'uniformisation des programmes rassure les annonceurs et les publicitaires. Nous connaissons tous la célèbre déclaration de Patrick Le Lay, ancien PDG du groupe TF1 : « Ce que nous vendons à Coca-Cola, c'est du temps de cerveau humain disponible ».

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Damien Labbé, président de l'Union nationale de défense des intermittents de l'audiovisuel (Undia)

Pour appuyer les propos de Sarah Fartaoui, je voudrais rappeler les propos tenus par M. de Tavernost, président de M6, dans l'émission « Le supplément » diffusée sur Canal+. Après avoir affiché son « respect inconditionnel pour son client », il avait précisé à la présentatrice que son client était l'annonceur, et non le téléspectateur.

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Suite aux grèves récentes dans l'audiovisuel, pourriez-vous nous préciser votre avis sur l'avenant à la convention collective de la production audiovisuelle, signé par trois des quatre organisations syndicales ?

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Jean-Loup Chirol, secrétaire permanent du Syndicat national des techniciens et travailleurs de la production cinématographique et de la télévision (SNTPCT)

Notre organisation est signataire de cet avenant. D'après nous, l'inconvénient de la convention collective de la production audiovisuelle tient au fait qu'elle regroupe deux activités : les films de télévision, d'une part, et les émissions de télévision, d'autre part. En réalité, ces deux corps professionnels sont indépendants l'un de l'autre : ils exercent des activités différentes, n'ont pas les mêmes syndicats de producteurs ni les mêmes interlocuteurs pour les chaînes, et sont soumis à des réglementations différentes. En effet, les films de télévision bénéficient du soutien du CNC, contrairement aux émissions de télévision.

Dès l'institution de la convention collective, les pressions des acteurs ont entraîné une baisse ininterrompue des salaires. Ce n'est pas faute d'avoir mis en garde les syndicats de producteurs contre l'indignation croissante des techniciens. Lors de la dernière réunion de négociation, les syndicats des producteurs ont refusé toute augmentation salariale, malgré une inflation de 6 % en 2022. Cette attitude a déclenché une crise et un mouvement social.

Le deuxième jour du mouvement, les syndicats de producteurs ont fait valoir qu'ils étaient dans l'impossibilité d'accorder des augmentations de 20 %, arguant de l'hétérogénéité de la convention collective. Pour parvenir un accord, il fallait donc commencer par obtenir la reconnaissance de nos deux professions : technicien pour les films de télévision et technicien pour les émissions de télévision. Les syndicats de producteurs nous ont donc proposé un avenant qui était conforme à notre demande. Un délai de six mois nous a été accordé pour établir deux listes de titres de fonction et bâtir des grilles correspondantes.

J'insiste sur l'importance considérable de cet avenant. En modifiant la conception de nos métiers et la structuration de la convention collective, il nous aidera à mieux négocier.

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Sarah Fartaoui, représentante du Syndicat national de la radiodiffusion, de la télévision et de l'audiovisuel (SNRT CGT)

Je tiens à préciser que cette grève a été initiée par le SPIAC CGT et l'Undia. Je constate que le SPIAC CGT n'a pas été invité à cette audition, mais j'espère que vous avez prévu de le recevoir. Ce syndicat siège à la table de négociation de la convention collective de la production.

Au SNRT, nous soutenons bien entendu la grève. Nous sommes opposés aux quatre listes, puisque nous sommes favorables à l'instauration d'une convention collective unique pour tout le secteur. Ces évolutions sont donc contraires à ce que nous réclamons.

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Damien Labbé, président de l'Union nationale de défense des intermittents de l'audiovisuel (Undia)

Je rejoins ces propos. Le fait est que le « découplage » dans la production audiovisuelle fait l'unanimité contre lui. Deux organisations syndicales, le SPIAC CGT et le SNDPCT, ont eu la bonne idée de proposer un vote sur l'avenant. Le résultat de ce scrutin a été le suivant : 358 voix contre et 34 voix pour. En dépit de ce déséquilibre flagrant, l'avenant a été signé. Ce résultat n'est pas de nature à éteindre le conflit social.

J'ajoute que de notre point de vue, la quasi-totalité des métiers sont identiques dans les différents secteurs, avec quelques adaptations. Seuls les métiers de script et de réalisateur font exception à cette règle. Mais le chef monteur, le chef opérateur, l'ingénieur du son, le mixeur, le monteur, l'étalonneur, le maquilleur ou l'habilleur exercent le même métier.

En résumé, je ne suis absolument pas d'accord avec l'intervention de M. Chirol.

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Renaud Bernard, représentant de la Fédération des arts, du spectacle, de l'audiovisuel et de la presse (FASAP FO)

L'avenant a permis une légère avancée du débat. Pour notre part, nous n'avons pas de commentaire à ajouter à ce sujet.

Je voudrais répondre rapidement à la question précédente de M. le rapporteur. Les diffuseurs de télévision sont des éditeurs, qui obéissent à une ligne éditoriale qu'ils sont libres de choisir s'ils reposent sur leurs propres capitaux. C'est à la puissance publique qu'il incombe de faire respecter les règles de pluralisme auprès de l'ensemble des opérateurs. Ceux qui bénéficient des aides publiques, comme l'audiovisuel public, devraient être soumis à des contrôles accrus, de manière à infléchir, tempérer ou harmoniser leur ligne éditoriale.

Pour finir, je souhaite revenir sur la répartition des profits. Entre 2015 et 2023, la France a connu une inflation de 17 %, pour une croissance de 12 %. Sur la même période, les salaires dans l'audiovisuel public n'ont augmenté que de 3,7 %.

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Madame et Messieurs, je vous remercie. Je vous propose de compléter ces échanges en envoyant tous les documents que vous jugerez utiles à la commission d'enquête, et en répondant par écrit au questionnaire qui vous a été adressé.

La commission auditionne des dirigeants du Groupe M6.

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Nous poursuivons nos auditions en entendant les représentants du Groupe M6 : M. Nicolas de Tavernost, président du directoire, Mme Karine Blouët, membre du directoire, en charge des affaires publiques, et M. Thomas Valentin, conseiller du président du directoire pour les contenus.

Le groupe M6 est une filiale de RTL Group, qui est sous le contrôle de la société allemande Bertelsmann. Il dispose de trois réseaux de radios – RTL, RTL2 et Fun Radio – et est aujourd'hui titulaire de cinq autorisations d'émettre sur la télévision numérique terrestre (TNT) :

– M6, diffusée depuis 1987 en analogique et 2005 sur la TNT, s'est vu attribuer le 27 avril 2023 une nouvelle autorisation pour dix ans ;

– W9, diffusée depuis 2005 et reconduite hors appel à candidatures en 2009, verra son autorisation arriver à échéance le 28 février 2025 ;

– 6ter, diffusée depuis 2012 et reconduite hors appel à candidatures en 2022, dont l'autorisation arrivera à échéance le 11 décembre 2027 ;

– Gulli, diffusée depuis 2005 et rachetée en 2019 au groupe Lagardère, dont l'autorisation, reconduite le 10 juillet 2019, arrivera à échéance le 30 août 2025 ;

– Paris Première, créée en 1986 pour une diffusion sur le câble, et diffusée depuis 2005 sur la TNT payante, dont l'autorisation a été reconduite en 2019 et arrivera à échéance le 28 février 2025.

Le groupe M6 édite également neuf chaînes en dehors des fréquences de la TNT.

Madame, messieurs, je vais vous céder la parole pour une intervention liminaire d'au plus dix minutes, qui précédera notre échange sous forme de questions et de réponses, à commencer par celles de notre rapporteur.

Je vous remercie de nous déclarer tout autre intérêt public ou privé de nature à influencer vos déclarations.

Auparavant, je vous rappelle que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

Je vous invite donc, madame, messieurs, à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».

(Mme Blouët, M. de Tavernost et M. Valentin prêtent successivement serment.)

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Nicolas de Tavernost, président du directoire de M6

Le groupe M6 est issu, non d'une privatisation, mais de la création d'une entreprise, en mars 1987. Nous étions une cinquantaine de personnes, à l'origine, pour lancer cette chaîne. Les actionnaires ont investi près de 1,3 milliard de francs pour parvenir à l'équilibre économique. Nous avons été introduits sur le marché boursier en 1994 ; nous représentions alors environ 31 % de la valeur du groupe TF1.

La société a des activités de plusieurs types. Nous sommes d'abord une société de contenus. Nous proposons de l'information et des magazines et employons 350 journalistes permanents dans nos radios et nos chaînes de télévision. Nous avons créé la société C. Productions, qui produit ou fait produire un certain nombre de nos magazines tels « Capital », « Zone interdite », « Enquête exclusive », « 66 minutes », « Enquête d'action » ou « Enquêtes criminelles ». Nous proposons également des journaux télévisés – le « 12.45 » et le « 19.45 » –, qui touchent un public relativement jeune par rapport aux autres chaînes de télévision ou d'information continue. Nous avons dû abandonner les décrochages locaux que nous avions créés dans les douze principales villes françaises, en dehors de Paris. Ces décrochages, qui expliquaient notre nom de Métropole Télévision, proposaient de l'information rapide et offraient un surcroît de pluralisme dans ces zones. Dans la mesure où la loi ne nous permettait pas d'avoir des ressources publicitaires nationales ou locales liées à ces décrochages, nous avons dû les fermer. Nous avons alors créé les journaux d'information nationaux.

Nous avons également une société de production pour les programmes dits de flux, dénommée Studio 89, qui produit des émissions telles que « Top Chef ».

Une autre de nos activités de production, assez significative, se situe dans le domaine de la fiction et du cinéma, dans le cadre de notre filiale SND (Société nouvelle de distribution). Nous produisons de nombreux films de cinéma dont nous assurons l'intégralité du financement et assumons seuls le risque, tels que De Gaulle, L'Abbé Pierre une vie de combats ou Cocorico.

Nous consacrons également une partie importante de nos ressources à des investissements extérieurs. Nous nous efforçons de faire preuve de créativité, notamment dans le domaine de la fiction. Nous sommes très impliqués dans les fictions courtes que nous faisons avec des producteurs indépendants, telles Kaamelott, Caméra café, Scènes de ménage ou En famille, qui sont diffusées sur nos différentes antennes.

Nous avons été la première chaîne en France à lancer la diffusion de programmes en continu ou streaming – disponible sur la plateforme M6 Replay – en 2008. Par la suite, nous avons constitué une société européenne de technologie, dénommée Bedrock. La technologie est essentielle dans le streaming. Netflix dépense 1 milliard de dollars par an pour cette activité. Nous avons fait entrer notre actionnaire au sein de Bedrock et développons cette technologie avec des partenaires situés dans plusieurs pays parmi lesquels la Belgique, la Hollande, la Hongrie, et, je l'espère, bientôt l'Allemagne. Près de 350 développeurs sont répartis entre Paris, Lyon et Lisbonne.

Grâce à notre palette de chaînes, nous nous adressons à différents publics, par exemple la jeunesse avec Gulli et un public plus féminin avec Téva. Nous avons également des chaînes généralistes, parmi lesquelles W9, qui a une dominante musicale, ou 6ter. Cela permet une circulation des œuvres, ce qui est important car la première diffusion d'une œuvre ne peut pas être rentabilisée.

Notre groupe se porte bien. On nous reproche d'ailleurs parfois notre rentabilité. Pour paraphraser mon ancien président Jean Drucker, la création, c'est aussi une affaire de flux de trésorerie ou cash-flow. Si nous n'avions pas été attentifs à la rentabilité, je ne serais pas là pour vous en parler puisque nous aurions subi le sort de La Cinq, qui s'est avérée une énorme faillite et a dû s'arrêter le 13 avril 1992. Ses dirigeants n'avaient sans doute pas eu le même souci de saine gestion que nous. Cette chute a failli entraîner celle du groupe Hachette.

Nous assistons à un formidable mouvement d'internationalisation des plateformes et des réseaux. La TNT peut être contrôlée parce qu'elle consiste en une occupation du domaine public : c'est un bien national dont les frontières peuvent être tracées. Ce n'est plus du tout le cas avec internet, qui permet à n'importe qui d'entrer sur le territoire national. Les directives européennes, telle celle du 14 novembre 2018 relative aux services de médias audiovisuels à la demande (Smad), sont très imparfaites. Nous sommes soumis à une concurrence très rude et inéquitable de la part des réseaux sociaux et, dans une moindre mesure, des plateformes, à laquelle nous avons tenté de répondre de plusieurs façons.

Premièrement, nous nous sommes efforcés de produire des œuvres intéressantes, correspondant au goût du public, et d'aller chercher les jeunes par le streaming.

Deuxièmement, nous avons tenté de convaincre le législateur de fixer des règles plus équitables, notamment dans le domaine de la production, mais nous n'y sommes pas parvenus. Le carcan législatif nous empêche d'évoluer. La règle interdisant toute revente d'une chaîne de la TNT dans les cinq ans qui suivent l'attribution de son autorisation d'émettre était légitime à l'époque, mais sans doute n'était-elle pas bien rédigée puisqu'elle s'applique de la même façon aux opérateurs qui, comme nous, ont trente-cinq ans d'existence, qu'à ceux qui sont nés il y a deux ans. Par ailleurs, si on a plusieurs chaînes, les délais s'empilent : ainsi, notre actionnaire RTL Group ne pourrait pas céder son contrôle avant 2032. Cette règle est absurde et va fossiliser le paysage français. Une fois que les autorisations d'émettre auront été accordées, il n'y aura plus aucune possibilité de cession ou de consolidation, peu importe qu'il s'agisse de nouveaux entrants ou d'anciens.

Vous nous avez demandé pourquoi nous avons voulu opérer une fusion avec notre principal concurrent. Ce n'est pas facile de discuter avec son concurrent, mais les groupes Bouygues et Bertelsmann-RTL ont estimé qu'il était important d'avoir un effet de taille pour préserver leur indépendance culturelle dans le domaine de la production – Bertelsmann avait même accepté de céder sa majorité et son contrôle à un groupe français. Nous en avons été empêchés, non seulement par la législation, mais aussi par les décisions des autorités indépendantes et européennes en matière de concurrence, et ce fut, pour nous, un échec important.

De nombreuses lois nous empêchent de nous développer. Par exemple, nous travaillons avec des producteurs indépendants, ce qui est essentiel du point de vue de la création et de la créativité. Nous sommes également prêts à investir avec des créateurs. Un grand nombre de sociétés de production nous sollicitent pour entrer dans leur capital pour favoriser leur distribution internationale. De fait, nous prenons le risque de distribuer en France des films indépendants, tels que l'excellent La Tresse. Or le droit actuel nous empêche de prendre ce type de risques dans des sociétés de production, car cela n'est plus comptabilisé parmi nos obligations. Je pourrais multiplier les exemples.

Je crains que l'on ne se trompe de combat. Je parle non pas du traitement de l'information mais des règles relatives à la consolidation des groupes de télévision. Si l'on ne veut pas que les jeux vidéo coréens soient dominants et que les décisions de production audiovisuelle se prennent à Los Angeles, y compris pour la France ; si l'on veut éviter que la publicité ne migre complètement vers Amazon, il faut considérer l'effet de taille et trouver un équilibre dans le traitement des obligations et de la publicité.

Notre groupe est bien portant mais il sera confronté à des défis considérables à l'avenir, liés aux caractéristiques de son secteur, qui dépassent le simple cadre des autorisations d'émettre sur la TNT.

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À la suite de l'échec de la fusion avec TF1, la vente de M6 a été envisagée. Quel était le montant des trois offres formulées ? Pourquoi le projet de vente a-t-il été abandonné ? Quelles perspectives envisagez-vous aujourd'hui ?

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Nicolas de Tavernost, président du directoire de M6

Il avait été envisagé, avant même le projet de fusion, de céder le contrôle de M6, étant rappelé que notre actionnaire est limité, du fait de la loi, à 49 % – il en détient dans les faits un peu plus de 48 %. Notre actionnaire a considéré qu'il fallait être leader, face à la concurrence internationale, dans les pays où il opère, à commencer par l'Allemagne, où il réalise des investissements considérables dans le streaming autour de ses chaînes RTL. Voyant que l'opportunité ne se présentait pas en France, il avait décidé de céder le contrôle de M6. Au terme des discussions avec Bouygues, il a préféré tenter la fusion pour laisser un groupe français puissant, en en transférant le contrôle. Malheureusement, les autorités de la concurrence ne l'ayant pas souhaité, nous sommes revenus à la case départ. C'est à ce moment-là que notre actionnaire a réexaminé le marché, lequel ne permettait pas, notamment pour des raisons juridiques, la cession du contrôle de notre groupe. Cela n'a nullement pour conséquence de diminuer les investissements qu'il compte engager. Je lancerai le 6 mars un grand plan en faveur du streaming pour notre société. Les investissements de toute nature, externe ou interne, continueront d'être réalisés.

Étant tenu au respect des clauses de confidentialité signées avec les sociétés qui souhaitaient se porter acquéreur, je pourrai, si vous le souhaitez, transmettre par écrit à votre commission le montant des offres.

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Nous serons en effet très intéressés par ces informations. S'agissant du projet de vente, La Lettre a rendu compte de votre visite à Alexis Kohler en octobre 2023. Confirmez-vous être allé le voir pour évoquer ce sujet ?

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Nicolas de Tavernost, président du directoire de M6

Je confirme avoir eu des rendez-vous avec les pouvoirs publics, dont le secrétaire général de l'Élysée, pour connaître les intentions de l'exécutif. Je souhaitais savoir si le Gouvernement comptait inscrire à l'ordre du jour la proposition de loi votée par le Sénat. J'ai également rencontré les présidents des commissions parlementaires. En tant que société commerciale, nous devons savoir si les règles du jeu sont amenées à changer rapidement.

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Quel est le nombre de rencontres que vous avez eues avec les pouvoirs publics pour évoquer ce sujet ?

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Nicolas de Tavernost, président du directoire de M6

J'ai des rencontres régulières, au côté de Mme Blouët, avec les présidents des commissions parlementaires, les ministres en exercice et les personnes en charge de ces questions au sein des cabinets ministériels. Je pourrai vous en donner le nombre, étant précisé que leur fréquence n'a pas changé depuis trente-sept ans. Nous sommes encadrés, de manière rigoureuse, par des règles très précises, dont nous demandons l'évolution sur des points fondamentaux tels que la publicité. Nous essayons de convaincre les pouvoirs publics – le Parlement comme l'exécutif – du bien-fondé de nos demandes, mais je dois dire que nous sommes peu entendus.

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Pourquoi le secrétaire général de l'Élysée traite-t-il de ce sujet ? Il n'est pas à strictement parler législateur.

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Nicolas de Tavernost, président du directoire de M6

Le Gouvernement est à l'initiative de nombreux textes législatifs et réglementaires. Ainsi, le décret du 27 mars 1992 fixant les principes généraux définissant les obligations des éditeurs de services en matière de publicité, de parrainage et de télé-achat est très important pour nous ; malheureusement, il n'est pas suffisamment ouvert. Maintenant qu'il n'y a plus de prospectus papier, nous souhaiterions diffuser de la publicité pour les promotions de la distribution plutôt que de l'abandonner à Google.

Nous informons tous les pouvoirs publics : nous ne nous cantonnons pas au secrétaire général de l'Élysée. Au cours de ma vie, je n'ai d'ailleurs pas rencontré plus de quatre fois le secrétaire général de l'Élysée, tous titulaires confondus. Nous essayons de convaincre, à tous les niveaux de l'État, de l'évolution nécessaire d'une réglementation qui fait la part belle aux acteurs internationaux.

Je défends mon entreprise mais j'ai le sentiment d'agir aussi, d'une certaine façon, en faveur de l'intérêt général. On se mordra les doigts – je le dis solennellement à la commission – d'avoir bloqué le système par l'ensemble des dispositions législatives en vigueur. La concurrence arrive à grands pas. En général, à chaque fois que nous avons annoncé une évolution, elle s'est produite. Les grandes plateformes américaines viennent de se regrouper pour faire une offre sportive, ce qui serait interdit en Europe. Nous subissons une forte inégalité. La France est talentueuse, à tous les niveaux dans l'activité audiovisuelle, mais elle est bloquée dans son développement. L'Espagne va certainement nous doubler dans la production audiovisuelle grâce à des lois beaucoup plus favorables.

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La marge du groupe M6 approche les 25 %, alors que celle de TF1 plafonne à 15 %. Ce décalage interroge. Est-il compatible avec un engagement satisfaisant dans la production audiovisuelle et cinématographique ?

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Nicolas de Tavernost, président du directoire de M6

Notre engagement est assis sur notre chiffre d'affaires, que nous avons la volonté de développer. Si le secteur de la distribution était plus ouvert, il y aurait davantage de commandes audiovisuelles et cinématographiques et notre industrie recueillerait les bénéfices d'une hausse du produit des taxes – droits d'auteur et taxes du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC). Lorsque nous demandons un élargissement de nos ressources, nous faisons un pas vers la création.

Nos marges sont d'un niveau relativement habituel pour le secteur de la télévision et de l'audiovisuel. Les marges sont nettement supérieures dans l'industrie musicale, ce qui ne l'empêche pas de produire des talents. Si nous ne nous préoccupons pas de la marge, je souhaite évidemment éviter qu'il nous arrive ce qui est arrivé à La Cinq en 1992.

Nous ne sommes pas dans une position statique : une marge n'est jamais garantie. Nous ne vivons pas de la redevance publique ou des concours publics ; nous vivons des recettes que nous allons chercher. Rien n'indique qu'en 2025 ou en 2026, nous aurons un taux de marge de la même nature. Nous allons réaliser des investissements très importants dans le streaming, qui auront certainement des conséquences sur la marge pendant une certaine période. Ainsi, nos confrères allemands avaient une rentabilité élevée avant que celle-ci ne diminue fortement sous l'effet des investissements dans le streaming et de la concurrence nationale.

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Parmi les chaînes que vous diffusez, trois d'entre elles affichent entre 1,2 et 2,3 % d'audience. Comment, dans ces conditions, garantir leur rentabilité ? Quelle est, chaîne par chaîne, en millions d'euros, la structure de vos coûts, autrement dit le coût de la grille spécifique de la chaîne, le coût des programmes mutualisés, le coût de la diffusion, les coûts de personnel et les autres frais ?

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Nicolas de Tavernost, président du directoire de M6

Cette audition étant publique, je vous propose de vous communiquer ces chiffres par écrit. Sur les chaînes généralistes, M6, W9 et 6ter, la moyenne de l'audience linéaire, en soirée, doit être respectivement de 2,5 millions, 800 000 et 400 000 téléspectateurs. Il faut y ajouter l'audience en streaming, soit avant diffusion (en preplay ), soit après diffusion (en replay ), qui peut représenter entre la moitié et la totalité de l'audience linéaire. Nous allons accélérer dans le streaming, qui accroît les audiences linéaires que vous avez évoquées.

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Vous affirmiez, en 2020 : « J'assume le fait d'intervenir souvent sur le contenu éditorial pour des sujets économiques et sociétaux ». Dans ces conditions, comment le groupe garantit-il l'indépendance de sa rédaction dans le traitement de l'information, en particulier économique ? Que faites-vous pour que différentes visions, y compris hétérodoxes, puissent s'exprimer sur vos médias ?

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Nicolas de Tavernost, président du directoire de M6

L'histoire de notre groupe constitue une première garantie. Dans le domaine de la radio, nous avons acquis RTL, RTL2 et Fun Radio en 2017. Des études régulières montrent que la radio la plus pluraliste et la plus équilibrée en France, au sens des opinions exprimées, est RTL. Je défie quiconque de montrer que RTL n'est pas une radio indépendante vis-à-vis de sa direction, de son actionnaire et de ses clients, en termes de contenu éditorial.

Nos chaînes diffusent beaucoup de magazines et nous avons été les premiers, avec « Capital », à diffuser des magazines économiques. Je n'aime pas que l'on dise du mal de nos clients, mais c'est une opinion, et malheureusement pour moi, on le fait souvent. Je peux vous donner de multiples exemples : nous avons dénoncé les pratiques d'Amazon, qui jetait des produits neufs – ce qui a d'ailleurs conduit à une modification législative –, mais également les éoliennes, alors qu'Iberdrola est un de nos annonceurs. Je n'aime pas que l'on dise du mal de mes clients, c'est normal, mais ce n'est pas moi qui tiens la plume.

Un patron des programmes, comme l'a été Thomas Valentin pendant de nombreuses années, ne se contente pas de faire les comptes, il est aussi directeur de publication au sens juridique du terme. C'est par exemple lui qui doit se rendre à la dix-septième chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Paris pour les affaires de diffamation – il m'est moi-même arrivé de me trouver devant le juge, mais nous avons été rarement condamnés. Il doit également s'assurer que les témoins d'un numéro de « Zone interdite » sur l'islamisme sont protégés. Nous essayons d'exercer nos responsabilités. Je mets quiconque au défi de prouver que notre chaîne n'a pas été indépendante, sur le plan politique comme économique, au cours de ses trente-sept années d'existence.

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Dans son bilan de l'exercice 2022, l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) a relevé une sous-représentation de certains partis politiques – je ne vais pas les énumérer, mais cela pourrait être intéressant –, en violation des dispositions applicables à la répartition du temps de parole, au cours du deuxième et du troisième trimestre ainsi qu'au cours de la période électorale. Qui est en charge de la gestion du temps de parole ? L'organisation du temps de parole change-t-elle pendant les périodes électorales ? Le comité d'éthique a-t-il été saisi à ce sujet ?

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Nicolas de Tavernost, président du directoire de M6

Il faut s'interroger sur le thermomètre, qui n'est pas toujours adapté. Notre chaîne diffuse peu de débats politiques et il n'est pas facile de rétablir le temps de parole, par exemple, d'un ministre qui viendrait commenter dans « Capital » une décision prise dans le domaine économique.

L'Arcom fait son travail, mais je n'ai pas le souvenir d'une mise en demeure ou de sanction pour non-respect des dispositions concernant les temps de parole. Il est difficile d'être dans l'actualité et de trouver l'équilibre parfait, mais, à la lecture des rapports de l'Arcom, il apparaît que, sur notre chaîne, ce ne sont jamais les mêmes qui sont en excès ou en insuffisance de temps de parole. Les déséquilibres sont le fruit de la gestion des antennes. Notre première mission est d'informer nos téléspectateurs et nos auditeurs : lorsque l'actualité met en avant tel groupe, telle fonction ou tel législateur, nous devons traiter leur temps de parole indépendamment du décompte équilibré des minutes.

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Thomas Valentin, conseiller du président du directoire pour les contenus

L'organisation du décompte des temps de parole est simple : pour chacune des trois rédactions – RTL, journaux de M6 et magazines d'information de M6 –, un responsable réalise la comptabilisation précise, à la seconde, grâce au logiciel utilisé par tous les médias. Cette tâche n'est pas simple, car il faut analyser qui représente quoi et à quel moment. La comptabilisation est transmise tous les mois à l'Arcom : bien que les mesures de temps de parole soient contrôlées et équilibrées tous les trois mois, cette transmission mensuelle permet à l'Arcom de contrôler notre manière de calculer. Une personne est en charge de la coordination des trois rédactions pour la comptabilisation. C'est actuellement Hervé Robin qui occupe ce poste. Mme Blouët pourra vous renseigner plus précisément sur les chiffres que vous avez cités.

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Karine Blouët, secrétaire générale, en charge des affaires publiques

Nous avons réalisé deux suivis des temps de parole en 2022, afin de pouvoir suivre de façon distincte la période électorale. L'Arcom a confirmé que nous avions respecté tous les temps de parole pour le premier et le second tour de l'élection présidentielle. Nous pourrons vous transmettre ces confirmations. Nous avons une petite difficulté hors période électorale, car les sujets politiques que nous traitons sont peu nombreux et il peut arriver que nous manquions d'intervenants, ce qui peut provoquer un déséquilibre. Toutefois, ce déséquilibre n'est parfois que de quelques secondes et il est immédiatement corrigé. Il me semble – cela reste à vérifier – que cela fait plus de dix ans que l'Arcom ne nous a pas adressé de mise en garde ou de mise en demeure sur les temps de parole.

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En 2017, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) a accepté une baisse de l'investissement financier de la chaîne M6 dans les émissions musicales et dans les divertissements à composante musicale. Cet investissement est désormais mutualisable – j'imagine qu'il est mutualisé – avec W9, 6ter, Paris Première et Téva. En contrepartie, le groupe s'est engagé à une meilleure exposition de la musique en proposant sur M6 et W9 au moins douze premières parties de soirée musicales. Quelles sont les raisons de ce changement ?

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Nicolas de Tavernost, président du directoire de M6

Le monde change : lorsque les décisions concernant les cahiers des charges des chaînes ont été prises, ni YouTube, ni Deezer, ni Spotify n'existaient. Pour éviter de se fossiliser, les cahiers des charges doivent pouvoir évoluer et les obligations doivent pouvoir être traitées de manière différenciée. Il faut faire confiance à l'autorité indépendante qu'est l'Arcom, mais, malheureusement, elle dispose de peu de souplesse pour faire évoluer les cahiers des charges sous le contrôle du Conseil d'État. Nous sommes constamment confrontés à ces questions.

Il faut donc donner plus de moyens à l'Arcom pour qu'elle puisse faire évoluer les cahiers des charges en fonction des besoins et de la concurrence. M6 diffuse certes moins de musique, mais, d'une part, nous diffusons davantage de documentaires et, d'autre part, l'obligation musicale imposée à M6 date de 1987. Depuis lors, on ne peut pas dire que l'offre musicale en France n'a pas changé.

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Karine Blouët, secrétaire générale, en charge des affaires publiques

Je vais nuancer les propos de M. de Tavernost, même si je suis d'accord sur le fond. M. Valentin avait été prévoyant : la convention initiale de M6 contenait deux clauses de révision, l'une concernant l'investissement de 21 millions d'euros et l'autre, plus générale, disposant que l'ensemble des obligations musicales pourront être revues pour tenir compte de l'évolution de la consommation de la musique, notamment sous la forme numérique. La jurisprudence et le droit en la matière sont assez stricts, mais ils ont récemment évolué. La loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication prévoit des possibilités d'évolution, notamment en son article 42-3, modifié par la loi 25 octobre 2021 relative à la régulation et à la protection de l'accès aux œuvres culturelles à l'ère numérique. Fort heureusement, tout n'est donc pas figé. Notre demande, qui s'est inscrite dans ce cadre, visait à prendre acte du changement de situation depuis 1987. Je souligne au passage que nous avons dépassé pendant des années nos obligations financières. Nous nous sommes rendu compte qu'il devenait de plus en plus difficile de construire du quantitatif et nous avons donc choisi de nous diriger vers davantage de qualitatif. Cette évolution s'est notamment traduite pour W9 par plus de programmes musicaux en prime time.

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Nous n'allons pas nous lancer dans une forme de chipotage sur le décompte du temps musical. Toutefois, les conventions ont été renégociées relativement récemment, alors que YouTube par exemple existait déjà. Je ne comprends donc pas très bien l'argument du « monde qui change », d'autant que vous faites preuve de sagacité, cette audition comme vos carrières le démontrent. Si les conventions négociées en 2018 ne sont pas strictement appliquées, c'est soit qu'elles ont été mal négociées soit qu'il y a un problème.

Je vous invite à rentrer dans le détail et à regarder les plages horaires. Prenons l'exemple du spectacle vivant sur W9. L'article 3-1-1 de la convention de W9 prévoit la diffusion d'un minimum de cinquante-deux programmes de spectacle vivant chaque année. En 2019, 65,4 % de ces programmes ont été diffusés entre minuit et six heures du matin. L'existence de YouTube n'affecte pas la question. Considérez-vous que ce genre de résultats est conforme à l'esprit de la convention ?

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Nicolas de Tavernost, président du directoire de M6

Il existe une compétition féroce pour les spectacles vivants diffusés en prime time, notamment de la part des plateformes, qui diffusent beaucoup d'humoristes. En conséquence, il nous est difficile de remplir cette obligation face à l'insuffisance de l'offre dans des conditions économiques acceptables. Notre objectif reste bien sûr de pouvoir remplir notre obligation et nous diffusons de nombreux spectacles vivants, notamment d'humour, sur Paris première.

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Karine Blouët, secrétaire générale, en charge des affaires publiques

Il me semble que nous ne sommes soumis à aucune obligation quant aux horaires de diffusion des spectacles vivants. J'ajoute que le public qui consomme les spectacles vivants est un public jeune. Une diffusion à minuit fera davantage d'audience qu'une diffusion plus tôt dans la soirée, voire en journée ou même en prime time. Nous servons donc le spectacle vivant. Par ailleurs, la part de la diffusion de spectacles vivants en journée est de quasiment 30 %, ce qui est beaucoup pour des programmes un peu risqués.

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Thomas Valentin, conseiller du président du directoire pour les contenus

Sur les quatre-vingt-dix-huit spectacles vivants diffusés par W9, une vingtaine ont été diffusés en soirée. La diffusion de spectacle vivant en prime time face à la forte concurrence que nous connaissons démontre notre volonté de soutenir un secteur particulièrement important pour M6, qui a toujours soutenu de nouveaux talents – réalisateurs, acteurs ou humoristes. Le « Marrakech du Rire », qui a existé pendant une dizaine d'années, a ainsi permis à des humoristes, connus ou inconnus, de décoller. « Piquantes ! » sur Téva donne la parole à des humoristes féminines depuis plusieurs années, alors qu'elles sont peu mises en valeur sur les autres médias. Nos chaînes W9, M6 et Paris Première servent de piste de lancement pour les humoristes. Cette volonté de notre groupe est reconnue par l'ensemble du secteur du spectacle vivant.

On peut regarder la comptabilisation à laquelle vous faites référence, mais la vision d'ensemble me paraît être au moins aussi importante.

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Pouvez-vous décrire le format de Paris Première ? Peut-on encore considérer qu'il s'agit d'une chaîne premium ?

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Nicolas de Tavernost, président du directoire de M6

Je suis personnellement très attaché à cette chaîne, que j'ai créée, avant M6, en 1986. Elle vit de deux types de ressources : la publicité et les fournisseurs d'accès à internet (FAI). En 2012 et 2015, nous avons essayé, en même temps que LCI, de diffuser Paris Première en clair. Nous étions prêts à investir – d'ailleurs, cela engageait des pertes importantes – et à nous confronter à la concurrence des grandes chaînes alors que notre offre était très différente, s'adressant à un public plus âgé et proposant un contenu plus culturel, avec notamment du théâtre. Nous n'avons malheureusement pas réussi à convaincre le CSA et Paris Première dispose donc aujourd'hui de moyens limités avec la double contrainte de proposer une offre attrayante pour le public des FAI tout en ne pouvant compter que sur des recettes en diminution. Lors des négociations avec les FAI sur les conditions de distribution sur les réseaux, la taille importe : plus vous êtes gros, mieux vous vous portez. Si Paris Première était une chaîne indépendante négociant seule, elle aurait disparu. La consolidation favorise donc la création.

Paris Première a du succès sur le câble, elle a une bonne image et elle fonctionne correctement, mais elle pourrait avoir des ambitions supplémentaires si elle était diffusée sur la TNT gratuite.

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Thomas Valentin, conseiller du président du directoire pour les contenus

Si vous définissez une chaîne premium comme une chaîne accessible par abonnement propre, comme Canal+ Sport, alors Paris Première n'est pas une chaîne premium, mais elle est une chaîne très différente des autres chaînes diffusées sur le câble, le satellite ou la TNT payante. Elle est la chaîne de la culture, du patrimoine et de l'art de vivre. Nous diffusons beaucoup de films qui appartiennent au patrimoine du cinéma et qui ne passent pas sur les autres chaînes. L'art de vivre est représenté par des émissions comme « Très très bon » ou « Très très beau », qui sont diffusées en journée, mais avec des audiences de prime time. Ces émissions traitent d'univers qui ne sont jamais abordés par les autres chaînes. La chaîne diffuse également des spectacles vivants, avec notamment des captations de représentations théâtrales en direct et en prime time. Nous sommes également la seule chaîne à diffuser des chansonniers. Cela peut paraître un spectacle d'une autre époque, mais cela plaît beaucoup.

Paris Première marche bien : elle fait partie du top 3 des chaînes de cet univers et répond donc à une vraie demande.

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Nicolas de Tavernost, président du directoire de M6

Nous avons perdu « Zemmour & Naulleau » – je ne sais pas si c'est une bonne ou une mauvaise chose –, une émission de débat que Paris Première diffusait en exclusivité et qui a contribué à son image. Pour des raisons qui ne m'appartiennent pas, nous n'avons pas pu la maintenir.

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La TNT payante a-t-elle, selon vous, un avenir ? Paris Première sera-t-elle candidate au renouvellement de son autorisation sur la TNT ?

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Nicolas de Tavernost, président du directoire de M6

Nous réfléchissons à trois hypothèses : demander le renouvellement de notre autorisation sur la TNT payante, devenir une chaîne purement diffusée sur le câble et satellite ou demander l'autorisation sur la TNT gratuite.

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Que vous considériez ces trois hypothèses montre bien les difficultés de la TNT payante. A-t-elle un avenir ?

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Nicolas de Tavernost, président du directoire de M6

Pour la TNT payante, nous sommes largement tributaires des décisions du groupe Canal+ sur la diffusion de son bouquet. Je suggère d'ailleurs à l'Assemblée nationale de s'intéresser aux distributeurs et pas seulement aux éditeurs. Ce sont en effet les distributeurs qui décident de ce qui sera diffusé. Lorsqu'ils font des promotions ou proposent des offres groupées ou bundles pour un ensemble de services extérieurs, cela peut marginaliser les services français. Leurs décisions sont presque plus importantes que l'attribution des fréquences de la TNT, qui a toutefois deux avantages considérables : la numérotation logique qui s'impose à la distribution, et les services d'intérêt général (SIG).

L'Arcom va bientôt rendre ses conclusions sur le périmètre des SIG. Pour l'instant, la France n'a retenu que les chaînes de service public comme constituant des SIG. Je suis un militant des agrégateurs, à la différence de plusieurs de mes collègues. Nous avons décidé d'arrêter Salto, qui n'a pas été un échec commercial, mais un échec de ses actionnaires. Je pourrai vous en expliquer les raisons. L'agrégation est, pour la France, très importante. Elle est pratiquée par les plateformes : il suffit de voir les offres de bundle qui regroupent Netflix, Disney+ et d'autres chaînes pour un prix compétitif. Les chaînes gratuites et payantes doivent pouvoir présenter des offres facilement accessibles sur les télévisions connectées. Celles-ci représentent une véritable révolution, car désormais ce sont les fabricants de télévisions connectées comme Samsung ou LG qui décident de mettre en avant, ou pas, les programmes français. Si nous ne participons pas aux enchères pour mettre notre application 6play en avant, nous disparaissons du téléviseur connecté.

Notre groupe a proposé à l'Arcom et à France Télévisions de constituer une sorte d'agrégateur public, à l'instar des Britanniques, qui ont négocié en bloc – BBC, Channel 5, Channel 4 et ITV – l'emplacement de ces chaînes sur les téléviseurs connectés. Malheureusement, en France, nous partons en ordre dispersé.

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J'ai apprécié votre plaidoyer pour l'action régulatrice et l'interventionnisme pour protéger le marché. J'en tirerai sans doute des conclusions importantes.

Vous êtes un pionnier de la téléréalité, qui est devenue très banale. Quel bilan en faites-vous, tant du point de vue du public que de celui des diffuseurs ?

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Nicolas de Tavernost, président du directoire de M6

Le terme de « téléréalité » recouvre des choses très différentes, il est donc difficile d'en faire un bilan global. Le bilan de « L'amour est dans le pré », une des émissions les plus populaires de notre groupe, est, de notre point de vue, très positif. Doit-on faire le bilan du « Loft » vingt ans après ? À l'époque, la décision n'avait pas été facile à prendre. M. Valentin m'a finalement convaincu en faisant valoir que, de toute façon, le « Loft » – « Big Brother » à l'époque – arriverait en France et qu'il était préférable que nous innovions plutôt que d'essayer de rattraper la concurrence. D'ailleurs, les grandes chaînes, après des tribunes virulentes contre le « Loft », ont fait exactement la même chose quelques années plus tard. C'était donc une question de timing. La téléréalité serait arrivée en France en tout état de cause, donc on ne peut pas dire que nous l'avons importée. Aujourd'hui, il existe des émissions très positives, qui sont proches des gens.

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Thomas Valentin, conseiller du président du directoire pour les contenus

Je ne sais ce que vous incluez dans le périmètre de la téléréalité, mais les concours de talents ont eu un effet très positif. « Top Chef » a révolutionné la vision des Français, y compris les élites, sur la gastronomie et sur les chefs. Dans le domaine de la chanson, une émission comme « Nouvelle Star » a permis de détecter des dizaines de très grands talents. Je ne sais pas si ces émissions auraient pu exister si la téléréalité au sens strict n'avait pas montré le chemin. L'émission « Qui veut être mon associé ? », qui a été diffusée hier soir, est une autre forme de téléréalité. Des individus à la recherche d'investisseurs y présentent leurs projets. Nous nous sommes posé la question, avec M. de Tavernost, si cette émission avait sa place en prime time, car elle a un aspect technique – on y parle de projets d'entreprise, de plans d'exploitation et les investisseurs manient des termes qui ne sont pas forcément connus du grand public. Elle a pourtant rencontré un succès considérable et a permis à des dizaines d'entrepreneurs de trouver des investisseurs, en plus d'introduire les téléspectateurs à un univers mal connu, celui de l'entreprise. Le bilan de la téléréalité au sens large est donc, pour moi, largement positif.

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Qualifier l'entreprise d'univers très mal connu dans une société massivement dominée par le salariat me paraît une formule un peu facile. Mais je vous comprends.

Vous avez mis le doigt sur l'influence des chaînes de télévision. Personne ne vous reprochera d'avoir contribué à changer la vision des Français sur la cuisine ou sur le patrimoine. Mais, selon vous, quel a été l'impact de « Loft Story » sur le public ?

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Thomas Valentin, conseiller du président du directoire pour les contenus

C'est une émission qui a été très critiquée mais très regardée et très appréciée également. Elle a permis de montrer le comportement et la manière de vivre des jeunes, ce dont les médias parlent rarement. On y a découvert des choses peut-être pas toujours valorisantes, mais réelles, qui ont montré à tout le monde, y compris aux leaders d'opinion, une certaine forme de réalité de la jeunesse.

Vingt-deux ans plus tard, le Loft apparaît comme une bluette par rapport à d'autres programmes diffusés dans d'autres pays ou sur certaines plateformes. Je ne crois pas qu'elle ait eu un impact négatif d'une quelconque manière.

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Nicolas de Tavernost, président du directoire de M6

Pour revenir un peu en arrière, nous sommes pour la régulation, lorsqu'elle est juste et qu'il s'agit d'équilibrer les termes entre des plateformes internationales qui n'ont pas les mêmes règles que nous et des plateformes françaises, ou entre des groupes de pression et nous. De toute façon, ce n'est pas que nous sommes pour la régulation, elle existe : elle est toutefois orientée par des lois et des règlements qui ne nous semblent ni justes, ni équitables, ni conformes à l'intérêt général en ce qu'ils privent notre secteur de toute possibilité d'évolution.

Dans cinq ans, les questions sur les jingles de publicité de Gulli ou pour savoir si l'on a mis 20 % ou 22 % de programmes à tel endroit seront totalement surannées. On aura raté les sujets importants que sont la distribution de nos programmes, la consolidation, les moyens qui y sont consacrés, l'équilibre entre le secteur public et le secteur commercial. Tous ces choix sont politiques et auront des conséquences significatives. Nous n'y sommes qu'en aval.

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Vous avez, en revanche, été en amont dans le domaine de la téléréalité. « Loft story », plus de vingt ans après son apparition, ne serait désormais qu'une bluette – sans doute. Le choix politique pourrait être de ne pas laisser dévaler la pente. Qu'est-ce qui pourrait permettre de s'en tenir aux bluettes à la « Loft story » ?

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Nicolas de Tavernost, président du directoire de M6

Moi et mon groupe sommes très fiers des programmes que nous diffusons. Vous n'êtes pas allés voir la plateforme que l'on a laissée entrer en France sans contrepartie, qui diffuse des programmes que l'Arcom ne peut pas contrôler. L'Autorité s'en est plainte et la ministre aussi. Nous avons fait un effort considérable dans nos programmes, sur toutes nos chaînes, et j'en suis très fier. Pour comprendre pourquoi Thomas Valentin parle d'une bluette, allez voir les réseaux sociaux. En voulant contrôler les seules fréquences de la TNT et occulter tout ce qui se passe dans le monde audiovisuel, on va passer à côté des vraies questions. Nos programmes sont des bluettes par rapport à ce qui est diffusé sur les réseaux sociaux, quels qu'ils soient, notamment internationaux. Je peux vous faire des captures d'écran ou screenshots si vous le souhaitez.

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Ce ne sera pas nécessaire : nous sommes au courant du monde dans lequel nous vivons. L'objet d'une commission d'enquête est circonscrit. Soyez rassurés, nous ferons des propositions pour ne pas vous laisser seuls dans cette jungle.

Permettez-moi de vous poser une question personnelle un peu de mauvais goût : vos enfants ont-ils regardé « Loft story » ou regardent-ils ce genre de programmes ?

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Nicolas de Tavernost, président du directoire de M6

Oui, et je ne considère pas que « Loft story » ait été pour eux un traumatisme. L'une des questions qui se posent aujourd'hui est de faire revenir les enfants devant la télévision. Que ce soit dans le domaine de l'information, des magazines ou de la fiction, l'audience jeune disparaît. L'information, l'éducation aux médias, la découverte du monde extérieur, en somme, passent de plus en plus par des biais qui ne sont pas maîtrisés et qui ne font pas l'objet d'une commission d'enquête. Chez les jeunes, TikTok est plus regardé que M6. Le problème n'est pas de savoir si mes enfants ont supporté les programmes de M6 dont ils étaient les fervents partisans, mais si je peux faire revenir leurs propres enfants devant la télévision et des programmes intelligents que sont « E=M6 », « Capital », « Zone interdite » ou « Enquête exclusive ».

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Thomas Valentin, conseiller du président du directoire pour les contenus

Oui, mes enfants ont regardé « Zone interdite » et « Loft Story ». Ils n'en sont pas traumatisés et font de très belles carrières. Nous avons été les premiers à abandonner la télévision de première génération, celle qui consistait à filmer vingt-quatre heures sur vingt-quatre des gens dans une situation particulière, pour aller vers une autre forme de télévision. Vous insistez sur ce que nous avons fait il y a vingt-deux ans, mais je tiens à rappeler la diversité des programmes sur M6 et sur nos autres chaînes. M6 est la seule chaîne privée en Europe à diffuser une fois par semaine un grand magazine, soit « Capital » sur le monde économique, soit « Zone interdite » sur les problèmes de société, avec des documentaires tournés en général pendant une année. C'est la chaîne la plus regardée par les jeunes.

La télévision linéaire, y compris avec le replay, perd son audience auprès des moins de 50 ans. Nous travaillons probablement un peu mieux que les autres, puisque nous sommes la chaîne la plus jeune de toutes les grandes chaînes en France. Il est important de soutenir ce travail pour éviter que nous nous fassions écraser par les réseaux sociaux, pour ce qui est des recettes et du temps d'attention, et par les plateformes de streaming (ou streamers ) étrangères sur le plan des programmes et des aspirateurs à talent. Il faut veiller à ce que les chaînes linéaires très régulées aient les moyens d'exister en proposant des programmes satisfaisant le plus grand nombre.

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Je ne fais pas le procès de M6. C'est la loi du genre, et d'autres pourraient se sentir plus visés encore que votre groupe. Je m'intéresse aux effets structurels. Voyons les émissions de M6 sur la cuisine : « La meilleure boulangerie », « Cauchemar en cuisine », « Tous en cuisine », « Top chef », « Un chef au bout du monde », « Le meilleur pâtissier », « Objectif Top chef », « Top chef : la brigade cachée », « Tous en cuisine, menus de fête », « Top chef world all stars », sans compter sur W9, « Un dîner presque parfait » ou « Norbert, commis d'office ». Pouvez-vous vraiment parler de variété des programmes ?

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Thomas Valentin, conseiller du président du directoire pour les contenus

Je le peux. Vous citez des programmes réguliers, comme « La meilleure boulangerie », initialement diffusé sur la BBC, qui est une référence, ou « Le meilleur pâtissier », également diffusé sur la BBC puis sur Channel 4, et des programmes unitaires et documentaires. La télévision n'avait jamais parlé de cuisine en prime time avant M6, avec « Oui chef ! » et Cyril Lignac. Les programmes avec Maïté étaient diffusés en milieu de journée. Jamais la télévision n'avait consacré du temps à ce secteur pourtant éminent en France.

Mais il n'y a pas que de la cuisine sur M6. Vous n'avez pas cité la fiction, qui représente une demi-heure chaque jour et emploie des dizaines d'auteurs – je pense notamment à « Scènes de ménage ». Vous n'avez pas cité les films de cinéma que nous coproduisons, ni les magazines, ni l'information. Les journaux d'information de M6 ont longtemps été le « 6 minutes » avant de devenir le « 12.45 » et le « 19.45 », qui réunissent un public très important de moins de 50 ans. Il y a également beaucoup d'émissions de divertissement, des émissions musicales, des concerts, beaucoup d'humour, donnant la chance à de nombreux talents, que vous pourrez auditionner pour savoir si M6 a été important dans leur carrière. « E=M6 » réunit entre 2,5 et 3 millions de téléspectateurs tous les dimanches soir. Je ne vois pas beaucoup de chaînes privées en Europe qui proposent de tels programmes. Votre liste était un peu réductrice.

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Nicolas de Tavernost, président du directoire de M6

Je suis désolé, cette semaine, il n'y a pas d'émission sur la cuisine : nous allons retenir votre suggestion d'en mettre une. Hier soir, « Qui veut être mon associé ? » a été regardée par 35 % des jeunes de 25 à 35 ans devant la télévision. Cela les intéresse, visiblement, et nous allons continuer dans cette voie.

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Monsieur de Tavernost, dans un entretien assez ancien aux Échos, à la question de l'émission que vous n'auriez jamais diffusée, vous aviez répondu « L'Île de la tentation », que vous trouviez trop vulgaire. W9 diffuse, je crois, « L'Île de la tentation ». Que s'est-il passé pour que vous estimiez pouvoir la diffuser aujourd'hui ?

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Nicolas de Tavernost, président du directoire de M6

Ce n'est pas la même émission que celle d'il y a vingt ans. Il y a une attention à la production qu'il n'y avait pas à l'époque. Par ailleurs, vous n'êtes pas sans savoir que la société évolue. Plein de choses n'auraient pas été faites il y a trente ans, qui le sont aujourd'hui, notamment dans le cinéma. Les opinions d'il y a vingt-cinq ans peuvent évoluer, comme les cahiers des charges, pour s'adapter à la société.

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Elle a en effet tellement évolué que « L'Île de la tentation » paraît également une bluette aujourd'hui et que d'autres programmes de téléréalité que vous avez diffusés semblent nettement plus avancés, si j'ose dire. Je pense à toute la série des « Marseillais » sur W9. Quelle est la limite ? Est-ce que « Frenchie shore » ne finira pas, elle aussi, par être diffusée sur l'une de vos chaînes ?

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Nicolas de Tavernost, président du directoire de M6

Je le répète, parce que je crois avoir été mal entendu : aucun programme diffusé sur notre antenne n'est choquant ou susceptible d'être contraire à notre cahier des charges, qui intègre le respect de la dignité de la personne humaine. Nous assumons la totalité de nos programmes. Si nous diffusions les programmes de Paris Première sur W9, qui s'adresse aux jeunes, ils partiraient tous sur les réseaux sociaux. Les catégories de population auxquelles ces programmes déplaisent ne sont pas obligées de les regarder. Ils sont appréciés par les jeunes, qui n'ont pas de critiques particulières à leur formuler. C'est un jugement de valeur que vous avez, que les jeunes ne partagent pas. Ces programmes ne sont en aucune manière contraires au respect de la dignité de la personne humaine.

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M. Valentin a fait preuve d'un jugement de valeur, en considérant que les émissions gastronomiques avaient eu un impact positif. En tant que rapporteur de la commission d'enquête, je me réserve la possibilité d'avoir un jugement de valeur. J'espère seulement ne pas l'universaliser et soumettre tout le monde à mes goûts. Votre jugement de valeur consiste à avoir un public : c'est le principe qui guide votre action. Mais on ne peut pas supposer qu'on s'abstienne d'en avoir un.

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Vous parliez des difficultés du modèle économique de la TNT payante. Face à un marché publicitaire en baisse, qui est capté en grande partie par les grands acteurs du numérique, y a-t-il trop de chaînes sur la TNT ? Êtes-vous défavorables à l'autorisation de nouveaux services généralistes ou thématiques sur la TNT ?

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Nicolas de Tavernost, président du directoire de M6

Je ne crois pas qu'il y ait trop de chaînes sur la TNT, mais il y a trop de groupes audiovisuels en France. La concentration est nécessaire pour rassembler nos forces. Ce n'est pas seulement une question d'offre. L'intérêt relatif de la TNT est encore important, puisqu'il faut aussi tenir compte des intérêts secondaires, notamment sur le plan de la numérotation et de la distribution sur les grands réseaux. Si nous pouvions nous imposer sur les grands réseaux et qu'il y avait un équilibre entre la distribution et l'édition, peut-être que la TNT serait moins nécessaire. Elle offre aujourd'hui la garantie que les programmes seront bien distribués, notamment sur les opérateurs. S'agissant de la télévision connectée, le fait de rassembler ses forces entre opérateurs français permet d'avoir une relation plus saine avec les nouveaux distributeurs que sont les fabricants de postes.

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Les chaînes W9 et Gulli seront-elles candidates au renouvellement de leur autorisation sur la TNT gratuite en 2025 ?

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Nicolas de Tavernost, président du directoire de M6

Oui, nous serons candidats pour poursuivre l'exploitation de nos chaînes sur la TNT, qui n'est pas gratuite mais dont l'accès est gratuit.

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Je vous remercie. Vous pourrez compléter nos échanges en envoyant par écrit tout document que vous jugeriez utile et en répondant par écrit au questionnaire qui vous a été transmis.

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Nicolas de Tavernost, président du directoire de M6

S'agissant des prix que nous évoquions plus tôt, ils n'ont pas été proposés à la chaîne M6 mais à son actionnaire, et je ne sais pas s'il m'autorisera à les communiquer. Ces prix ne sont pas opposables, puisque nous n'étions pas les vendeurs.

La séance s'achève à douze heures quinze.

Membres présents ou excusés

Présents. – M. Jean-Jacques Gaultier, M. Aurélien Saintoul