La réunion

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La séance est ouverte à 16 heures 35.

Présidence de Mme Caroline Abadie, vice-présidente.

La Commission examine la proposition de loi créant l'homicide routier et visant à lutter contre la violence routière (n° 1751) (Mme Anne Brugnera et M. Éric Pauget, rapporteurs).

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À la demande du groupe Renaissance, cette proposition de loi créant l'homicide routier et visant à lutter contre la violence routière a été inscrite à l'ordre du jour de la séance la semaine prochaine, dans le cadre de la semaine de l'Assemblée nationale.

Il s'agit d'une proposition de loi originale puisque, parmi ses premiers signataires, figurent des députés de six groupes différents. D'ailleurs, nos rapporteurs, Mme Anne Brugnera, du groupe Renaissance, et M. Éric Pauget, du groupe Les Républicains, en sont également les deux premiers signataires.

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Avant d'entrer dans le vif du sujet, permettez-moi de souligner également le caractère transpartisan de ce texte et de remercier d'ores et déjà le rapporteur Éric Pauget, avec lequel j'ai travaillé en bonne intelligence depuis la conception de cette proposition de loi, il y a déjà quelques mois.

C'est un sujet auquel nous nous intéressons, l'un comme l'autre, de longue date. Et nous ne sommes pas les seuls, car, en plus de nos deux signatures, cette proposition de loi porte notamment celles de Pierre Morel-À-L'Huissier, du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires (LIOT), de Christophe Blanchet et de Nicolas Turquois, du groupe Démocrate, de Bruno Studer et de Béatrice Piron, du groupe Renaissance, de Philippe Pradal, du groupe Horizons et apparentés, et d'Hervé Saulignac, du groupe Socialistes et apparentés. Je tiens également à les remercier, en saluant leur travail et leur engagement dans la lutte contre la violence routière.

Ce sujet de la violence routière nous mobilise toutes et tous. Dans nos circonscriptions, c'est quotidiennement que des drames de la route endeuillent des familles, brisant chaque année la vie de plus de 3 500 personnes en métropole et en outre-mer. Ce sont ces expériences de terrain – pour ma part, un terrible accident dans le 6e arrondissement de Lyon en octobre 2016 –, ces témoignages que nous recevons dans nos permanences et les échanges réguliers que nous avons avec les associations de victimes qui nous ont conduits à vous présenter cette proposition de loi.

Au cœur de notre texte se trouve un combat ancien des associations de victimes : la suppression du terme « involontaire » s'agissant des homicides commis par suite d'un comportement délibérément imprudent du conducteur fautif. Lors de nos auditions, toutes les associations nous l'ont redit, la locution « homicide involontaire » est insupportable pour les familles des victimes. Pour reprendre les propos de Yannick Alléno, elle est même « insupportable, injuste et injustifié ».

Cette revendication des associations a également été entendue par nos autorités, puisqu'elle a été intégralement reprise dans la dixième mesure recommandée par le Comité interministériel de la sécurité routière (CISR) réuni en juillet 2023. La création d'une infraction d'homicide routier a été annoncée par le Gouvernement et nous nous inscrivons aujourd'hui dans la suite de cette annonce. Il nous revient d'en venir aux actes et d'inscrire cette évolution dans la loi.

Mais, puisque la loi pénale est d'application stricte, permettez-moi d'abord de préciser quelles dispositions légales sont ici concernées.

En l'état du droit, notre code pénal distingue l'homicide involontaire commis par un conducteur selon qu'il est commis avec ou sans circonstance aggravante. Quand il est commis sans circonstance aggravante, l'homicide résulte d'une maladresse, d'une imprudence, d'une inattention, d'une négligence ou bien d'un manquement à une obligation de prudence ou de sécurité. Il s'agit alors d'un accident et cet homicide demeure un acte entièrement involontaire. Nous ne changeons rien à cela.

La situation est tout autre quand l'homicide est commis avec une ou plusieurs circonstances aggravantes. Bien sûr, l'infraction en elle-même demeure involontaire puisque la mort est donnée sans intention de le faire. Sur ce point, il n'existe aucun débat. Cela correspond à notre droit pénal. Il est toutefois difficilement acceptable de qualifier cette infraction de totalement involontaire, alors qu'elle a eu lieu dans des circonstances qui, elles, résultent bien d'un comportement délibéré du conducteur.

Très concrètement, quelles peuvent être ces circonstances aggravantes ?

Elles sont aujourd'hui au nombre de six : la violation manifestement délibérée d'une obligation de prudence ou de sécurité, la consommation d'alcool, l'usage de stupéfiants, le délit de fuite, la conduite sans permis, l'excès de vitesse de plus de 50 kilomètres par heure au-dessus de la vitesse maximale autorisée.

Dans ces six cas, il y a bien un acte délibéré du conducteur fautif. C'est en effet délibérément que ce conducteur a conduit sans avoir de permis de conduire, sans respecter les limitations de vitesse ou en brûlant un feu rouge, en état d'ivresse ou après avoir consommé des stupéfiants, ou encore en décidant de prendre la fuite après avoir causé l'accident. Sans modifier le caractère involontaire de l'infraction, il nous semble donc logique que notre droit adopte des termes plus justes et plus précis, afin de tenir compte de l'aspect volontaire de la circonstance qui a conduit à cette situation dramatique.

Telle est l'intention générale de notre proposition : créer une surqualification pénale permettant de mieux qualifier ces infractions, qu'il s'agisse d'homicide routier ou de blessures routières.

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Comme vient de le dire Mme Brugnera, que je remercie également pour le travail transpartisan que nous avons su mener ensemble en bonne intelligence, notre proposition de loi modifie le code pénal afin de créer une infraction autonome et indépendante d'homicide routier.

En outre, elle applique la même logique aux atteintes involontaires commises par un conducteur avec circonstances aggravantes. En cohérence avec le droit applicable, nous les remplaçons, elles aussi, par deux nouvelles infractions autonomes et indépendantes : d'une part, les blessures routières ayant entraîné une incapacité totale de travail (ITT) supérieure à trois mois ; d'autre part, les blessures routières ayant entraîné une ITT inférieure ou égale à trois mois.

Ce sont donc trois nouvelles qualifications pénales qui sont créées pour mieux tenir compte de la réalité de ces accidents, qui ont certes des conséquences involontaires, mais qui surviennent dans des circonstances résultant d'actes délibérés commis par le conducteur fautif.

Certains d'entre vous diront peut-être qu'il s'agit là d'une mesure purement symbolique. Je ne pense pas que ce soit le cas. D'une part, en droit, la sémantique ne relève nullement du symbole, mais se doit d'être précise ; d'autre part, en plus de cette évolution des qualifications pénales, notre texte contient des mesures très concrètes que je vais à présent détailler.

Tout d'abord, en cohérence avec le droit actuel, nous conservons les six circonstances aggravantes déjà prévues : délit de fuite, violation manifestement délibérée d'une obligation de prudence ou de sécurité, consommation d'alcool, usage de stupéfiants, conduite sans permis, excès de vitesse de 50 kilomètres par heure ou plus. Outre ces cas, nous proposons de créer trois nouvelles circonstances qui permettront de qualifier l'homicide ou les blessures routiers : la non-assistance à personne en danger, l'utilisation par le conducteur d'écouteurs ou du téléphone à la main et la consommation volontaire de substances psychoactives.

S'agissant de ce dernier cas, nous avions initialement retenu dans la proposition de loi une formulation inspirée des dispositions législatives que nous avons votées à la suite de l'affaire Sarah Halimi. Concrètement, nous visons ici la consommation de drogues légales, soit du fait d'un usage détourné de ces produits – je pense au protoxyde d'azote, dont je sais qu'il constitue un sujet préoccupant pour nombre d'entre vous –, soit du fait d'unusage manifestement excessif, comme la surconsommation de médicaments, prescrits ou non par ordonnance. Pour nous, que l'on se drogue avec des substances illégales ou avec des substances légales, le résultat est le même : la personne concernée s'est volontairement droguée et n'est pas en état de conduire. Bien sûr, le sujet est délicat s'agissant des substances légales, mais cela ne doit pas nous arrêter et nous devons trouver une solution législative permettant de prendre en compte et de sanctionner enfin ces comportements à risque. Nous vous proposerons d'ailleurs une réécriture des alinéas relatifs aux substances psychoactives, afin de clarifier les cas concernés.

Une deuxième évolution concerne les peines complémentaires. Notre proposition de loi qualifie les trois infractions d'homicide routier et de blessures routières et prévoit donc les peines encourues à titre principal. Elle comporte en outre un article précisant les peines complémentaires encourues par les personnes condamnées au titre de ces infractions.

En cohérence avec notre droit actuel, nous reprenons les peines complémentaires déjà encourues par les auteurs d'homicides ou d'atteintes involontaires avec circonstances aggravantes. Cependant, là encore, nous avons souhaité apporter quelques évolutions au droit en vigueur et nous avons élargi certaines de ces peines complémentaires, soit dans leur durée, soit dans leur champ d'application.

Par exemple, nous proposons de rendre possible la confiscation ou l'immobilisation du véhicule dont le condamné s'est servi pour commettre l'infraction, même lorsque ce véhicule n'est pas sa propriété, dans les cas où il a été laissé à sa libre disposition par le propriétaire du véhicule qui avait connaissance du fait que le condamné n'était pas en état de conduire – soit parce qu'il n'avait pas le permis de conduire, soit parce qu'il se trouvait en état d'ivresse manifeste ou avait consommé des stupéfiants ou des substances psychoactives.

Enfin, autre évolution notable, nous rendons obligatoire le prononcé de certaines peines complémentaires, comme l'obligation d'installer sur son véhicule un dispositif antidémarrage par éthylotest lorsqu'on a été condamné pour un homicide routier ou des blessures routières en étant sous l'empire d'un état alcoolique. Cela me semble frappé au coin du bon sens : vous avez causé la mort de quelqu'un ou lui avez infligé des blessures entraînant une ITT en étant saoul ? Eh bien, pendant un certain temps, vous ne pourrez plus conduire sans prouver que vous n'êtes pas sous l'empire de l'alcool.

Voilà, mes chers collègues, quelles sont précisément les évolutions que nous vous proposons aujourd'hui. Nous en proposerons d'autres par voie d'amendement.

En conclusion, je souhaite rappeler que ce sujet de la lutte contre la violence routière et la gravité des faits que nous allons évoquer en parlant de ces homicides et blessures routiers nous obligent. Ils nous obligent à la dignité, mais aussi à la responsabilité. Notre responsabilité, en tant que législateurs, est d'agir pour améliorer notre droit, pour mieux lutter contre ces violences et pour mieux accompagner les victimes et leurs familles.

Je sais que ce sujet nous tient à cœur quels que soient les bancs sur lesquels nous siégeons, et j'espère que nous parviendrons à trouver un consensus, voire une unanimité, sur cette proposition de loi.

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Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

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En 2022, 672 personnes ont été tuées dans un accident de la route impliquant un conducteur sous l'influence de stupéfiants. Le test de dépistage aux stupéfiants est positif pour l'un des conducteurs impliqués dans un accident mortel sur cinq.

En France, l'alcool est en cause dans 28 % des accidents mortels. Ce sont près de 1 000 personnes qui perdent la vie chaque année à cause de l'alcool au volant ; une victime sur quatre est âgée de 18 à 24 ans.

Sous l'effet de l'alcool comme des drogues, le conducteur n'est plus en mesure d'évaluer correctement les dangers de la route. En 2022, 3 550 personnes ont trouvé la mort dans un accident de la route dans notre pays. Combien de familles seront encore brisées par des drames routiers si nous ne faisons rien ?

La sécurité routière est un combat de chaque instant. Nous pouvons réduire la mortalité routière à condition de nous attaquer aux violations qui sont à l'origine de trop nombreux accidents. C'est tout l'enjeu de cette proposition de loi. Par ce texte, nous améliorerons la prévention et renforcerons les sanctions, notamment à l'encontre des individus conduisant sous l'influence de stupéfiants.

Nous sommes attentifs aux préoccupations exprimées par les associations de victimes, qui manifestent leur consternation face à la qualification d'homicide involontaire, surtout lorsque le conducteur concerné a pu se trouver sous l'empire de l'alcool ou de stupéfiants avant de s'engager sur la voie publique. Il est impératif que notre législation reflète la réalité de situations où la négligence délibérée peut détruire des familles, afin d'assurer une justice équitable aux victimes et à leurs familles, tout en dissuadant activement les comportements irresponsables sur nos routes.

Dans ce but, l'article 1er de la proposition de loi permet d'instituer trois nouvelles infractions et considère nouvellement comme circonstances aggravantes de ces infractions le fait de tenir en main son téléphone portable ou l'usage d'écouteurs. Il ajoute également la non-assistance à personne en danger parmi les circonstances aggravantes, au même titre que le délit de fuite.

Enfin, l'article 2 est la conséquence de la création de nouveaux articles dans le code pénal.

Ce texte, en permettant la requalification d'homicide involontaire en homicide routier, offre une reconnaissance aux familles des victimes. Il renforce, en outre, l'arsenal pénal en élargissant les peines à la disposition du juge. Cette mesure vise à dissuader plus efficacement les comportements dangereux sur les routes et à rendre une justice proportionnée aux conséquences tragiques des accidents de la circulation. En somme, la requalification s'accompagne d'une volonté de renforcer la sécurité routière et de promouvoir une responsabilité individuelle accrue, pour que la route ne soit plus synonyme de danger.

Le groupe Renaissance votera favorablement ce texte.

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Le traitement judiciaire des drames de la route n'est plus, de nos jours, admissible pour beaucoup de familles de victimes. Il est vrai que lorsqu'on a perdu un enfant, un frère ou une mère dans un accident dont le responsable était alcoolisé, sous l'empire de stupéfiants ou a commis un délit de fuite, il est insupportable de s'entendre dire, pour justifier le prononcé d'une simple peine d'emprisonnement avec sursis, que les faits étaient involontaires. Lorsque les proches d'une victime se trouvent dans une telle situation de douleur et de sidération, il n'est plus acceptable qu'ils se voient opposer la simple notion de « pas de chance ».

Il s'agit donc de donner un sens législatif à l'expression « violences routières », en espérant qu'il en résultera des effets concrets. Manifestement, le traitement judiciaire de ces violences avant et pendant le procès est trop influencé par le caractère uniquement involontaire de l'infraction telle qu'elle résulte de notre droit positif. En instituant une infraction autonome d'homicide routier ou de blessures routières, le texte est, nous semble-t-il, novateur et va dans le bon sens.

Nous sommes d'accord pour dire que, si la mort ou les graves blessures ne sont bien entendu pas recherchées par l'auteur, la ou les circonstances aggravantes de l'infraction, qui ont joué un rôle causal majeur dans la survenue du drame, procèdent quant à elles de faits complètement volontaires.

Cette proposition est aussi novatrice dans la mesure où nous créons une infraction à mi-chemin entre le fait involontaire et le fait volontaire. Loin de constituer seulement une évolution sémantique, il s'agit aussi d'une évolution de notre droit pénal. Au premier abord, le juriste, quelque peu conservateur, peut être troublé par cette proposition. Mais, à bien y réfléchir, on doit pouvoir trouver, dans certaines circonstances, une place pour une qualification intermédiaire entre le vouloir-tuer et le tuer-sans-le-vouloir.

Cette proposition de loi est donc utile en ce qu'elle permet de mieux appréhender la situation des victimes et des auteurs au regard du droit. Elle répond aussi au déplacement sur nos routes de certains comportements sociétaux : l'alcoolisme, qui demeure une véritable plaie dans notre société ; l'usage de stupéfiants, trop banalisé, qui semble généralisé ; la perte du sens civique, à l'origine de la multiplication des délits de fuite, des cas de non-assistance à personne en danger et de refus d'obtempérer.

Notre groupe soutient donc ce texte qui, par définition, n'est pas partisan ; disons qu'il est presque transpartisan dans sa conception. Ici, toutefois, nous ne parlons pas de politique, mais de la mort de bien trop d'innocents, souvent jeunes.

Sans dénaturer la proposition de loi dans son esprit ou dans sa lettre, nous proposerons quelques amendements visant notamment à inscrire le refus d'obtempérer au nombre des circonstances aggravantes – j'ai cru comprendre que vous étiez d'accord avec nous sur ce point. Le nombre, la gravité, la dangerosité de ces comportements impose, à notre avis, de les considérer comme éléments constitutifs de circonstances aggravant les infractions créées.

Vous l'aurez compris, notre groupe est totalement favorable à cette proposition de loi.

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Le groupe Les Républicains soutiendra ce texte. Je tiens d'ailleurs en préambule à saluer la qualité du travail effectué par les deux rapporteurs.

Tout au long de l'histoire de la prévention routière, nous avons soutenu toutes les propositions allant dans le sens de l'amélioration de la sécurité des usagers de la route. En 1972, c'est le gouvernement de Pierre Messmer qui lance le premier grand plan de sécurité routière, instaurant des mesures qui nous paraissent aujourd'hui parfaitement ordinaires, telle l'obligation du port de la ceinture de sécurité. En 2003, n'oublions pas que Jacques Chirac choisissait courageusement de faire de la sécurité routière la grande cause nationale.

À l'époque de Pierre Messmer, il y avait quelque 18 000 morts par an sur la route ; sous Jacques Chirac, près de 7 000. En 2023, nous avons encore eu à déplorer 3 500 morts. Les chiffres n'ont donc cessé de baisser au fil des décennies, mais force est cependant de constater une stagnation. Nous ne parvenons plus à réduire le nombre des drames routiers.

Il fallait donc changer d'approche, et c'est précisément ce que fait ce texte. Il n'est plus question de punition collective. Nous sommes arrivés au bout de la logique selon laquelle, par nature, l'usager de la route est un délinquant et qu'il y a des morts parce que tous les usagers de la route roulent trop vite. Non. C'est le comportement de quelques-uns qui pose problème. Ce texte a ainsi le mérite de punir plus sévèrement ceux dont les comportements sont les plus dangereux.

En matière de sécurité routière, il y a un enjeu d'acceptabilité. On a vu à quel point l'évolution de la réglementation en matière de vitesse de circulation en venait à crisper nos concitoyens. On ne réglera pas les problèmes de sécurité routière en crispant l'ensemble des usagers, mais bien en dénonçant les comportements particulièrement dangereux.

Les chiffres parlent d'eux-mêmes : sur les 3 550 victimes décédées du fait d'accidents de la route l'année dernière, 40 % l'ont été par la faute d'un conducteur sous l'influence de substances, dont 23 % sous la double influence de l'alcool et des stupéfiants. C'est donc bien sur ce vecteur d'accidents qu'il s'agit d'agir urgemment.

Votre texte va dans ce sens. Il propose un changement de paradigme judiciaire. C'est une bonne chose. Les grands changements nécessitent parfois de changer d'angle de vue.

Nous soutiendrons donc cette proposition de loi avec conviction.

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Quelque 3 500 personnes ont perdu la vie cette année sur nos routes et plus de 16 000 y ont été gravement blessées. Derrière ces chiffres, il y a des destins et des familles brisés à jamais, parce que l'un des leurs se trouvait au mauvais endroit, au mauvais moment. Ce mauvais moment, c'est celui qui vous fait croiser la route d'un chauffard au détour d'un virage ou d'un feu rouge, c'est celui qui vous fait basculer dans l'horreur. Vous n'y êtes pour rien : lui seul en est responsable.

Alcool, stupéfiants, vitesse sont les trois principales causes des accidents mortels de la route. C'est bien ce triptyque qui forme un cocktail mortel et constitue un fléau contre lequel il nous faut redoubler d'efforts, en faisant preuve d'une volonté sans faille. D'abord dans la réponse pénale, que nous attendons ferme et dissuasive. Mais aussi dans la prévention, car, lorsque l'on parle de sanction, c'est qu'il est déjà trop tard. Agir en amont est la principale des protections contre les comportements à risque. Nous devons renforcer, encore et toujours, l'éducation routière dès le plus jeune âge et tout au long de la vie.

Bien sûr, lorsque la sensibilisation ne suffit pas, il faut frapper fort par la sanction. En cas d'homicide involontaire, la peine moyenne est de vingt-deux mois de prison ferme pour le conducteur fautif. Si l'on s'en tient aux statistiques judiciaires, en 2021, plus de huit personnes sur dix reconnues coupables de blessures involontaires après avoir pris le volant sous l'empire de l'alcool ou de stupéfiants ont été condamnées à une peine principale d'emprisonnement. Mais il s'agissait de prison ferme pour seulement 64 % d'entre eux.

Ne doit-on pas en déduire que c'est à la justice de se montrer plus ferme et non au législateur d'aggraver les peines, puisque les peines maximales déjà en vigueur ne sont pas prononcées ?

Nous attendons aussi que la justice se saisisse davantage des peines complémentaires prévues, comme l'a préconisé le garde des sceaux dans une récente circulaire.

Sur le fond, cette proposition consiste à remplacer le terme « homicide involontaire commis par le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur » par le terme « homicide routier ». Si nous comprenons la volonté de répondre à la douleur causée aux proches des victimes par la qualification du drame qu'ils ont vécu en homicide involontaire, nous demeurons lucides quant au fait que, du point de vue du droit pur, il ne s'agira toujours que d'une mort causée par autrui sans intention de la donner.

Toutefois, ne nous y trompons pas, c'est bien un comportement volontaire qui a pour conséquence ces drames de la route. Le changement sémantique proposé souligne cet état de fait et, en ce sens, il est bienvenu.

Ne soyons cependant pas dupes, ce n'est pas en substituant un mot à un autre que nous réparerons mieux les drames routiers. Au-delà d'un tel changement, les victimes et leurs proches attendent surtout d'être mieux considérés, entendus et accompagnés.

Cette proposition de loi, que notre groupe votera, est un pas supplémentaire pour les victimes, mais d'autres dispositions devront être prises pour aller plus loin, plus fort encore dans la lutte contre les comportements meurtriers au volant.

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Cette proposition de loi est une version amoindrie d'une proposition déposée par M. Pauget, qui aggravait les peines encourues. Elle a pour point de départ un constat terrible, déjà rappelé : 3 550 morts et 70 000 blessés sur les routes. L'inacceptable l'est d'autant plus quand on sait que notre proche a été tué ou blessé par un individu ayant adopté un comportement à risque en connaissance de cause.

Le nombre de morts sur les routes a considérablement diminué du fait de mesures d'ordre réglementaire, que je salue.

Ce texte répond à un appel des associations de proches des victimes de la route. Par le terme « routier », il remplace le terme « involontaire ». Nous admettons que celui-ci est inaudible pour les familles des victimes, et ne pouvons que compatir au drame que constitue la perte d'un des siens dans un accident et au bouleversement que cette perte entraîne. Ce texte fait donc savoir aux familles que le comportement à risque de l'infracteur, antérieur et ayant conduit à l'accident, est bien pris en compte ; or, c'est déjà le cas, puisqu'il appartient à la catégorie des circonstances dites aggravantes. Rappelons que prendre le volant après avoir consommé de la drogue ou de l'alcool, c'est multiplier par dix-huit le risque d'être responsable d'un accident mortel. Choisir de rouler en état d'ébriété, sous l'influence de stupéfiants, sans permis, en faisant usage de son téléphone, en excédant grandement la vitesse autorisée transforme de fait, et sciemment, un véhicule en machine à tuer.

Le débat que vous nous proposez, bien que relevant d'un registre différent, rappelle celui que nous avons eu sur l'irresponsabilité pénale et sur la responsabilité de l'auteur d'actes accomplis du fait d'une prise de stupéfiants antérieure au passage à l'acte et favorisant l'infraction ou le crime en question. À notre sens, cette proposition soulève la question de savoir si un changement de qualification est susceptible d'avoir un effet dans la réalité. Car on ne légifère que dans l'intention que les mots de la loi produisent un effet, induisent des changements de comportements. Or, dans le cas présent, il y a un risque que nous votions une loi d'affichage, sans que les intéressés en soient informés, sans que cela ne change rien alors qu'ils attendent beaucoup : un coup d'épée dans l'eau pour le législateur, une loi de plus dans l'océan des normes.

À cet égard, si l'on privilégiait une approche plus circonstanciée de l'homicide involontaire ou de l'homicide par imprudence, on pourrait aussi imaginer qu'une proposition relative à l'homicide de chasse entende punir spécifiquement les imprudences commises dans le cadre de cette activité, telles que la consommation d'alcool ou de substances psychoactives ou la méconnaissance d'une règle élémentaire de sécurité – nous avons tous le souvenir d'une joggeuse tuée par un chasseur. Dans de telles situations, le terme « involontaire » est tout aussi inaudible pour les familles des victimes.

L'action, comme l'a indiqué Mme Luquet, c'est d'abord la prévention, car un homicide n'est jamais réparé. La prévention impose peut-être des mesures de niveau législatif, par exemple l'obligation de campagnes de sensibilisation.

Enfin, garantir un délai dans lequel interviendrait la réparation intégrale, l'exécution de la peine, pourrait constituer une réponse.

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En 2022, 3 550 personnes ont perdu la vie sur les routes de France. C'est inacceptable. Nous ne pouvons nous résoudre à ce triste bilan. Présentant un taux de décès de 49 pour 1 million d'habitants, la France n'occupe pas la place qui doit être la sienne.

Le Gouvernement est pleinement engagé dans la lutte contre l'insécurité routière. En témoignent les mesures annoncées par la Première ministre le 17 juillet dernier. Des changements en sept axes seront engagés afin que nous puissions circuler en sécurité et en toute sérénité sur nos routes.

Le groupe Horizons et apparentés est convaincu qu'il est nécessaire d'éduquer à mieux partager la route et à mieux détecter, évaluer et suivre les inaptitudes à la conduite, de lutter contre les comportements dangereux, mais aussi et surtout de protéger les usagers et d'accompagner les victimes.

Cette proposition de loi est le fruit d'un travail transpartisan mené par Anne Brugnera et Éric Pauget, auquel nous avons participé. Je tiens ici à saluer la qualité de ce travail des rapporteurs, dont je sais qu'ils ont été à l'écoute de toutes les parties concernées, notamment des associations de victimes. Ils ont su construire un projet au-dessus de tous les clivages, avec pour seul objectif la lutte contre les accidents mortels et une répression plus forte de leurs auteurs.

Nous nous félicitons de l'existence d'un consensus quant à la meilleure qualification pénale des accidents de la route ayant des conséquences toujours graves et durables pour les victimes. Un constat est partagé par les six groupes parlementaires cosignataires du texte : la qualification d'homicide involontaire ou de blessures involontaires à la suite d'un accident de la route provoqué par un conducteur sous l'influence de stupéfiants ou dont le permis avait été annulé n'est plus acceptable. Le terme « involontaire » est légitimement mal vécu par les victimes et familles de victimes. Si l'auteur n'avait pas l'intention de commettre cette infraction, il n'en a pas moins mis en danger la vie d'autrui en prenant le volant alors même qu'il était conscient de n'être pas apte à le faire et qu'il a créé les conditions de cette inaptitude.

La proposition de loi institue donc trois nouvelles infractions : l'homicide routier, les blessures routières causant une ITT supérieure à trois mois et les blessures routières causant une ITT inférieure ou égale à trois mois. Elle crée également de nouvelles circonstances aggravantes, comme l'usage du téléphone et la non-assistance à personne en danger.

Le texte prévoit, en outre, dans des cas particuliers, par exemple de récidive, qu'une peine complémentaire soit automatiquement prononcée. Si les quanta des peines encourues par les auteurs demeurent inchangés, c'est véritablement la qualification pénale de l'acte commis qui est modifiée et de nouveaux moyens juridiques qui sont mis à disposition du juge afin qu'il puisse prononcer des peines plus lourdes.

Cette proposition de loi nous paraît donc présenter un équilibre subtil. Le groupe Horizons et apparentés se satisfait que six des dix groupes parlementaires reconnaissent la nécessité que notre droit prévoie, de manière ciblée et exceptionnelle, des peines automatiques, pour plus de prévisibilité, de dissuasion et d'égalité judiciaire sur notre territoire.

Nos travaux nous permettront également de débattre de l'intoxication volontaire, à partir de la formulation introduite en vue d'une autre loi par Naïma Moutchou, et nous nous en réjouissons.

Le groupe Horizons et apparentés votera en faveur de cette nécessaire proposition de loi.

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Je crains d'avoir à rompre l'unanimisme ambiant. À écouter les interventions des membres de la commission, je suis surpris de l'ampleur du décalage entre le contenu du texte et la réalité du sujet que nous traitons : plus de 3 500 morts sur nos routes, un chiffre qui ne tend à baisser que légèrement et aucune mesure prise depuis sept ans, alors que l'on sait que les deux facteurs les plus importants de mortalité routière sont la vitesse et l'alcool.

Le principal sujet soulevé par ce texte est d'ordre sémantique. Je l'entends parfaitement : il est vrai que l'usage du mot « involontaire » peut choquer. Mais si vous voulez retirer ce mot du code pénal, vous devrez l'ôter partout. Il faudrait, sinon, créer un homicide de chasse, un homicide de conduite d'engins, etc. Des circonstances particulières, il y en a beaucoup !

L'aggravation des peines est attachée à des circonstances aggravantes. La première version du texte proposée par M. Pauget avait un sens, puisqu'elle proposait cette aggravation des peines ; mais cette dernière a disparu de la proposition que vous nous présentez. Je pourrais vous suivre s'agissant de l'ajout de trois nouvelles circonstances aggravantes, notamment de la prise en main du téléphone portable.

Cependant aucune étude d'impact ne nous indique combien de morts pourraient être évités avec ce texte. Je suis très surpris qu'on puisse légiférer sur la sécurité routière sans étude d'impact. On se plaint sans cesse de l'inflation législative, du fait de légiférer pour rien. J'aimerais m'assurer que nous faisons œuvre utile, et que celle-ci puisse être mesurée. Mais je pense que le texte ne changera rien ; en réalité, il introduira un flou avec cette nouvelle catégorie.

L'infraction reste involontaire, avez-vous dit, madame la rapporteure. Est-ce à dire qu'il s'agit d'une troisième catégorie ou d'une sous-catégorie de l'homicide involontaire ? J'aimerais que l'on clarifie la chose avant le vote. Si c'est une sous-catégorie, on n'aura pas résolu le problème vis-à-vis des victimes. Si, en revanche, il s'agit d'une troisième catégorie, elle devrait produire des effets juridiques différents. Selon l'exposé des motifs de la proposition de loi, on attend du juge qu'il tire des conclusions différentes, mais on ne change pas le droit : je ne comprends plus ! Les législateurs vont-ils donner des instructions aux juges pour leur dire comment juger ? Si l'on pense qu'ils ne prononcent pas de peines assez sévères, il faut aggraver ces dernières.

C'est donc un texte d'affichage, qui introduit de la confusion et ne réduira pas le nombre de morts sur les routes. Il crée une attente qui sera déçue. Seule la circonstance est volontaire – par exemple, la prise de stupéfiants –, non l'homicide. Il faut trouver une formulation juste. Je proposerai, par amendement, la notion d'homicide non intentionnel.

Notre groupe est très réservé sur le texte. Nous déterminerons notre vote en fonction des débats.

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Comme chacun ici, nous souhaitons lutter contre les violences routières ; reste à savoir si la modification de la dénomination d'une infraction peut concourir à cet objectif. Certains collègues se sont réjouis de la création d'une qualification à mi-chemin entre l'infraction volontaire et l'infraction involontaire. Or, ce n'est pas possible : soit l'infraction comporte un élément intentionnel, soit elle en est dépourvue. Changer les termes par souci de ne pas choquer les familles ne changera pas la qualification juridique de l'infraction.

Est-ce bien le rôle du législateur de légiférer sous le coup de l'émotion ou pour rendre une dénomination moins choquante pour certains ? Mais alors, c'est tout notre droit qu'il faudrait requalifier. De fait, la proposition de loi résulte d'une annonce faite par Gérald Darmanin à la suite de l'affaire Palmade. Certaines associations, qui demandaient le changement de la qualification, se réjouissent qu'on légifère ainsi sous le coup de l'émotion, mais beaucoup d'autres ne sont pas dupes et ont conscience que ça ne changera rien : l'infraction reste involontaire, quelque pudeur qu'on y mette.

J'ai été un peu choquée en lisant, dans l'exposé des motifs, que le nouveau régime d'infraction créé « ne devrait pas laisser les magistrats indifférents dans leur appréciation de la faute pénale commise, ce qui pourrait entraîner un durcissement du prononcé des peines ». Si c'est à ce résultat que l'on veut aboutir, il faut l'écrire dans la loi. Or, on ne l'écrit pas. Aussi, je m'interroge : est-ce le comportement des magistrats que l'on veut modifier ou celui des délinquants de la route ? Si ce sont les magistrats qui sont visés, il faut l'écrire sans pudeur.

Les familles seraient insatisfaites parce que les magistrats ne jugent pas de la bonne manière. Or, les magistrats ne jugent pas une infraction, ils jugent un homme ou une femme, et ils continueront quelle que soit la qualification que vous déciderez. Je ne suis donc pas du tout persuadée qu'un changement de qualification entraînerait une modification de la peine prononcée.

Surtout, je suis déçue que la proposition de loi n'aborde pas le fond du sujet. On sait que 30 % des homicides sur la route sont dus à l'alcool. Or on ne parle pas de ces questions. On n'est pas capable d'interdire la publicité pour l'alcool, de restreindre les comportements liés à sa consommation, car cela nécessiterait un affrontement avec des lobbys puissants. C'est autrement plus difficile que de changer une qualification. Pourtant, cela permettrait d'atteindre l'objectif visé.

Le groupe GDR, en toute conscience, s'abstiendra.

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Depuis plusieurs années, les familles de victimes de la route et les associations de sécurité routière alertent les autorités publiques sur la problématique de la qualification pénale d'homicide involontaire. Lorsqu'on perd un proche dans un drame causé par un conducteur qui a volontairement pris un risque en consommant de la drogue ou de l'alcool, voire les deux, il est difficile d'entendre parler d'acte involontaire. Notre groupe accueille donc favorablement la création d'une infraction d'homicide routier. C'est un combat qu'il porte de longue date à travers les textes que Pierre Morel-À-L'Huissier a déposés sur le sujet.

En dépit des efforts menés dans le cadre de la lutte contre la délinquance routière, le nombre de morts sur la route ne diminue pas – il est passé de 3 268 en 2013 à 3 267 en 2022 –et quelque 16 000 blessés graves s'y ajoutent chaque année. Des drames, survenus l'an dernier et impliquant des conducteurs ayant cumulé les prises de risque volontaires – drogue, important excès de vitesse, alcool –, n'ont laissé personne indifférent. Avec cette proposition de loi, ces affaires tomberaient sous le coup de l'homicide routier. C'est un texte que nous estimons équilibré, dans la mesure où il efface le terme « involontaire » tout en reconnaissant que l'objectif du conducteur n'était pas de donner la mort. Cette avancée permettra, selon nous – du moins, il faut l'espérer – de responsabiliser les auteurs des infractions. Le terme sera de surcroît plus approprié pour les familles des victimes.

Dans le même sens, notre groupe soutient le choix de maintenir un quantum de peine élevé, de sept ans de prison et 100 000 euros d'amende. Il souligne l'intérêt des peines complémentaires, en particulier le retrait du permis, voire l'impossibilité de le redemander dans les dix ans qui suivent. Ces peines doivent prévenir autant que faire se peut la récidive.

Une remarque pour finir : certes, la réponse pénale répressive doit être à la hauteur mais la proposition de loi ne sera qu'une première étape. Il faut réaffirmer la nécessité d'une politique plus globale par le renforcement de la prévention et de l'éducation, thèmes de plusieurs des trente-huit mesures préconisées par le CISR, en juillet dernier. Il convient d'appliquer un certain nombre d'entre elles.

Notre groupe votera en faveur de ce texte.

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Ce texte vise à créer la catégorie d'homicide routier, qui serait constitué dès la première circonstance aggravante. Il ne s'agit que de l'une des trente-huit propositions formulées par le CISR en juillet dernier. Nous comprenons l'intention de ce changement sémantique, mais force est de constater qu'il ne réglera rien sur le fond et ne permettra pas de réduire le nombre de morts inutiles, insensées qui endeuillent notre pays chaque année.

Pour notre part, nous faisons le pari de l'éducation, par exemple sur les effets de l'alcool – mais cela suppose, en effet, de rompre avec un certain nombre de lobbys –, et de la qualité de l'apprentissage de la conduite d'une voiture. De ce point de vue, la dématérialisation introduite dans l'apprentissage du code n'est peut-être pas la meilleure pédagogie. Par ailleurs, l'état de nos routes, dont l'entretien est lié à la situation financière des conseils départementaux qui en ont la charge, n'est pas étranger à la dangerosité des voies et au nombre de morts, que nous ne parvenons plus à faire baisser. Enfin, il faut assurer un accès égal et gratuit au permis de conduire, qui est indispensable pour vivre normalement et occuper un emploi.

Le Gouvernement a émis l'idée que les jeunes gens puissent accéder au permis plus tôt, alors qu'ils sont les premières victimes d'accidents graves. Je ne crois pas que ce soit la bonne manière de procéder. Et que pensent les associations de celle de ne plus retirer de point pour les petits excès de vitesse et de conserver la seule amende ? Nous savons pourtant que les chemins du quotidien, ceux sur lesquels l'attention faiblit, sont les plus accidentogènes.

Non seulement le compte n'y est pas, mais le fond du sujet n'est pas traité.

Nous sommes pleinement solidaires des familles et des proches des victimes. Pour autant, et même si c'est difficile à entendre, on ne peut pas considérer qu'un conducteur qui fait n'importe quoi, en prenant le volant sous l'emprise de l'alcool ou en téléphonant, manifeste l'intention de tuer ou de blesser très gravement quelqu'un. C'est la raison pour laquelle les associations ne sont pas satisfaites de cette mesure et souhaitent, à juste raison, une politique publique bien plus globale, et pour laquelle aussi les juristes s'inquiètent de cette façon d'entremêler les sujets sans qu'il y ait d'impact sur le réel.

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Nous en venons aux questions des autres députés.

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Ce texte est attendu par de nombreuses familles. J'ai une pensée pour Jean-Michel Bertrand, mon prédécesseur, aujourd'hui décédé, qui avait été chargé par le Premier ministre, en 2004, d'une mission sur la sécurité routière, et qui avait déposé une proposition de loi, le 9 novembre 2005, « visant à mieux qualifier certains comportements particulièrement dangereux ». C'est un travail complexe car, comme on le voit, l'insertion de la qualification d'homicide routier dans notre droit soulève un certain nombre de questions. M. Bertrand, lui, avait opté pour le délit d'homicide « par mise en danger caractérisée de la vie d'autrui ».

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La sécurité routière est un sujet de préoccupation quotidien, en particulier dans la ruralité. Les élus cherchent des solutions pour faire ralentir les véhicules, notamment aux abords des villages, des écoles. Lorsqu'on a perdu un membre de sa famille dans un accident de voiture, on en garde un traumatisme qui s'étend sur plusieurs générations. Je vous suis reconnaissante d'avoir mis le sujet à l'ordre du jour.

J'ai déposé un amendement qui vise à contraindre le conducteur qui a causé la mort de quelqu'un à passer une visite médicale. On sait que certaines personnes ne sont plus capables de conduire mais continuent à le faire. C'est un vide juridique que je propose de combler.

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Cette nouvelle qualification juridique conduira les parents des délinquants potentiels et ces derniers à se responsabiliser en amont. Le texte jouera de la sorte un rôle préventif.

Les groupes de gauche prétendent que les associations ne seraient pas satisfaites par la proposition de loi et par la fin du retrait de point pour les petits excès de vitesse. En ma qualité de président du groupe d'études sur la sécurité routière, j'ai auditionné, en présence de Mme Brugnera, les associations de victimes : elles souhaitent que l'on se concentre sur la grande délinquance routière.

Sachant que près de 500 morts par an sont liées à la drogue, je suis très surpris que vous ne parliez que de l'alcool. Je trouve cela suspect et me demande parfois si cela pourrait s'expliquer par des raisons électoralistes.

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En matière de sécurité routière, nous n'avons fait aucune loi depuis 2017 ; je ne pense donc pas que l'on puisse parler d'inflation normative.

On ne peut pas dire non plus qu'on légifère sous le coup de l'émotion. Pour ma part, je travaille sur le sujet depuis 2016, date à laquelle j'étais adjointe au maire de Lyon. Dès que j'ai été élue députée, en 2017, je me suis attelée à la question avec les associations.

Nous avons travaillé sur le texte avec des juristes et de très nombreuses associations, qui sont favorables, dans leur grande majorité, à la création de l'homicide routier. Nous pensons que la loi aura un effet, à l'instar de juristes spécialistes des procès de violences routières.

Enfin, le texte évoque bien la consommation d'alcool. De surcroît, nous avons déposé des amendements sur ce sujet.

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La majorité des groupes de notre assemblée approuve le texte, ce dont je me félicite. Je ne désespère pas que l'on parvienne à convaincre, d'ici à la séance, nos collègues des groupes Écologiste, La France insoumise et Gauche démocrate et républicaine. Ce sujet n'a pas vocation à entretenir un clivage politique ; il revêt une dimension essentiellement sociétale. Pour avoir conduit beaucoup d'auditions avec Anne Brugnera, je peux vous dire que de très nombreuses associations de victimes demandent une modification du droit.

Nous vous proposons une évolution novatrice du code pénal en lien avec la qualification d'homicide routier qui est, elle, évoquée depuis des années. Notre proposition montre que le droit français n'est pas figé. Il ne s'agit pas de toucher aux homicides involontaire et volontaire, mais d'apporter une qualification juridique nouvelle, indépendante et autonome, qui parle aux victimes. Il me paraît important que l'on rééquilibre notre droit pénal en faveur des victimes et que l'on ne se concentre pas uniquement sur les auteurs. Les associations nous rejoignent sur ce point.

L'évolution de la loi sur l'intoxication volontaire qui a fait suite à l'affaire Sarah Halimi, en 2022, était l'étape qui nous manquait pour avancer. Il ne s'agit pas de gommer la distinction entre acte volontaire et involontaire – quiconque, au volant de son véhicule, décide de foncer sur quelqu'un se rendra toujours coupable d'homicide volontaire. Il s'agit d'adapter le droit à l'évolution de la société. À l'heure actuelle, près de 40 % des morts sur la route sont dues à la consommation volontaire de drogue ou d'alcool, et lorsque la personne mise en cause est condamnée pour homicide ou blessures involontaires, les victimes perçoivent cela comme une double ou une triple peine.

Les chiffres montrent que les peines maximales sont très peu prononcées. Le problème n'est pas le quantum de peine, il tient à la bonne qualification juridique. Je suis persuadé que le texte aidera la justice à juger de manière plus équitable et à prononcer des peines plus sévères.

Article 1er (art. 221-6-1, 221-19 [nouveau], 221-20 [nouveau], 221-21 [nouveau], 221-22 [nouveau], 222-19-1 et 222-20-1 du code pénal) : Création des infractions d'homicide et blessures routiers

Amendement de suppression CL74 de M. Jérémie Iordanoff

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Des juristes vous ont dit que le texte produirait un effet, mais de quel ordre ? Nous n'avons pas d'étude d'impact. J'aimerais que l'on évalue le nombre de morts qui pourraient être évités avec cette loi, le nombre d'infractions qu'elle permettrait de prévenir. Je n'ai aucun problème à parler de drogue, mais la vitesse et l'alcool sont, d'après les études que j'ai sous les yeux, les deux premiers facteurs à l'origine des morts sur la route. On relève aussi de nombreux malaises au volant, sources d'accidents mortels. Un bilan de santé pourrait se révéler utile. Beaucoup de mesures pourraient être prises.

Il faut savoir de quoi l'on parle. Soit on se préoccupe de la qualification : homicide volontaire, involontaire ou routier, c'est un sujet en soi et je suis prêt à en débattre. Soit on fait un texte pour faire baisser la mortalité liée aux infractions routières et on cherche les mesures les plus efficaces – je suis disposé à signer un texte transpartisan sur la question. Mais si l'on se focalise sur la qualification de l'infraction, on s'attaque à l'ensemble du code pénal.

Pardon, mais je n'ai toujours pas compris ce qu'était cette troisième infraction ni volontaire ni involontaire. Or, le code pénal fonctionne sur ces notions de volontaire et involontaire. Dès lors, la qualification que vous créez devrait s'appliquer à l'ensemble du droit pénal.

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Ce que la proposition de loi introduit, c'est une surqualification pénale. Ce n'est pas la première du genre. L'inceste, par exemple, constitue une surqualification qui se superpose aux qualifications existantes en matière de viol ou d'agression sexuelle. Nous ne créons pas de nouvelle infraction ; nous ne changeons pas le caractère involontaire de l'infraction, qui reste très clairement précisé dans le dispositif proposé. Ainsi, pour chacune des infractions, nous renvoyons à l'article 121-3 du code pénal, relatif aux délits non intentionnels. De surcroît, nous avons précisé qu'il n'y avait pas d'intention de donner la mort ou de causer des blessures. Il n'y a donc aucune ambivalence dans ce que nous proposons, ni sur le plan sémantique, ni sur le plan juridique.

Avec ce texte, nous visons un double objectif : d'une part, une meilleure qualification pénale, avec cette surqualification d'homicide routier et de blessures routières, et d'autre part, une meilleure prise de consciences quant à la gravité des circonstances aggravantes visées. Avec, en outre, des peines complémentaires dont le champ est élargi, nous disposerons donc à la fois d'un volet répressif et d'un volet préventif.

Quant à l'éducation routière, dont plusieurs d'entre vous ont parlé, effectivement elle constituait un axe de travail du CISR de l'année dernière. Nous n'avons pas repris ce thème dans notre texte, mais bien évidemment, l'éducation et la prévention sont primordiales en matière de sécurité routière.

Demande de retrait ou avis défavorable.

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Je suis tout à fait favorable à la création de ces infractions. Il me paraît nécessaire d'avoir une qualification plus fine des délits routiers. Des associations telles que Victimes et Avenir nous disent que les victimes ont besoin d'être mieux prises en considération par la justice. Il faut aussi mieux prévenir les comportements addictifs et certains usages de la route, tels que les runs. À cet égard, des initiatives formidables de développement de pôles de prévention aux risques routiers me semblent intéressantes à creuser.

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En droit pénal, un homicide peut être volontaire ou involontaire ; il ne peut pas y avoir d'homicide intermédiaire. L'idée, je la comprends : c'est grave de tuer quelqu'un sur la route parce qu'on a pris le volant à un moment où il n'aurait pas fallu ou qu'on a un comportement potentiellement mortel pour autrui. Toutefois, le texte ne change pas grand-chose dans la mesure où les peines qu'il prévoit figurent déjà dans le code pénal. Surtout, il ne va pas permettre d'éviter des morts. Pense-t-on vraiment qu'une personne qui prend le volant après avoir consommé trop d'alcool ou des stupéfiants se dit qu'elle va tuer quelqu'un, que ce sera un homicide routier, et que cette nouvelle qualification la dissuadera de conduire ? D'ailleurs, les gens qui se retrouvent dans cette situation n'avaient peut-être pas prévu d'avoir à prendre le volant. Il faut vraiment faire de la prévention.

Monsieur Meurin, pardon si cela vous semble électoraliste, mais les principales causes de mortalité routière sont la vitesse, l'inattention et l'alcool, non les stupéfiants.

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Le droit évolue régulièrement. En matière de sécurité routière, plus personne ne remet en question la loi de 1985, qui a fait évoluer le droit de la responsabilité civile en touchant aux articles, quasiment sacrés, 1382, 1383 et 1384 du code civil. En l'occurrence, si le décès ou les blessures ne sont pas voulus, les circonstances qui entourent l'accident procèdent d'une démarche volontaire.

Certes, la loi ne va pas tout régler, car la sécurité routière, c'est aussi l'éducation, la sécurité passive, l'accompagnement des victimes, la formation des enquêteurs, etc. Mais on peut commencer par-là.

Quant à étendre la qualification proposée à d'autres domaines, tels que la sécurité au travail, la chasse ou encore l'écologie, rien n'est figé. Dans tous les cas, quel que soit le résultat atteint, le comportement ab initio est aberrant.

Nous sommes opposés à l'amendement de suppression.

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J'aimerais que la rapporteure nous explique ce qu'elle entend par surqualification pénale et nous dise en quoi celle-ci contribuerait à limiter les accidents de la route. On doit faire prendre conscience aux gens qu'il est très dangereux d'utiliser son véhicule lorsqu'on a consommé de l'alcool ou de la drogue. Si la surqualification pénale se réduit à la notion d'homicide routier, je n'en vois pas l'intérêt ; elle tient simplement à l'existence du comportement aggravant à l'origine de l'accident. On ne devrait donc pas parler de surqualification pénale mais de circonstance aggravante.

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Monsieur Iordanoff, il n'y a pas d'étude d'impact, parce qu'il s'agit d'une proposition, et non d'un projet de loi. Par ailleurs, nous reconnaissons humblement que ce texte n'a pas vocation à résoudre tous les problèmes de violence routière.

Madame Untermaier, vous nous demandez de préciser ce que nous entendons par surqualification pénale. Lorsqu'une personne consomme volontairement de l'alcool ou de la drogue et prend volontairement son véhicule, celui-ci devient une arme par destination. En cas d'accident, on ne peut bien sûr pas parler d'homicide volontaire, mais on ne peut pas non plus se satisfaire de la qualification d'homicide involontaire. C'est cet entre-deux que nous visons avec la surqualification pénale. Enfin, depuis 2022 et l'affaire Sarah Halimi, la notion d'intoxication volontaire est inscrite dans notre code pénal : nous déclinons dans notre texte cette évolution récente du droit français.

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Si j'ai bien compris, on reste dans le cadre du droit pénal, qui distingue ce qui est volontaire et involontaire et, au sein de ce qui est involontaire, on crée une surqualification pénale pour l'homicide routier ?

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C'est bien ce qui m'inquiète. Si l'on crée un nouveau chapitre consacré spécifiquement aux homicides et blessures routiers, il faudra créer des chapitres spécifiques pour un tas d'autres matières. Je suis pour l'innovation mais on ne sait pas bien à quoi on s'engage en modifiant ainsi le droit pénal. Je ne suis vraiment pas satisfait de la création de cette nouvelle catégorie d'homicide, qui n'est ni volontaire, ni involontaire. Ce qui est volontaire, c'est la circonstance aggravante, mais l'homicide, lui, reste involontaire.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CL75 de M. Jérémie Iordanoff

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J'entends parfaitement que la qualification d'homicide involontaire soit insupportable pour les victimes et je propose donc de substituer au mot « involontaire » les mots « non intentionnel » : cette formulation permet de rester dans le cadre classique de notre droit pénal.

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Nous avons déjà eu ce débat : avis défavorable. Nous pensons que cette surqualification pénale est une évolution souhaitable de notre droit. Il faudra peut-être que notre droit évolue aussi sur d'autres sujets, c'est vrai, mais c'est dans sa nature d'évoluer.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CL97 de Mme Anne Brugnera et M. Éric Pauget

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Il s'agit de renuméroter les articles du code pénal créés par notre proposition de loi.

La commission adopte l'amendement.

Amendements CL11 de M. Philippe Schreck et CL83 de Mme Anne Brugnera et M. Éric Pauget (discussion commune)

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Nous proposons que le refus d'obtempérer soit ajouté aux circonstances aggravantes. Les refus d'obtempérer sont fréquents – un toutes les demi-heures –, volontaires, et ils causent de nombreux accidents : il paraît donc normal de les inclure ici.

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Nous partageons votre point de vue et avons déposé un amendement qui vise le même objectif. Toutefois, pour respecter la cohérence de notre proposition de loi et coller aux pratiques du code pénal en matière de formulation des circonstances aggravantes, nous avons rédigé notre amendement un peu différemment et l'avons placé après l'alinéa 15. Je vous invite donc à retirer le vôtre. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.

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Vous êtes en train de sortir du cadre que vous avez défini. Vous voulez inscrire le refus d'obtempérer dans le code pénal, alors qu'il figure déjà dans le code de la route, où il est puni de deux ans d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. Désormais, il y aura deux peines différentes pour un même délit.

Par ailleurs, en durcissant les peines pour refus d'obtempérer, vous allez en augmenter le nombre : les gens seront encore moins disposés à s'arrêter. Or, ce qu'il faut obtenir, y compris pour protéger les policiers et les gendarmes, c'est que les gens obtempèrent. Cette disposition sera contre-productive.

Successivement, la commission rejette l'amendement CL11 et adopte l'amendement CL83.

En conséquence, les amendements CL12 et CL13 de M. Philippe Schreck tombent.

Amendement CL20 de M. Fabien Di Filippo

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Dans nos villes, comme dans nos campagnes, l'usage du vélo se développe ; le nombre d'accidents impliquant des automobilistes et des cyclistes augmente également. En 2022, 245 cyclistes sont décédés et 2 628 ont été gravement blessés.

Or, notre droit présente une anomalie : l'automobiliste qui percute un cycliste volontairement est moins sévèrement puni que celui qui le percute involontairement. Je propose donc d'ajouter, parmi les circonstances permettant de qualifier l'homicide routier, le cas où le conducteur a volontairement percuté un autre usager de la route à l'aide d'un véhicule terrestre à moteur.

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Nous ne nions en rien la gravité des atteintes portées volontairement par des automobilistes à des cyclistes. Mais, comme vous le dites vous-même, il s'agit là d'atteintes volontaires qui ne sont pas visées par cette proposition de loi. Avis défavorable.

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J'insiste sur le fait que, dans le droit français, une personne qui percute volontairement un cycliste est passible d'une sanction moins lourde que celle qui le percute involontairement. Cela fait des années que je souligne ce problème et il n'y a toujours pas été remédié : il me semble que nous avions là une occasion de le faire.

La commission rejette l'amendement.

Elle adopte l'amendement rédactionnel CL94 Mme Anne Brugnera et M. Éric Pauget.

Amendements CL108 de Mme Anne Brugnera et M. Éric Pauget, CL27 de Mme Virginie Lanlo, CL56, CL51, CL57 et CL58 de M. Pierre Meurin (discussion commune)

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Plusieurs d'entre vous proposent de modifier, voire de réécrire entièrement l'alinéa 11 et ceux qui, plus loin dans le texte, sont rédigés sur le même modèle.

Vous précisez souvent que la consommation illicite ou détournée de substances psychoactives n'a pas à se doubler de la connaissance par le conducteur du fait qu'elle est susceptible de le conduire à mettre autrui en danger pour être considérée comme une circonstance aggravante. Nous partageons votre point de vue et il est vrai que cet alinéa, qui nous a été inspiré, à l'origine, par les dispositions législatives adoptées à la suite de l'affaire Sarah Halimi, nous semble finalement peu clair.

Nous vous proposons, avec l'amendement CL108, une rédaction plus simple et objective de cet alinéa, qui vise directement la consommation détournée ou manifestement excessive de substances psychoactives. Nous demanderons aux auteurs des autres amendements en discussion commune de bien vouloir les retirer au profit du nôtre.

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Afin de ne pas allonger les débats, je retire mon amendement CL27, ainsi que les amendements CL29, CL30, CL31, CL33, CL34, CL38, CL39 et CL40, qui avaient le même objet.

Les amendements CL27, CL29, CL30, CL31, CL33, CL34, CL38, CL39 et CL40 sont retirés.

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La rédaction que vous proposez me convient, à un détail près. Je m'interroge sur la charge de la preuve et je crois qu'il serait préférable de supprimer le mot « volontairement ». Sinon, un coupable pourra toujours dire qu'il n'a pas fait exprès, qu'on a mis un médicament dans son verre à son insu, et ce sera aux enquêteurs de prouver qu'il a volontairement consommé des substances psychoactives. Si l'on supprime le mot « volontairement », c'est à l'auteur de l'infraction qu'il incombera de prouver que sa consommation était involontaire.

J'aimerais également vous interroger au sujet des substances psychoactives. Leur liste doit être définie par voie réglementaire : pouvez-vous nous dire si le protoxyde d'azote, dont il a beaucoup été question au sein du groupe d'étude sur la sécurité routière, fera partie de cette liste ? Par ailleurs, comment va-t-on s'y prendre pour caractériser cette nouvelle infraction ? De nouveaux tests sont-ils en cours d'élaboration, comme ceux qui existent pour l'alcool et la drogue ?

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Nous avons beaucoup réfléchi à ces questions au cours de nos auditions et la Chancellerie travaille à l'établissement de la liste des substances psychoactives. Une prise de sang faite peu après un accident permet de savoir si un conducteur a ingéré plus de médicaments que ce qui lui avait été prescrit ; en revanche, le protoxyde d'azote n'est plus détectable au bout d'une quinzaine de minutes.

Nous ne prétendons pas résoudre tous les problèmes avec cet amendement, mais il nous paraît important d'inscrire dans la loi que la consommation détournée ou excessive de produits licites peut produire des comportements à risque et qu'un accident qui surviendrait dans ce contexte relèverait de la catégorie de l'homicide routier.

Vous avez raison d'insister sur la question probatoire. Lorsqu'un accident fait des morts ou des blessés, on fait systématiquement une prise de sang : désormais, on regardera si le conducteur a consommé l'une des substances de la liste.

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Je ne suis pas totalement satisfait de votre réponse au sujet de la charge de la preuve. Je maintiens que le mot « volontairement » risque d'obliger les enquêteurs à démontrer le caractère volontaire de la consommation. Or, il sera bien difficile de prouver que quelqu'un a volontairement consommé des substances s'il prétend qu'on l'a drogué. Je veux bien retirer mes amendements mais, n'étant pas totalement convaincu, je pense que j'en redéposerai un en ce sens en séance.

Les amendements CL56, CL51, CL57 et CL58 sont retirés.

La commission adopte l'amendement CL108.

En conséquence, les amendements CL52, CL59, CL53 et CL60 de M. Pierre Meurin, CL14 de M. Vincent Seitlinger, CL81 de Mme Aude Luquet, CL54 et CL61 de M. Pierre Meurin tombent.

Amendement CL84 de Mme Anne Brugnera et M. Éric Pauget

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Le grand excès de vitesse, qui constitue une circonstance aggravante, correspond actuellement à une vitesse supérieure de 50 kilomètres par heure à la vitesse autorisée. Nous proposons d'abaisser ce seuil à 30.

Dans la mesure où un quart des accidents mortels est lié à une vitesse excessive, la lutte contre les grands excès de vitesse doit être une priorité, sur les routes de campagne comme en ville.

La commission adopte l'amendement.

Amendements CL68 M. Philippe Schreck, CL95 de Mme Anne Brugnera et M. Éric Pauget, CL71 et CL72 de M. Philippe Schreck (discussion commune)

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Je ne suis pas favorable à ce que l'usage du téléphone portable soit considéré comme une nouvelle circonstance aggravante et je propose donc de supprimer l'alinéa 15. Même si le téléphone représente un vrai danger et s'il occasionne des accidents, on ne dispose pas de chiffres précis à ce sujet. Par ailleurs, cette loi a pour objet de sanctionner des comportements volontaires et caractérisés. Or, je ne crois pas que l'on puisse mettre sur le même plan une personne qui prend la route complètement ivre ou qui prend la fuite sans prêter assistance à sa victime et celui ou celle qui cause un accident parce qu'il a répondu à un appel venant de l'école de ses enfants. Certes, on peut considérer que l'usage du téléphone relève de la violation des règles de prudence et de sécurité, qui constitue la première des circonstances aggravantes, mais je m'interroge sur le lien de proportionnalité qu'il peut avoir avec les autres faits, manifestement délictueux.

J'ai également déposé deux amendements de repli, CL71 et CL72, visant à supprimer l'exception qui est faite pour les appareils électroniques de surdité, dans la mesure où certains d'entre eux permettent désormais d'avoir des conversations téléphoniques.

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Je trouve votre manière de faire la loi pour le moins chaotique. Vous nous avez dit que ce texte visait seulement, par un changement de qualification, à renforcer certaines peines en cas d'infraction sur la route. Mais en réalité, vous faites bien plus que cela, puisque vous avez modifié le seuil définissant un grand excès de vitesse et que vous faites de l'usage du téléphone au volant une circonstance aggravante. Désormais, avec votre catégorie d'homicide routier, une personne qui cause un accident parce qu'elle a répondu au téléphone est un grand criminel !

Vous êtes en train de vous éloigner de l'objectif du texte, tel que vous nous l'avez exposé, et on en arrive à la situation qu'a dénoncée M. Di Filippo, à savoir que des homicides involontaires risquent d'être plus sévèrement punis que des homicides volontaires.

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Nous ne nous éloignons aucunement de l'objet de notre texte : nous avons rappelé dans notre propos introductif que cette proposition de loi ne fait pas que créer la catégorie d'homicide routier, mais qu'elle ajoute des circonstances aggravantes et qu'elle élargit le champ de certaines peines complémentaires.

J'en viens à l'objet de ces amendements. L'usage du téléphone portable au volant est la source de distraction la plus importante, puisqu'elle est à la fois visuelle, cognitive, auditive et physique. D'après la sécurité routière, lire un message en conduisant multiplie par vingt-trois le risque d'accident, car il oblige le conducteur à détourner les yeux de la route pendant cinq secondes en moyenne. Le téléphone a pris une grande place dans nos vies et je crois qu'il faut adopter certaines habitudes de bon sens : se garer quand il sonne et faire une pause pour consulter ses messages.

Parce que l'usage du téléphone est une cause potentielle importante de mortalité sur la route, il me paraît essentiel de le considérer comme une circonstance aggravante. C'est bien un acte volontaire que de prendre son téléphone à la main pour regarder un message quand on conduit. Avis défavorable.

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Il me semble important de faire de l'usage du téléphone portable une circonstance aggravante. Si l'on en croit les chiffres officiels, l'inattention est la troisième cause d'accident mortel, à égalité avec l'usage de stupéfiants. S'il y a une mesure utile dans ce texte, c'est bien celle-ci et il faut la conserver.

Successivement, la commission rejette l'amendement CL68 et adopte l'amendement CL95.

En conséquence, les amendements CL71, CL72 tombent ainsi que les amendements CL69, CL73, CL70 et CL77 de M. Philippe Schreck.

Amendement CL25 de Mme Natalia Pouzyreff et sous-amendement CL105 de Mme Anne Brugnera et M. Éric Pauget

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Nous proposons d'ajouter à la liste des circonstances aggravantes les rodéos urbains, qui causent de nombreux accidents, parfois mortels. Nous avons souvent abordé cette question au sein de notre commission ; cette proposition de loi nous donne une occasion d'avancer sur ce sujet.

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Nous vous rejoignons totalement sur le fond. Toutefois, par cohérence avec le reste des circonstances aggravantes prévues par le texte et par souci de cibler les infractions de manière plus précise, nous préférons que cette circonstance ne s'applique qu'à la seule infraction de rodéo urbain et non aux infractions connexes. Sinon, il faudrait faire de même pour toutes les infractions connexes potentiellement concernées par les autres cas et cela nous semblerait trop large.

Avis favorable, donc, à votre amendement, sous réserve de l'adoption de notre sous-amendement.

La commission adopte successivement le sous-amendement et l'amendement sous-amendé.

Amendement CL35 de Mme Virginie Lanlo

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Si vous le permettez, je défendrai en même temps mes amendements CL35, CL36 et CL37. Ils visent à modifier les alinéas 16, 27 et 38, qui fixent les peines encourues pour les infractions créées par l'article lorsqu'elles sont commises avec deux ou plus des circonstances listées.

Nous proposons de faire de la falsification du dispositif d'antidémarrage par éthylotest électronique, mentionné à l'alinéa 44 de l'article 1er, une circonstance aggravante supplémentaire à la circonstance aggravante de conduite en état d'ivresse. Un conducteur ivre qui prendrait le volant en falsifiant le dispositif dont son véhicule est équipé encourrait ainsi directement les peines maximales prévues par l'article, même en l'absence de l'une des sept autres circonstances aggravantes listées précédemment. En effet, falsifier un dispositif de sécurité est un acte délibéré qui s'ajoute à la conduite en état d'ivresse. Si une personne lui a prêté son concours, elle doit, elle aussi, être sévèrement puni, pour complicité.

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Le fait de contrevenir à l'interdiction de conduire un véhicule non équipé d'un dispositif antidémarrage avec éthylotest est sanctionné par l'article L. 234-16 du code de la route. Ce délit est puni de deux ans d'emprisonnement et de 4 500 euros d'amende. Le code de la route ne mentionne pas l'idée de falsification et l'on ne viserait ici qu'un cas de contournement de cette interdiction, ce qui me semble insuffisant.

Plus important, il me semble que votre amendement est déjà satisfait. Si l'on se trouve dans le cas que vous évoquez – un conducteur ivre qui cause un homicide ou des blessures routiers sans avoir respecté l'interdiction de conduire sans dispositif d'antidémarrage par éthylotest électronique à laquelle il a déjà été condamné –, alors le juge pourra très bien cumuler les circonstances prévues au 1° et 2°, soit la violation manifestement délibérée d'une obligation et la conduite en état alcoolique.

Enfin, l'alinéa que vous visez et qui prévoit le cumul de deux circonstances est clairement rédigé et ne pose pas pour les juges de difficulté d'application. La rédaction que vous proposez risquerait de compliquer les choses.

Pour ces trois raisons, nous vous demanderons de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, nous émettrons un avis défavorable.

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Je retire mes trois amendements, tout en soulignant qu'il va sans doute falloir modifier le code de la route : il ne l'a pas été depuis un certain nombre d'années me semble-t-il, alors que le comportement des usagers a évolué.

L'amendement CL35 est retiré, ainsi que les amendements CL36 et CL37 de la même auteure.

Amendement CL26 de Mme Natalia Pouzyreff et sous-amendement CL106 de Mme Anne Brugnera et M. Éric Pauget

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Comme nous l'avons fait pour l'amendement CL25, nous proposons de sous-amender le CL26, qui vise les cas de blessures routières ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à trois mois. Nous émettrons un avis favorable à l'amendement ainsi sous-amendé.

Nous ferons de même avec l'amendement CL28, qui vise les cas de blessures routières ayant entraîné une incapacité totale de travail inférieure ou égale à trois mois.

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En cas de cumul de deux circonstances aggravantes, les faits de rodéo urbain sont punis de 75 000 euros d'amende et de cinq ans d'emprisonnement, ce qui est déjà beaucoup. Au cas où il en résulterait un homicide routier, les dispositions que vous proposez ne feraient qu'alourdir les peines de deux années supplémentaires d'emprisonnement et de 25 000 euros d'amende en plus.

Alors que cette proposition de loi ne devait avoir pour objet que de créer la notion d'homicide routier – ce à quoi je m'oppose, mais admettons –, elle devient une liste à la Prévert que chacun enrichit à l'envi. Vous quittez le cadre que vous aviez défini, collègues, et ce faisant, vous mettez à mal la proportionnalité de la loi et la hiérarchie des peines.

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Notre proposition de loi a bien une cohérence : elle vise à lutter contre les violences routières et contre tous les comportements susceptibles de provoquer des homicides ou des blessures routiers. Les rodéos urbains entrent bien dans ce champ. Quant à la proportionnalité des peines, nous y avons évidemment veillé.

La commission adopte successivement le sous-amendement et l'amendement sous-amendé.

Suivant l'avis des rapporteurs, la commission adopte successivement le sous-amendement CL107 de Mme Anne Brugnera et M. Éric Pauget et l'amendement CL28 de Mme Natalia Pouzyreff, sous-amendé.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL98 et CL96 de Mme Anne Brugnera et M. Éric Pauget.

La commission adopte l'amendement rédactionnel CL99 de Mme Anne Brugnera et M. Éric Pauget.

En conséquence, les amendements CL55 et CL62 de M. Pierre Meurin tombent.

La commission adopte successivement les amendements CL103, rédactionnel, et CL91 et CL100, de clarification, de Mme Anne Brugnera et M. Éric Pauget.

Elle adopte l'article 1er modifié.

Après l'article 1er

Amendement CL89 de Mme Anne Brugnera et M. Éric Pauget

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La conduite sans permis, qui constitue l'une des circonstances qualifiant un homicide routier ou des violences routières, est un phénomène de plus en plus fréquent. En l'absence de contrôle, il est difficile pour les forces de l'ordre de la repérer. Le présent amendement vise à faciliter la lutte contre ce comportement à risque en garantissant notamment une meilleure effectivité des suspensions ou annulations de permis prononcées par le juge. Il propose ainsi de modifier l'article 132-16-2 du code pénal afin d'assimiler, entre autres, les infractions liées aux restrictions du droit de conduire à celles pouvant être considérées, au regard de la récidive, comme une même infraction.

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Les refus d'obtempérer ont trois causes principales : le défaut d'assurance, l'absence de permis de conduire et la présence de stupéfiants dans le véhicule. Savez-vous, collègues, que 800 000 personnes roulent sans permis dans notre pays ? Si elles le font, c'est notamment parce qu'il leur est impossible de se rendre au travail autrement qu'en empruntant un véhicule personnel.

Pour ma part, je ne suis pas capable d'analyser cet amendement technique si rapidement. Les amendements s'enchaînent, modifiant la logique initiale du texte, sans que les problèmes concrets soient traités : comment faire, par exemple, pour que les gens ne perdent pas leur permis et respectent le code de la route ? Ce texte ne s'inscrit absolument pas dans une logique de promotion de la sécurité routière et de prévention de la délinquance routière. Il se transforme en projet de loi fourre-tout et s'éloigne de l'exposé des motifs à mesure que les rapporteurs ajoutent des amendements ! C'est une façon très étrange de légiférer, qui n'est pas respectueuse de notre commission.

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Il me semble logique que les rapporteurs puissent améliorer leur texte à la suite des auditions qu'ils ont réalisées. J'ajoute que les amendements étaient disponibles depuis ce matin, et que le texte sera de nouveau travaillé en séance.

La commission adopte l'amendement.

Amendement CL21 de M. Fabien Di Filippo

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Cet amendement vise à qualifier d'homicide la perte d'un fœtus lors d'un accident de la route – un sujet sur lequel je travaille actuellement avec ma collègue Violette Spillebout. La caisse d'allocations familiales (CAF) reconnaît déjà l'existence des enfants avant leur naissance, puisqu'elle peut verser des allocations en cas de décès survenant à partir de la vingtième semaine de grossesse. Le seuil de viabilité que j'ai choisi de retenir est celui fixé par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) : vingt-deux semaines d'aménorrhée, ou l'atteinte par le fœtus du poids de 500 grammes.

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Au-delà de l'émotion que suscite cette question délicate, je voudrais vous donner lecture d'éléments juridiques précis. L'homicide involontaire est constitué par le fait d'avoir causé par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, la mort d'autrui. Or, la Cour de cassation a répété à plusieurs reprises depuis vingt ans que « le principe de la légalité des délits et des peines, qui impose une interprétation stricte de la loi pénale, s'oppose à ce que l'incrimination d'homicide involontaire s'applique au cas de l'enfant qui n'est pas né vivant. » Il faut, selon elle, distinguer deux cas, qui dépendent de l'expertise médicale. Soit le fœtus est mort in utero, auquel cas il ne peut juridiquement être considéré comme une personne humaine vivante ; soit l'enfant est né vivant après l'accident, auquel cas il devient autrui au sens de la loi et la qualification d'homicide involontaire peut s'appliquer.

Je tiens à signaler que la mort du fœtus in utero peut d'ores et déjà être prise en compte par le juge au titre des blessures subies par la mère, et ainsi être sanctionnée. Il n'y a donc pas à proprement parler de vide juridique. Je peux comprendre que, comme d'autres collègues, vous ne soyez pas satisfait par le droit existant, mais il est pour l'heure d'application constante. En outre, l'adoption de l'évolution que vous proposez aurait de très nombreuses implications juridiques que vous ne traitez pas. Pour l'ensemble de ces raisons, nous émettons un avis défavorable à votre amendement.

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C'est précisément parce que l'état actuel du droit n'est pas satisfaisant pour les familles, notamment, que nous proposons cet amendement. Imaginons le cas d'un accident survenant à l'occasion du trajet de la mère vers la maternité : sur le trajet aller, le décès du fœtus ne pourrait être qualifié d'homicide ; au retour, il le serait. Par ailleurs, les sanctions que vous évoquez ne relèvent-elles pas du droit civil et non pénal ? Le deuil des familles n'en est pas facilité.

La commission rejette l'amendement.

Amendements identiques CL50 de M. Bruno Studer et CL93 de Mme Anne Brugnera et M. Éric Pauget

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Cet amendement porte sur le quantum des peines en cas de violences volontaires à l'encontre de cyclistes – un sujet sur lequel, comme mon collègue Di Filippo notamment, j'ai déposé une proposition de loi. Depuis plusieurs années, ces violences connaissent une recrudescence qui suscite une légitime inquiétude. Elles s'apparentent parfois à des chasses à l'homme et mettent en lumière l'incohérence des dispositions du code pénal relatives à la peine complémentaire de suspension du permis de conduire : dans la rédaction actuelle, la sanction maximale est la même que les faits soient volontaires ou involontaires – elle est même plus grave en cas d'acte involontaire avec circonstances aggravantes. Cette incongruité est dénoncée par de nombreuses associations locales, telles que Mon vélo est une vie, et par les fédérations nationales, comme la fédération française de cyclotourisme.

L'amendement vise à modifier les peines complémentaires prévues par l'article 222-44 du code pénal en introduisant, dans les alinéas relatifs à la suspension et à l'annulation du permis de conduire, une modulation de la durée maximale de ces peines selon que les atteintes à la personne possèdent un caractère volontaire ou involontaire.

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Vous rappelez une incohérence dans les peines complémentaires prévues par le code pénal. La rapporteure Brugnera et moi-même proposons, tout comme vous, de porter à dix ans au lieu de cinq les durées maximales de la peine complémentaire de suspension du permis de conduire ou du délai à respecter avant de le passer de nouveau après une annulation.

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Nous sommes d'autant plus favorables à cette disposition qu'elle figurait dans les propositions de loi que nous avions respectivement déposées en amont de celle-ci, qui est transpartisane.

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Les peines complémentaires étaient effectivement moins-disantes en cas d'acte volontaire. Tant mieux si les choses avancent. Je vous en remercie et vous en félicite, collègue Studer.

La commission adopte les amendements.

Amendement CL87 de Mme Anne Brugnera et M. Éric Pauget

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La Ligue nationale contre la violence routière nous a suggéré lors de nos auditions de prévoir un accompagnement spécifique, dans le cadre de la préparation de leur sortie de détention, des personnes condamnées en raison d'un homicide ou de blessures occasionnés lors d'un accident de la route.

La commission adopte l'amendement.

Amendement CL88 de Mme Anne Brugnera et M. Éric Pauget

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Cet amendement, qui reprend une mesure proposée par le Comité interministériel de la sécurité routière, vise à délictualiser l'infraction de dépassement de 50 kilomètres par heure ou plus de la vitesse maximale autorisée.

La commission adopte l'amendement.

Amendement CL85 de Mme Anne Brugnera et M. Éric Pauget

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Pour renforcer la lutte contre la consommation d'alcool et de stupéfiants au volant, nous proposons de rendre systématique la suspension administrative du permis de conduire suite à la constatation par les forces de l'ordre d'une infraction routière après usage de stupéfiants ou sous l'influence de l'alcool.

La commission adopte l'amendement.

Amendement CL101 de Mme Anne Brugnera et M. Éric Pauget

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Il s'agit de doubler la durée des délais de suspension du permis de conduire prévue à l'article L. 224-2 du code de la route lorsque les infractions constatées ont été commises par un professionnel en charge du transport de personnes.

La commission adopte l'amendement.

Amendement CL86 de Mme Anne Brugnera et M. Éric Pauget

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Cet amendement et le suivant concrétisent notre volonté de renforcer la sanction des infractions de conduite après usage de stupéfiants ou de conduite sous l'emprise d'un état alcoolique – deux des trois principaux facteurs d'accidents de la route. Il vise à aggraver les peines encourues tout en alourdissant les peines complémentaires pouvant être prononcées par le juge.

La commission adopte l'amendement.

Amendement CL102 de Mme Anne Brugnera et M. Éric Pauget

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Cet amendement complète le précédent : il vise à aggraver les peines encourues, à rendre obligatoire la peine complémentaire de confiscation du véhicule et à porter de six à neuf la perte de points en cas de conduite après usage de stupéfiants et sous l'emprise de l'alcool.

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Disposez-vous d'une étude d'impact prouvant qu'une augmentation des peines encourues contribue à modifier les comportements, s'agissant du respect du code de la route ? Une étude comparative, basée sur une centaine d'études internationales, montre que cela ne sert rigoureusement à rien ! Je répète que c'est la prévention qui peut faire évoluer les comportements.

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Poussons ce raisonnement jusqu'au bout : baissons les sanctions, et les infractions disparaîtront ! J'ajoute que si l'alourdissement de la peine n'a aucun effet, ce n'est déjà pas si mal – au moins, le nombre d'infractions n'augmente pas – et qu'il a une importance sur le plan social, pour les victimes et leurs proches.

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Nous ne pouvons pas légiférer au doigt mouillé. Nous avons besoin de connaître le seuil à partir duquel les peines ont un effet. Or, ce texte ne s'accompagne d'aucune étude d'impact. À titre personnel, je ne suis pas opposé par principe à l'augmentation ou à la diminution des peines, mais je remarque que nous ne faisons que les augmenter. En agissant ainsi par facilité, nous nous faisons plaisir et nous envoyons certes un signal positif mais nous ne nous attaquons pas aux vrais problèmes – notamment à celui de l'alcool, qui est complexe.

La commission adopte l'amendement.

Amendement CL6 de Mme Emmanuelle Ménard.

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La classification des médicaments de niveau 3, prévue par un arrêté du ministre des affaires sociales et de la santé du 13 mars 2017, est clairement identifiable sur l'emballage grâce à un pictogramme de couleur rouge indiquant « Attention, danger : ne pas conduire ». Or, aucune sanction n'est prévue actuellement en cas de violation de cette interdiction. Des études démontrent pourtant que 10 % des accidentés de la route avaient pris un médicament susceptible d'altérer la conduite. Compte tenu de la gravité des conséquences d'une conduite sous l'emprise des médicaments de niveau 3, il apparaît nécessaire d'en contrôler l'usage par les automobilistes. Un tel contrôle permettrait d'éviter les drames tels que l'accident de Millas.

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Nous partageons votre intention, mais votre amendement serait inapplicable d'un point de vue opérationnel. S'il existe en effet des tests salivaires pour contrôler l'usage de stupéfiants, il n'en existe pas pour l'ensemble des médicaments dits de niveau 3. La Chancellerie comme le ministère de l'intérieur et des outre-mer, avec qui nous avons abordé le sujet, ont souligné que les outils opérationnels de contrôle faisaient défaut.

En cas d'accident grave, une prise de sang est systématiquement réalisée ; c'est ce qui nous permet d'envisager la création d'une circonstance aggravante de consommation de substances psychoactives telle que prévue par notre amendement CL108 adopté précédemment. Mais une prise de sang ne peut pas être réalisée à l'occasion d'un simple contrôle routier. Avis défavorable.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CL90 de Mme Anne Brugnera et M. Éric Pauget

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Nous proposons de rendre systématique, lorsque les forces de l'ordre constatent une infraction de conduite après usage de stupéfiants aggravée par un état alcoolique, l'immobilisation et la mise en fourrière du véhicule utilisé.

La commission adopte l'amendement.

Article 2 ( art. 1018 A du code général des impôts, art. 131-22, 132-16-2, 434-10 du code pénal, art. 398-1 et 706-176 du code de procédure pénale, art. L. 123-2, L. 224-14 et L. 232-3 du code de la route, art. L. 4271-4 du code des transports) : Coordinations découlant des dispositions de l'article 1er

La commission adopte successivement les amendements CL104, rédactionnel, et CL92, de coordination, de Mme Anne Brugnera et M. Éric Pauget.

Elle adopte l'article 2 modifié.

Après l'article 2

Amendement CL63 de Mme Élodie Jacquier-Laforge

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Cet amendement vise à combler un vide juridique, s'agissant de l'usage du permis de conduire par les conducteurs impliqués dans un accident de la route. Entre l'accident et la décision de justice, il peut arriver que le conducteur garde son permis sans qu'aucun contrôle médical ne soit réalisé. Une famille m'a ainsi expliqué qu'elle continuait de croiser sur la route la personne ayant causé l'accident mortel qui l'a endeuillée, qu'elle n'estime quant à elle n'être plus capable de conduire. Je propose de rendre obligatoire la réalisation d'un examen médical permettant d'évaluer l'aptitude à la conduite du conducteur impliqué dans un accident mortel.

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. Cet amendement est proche d'une mesure préconisée par le Comité interministériel de la sécurité routière. Il nous semble que le fait d'accorder plus de place dans notre droit à l'analyse médicale relève du bon sens. Cela permettra en effet de s'assurer qu'un conducteur fautif est en mesure de conserver son permis jusqu'au procès et évitera de mettre d'autres personnes en danger. Avis favorable.

La commission adopte l'amendement.

Amendement CL4 de Mme Emmanuelle Ménard

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Je souhaite que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur une évolution possible de la classification des médicaments considérés comme dangereux, qui permettrait de mieux déterminer lesquels représentent un danger suffisant pour qu'en cas d'accident, leur usage puisse être qualifié de délit.

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C'est un vrai sujet. Nous avons constaté, lorsque nous travaillions sur la question des substances psychoactives, que nous avions effectivement besoin d'une telle classification des différents types de substances. La Chancellerie nous a indiqué avoir monté un groupe de travail au sujet duquel le garde des sceaux nous apportera certainement davantage de précisions en séance. J'émettrai néanmoins un avis défavorable, la commission ayant pour usage de rejeter systématiquement les demandes de rapport.

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Nous devons absolument nous atteler à ce sujet, qui est une vraie préoccupation pour les familles de victimes.

La commission rejette l'amendement.

La commission adopte l'ensemble de la proposition de loi modifiée.

La séance est levée à 18 heures 55.

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Caroline Abadie, M. Jean-Félix Acquaviva, Mme Pascale Bordes, M. Xavier Breton, Mme Anne Brugnera, Mme Émilie Chandler, Mme Clara Chassaniol, M. Guillaume Gouffier Valente, M. Jordan Guitton, M. Jérémie Iordanoff, Mme Élodie Jacquier-Laforge, Mme Emeline K/Bidi, M. Gilles Le Gendre, M. Antoine Léaument, M. Didier Lemaire, Mme Aude Luquet, Mme Élisa Martin, Mme Emmanuelle Ménard, Mme Laure Miller, M. Paul Molac, M. Éric Pauget, M. Jean-Pierre Pont, M. Éric Poulliat, M. Philippe Pradal, M. Stéphane Rambaud, M. Rémy Rebeyrotte, Mme Sandra Regol, M. Thomas Rudigoz, M. Raphaël Schellenberger, M. Philippe Schreck, Mme Sarah Tanzilli, M. Jean Terlier, Mme Cécile Untermaier, Mme Caroline Yadan

Excusés. - M. Éric Ciotti, Mme Marie Guévenoux, M. Sacha Houlié, M. Mansour Kamardine, Mme Marietta Karamanli, Mme Marie-France Lorho, Mme Naïma Moutchou, Mme Danièle Obono, M. Thomas Portes, Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, M. Davy Rimane

Assistaient également à la réunion. - M. Fabien Di Filippo, Mme Virginie Lanlo, M. Pierre Meurin, Mme Christine Pires Beaune, M. Bruno Studer