Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 11 avril 2018 à 10h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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La commission a procédé à l'audition, conjointe avec la commission des finances, de M. Jean-Bernard Lévy, président-directeur général d'EDF.

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Nous avons le plaisir d'accueillir M. Jean-Bernard Lévy, président-directeur général d'Électricité de France (EDF). Il s'agit d'une audition conjointe avec la commission des affaires économiques : nous commençons à en avoir l'habitude et c'est un bonheur sans cesse renouvelé ! Nous recevons régulièrement les présidents des entreprises dans lesquelles l'État a des participations : nous avons auditionné Carlos Ghosn, président-directeur général de Rernault et nous recevrons bientôt Philippe Wahl, président-directeur général du groupe La Poste.

Nous sommes pleinement dans notre rôle de commission des finances, puisqu'EDF est largement détenu par l'État. Les enjeux sont nombreux et de toutes natures. Ainsi, depuis longtemps, vous êtes chef de file de la filière électronucléaire française, mais l'êtes encore davantage depuis l'intégration d'Areva dans votre groupe. Votre filiale, Réseau de transport d'électricité (RTE), est également au coeur d'importants enjeux. Les coûts de la filière électronucléaire sont très importants, les investissements en cours suscitent beaucoup de débats, je pense que vous nous en parlerez.

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Cette audition intervient au bon moment puisque nous sommes en pleine planification pluriannuelle de l'énergie : une consultation citoyenne a été lancée, qui va se dérouler dans quelques semaines et permettra d'interroger les Français sur leur vision de la transition énergétique, sur l'avenir du nucléaire en particulier. À la tête du champion national de l'énergie, vous êtes au coeur de cette profonde transformation.

EDF a commencé à s'adapter aux mutations de la transition énergétique dès la fin des années quatre-vingt-dix. L'entreprise a développé son offre dans les énergies renouvelables, conquis de nouveaux marchés en Europe avec la libéralisation du marché de l'électricité, mais aussi à l'international avec le développement de la troisième génération de réacteurs – plus sûrs et moins polluants en déchets.

Il faut le reconnaître, les dernières années ont été marquées par les défis de cette révolution. Chaque médaille a deux côtés, donc un revers : l'endettement financier du groupe s'est creusé, en raison du coût du démantèlement des centrales et de la gestion des déchets, de la concurrence de plus en plus forte sur les marchés historiques et surtout d'un calendrier d'investissements ambitieux – allongement de la durée de vie des centrales nucléaires et construction de réacteurs pressurisés européens (ou EPR pour evolutionary power reactor), à Flamanville – vous reviendrez sans doute sur l'actualité très récente –, mais également au Royaume-Uni et en Finlande.

Votre stratégie CAP 2030 poursuit ambitieusement la diversification de l'entreprise et des investissements conformes aux objectifs de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, votée par cette assemblée. Nous attendons que vous nous éclairiez sur les différents enjeux.

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Jean-Bernard Lévy, président-directeur général d'Électricité de France (EDF)

Je suis très heureux de pouvoir évoquer avec vous la situation d'EDF. Mon exposé liminaire sera court afin de laisser du temps au débat : je ferai un point rapide de la situation d'EDF et reviendrai sur certains des sujets que vous avez brièvement évoqués, messieurs les présidents. Je serai ensuite disponible pour répondre à vos questions.

Je suis fier de diriger cette grande entreprise, qui a récemment fêté ses soixante-dix ans. Elle a beaucoup apporté à notre pays et continue de le faire. En dehors de l'hydroélectricité, notre pays ne dispose d'aucune ressource naturelle pour produire de l'électricité. Néanmoins, nous avons réussi à construire un réseau et un système électriques qui bénéficient aux consommateurs et aux industriels. Notre niveau de sécurité d'approvisionnement est remarquable pour un pays sans ressources naturelles !

Nous sommes même exportateurs nets d'électricité, notre contribution positive à la balance commerciale étant évaluée en moyenne chaque année à 2 milliards d'euros – ce n'est pas négligeable. Les consommateurs français profitent par ailleurs d'un prix de l'électricité extrêmement compétitif : le prix du kilowattheure (kWh) payé par un ménage français est nettement inférieur à celui de tous les pays voisins – c'est par exemple à peine plus de la moitié celui d'un ménage allemand.

Enfin, notre empreinte carbone est parmi les plus faibles au monde – car le secteur de l'électricité n'y contribue pratiquement pas, notamment grâce au nucléaire – et la plus faible de tous les grands pays, alors que nous sommes la cinquième économie mondiale. Si le transport, le logement et d'autres activités humaines émettent des gaz à effet de serre, ce n'est pas le cas de l'électricité française.

En conséquence, les fondations d'EDF pour aborder les transformations impliquées par la transition énergétique sont extrêmement solides. Mais nous devons répondre simultanément à plusieurs phénomènes : tout d'abord, l'urgence climatique dont j'ai déjà parlé. Il nous faut continuer à réduire les émissions de gaz à effet de serre : l'électricité peut jouer un rôle majeur en la matière, car elle se substitue facilement à de très nombreux types de consommation d'énergies fossiles – gaz, pétrole et ses dérivés.

Nous bénéficions d'un deuxième phénomène : le développement des énergies renouvelables. Elles sont nées il y a une dizaine d'années et leur coût a fortement baissé, ce qui les rend compétitives dans certaines circonstances.

Le troisième phénomène est également d'une importance cruciale : avec les nouvelles technologies – en particulier numériques –, nos consommateurs usagers, auparavant en bout de la chaîne de production et de distribution, sont devenus des clients actifs. Ils ont accès à des systèmes numériques pour s'informer et optimiser leur consommation. C'est vrai pour les collectivités territoriales, les entreprises ou les particuliers. Progressivement, tous ont la possibilité de devenir producteur d'électricité, donc, dans certaines conditions, de satisfaire leurs besoins, de lisser leur consommation ou de stocker une partie de leur production pour leur consommation future. C'est d'autant plus vrai que, grâce aux véhicules électriques, le prix des batteries va beaucoup baisser.

CAP 2030 vise à répondre à ces trois enjeux – les enjeux climatiques, le prix des énergies renouvelables et la décentralisation de la production d'énergie –, en s'appuyant sur trois piliers.

Premier pilier : le client. Nous évoluons dans un milieu concurrentiel depuis plus de dix ans pour l'ensemble de nos prestations. En conséquence, nous offrons des choix multiples à nos clients : la possibilité de bénéficier d'innovations et de solutions décentralisées, mais également de différents tarifs. La plupart des Français sont encore très attachés au tarif réglementé, mais nous proposons également « Vert électrique », une offre de marché, ou la station connectée Sowee, qui nous permet d'entrer dans la maison. De même, « Mon Soleil & Moi » est leader du marché français de l'autoconsommation individuelle et collective à partir de panneaux solaires en toiture. De nombreuses solutions décentralisées sont adaptées pour les collectivités – à base de biomasse ou de géothermie.

Le deuxième pilier est le rééquilibrage de notre bouquet de production. Ce n'est pas uniquement le cas en France, mais dans le monde entier. Vous l'avez rappelé, nous préparons la prochaine programmation pluriannuelle de l'énergie. EDF fournira avant fin avril une contribution très complète au débat public – ce qu'on appelle un cahier d'acteurs. Quelle est notre conviction ? Il est indispensable que nous conservions notre avance en termes d'émissions de gaz carbonique. Nous n'allons pas recarboner notre bouquet électrique, alors que c'est un atout pour la France dans l'actuelle situation d'urgence climatique. Nous devons donc préserver un socle de production nucléaire performant. Sous réserve du feu vert que l'Autorité de sûreté nucléaire doit donner pour chaque réacteur, c'est l'objectif du grand carénage : porter la durée de vie du parc de quarante à cinquante ans, et peut-être ultérieurement, pour une partie de ce parc, à soixante ans.

Parallèlement, nous voulons accélérer le développement des énergies renouvelables en France. En 2017, selon les chiffres fournis par RTE, elles représentent 18 % de la production totale d'électricité, dont 10 % viennent de l'hydraulique, le reste provenant de l'éolien, un peu du solaire et des bioénergies. Au rythme de ces dernières années, il faudrait environ une quarantaine d'années pour atteindre 35 ou 40 % d'energies renouvelables dans notre bouquet électrique ! Ce rythme n'est ni supportable, ni cohérent avec la volonté du Gouvernement, qui tient à augmenter plus rapidement la part du renouvelable et à faire baisser la part du nucléaire à 50 %.

C'est la raison pour laquelle nous avons décidé de prendre les choses en main de manière volontariste et avons lancé à la fin de l'année dernière le Plan solaire : d'ici à 2035, nous allons essayer de construire des équipements qui permettront à EDF de produire 30 gigawatts (GW) d'énergie solaire en France, contre 7 GW aujourd'hui. Cela nous permettra de concilier la baisse attendue du poids du nucléaire dans la production d'électricité avec le maintien de notre compétitivité électrique et de nos performances en matière de décarbonation. Il ne faudrait pas que les Français paient leur électricité plus cher ou que nous nous remettions à émettre davantage de gaz à effet de serre !

Le troisième pilier de CAP 2030 est l'international : nous allons chercher hors d'Europe davantage de croissance et d'innovation. Si on se projette dans le temps long – c'est indispensable dans notre secteur industriel –, l'économie et la démographie européennes ne suffiront plus : il faut donc déployer le groupe EDF dans d'autres pays, à l'instar de très nombreux groupes français. Nous sommes d'ores et déjà particulièrement présents en Chine et aux États-Unis, mais également au Brésil et au Moyen-Orient.

Cette transformation s'accompagne d'un important effort interne pour mobiliser les salariés autour de ces nouveaux enjeux et nécessite que nous soyons très attentifs au dialogue social. C'est fondamental : nous recherchons un consensus interne autour des grands enjeux de l'entreprise, mais également de l'évolution des modes de travail, afin de tenir compte des nouvelles technologies.

Depuis janvier 2016, nous avons signé vingt-quatre accords sociaux dans l'entreprise, par exemple sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, l'intégration des personnes en situation de handicap – il s'agissait en fait l'approfondissement d'un accord préexistant –, le télétravail ou pour un nouvel accord d'intéressement. Le dialogue social est le complément naturel d'une transformation culturelle et entrepreneuriale réussie.

Pour finir, quelle est notre situation financière ? Il y a deux ans, nous étions très inquiets car les prix de l'électricité de gros – notre principal marché directeur – avaient considérablement baissé. Au même moment, l'entreprise connaissait un fort endettement, combiné à des charges d'exploitation élevées. Afin de ne pas aboutir à une impasse financière, au premier semestre 2016, nous avons travaillé étroitement avec le Gouvernement pour surmonter cette difficulté. Je peux le dire aujourd'hui devant le président Woerth et les députés de la commission des finances, particulièrement soucieux de la bonne gestion et de la valeur du patrimoine de l'État : c'est un succès. Nous avons engagé un programme de réduction importante de nos charges opérationnelles – d'un milliard d'euros – de façon à ne plus dépenser chaque année plus que l'année précédente. Ce programme se déroule bien ; nous l'avons donc récemment porté à 1,1 milliard. En 2019, toutes choses égales par ailleurs, nos dépenses seront inférieures d'un milliard cent millions à celles de 2015.

Nous avons également engagé un programme de cession d'actifs, de manière à mieux répondre aux objectifs de CAP 2030 et notamment à concentrer un maximum de moyens sur les énergies renouvelables. Pour autant, les charges importantes de maintenance du parc nucléaire et le grand carénage – dont l'intérêt économique est certain – pèsent sur nos budgets pendant les dix ans d'intervention sur le parc actuel – de 2014 à 2025. Afin de rééquilibrer nos investissements, nous avons prévu de désinvestir environ 10 milliards d'euros. Fin 2017, nous avions d'ores et déjà désinvesti 8 milliards d'euros. Fin 2020 – échéance de ce plan de désinvestissement –, nous aurons vraisemblablement dépassé les 10 milliards.

Enfin, avec un très fort soutien de l'État, nous avons renforcé nos fonds propres et notre bilan. D'une part, en mars 2017, nous avons bénéficié d'une augmentation de capital de 4 milliards, l'État ayant souscrit à hauteur de 3 milliards. D'autre part, en assemblée générale et pour trois exercices successifs, l'État actionnaire majoritaire a demandé le paiement de ses dividendes en actions. L'entreprise ne déboursant pas de numéraire, elle a ainsi pu renforcer ses fonds propres. Après le dernier paiement en juin prochain, nous les aurons renforcés de 4 milliards. Ainsi, au total durant cette période, 8 milliards de fonds propres supplémentaires sont venus consolider le bilan de l'entreprise.

Cela nous a permis d'enrayer la dangereuse glissade de la notation d'EDF par les agences : en 2015 et 2016, nous avons subi trois dégradations successives. Cette consolidation de notre notation est extrêmement importante du fait de notre haut niveau d'endettement. EDF a réduit sa dette, mais elle atteint encore 30 à 35 milliards… Nous devons donc régulièrement aller sur les marchés financiers pour la renouveler. Il ne fallait pas qu'elle nous coûte de plus en plus cher, car nous n'aurions alors plus pu assurer nos missions. Dans ce contexte, le renforcement de notre bilan était vital.

Nous poursuivrons la réduction de nos charges opérationnelles et la cession de nos actifs en 2018 et 2019. Nous avons déjà cédé 49 % de RTE à un consortium formé par la Caisse des dépôts et consignations et la Caisse nationale de prévoyance. La cession d'autres actifs est en bonne voie.

La signature d'EDF reste extrêmement recherchée sur les marchés financiers. Le groupe a été une nouvelle fois bénéficiaire en 2017 et, contrairement à la plupart de ses concurrents en Europe, n'a pas connu d'exercice déficitaire depuis longtemps. L'entreprise est en mesure de servir un dividende à ses actionnaires, notamment à l'État, et d'aborder les défis de la transition énergétique sur des bases solides et confortées. Sa stratégie est équilibrée : les Français bénéficient de ses acquis, construits pendant des décennies pour fournir une électricité décarbonée et compétitive ; parallèlement, EDF s'engage résolument dans les défis de la transition énergétique, en matière tant d'énergies renouvelables que de décentralisation des systèmes énergétiques.

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Je vous remercie d'avoir souligné le soutien de l'État au cours des dernières années. Effectivement, le paiement de dividendes en titres plutôt qu'en numéraire, mais également la recapitalisation grâce au rachat d'Areva SA, ont été fondamentaux. La capitalisation de l'État dans EDF est estimée à 27,6 milliards au cours actuel de l'action. Cela souligne l'importance et la singularité de votre entreprise, par ailleurs très appréciée des Français.

Le rachat d'Areva SA fait d'EDF le chef de file de la filière de construction et d'entretien des réacteurs nucléaires. Quels sont vos projets ? Comment va concrètement se développer la filière de démantèlement qui doit débuter ses activités avec la fermeture du site de Fessenheim, prévue l'an prochain ? Il s'agira d'une première pour le parc français composé, je le rappelle, de cinquante-huit réacteurs.

Avez-vous avancé sur le calendrier des fermetures des prochains réacteurs, ainsi que sur celui de déploiement des réacteurs de troisième génération ? Pouvez-vous nous en dire plus sur les problématiques de soudure à Flamanville ? Les derniers incidents sont-ils susceptibles de modifier le calendrier ?

Ma deuxième question concerne les compteurs dits intelligents – également appelés Linky. Rassurez-vous, je ne vais pas vous interroger sur la collecte des habitudes de consommation des usagers, dénoncée sur les réseaux sociaux par ceux-là même qui y déversent leurs données personnelles…

Je m'interroge sur l'électrosensibilité. Plusieurs recours vont être déposés, notamment par une ancienne ministre de l'environnement, Corinne Lepage. Allez-vous réaliser une étude afin de mesurer les risques sanitaires liés à Linky, alors que le débat sur l'électrosensibilité n'est pas tranché ?

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EDF occupe une place à part et essentielle dans le paysage, l'économie et l'imaginaire français, le Premier ministre l'a encore rappelé en novembre dernier en répondant à une question au Gouvernement de ma collègue Célia de Lavergne. Énergéticien historique, EDF est toujours le premier producteur et fournisseur d'électricité en France, avec 26,5 millions de clients. C'est une entreprise à laquelle les Français semblent attachés, mais elle fait aussi régulièrement la une de l'actualité – ce qui vous vaut au passage quelques coups – en matière de sûreté et de sécurité des centrales nucléaires, d'engagement tardif dans le renouvelable et, dernièrement, de soupçons de diminution de votre production électrique en fonction du marché de gros.

Mais on peut également souligner votre volonté de vous inscrire dans la transition énergétique, de lancer des appels à projets en direction des entreprises françaises dans le démantèlement et la déconstruction, ou votre stratégie CAP 2030.

Je voudrais revenir sur la situation financière de l'entreprise. En novembre 2017, EDF a annoncé des objectifs financiers en baisse pour 2018. En février dernier, suite à la présentation des résultats du groupe, vous avez reconnu que 2017 avait été une année particulièrement difficile – moins 2,2 % de chiffre d'affaires, moins 16,3 % d'excédent brut d'exploitation, une production nucléaire en recul, une année sèche pour l'hydroélectricité. Vous anticipez néanmoins un rebond pour 2018 ; sur quelle base vous appuyez-vous ?

L'entreprise va devoir faire face à de nombreux investissements dans le nucléaire. Selon vos estimations, l'allongement de la durée de vie des centrales coûtera 45 milliards d'euros. Dans un rapport de 2016, la Cour des comptes l'estime à environ 100 milliards. Le coût de l'EPR de Hinkley Point atteint 22,3 milliards, celui de Flamanville 10,5 milliards. Le démantèlement et la déconstruction ne sont pas encore chiffrés. Le Plan solaire est estimé à 25 milliards, le plan stockage à 8 milliards. Au regard de ces sommes, il est évident qu'une stratégie claire est nécessaire à long terme : le groupe EDF a-t-il les moyens de ses ambitions ?

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Les dernières nouvelles de l'EPR de Flamanville ne font pas une très bonne publicité au nucléaire, puisqu'elles viennent encore augmenter la facture… Alors que l'activité nucléaire d'EDF était d'origine régalienne, l'entreprise se développe dans le secteur concurrentiel. En conséquence, la nature de votre entreprise doit-elle évoluer ?

L'hydroélectricité est désormais ouverte à la concurrence. De même, l'augmentation des coûts du nucléaire de troisième génération pose la question de la nécessité d'un tarif de rachat. Mais que se passera-t-il si des opérateurs étrangers demandent à bénéficier du même tarif de rachat, donc du subventionnement de leurs activités nucléaires ? Ou bien l'avenir du parc nucléaire passe-t-il par des dispositifs similaires à ceux qui viennent aujourd'hui au secours des énergies renouvelables ?

Quel est le dimensionnement adéquat du futur parc nucléaire ? Quel sera l'impact – notamment social – de vos choix dans les territoires ? On sait qu'en dessous d'un certain seuil, nous ne serons plus en mesure de disposer de ressources, de recherche et d'ingénierie d'une qualité suffisante pour maintenir la filière.

Quelle technologie doit être privilégiée ? Vous avez beaucoup misé sur l'EPR, y compris à l'étranger. Mais qu'en est-il de l'ATMEA, issu de la coopération franco-japonaise ? Faut-il développer les offres de petit nucléaire ?

Comment allez-vous financer vos plans photovoltaïque et stockage ?

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Ces dernières semaines, le groupe EDF a fait l'objet d'une importante attention médiatique. Les récentes initiatives de votre groupe en faveur de la transition énergétique ont été soulignées : la presse est revenue sur votre stratégie de désengagement programmé des énergies fossiles, qui se traduit par la fermeture de centrales au fioul en France et par la cession des actifs pétroliers de votre filiale Edison en Italie.

Les médias se sont également fait l'écho de la volonté du groupe EDF d'accroître de 10 gigawatts la capacité de stockage d'électricité dans le monde à l'horizon 2035. Cette ambition représente 8 milliards d'investissements et nécessite le doublement de vos budgets en recherche et développement.

Moins élogieuse, la dernière séquence médiatique a relayé le résultat d'une étude publiée par l'Union fédérale des consommateurs (UFC)-Que choisir, mettant en évidence « une exploitation des capacités de production, notamment nucléaires, contraire aux intérêts des consommateurs ».

Au nom du groupe MoDem et apparentés, je souhaite que cette audition commune vous permette d'éclairer la représentation nationale sur vos intentions et votre stratégie, en termes tant de décarbonation de votre production énergétique, que de stockage de l'électricité ou de maîtrise de vos coûts de production. Au-delà des considérations techniques de la stratégie du groupe EDF, nous attendons des précisions quant à vos orientations financières. Quels leviers entendez-vous actionner pour financer le développement de l'électricité renouvelable et votre plan stockage, tout en garantissant un prix de l'électricité attractif et compétitif ?

Votre intervention sur ces sujets contribuera certainement à corriger les effets négatifs des derniers épisodes médiatiques qui peuvent ternir votre image, pénalisant par voie de conséquence la réalisation des objectifs de la transition énergétique, dont vous êtes l'un des acteurs-clés.

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Quels sont les risques d'utilisation par des tiers des informations enregistrées par les compteurs Linky ? Comment les usagers peuvent-ils sécuriser ces informations ?

L'EPR de Flamanville devrait être opérationnel fin 2018. Quel est le coût actuel de l'électricité produite par cet EPR ? On parle d'un minimum de 110 euros par mégawattheure.

Pouvez-vous faire un point sur l'affaire de Hinkley Point ? Est-il exact qu'EDF porte la totalité des risques dans cette affaire – comme certains membres de votre personnel sont venus nous expliquer –, l'actionnaire minoritaire chinois, China General Nuclear Group (CGN) s'en exonérant ?

Quelle évolution du prix de l'électricité envisagez-vous d'ici à 2030 ?

Dans le cadre de CAP 2030, sur quelle croissance internationale misez-vous ?

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Dans le Financial Times, le Gouvernement a évoqué un changement de la gouvernance d'EDF. Selon les rumeurs, il s'agirait d'une filialisation de l'activité nucléaire – qui inquiète beaucoup. Que pouvez-vous en dire devant la représentation nationale ?

Comment comptez-vous maîtriser la malédiction des EPR, à Flamanville et Hinkley Point, qui connaissent un dérapage de leur coût et de leur calendrier ?

Dans le cadre du débat sur la programmation pluriannuelle de l'énergie, à quelle échéance envisagez-vous de respecter l'objectif de 50 % de nucléaire dans notre production d'électricité ? Lors de votre présentation de CAP 2030, vous n'avez pas indiqué combien de réacteurs vous comptiez fermer. Est-il vrai que vous souhaitez construire de nouveaux EPR en France ?

Ma dernière question annonce celle de ma collègue Marie-Noëlle Battistel : EDF va s'exprimer dans le débat sur l'avenir du nucléaire, mais pourrait-on également vous entendre sur la mise en concurrence des concessions d'hydroélectricité, alors qu'elles sont indispensables en termes de stockage et de développement des énergies renouvelables pour EDF ? Quelle est votre position par rapport aux décisions gouvernementales en cours ?

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La loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte prévoit de réduire la part du nucléaire dans notre bouquet énergétique à 50 % en 2030, soit d'un tiers en douze ans, ce que nous estimons trop timide. Concrètement, comment EDF a-t-elle planifié cette réduction, notamment en termes de fermeture de centrales en fin de vie ? En effet, vous avez entrepris des carénages dans presque toutes ces centrales…

Les écarts de qualité constatés dans la réalisation des soudures de l'EPR de Flamanville vont encore contribuer à l'explosion du coût de cette filière – de 3,5 milliards initialement annoncés, on est passé à 10,5 milliards ! Peut-on imaginer que l'EPR de Flamanville et cette filière soient « rentables », sans construction de plusieurs autres EPR ? Quels sont vos projets pour les EPR en France dans les prochaines années ? Ces projets ne sont-ils pas contradictoires avec la baisse annoncée de la part du nucléaire pour 2030 ?

La loi précitée de transition énergétique fait une place importante aux énergies renouvelables, mais aucun parc éolien offshore – électriquement les plus productifs – n'a encore vu le jour, malgré le lancement de plusieurs appels d'offres. Comment EDF compte-t-elle atteindre ses objectifs en la matière ?

M. Giraud a souligné que les consommateurs avaient l'habitude de transmettre des données personnelles sur des réseaux. Il a oublié de préciser que rien ne les y oblige, contrairement à ce qui se passe avec Linky ! Comment un opérateur comme EDF peut-il prétendre contraindre les consommateurs et les espionner ? Les contestations des usagers sont croissantes, sans compter qu'aucune étude sérieuse n'a été menée sur les conséquences des rayonnements. Comment EDF compte-t-il pratiquer pour équiper les consommateurs avec ces compteurs, alors qu'ils n'en ont aucune obligation ?

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En tant que Normand et député de Dieppe, je représente un mix énergétique équilibré, intelligent et mutuellement consenti…

Puisque s'ouvre le débat parlementaire sur la réforme ferroviaire, il serait intéressant que vous éclairiez l'Assemblée sur les conséquences de l'ouverture à la concurrence du secteur de l'énergie et de la transformation d'EDF en société anonyme, qui ont inscrit votre entreprise, parfois à votre corps défendant, dans une logique d'actionnaires dont nous savons qu'elle conduit toujours à réaliser des économies sur la recherche et le niveau de formation des intervenants, voire sur la sécurité et la sûreté.

Il serait également intéressant que vous éclairiez la représentation nationale sur la manière dont EDF, qui continue d'exercer des missions de service public, a été financièrement fragilisée par l'ouverture à la concurrence, puisque certains de ses concurrents, positionnés notamment sur le développement d'énergies alternatives, ont des coûts de production qui ne sont pas ceux d'un grand groupe comme le vôtre, qui doit amortir des investissements colossaux.

Éclairez-nous encore quant au deal politique inacceptable conclu entre l'État et Bruxelles sur la production hydraulique et donnez-nous des éléments sur le plan interne d'économies, qui prévoit plus de 8 milliards de cessions d'actifs et conduira donc à réduire l'emploi et la présence d'EDF dans nos territoires.

Pour conclure, il serait instructif que vous nous expliquiez comment vous comptez maintenir l'entreprise à flot lorsqu'il n'y aura, très bientôt, plus d'actifs à vendre. Quelles seraient les conséquences de la perte des concessions hydrauliques au profit du privé, alors que l'équilibre financier d'EDF est déjà très fragile ? Enfin, comment faire en sorte que le statut, ciment social de l'entreprise depuis soixante-douze ans, ne soit pas bradé à la faveur de la diversification des modes de production énergétique ?

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Permettez-moi de commencer par un point d'actualité que beaucoup d'entre vous ont évoqué ; je veux parler de l'EPR de Flamanville. Tout d'abord, je rappelle que nous sommes dans la phase finale de sa construction. Il y a trois ans, EDF a réorganisé la gestion du chantier et s'est fixé pour objectif, d'une part, de consacrer à la totalité du programme un budget de 10,5 milliards d'euros et, d'autre part, de charger le combustible nucléaire dans le réacteur à la fin du quatrième trimestre 2018. Ces informations ont été rendues publiques il y a trois ans, et je vous les confirme aujourd'hui.

Cependant, dans la phase finale de construction, nous procédons à des essais qui incluent une nouvelle visite complète des installations. Parmi ces examens figure la vérification des soudures du circuit primaire et du circuit secondaire, lequel est composé de gros tuyaux qui relient le générateur de vapeur – où la vapeur du circuit primaire est échangée contre celle du circuit secondaire – au turboalternateur. Nous avons ainsi à vérifier environ 150 soudures pour lesquelles de premiers examens ont montré des écarts de qualité par rapport à ce que nous pensions. Or, nous avons pour règle absolue, sur le chantier de Flamanville – en tout cas depuis que je suis responsable d'EDF –, de respecter la transparence. Nous avons donc rendu publique, hier matin, l'existence de ces écarts de qualité. Les contrôles complémentaires vont se poursuivre jusqu'à la fin du mois de mai. Nous pourrons dire alors si un ajustement du planning et du coût est ou non nécessaire. Mais, au moment où je vous parle, nous les maintenons tels qu'ils ont été arrêtés il y a trois ans.

À ce propos, je veux rendre hommage aux milliers de personnes qui travaillent jour et nuit à Flamanville depuis de nombreuses années pour que soit mené à bien ce projet né dans des conditions particulièrement difficiles – on pourra, un jour, revenir sur les raisons qui ont conduit à la décision, que l'on qualifiera d'un peu hâtive, de lancer ce réacteur alors que sa conception n'était pas achevée. Ces équipes font mon admiration, et j'espère qu'elles font celle de beaucoup de Français, car elles sont en première ligne pour porter haut la filière nucléaire, qui emploie 220 000 personnes. J'ajoute que, hier soir, nous avons eu la fierté d'apprendre que l'Autorité de sûreté chinoise avait donné son accord pour que le premier EPR disponible, Taishan 1, reçoive son premier combustible nucléaire. Depuis quelques heures, les équipes chinoises, accompagnées de quelques dizaines de Français appartenant au groupe EDF – qui inclut désormais Framatome –, chargent donc le combustible à l'intérieur du réacteur, de sorte que les premières réactions nucléaires pourront débuter rapidement. Je tenais à partager avec vous cette information extrêmement importante pour la filière nucléaire.

En ce qui concerne le mix électrique, le calendrier de fermeture des réacteurs actuels et le calendrier de construction des réacteurs futurs, sur lesquels portent de nombreuses questions, je vous rappellerai que la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), qui est pilotée par le Gouvernement, se conclura par la publication d'un décret. Bien évidemment, EDF s'inscrira dans le cadre qui sera ainsi défini, sans doute l'été prochain, par le Gouvernement. Cependant, nous avons un point de vue à faire valoir et nous répondrons, en tant qu'acteur de l'énergie en France, à l'invitation qui nous est faite de participer au débat public qui a débuté il y a bientôt un mois et qui se déroulera jusqu'à la fin du mois de juin prochain.

Les éléments sur lesquels nous comptons insister ne sont pas nouveaux, mais il me paraît important de les rappeler devant vous. Tout d'abord, notre parc nucléaire actuel est le socle du système électrique compétitif, décarboné et indépendant des importations étrangères – puisqu'il est même à l'origine d'exportations et créateur d'emplois – que prisent tous les consommateurs français. Il nous faut donc protéger ce parc et, dans la mesure où la sûreté nucléaire le permettra, prolonger sa durée de vie. Nous allons ainsi poursuivre, sur les dix-neuf sites nucléaires que nous exploitons, les travaux du Grand carénage qui a été lancé il y a quatre ans et dont je rappelle qu'il doit se dérouler, pour l'essentiel, entre 2014 et 2025. Le conseil d'administration d'EDF a décidé, en 2016, que le parc nucléaire, pour la totalité des tranches à 900 mégawatts – en dehors de celles de Fessenheim –, sera amorti sur cinquante ans et non pas quarante ans. De premières décisions ont donc été prises dans l'entreprise, avec l'accord de son actionnaire majoritaire, qui a les moyens de faire en sorte que les décisions du conseil d'administration traduisent ses souhaits.

Nous pensons également que, dans un monde décarboné, il n'est pas envisageable – comme l'a déclaré le ministre de la transition écologique et solidaire dans une communication au Conseil des ministres du 7 novembre 2017 – de reconstruire des centrales au gaz, en sus de celles qui existent actuellement en France. Ce serait, en effet, recréer des moyens de production émettant d'importants volumes de gaz à effet de serre aux dépens des moyens nucléaires qui, eux, n'en émettent pas. Ce cadre ayant été fixé par le Conseil des ministres en novembre dernier, nous nous inscrivons dans la perspective de construire de nouvelles centrales nucléaires, de nouveaux EPR, en France. En effet, la décision chinoise de faire fonctionner l'EPR de Taishan contribue à consolider le produit EPR. Il en va de même de la décision prise en présence du Président Macron, par le Premier ministre indien, M. Modi. J'ai du reste signé, le 12 mars dernier, avec la compagnie d'électricité nucléaire indienne, un accord qui n'est pas encore définitif mais qui est déjà très détaillé. L'EPR, on le verra également avec les développements en Finlande et l'achèvement du chantier de Flamanville à la fin de l'année, est le produit adéquat pour notre futur parc, car la France aura besoin, à terme, de beaucoup d'électricité nucléaire.

Nous militerons donc, dans le cadre de la programmation pluriannuelle de l'énergie, en faveur d'une réduction progressive du parc français – de sorte que les aspects sociaux et industriels ainsi que la gestion du démantèlement soient organisés de façon optimisée – et pour la reconstruction progressive de nouveaux EPR, dans des quantités qui seront fixées par l'État dans les PPE successives. Notre catalogue comprend également un produit de puissance moyenne, l'ATMEA, qui n'a pas encore été commandé. Mais nous n'avons pas besoin, pour le parc français, d'un produit de ce type, qui intéresse cependant un certain nombre de clients étrangers et fait partie des projets de la nouvelle filière française de réacteurs qu'EDF anime depuis que Framatome est devenue l'une de ses filiales.

Par ailleurs, vous aurez certainement relevé le changement de dimension d'EDF dans le domaine des énergies renouvelables. Nous avons en effet la volonté de développer de manière importante le solaire en France et d'accompagner ce développement par un peu de stockage, nécessaire pour compenser l'intermittence de cette énergie. Nous le ferons également hors de France ; nous sommes d'ores et déjà très actifs dans ce domaine.

Plusieurs d'entre vous m'ont interrogé sur les concessions hydroélectriques. Vous savez que la directive « concessions », qui a près de vingt ans, impose à la France de mettre progressivement en concurrence les concessions hydroélectriques qui ont expiré, ce qui n'a pas encore été fait. Le gouvernement français est en négociation avec la Commission européenne sur les modalités de cette ouverture à la concurrence.

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En effet, monsieur le député, puisque la directive « concessions » aura bientôt vingt ans…

Toujours est-il que, dans cette démarche, il est absolument indispensable, premièrement, qu'EDF puisse répondre à tous les appels d'offres, deuxièmement, que, dans ces appels d'offres, soit bien mise en exergue la valeur de l'eau – au regard non seulement de la production de l'électricité, mais aussi du rôle majeur qu'elle joue dans les vallées en matière d'irrigation, de tourisme et de respect de la biodiversité –, troisièmement, qu'à l'occasion de cette mise en concurrence, le point soit fait sur les capacités hydroélectriques de notre pays. Je rappelle que, dans son plan de stockage, EDF a prévu la construction de nouvelles stations de pompage – je pense au projet concernant la rivière Truyère – de façon à améliorer encore la production d'électricité à partir de l'eau, en France. En effet, si nous ne sommes pas très loin de la saturation en ce domaine, des projets, notamment celui que je viens de mentionner, nous permettraient de mieux utiliser l'eau qui tombe du ciel et se déverse dans les barrages, et de mieux compléter l'intermittence des énergies renouvelables par de l'hydroélectricité pilotée.

S'agissant de Linky, je veux d'abord rappeler qu'il est déployé par notre filiale Enedis – et non directement par EDF –, qui a été chargée par la loi de développer un compteur et de le mettre en service chez tous les ménages français – c'est le cas dans bien d'autres pays, en vertu, là aussi, d'une directive européenne. Les tribunaux ont, du reste, confirmé que la loi prévoyait le remplacement des vieux compteurs analogiques de diverses générations par un compteur numérique, lequel offrira des services indiscutables puisqu'il améliorera notamment la fiabilité de la collecte : il ne sera plus besoin de recopier manuellement des chiffres vus par un oeil humain. Il favorisera également les économies d'énergie car, grâce à différents moyens numériques, les Français qui le souhaiteront pourront connaître leur consommation sans attendre de recevoir leur facture. Il offrira, en outre, la possibilité d'innover en créant des services à l'intérieur de la maison grâce aux informations fournies par Linky.

Pas une agence sérieuse, française ou internationale – je parle des agences gouvernementales, et non de ceux qui s'auto-désignent experts –, n'a mis en cause la sûreté de Linky au regard des ondes émises. Sur ce point, je vous rappellerais bien volontiers, mais je m'abstiendrai car ce serait trop long, les comparaisons qui ont été faites entre le niveau d'émission d'un compteur Linky, aux rares moments où il émet des informations, et celui d'un four à micro-ondes, d'un sèche-cheveux, d'un grille-pain ou d'un téléphone portable. En tout cas, je peux rassurer la représentation nationale et les Français à ce sujet.

J'ajoute que la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) a donné son accord au déploiement de ce compteur, en précisant les précautions qui doivent être prises. Ainsi, les informations autres que celles qui sont nécessaires à la relève périodique du niveau de consommation ne seront accessibles aux prestataires désignés par les ménages que si ces derniers en ont fait le choix – c'est ce que l'on appelle l'« opt-in ». Il n'y a donc aucune obligation, pour les Français qui ont des compteurs Linky chez eux – et ils sont déjà 10 millions –, d'accepter la moindre intrusion des opérateurs ou des prestataires en dehors de la relève périodique, qui est contrôlée par la CNIL.

Puisque nous évoquons une médiatisation reposant sur des bases totalement fausses, j'en profite pour vous indiquer que le document produit par UFC-Que Choisir il y a quelques jours avait, me semble-t-il, pour principale vocation de ternir l'image d'EDF, puisqu'il s'appuie sur des analyses manifestement erronées. Dans notre pays, on peut toujours, hélas ! s'intituler expert – ce doit être le cas, en l'espèce. J'ajoute qu'EDF a fait savoir qu'elle se réservait le droit de donner une suite judiciaire à ces affirmations inexactes et probablement malveillantes.

Par ailleurs, la capacité d'EDF à financer l'ensemble des investissements fait partie de mes préoccupations primordiales. M. Girre, le directeur financier, qui est à mes côtés, et moi, nous nous devons de faire en sorte qu'EDF réalise l'ensemble des nombreux investissements nécessaires pour assurer la transition énergétique, développer le système électrique et maintenir la compétitivité des tarifs de l'électricité pour les Français. L'équation est difficile à résoudre. En 2016, lorsque nous avons jugé qu'elle devenait impossible, nous avons lancé l'alerte et j'ai ainsi annoncé, en avril 2016, avec un soutien très fort du Gouvernement, une nouvelle trajectoire financière que nous exécutons parfaitement – nous sommes même légèrement en avance. EDF, qui est une entreprise déjà très endettée et dont la notation a été menacée de nouvelles dégradations par les agences, a devant elle un programme d'investissements important dans les énergies renouvelables, dans le développement de réseaux de chaleur – nous en avons peu parlé mais, dans les territoires, notre filiale Dalkia développe ces réseaux de façon importante – et, bien entendu, dans la maintenance du parc nucléaire, avec la construction de Flamanville, qui s'achève, et celle de Hinkley Point, qui a commencé il y a deux ans et qui se déroule bien. Nous devons donc veiller en permanence – et nous le faisons, bien sûr, en très étroite collaboration avec le conseil d'administration et plus encore avec l'actionnaire majoritaire, en particulier l'Agence des participations de l'État –, nous devons veiller, disais-je, à notre capacité de répondre à l'ensemble des besoins que nous avons recensés.

Enfin, nombre de questions, peut-être inspirées par ce que vit aujourd'hui notre entreprise ferroviaire nationale, ont porté sur des perspectives de changement radical au sein d'EDF. Le Gouvernement qui, en tant qu'actionnaire et régulateur, est le maître du jeu dans ces domaines de très grande ampleur – qu'il s'agisse de l'organisation d'EDF ou de celle du système électrique, auquel EDF contribue très largement –, a évidemment toute latitude pour engager une réflexion sur le point de savoir si d'autres mécanismes que ceux qui président actuellement à la vie d'EDF seraient plus efficaces. À cet égard, je veux dire, comme je l'ai d'ailleurs déjà indiqué, que je n'ai pas été saisi par le Gouvernement de telles réflexions. Il n'y en a pas spontanément, et c'est bien normal, au sein d'EDF. Si, un jour, une réflexion sur des changements importants de cette nature devait être engagée, il serait de mon devoir d'en parler aux salariés, notamment d'EDF. Un tel dossier, s'il devait être un jour d'actualité, ne pourrait pas être traité autrement que dans la transparence.

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Le 17 décembre dernier, le Président de la République annonça la fermeture, à l'horizon 2022, de l'ensemble des centrales à charbon du territoire. Cette annonce, qui s'inscrit dans une démarche positive liée à la transition énergétique, nous contraint à anticiper ces fermetures si nous voulons qu'elles puissent marquer, pour nos territoires, le début d'une nouvelle ère. Élue de la troisième circonscription de Loire-Atlantique, je suis en lien permanent avec les élus, ainsi qu'avec les agents et la direction de la centrale de Cordemais qui, tous, partagent la même crainte quant à l'après-2022.

Ma première question porte donc sur l'expérimentation en cours, dite « Ecocombust », qui vise à remplacer le charbon par des black pellets issus des déchets verts. Que pensez-vous de ce dispositif, de sa pertinence économique, de sa viabilité au regard de la filière d'approvisionnement en déchets verts et de son avenir dans le cadre de votre politique interne ? Ma seconde question concerne l'avenir du site de Cordemais. En 2022, si la centrale venait à fermer, comment EDF pourrait-elle gérer ce site qui occupe un foncier important sur le territoire de la commune ?

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Face à la concurrence actuelle, EDF n'aurait-elle pas intérêt à s'engager dans des contrats de moyen terme, à quinze ans, avec les entreprises électro-intensives ? Ces contrats, qu'elle a abandonnés depuis plusieurs années, correspondent en effet aux besoins des industriels, notamment en matière d'amortissement de leurs investissements. Vous pouvez y avoir un intérêt concurrentiel, Bruxelles n'ayant pas rejeté la possibilité de telles contractualisations. Je souhaiterais que vous m'apportiez une réponse précise, car les industriels l'attendent. J'ajoute que le Président de la République, lorsqu'il était ministre, s'était engagé sur ce volet.

Par ailleurs, dans l'attente du renouvellement des concessions hydrauliques et, par conséquent, du renouvellement des redevances domaniales, qui seront plus élevées, les départements ont obtenu la monétisation de l'énergie réservée. Or, nous avons constaté que, profitant de la disparition des tarifs réglementés, les tarifs bleus, vous avez fait modifier le décret relatif à la valorisation du prix de l'énergie, décret pris sans concertation avec les collectivités locales et qui aboutit, compte tenu des références retenues, à ce que celles-ci perçoivent bien moins que le tarif moyen constaté de l'électricité hydraulique. Ne pensez-vous pas qu'il serait correct de revoir les bases de référence de calcul, de manière qu'elles prennent en compte le tarif moyen constaté de l'électricité hydraulique plutôt qu'un prix très inférieur à celui de cette valorisation, afin que les collectivités ne soient plus lésées ?

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Je souhaite revenir sur le prix de l'électricité, notamment du nucléaire. Le statut de société anonyme permet théoriquement à une entreprise d'être entièrement libre dans un secteur concurrentiel. Or, l'actionnaire majoritaire d'EDF détermine le prix et, en même temps, réclame des dividendes, peut-être davantage que tout autre actionnaire ne le ferait. Puisque le directeur financier d'EDF est présent à vos côtés, je souhaiterais revenir sur les provisions pour démantèlement des centrales nucléaires. Le commissaire aux comptes a certifié vos comptes, mais, s'il n'a pas émis de réserve, il a tout de même souligné le changement de méthode comptable concernant l'amortissement, la durée d'amortissement ayant été portée à cinquante ans, et l'évaluation des provisions. Vos comptes sont-ils sincères ?

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Je souhaiterais reprendre trois des points de l'intervention de Charles de Courson, car vous ne lui avez pas apporté une réponse complète, et j'y ajouterai une question. Tout d'abord, peut-on connaître le coût de l'énergie produite par les surgénérateurs EPR, étant donné les difficultés qu'a pu connaître leur mise au point ? Ensuite, on sait que la construction de Hinkley Point a connu un certain nombre de dérives financières. En définitive, qui assume les risques : EDF seule, les Chinois ou d'autres ? Par ailleurs, avez-vous connaissance des perspectives d'évolution du coût de l'énergie dans les prochaines années ?

Enfin, seulement 20 % des 250 éoliennes de mon département sont d'origine française. Quant à notre grande centrale photovoltaïque de 100 hectares, elle est étrangère. Pensez-vous que, à un moment ou à un autre, verra le jour un fabricant de technologies industrielles d'énergies renouvelables qui soit un consortium européen, au moins français ? C'est très bien de parler de la transition et du mix énergétique, mais il faut également maîtriser l'outil industriel.

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En tant que députée des Alpes, où sont implantés de nombreux barrages, je souhaite bien entendu vous interroger sur l'ouverture des concessions hydroélectriques à la concurrence qui, vous le savez, me préoccupe depuis plusieurs années. La production hydro, qui constitue le socle du bas tarif de l'énergie, est une énergie pilotable de manière très réactive, essentielle au développement des énergies renouvelables intermittentes. L'hydro est un acteur majeur de la gestion du multi-usage de l'eau, dont on oublie trop souvent qu'elle est un bien commun.

En multipliant les concessionnaires, on engagerait une désoptimisation néfaste à sa gestion qui entraînerait, inévitablement, à terme, une hausse des tarifs aux consommateurs, qui sont les plus bas, aujourd'hui, grâce à l'hydro. L'ouverture à la concurrence n'est pas inéluctable ; l'entreprise n'y a pas intérêt, l'État non plus et le consommateur encore moins. Les autres pays ont fait un autre choix et ont sécurisé cet outil. Pourquoi pas la France ? Le groupe de travail de la commission des affaires économiques consacré à ce sujet, que je préside, rendra prochainement ses conclusions dans lesquelles il souligne ces éléments. Allez-vous, dans le cadre du débat public national de la PPE, avancer des arguments forts pour proposer, afin d'éviter cette erreur préjudiciable à tous, un renouvellement des concessions en lieu et place de leur mise en concurrence ?

Enfin, l'autoconsommation se développe de plus en plus chez les particuliers. Y voyez-vous une tendance de fond et comment intégrez-vous ce phénomène récent dans la politique d'EDF ?

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Nous connaissons l'impact du coût de l'énergie et de ses variations sur la compétitivité de l'industrie française. Or, les entreprises dites électro-intensives ont souvent un poids économique important dans notre industrie. Leur consommation d'électricité, qui représente approximativement 20 % de la consommation nationale, constitue une part importante de leurs dépenses, ce qui les rend particulièrement sensibles aux évolutions des prix de l'énergie. Pour préserver leur compétitivité, deux taux réduits de taxe intérieure de consommation ont été créés en loi de finances. Ces entreprises bénéficient également de nombreux dispositifs de soutien : compensation carbone, taux réduit de contribution au service public de l'électricité, réduction du tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité… Ces dispositifs compensatoires vous paraissent-ils suffisants ? Doivent-ils être confortés ou étendus, dans un contexte de relance de l'industrie française ? Doit-on abaisser le seuil d'accessibilité au statut électro-intensif ?

Par ailleurs, comment EDF prend-elle en compte les progrès réalisés en matière d'efficacité énergétique dans l'industrie ? Je pense en particulier à la cogénération.

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Le 9 mars 2018, 410 anciens cadres ayant effectué tout ou partie de leur carrière professionnelle dans l'ingénierie, la construction ou l'exploitation de centrales nucléaires ont rendu public un manifeste pour Fessenheim. Ils estiment que remplacer l'électricité bas carbone produite par les centrales nucléaires par des énergies renouvelables n'est pas réaliste, en raison de l'intermittence de production de l'éolien, qui nécessitera des moyens compensatoires, en France ou chez nos voisins, utilisant des combustibles fossiles générateurs de gaz carbonique. RTE a confirmé, dans les différents scénarii étudiés dans le cadre de la programmation pluriannuelle de l'énergie, que tout conduisait à une hausse des émissions de gaz carbonique.

Ainsi la fermeture anticipée de la centrale nucléaire de Fessenheim, au prétexte qu'elle est la plus ancienne de France encore en activité, va à l'encontre de la lutte contre l'effet de serre. Décider son arrêt définitif dès 2018 conduirait à se priver d'une puissance de 1 800 mégawatts capable d'assurer une production propre, sûre et modulable et affaiblirait gravement la sécurité de l'alimentation de notre pays. Avez-vous eu des échanges à ce sujet avec le Premier ministre ou avec Nicolas Hulot ?

Je rappellerai également que la France a besoin de la production de toutes ses centrales nucléaires, augmentée de celle de l'EPR de Flamanville, pour compenser l'arrêt des centrales au charbon et satisfaire les besoins de notre pays ainsi que ceux des pays voisins, pour le plus grand bénéfice de notre balance commerciale. À défaut, la France serait vulnérable face aux risques d'un black-out dévastateur au plan médiatique et politique et insupportable pour les populations concernées et l'économie du pays.

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Vous avez abordé tout à l'heure la question du stockage d'énergie. Quelles techniques souhaitez-vous utiliser ? Quels domaines de recherche avez-vous privilégiés jusqu'à aujourd'hui ?

Certains pays européens ont des stratégies de développement de production d'électricité complètement différentes des nôtres. L'Espagne et le Portugal ont ainsi largement investi dans le photovoltaïque et dans l'éolien. Le Portugal arrive d'ailleurs à satisfaire à ses besoins. Quelle est votre vision d'une politique européenne de l'énergie ? Quelles perspectives cette politique européenne pourrait-elle nous offrir ?

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Les compteurs Linky sont une vraie source d'inquiétude pour nos concitoyens, à la fois du fait de l'impact sur la santé, des ondes qu'ils dégagent, de leur coût et, enfin, des problèmes qu'ils posent en matière de protection des données personnelles.

Concernant l'énergie solaire, je soutiens largement le plan d'EDF qui nous permettra de rattraper notre retard par rapport aux autres pays européens : ce plan prévoit 25 milliards d'investissement sur 30 000 hectares à couvrir de panneaux. Comment et où trouver les emprises foncières correspondantes ? Quel financement est-il prévu, compte tenu de la situation d'EDF ? EDF a-t-elle rencontré des collectivités territoriales pour aborder le sujet en amont et éviter les tensions qu'on connaît aujourd'hui dans l'éolien ?

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Ma question concerne la stratégie d'EDF pour favoriser le développement de l'autoconsommation. Entre 20 000 et 30 000 Français ont recours à cette pratique, contre 1,5 million d'Allemands. La possibilité de produire et de consommer sa propre électricité grâce aux énergies renouvelables correspond à une demande forte de nos concitoyens. Le désir de consommer de manière plus vertueuse pousse à un tel changement. Il concerne les particuliers mais aussi les professionnels et les collectivités. Je pense notamment à l'île de Sein, qui est une zone non interconnectée et qui souhaite l'installation d'une production d'électricité 100 % renouvelable au lieu des 30 % préconisés par EDF. Bien que facilité par la loi du 24 février 2017, le recours à l'autoconsommation pâtit encore de certaines insuffisances, voire de certains freins. Ainsi, la Commission de régulation de l'énergie a proposé de restreindre les exonérations de taxe aux plus petites installations individuelles en autoconsommation et de ne pas en faire bénéficier les opérations d'autoconsommation collective. Quel est l'avis d'EDF sur cette recommandation ? Certains territoires cherchent à avoir une indépendance totale et réclament la maîtrise du réseau. Comment permettre l'accélération de ces nouvelles pratiques tout en maintenant une solidarité entre les territoires ? Quelles difficultés cela représente-t-il en termes de dépannage et d'assistance aux populations ?

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Plusieurs barrages vont être privatisés. Aura-t-on alors l'assurance que l'approvisionnement en énergie restera suffisant pour couvrir les besoins nationaux, notamment en hiver, lors des vagues de froid ?

Les dernières centrales à charbon devraient bientôt fermer et plusieurs centrales nucléaires arrivent en fin de cycle, centrales dont l'exploitation et la fermeture représentent un coût de 4 milliards. Quelles modalités de financement avez-vous envisagées ? Quelles solutions techniques alternatives envisagez-vous pour maintenir l'indépendance énergétique de la France ?

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La part du nucléaire restera prépondérante dans la production électrique de notre pays, lui assurant une véritable indépendance, même si le rééquilibrage du mix électrique implique le développement des énergies renouvelables. Le rachat de la branche énergie d'Alstom par General Electric ne fait-il pas courir des risques à la maintenance de nos dix-neuf centrales ? Je pense en particulier au fleuron de la technologie développée par Alstom, avec la fameuse turbine à vapeur Arabelle désormais aux mains des Américains. N'y a-t-il pas dans cette affaire les germes de la remise en cause de notre indépendance énergétique qui fait la fierté de notre industrie décarbonée et compétitive ?

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Nous avons auditionné au cours des derniers mois les grands constructeurs automobiles qui nous disent tous que la voiture de demain sera électrique, soit à 100 %, soit sous format hybride mais avec batterie. Ces mêmes constructeurs avancent à grands pas vers une plus grande autonomisation de ces voitures, en réduisant le poids de ces dernières mais aussi en stockant plus d'énergie dans leurs batteries. Dans le même temps, les collectivités locales mais aussi de grands groupes industriels s'efforcent de proposer des bornes de recharge rapide. Nous allons donc avoir besoin de plus en plus de puissance simultanée pour recharger très vite ces véhicules qui constitueront dans dix ou quinze ans la quasi-totalité du parc automobile. Surtout, nous aurons besoin de plus en plus de volume d'électricité. L'entreprise EDF aura-t-elle la capacité de répondre techniquement à ces enjeux de puissance mais aussi de volume ? Dans dix, vingt ou trente ans, le nucléaire pourra-t-il encore apporter la solution ? Décarboner nos voitures grâce à l'électricité n'a de sens que si l'énergie servant à produire cette électricité reste également décarbonée.

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En 2017, 31 000 voitures électriques ont été immatriculées, soit 1 % du marché neuf. En mars, nous avons enregistré une augmentation de 40 % du nombre de voitures électriques, avec plus de 4 000 voitures mises à la route sur un an. La dynamique est là mais il reste des freins au développement de ces véhicules, à commencer par leur manque d'autonomie. La situation s'améliore mais des efforts restent à faire, notamment pour perfectionner les batteries. Dans vos centres de recherche-développement, vous développez des batteries comprenant d'autres composantes que le lithium. Quelles sont vos avancées et vos espérances ? Quid d'une filière européenne de la batterie ? Selon vous, l'objectif, fixé par la loi de transition énergétique, de 7 millions de points de charge à horizon 2030 est-il tenable ? Où en êtes-vous du réseau Corri-Door visant à installer 200 stations de charge rapide tous les 80 kilomètres sur autoroute ? Donnerez-vous suite à cette initiative ?

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Je voudrais aborder deux questions marginales par rapport à l'économie générale d'EDF. Ce faisant, je n'ignore ni le rang mondial qui est celui de votre entreprise, ni tout ce qu'elle a apporté depuis soixante-dix ans à la modernisation économique et sociale du pays, ni l'engagement quotidien de tout le personnel.

J'évoquerai, d'une part, la campagne de financement participatif de l'éolien, que vous avez menée dans le Lauragais, d'autre part, le programme d'autoproduction photovoltaïque « Mon Soleil & Moi ». Ces programmes ont en commun de faire contribuer les particuliers au financement de la production et de les faire bénéficier des revenus de celle-ci. Ils ont aussi en commun de favoriser la mobilisation en faveur de la production d'énergie renouvelable. Avez-vous l'intention de promouvoir ce type d'opérations de cofinancement, permettant aux ménages de s'engager directement dans la production d'électricité ?

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Mme Brunet a parlé du site de Cordemais et M. Mattei, du fait que nous avions encore des moyens de production à base de charbon. Ces moyens nous servent quelques milliers d'heures par an et nous sont bien utiles en cas de vague de froid. Le Gouvernement a fait savoir qu'il souhaitait, dans la PPE qui sera rendue publique prochainement, qu'il soit mis fin à la production d'électricité à partir de charbon. Nous devons nous préparer à ce que cette décision soit confirmée et mise en application, ce qui aura un impact social majeur. Nous avons déjà fermé des sites. Nous avions de nombreux sites à base de fioul : il n'en reste plus du tout. Nous avons également fermé il y a quelques années plusieurs sites à base de charbon. Néanmoins, chaque fois qu'un site ferme, nous devons être exemplaires dans la redéfinition de sa vocation industrielle et dans l'accompagnement social que nous offrons à nos salariés et aux salariés des entreprises dont une partie importante de l'activité se situe sur le site. Nous devons travailler avec les collectivités territoriales pour voir quelle est la meilleure utilisation possible du foncier. Je confirme à Mme Brunet que nous travaillons en matière de recherche-développement pour trouver une alternative qu'il faudra que le Gouvernement analyse lorsque nous serons prêts à la présenter. Le projet Ecocombust, auquel vous avez fait allusion, nous permettrait, avec quelques centaines d'heures d'utilisation, de brûler dans la chaudière un mélange de charbon et de déchets verts provenant des filières locales de l'industrie agricole, de l'agroalimentaire ou du secteur forestier. C'est un projet dans lequel nous avons investi de l'argent et beaucoup d'espoir. Nous espérons donc qu'il se concrétisera. Nous espérons aussi qu'un prix du carbone finira par être fixé en France mais aussi à l'échelle européenne – ce qui répond à ceux qui m'ont demandé de faire un bilan de la politique européenne de l'énergie. Ce prix permettrait d'aligner objectifs climatiques et énergétiques. Quand on compare le mix énergétique de la France à celui de certains de ses voisins, on s'aperçoit que le non-alignement de ces objectifs crée des distorsions importantes. Que le projet Ecocombust trouve un aboutissement permettrait de maintenir une activité industrielle sur le site de Cordemais.

Nous espérons aussi que RTE s'exprimera prochainement sur les questions de black-out, évoquées notamment par M. Mattei. Quand il fait très froid, que faire s'il n'est plus possible d'utiliser les centrales à charbon – en particulier en Bretagne, le site de Cordemais étant le principal site d'alimentation en électricité de cette région ? Depuis longtemps déjà, ce n'est plus EDF mais RTE qui est chargé de l'équilibre entre les besoins de nos compatriotes et la production disponible. Je vous invite donc à transmettre au régulateur vos inquiétudes quant à ce qui se passerait en l'absence totale de production électrique à Cordemais, un jour d'hiver où il ferait très froid. J'imagine qu'il faudrait que nos compatriotes bretons bénéficient quand même, grâce à RTE, du même service que les autres habitants du territoire.

Cela m'amène à répondre à M. Pellois qu'il faut peut-être fixer des limites au développement de l'autoconsommation. Vous l'avez dit, la promotion de l'autoconsommation est importante. M. Castellani a aussi parlé de la promotion du cofinancement des énergies renouvelables comme d'une manière de les faire mieux accepter. Mais quand on se met à faire de l'autoconsommation dans un périmètre qui dépasse la maison individuelle pour devenir celui d'une collectivité, cette dernière doit se poser des questions techniques mais aussi des questions économiques. Tout le système électrique français est fondé sur un principe d'égalité de traitement entre tous les consommateurs placés dans des situations identiques, indépendamment de l'endroit du territoire où ils se trouvent. C'est ce qu'on appelle la péréquation géographique. Le développement de l'autoconsommation collective soulève des questions à cet égard. Je crois savoir que la Commission de régulation de l'énergie, que préside M. Carenco, s'est saisie du problème et est en train de lancer une réflexion publique quant à la manière de concilier péréquation géographique et développement rapide de l'autoproduction collective. Nous partageons donc vos préoccupations.

Concernant les tarifs que nous offrons aux industriels, nous cherchons à préserver la fameuse boîte à outils créée par la loi de transition énergétique pour la croissance verte de façon à pouvoir offrir à nos clients industriels les prix de l'électricité les plus bas possible. Cela fait l'objet d'un examen particulier de la part de la Commission européenne qui vérifie que le mécanisme institué ne constitue pas une aide d'État. Néanmoins, sachez qu'EDF est très attentive aux demandes spécifiques de ses clients électro-intensifs. Je rencontre moi-même de temps en temps les plus importants d'entre eux. Nous souhaitons que les contrats de long terme qui ont été conclus, dont certains vont sans doute être renégociés dans les deux années qui viennent, puissent être maintenus, à condition que les parties l'entendent ainsi.

M. Vigier m'a interrogé à propos du coût de l'EPR et des risques de Hinkley Point. L'EPR de Flamanville est un prototype dont les coûts, de 10 milliards d'euros, ne sont pas représentatifs de ce que va être l'EPR. Les Chinois, les Indiens et les autres ne nous achèteront pas d'EPR si nous n'arrivons pas à en faire baisser les coûts. Nous avons donc engagé depuis plusieurs années au sein du groupe EDF, en particulier avec nos collègues de Framatome, des travaux ayant pour objectif de définir un produit que nous appelons « EPR 2 ». Ce dernier gardera les mêmes atouts que l'EPR en matière de puissance – ce qui permet d'en faire baisser les coûts – et de sûreté. Certains réacteurs nucléaires dans le monde ne nous semblent pas apporter les mêmes garanties de sûreté que celles, très exigeantes, qui sont imposées à juste titre par l'Autorité de sûreté française. Nous avons pour objectif qu'à terme, le coût de l'EPR baisse.

En réalité, la concurrence se fait avec le gaz. Nous allons faire le maximum dans le secteur éolien mais, vous l'avez souligné, l'acceptation des éoliennes à terre n'est pas formidable en France. Nous allons installer un maximum d'éoliennes en mer mais on voit bien les hésitations actuelles du Gouvernement qui devrait débloquer le dossier des premières éoliennes en mer alors que nous avons d'ores et déjà pris un retard considérable par rapport aux pays voisins et que nous essayons de susciter une filière industrielle française dans le cadre des premiers projets. Si ces projets ne sont pas débloqués, il n'y aura pas de filière industrielle ni d'emplois en France et nous irons simplement acheter sur étagère à l'étranger. Nous ferons aussi le maximum dans le secteur éolien mais, vous le savez, le rayonnement du soleil en France n'est disponible qu'environ 15 % du temps. Nous devrons donc compter sur des énergies pilotables pendant encore longtemps. Si nous voulons que l'EPR soit une bonne alternative aux centrales au gaz, il ne faut pas qu'il le soit uniquement pour un motif climatique. Nous ne voulons pas émettre à nouveau davantage de gaz à effet de serre et voulons donc pour cela du nucléaire mais nous voulons aussi que le prix au mégawattheure d'un réacteur nucléaire ne soit pas plus cher que le prix d'un mégawattheure produit à partir de gaz – ce prix incluant une taxe carbone. Cela nous conduit en France, compte tenu de certains coûts et des nombreuses taxes locales et nationales applicables au secteur de l'énergie, à un coût situé entre 60 et 70 euros le mégawattheure, pour des EPR qui seraient fabriqués en moyenne série. Nous aurions en effet plusieurs chantiers en parallèle en France – un chantier qui débute, un chantier en milieu de construction et un chantier qui se termine – de façon à bénéficier d'économies d'échelle et d'un maintien des compétences.

M. Cinieri a évoqué la fermeture de Fessenheim. Je voudrais lui dire avec regret que c'est la loi votée ici même qui impose que l'ouverture de la production d'électricité à Flamanville s'accompagne de la fermeture d'une capacité équivalente de production électrique en France et que le site de Fessenheim ayant été désigné dès 2012, EDF se doit d'appliquer cette loi et de fermer le site de Fessenheim à l'horizon de la fin de cette année ou du début de l'année prochaine. Il y aura à ce moment-là une longue période au cours de laquelle les installations refroidiront et où nous préparerons le démantèlement de la centrale.

Monsieur Laqhila, nous avons provisionné dans nos comptes ce qu'il faut pour gérer les déchets nucléaires après leur utilisation et pour démanteler nos centrales nucléaires. Cela a été validé non seulement par nos commissaires aux comptes mais aussi par la Cour des comptes, qui a produit un rapport récent sur le sujet, et par un audit indépendant lancé par le Gouvernement précédent, du temps où Mme Royal était la ministre chargée de ce secteur. Établi par une société privée, il a donné lieu à des résultats rendus publics sur internet dans un rapport d'une centaine de pages. Que les comptes établis par EDF aient été confirmés à la fois par nos commissaires aux comptes, par la Cour des comptes et par cet audit montre que les montants provisionnés sont suffisants. Je dirais même qu'à la fin de l'année dernière, ils étaient plus que suffisants puisque nous avions provisionné 108,5 % des besoins, parmi nos actifs dédiés. Nous avons donc une petite avance sur ce plan. Plus généralement, je voudrais vous affirmer avec beaucoup de force que les comptes d'EDF sont sincères.

S'agissant du chantier de Hinkley Point, nous avons négocié avec le gouvernement britannique et obtenu de lui un prix garanti sur les trente-cinq premières années de la vie de la centrale, c'est-à-dire de 2026 à 2061 pour la première tranche et de 2027 à 2062 pour la seconde. Cela a été approuvé par le gouvernement britannique et par la Commission européenne. Évidemment, ce prix a également été approuvé par le conseil d'administration d'EDF, compte tenu de la rentabilité de cet investissement, extrêmement élevée puisque située entre 8 et 9 % par an après impôt sur 70 ans. En échange de cette garantie sur nos recettes, nous supportons le risque de construction que nous partageons avec notre partenaire chinois. En effet, les deux réacteurs de Hinkley Point sont détenus aux deux tiers par EDF et à un tiers par notre partenaire chinois. Sur les devis qui sont les nôtres et qui permettent d'affirmer une rentabilité située autour de 8,5 % par an, nous avons prévu des marges pour aléa. Un chantier de cette ampleur doit normalement occasionner certaines dépenses imprévues. Cela étant dit, le chantier de Hinkley Point se déroule bien et l'ensemble des jalons prévus ont été respectés au jour près depuis maintenant une vingtaine de mois que le chantier a commencé.

En ce qui concerne les batteries et les véhicules électriques, nous pensons devoir jouer un rôle important dans le monde de la mobilité électrique. Nous le faisons déjà par le biais de notre filiale Sodetrel, qui est présente dans de nombreuses régions du pays et qui accompagne les collectivités territoriales se dotant de systèmes de bornes de recharge. Nous avons en effet gagné l'appel d'offres de la Commission européenne pour le projet Corri-Door. À ma connaissance, les 200 unités de Corri-Door sont installées et fonctionnent bien aujourd'hui. Le projet a été mené à son terme. Nous avons à nous préparer pour le moment où les besoins des véhicules sur le réseau électrique seront importants. Cela concerne notre filiale Enedis qui va devoir gérer un appel au réseau susceptible d'être très important à certains moments de la journée. Cela nous amène aussi à réfléchir à ce que sera la consommation d'électricité lorsqu'il y aura dix, vingt, trente millions de véhicules électriques en France alors qu'il y en a aujourd'hui 130 000 à 150 000. Il faut avoir en tête que ce chiffre va être multiplié par 100 ou par 200. Il faudra déterminer comment gérer les pics de charge dans le système électrique tant local que national. C'est à RTE d'en faire la prévision. Il faut que nous soyons prudents et que nous gardions des marges de manoeuvre pour faire en sorte qu'il y ait bien à chaque instant de l'électricité pour alimenter les véhicules électriques.

À l'inverse, il est possible d'optimiser les plans de charge des véhicules électriques avec des algorithmes. Il y aura probablement des différenciations plus fortes dans le coût de l'électricité selon les heures de la journée de façon à éviter que tout le monde recharge son véhicule à son retour chez soi à dix-huit ou dix-neuf heures Il faut que nous mettions au contraire en place des systèmes de lissage dans le temps de cet appel au réseau de façon que les Français qui, pour la plupart, ne réutiliseront pas leur véhicule avant de repartir travailler le lendemain, puissent recharger leur véhicule électrique à temps et même que certains d'entre eux puissent offrir de la capacité électrique inutilisée en début de soirée – du véhicule vers le réseau ou vehicle to grid, « V2G » en anglais. Nous sommes très actifs en ce domaine et avons lancé des solutions innovantes.

Nous examinons aussi cette question à l'échelle européenne. En effet, dans un rare moment favorable au développement de la politique industrielle, la Commission européenne a décidé de lancer, sous l'égide du vice-président Šefčovič, une alliance européenne en matière de stockage de l'électricité et en matière de batteries. Nous y travaillons et nos laboratoires de recherche & développement (R&D) – en particulier celui des Renardières – sont très proches de nombreux constructeurs automobiles et fabricants de batteries.

Cela fait maintenant trois ans que le transfert de propriété, d'Alstom à General Electric, des turbines développées et fabriquées en France – en particulier de la turbine Arabelle dont nous avons besoin pour l'EPR – a été fait. Je vous répéterai ce que j'ai eu l'occasion de dire lors de mon audition par la commission d'enquête sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires il y a quelques mois : nous n'avons aucune inquiétude ni aucune indication que le changement de propriétaire de l'usine de Belfort et du savoir-faire qui va avec ait créé la moindre perturbation dans la disponibilité des compétences. Je vous en donnerai un simple exemple : nous travaillons étroitement avec General Electric à nos projets de vente de réacteurs EPR à l'Inde qui incluront la turbine Arabelle. Cela se passe aussi bien que du temps où Alstom était propriétaire de ces technologies.

Enfin, je voudrais dire à Mme Battistel qu'en effet, l'application du principe de concurrence à des régimes concessifs dans le secteur de l'hydroélectricité, alors qu'il peut ne pas y avoir de concurrence dans les pays ayant adopté d'autres systèmes que la concession, devrait interpeller le Gouvernement français. Ne devrait-on pas avoir une vision plus radicale de la manière de traiter le sujet ? Ce n'est pas à EDF de traiter de cette question mais évidemment, je ne saurai vous dire ici que nous voyons le moindre intérêt à mettre en concurrence un morceau de rivière.

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Je vous remercie de cette présentation de votre stratégie, de vos orientations et de vos ambitions. Nous savons tous ici, et vous l'avez bien rappelé, que nous avons une grande transition énergétique à accompagner. Il s'agit autant d'une question de moyens que d'une question d'innovation. Étant élue à Palaiseau dans l'Essonne où EDF a un grand Lab, au coeur de l'écosystème de Paris-Saclay, je souhaiterais savoir quelle place vous accordez à la recherche-développement, aux expérimentations, aux liens avec les start-up et avec les centres de recherche publique et privée – en France, au niveau européen et, plus largement, au niveau international. Je sais en effet que votre stratégie de R&D dépasse largement nos frontières. Quels objectifs et priorités vous êtes-vous fixés ? Quelles sont les avancées partagées issues des centres de recherche que vous avez déjà vu éclore, qui ont déjà bénéficié à l'écosystème français ou européen ?

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La réduction de la consommation énergétique est un enjeu fondamental, à la fois sur le plan écologique et en matière de pouvoir d'achat. En effet, la facture énergétique pèse sur le budget des ménages : selon, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), les ménages les plus défavorisés y consacrent 15 % de leur budget. Il est donc important de trouver des solutions pour réduire cette consommation énergétique, si possible, sans imposer de nouvelles contraintes. L'émergence des smart grids ou réseaux électriques intelligents offre de nouvelles opportunités. La possibilité pour les ménages d'analyser finement leur consommation leur permettra de faire des économies sans se priver ni altérer leur qualité de vie. Le déploiement des compteurs intelligents Linky par votre filiale Enedis est présenté comme une bonne chose, d'autant plus que ces compteurs sont fabriqués en France.

Malgré quelques réserves, la Cour des comptes a souligné la pertinence de Linky à condition que les économies profitent au consommateur et, surtout, que la réglementation prévue soit appliquée. Près de 10 millions de consommateurs sont déjà équipés de compteurs Linky. Votre objectif est d'équiper 80 % des ménages d'ici à 2020 et 100 % d'ici à 2024. Quel bilan tirez-vous à ce jour du début de déploiement de ces compteurs et de l'évolution de la consommation énergétique des ménages ? Ces compteurs intelligents ont-ils entraîné une baisse de la consommation ?

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Ma première question concerne les électro-intensifs, qui représentent en France 100 000 emplois. Ces industries ont besoin d'un tarif d'électricité très préférentiel pour rester concurrentielles, dès lors que d'autres pays ont des coûts de main d'oeuvre beaucoup plus faibles que les nôtres. Nous sommes plusieurs à avoir engagé auprès d'EDF des démarches – favorables, je crois – concernant le renouvellement des concessions. Je n'imagine pas un seul instant qu'EDF ne puisse pas, dans la durée, accompagner ces électro-intensifs en leur accordant ce tarif préférentiel. Pouvez-vous vous y engager à cet instant ?

Ma seconde question porte sur le renouvellement des concessions. Cette situation de trop longue attente n'est-elle pas pénalisante pour les investissements ? Vous l'avez rappelé, la directive qui a été prise il y a une vingtaine d'années n'est toujours pas appliquée. On peut craindre que les investissements sur les barrages soient sous-évalués ou sous-réalisés. Êtes-vous partant pour répondre à l'ensemble des appels d'offres qui pourraient être lancés dans l'ensemble des bassins ?

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La production d'énergie renouvelable dans les outre-mer ne représente que 15 % de la totalité de l'énergie consommée, et environ 18 % en Guadeloupe.

Le ministre de la transition écologique et solidaire, M. Hulot, a reconnu lors d'une réunion de la commission des affaires économiques, en septembre dernier, qu'il était aberrant que l'outre-mer n'ait pas son autonomie énergétique. Que fait EDF pour augmenter la part des énergies renouvelables dans les outre-mer ? Existe-t-il un plan de montée en charge ?

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Le mercredi 28 mars, notre collègue Villani a remis son rapport sur l'intelligence artificielle. Il a notamment recommandé de concentrer les efforts et les recherches sur quatre grandes thématiques, dont l'écologie. En effet, selon ses conclusions, l'intelligence artificielle pourrait contribuer à diminuer nos consommations.

La même semaine, EDF a lancé sa start-up, Metroscope, une solution d'intelligence artificielle qui accélérerait l'identification des causes d'un aléa touchant une installation industrielle. L'ensemble du parc nucléaire devrait en être équipé. Pourriez-vous nous donner davantage de précisions sur cette start-up, et nous communiquer ses premiers résultats ?

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Lors d'un entretien publié en décembre, vous avez déclaré que, compte tenu du prix et des difficultés d'acceptation et d'implantation des éoliennes, le développement des énergies renouvelables passerait davantage par le solaire que par l'éolien. Vous comptez investir 25 milliards dans l'énergie photovoltaïque au moyen d'un plan solaire. Cela signifie-t-il, à terme, un désengagement du secteur éolien ?

Il est exact que l'éolien a des difficultés pour se déployer – lourdeurs administratives, recours nombreux. C'est le cas dans le Nord de la Haute-Vienne que je représente. Aussi, comment voyez-vous l'avenir de l'éolien en France ?

Par ailleurs, pensez-vous que ces énergies renouvelables réussiront, à terme, à être rentables économiquement, et à quelle échéance ?

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J'ai entendu que vous alliez sortir de la production électrique à base de charbon. On connaît les prévisions par rapport au nucléaire. Je voudrais donc revenir sur l'hydro-électricité.

EDF fait régulièrement des campagnes de promotion pour l'utilisation d'énergies vertes le week-end. On imagine qu'elles sont essentiellement issues de l'hydro-électricité. Or, les conditions climatiques font que ces réserves sont fragilisées – 53,6 térawattheures en 2016.

Le problème est qu'à chaque fois, en fonction des prévisions de précipitations, vous créez des marnages très importants. Cela entraîne une déstabilisation de l'écosystème dans l'ensemble des retenues hydro-électriques, fortement touchées par le turbinage massif des réserves d'eau.

Très sincèrement, que ce soit pour le tourisme, la sécurité des usagers, ou pour les usages sur les rives de nos lacs de montagne, cela pose d'énormes difficultés. Et je ne parle même pas des problématiques liées à l'aval de vos centrales, avec des épisodes de sécheresse durs et intenses.

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Ma question portera principalement sur le coût du déploiement des compteurs Linky qui, d'après le rapport de la Cour des comptes, est évalué à 5 milliards d'euros. Par ailleurs, la Commission de régulation de l'énergie a institué, avec votre filiale Enedis, un système de paiement différé dont la Cour des comptes indique qu'il permettrait à Enedis de faire un bénéfice de 500 millions sur de ce déploiement, à mettre en balance avec les économies que feraient les Français sur leur consommation énergétique.

Confirmez-vous ce chiffre ? Qu'est-ce qui explique, dans ce modèle économique de déploiement, qu'Enedis puisse ainsi engranger cette somme ?

Je vous ai entendu évoquer les difficultés de déploiement de ces compteurs. D'après ce que j'en sais, et après avoir interrogé certains de mes collègues, toutes les circonscriptions ont leur collectif anti-Linky, ce qui conduit à s'inquiéter de la façon dont ces compteurs sont déployés. Ne pensez-vous pas qu'il y ait eu pour le moins, de la part d'Enedis, un déficit d'information ?

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Vous aimez vous référer aux communications ministérielles et gouvernementales, mais la programmation pluriannuelle de l'énergie que l'on a devant nous semble manquer de crédibilité. C'est donc l'expert de la production énergétique que j'interroge ici.

Des objectifs mirobolants nous ont été annoncés par le ministre de la transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot. Je pense notamment à la réduction, à terme, de quasiment la moitié de la consommation de l'énergie finale, alors que l'on utilise de plus en plus d'appareils électriques, comme les véhicules électriques, et que la croissance démographique se poursuit en continu. En parallèle, on affiche, à l'horizon 2030, une baisse à 50 % de la part du nucléaire dans la production d'énergie électrique – soit globalement un gros tiers en moins – le tout en décarbonant la production. Quelle est donc, dans ces annonces, la part du faisable, et ce qui relève de l'affichage et de la communication politique ?

Par ailleurs, il manque chaque année plusieurs dizaines de milliards pour réaliser les investissements nécessaires pour garder la trajectoire voulue par la loi de transition énergétique. D'où viendra l'argent ? S'il est impossible de le trouver, doit-on en conclure que cette trajectoire est irréaliste ?

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Ma première question porte sur la capacité d'investissement future d'EDF. Cela a été longuement expliqué, à partir de 2030, la société devra entamer le renouvellement du parc nucléaire. Certains estiment qu'il faudra investir entre 10 et 15 milliards par an sur vingt ans.

Nous savons que la société ne renouvellera pas, ou probablement pas, l'intégralité du parc existant. Cela étant dit, je voudrais savoir quelles sont, selon vous, les marges de manoeuvre possibles. Et je rejoins nombre de mes collègues qui en ont parlé, dont Mohamed Laqhila et Charles de Courson : doit-on envisager une hausse de prix de l'électricité pour refléter le coût réel de notre production d'énergie dans ce cadre ?

Ma seconde question concerne les recommandations qu'a faites l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) pour renforcer la sécurité des réacteurs – par exemple, le renforcement de la cuve ou du circuit d'eau secondaire pour les piscines, suite à l'accident de Fukushima. Comment ont donc été anticipées, financièrement et comptablement, ces recommandations de l'ASN ? Outre la prolongation dans le temps, a-t-on anticipé financièrement le renforcement de la sécurité ?

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Pensez-vous que dans quelques années, on pourra évacuer la question de l'intermittence, grâce aux progrès réalisés en termes de stockage de réseaux ?

Dans les 31 à 32 milliards d'engagement en faveur de la transition énergétique, quelle est la part d'EDF ? Et quelle serait-elle si nos objectifs venaient à doubler ?

La question des économies d'énergie est assez peu présente dans votre discours. Certes, ce n'est pas votre métier. En même temps, on ne peut pas éviter une telle question. Je pense d'ailleurs que les problèmes liés aux compteurs Linky s'expliquent par la faiblesse du discours d'EDF en la matière. Vous avez dit en substance que vous aviez adopté un discours destiné à ce que les citoyens s'approprient les informations. En tout cas, cela n'a pas suffi à convaincre nos concitoyens de l'utilité ce dispositif.

Enfin, dans combien d'années pensez-vous que le prix du kilowattheure renouvelable croisera celui du kilowattheure nucléaire ?

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Ma question sera très locale. Comme la plupart des élus du Biterrois, j'ai appris par un courrier émanant du personnel d'EDF Énergies nouvelles que cette société envisageait de regrouper l'ensemble de ses services R&D à Montpellier, fermant ou réduisant de façon drastique ses sites de Colombiers et de Béziers. Au total, environ 200 emplois seraient ainsi supprimés dans l'ouest de l'Hérault.

Alors que notre territoire multiplie les initiatives et les efforts pour combattre un chômage supérieur à la moyenne nationale, ce projet s'apprête malheureusement à rayer d'un trait de plume toute une activité créatrice d'emplois et porteuse d'avenir.

Je ne compte plus les coups de téléphone auprès des services d'EDF Énergies nouvelles pour solliciter un rendez-vous avec M. Cahuzac, et obtenir une fin de non-recevoir ! Tout au plus a-t-il daigné, dans sa grande mansuétude envers les pauvres provinciaux que nous sommes, nous répondre dans un courrier assez laconique qu'une localisation future à Montpellier répondait à toutes ses attentes, mais qu'il était néanmoins disposé à étudier toute proposition alternative. En clair, sa décision est prise mais, pour la forme, nous pouvons toujours postuler pour un petit os à ronger. Trois rendez-vous avec le représentant local plus tard, lequel n'a aucun pouvoir de décision et se borne à jouer les messagers, rien n'a changé !

Monsieur le président-directeur général, EDF étant la propriété de l'État à 83,5 %, elle ne peut se comporter comme une entreprise comme les autres. Car une entreprise publique n'est pas une entreprise comme les autres : elle est la propriété des Français, elle a des obligations et se doit de respecter les territoires où elle est implantée. Le profit ne peut être son seul but et sa seule boussole.

Accepterez-vous de nous recevoir avec M. Bruno Bensasson, le nouveau président d'EDF Énergies nouvelles, afin que nous puissions examiner ensemble des solutions pragmatiques ? Le Biterrois doit conserver ses emplois, EDF Énergies nouvelles ne peut pas et ne doit pas quitter le Bitterrois.

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La Bretagne ne produit que 10 % de sa consommation d'électricité. Afin de limiter sa dépendance et éviter les pertes de puissance dommageables tant aux habitants qu'à l'économie, la région a signé le Pacte énergétique breton, qui privilégie les énergies renouvelables. Malheureusement, il arrive qu'on se heurte à des obstacles : opposition des riverains, quand on veut installer des éoliennes, ou des éoliennes offshore ; problèmes de moyens, quand il s'agit de développer des énergies marines renouvelables. Pour assurer la transition, le Pacte énergétique breton prévoit la construction d'une centrale à cycle combiné gaz à Landivisiau, dans ma circonscription. De la même façon, ce projet rencontre une opposition depuis près de dix ans.

Ma question est simple : EDF a-t-elle des solutions pour aider la Bretagne à surmonter cette dépendance ?

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Dans le cadre de la nouvelle politique énergétique nationale, il est prévu, à terme, de réduire sensiblement la production d'énergie d'origine nucléaire, et de développer les énergies renouvelables. Va-t-on, comme en Allemagne, développer le parc éolien et, en conséquence, construire de nouvelles centrales au charbon pour compenser les périodes où l'éolien est en panne faute de vent, ce qui se traduirait par une augmentation des émissions de CO2 ? Ou proposez-vous, par exemple, de développer un petit nombre d'EPR sur des sites de centrales existants ?

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Madame de Montchalin, nous avons en effet sur le plateau de Saclay un centre de R&D qui s'est installé depuis peu de temps, et qui marche très bien. Les priorités de la R&D sont de trouver des solutions innovantes qui nous permettront de faire mieux dans les domaines qui sont les nôtres.

Plus précisément, cette R&D est conduite majoritairement en fonction des besoins des métiers d'EDF, qui sont nombreux et complexes : il est difficile d'établir une priorité entre eux. Nous travaillons à la fois sur des sujets qui sont liés aux nouveaux matériaux, pour le nucléaire ou pour le solaire ; à des logiciels qui vont optimiser le réseau ; sur des batteries qui vont nous permettre de mieux stocker et restituer l'énergie ; à des simulations, par exemple dans le domaine de l'hydroélectricité chère à Mme Battistel. Nous avons d'ailleurs une filiale, issue de notre R&D, basée en Savoie, qui vend dans le monde entier des prestations destinées à optimiser les systèmes hydroélectriques. Le panorama est donc vaste.

Nous sommes également très impliqués dans l'écosystème, pas simplement autour du plateau de Saclay, mais d'une façon générale en France. Nous travaillons à créer des entreprises issues de notre R&D, telle Zinium, qui essaie de trouver des solutions innovantes utilisant le zinc, un métal beaucoup plus disponible que le lithium, pour la fabrication des batteries. Mais nous avons aussi créé Store & Forecast, qui vend dans le monde entier des prestations liées à l'optimisation des systèmes de stockage à partir d'algorithmes de prévision : il s'agit d'utiliser au mieux les batteries qui sont installées dans les réseaux, soit au moment de la charge, soit au moment de la décharge. Je pourrais multiplier les exemples. Tout cela pour dire que notre R&D est vraiment très industrielle.

Parallèlement, un tiers du financement des équipes de R&D, soit environ 200 millions par an, n'a pas de relation directe avec les métiers, parce que nous estimons que pour anticiper un avenir à plus long terme, il faut que de l'argent soit piloté au siège d'EDF, et pas simplement dans des applications commerciales de court et moyen termes. Voilà pourquoi nous nous consacrons à des études plus en amont, par exemple sur les réacteurs nucléaires qui permettront de ne plus produire de déchets, projet qui prend évidemment du temps, et auquel nous travaillons étroitement avec Orano et le CEA. Voilà un autre exemple d'une priorité de notre R&D – laquelle est toutefois financée sur fonds propres.

J'en viens à l'utilisation de Linky et des réseaux intelligents, sujet évidemment très important. Nous avons d'ores et déjà lancé des offres qui sont disponibles, enrichies, pour les 10 millions de Français équipés de Linky – voire plus, parce que 10 millions, c'était le nombre atteint dans les premiers jours d'avril, et que nous installons 30 000 ou 35 000 compteurs chaque jour.

Nous avons d'ores et déjà lancé des offres qui permettent au consommateur d'être plus efficace en matière de consommation d'électricité : d'abord, en fin année dernière, Vert Électrique et Vert Électrique Week-end ; ensuite E.quilibre, logiciel gratuitement disponible sur les ordinateurs et les smartphones, qui permet, notamment à partir des informations de Linky, de connaître sa consommation en direct, avec un renouvellement fréquent. Cela ne concerne évidemment que celui qui le souhaite – il n'y aura d'intrusion sans acquiescement très clair de la part du consommateur.

Toujours à propos de Linky, vous avez évoqué un déficit d'information. C'est possible. Bien que nous fassions le maximum pour apporter aux Français une information exacte, honnête, scientifiquement démontrée, et qui s'appuie sur de véritables expertises, il y aurait parmi eux 1 % de réticents.

Dans les autres pays du monde, c'est la même chose. J'ai récemment discuté avec mon homologue de Californie qui a implanté des compteurs numériques à la place des compteurs analogiques : il se heurte aussi à des réticences, et aux craintes des personnes qui supportent mal les ondes électromagnétiques.

Par ailleurs, nous prenons les remarques de la Cour des comptes telles qu'elles sont. Je rappellerai toutefois que ce n'est pas Enedis qui finance Linky, mais EDF, ce qui peut paraître assez curieux ; je l'ai découvert à mon arrivée.

Le paiement différé fait partie du pacte autour de Linky, tel qu'il a été voté au Parlement. Les Français ne commenceront à payer le coût de son déploiement que lorsque tous les Français seront équipés. C'est une décision qui a été prise, et nous devons vivre avec. Nous travaillons sur ces sujets avec la Commission de régulation de l'énergie.

J'ajoute que pour la collectivité, le bénéfice de Linky, sera indiscutable, malgré son coût de fabrication et d'installation. Ce nouveau compteur permettra aux Français de faire des économies d'énergie, d'être mieux informés, plus régulièrement, et de recevoir des factures plus fiables.

Mais j'ai remarqué que vous vous étonniez de ma façon de présenter les choses. De fait, dès lors que je parle de Linky, il me faut être extrêmement précautionneux : ce n'est pas EDF, mais sa filiale régulée Enedis qui met Linky en service, qui gère ce produit et ce programme. Je dois donc en permanence faire attention à ne pas laisser entendre aux Français qui nous suivent que c'est EDF, alors que c'est Enedis. J'ai peut-être été un peu timide pour expliquer pourquoi EDF allait bénéficier d'Enedis. Mais je sais que la Commission de régulation de l'énergie va expertiser jusqu'au dernier adjectif que j'utiliserai.

Monsieur Laurent, nous allons répondre à tous les appels d'offres en matière d'hydro-électricité. C'est pour nous une évidence, dès lors que nous en aurons le droit. Je voudrais rappeler que l'hydro-électricité bénéficie d'investissements importants chaque année : un peu plus de 400 millions d'euros, bien que ce ne soit pas pour EDF une source de profit. De très nombreux barrages sont déficitaires. Une importante péréquation est effectuée entre les grands barrages, que tout le monde connait ou voit quand il va faire du ski, et les petits barrages que l'on ne connaît pas mais qui ne rapportent pas d'argent, loin de là. La menace dont nous avons parlé avec Mme Battistel – dont je salue le travail – n'est d'ailleurs pas vaine : le fait de s'attaquer aux concessions les plus riches en eau risque de nuire à celles qui bénéficient de la péréquation.

Par ailleurs, nous sommes très attachés à la boîte à outils et à faire en sorte d'aider les entreprises électro-intensives à préparer leurs propres investissements, en leur offrant, sous l'autorité de l'État et de la Commission européenne, les contrats à moyen terme les meilleurs possibles.

Monsieur Mathiasin, nous accompagnons évidemment l'évolution du mix énergétique outre-mer. Une programmation pluriannuelle de l'énergie sera adoptée en Guadeloupe. Nous avons la volonté d'augmenter la part des énergies renouvelables, et d'assurer la sécurité d'approvisionnement.

Je voudrais en profiter pour insister sur le rôle que nous avons à jouer – et que nous avons joué – outre-mer au moment des cyclones. J'étais moi-même sur place, dans les semaines qui ont suivi les cyclones Irma et Maria, en particulier dans les îles du Nord. Je voudrais souligner la fierté que nous avons eue à rétablir le courant dans des délais aussi rapides, compte tenu de la désolation et de la dévastation qui y régnaient.

Nous avons vocation à déployer nos grands programmes nationaux dans l'ensemble du territoire, c'est-à-dire aussi bien en outre-mer qu'en métropole, qu'il s'agisse du plan solaire ou de nos efforts en matière de stockage de l'électricité, nous l'avons annoncé la semaine dernière. Je dirai même qu'assez souvent, nos territoires insulaires sont des lieux où nous pouvons intégrer des solutions innovantes, des solutions nouvelles comme les réseaux intelligents. Nous l'avons fait à plusieurs reprises. C'est vrai à la Guyane, c'est vrai à La Réunion. Ce doit être vrai en Guadeloupe aussi.

Madame Crouzet, nous sommes un acteur majeur de l'intelligence artificielle dans l'industrie, et nous sommes un acteur majeur de l'intelligence artificielle quand il s'agit d'aider nos clients à utiliser les outils que nous leur proposons. Nous avons lancé la semaine dernière cette nouvelle société, Metroscope, qui va se déployer petit à petit dans l'ensemble de nos centrales nucléaires, et que nous avons vocation à vendre à d'autres producteurs, ou à d'autres gestionnaires d'usines importantes comme le sont nos centrales nucléaires. Il est un peu tôt pour dire quel sera le bilan, mais nous y croyons suffisamment pour y avoir mis de l'argent et pour avoir commencé à nouer des contacts commerciaux avec des partenaires.

Vous m'avez parlé des problèmes liés à la gestion des barrages, et je n'ignore pas qu'il faudra trouver un équilibre entre la gestion optimisée de l'eau, et l'écosystème qui est autour, que ce soit en matière d'irrigation, de biodiversité ou de gestion des activités touristiques. Dans chaque territoire, nous avons passé des conventions. Je ne connais pas les endroits où il faudrait apporter des améliorations, je suis évidemment prêt à les étudier dans le respect des parties concernées. Je suis sûr que pour des sujets plus précis, nous pourrons trouver des solutions.

Ensuite, nous n'allons pas nous désengager de l'éolien. Certes, de l'avis général, l'éolien à terre n'est pas facile à faire accepter en France. J'en veux pour preuve le délai qu'il faut pour passer d'un projet à une construction définitive, la multiplication des recours et le rejet qu'expriment certains élus qui s'opposent à ces installations pour des raisons de bruit ou d'atteinte au paysage. Ainsi, dans certains endroits l'éolien se développe, alors que dans d'autres il se développe moins bien. Voilà pourquoi nous estimons qu'à l'avenir, l'essentiel de la croissance se fera dans le solaire.

Cela étant dit, nous pensons qu'il y aura de la croissance dans l'éolien, mais qu'il serait hasardeux de miser sur un engouement fort des Français pour l'éolien comme on le voit en Espagne, au Royaume-Uni ou en Allemagne. Nous allons miser essentiellement sur le solaire, tout en faisant malgré tout un maximum d'éolien, y compris de l'éolien offshore – si le Gouvernement veut bien débloquer des dossiers qui ne l'ont pas encore été pour l'instant.

La rentabilité de ces installations dépend très largement des conditions de vent et de soleil. Il ne faut pas dire que les prix que nous sommes capables de proposer dans des pays désertiques comme l'Arabie saoudite, par exemple, sont transposables dans les régions de notre métropole, un peu moins ensoleillées. Ne comparons pas ce qui n'est pas comparable. Disons simplement que le prix des énergies renouvelables se rapproche progressivement de celui des autres énergies ; cela dépend bien sûr des zones de pluies, de vent et d'ensoleillement. Par ailleurs, le problème de l'intermittence n'est pas réglé aujourd'hui. On ne peut pas faire le pari qu'il se réglera, mais on peut y travailler. Tout cela explique la stratégie que nous avons retenue : faire en sorte, au moment où le kilowattheure renouvelable se rapprochera du kilowattheure nucléaire et au moment où le prix du stockage baissera, d'avoir toutes les cordes à notre arc pour gérer l'intermittence, au mieux de l'intérêt de l'entreprise EDF et sans doute de notre pays.

Pour M. Di Filippo, nous aurions une vision assez timide de l'évolution de la consommation d'électricité en France. Je partage en partie ses interrogations. Pourquoi, compte tenu du développement du véhicule électrique, du volume de gaz que nous utilisons dans nos logements, et du fait que ce gaz produit beaucoup d'effets de serre, ne pas être un peu plus allants sur les prévisions de consommation d'électricité ? Pourquoi RTE n'a-t-il pas retenu de scénario dans lequel la consommation de l'électricité augmente ? Il n'y a pas, en effet, de scénario prévoyant la substitution du véhicule électrique au véhicule à essence, ou la substitution des pompes à chaleur aux chaudières à gaz. Pourquoi se limiter à l'étude de scénarios de stabilité ou de légère décroissance de l'électricité ? On peut s'en étonner.

Monsieur Saint-Martin, dès que l'accident de Fukushima a été connu, nous avons travaillé étroitement avec l'ASN pour en comprendre les raisons. Des programmes d'investissement ont été décidés dans les années 2011 et 2012, pour améliorer encore la sûreté du parc français – même si nous savons bien que les perspectives d'un tsunami sur quelque partie du territoire que ce soit ne sont pas envisageables. Nous avons pris des précautions supplémentaires, et un programme dit post-Fukushima a été lancé. Il est aujourd'hui inclus dans le programme du grand carénage. Il s'agit d'améliorer le niveau de sûreté des centrales nucléaires, avec divers équipements qui viennent d'ajouter au parc qui été construit il y a une trentaine d'années. Et cela se fait bien sûr avec l'ASN.

Par ailleurs, quels sont les investissements de renouvellement et la hausse des prix à attendre ? En étant très prudent, je dirais que beaucoup d'experts estiment que les prix de gros actuels, qui sont très bas, ne sont pas soutenables dans la durée, et qu'ils vont évoluer à la hausse lorsque les producteurs d'électricité à base de charbon, en particulier en Allemagne, utiliseront moins de charbon. Et cela aura vraisemblablement un effet sur les prix de détail. À quel moment ? Je n'ai pas de boule de cristal. Aujourd'hui en Europe, la capacité disponible est importante, dans la mesure où l'on a déjà construit beaucoup de renouvelable, et où l'énergie fossile qui va disparaître est encore très présente. Mais quand cette énergie fossile disparaîtra, les prix de gros augmenteront, et les prix de détail aussi.

Madame Ménard, nous essayons en permanence d'optimiser nos réponses aux appels d'offres lancés dans les différents territoires européens où nous opérons. C'est la compétitivité de nos offres qui nous permet de les remporter ou non, en France mais aussi en Italie, en Espagne, au Royaume-Uni et dans les autres pays.

L'installation de Colombiers, à quelque quinze ou vingt kilomètres de Béziers, a vocation à desservir l'ensemble du territoire européen. La part de la France est d'ailleurs minoritaire dans ses activités. Nous devons donc optimiser en permanence nos coûts. Vous dites, madame la députée, que nous sommes une entreprise publique, mais nous sommes surtout une entreprise en concurrence. C'est donc par appel d'offres que nous devons remporter la totalité des affaires nouvelles. Rien ne nous est donné ni directement attribué, et quelquefois la différence entre celui qui gagne et celui qui perd l'appel d'offres est de moins d'un centième.

De ce point de vue, nous avons effectivement engagé l'étude d'un projet qui consiste à regrouper plusieurs entités au sein du même département de l'Hérault. Je comprends que cela pose des problèmes dans le Biterrois. Comme M. Cahuzac vous l'a dit, nous sommes prêts à étudier des solutions qui permettraient, sans nuire à notre compétitivité, de ne pas poser ces problèmes dont vous vous êtes fait l'écho. Je maintiens ce que M. Cahuzac vous a dit : nous sommes prêts à examiner des solutions, dès lors qu'elles sont compétitives – parce que nous ne pouvons tabler sur aucune certitude, sans un maximum de compétitivité.

Madame Melchior, vous avez tout à fait raison. Je l'ai dit tout à l'heure : la disparition potentielle de la production d'électricité à Cordemais devrait tous nous soucier. Ce n'est peut-être pas à EDF de le dire, mais EDF se doit de rappeler que la centrale de Cordemais joue un rôle très important pour l'alimentation en électricité de la Bretagne. Certes, une unité – de capacité beaucoup plus faible – est en cours de construction dans votre circonscription, à Landivisiau, mais je ne puis vous parler de ce projet qui n'est pas le fait d'EDF. Je peux simplement vous dire que nous soutenons tout ce qui permettra un meilleur équilibre entre la consommation et la production dans la région. À ce titre, nous soutenons l'idée que les éoliennes offshore lancées il y a maintenant sept ans, attribuées il y a maintenant six ans puissent contribuer à ce rééquilibrage que nous appelons de nos voeux.

En ce qui concerne le mix énergétique, faut-il, madame Bessot Ballot, développer l'éolien, tout en construisant des centrales au charbon, comme les Allemands, ou faut-il des EPR ? Je crois que vous connaissez la réponse d'EDF : il faut mettre de l'éolien et développer du nucléaire pour ne pas avoir à reconstruire des centrales au charbon. Nous ne sommes pas partisans de ce que l'Allemagne a fait : construire de nouvelles centrales au charbon pour accompagner la croissance forte des énergies renouvelables. Le mix qui nous paraît le meilleur, sur lequel nous fondons notre stratégie d'entreprise et notre participation au débat autour de la programmation pluriannuelle de l'énergie, concilie le nucléaire – compétitif, décarboné, fournisseur de très nombreux emplois très qualifiés et exportateur – et les différentes filières d'énergies renouvelables, l'éolien, notamment offshore, le solaire, sur lequel nous misons beaucoup, mais aussi d'autres énergies renouvelables dont nous avons peu parlé, comme la biomasse et la géothermie. Voilà ce dont nous assurons la promotion sous le contrôle du Gouvernement qui, lui, est en charge, vous le savez, de la définition du mix énergétique.

J'espère avoir répondu à presque toutes les questions.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Tous les députés qui souhaitaient vous interroger ont pu le faire, et je crois que vous avez en effet répondu à la quasi-totalité des questions. Merci.

Membres présents ou excusés

Réunion du mercredi 11 avril 2018 à 10 heures

Présents. - M. Damien Adam, M. Patrice Anato, Mme Delphine Batho, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Thierry Benoit, M. Grégory Besson-Moreau, Mme Barbara Bessot Ballot, Mme Anne Blanc, M. Yves Blein, M. Philippe Bolo, M. Éric Bothorel, M. Jean-Claude Bouchet, M. Alain Bruneel, Mme Anne-France Brunet, M. Jacques Cattin, M. Sébastien Cazenove, M. Anthony Cellier, M. Dino Cinieri, Mme Michèle Crouzet, M. Yves Daniel, M. Rémi Delatte, M. Michel Delpon, M. Nicolas Démoulin, Mme Marguerite Deprez-Audebert, M. Fabien Di Filippo, M. Julien Dive, Mme Stéphanie Do, Mme Christelle Dubos, M. Daniel Fasquelle, Mme Valéria Faure-Muntian, Mme Christine Hennion, M. Antoine Herth, M. Philippe Huppé, M. Sébastien Jumel, M. Guillaume Kasbarian, M. Jean-Luc Lagleize, Mme Laure de La Raudière, Mme Célia de Lavergne, Mme Marie Lebec, M. Sébastien Leclerc, Mme Annaïg Le Meur, M. Roland Lescure, Mme Monique Limon, M. Richard Lioger, M. Didier Martin, M. Max Mathiasin, Mme Graziella Melchior, Mme Emmanuelle Ménard, M. Mickaël Nogal, M. Jérôme Nury, Mme Claire O'Petit, Mme Valérie Oppelt, M. Éric Pauget, Mme Anne-Laurence Petel, M. Dominique Potier, M. Benoit Potterie, M. Richard Ramos, M. Vincent Rolland, M. François Ruffin, M. Jean-Bernard Sempastous, M. Denis Sommer, M. Jean-Charles Taugourdeau, Mme Bénédicte Taurine, Mme Huguette Tiegna, M. André Villiers

Excusés. - Mme Sophie Beaudouin-Hubiere, M. Olivier Falorni, Mme Véronique Hammerer, M. Serge Letchimy, M. Éric Straumann

Assistaient également à la réunion. - M. Frédéric Barbier, M. Jean-Yves Bony, M. Jean-Charles Colas-Roy