Commission élargie : finances - affaires économiques

Réunion du jeudi 26 octobre 2017 à 9h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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COMMISSION ÉLARGIE

(Application de l'article 120 du Règlement)

26 octobre 2017

Présidence de M. Éric Woerth, président de la commission des finances, et de M. Mikaël Nogal, vice-président de la commission des affaires économiques, puis de M. Roland Lescure, président de la commission des affaires économiques

La réunion de la commission élargie commence à neuf heures.

projet de loi de finances pour 2018

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

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Monsieur le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, je vous souhaite la bienvenue au nom de la commission des finances et de la commission des affaires économiques.

Mes chers collègues, je vous rappelle les règles de notre discussion, qui doivent être strictement respectées si nous voulons éviter que notre réunion ne dure toute une journée. Je vais tout d'abord donner la parole à M. le ministre pour une intervention liminaire d'une dizaine de minutes. Ensuite, chaque rapporteur s'exprimera cinq minutes. Le ministre leur répondra, puis nous entendrons les orateurs des groupes, qui disposeront de deux minutes chacun, et nous passerons enfin aux questions.

Mais auparavant, je laisse la parole à M. Nogal, vice-président de la commission des affaires économiques.

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La commission des affaires économiques, dont le rapporteur pour avis est M. Jean-Baptiste Moreau, examine aujourd'hui pour avis les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » du projet de loi de finances pour 2018. Évolution notable par rapport à 2017, cette mission intègre désormais, conformément aux attributions élargies du ministre, les crédits de l'action consacrée à la pêche et à l'aquaculture.

Les crédits de cette mission s'élèveront, en 2018, à 3,32 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et à 3,43 milliards d'euros en crédits de paiement (CP) ; les premières baissent de 3,09 % tandis que les seconds augmentent de 1,28 %. La baisse des autorisations d'engagement est essentiellement due à la fin de la mesure de réduction de sept points de la cotisation personnelle maladie des exploitants, prise à titre exceptionnel pour 2017. Les mesures d'intervention sont, quant à elles, consolidées. Les crédits mobilisés en faveur de la modernisation des exploitations et de la gestion équilibrée et durable des territoires sont renforcés, en accord avec les priorités de la Politique agricole commune (PAC). Les crédits du programme 206, « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation », sont en hausse de 9 %, ce qui permettra de mettre l'accent sur la prévention et la réactivité face aux risques sanitaires qui ont fragilisé nos exploitations agricoles.

Ce budget ne comporte pas de transformations majeures pour le monde agricole mais, comme vous le savez, le Gouvernement a lancé un débat national dans le cadre des états généraux de l'alimentation. La première phase, consacrée à la création et à la répartition de la valeur, s'est achevée à la fin du mois de septembre, et le Président de la République a d'ores et déjà annoncé un certain nombre de mesures qui relèvent de la loi. La seconde phase, consacrée à une alimentation saine, sûre, durable et accessible à tous, est en cours. Comme pour la première phase, la commission des affaires économiques organisera une série d'auditions pour contribuer au débat.

Monsieur le ministre, je souhaiterais que vous nous indiquiez, d'une part, si la fiscalité agricole sera revue à l'issue des états généraux de l'alimentation et, d'autre part, la position que la France entend adopter dans le cadre de la réforme de la politique agricole commune et les priorités qui seront définies si le budget de la PAC se trouve considérablement réduit.

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Mes chers collègues, je rappelle que nos deux commissions se réuniront à l'issue de la commission élargie pour examiner les amendements et se prononcer sur les crédits de la mission.

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Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

L'agriculture française doit se transformer en profondeur. Cette transformation est en effet indispensable pour relever trois défis majeurs : la transition écologique, la réponse aux exigences renforcées des consommateurs, en matière de sécurité sanitaire et de qualité alimentaire, et des citoyens, soucieux du bien-être animal et de l'empreinte écologique, et, enfin, la résilience dans un monde à l'instabilité croissante fait d'aléas et de crises économiques, sanitaires et climatiques.

Le Président de la République a fixé le cap dans le discours qu'il a prononcé à Rungis le 11 octobre dernier, à l'occasion d'un « point d'étape » des états généraux de l'alimentation. Il a rappelé qu'une agriculture forte et performante est un atout décisif pour assurer l'une des clés de la souveraineté, la souveraineté alimentaire. Il a également souligné que les quatre objectifs de la performance économique, sociale, environnementale et sanitaire sont indissociables dans la construction du système agricole de demain et doivent constituer les quatre points cardinaux de l'intervention des acteurs économiques et de l'action publique dans cette démarche de transformation.

Pour créer les conditions de cette transformation, nous devons actionner des leviers complémentaires, chacun d'eux devant l'être au bon moment : les états généraux de l'alimentation, dont le pilotage associe une douzaine de ministères, tant les enjeux et les interactions avec d'autres politiques publiques sont forts, qui, après une première phase centrée sur la question de la création et de la répartition de la valeur, approfondissent les attentes sociétales et la manière d'y répondre ; la mise en oeuvre opérationnelle des propositions retenues, qui prendra le relais après la clôture des états généraux de l'alimentation à la fin de l'année ; la future PAC, qui devra être protectrice, facilitatrice, agile et beaucoup plus lisible ; enfin, bien entendu, le budget national.

Le projet de budget du ministère de l'agriculture et de l'alimentation que je viens vous présenter est doté de 5,2 milliards d'euros de crédits de paiement, soit une augmentation de 1,5 % par rapport à 2017, et de 5,1 milliards d'euros en autorisations d'engagement. Ces crédits permettront de conforter et même, souvent, de renforcer sensiblement l'ensemble des politiques publiques relevant du ministère dont j'ai la charge.

Ce projet de budget traduit et illustre, en premier lieu, mes trois priorités stratégiques que sont la formation et l'innovation, la PAC et la sécurité sanitaire.

En ce qui concerne les programmes d'enseignement technique et supérieur et la recherche, leurs crédits ne relèvent pas de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », mais je souhaiterais évoquer les moyens prévus pour les programmes 142 et 143, et ce pour deux raisons. Tout d'abord, ces deux programmes représentent 60 % des 30 000 agents du ministère et un tiers des crédits budgétaires. Ensuite, ils sont l'un des vecteurs de la préparation de l'avenir, via la formation des jeunes et l'innovation. Les effectifs dédiés à ces deux programmes, c'est-à-dire les 18 000 agents qui concourent à l'enseignement technique et supérieur agricole, seront maintenus en 2018 au même niveau qu'en 2017.

Leurs crédits hors dépenses de personnel s'établiront globalement à 627 millions d'euros, soit près de 3 % de plus qu'en 2017. Ces crédits supplémentaires permettront de mieux doter nos établissements, de poursuivre la modernisation des campus et de faire face à la hausse de la démographie étudiante, et d'améliorer la situation financière des établissements, grâce notamment à une meilleure prise en charge du financement des assistants d'éducation, qui augmente de 13 %, à la compensation des emplois gagés dans les centres de formation continue – 1 million d'euros supplémentaires – et au financement des investissements nécessaires dans les outre-mer. Ce budget doit également permettre d'accompagner financièrement la renégociation en cours des protocoles avec les trois fédérations de l'enseignement technique privé.

Par ailleurs, ces crédits supplémentaires serviront à la modernisation de nos dispositifs d'appui, en particulier nos systèmes d'information – plus 2 millions d'euros –, et à l'accompagnement du développement de la scolarisation en milieu ordinaire des jeunes en situation de handicap pour 1 million d'euros supplémentaires.

Enfin, parce que l'agriculture et l'alimentation nécessitent un effort de recherche important, les crédits destinés à l'action des organismes de recherche, comme l'Institut national de recherche agronomique (INRA) et l'Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture (IRSTEA), et des instituts techniques agricoles et agro-industriels, seront maintenus, voire augmentés.

J'en viens maintenant aux crédits ouverts sur la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales.

S'agissant du programme 149, dont relèvent les politiques agricoles et agroalimentaires, la forêt et désormais la pêche et l'aquaculture, mon objectif prioritaire a été de conforter les contreparties nationales des mesures qui relèvent du deuxième pilier de la politique agricole commune. Ainsi, avec 455 millions d'euros d'autorisations d'engagement, nous serons en mesure de mobiliser au mieux en 2018 les crédits européens pour les quatre dispositifs suivants :

- Premièrement, l'indemnité compensatoire de handicap naturel (ICHN), dont la dotation est maintenue au niveau de 2017, soit 264 millions d'euros ; son financement permettra, avec les crédits européens du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) de mobiliser au total 1,06 milliard d'euros pour les quelque 100 000 exploitants agricoles situés dans des zones soumises à des handicaps naturels ;

- Deuxièmement, les mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC) et les aides à l'agriculture biologique : avec 81,4 millions d'euros en autorisations d'engagement, dont la moitié pour l'agriculture biologique, ce dispositif contractuel proposé aux exploitants est conforté et permettra, avec le cofinancement de l'Union européenne, de disposer d'une enveloppe globale d'engagements nouveaux de 325 millions d'euros en 2018 ;

- Troisièmement, la dotation aux jeunes agriculteurs (DJA) : le montant des crédits proposé est de 38,4 millions d'euros en autorisations d'engagement, c'est-à-dire exactement le même qu'en loi de finances initiale pour 2017. Ce soutien permettra d'accompagner le renouvellement des générations ;

- Quatrièmement, les mesures de soutien aux investissements dans les exploitations agricoles : avec 71 millions d'euros en 2018, la dotation proposée est une nouvelle fois supérieure à la dotation de base qui se situe, je le rappelle, à 56 millions d'euros. Le ciblage des crédits sera amélioré en faveur des systèmes quadruplement performants, des approches collectives et des jeunes agriculteurs. La diversification des outils et le développement d'instruments financiers doivent également être étudiés. Ces crédits, tout comme ceux relatifs aux mesures agro-environnementales et climatiques, contribuent au grand plan d'investissement.

En crédits de paiements, les quatre dispositifs PAC que je viens de décrire sont dotés de 534 millions d'euros, soit 110 millions de plus qu'en 2017. Ces crédits ouverts en 2018 nous permettront d'achever le rattrapage des retards de paiements PAC dus aux agriculteurs, notamment au titre des MAEC 2015.

Au-delà des dispositifs de la PAC, les crédits ouverts sur le programme 149 permettent de stabiliser, voire de renforcer le soutien public aux filières et au fonctionnement des marchés. Le soutien aux productions ultramarines est entièrement préservé, qu'il s'agisse de la filière canne à sucre dans les DOM, qui bénéficiera de 10 millions d'euros supplémentaires par rapport à 2017, ou du doublement de l'enveloppe des crédits d'intervention de l'Office de développement de l'économie agricole d'outre-mer (ODEADOM).

S'agissant de la filière bois et forêt, l'État respecte ses engagements financiers vis-à-vis de l'ONF dans le cadre du contrat d'objectifs et de performance 2016-2020, avec 175,5 millions d'euros, et le maintien du soutien au Centre national de la propriété forestière (CNPF), avec 14,9 millions d'euros.

Ce projet de loi de finances marque également, comme je l'ai déjà indiqué, l'intégration dans le programme 149 de la gestion durable des pêches et de l'aquaculture. Les crédits destinés à cette action sont en augmentation de 1 % par rapport à 2017 et s'établissent à 45,3 millions d'euros. Ils permettront, d'une part, de renforcer la connaissance des ressources halieutiques ainsi que le contrôle des pêches dans le cadre des obligations européennes relevant de la Politique commune de la pêche (PCP), et d'autre part, de soutenir les projets de la filière pêche et aquaculture dans le cadre du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP).

Afin d'assurer une meilleure réactivité en cas de crise, mais également de renforcer la sincérité de la budgétisation initiale, il est créé, pour la première fois dans le budget du ministère, une provision pour aléas dotée de 300 millions d'euros. Ce montant correspond à la moyenne décennale des ouvertures observées en loi de finances rectificative au bénéfice du ministère de l'agriculture. Cette provision permettra à la fois de financer des besoins imprévus car imprévisibles, nés des crises sanitaires, climatiques et économiques, ainsi que des refus d'apurement communautaire.

Même si nous ne connaissons pas aujourd'hui le montant exact et définitif des refus d'apurement qu'il nous faudra couvrir en 2018, je veux être clair sur l'utilisation de cette provision. Celle-ci est destinée à faire face de façon rapide à des aléas qui exigeraient de mobiliser des financements. J'espère, bien entendu, que nous ne connaîtrons aucune crise d'ampleur en 2018 qui ne pourrait être couverte par redéploiement interne de nos crédits ou mobilisation de la réserve de précaution ; mais si cela devait arriver, la réserve sera toujours disponible tout au long de l'année 2018 et ne sera pas préemptée par le paiement des refus d'apurement communautaire, puisque ces paiements n'interviennent qu'en fin d'année pour équilibrer l'avance faite par l'Agence France Trésor.

Par ailleurs, le programme 149 ne comporte plus de compensation budgétaire relative à la cotisation maladie des exploitants agricoles. En effet, dans le cadre d'une réforme structurelle inscrite dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, le Gouvernement a décidé d'harmoniser le barème des cotisations maladie des exploitants agricoles avec celui des autres travailleurs indépendants. Ce régime harmonisé de cotisations est légitime et équitable puisque les prestations maladie servies à l'ensemble des indépendants, agricoles et non agricoles, sont identiques. J'ajoute que cette harmonisation pérennise, en l'adaptant dans une démarche plus sociale, la réduction décidée en février 2016, au plus fort de la crise agricole, pour alléger rapidement les charges et soutenir ainsi le revenu de l'ensemble des agriculteurs.

Le nouveau barème de cotisations maladie est désormais progressif, donc plus social, et présente un double avantage.

Tout d'abord, pour 60 % des agriculteurs, il permettra un allégement de prélèvements sociaux en 2018 par rapport à ceux de 2017, dans ce cadre, l'engagement du Gouvernement de dégager un gain de pouvoir d'achat pour l'ensemble des actifs les plus modestes à l'occasion de la compensation de l'augmentation de la CSG, y compris pour les travailleurs indépendants, est respecté pour les exploitants agricoles.

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Monsieur le ministre, je vous rappelle que votre temps de parole est de dix minutes…

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Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Je termine, monsieur le président.

En second lieu, en substituant un barème progressif de cotisation à un barème proportionnel, le Gouvernement met en place un dispositif qui permettra de mieux amortir, pour chaque agriculteur, toute baisse de revenus constatée une année donnée par une réduction plus que proportionnelle des cotisations sociales dues.

S'agissant du programme 206, consacré à la politique de sécurité et de qualité sanitaires de l'alimentation, les crédits, en forte augmentation, illustrent ma troisième priorité, celle de l'amélioration de la sécurité sanitaire de l'alimentation par un financement accru d'actions renforcées de surveillance et de prévention qui tiendront compte des crises passées. Cette augmentation très nette s'accompagne d'une stabilisation des effectifs dédiés à la mise en oeuvre de cette politique. Les moyens supplémentaires permettront de poursuivre et de renforcer les contrôles sanitaires et la surveillance des dangers sanitaires exercés par les services de la Direction générale de l'alimentation (DGAL).

J'ajoute que j'ai veillé à ce que la situation de l'ensemble des vétérinaires déjà à la retraite et qui avaient accepté d'entrer dans un processus transactionnel avec l'État soit régularisée. Ce sera chose faite pour la quasi-totalité d'entre eux au 31 décembre de cette année. Il nous restera à traiter l'an prochain le dossier des vétérinaires encore en activité et les nouveaux dossiers qui seraient déposés.

Il me restait à aborder le programme 215, mais j'y reviendrai lorsque je répondrai à vos questions.

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Le budget de l'agriculture, de l'alimentation, de la forêt et des affaires rurales pour 2018, axé sur les trois priorités rappelées par M. le ministre, s'élève à 5,2 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une hausse de 1,6 % par rapport à 2017.

La discussion de ce budget s'inscrit dans un contexte difficile pour notre agriculture et nos agriculteurs, qui subissent la course aux prix bas, la multiplication, au fil des années, de crises climatiques, sanitaires ou de marché, et la complexité des interventions publiques, celles de l'État comme celles des régions. De plus, nos agriculteurs subissent les dysfonctionnements des politiques communes, comme en témoigne le retard pris depuis 2015 dans le versement des aides de la politique agricole commune. Ils sont dans l'incertitude s'agissant de la PAC qui sera définie à compter de 2020 et dont le cadre sera lié au futur cadre financier pluriannuel, lequel dépend des négociations sur le Brexit.

Mais l'agriculture française n'en dispose pas moins de grands atouts : l'inventivité et le dynamisme de ses agriculteurs, ainsi que l'ambition et la volonté du Président de la République et du Gouvernement, qui ont su organiser les états généraux de l'alimentation, axés sur le renforcement de la place des producteurs dans la chaîne alimentaire et la promotion d'une alimentation saine, durable et accessible à tous. Le plan pluriannuel d'investissement de 5 milliards d'euros appelle de ma part les mêmes remarques.

Le budget de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » prévoit le maintien de dotations essentielles, le soutien à l'installation des jeunes agriculteurs, les indemnités compensatoires de handicaps naturels, les moyens affectés à la forêt publique. Pour rattraper les retards dans le versement des aides de la politique agricole commune, qui ont pesé sur la trésorerie des exploitations et compliqué leur gestion, sont prévus un doublement des crédits de paiement pour le financement des mesures agro-environnementales, une augmentation de la subvention versée à l'Agence de services et de paiement et l'embauche de 300 vacataires dans les directions départementales des territoires.

Innovation importante de ce projet de budget, en plus du rattachement de la pêche et de l'aquaculture à la mission, la création d'une réserve de 300 millions d'euros destinée à gérer certaines dépenses imprévisibles, les refus d'apurement communautaire et les aides de crise. Toutes ces mesures sont analysées dans le rapport que j'ai cosigné avec M. Hervé Pellois.

Ma première question, monsieur le ministre, porte précisément sur cette réserve de 300 millions d'euros. Elle témoigne d'un véritable souci de sincérité budgétaire, mais l'on peut craindre que les sommes concernées ne soient consacrées en priorité à la compensation des refus d'apurement communautaire plutôt qu'à la gestion des aides de crises au profit de nos agriculteurs. Quelles précisions pouvez-vous nous apporter sur ce point ?

Ensuite, l'agriculture biologique connaît, notamment depuis 2015, une croissance très dynamique. N'avez-vous pas tendance à sous-estimer cette dynamique, en retenant un objectif de 8,5 % de surfaces exploitées en agriculture biologique à l'horizon 2020, alors que certains de nos partenaires européens, tels que l'Allemagne ou l'Espagne, se sont fixé, pour les années qui viennent, un objectif beaucoup plus ambitieux de 20 % de leur surface agricole consacrés à l'agriculture biologique ?

Par ailleurs, vous nous dites que le crédit d'impôt auquel les petits producteurs sont attachés est reconduit ; mais, du fait la suppression des aides versées par l'État au maintien en agriculture biologique que vous avez récemment décidée, cela suppose que les agences de l'eau et les régions financent désormais ces aides au maintien à hauteur de 25 % si nous voulons continuer à bénéficier des cofinancements européens ; or c'est loin d'être garanti.

Nous sommes également préoccupés par l'érosion des parts de marché subie depuis plusieurs années à l'international par nos industries agroalimentaires : notre pays n'est plus désormais qu'au sixième rang mondial. Le soutien public apporté à l'exportation n'est-il pas trop complexe ?

Je conclurai mon intervention par plusieurs brèves questions.

Le plan pluriannuel d'investissement de 5 milliards d'euros fait naître de réels espoirs dans le monde agricole. Pouvez-vous nous donner des indications sur ses sources de financement et sur les principales actions qui seront conduites ?

Vous avez fait part de votre intention de procéder à une mise à plat de l'ensemble de la fiscalité agricole. Que pouvez-vous en dire aujourd'hui ?

Les crédits de la politique agricole commune sont deux fois plus importants que les moyens budgétaires nationaux. Comment faire en sorte que la France soit force de proposition pour la future PAC ?

Les règlements phytosanitaires n'entrent pas dans le champ de notre rapport mais ils ont été longuement abordés au cours de nos auditions et ils sont au coeur de l'actualité. Comment la France peut-elle oeuvrer en faveur d'une plus grande harmonisation communautaire dans ce domaine ?

Enfin, vous avez le projet de reconnaître un droit à l'erreur pour les agriculteurs, mais il paraît difficile d'inscrire cette innovation dans le cadre communautaire. Pensez-vous que la France pourra trouver des pays partenaires pour imposer cette règle au niveau européen ?

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Le programme 206 retrace, au sein de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », la politique de sécurité et de qualité sanitaires de l'alimentation menée conjointement par la Direction générale de l'alimentation et l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES). Le budget de ce programme est relativement modeste, puisqu'il s'élève à 553 millions d'euros, mais la question de la sécurité alimentaire a un fort retentissement dans la population. Non seulement la nourriture a une forte dimension symbolique en France, que la vogue de l'aliment médicament est venue conforter, mais la sensibilité aux problèmes de santé y est particulièrement aiguë depuis les grandes crises sanitaires, qu'il s'agisse de la vache folle ou, plus récemment, des problèmes liés au glyphosate, au fipronil et aux perturbateurs endocriniens – la liste est longue…

De l'autre côté, les nombreuses contraintes sanitaires et phytosanitaires sont le principal frein à nos exportations alimentaires. Même si notre excédent dans ce domaine s'élève encore à plus de 6 milliards, il a diminué, si bien que nous sommes passés du deuxième au cinquième rang des pays exportateurs.

Il convient enfin de mentionner la question du bien-être animal, que la mobilisation de l'association L214 a contribué à placer sous les feux de l'actualité et qui rencontre un écho grandissant dans la population.

Qu'en est-il du budget ? Les crédits consacrés à la sécurité alimentaire ont subi, jusqu'en 2016, une forte baisse, qui a atteint jusqu'à 32 %. Cette situation avait été dénoncée par la Cour des comptes et un rapport sénatorial en 2017 qui la jugeaient préjudiciable à la bonne exécution du programme 206. En 2017, ce budget a bénéficié d'un léger redressement et, en 2018, il connaîtra une forte augmentation, puisqu'il passe de 510 millions d'euros à 553 millions, soit une hausse de 9 % et même de 12,4 % hors dépenses de personnel.

Vous avez donc, devant vous, un rapporteur satisfait, d'autant plus que cette augmentation correspond à la volonté du Gouvernement de lutter contre les sous-budgétisations constatées et d'améliorer ainsi la sincérité du budget.

Quelques mots sur les objectifs de ce programme. Le premier d'entre eux est de favoriser le changement des pratiques afin de préserver la santé publique et l'environnement. Or le premier indicateur de ce changement est la maîtrise de l'utilisation des pesticides et des antibiotiques. Si le plan de lutte contre les antibiotiques a atteint son objectif – puisque leur utilisation a diminué de plus de 40 % au cours des cinq dernières années, et même de 80 % pour les substances entraînant de fortes antibiorésistances –, tel n'est pas le cas du premier plan « éco-phyto » relatif aux pesticides. Le deuxième plan « Eco-phyto 2 » a pour objectif de réduire de 50 % l'utilisation des produits phytosanitaires à l'horizon 2025, avec un palier de 25 % en 2020.

Quant à l'objectif n° 3, il consiste à s'assurer de la réactivité et de l'efficience du système de contrôle sanitaire.

Le premier opérateur du programme 206 est l'Agence nationale de sécurité sanitaire et de l'alimentation (ANSES), qui représente 85 % des budgets de l'ensemble des opérateurs du programme. Or, l'activité de cette agence sera affectée par le Brexit. Son homologue britannique traite en effet 40 % des dossiers techniques d'autorisations de mise sur le marché en Europe demandées par les entreprises. Celles-ci acquittent, à ce titre, une taxe dont le produit pourrait donc abonder de manière importante le budget de l'ANSES et lui fournir ainsi des ressources propres. Aussi conviendrait-il de relever le plafond de cette taxe et de procéder à des recrutements hors plafond d'emploi pour faire face à ces nouvelles demandes et améliorer la réactivité de l'agence.

Ma deuxième question concerne les délais d'indemnisation par FranceAgriMer, dont se plaignent les éleveurs. En effet, si l'indemnisation des pertes de l'hiver 2015-2016 liée à la découverte de foyers d'influenza aviaire s'est définitivement conclue en septembre 2017, les pertes de 2016-2017 n'ont pas encore été entièrement indemnisées. Comment accélérer cette procédure ?

Pouvez-vous enfin faire le point sur la réglementation concernant le glyphosate à l'échelle européenne et sur la position française dans ce domaine, à la lumière des décisions de ces derniers jours – l'ANSES a récemment autorisé l'utilisation du Sulfoxaflor, apparenté aux néonicotinoïdes –, compte tenu des différentes positions des agences scientifiques ?

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Vous l'aurez compris, l'agriculture française est aujourd'hui dans une situation globalement difficile, mais également en face de choix qui peuvent lui offrir des perspectives beaucoup plus heureuses.

Dans ce premier budget présenté par le Gouvernement, la plupart des dépenses d'intervention sont en hausse. En 2018, les crédits alloués à la mission budgétaire « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » seront en baisse de 3,09 % en autorisations d'engagement – 3,32 milliards d'euros –, et en hausse de 1,28 % en crédits de paiement – 3,43 milliards d'euros.

J'ai choisi d'axer mon rapport pour avis sur la situation financière des exploitations agricoles françaises afin d'avoir un panorama des leviers sur lesquels agir. Ce budget présenté pour l'année 2018 n'est que le premier temps d'une nouvelle ère agricole, dont les contours doivent encore être précisés à l'issue des états généraux de l'alimentation, parallèlement à une réflexion sur la remise à plat de la fiscalité agricole.

L'ensemble des auditions que j'ai menées ont mis en évidence l'extrême fragilité des exploitations agricoles, quelles que soient les filières. Le fait que les coûts de production ne soient pas couverts par les prix de vente explique pour une large part cet état mais, d'une exploitation à l'autre, les effets en termes de trésorerie peuvent être très divers, y compris au sein d'une même filière. Or ce ne sont ni la taille ni la technicité de l'agriculteur, ni même la structure de l'exploitation qui déterminent la situation de la trésorerie mais bien davantage la capacité de gestion et d'anticipation du chef d'exploitation. Si la formation agricole produit aujourd'hui d'excellents techniciens, l'effort doit donc être porté sur les compétences managériales.

La première phase des états généraux de l'alimentation a abouti à la conclusion qu'il était urgent de redistribuer de la valeur ajoutée chez les producteurs, et ce, quelle que soit la filière, afin de redonner de la rentabilité à l'activité agricole.

Les annonces du Président de la République à Rungis vont dans ce sens : d'une part, avec la contractualisation proposée par les producteurs aux autres maillons de la filière et, d'autre part, avec l'inversion du processus de fabrication du prix qui partira désormais du coût de production défini par les filières.

Pour arriver à ces objectifs, il est essentiel que toutes les filières prennent leurs responsabilités et établissent de réels contrats de filière, adaptés à leurs activités. Par la suite, il sera indispensable d'envisager un encadrement des promotions et une hausse du seuil de revente à perte. L'enjeu est d'arrêter la grande distribution dans sa guerre des prix, qui enclenche la spirale infernale de destruction de la valeur.

La deuxième phase de ces états généraux de l'alimentation doit déboucher sur une évolution du modèle agricole, en conformité avec la demande des consommateurs et les attentes de la société. Il est en effet impératif de sortir du système agricole actuel, qui ne permet plus aux producteurs de vivre de leur travail. De nombreuses mesures ont déjà été mises en place par les producteurs pour faire évoluer leurs pratiques, mais beaucoup reste à faire.

Tout d'abord, des mécanismes assurantiels devront être mis en place afin de protéger les agriculteurs contre les aléas climatiques et les aléas économiques. Entre autres pistes, une refonte des assurances récoltes devrait être engagée et un mécanisme d'épargne de précaution réellement efficient mis en place pour permettre aux agriculteurs de faire face aux crises économiques, sans donner lieu aux dysfonctionnements du régime actuel des déductions fiscales pour investissement (DPI) et pour aléas (DPA).

Notre système fiscal actuel apparaît parfois comme un véritable « pousse-au-crime » pour les agriculteurs : afin d'éviter une trop forte imposition fiscale et sociale, ceux-ci sont en effet incités à investir plus que de besoin et plongent alors dans la spirale du surendettement. Une refonte totale de ce système est par conséquent nécessaire.

Dans son discours à Rungis, le Président de la République à Rungis a évoqué un plan d'investissement de 5 milliards d'euros pour accompagner la transition des exploitants agricoles et leur permettre de se moderniser. Il est notamment à noter que 200 millions d'euros sont destinés à la mise en place d'un système de paiement pour services environnementaux.

Parallèlement à ces perspectives, il est indispensable que les agriculteurs soient aussi autonomes que possible vis-à-vis des aides, ce qui ne peut s'envisager que par des prix de vente plus rémunérateurs. Les négociations de la future PAC, qui vont débuter et dans lesquelles la France devra faire entendre sa voix, devront néanmoins déboucher sur un système d'aides plus lisible, plus transparent et plus agile.

Plus globalement, un certain nombre de contraintes administratives doivent être levées afin de faciliter le quotidien des chefs d'exploitation. Ce sera l'objet du futur projet de loi sur le droit à l'erreur et la simplification administrative, qui sera discuté au premier trimestre 2018. Certaines pistes ont d'ores et déjà été évoquées.

Nous ne pouvons nier la situation économique difficile que traverse l'agriculture française, mais celle-ci n'en possède pas moins de nombreux atouts, reconnus par l'ensemble des consommateurs, et que nous devons valoriser.

Les interprofessions n'ont pas le droit d'échouer dans la conception de leur contrat de filière, car l'encadrement des pratiques de la grande distribution est essentiel dans les mesures à prendre suite aux états généraux de l'alimentation. Quels moyens comptez-vous mettre à leur disposition, monsieur le ministre, afin qu'elles réussissent dans leur entreprise ?

La France est historiquement une nation exportatrice dans le domaine agroalimentaire, mais elle est insuffisamment réactive, notamment dans le domaine des certificats sanitaires : il nous faut plusieurs mois pour les établir là où certains pays ne mettent que quelques semaines. Quels seraient donc les moyens à mettre en place pour avoir enfin une administration plus réactive, plus pragmatique et plus efficace ?

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Monsieur le ministre, pourquoi n'avoir pas utilisé ce temps budgétaire pour réformer, comme l'ont évoqué certains rapporteurs, la dotation pour aléas ? Pourquoi attendre une grande réforme de la fiscalité agricole et pourquoi n'avoir pas dès cette année simplifié cette dotation ou facilité son emploi ? Elle pourrait être en effet une arme efficace pour lutter contre les crises de toutes natures.

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Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Pour la première fois, la dotation pour aléas est provisionnée en loi de finances initiale dans le budget de l'agriculture alors qu'elle se retrouvait jusqu'alors dans le budget général. Nous avons choisi de nous appuyer sur le travail des états généraux de l'alimentation pour la réformer en profondeur. Dans cette perspective, les ateliers qui travaillent sur cette question doivent nous faire remonter les expérimentations de terrain, afin que nous puissions insérer de manière cohérente cette dotation pour aléas dans un cadre fiscal global.

Je tiens au préalable à remercier vos rapporteurs pour le travail qu'ils ont réalisé et les auditions qu'ils ont patiemment menées sur des sujets parfois très techniques. Vous pouvez en tout cas compter sur notre mobilisation.

Le grand plan d'investissement annoncé par le Premier ministre le 25 septembre 2017 a vocation à être un des instruments de facilitation et d'accompagnement de la transformation de l'ensemble des secteurs de notre agriculture. Cinq milliards d'euros sont prévus pour le volet agricole sur la durée du quinquennat, pour accélérer l'adaptation des outils et des pratiques agricoles, mieux intégrer les réponses au défi climatique, renforcer la compétitivité, le soutien à la recherche et à l'innovation.

Dans le cadre des états généraux de l'alimentation, nous avons mis en place un atelier transverse, l'atelier 14, chargé de réfléchir aux pistes d'avenir. Nous pourrons ainsi proposer, à l'issue des travaux, un plan qui mobilisera à la fois des crédits budgétaires, des cofinancements européens, des aides à l'investissement, des dispositifs de soutien aux changements de pratiques ou encore les crédits du fonds stratégique de la forêt et du bois ; un effort tout particulier étant fait sur le bon ciblage des interventions.

Nous pourrons également compter sur du financement non budgétaire avec effet de levier, qu'il s'agisse de fonds innovants, d'investissements en fonds propres, de fonds de prêt à l'économie, de fonds de garantie ou encore des crédits du PIA3 pour soutenir la recherche et l'innovation.

Vous m'avez interrogé sur le soutien à l'export. Dans ce contexte de crise où l'exportation apparaît aujourd'hui comme l'un des principaux relais de croissance, en particulier pour les filières agroalimentaires, nous devons, plus que jamais, accompagner nos entreprises. Nous travaillons beaucoup avec la trentaine de conseillers agricoles dont nous disposons dans les ambassades, ainsi qu'avec Business France qui, depuis le 1er janvier 2017, est désormais en charge des activités business to business auparavant gérées par Sopexa. Nos différents dispositifs, nationaux ou régionaux, de soutien à l'export et de promotion doivent faire preuve de davantage de souplesse et de complémentarité afin que se créent des synergies. Je mentionnerai également l'atelier 4 des états généraux de l'agriculture, qui doit nous aider à décliner de façon opérationnelle les axes stratégiques du plan export afin d'aider à l'internationalisation de nos filières agroalimentaires. Le Président de la République a enfin souhaité que nous travaillions sur le label France pour mieux mettre en valeur, sous la bannière tricolore, nos entreprises et la qualité de leurs produits.

Pour ce qui concerne la provision pour aléas, elle restera disponible pendant toute l'année pour faire face à d'éventuelles situations de crise, puisque le règlement des pénalités financières communautaires n'intervient, lui, qu'en fin d'année. Si le montant de provisions se révélait insuffisant pour couvrir l'ensemble des besoins, nous pourrions alors rouvrir des crédits dans le cadre de la loi de finances rectificative de fin d'année.

La conversion à l'agriculture biologique est évidemment une forte priorité pour que nous soyons au rendez-vous de la très forte demande des consommateurs. L'aide au maintien ne sera plus à l'avenir financée par l'État, mais pourra l'être par d'autres partenaires, sachant que l'État continuera de payer jusqu'à leur terme les engagements pris par le passé. J'ai proposé en contrepartie que le crédit d'impôt bio soit protégé et revalorisé pour assurer un soutien tout à la fois simple, pérenne et uniforme sur l'ensemble du territoire. Je ne sous-estime pas la dynamique de développement de l'agriculture biologique, que nous suivons avec attention. Notre objectif est de passer de 6 à 8 % de terres cultivables. Certains lui reprochent de n'être pas assez ambitieux, mais atteignons déjà les 8 %, puis nous verrons si nous pouvons faire mieux.

La PAC post-2020, je l'ai dit, doit être simplifiée et modernisée, en continuant d'évoluer comme elle a su le faire au fil des réformes successives. Les orientations du Président de la République en la matière sont claires : une PAC protectrice, facilitatrice, plus agile et qui offre aux agriculteurs des filets de sécurité. C'est sur ces bases que nous travaillons en lien avec d'autres ministères.

Je suis pleinement conscient du contexte incertain dans lequel sera négocié le cadre financier pluriannuel post-2020 ; toutefois, je suis convaincu que la PAC demeure une politique moderne et que l'ampleur des défis nécessite une réponse coordonnée au niveau européen. Dans cette perspective, la France sera force de propositions. Nous organisons d'ailleurs, le 19 décembre prochain, une grande conférence nationale sur la PAC, à laquelle les parlementaires seront pleinement associés.

Concernant le droit à l'erreur, tel que le prévoit le projet de loi pour un État au service d'une société de confiance, il ne pourra, compte tenu du cadre européen actuel, être étendu à l'ensemble des dispositifs de soutien qui sont financés sur les crédits européens, mais le Président de la République souhaite intégrer ces questions dans les négociations sur le cadre de la future PAC.

Monsieur Lauzzana, l'ANSES bénéficiera de 32 millions de recettes fiscales affectées. En ce qui concerne les moyens humains, l'agence contribue à l'effort global du ministère de l'agriculture et de l'alimentation, avec une réduction de son personnel de sept ETP. Nous restons néanmoins vigilants sur cette question des moyens, car le Brexit, que vous avez évoqué, peut aussi être pour l'ANSES une formidable chance d'occuper une place laissée vacante par le départ du Royaume-Uni et de renforcer son rôle au niveau européen, en matière d'évaluation scientifique des risques, des médicaments vétérinaires, des pesticides ou des biocides. Dans cette optique, le relèvement du plafond de la taxe pourra être examiné dans le cadre du PLF pour 2019.

Pour ce qui est des perturbateurs endocriniens, la réglementation européenne prévoit de définir ces substances et de les retirer du marché, à l'instar des molécules cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques. Une définition provisoire a été établie par le règlement, mais elle n'est pas satisfaisante : seule cinq molécules sur 45 sont concernées. Le compromis trouvé en juillet dernier par les États membres constituait un réel progrès ; toutefois, la question des dérogations possibles a conduit le Parlement européen à émettre des objections pour des motifs strictement juridiques. Il faut donc que la Commission mette sur la table une nouvelle proposition conforme à nos objectifs de santé publique et de protection de l'environnement ; il est également indispensable que, sur toutes ces questions, les consommateurs européens et français aient confiance dans les instances d'évaluation scientifique. Cette nécessaire confiance est pour nous un sujet de vigilance permanent.

En ce qui concerne la filière avicole et l'indemnisation de l'influenza aviaire, nous sommes mobilisés pour accompagner les professionnels. Pour 2016, l'indemnisation des entreprises de l'amont est achevée ; pour l'aval, un dispositif d'avances remboursables a été rapidement déployé. L'avance a été versée et le complément le sera bientôt. L'indemnisation des pertes directes pour 2017 est en bonne voie ; pour ce qui est des pertes indirectes, nous explorons actuellement l'ensemble des pistes. Je vous ai entendus sur la filière foie gras et les problèmes posés par la pénurie de canetons et de poussins. Nous nous sommes saisis du problème, conscients qu'il est essentiel de trouver des solutions à l'approche des fêtes de fin d'année.

Vous avez également évoqué la réforme de la fiscalité agricole. Elle doit tenir compte de deux spécificités du secteur : d'une part, l'importante intensité capitalistique de l'activité agricole et, d'autre part, la grande variabilité des revenus tirés de l'exploitation de biens ruraux, du fait des aléas climatiques, sanitaires ou économiques. Par ailleurs, la pluriactivité a tendance à se développer pour pallier la baisse des revenus strictement agricoles, et les exploitations traditionnellement familiales ont de plus en plus tendance à se structurer selon d'autres modèles juridiques.

La fiscalité est une matière vivante qui a connu ces dernières années beaucoup d'évolutions, dont toutes n'ont malheureusement pas produit les résultats escomptés – il me suffira d'évoquer la déduction pour investissement ou la déduction pour aléas. Ainsi que l'a indiqué Bruno Le Maire il y a quelques jours, nous allons donc rouvrir le chantier de la fiscalité agricole pour formuler des propositions qui, je l'espère, sauront être innovantes.

S'agissant du glyphosate, la Commission européenne a proposé de prolonger de dix ans l'autorisation, tandis que la France, l'Italie et l'Allemagne ont oeuvré en faveur d'un compromis limitant cette prolongation à quatre ans. La France s'est déclarée contre des durées de dix ans et cinq ans. Il est essentiel pour nous que les mêmes règles s'appliquent dans tous les États membres. Il faut par ailleurs que d'ici l'échéance retenue, nous puissions proposer aux agriculteurs une alternative crédible.

Les discussions d'hier à Bruxelles n'ont pas permis d'aboutir, mais le Gouvernement continue de chercher avec ses partenaires, un compromis satisfaisant, sachant, je le rappelle, que l'usage non agricole du glyphosate par les collectivités est déjà interdit en France depuis cette année et que son utilisation par les particuliers le sera à compter du 1er janvier 2019.

Enfin, en ce qui concerne les organisations interprofessionnelles, les responsables des plans de filière sont engagés dans une démarche très ambitieuse. Nous leur avons demandé de rendre leur copie pour le 10 décembre. D'ici là, les experts publics, l'INRA l'Agence Bio, l'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO), FranceAgriMer (FAM) à leur disposition pour les accompagner.

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J'ai choisi de concentrer mon intervention sur la formation, socle indispensable du projet agricole pour la France et l'Europe. Le travail de refondation de l'agriculture a déjà été engagé depuis plusieurs années. Il y a quelques semaines, le Gouvernement a mis en place les états généraux de l'alimentation, qui ont pour objectif, en concertation avec les acteurs des territoires, non seulement d'établir un constat de la situation, mais également et surtout de dessiner une feuille de route pour les prochaines années. Nous devons commencer à traduire ses orientations par des actes, et je ne peux que vous féliciter au nom du groupe La République en Marche, de l'orientation donnée à ce projet de loi de finances.

Si je m'arrête à la question de la formation, vous l'avez dit, les crédits de paiement consacrés à l'enseignement et à la recherche augmentent de 2,9 % hors dépenses de personnel. La formation initiale des plus jeunes mais également la formation continue des agriculteurs sont essentielles. Être agriculteur aujourd'hui, mais encore plus demain, ce n'est pas un métier, mais des métiers – production, transformation, fabrication d'énergies renouvelables, aménagement du territoire – qui évoluent sans cesse. Il est donc indispensable d'accompagner les agriculteurs, afin qu'ils puissent prendre le temps de se former à ces métiers qui évoluent.

Formé en alternance dans les maisons familiales rurales, j'ai moi-même mesuré les bienfaits d'une formation professionnalisante, qui sait allier les cours théoriques et la pratique. Fort de cette expérience, je souhaite vous alerter sur la nécessité d'accompagner les établissements de l'enseignement agricole dans leur transformation. Les programmes proposés ne sont plus adaptés à la diversité des systèmes de production et aux attentes de la société. Quels outils comptez-vous donc mettre en place pour transformer en profondeur la formation agricole ?

Dans un tout autre domaine, pourriez-vous nous apporter des précisions concernant le projet de suppression du fonds d'accompagnement de la réforme du micro-bénéfice agricole créé en 2015 pour remplacer le régime fiscal du bénéfice agricole forfaitaire ?

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Ce budget agricole est plutôt bien bâti et, de manière globale, la hausse des crédits de paiement va dans le bon sens. J'ai toutefois deux remarques :

En premier lieu, un élément du PLFSS inquiète nos agriculteurs : la remise en cause de la baisse des charges décidées en 2016, notamment pour la cotisation AMEXA et les cotisations de la branche famille. Le PLFSS revient ainsi sur les engagements pris par le précédent gouvernement en faisant supporter au secteur agricole une hausse des cotisations qui pourrait représenter entre 120 millions et 300 millions d'euros.

Je comprends bien l'idée d'une progressivité des cotisations, mais il n'empêche qu'elle aboutit à cette hausse. Comment donc pérenniser la baisse des charges indispensable à la compétitivité de notre agriculture, et comment garantir à nos agriculteurs une véritable visibilité pour ce qui concerne leurs coûts de revient ?

En second lieu, je m'interroge, malgré vos explications, sur les 300 millions d'euros provisionnés pour aléas. Vous avez indiqué que cela devait permettre de couvrir d'éventuelles crises économiques, sanitaires ou climatiques qui affecteraient le secteur agricole ainsi que les pénalités imposées par la Commission européenne. S'il s'agit de faire face aux aléas, c'est plutôt prudent et pourquoi ne pas le mettre dans l'action 22, voire aller plus loin en créant une véritable épargne de précaution ? Quelle est votre position sur la création d'un tel dispositif ? S'il s'agit d'anticiper d'éventuelles sanctions de l'Europe et de pénalités que devrait payer la France, quel domaine cela toucherait-il et pour quelles raisons ?

De manière plus globale, ce budget est un budget d'attente et de vigilance, car, tandis que nous se tiennent les états généraux de l'alimentation, d'autres chantiers doivent être ouverts, comme celui de la simplification des normes ou du grand plan d'investissement.

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Dans un contexte général de maîtrise de la dépense publique, je salue, au nom du groupe Modem et apparentés, les choix budgétaires qui ont été retenus. Sur les trois programmes de la mission que nous examinons aujourd'hui, le constat est très positif dans son ensemble. Je souhaite néanmoins attirer votre attention sur quelques points.

Le programme 149 intègre le nécessaire soutien des agriculteurs et des filières. Il est appréciable que le Gouvernement ait souhaité mettre l'accent sur le développement des signes de qualité, grâce notamment à la préservation des aides à l'agriculture biologique et à la stabilisation des crédits dédiés au financement de l'ICHN. Pourriez-vous toutefois, monsieur le ministre, nous donner des explications supplémentaires quant à la baisse de la dotation du fonds stratégique de la forêt et du bois ? La forêt est en effet un enjeu majeur à la fois en termes de biodiversité, de production d'énergies renouvelables et de matériaux écologiques, mais aussi en termes d'emplois non délocalisables.

Le programme 206, qui porte sur la qualité et la sécurité sanitaires de l'alimentation regroupe des enjeux communs à l'agriculture, à la consommation et à l'environnement. Le contrôle sanitaire est, au-delà de la contrainte, une valeur ajoutée et un gage de qualité des produits. Le récent scandale du Fipronil aux Pays-Bas prouve la pertinence d'une telle démarche, puisqu'il aura donné l'occasion à nos éleveurs de mieux valoriser la qualité de leurs oeufs. Accroître le budget du programme de 14 %, c'est, bien sûr, souligner le caractère stratégique du contrôle sanitaire, mais c'est avant tout donner les moyens aux services de l'ANSES de travailler sur le changement des pratiques et la prévention des risques tout au long de la chaîne de production, de transformation et de distribution des produits agroalimentaires.

Sur le sujet spécifique des abattoirs, j'aimerais, monsieur le ministre, avoir votre avis sur les actions menées par l'association L214 ainsi que sur l'abattage rituel, qui est source de souffrance pour les animaux comme pour le personnel.

Le programme 215 enfin regroupe les crédits dédiés aux moyens en personnel et au fonctionnement de l'administration. J'ose espérer que l'effort portera sur la modernisation des outils informatiques type Télépac, dont l'archaïsme et les dysfonctionnements rendent plus que nécessaire un investissement à la hauteur des enjeux.

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Je voudrais d'abord saluer le travail réalisé par notre collègue Jean-Baptiste Moreau dans son rapport, et notamment son tableau de bord sur la situation financière des différents secteurs de notre agriculture. Il pourrait être utilement complété en descendant à l'échelon régional, pour donner une photographie encore plus précise de la situation actuelle.

J'ai néanmoins relevé deux contradictions. En premier lieu, le rapport cite l'annonce faite à Rungis par le Président de la République, selon laquelle les prix devront dorénavant être élaborés à partir des coûts de production, avant de souligner, dans le paragraphe suivant, que le modèle agricole doit évoluer, pour davantage tenir compte des demandes des consommateurs et de la société. Ces deux ambitions qui ne sont pas forcément compatibles.

Je vois une seconde contradiction dans le fait de dénoncer des mesures fiscales « pousse-au-crime » car génératrices de surinvestissement – je signale au passage que le suramortissement Macron y a aussi contribué en son temps –, tout en saluant dans le même temps un plan d'investissements de 5 milliards d'euros. Prenons garde au télescopage ; cela mérite à tout le moins exégèse…

En ce qui concerne la fiscalité, monsieur le ministre, la réforme fiscale va-t-elle se limiter à la déduction pour aléas ? Va-t-on aller vers un toilettage complet ? Si tel est le cas, choisira-t-on de renforcer la singularité de la fiscalité agricole ou au contraire de la banaliser ? Comment va-t-on toucher à la fiscalité des carburants ? À l'heure où l'on supprime la taxe d'habitation, va-t-on également supprimer la taxe sur le foncier non bâti ? Autant de questions qui méritent d'être rapidement précisées.

Enfin, j'ai interrogé Phil Hogan, le commissaire européen à l'agriculture, sur son diagnostic des dysfonctionnements de la PAC. Il m'a répondu en ricanant que la France devrait se concentrer sur l'amélioration de son système informatique… Selon vous, le problème ne tient-il pas à un déficit d'intelligence non pas en aval, mais en amont, c'est-à-dire dans la conception même de la PAC ? Et, dans ce cas-là, quels enseignements retenir pour la future politique agricole commune ?

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Le budget de l'agriculture est un budget important et son augmentation ne peut que nous satisfaire. Nous y avions très vigilants durant le précédent quinquennat – je vous renvoie notamment aux mesures d'accompagnement que nous avons mises en place dans le cadre de la refondation de l'agriculture pour ériger l'agro-écologie en nouveau modèle agricole et assurer cette transition. Je regrette au passage que le maintien en bio ne fasse plus partie des priorités, ce qui pénalise évidemment ceux qui auront été plus vertueux avant les autres.

La mise en place des états généraux de l'alimentation (EGA), démarche de concertation avec l'ensemble des acteurs de la filière à la fois pour dresser un bilan lucide de la situation actuelle et pour penser l'avenir, est une étape positive. Pouvez-vous nous préciser, monsieur le ministre, comment seront ventilés les crédits destinés à soutenir la mise en oeuvre des décisions qui en découleront, notamment pour ce qui touche à la rémunération des agriculteurs et aux mesures fiscales envisagées ? Mon collègue Herth a déjà très largement abordé ce sujet.

J'ai noté également avec satisfaction le maintien du financement de l'ICHN par rapport à 2017 ; c'est un dispositif essentiel à l'agriculture de montagne. Il faut toutefois veiller à ce que cette enveloppe ne soit pas amenée à financer une assiette plus large – c'est déjà arrivé par le passé –, ce qui conduit à une baisse pour la compensation des handicaps. Sur ce sujet, comment comptez-vous peser dans le cadre de la préparation de la PAC 2020 ?

Le budget porte une partie des investissements prévus dans le grand plan d'investissement qui consacre 5 milliards d'euros en cinq ans à la modernisation des filières agricole et alimentaire. De façon très concrète, quelles seront les filières ciblées prioritairement ?

Êtes-vous favorable à la création d'un mécanisme d'épargne de précaution ? Vous nous avez confirmé la suppression de l'allégement de sept points sur les cotisations d'assurance maladie en nous renvoyant vers le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour la solution. Les débats de la nuit ont déjà clairement montré que 40 % des agriculteurs ne seront pas compensés de l'augmentation de la CSG. Ce dispositif de baisse des charges, vous le savez bien, avait été mis en place pour amortir les différentes crises. Pensez-vous que la crise a disparu, ce qui justifierait la disparition de cette mesure ?

À titre plus personnel, je terminerai en évoquant la question du prédateur et plus particulièrement du loup. L'indemnisation et les crédits engagés, considérables, ne sont évidemment pas la seule solution. Il faut la gestion de l'espèce efficace. Il y va de l'avenir du pastoralisme et du tourisme de montagne. Pouvez-vous nous préciser vos ambitions ?

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Forts du constat que nous faisons du système agricole actuel, nous pensons nous aussi qu'une transition vers une agriculture biologique et paysanne. Vous dites soutenir l'agriculture biologique ; nous pensons pour notre part que votre politique en la matière n'est pas assez ambitieuse.

Il faut effectivement reconsidérer l'utilisation des produits chimiques : glyphosate, néonicotinoïdes, etc. Vous appelez à la confiance dans les institutions. C'est pourtant bien difficile : on sait que ces produits sont nocifs, mais on nous dit qu'il faut attendre avant de pouvoir les supprimer. Même si les agriculteurs doivent pouvoir bénéficier d'une période transitoire, par rapport à la santé des gens, c'est un problème. Tout le monde en est conscient.

Vous avez aussi parlé des retards de paiement. Effectivement, ce n'est pas acceptable, puisque cela met en difficulté les exploitations.

Je rejoins les propos de Mme Battistel sur l'agriculture de montagne : le pastoralisme est un des vecteurs du maintien de la vie et de l'activité dans ces régions où l'économie est parfois en difficulté. Venant des Pyrénées, je ne parlerai pas du loup, mais de l'ours : il faudrait revoir à plat le système d'indemnisation des dommages pour tenir compte de la disparition de la brebis tuée, mais aussi du manque à gagner lié aux petits qui ne naîtront pas l'année suivante.

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La légère progression des crédits de la mission par rapport à la loi de finances 2017 est un élément appréciable au regard des baisses successives de ces dernières années. Elle concerne pour l'essentiel le programme 216 consacré à la sécurité et à la qualité sanitaires de l'alimentation ; c'est un point positif pour répondreaux besoins en matière de prévention et de gestion des risques auxquels nous devons faire face, dans un contexte de scandales en matière de protection des consommateurs comme des agriculteurs.

La question de la concurrence déloyale et intracommunautaire en matière sanitaire occupe ainsi largement nos débats, et il est de la responsabilité de l'État de renforcer ses propres moyens de contrôle par l'intermédiaire de ce programme, mais il fautaussi faire preuve d'une plus grande fermeté au niveau européen en utilisant les leviers réglementaires comme la clause de sauvegarde lorsque nos productions sont menacées par les dumpings sanitaires et environnementaux.

En revanche – car il faut bien une antithèse, nous regrettons l'insuffisance des crédits consacrés au programme 149, tout particulièrement à l'action 22 « gestion des crises et des aléas de la production agricole » l'action 26 « Gestion durable de la forêt et développement de la filière bois ».

En matière de gestion des crises et des aléas, nous regrettons toujours que le transfert au niveau communautaire du cofinancement de l'assurance-récolte ait quasiment rayé de la carte toute ambition nationale en matière de mutualisation publique des risques en agriculture. Comme nous regrettons l'absence d'ambition au regard du Fonds national de gestion des risques en agriculture qu'il faudrait au contraire conforter. Avec le maintien de seulement 5,4 millions d'euros affectés à l'action 22 en faveur des aides aux exploitations en difficultés et du fonds d'allégement des charges, nous sommes très loin de répondre aux besoins.

Globalement, le cadre revendiqué du budget de la mission dans une programmation budgétaire 2018-2022 qui fait de la baisse de dépense publique un horizon politique indépassable ne nous paraît cependant pas à la hauteur des enjeux agricoles et alimentaires de notre pays. Ce petit – j'insiste sur l'adjectif – sursaut budgétaire pour 2018, souvent la règle en début de mandature, ne parvient pas à dissiper les graves menaces qui planent sur l'avenir de nos agriculteurs et qui nécessitent des mesures fortes en matière d'intervention publique, d'abord sur les prix, mais aussi en matière d'accompagnement de nos agriculteurs vers des modèles de production créateurs de plus de valeur ajoutée et plus durables.

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Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Je vous remercie, mesdames et messieurs les représentants des groupes, de vos remarques positives sur ce budget.

Je commencerai par deux rappels.

Le premier concerne l'agriculture biologique. Sur la période de programmation 2014-2020, rappelons que les crédits nationaux et européens consacrés au bio ont été multipliés par trois par rapport à la période 2006-2013 ; autrement dit, nous avons la capacité d'accompagner cette demande sociale forte d'agriculture biologique exprimée par l'ensemble de nos concitoyens. Bien entendu, nous ne traitons pas la question à la légère.

Deuxièmement, nous allons reprendre dès 2018 le calendrier vertueux de versement des aides de la PAC, tel que mon prédécesseur, M. Jacques Mézard, l'avait défini en prenant un engagement le 22 juin dernier. Nous avons veillé depuis lors à ce que ce calendrier de versement des aides soit tenu. La semaine dernière, nous avons versé pas moins de 6,3 milliards d'euros au titre des apports de trésorerie remboursables (ATR) de 2017. C'est le plus gros versement jamais opéré par le ministère de l'agriculture pour assurer le paiement direct dans les trésoreries des exploitations. Un tel effort mérite d'être souligné.

Sur le reste, le retard se résorbe progressivement. Les aides du premier pilier au titre des campagnes 2015 et 2016 sont payées. L'ICHN 2016 a été payée en juillet 2017, les aides du premier pilier et l'ICHN 2017 seront payées en février 2018. Les paiements des mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC) et des aides à l'agriculture bio 2015 démarreront, comme prévu, en novembre 2017 ; la campagne de 2016 sera payée à partir de mars 2018, celle de 2017 à partir de juillet 2018. Le retard aura alors été totalement résorbé.

Cela m'amène à vous parler de l'effort réalisé dans la construction de ce budget pour garantir plus d'efficacité dans le paiement de ces dossiers PAC. Nous avons renforcé les services d'économie agricoles et ruraux dans les territoires, à savoir les directions départementales des territoires (DDT) ou les directions départementales des territoires et de la mer (DDTM), en apportant 600 ETP complémentaires pour traiter prioritairement ces dossiers, contre 350 prévus initialement. Nous avons investi près de 30 millions d'euros supplémentaires pour renforcer l'accompagnement informatique auprès des services de l'Agence de services et de paiement (ASP) et des services déconcentrés, toujours dans le même objectif : respecter le calendrier de versement des aides PAC sur lequel nous nous sommes engagés.

Je reviens maintenant aux questions posées par les différents orateurs.

La formation est enjeu essentiel à la fois pour accompagner à la fois la transition voulue par le président de la République, mais aussi les futures générations d'agriculteurs, d'où la priorité que j'ai donnée à l'enseignement dans ce budget. Dans le même temps, nous devons continuer à adapter nos formations aux nouveaux enjeux : l'agroécologie, les prochaines perspectives agronomiques. Ce sujet est traité dans l'atelier 13 des EGA « rendre les métiers de l'agriculture plus attractifs et accroître la formation ».

Une concertation est en cours avec l'ensemble des professionnels et avec les associations pour travailler d'abord sur la carte des formations, puis sur l'adaptation aux besoins des territoires et des professionnels dans une échéance 2020-2022. C'est un travail fondamental que je suis de très près.

Plusieurs d'entre vous se sont émus de la suppression du fonds d'accompagnement du régime du micro-bénéfice agricole dit régime du « micro-BA ». Ce régime a été remplacé en 2016 par un dispositif mieux adapté aux diverses caractéristiques de chaque exploitation, plus transparent, plus juste et plus simple. Huit millions d'euros seront versés cette année aux caisses de la Mutualité sociale agricole (MSA) pour accompagner en 2018 les exploitants qui avaient choisi le régime micro-BA et dont les cotisations sociales dues au titre de l'année 2017 auraient augmenté substantiellement par rapport au régime du bénéfice forfaitaire.

Depuis la réforme du forfait décidée fin 2015, des allégements de charges sociales sur la famille et sur la maladie sont intervenus et ont été encore renforcés dans le cadre du PLFSS 2018. Tous les exploitants relevant du régime du micro-BA bénéficieront, au titre des cotisations dues en 2018, d'un taux de cotisation famille de 0 % au lieu de 2,15 % à l'époque du régime du forfait, et d'un taux de cotisation maladie compris entre 1,5 % et 2,9 %, au lieu de 10,04 % à l'époque du régime du forfait.

Toutes choses égales par ailleurs, un exploitant qui se situerait au maximum du seuil de chiffre d'affaires du micro-BA de 82 800 euros, c'est-à-dire après abattement de 87 % à une assiette sociale de 10 764 euros, verra le total de ses cotisations famille et maladie s'établir, en 2018, à 312 euros par an au lieu de 1312 euros au moment où la réforme du forfait a été décidée. C'est bien ce contexte nouveau d'allégement des prélèvements sociaux pour les plus bas revenus, et notamment ceux des exploitants, qui justifie cette suppression anticipée du fonds d'accompagnement. Et malgré l'importance de ces baisses de charges sociales, nous avons souhaité que les agriculteurs, les exploitants, puissent faire appel au dispositif de droit commun de prise en charge de cotisations sociales géré par la MSA et doté annuellement de 30 millions d'euros.

M. Turquois a relevé que le budget alloué au fonds stratégique de la forêt et du bois (FSFB) serait en diminution en 2018 par rapport à 2017. Mais cela fait suite à une très forte augmentation en 2017 : le budget 2018 du FSFB reste deux fois supérieur aux dépenses de 2016. Ces crédits s'inscriront eux aussi dans le cadre du grand plan d'investissement. Parallèlement, nous souhaitons proposer la reconduction des mesures fiscales dites « Défi forêt », qui sont destinées à favoriser l'investissement et la gestion durable des forêts. Enfin, les crédits des opérateurs forestiers sont eux aussi globalement maintenus : les effectifs et le budget de l'ONF restent stables, tout comme les effectifs dans le schéma d'emploi du Centre national de la propriété forestière.

S'agissant de l'épargne de précaution, une réflexion, liée à notre démarche plus globale sur la gestion des risques, est engagée au sein d'un groupe de travail du conseil supérieur d'orientation et de coordination de l'économie agricole et alimentaire (CSO), pour améliorer et rendre plus cohérent l'ensemble des dispositifs. Ces travaux devront aboutir à des propositions concrètes à l'horizon de 2018, de sorte qu'elles puissent s'inscrire dans la réflexion sur la PAC 2020.

La question des abattoirs a été abordée, et plus précisément celle de l'abattage rituel, sujet particulièrement complexe. Nous devons y travailler avec les représentants du culte pour concilier au mieux les prescriptions rituelles et les enjeux du bien-être animal, auquel nos concitoyens sont de plus en plus sensibles. Nous avons commencé à tenir des réunions sur ce sujet ; je recevrai prochainement les responsables des principaux cultes concernés par l'abattage rituel, afin de mettre au point ensemble des solutions dans lesquelles chacun d'entre nous puisse se retrouver.

Sur la question plus générale des abattoirs, je le dis clairement : les méthodes employées aujourd'hui par l'association L214 sont totalement inacceptables. Reste que des non-conformités sont constatées dans certains abattoirs, qui méritent tout autant vigilance. Une série d'actions doivent être mises en place sur la question du bien-être animal : la formation des professionnels et leur accompagnement, le renforcement des mesures de contrôle, la réalisation d'audits, l'adaptation des sanctions, qui peut aller jusqu'à la suspension de l'agrément sanitaire. Là aussi, nous sommes et nous restons vigilants. Les services de la DGAL, vous le savez, sont très présents dans les abattoirs ; nous suivons cette affaire avec le plus grand intérêt car ces questions sanitaires sont de plus de plus en plus prégnantes.

Sur la fiscalité agricole, on ne peut déjà anticiper les résultats d'un travail qui n'a pas encore été lancé. Ces questions n'en méritent pas moins une attention particulière. Nous allons définir rapidement le périmètre des interventions envisageables. Nous avons convenu d'une réunion de travail prochainement sur ce sujet avec Bruno Le Maire : l'idée est d'accompagner l'ensemble des exploitations agricoles vers une fiscalité plus juste, susceptible de leur redonner de la compétitivité.

Nous avons obtenu la révision du zonage de l'ICHN, qui a été reportée à 2019. Vous avez raison, madame Battistel : il faut faire attention à son assiette, faute de quoi l'indemnité sera plus faible pour ceux qui sont majoritairement concernés. Lors du sommet de l'élevage à Cournon, j'avais annoncé que les zones de montage restaient totalement prioritaires au regard de l'ICHN. Mais nous allons profiter de cette révision de la cartographie pour revoir certaines situations qui peuvent apparaître quelquefois ubuesques : dans ma propre région, des zones de plaine sont classées dans le zonage de l'ICHN alors qu'elles n'y ont pas leur place, et que d'autres territoires plus fragiles seraient plus fondés à bénéficier du soutien de l'ICHN. Nous allons nous employer à finaliser une nouvelle carte du zonage ICHN dans les prochaines semaines.

Parlant des zones de montagne, j'en viens naturellement à la question de la prédation. Ma position là-dessus est claire : ce que nous visons, c'est le « zéro attaque », la défense des éleveurs, des pratiques de l'agro-pastoralisme. Pas de pays sans paysans, comme on dit communément : nous avons besoin de l'agro-pastoralisme, nous avons besoin que les éleveurs puissent assurer en toute quiétude leur travail et que les troupeaux soient protégés. D'autant que la population de loups a augmenté depuis ces dernières années : on en compte actuellement 360 loups répartis dans trente et un départements, qui ont fait 10 000 victimes en un an, des ovins essentiellement. Le coût des mesures de protection – gardiens, clôtures, chiens – répondant aux besoins des éleveurs s'est élevé à 22,5 millions d'euros en 2016, financés sur crédits du ministère de l'agriculture et du FEADER. Et il augmente chaque année… Les indemnisations ont été prises en charge par le ministère de la transition écologique et solidaire (MTES) ; le projet de loi de finances pour 2018 prend en compte l'augmentation de la population de loups. Avec la Commission européenne, je plaide pour le relèvement du taux de prise en charge par les crédits publics pour des embauches de bergers.

Nous sommes en train de travailler sur l'élaboration d'un nouveau plan loup pluriannuel. Car je vous le dis sans ambages, nous ne pouvons continuer ainsi : nous dépensons 22,5 millions d'euros par an dans cette affaire, tout revient à Paris et cela ne fonctionne pas ! Je me suis déplacé dans l'Aveyron et ailleurs, j'ai reçu des délégations, j'ai vu aussi des éleveurs désespérés par cette situation. C'est de l'argent public dépensé qui ne sert à rien. Je souhaite donc revoir le dispositif, travailler sur un plan pluriannuel ambitieux, laisser aussi la main aux territoires : qui mieux qu'eux, grâce à leur maillage particulier et précis, peut gérer ces questions de prédation ? Certes, une concertation s'impose : car viser le « zéro attaque », ce n'est pas viser le « zéro loup ». Nous sommes tenus de respecter le principe de la biodiversité et de la présence du loup. Mais sa présence ne doit pas affecter le travail de nos éleveurs. Je reste bien évidemment à la disposition de tous les parlementaires concernés.

Pour ce qui est de la gestion des risques, plusieurs dispositifs existent : l'assurance climatique, le dispositif de calamité agricole, le fonds national agricole de mutualisation sanitaire et environnementale (FMSE), les mesures fiscales de déduction pour aléas. Une réflexion est engagée au sein d'un groupe de travail du CSO pour améliorer cet arsenal et le rendre plus cohérent. Cette préoccupation sera l'une des thématiques majeures pour la future PAC 2020.

Sur les effets de la réforme des cotisations maladie enfin, nous ne remettons pas en cause le principe des allégements de 2016. Nous savons comment ces allégements de charges ont été mis en place et pourquoi : il s'agissait de faire face à une difficulté majeure du secteur agricole en 2016. Mais nous souhaitons le répartir de manière beaucoup plus équitable : en 2016, les 60 % d'exploitants les plus modestes n'avaient reçu que 100 millions d'euros, les 40 % les mieux lotis 380 millions d'euros. Avec la réforme, les 60 % les plus modestes recevront 120 millions d'euros, et les 40 % les mieux lotis toucheront les deux tiers des aides, soit 200 millions d'euros ; autrement dit, nous avons lissé le dispositif, mais ils continueront à bénéficier de la plus grande part de la solidarité nationale. En tout état de cause, cette mesure va toucher quasiment la totalité de l'ensemble des exploitants de ce pays. C'est une mesure qui se veut plus juste, plus équilibrée et plus cohérente.

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Monsieur le ministre, je tenais à vous remercier pour l'accueil que vous nous avez réservé, vous et vos services, pour préparer ce rapport sur le budget de l'agriculture, de ma forêt et de la pêche.

Je concentrai mon propos de ce matin sur la pêche et l'aquaculture. Vous avez depuis cette année la responsabilité de ce secteur, ce qui semble cohérent : l'agriculture et la pêche font partie intégrante de l'alimentation des Français et reposent toutes les deux sur des politiques européennes communes.

Les moyens consacrés à la pêche et l'aquaculture pour 2018 restent stables : 45 millions d'euros. Toutefois, les professionnels redoutent les conséquences du Brexit, la remise en cause de la politique commune de la pêche et l'impossibilité qui en résulterait pour nos bateaux d'accéder aux eaux britanniques où la pêche française réalise 25 % de son chiffre d'affaires.

Les professionnels de la pêche maritime demandent, et nous soutenons ce point de vue, que les futures négociations sur le Brexit soient un tout afin que les questions de pêche ne soient pas considérées comme une variable d'ajustement dans la négociation. Est-ce aussi votre intention ?

Autre sujet de préoccupation, l'absence de développement de l'aquaculture en raison de la difficulté de mettre en place des projets sur notre territoire. Aucune ferme aquacole n'a été créée dans notre pays depuis 1996 alors que la France peut se prévaloir d'une réelle expertise dans la production d'alevins, essentiellement destinée à l'exportation. Du coup, 86 % de notre consommation en produits aquatiques est importée et notre déficit commercial a atteint 3,7 milliards d'euros en 2015, soit une augmentation de 60 % en dix ans.

Ma dernière question porte sur la gestion des aides communautaires et le rôle désormais dévolu aux régions pour les aides du deuxième pilier. L'absence de cadre commun entre les régions et la multiplicité des conditions d'attribution ont entraîné des difficultés importantes dans le traitement des dossiers par l'Agence de services et de paiement. Les régions demandent à traiter ces dossiers en toute autonomie. Qu'en pensez-vous ?

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Monsieur le ministre, ce budget est le premier que vous présentez pour l'agriculture. Je voudrais en profiter pour vous interroger de manière un peu générale sur le triptyque qui permettra de restaurer la compétitivité de l'agriculture.

Le premier volet, c'est un environnement juridique moins défavorable et de l'allégement des charges et contraintes réglementaires : plusieurs nos collègues vous ont déjà rapporté que les débats d'hier soir sur le PLFSS nous ont donné quelques inquiétudes, puisque l'augmentation de la CSG qu'a décidée le Gouvernement va toucher les exploitants agricoles sans qu'ils puissent espérer de réelles compensations. Pouvez-vous donc nous en dire plus sur vos intentions en matière fiscale, même si j'ai bien compris que cette réforme n'en est pour l'heure qu'au stade de l'élaboration ?

Le deuxième, c'est évidemment la question de la formation des prix. Vous avez annoncé la mise en oeuvre d'une loi importante début 2018. Les inquiétudes qui planent aujourd'hui dans le monde agricole sont d'abord liées à la temporalité, dans la mesure où la campagne de négociation va démarrer seulement maintenant : en clair, les agriculteurs ont très peur de devoir subir une année blanche et d'attendre très longtemps avant de percevoir une amélioration.

Le troisième, c'est la place de la France dans son environnement européen. Plusieurs de mes collègues ont évoqué la question de la prédation, qui me concerne également beaucoup. La place de la France dans l'environnement européen et la PAC, bien sûr, vont exiger que le Gouvernement adopte une posture claire. Que vont donner les arbitrages entre votre ministère et celui de l'environnement ? Sur un certain nombre de sujets, on peut redouter que les positions ne soient pas exactement superposées…

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Après un épisode de gel au mois d'avril dernier, la viticulture a connu son second aléa climatique en quatre ans, après celui de 2013 marqué par la grêle et la coulure. Cet épisode a entraîné une baisse de 50 % des récoltes et une perte de 1,8 milliard d'euros de chiffre d'affaires pour la vigne et de manière indirecte pour toute l'économie girondine.

À la suite de cette faible récolte et de ses conséquences en termes de trésorerie pour 2018 et 2019, on anticipe une fragilisation de la filière viticole pour les trois prochaines années dans un contexte de forte concurrence internationale. En 2017, 25 % des exploitations ont pu bénéficier de l'assurance récolte à laquelle elles avaient souscrit, dispositif d'assurance multirisque climatique bénéficiant d'une aide PAC qui leur a été élargie cette année. Néanmoins, le seuil de déclenchement de ce dispositif n'est pas prévu pour les deux prochaines années. Remédier à cette lacune nécessiterait une modification des textes communautaires. Le Gouvernement serait-il prêt à soutenir une proposition dans ce sens ?

Dans la mesure où le Président de la République a appelé à une transformation de l'agriculture et à l'élaboration d'un projet filière par filière avant la fin de l'année, une réflexion sur la filière viticole n'appellerait-elle pas une refonte du dispositif d'assurance récolte ou un retour des crédits nationaux dans ce dispositif, ce qui permettrait d'abaisser le seuil de déclenchement et garantirait aux vignes de pouvoir en bénéficier au même titre que les autres exploitations ?

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Les états généraux de l'alimentation suscitent beaucoup d'espoir. Je pense avoir été plutôt un bon élève en la matière dans ma circonscription puisque j'ai fait poser dix questions à 10 000 internautes pendant un mois, réuni une dizaine d'organisations de la société civile et organisé des tables rondes et ateliers participatifs pendant toute une soirée, auxquels ont assisté plus d'une centaine de personnes. Je suis en train de classer les trois cents propositions qui m'ont été faites et que je vais vous envoyer.

Bien évidemment, je me suis engagé à relayer la question de toutes celles et ceux que j'ai interrogés et qui est la suivante : concrètement, à quoi tout cela va-t-il vraiment servir ? Si je ne doute pas que ces questions que je vais faire remonter au plan national seront traitées, comment seront-elles intégrées dans vos futures propositions ? J'appelle votre attention sur le fait que ces réponses sont importantes, car le Gouvernement s'est engagé dans beaucoup d'autres ateliers et exercices de participation citoyenne, suivis par un grand nombre de Français.

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Le budget de l'agriculture est annoncé comme un budget d'accompagnement, d'engagement et d'amélioration.

Toutefois, parmi les carences qu'il me paraît présenter, je souhaite aborder un sujet précis qui concerne le soutien aux zones intermédiaires, zones à moindre potentiel dans lesquelles les coûts de production ont augmenté en dix ans de 40 % et où les aides PAC sont plus faibles que la moyenne nationale.

Ces zones intermédiaires sont doublement pénalisées, en raison des choix opérés par notre pays, mais également de distorsions de concurrence vis-à-vis de pays membres de l'Union européenne.

Les agriculteurs qui y exercent leur activité nous font part de leurs inquiétudes quant au maintien du paiement redistributif dit de la prime aux cinquante-deux premiers hectares, qui pourrait aggraver la différence avec d'autres régions, sachant que leurs exploitations ont besoin d'être plus étendues pour être plus productives.

Quelles mesures envisagez-vous de prendre pour ces régions à moindre potentiel, afin d'assurer à ces exploitations une pérennité et une réelle politique de soutien ?

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La situation et de l'agriculture a été évoquée de façon exhaustive par le ministre et mon groupe politique a salué l'effort consenti en direction de cette mission dont le budget est équilibré.

Toutefois, la situation des agriculteurs des outre-mer est difficile, en particulier pour ceux des Antilles à la suite des ouragans dévastateurs du mois de septembre dernier. Les marins-pêcheurs de Guadeloupe ont manifesté cette semaine lors désarroi. La région et le département ont débloqué des aides, et je les en remercie.

En plus de ces catastrophes naturelles, nos pêcheurs et nos agriculteurs subissent de plein fouet les ravages de la pollution à la molécule de chlordécone sur une bonne partie de nos terres agricoles et des rivages de la mer.

Monsieur le ministre, je souhaiterais obtenir une réponse à une question que je vous ai posée à plusieurs reprises : quelles solutions comptez-vous apporter aux marins-pêcheurs en termes d'indemnisation au-delà des aides d'urgence proposées par la région, de plans de reconversion, de restructuration de la filière ou d'aide à l'adaptation de leur flotte ?

J'ai déposé un amendement visant à accorder aux filières agricoles les 14 millions de crédits complémentaires couplés à leur développement. Ces filières représentent plusieurs dizaines de milliers d'emplois et permettent de réduire la dépendance de nos territoires vis-à-vis des importations.

Je rappelle que les outre-mer, ce n'est pas seulement la Guadeloupe et la Martinique, et qu'ils représentent 2,5 millions d'habitants. Le Gouvernement peut-il s'engager clairement en faveur de l'agriculture de diversification ? Compte-t-il assumer l'augmentation de la production locale de diversification, ou faut-il encore s'attendre à des blocages ?

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Je tiens à rappeler l'enjeu de la condition animale associé à la revalorisation des métiers agricoles et l'importance de la prise en compte de l'objectif 2 du programme 149. Cet objectif aborde un enjeu abondamment développé par Emmanuel Macron, lors de son discours à Rungis, à la suite de la première phase des états généraux de l'alimentation : dès lors que manger constitue toujours un acte collectif et culturel et que la façon dont nous nous alimentons en dit long sur le type de société dans laquelle nous souhaitons vivre, ce budget de transformation se doit de refléter le rôle de l'État dans l'accompagnement des exploitations agricoles qui s'engagent vers une transition écologique et solidaire, y compris envers les animaux. En ce sens, je me réjouis de voir que la part des bénéficiaires du plan de compétitivité et l'adaptation des exploitations agricoles dans l'ensemble des aides PAC aient été sensiblement revalorisées pour les prochaines années.

Concernant le programme 215, il reste crucial d'investir dans les contrôles, d'augmenter les moyens mis à disposition des services vétérinaires et des services centraux de protection animale : la législation minimale sur la protection des animaux est encore mal appliquée en France, faute de moyens, comme le soulignent régulièrement la Fédération vétérinaire européenne ainsi que la Fédération des syndicats vétérinaires de France.

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Tout le monde est d'accord pour dire que l'agriculture tient une place primordiale dans notre pays et qu'elle doit relever les défis du XXIe siècle : nourrir une population mondiale en forte croissance tout en faisant face à des enjeux climatiques et environnementaux. En France, sans l'agriculture que seraient nos paysages et que deviendraient nos territoires qui retourneraient à l'état de friche ?

Si nous sommes tous en faveur d'une agriculture pérenne, force est de reconnaître que le discours n'est pas en conformité avec les choix et les arbitrages pour donner le maximum d'atouts à nos agriculteurs dont la grande diversité est à prendre en compte.

Nous savons tous ici que l'agriculture traditionnelle doit être préservée et confortée et que les nouvelles filières comme celle du bio doivent être accompagnées, puisqu'elles sont en pleine structuration. Dans ce contexte, il serait dangereux, par un transfert des aides, de déstabiliser les unes ou les autres, au détriment des unes ou des autres. Quel est votre avis sur ce point ?

Par ailleurs, la gestion laissée aux régions qui ont de moins en moins de moyens n'est-elle pas aléatoire ?

Au-delà de ce budget pour 2018, quelle est votre vision de l'avenir de l'agriculture en général, et de nos agriculteurs en particulier ? Comment envisagez-vous cette articulation avec un budget qui s'avère malgré tout en diminution, notamment sur les autorisations d'engagement ? Il y va de l'équilibre de nos territoires, de la pérennité de nos entreprises agricoles et de la survie de nos agriculteurs. Je rappelle – mais vous le savez fort bien – que 20 000 exploitations agricoles sont dans une situation critique.

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Je souhaite vous interroger sur les conditions du transfert entre le premier et le second pilier quant aux moyens de satisfaction des besoins budgétaires du second pilier pour la fin de la programmation.

Il est assez difficile d'évaluer l'impact budgétaire des mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC) et de l'agriculture biologique. En trois ans, l'État leur a tout de même consacré près de 80 % du budget. Il ne resterait plus que 15 % du budget alloué à ces deux axes pour les trois prochaines années. Que va-t-il se passer dans les trois prochaines années, sachant que vous avez accepté, le 27 juillet, un transfert à hauteur de 4,2 % des montants du crédit du premier pilier vers le second, qui viennent s'ajouter aux 3,3 % prévus initialement ? Ce transfert devrait générer 312 millions d'euros pendant deux ans, soit une remise à disposition d'un peu plus de 600 millions d'euros, ce qui paraît très insuffisant, le transfert se faisant de façon linéaire du premier pilier. Quelles seront les conséquences pour l'ensemble des agriculteurs ?

Ma deuxième question porte sur les cours du lait, dont les prix, s'ils sont un peu plus incitatifs, restent faibles et trop hétérogènes. Le président de la République a évoqué la possibilité de prendre en compte un coût à la production ; mais comment y parvenir, sachant que les conditions de production sont loin d'être les mêmes pour tous ? Elles sont aussi hétérogènes que les prix…

Enfin, j'aurais souhaité avoir quelques précisions sur le programme d'investissement. Hier soir, dans le cadre de l'examen du PLFSS, il a été question de l'arrêt des exonérations exceptionnelles de charges à la suite de la crise de 2016. Le ministre a parlé d'une remise à plat de la fiscalité agricole. Quel lien faites-vous avec la compétitivité de l'agriculture et les enjeux d'exportation pour l'agroalimentaire ?

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Si l'on peut saluer l'augmentation de 2 % par rapport aux années précédentes de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », il n'en demeure pas moins que la part consacrée à la recherche et à l'innovation stagne à un peu plus de 6 %.

Lors de la présentation de ce budget, vous avez fait part de votre volonté « d'accompagner une profonde transformation agricole ». Si les agriculteurs sont prêts à faire évoluer leurs modes de technique, encore faut-il qu'ils puissent disposer des outils et des techniques qui leur permettent cette évolution. Je prends l'exemple que vous connaissez bien de TerraLab, sur la ferme 112, située dans ma circonscription près de Reims : on y voit des projets innovants, des expérimentations grandeur réelle, un outil pour préparer l'agriculture de demain et un moyen de répondre aux enjeux de la bio-économie.

Quels programmes de recherche et d'innovation feront l'objet d'une priorité budgétaire ?

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Monsieur le ministre, je n'ai aucun a priori sur votre budget : je pense que vous faites le job.

Vous avez réalisé des efforts importants en ce qui concerne le dispositif d'apport de trésorerie remboursable (ATR), censé être provisoire mais que l'on a connu en 2015, 2016 et 2017. Que comptez faire pour arrêter ce dispositif qui coûte tout de même beaucoup d'argent ?

S'agissant du loup, je serai un peu plus direct. J'entends bien votre objectif de « zéro attaque », mais je ne peux vous croire : le problème est que le ministère de l'agriculture est sous la dépendance du ministère de l'environnement. Il y a une hypocrisie sur ce point, et vous le savez, puisque c'est ce même ministère de l'environnement qui finance les associations pro-loup, lesquelles contestent tous les arrêtés préfectoraux et sont arc-boutées derrière la convention internationale de Berne. Pas moins de 22 millions d'euros ont été dépensés pour des mesures de protection, dites-vous ; et pourtant, le milieu agricole ne s'en sort plus. Le problème, c'est que la filière ovine ne tient qu'une place subsidiaire par rapport à l'ensemble de la filière élevage ; de ce fait, elle est moins écoutée. Si c'était la filière bovine, ce serait beaucoup plus viril… Je veux bien entendre le discours, mais j'aimerais des actes.

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L'absence de création de postes dans l'enseignement agricole public ne permettra pas, en particulier dans les régions dynamiques sur le plan démographique, ce qui est le cas de mon département de la Mayenne, d'ouvertures de classes ni d'augmentation du nombre de places dans les classes, pourtant nécessaires. J'appelle également votre attention sur le statut des agents qui accompagnent les jeunes en situation de handicap. Ces agents étant majoritairement recrutés dans le cadre de contrats aidés, et donc sous statut d'auxiliaire de vie scolaire (AVS), ils ne peuvent, comme c'est le cas pour ceux de l'éducation nationale, être recrutés en contrat à durée indéterminée (CDI) ou suivre une formation diplômante.

En ce qui concerne l'enseignement agricole privé, je souhaite vous alerter sur les conséquences de la diminution de la contribution de l'État qui non seulement altère la capacité de l'enseignement agricole privé à remplir ses missions mais nuit également à la vitalité de la ruralité dans laquelle ces lycées professionnels sont des acteurs très engagés. Le taux de subventions perçues par les établissements d'enseignement agricole privé ne représente que 64 % du coût d'un élève dans l'enseignement public. Or les besoins en financement ne varient pas fondamentalement d'une structure publique à une structure privée, et si l'État ne soutient pas suffisamment les établissements privés sous contrat, c'est aux familles qui font le choix de l'enseignement privé qu'un effort financier supplémentaire sera demandé.

Le modèle pédago-éducatif de l'enseignement agricole auquel contribue l'enseignement privé sous contrat, sa propension à accueillir de nombreux internes issus de milieux ruraux, son taux de réussite aux examens et surtout d'insertion des jeunes, après l'obtention de leur diplôme, méritent une attention particulière de la part de votre ministère.

Comme nous tous ici, je suis très attaché à la dynamique de nos territoires et donc à la nécessité de former des jeunes qui préserveront les valeurs du monde rural.

Quel est votre sentiment, monsieur le ministre, sur la situation de l'enseignement agricole public et de l'enseignement agricole privé ?

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Troisième d'Europe en surface, après la Suède et la Finlande, la forêt française est un enjeu économique fort pour notre pays. Malheureusement, nous savons aussi que la faiblesse de notre industrie en fait le deuxième poste de déficit commercial national.

Nos massifs forestiers, sous-exploités sont, pour la plupart d'entre entre eux, entre les mains de petits propriétaires privés qui possèdent moins de dix hectares. Certaines chambres d'agriculture, et notamment celle d'Alsace, sont impliquées depuis une cinquantaine d'années dans le développement forestier grâce à la taxe additionnelle à la taxe sur le foncier non bâti, qu'elles collectent. Or un décret du ministère de l'agriculture et de la forêt du 3 mai dernier a prévu le transfert au niveau national de la totalité de l'impôt collecté par les chambres d'agriculture. Pour la seule chambre d'agriculture d'Alsace, cette décision entraîne la perte de 400 000 euros environ. Ce décret constitue un risque sérieux pour la stabilité financière de nos chambres, pour l'emploi et peut engendrer la fin du développement forestier dans certaines régions. Pour toutes ces raisons, les chambres régionales d'agriculture d'Auvergne-Rhône-Alpes, de Bourgogne-Franche-Comté, de Nouvelle-Aquitaine et du Grand-Est ont déposé auprès du conseil d'État un recours pour excès de pouvoir contre le décret pris par le précédent gouvernement.

Dans l'attente de l'aboutissement de ce recours, envisagez-vous de donner suffisamment de moyens à nos chambres d'agriculture afin qu'elles puissent continuer leur action en faveur du développement forestier ?

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Des investisseurs chinois seraient en train de finaliser l'acquisition d'une société civile d'exploitation agricole (SCEA) dans l'Allier, représentant une surface totale estimée entre 750 et 900 hectares de terres. L'agriculteur, basé dans l'Est de la France, est propriétaire sur plusieurs communes de l'Allier. La première alerte est arrivée à la fin de l'été sur le bureau de la Société d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) de l'Allier : une notification leur signalait qu'une promesse d'achat, signée devant notaire, portait sur une majeure partie des parts de la société civile d'exploitation agricole concernée.

Parmi les acheteurs chinois se retrouvent ceux qui ont déjà acquis, entre 2014 et 2015, différentes exploitations dans l'Indre, représentant aujourd'hui une surface estimée entre 1 500 et 1 700 hectares. Pour l'Allier, la promesse porte sur plus de 90 % des parts de la SCEA, une proportion qui permet, semble-t-il, aux investisseurs chinois de contourner les textes de loi que préserve la SAFER. Cet organisme, qui réglemente les ventes de terres agricoles, dispose en effet d'un droit de préemption sur toutes les transactions agricoles mais à condition que la vente concerne 100 % des parts, ce qui n'est pas le cas pour le projet de vente en question : la transaction échappe ainsi à cet organe de contrôle.

En avril 2016, lorsque la question des investissements chinois dans l'Indre avait fortement sensibilisé l'opinion publique, la SAFER nationale avait réclamé que la législation soit revue et que la règle soit la même pour toute transaction, quel que soit le mode de cession.

Au-delà de la règle, ces ventes posent le problème de la sécurité alimentaire du pays et représentent une menace pour le modèle agricole de demain.

Face à l'avidité des investisseurs, il est urgent de renforcer les politiques foncières afin qu'elles soient véritablement efficaces dans tous les cas de figure. Il est urgent de légiférer sur cette question en instaurant la même règle, quel que soit le mode de transaction. Je déposerai dans les meilleurs délais une proposition de loi visant à sauvegarder notre patrimoine foncier.

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On a beaucoup parlé du versement de l'ICHN et je veux saluer son maintien. Je veux plus particulièrement, monsieur le ministre, vous interroger sur le report de la réforme de la cartographie des zones défavorisées que vous avez évoqué. Dans mon département, les inquiétudes sont vives et légitimes. Êtes-vous prêt à travailler avec ses élus et ses responsables agricoles pour intégrer de nouvelles communes dans lesquelles les éleveurs se trouvent dans une situation extrêmement préoccupante ?

Vous avez mis au coeur des états généraux de l'alimentation la question de la juste et équitable rémunération des producteurs et des filières. Nous partageons tous cette préoccupation. Le Président de la République a annoncé un certain nombre de mesures intéressantes pour atteindre cet objectif. Pouvez-vous nous préciser la méthode, le calendrier, les actions concrètes mais surtout le rôle et la place de l'État dans ces négociations pour l'élaboration des contrats de filière ?

Enfin, quelle est la position du Gouvernement sur la mise en oeuvre d'un mécanisme d'assurance récolte obligatoire pour faire face aux aléas climatiques et sanitaires qui frappent toutes nos régions et toutes les filières ? Seriez-vous prêt à étudier cette proposition dans le cadre de la future PAC ?

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Je tiens à souligner la qualité du rapport de mon collègue Jean-Baptiste Moreau.

S'agissant de l'action 26 « Gestion durable de la forêt et développement de la filière bois » du programme 149 « Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l'aquaculture », il est spécifié que les crédits alloués aux mesures de défense des forêts contre l'incendie (DFCI) sont stables.

Avec le réchauffement climatique que nous ne pouvons plus ignorer, les épisodes de sécheresse risquent de s'accroître, accompagnés par un risque croissant d'incendies. Cet été, plus de 15 000 hectares sont partis en fumée dans la zone méditerranéenne, soit 3 000 hectares de plus qu'en 2016. J'en profite pour saluer l'action de tous nos services de secours, notamment les pompiers, dans la lutte contre ces incendies.

Pensez-vous que les crédits de défense des forêts contre l'incendie sont suffisants ? Quelles mesures sont prises pour permettre la reforestation de ces zones boisées calcinées qui balafrent nos paysages ?

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Dans une réponse à une de mes questions écrites, vous m'avez indiqué que la hausse du taux de transfert entre le premier et le second pilier de la PAC à hauteur de 4,2 %, décidée le 27 juillet dernier, contribuerait à la pérennité du financement de l'ICHN et qu'une concertation était en cours avec les régions afin de répartir ces moyens supplémentaires. Quels ont été les résultats du premier comité entre l'État et les régions qui s'est tenu le 19 septembre 2017 ?

Ma seconde question porte sur le versement des indemnités de soutien de la filière avicole, très fragilisée à la suite de l'épisode de grippe aviaire – je vous sais très sensible à cette affaire. Alors que les éleveurs ont dû procéder à des travaux obligatoires de mise aux normes et des abattages, ils ont été confrontés à des retards de paiement des indemnités compensant les pertes engendrées par les derniers épisodes de grippe aviaire 2016-2017. Les mesures de biosécurité sont très mal perçues localement lorsqu'elles impliquent d'abattre des animaux ne présentant aucun signe extérieur de maladie.

Quelle forme prendra le dispositif de soutien à la filière constitué d'une enveloppe de 27 millions d'euros annoncé au mois de juillet dernier ? La procédure de traitement des dossiers de demande d'indemnisation par FranceAgriMer sera-t-elle simplifiée à l'avenir ? Pour fluidifier les paiements des indemnités, quelles mesures entendez-vous mettre en oeuvre à l'avenir pour prévenir la survenue d'une crise sanitaire économique aussi grave dans la filière avicole ?

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À mon tour, je veux souligner l'importance de la crise climatique. Le monde méditerranéen, et plus particulièrement la Corse, a connu une année 2017 particulièrement difficile, pour ne pas dire dramatique. Nous sommes confrontés à une sécheresse exceptionnelle aggravée depuis le mois d'avril, et confirmée en octobre. Alors qu'octobre est habituellement le mois qui connaît une pluviométrie maximale, de très vastes zones ont reçu très exactement zéro millimètre d'eau… Il est à craindre que les conséquences soient dramatiques, les premières victimes étant naturellement les agriculteurs. Il est donc nécessaire que le Gouvernement prenne en compte cette situation : au-delà du désastre écologique ce sont de graves problèmes économiques qui nous attendent.

Parallèlement, la Corse brûle sans cesse depuis le début de l'été, ce qui ne fait qu'aggraver cette situation de crise. Nous demandons donc clairement au Gouvernement une extrême fermeté dans la recherche et la répression des pyromanes criminels.

Nous savons tous par ailleurs que, sans soutien, l'activité agricole et l'élevage sont difficilement soutenables dans les régions fragiles. Nous attendons donc des pouvoirs publics qu'ils soutiennent les agriculteurs et les éleveurs, en clair qu'ils prennent en compte les propositions de l'Office de développement agricole de la Corse (ODAC) chargé du secteur primaire.

Je présenterai un amendement sur la question grave de la Xyllella fastidiosa qui ajoute encore aux contraintes et au désastre.

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En 2017, la production mondiale de vin a été historiquement faible, le plus faible millésime depuis 1945. Parmi les effets néfastes pour notre viticulture, il faut évoquer des maladies touchant le vignoble, en particulier l'esca qui fait des ravages dans mon département. Alors que la recherche est, en la matière, nécessairement lente : il faut entre quinze et vingt ans pour que des cépages issus de clonages puissent être exploités, alors que la maladie parvient à se propager à un rythme bien plus élevé. Quels sont les moyens alloués l'année prochaine à la lutte et à la recherche contre les maladies de la vigne ? Qu'en est-il exactement du Plan national dépérissement du vignoble ?

Parmi les propositions d'un rapport parlementaire sur le sujet datant de 2015, il était question d'instaurer une réduction d'impôts aux particuliers au titre des investissements dans la recherche. Quelles sont les intentions du Gouvernement sur ce sujet ?

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Je salue à mon tour l'augmentation du budget de 2 % autour de vos trois priorités : le soutien au secteur de la PAC, la prévention des risques sanitaires, la formation des jeunes. Je sais, monsieur le ministre, que vous êtes pleinement investi auprès des agriculteurs. Il est essentiel de leur envoyer un signal fort et un soutien financier : il n'est tout simplement plus acceptable qu'un tiers d'entre eux gagnent moins de 900 euros par mois. Les conclusions des états généraux de l'alimentation iront dans ce sens.

Avec Jérôme Despey, président de la chambre d'agriculture de l'Hérault, et les jeunes agriculteurs, nous voulons conforter la création de logements saisonniers, qui manquent cruellement dans notre territoire. Je sais, monsieur le ministre, que vous êtes un défenseur de cette idée car nous l'avons soutenue ensemble dans l'hémicycle lors de la précédente législature : vous n'êtes pas à votre poste par hasard, cher ministre !

Nous nous sommes battus et les agriculteurs ont montré une grande force de soutien, face à une société, Terra Fecundis pour ne pas la nommer, qui fournissait du personnel sans payer d'impôts en France. Aidez-nous à mettre en place une maison des saisonniers, une maison de formation de nos agriculteurs, qui permettra que des saisonniers français travaillent dans notre territoire.

Par ailleurs, à cause de l'étalement urbain, un département entier se perd tous les cinq ans. C'est dû à un mauvais aménagement du territoire et à la prolifération des centres commerciaux, qui ne représentent pas moins d'un million de mètres carrés, dénaturant notre paysage.

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Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Avec les états généraux de l'alimentation (EGA), une dynamique forte a été lancée. Je remercie chacun pour les innovations, les expérimentations, les solutions territoriales qui ont été portées, notamment les parlementaires qui se sont investis dans leurs territoires, avec les préfectures, les chambres d'agriculture, ou parfois seuls, pour créer des ateliers territoriaux. Bien évidemment, ce travail ne restera pas sans suite : il aurait été vain d'organiser des états généraux en en écrivant à l'avance les conclusions. Des groupes de parlementaires m'ont déjà remis leurs travaux ; j'attends ceux de Bertrand Pancher. Il est important de s'appuyer sur les initiatives territoriales pour alimenter notre réflexion et travailler à l'agenda des solutions que nous présenterons à la fin de l'année. La compilation de ces éléments contribuera à l'élaboration du projet de loi qui vous sera soumis au cours du premier semestre 2018.

Ces EGA ne sont d'ailleurs pas seulement une affaire d'élus ou d'administration, ils prennent en considération l'avis des citoyens, des consommateurs. Car au final, c'est le consommateur qui tient le bulletin de vote pour son alimentation, qui décide de ce qu'il veut trouver dans son assiette. On constate une demande pour relever le niveau de la qualité de notre alimentation, alors que pendant longtemps a prévalu une course effrénée au prix le plus bas. Mais, je veux le répéter, le prix le plus bas n'est pas le prix le plus juste ; le prix le plus juste, c'est celui qui rémunère tous les maillons de la chaîne, à commencer par le producteur. D'où la nécessité de retravailler la question de la construction du prix à partir des coûts de revient des exploitations. C'est toute une mécanique à remettre en place. Cela peut être complexe, étant donné l'hétérogénéité des exploitations et des territoires, mais il y faut revenir.

Les états généraux sont une chance. Chacun considère que nous sommes arrivés au bout d'un cycle et chacun devra prendre ses responsabilités, sur la construction du prix et l'élaboration de plans de filière. Nous avons demandé aux filières d'élaborer ces plans pour le 10 décembre. L'État est et restera dans son rôle d'accompagnateur, d'ensemblier pour aider les filières à résoudre leurs difficultés et à devenir plus innovantes, plus compétitives, à mieux anticiper les choix des consommateurs et les défis à venir. Nous leur avons demandé de bâtir des plans, mais pour elles-mêmes : il n'était pas question de nous faire une liste au Père Noël, en détaillant tout ce qu'elles attendent de l'État. Nous souhaitons que ceux qui ne travaillaient plus ensemble se parlent de nouveau. La filière ou l'interprofession du porc, par exemple, est une filière très courte, car la charcuterie n'y est pas présente ; et pourtant, elle représente 70 % des débouchés et une étape de transformation éminemment importante.

L'État sera évidemment présent et jouera tout son rôle pour accompagner nos filières agricoles. Ces états généraux ne sont pas une conférence supplémentaire pour éveiller les consciences et dresser des constats ; les constats ont été faits, nous les connaissons, nous devons aujourd'hui travailler sur des solutions concrètes. Cela demande de l'engagement. Je sais que ce que nous demandons aux filières n'est pas simple, mais le principe de responsabilité s'impose à tous, notamment sur la construction du prix et la répartition de la valeur entre le producteur, le transformateur et le distributeur.

On le voit bien avec la question du beurre qui a surgi ces derniers temps : on a affaire à une baisse de collecte, à laquelle s'ajoute une demande très forte de certains pays, tels que les États-Unis ou la Chine, mais aussi à l'impossibilité pour de nombreux transformateurs de répercuter la hausse massive des prix de la matière grasse. L'État, dans son rôle d'ensemblier, peut amener chacun à comprendre que, parce que nous sommes arrivés au bout d'un cycle, la relation entre producteur et distributeur doit changer. Les négociations commerciales qui vont s'engager à partir du 1er novembre ne doivent pas ressembler à celles qui se sont conclues en 2017 : elles devront se tenir dans l'esprit des états généraux.

Je vais tâcher de répondre à vos questions par grandes familles de sujets. Venant de la presqu'île du Cotentin, je suis très heureux que la pêche et l'aquaculture soient revenues dans la « grande maison ». La pêche aujourd'hui se porte bien parce que la demande est là, les prix sont là, la baisse du gasoil a permis aux pêcheurs d'être plus compétitifs. Mais deux inquiétudes demeurent, l'une sur le renouvellement de la flottille, l'autre sur le Brexit.

Cela fait cinq mois que les discussions avec le Royaume-Uni ont été engagées. Je le redis : la pêche ne sera pas la variable d'ajustement du Brexit. Nous sommes une grande nation maritime et la France doit porter une ambition maritime. La pêche fera partie de la seconde phase de discussion qui doit s'ouvrir dès que le Conseil européen aura constaté des progrès suffisants sur le retrait du Royaume-Uni. Nous savons que la discussion sera difficile car l'intérêt britannique à recouvrer la maîtrise de ses eaux est grand, et la pêche devra être traitée dans un équilibre global de négociations. Nous sommes parfaitement mobilisés. Avec Michel Barnier qui conduit les négociations pour les vingt-sept, nous avançons soudés. Nous savons que les Britanniques essaient d'engager des discussions avec tel et tel État membre de manière bilatérale mais nous devons rester soudés : nous sommes vingt-sept, nous négocions à vingt-sept d'abord les conditions de sortie du Royaume-Uni, les conditions politiques, les conditions financières ; ensuite seulement nous pourrons discuter entre États membres des solutions à apporter à ces problèmes.

L'aquaculture a un potentiel de développement très fort. J'ai créé dans ma région le centre régional de l'aquaculture. Le contexte est favorable, la demande est soutenue, mais la production stagne en raison de blocages qui empêchent l'émergence de nouvelles exploitations. Nous devons conduire un gros travail sur la complexité de la réglementation environnementale et les craintes des impacts négatifs. Différentes initiatives sont en cours, dont les travaux entre services de l'État et professionnels dans le cadre du plan de progrès pour la pisciculture et l'élaboration des documents stratégiques de façade. Le Président de la République a également demandé un plan stratégique de la filière aquacole. Celle-ci aura tout le loisir de nous présenter un plan d'action afin que nous puissions la soutenir et répondre aux besoins des consommateurs.

S'agissant des territoires d'outre-mer, le Gouvernement, en liaison avec les collectivités territoriales, est très attentif à la situation des agriculteurs et à celle des pêcheurs. Je me rendrai d'ici à la fin de l'année en Guadeloupe et en Martinique pour rencontrer l'ensemble des acteurs locaux et faire le point avec eux. Je sais pertinemment que le renouvellement de la flottille est une question tout particulièrement stratégique dans ces territoires, notamment en termes de sécurité et de redéploiement de certaines activités. Le cadre européen empêche aujourd'hui toute aide publique pour un tel renouvellement, mais le rapport d'initiative du Parlement européen sur la gestion des flottes de pêche dans les régions ultrapériphériques (RUP), rendu public le 27 avril, demande à la Commission d'assouplir le cadre existant. Un séminaire des RUP a lieu actuellement en Guadeloupe. Le Président de la République s'y est rendu cette nuit avec le président Juncker ; j'imagine que ces questions sont au menu de leurs discussions. Nous avons formellement sollicité ce renouvellement à la Commission et j'ai eu l'occasion de l'évoquer personnellement avec le commissaire à la pêche, M. Vella. Je pense que le message a été entendu : il pourrait y avoir des accompagnements financiers, moyennant certaines conditions. Les assises de l'outre-mer peuvent également apporter des solutions.

En ce qui concerne les zones défavorisées simples (ZDS), je vais relancer dans les semaines à venir le travail sur leur révision afin que nous puissions transmettre un nouveau zonage à la Commission dès le printemps. Je souhaite travailler avec les territoires, les élus et les services déconcentrés. Il faut aussi rester dans un contexte budgétaire soutenable : toute augmentation des dépenses nécessite un nouveau transfert du premier vers le second pilier, et cela ne me semble pas souhaitable. J'associerai toutes celles et tous ceux qui le souhaitent à l'élaboration de la nouvelle cartographie ; il me paraît important de recueillir l'avis de celles et ceux qui représentent les territoires, à commencer par les parlementaires.

Après deux années de crise dans le secteur du lait, la situation des marchés européens et internationaux s'est nettement redressée, ce qui a permis une augmentation du prix payé au producteur dès cet été. Je reste toutefois vigilant, notamment en raison de l'importance des stocks de poudre de lait : 400 000 tonnes de stocks européens seront remises sur le marché en 2018. Je serai également attentif à ce que la filière, une filière essentielle – en particulier dans l'ouest de la France, premier bassin laitier européen – négocie un plan d'action robuste dans le cadre des EGA pour améliorer son fonctionnement.

Sortir des ATR, c'est en effet, monsieur Morel-A-L'Huissier, revenir au calendrier normal des aides PAC. Comme je l'ai dit, nous allons revenir à un calendrier vertueux en 2018 et, pour y parvenir, nous dégagerons des moyens en ETP dans les directions départementales : 350 postes fléchés, auxquels nous avons ajouté 300 postes pour accélérer le traitement des dossiers. Ce sont également de nouveaux moyens en investissement, en direction de l'Agence de services et de paiement : 30 millions d'investissement en 2018, sur l'outil informatique, qui a largement fait défaut dans le paiement des aides aux agriculteurs.

Nous avons un plan d'action ambitieux sur le bien-être animal : renforcement du contrôle et des sanctions, 4 500 inspections, audits renforcés… Les actes de cruauté sont désormais considérés comme des délits et c'est important. Il faut pouvoir aussi accompagner les agriculteurs en difficulté et former les professionnels de toute la chaîne, sur le transport, l'élevage, l'abattage. Nous souhaitons enfin créer en 2018 un centre national de référence au sein de l'INRA, qui sera spécifiquement dédié au bien-être animal.

Vous m'avez interrogé, et l'on m'interroge souvent, sur les relations entre le ministère de l'agriculture et le ministère de l'environnement. C'est un vieux gimmick, aussi vieux que le ministère de l'environnement… On cherche toujours à opposer l'environnement et l'agriculture, comme on cherche à opposer l'industrie et l'environnement, et ainsi de suite. Mais s'il peut exister des différences d'analyse, il n'en reste pas moins que nous travaillons sur des objectifs communs. Le travail se fait en interministériel : des réunions ont lieu chaque semaine sur chacun des sujets. Nous travaillons sur la prédation et c'est difficile, mais il faut avancer, dans la pédagogie, la concertation, et nous aboutirons. L'esprit est le même que dans les états généraux : un accord interministériel qui fonctionne, c'est un accord gagnant-gagnant. Les services et les cabinets sont totalement mobilisés dans ce sens, pour identifier les enjeux et les contraintes : le but est d'aboutir à des arbitrages clairs, rendus sous l'autorité du Premier ministre.

En ce qui concerne la filière viticole, je me suis rendu dans la région bordelaise et je sais les dégâts causés qu'ont causés le gel et la grêle. Nous devons travailler à des plans de filière avec les acteurs économiques, qui sont invités à trouver ensemble des pistes communes et à prendre des engagements. L'assurance récolte relève d'un autre cadre : le rôle de l'État est de sensibiliser l'ensemble des acteurs à la gestion des risques et à l'appropriation des dispositifs d'assurance récolte, trop souvent méconnus – il faut savoir que l'État prend en charge jusqu'à 65 % des montants. Les épisodes de gel ont été ravageurs et, dès ma prise de fonctions, j'ai pris une série de mesures destinées à accompagner les régions viticoles les plus touchées. Des instructions ont été données : examens bienveillants des services de l'État, exonération de taxe sur le foncier non bâti, extension au secteur de la viticulture des moyens permettant d'accompagner la prise en charge des frais financiers liés à la restructuration de l'endettement… Des travaux sont également en cours en vue d'une année blanche pour les annuités bancaires.

J'ai souhaité maintenir à 10 % en 2018 le niveau du paiement redistributif afin de tenir compte du transfert supplémentaire des crédits du premier pilier vers le second pilier.

S'agissant des zones intermédiaires, il convient de mener une réflexion sur la nécessaire transformation des systèmes de production dans certaines régions dont on connaît la fragilité. Nous pouvons les accompagner pour les rendre plus performantes, mais aussi plus vertueuses sur le plan environnemental. J'étais la semaine dernière dans l'Aube, où j'ai visité un certain nombre d'exploitants qui travaillent à la reconfiguration de leur modèle d'exploitation. Des recettes, qui existaient il y a de nombreuses années, reviennent au jour : nous avons par exemple visité une coopérative qui remet à l'honneur le sainfoin, une légumineuse qui sert à la fois d'aliment pour le bétail et de fertilisant pour les sols. Nous devons soutenir de telles expérimentations dans les zones intermédiaires. Ces expérimentations permettent de créer de la compétitivité et de l'emploi.

Je ne reviens pas sur le transfert du premier au deuxième pilier. Il a suscité des réactions variées et souvent contraires ; il était nécessaire, car il fallait faire face à des contraintes plus fortes, notamment pour répondre aux demandes d'agriculture biologique et à l'assurance récolte. L'objectif à présent est de définir avec les régions, qui sont l'autorité de gestion du FEADER, une utilisation optimale de ce transfert. Une première réunion du comité État-régions s'est tenue, au cours de laquelle les régions se sont entendues pour définir le périmètre dans lequel la maquette serait versée. J'attends aujourd'hui qu'elles nous disent ce qu'elles entendent faire de ces moyens, notamment sur l'agriculture biologique, et que nous nous mettions d'accord sur une répartition des sommes.

Je sais le poids que l'enseignement agricole privé peut peser dans certaines régions, notamment dans l'ouest, en Mayenne en particulier. Je reconnais la contribution essentielle de l'enseignement privé au service public d'éducation et à la formation, qui représente 62 % de l'effectif total des élèves. Nous accompagnons l'enseignement agricole privé par le biais des protocoles pluriannuels conclus avec les deux fédérations, CNEAP et Maisons familiales rurales, pour plus de 350 millions d'euros par an. Des négociations sont en cours pour renouveler ces protocoles, qui s'achèvent fin 2017. Nous devons, dans le cadre budgétaire contraint qui est le nôtre, améliorer encore le soutien de l'État à l'enseignement privé.

Le taux de couverture théorique d'un élève est de 78,4 % en 2016, en augmentation par rapport à 2002, où il était de 76 %. La dépense par élève pour le public est plus élevée que pour le privé du temps plein ; toutefois, l'écart de la dotation par élève entre le public et le privé s'est réduit depuis 2012.

Lors de la rentrée scolaire, trente-sept classes ont été ouvertes cette année : quinze dans le public et vingt-deux dans le privé. Les effectifs des enseignants sont stables, parce que j'ai souhaité que l'enseignement agricole soit traité de la même façon que l'éducation nationale, qui connaît, contrairement au ministère de l'agriculture, une augmentation de ses effectifs d'enseignants. J'ai souhaité une logique de stabilité car l'enseignement agricole permet à nos jeunes d'aller vers l'emploi : 98 % des jeunes sortant de l'enseignement agricole, public ou privé, trouvent un emploi. C'est une force sur laquelle nous devons nous appuyer.

Je vous livre à ce propos une information complémentaire : vous connaissez le débat autour des admissions post-bac. Mais dans l'enseignement supérieur agricole, il reste 3 500 places disponibles. Faites-en la promotion, l'enseignement supérieur agricole offre une série de formations qui ouvrent à des belles professions et de nouveaux métiers. Nous pouvons accueillir un certain nombre d'élèves.

Pour l'accompagnement des élèves en situation de handicap, nous avons obtenu le maintien des contrats aidés, comme dans l'éducation nationale. C'est essentiel, parce que pour bon nombre de familles d'élèves concernés sont très sensibles à cette question et ont besoin d'être accompagnées.

Sur la forêt et le bois, et en particulier l'utilisation des centimes forestiers, deux textes, un décret et un arrêté, ont été publiés en mai. Il est prévu que les chambres régionales qui le souhaitent mettent en oeuvre un service commun dénommé « valorisation du bois et territoires ». Le dispositif comme son financement demeurent au sein de la sphère des chambres, mais une meilleure représentation des forestiers est assurée pour l'utilisation de ces crédits. Il permet de cibler les centimes forestiers sur les chambres qui mettent effectivement en oeuvre des actions au profit du secteur forêt-bois ; de bien distinguer le champ d'action des chambres vis-à-vis de celui des CRPF (centres régionaux de la propriété forestière) ; d'affiner clairement le rôle que doivent jouer les chambres auprès du secteur forestier et de permettre une meilleure représentation des forestiers, pour qu'ils décident aussi de l'utilisation de ces crédits.

Le secteur forêt-bois a besoin des chambres d'agriculture, de leur technicité et de leurs compétences ; il est indispensable que celles-ci puissent travailler en synergie avec le CRPF, très impliqué auprès des forestiers. Le travail doit être lancé dans les territoires ; il est trop tôt aujourd'hui pour évoquer un rapprochement entre les CRPF et les chambres d'agriculture, mais il va être demandé aux directions régionales de l'agriculture et de la forêt de s'investir dans ces dossiers, afin de faciliter les échanges entre les différentes structures.

J'ai été interrogé sur les politiques foncières, notamment lorsque des intérêts étrangers viennent investir dans des terrains, comme c'est le cas dans l'Allier. Lors du dernier quinquennat, nous avons adopté une proposition de loi de Dominique Potier sur l'accaparement des terres. Ce texte porte une ambition pour la protection des terres, afin que nos exploitants aient de bonnes conditions pour travailler. La révélation en 2016 de l'achat par un groupe chinois de 1 700 hectares de terres agricoles avait suscité un émoi très important dans un autre département.

Nous avons demandé un rapport sur ces sujets au Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux. D'autres transactions ont eu lieu depuis. Le problème ne porte pas sur la nationalité des acquéreurs que sur le caractère inadapté des outils de régulation. À la suite du rapport du CGAER, nous lancerons les réflexions sur la rénovation des outils de régulation du foncier agricole, dont certains datent de plus de soixante-dix ans. Nous saurons mobiliser les parlementaires pour travailler à cette question du foncier agricole.

Sur l'innovation, l'agriculture doit répondre à des défis majeurs ; nous devons faire en sorte que la recherche et l'innovation soient bien ciblées dans l'ensemble des secteurs portés par ce ministère. Sur la réduction des produits phytosanitaires et des antibiotiques, le plan Écoantibio connaît de très bons résultats, et je vous invite à le faire savoir. Sur les nouvelles pratiques, notamment la transformation des systèmes, nous devons dégager des moyens sur la recherche pour le développement des bioressources et l'adaptation au changement climatique. Nous disposons d'un certain nombre de leviers et de moyens sur les crédits d'intervention du ministère de l'agriculture et de l'alimentation et ceux du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche ; le compte d'affectation spéciale « développement agricole et rural » (CASDAR), mais aussi le programme d'investissements d'avenir, et les interprofessions, par le biais des cotisations volontaires obligatoires (CVO). De son côté, l'atelier 14 des états généraux de l'alimentation, atelier transversal dédié à l'innovation, doit apporter un certain nombre d'idées.

Les incendies et la sécheresse ont sévi dans un certain nombre de territoires ; la Corse notamment a fait face à une sécheresse exceptionnelle, et les éleveurs se retrouvent confrontés à un manque de fourrage. Les services de l'État en Corse sont en train de finaliser une demande de reconnaissance qui sera présentée prochainement, et nous envisageons une intervention financière pour aider l'ensemble des éleveurs. Je suis très attentif à la situation de cette sécheresse en Corse, et prêt à rencontrer les élus concernés pour faire un point avec eux sur ces sujets.

Les incendies ont également meurtri un bon nombre de territoires du sud de la France l'été dernier. Le Gard fait partie des territoires particulièrement exposés au risque incendie. Les surfaces forestières incendiées dans le Gard en 2017 représentent moins de 500 hectares pour 20 000 hectares sur la zone méditerranéenne. Nous intervenons en amont, sur la prévention des feux de forêts, mais nous n'intervenons pas sur la restauration des terrains incendiés ; la reconstitution des écosystèmes brûlés s'effectue essentiellement par régénération naturelle des peuplements au cours des années qui suivent. Hormis les travaux de mise en sécurité et de lutte contre l'érosion des terrains en pente, des compléments de régénération peuvent être apportés par les propriétaires forestiers.

Au-delà de 2018, notre vision est celle d'une agriculture qui permet à chaque maillon de vivre dignement de son travail et de ses revenus. Une agriculture qui fournisse une alimentation toujours plus saine, toujours plus sûre, toujours plus durable, et qui soit accessible à tous. Les consommateurs ne veulent plus de l'alimentation low cost. Nous allons nous employer à ce que les états généraux de l'alimentation produisent les effets nécessaires pour inverser la tendance.

Ce sont les deux axes des états généraux de l'alimentation, pour aller vers une agriculture multiperformante sous l'angle économique, sur le plan social, sur le plan environnemental, et aussi sur le plan sanitaire. Nous devons construire ensemble des trajectoires de transformation.

J'ai entendu dire que lors des épisodes de grippe aviaire, le vide sanitaire pratiqué dans certains élevages pouvait créer de la colère lorsque les élevages n'étaient pas forcément touchés. Mais s'il est une chose sur laquelle nous ne devons pas faiblir, c'est la question sanitaire. Elle est essentielle, car si nous n'appliquons pas un certain nombre de principes, nous pourrions nous retrouver face à des épizooties beaucoup plus graves que celles que nous avons eues à connaître, et nous devons préserver nos territoires et nos filières.

Je veux faire passer ce message fort : les règles en matière de sécurité sanitaire doivent être respectées. Dans la simplification que nous souhaitons mettre en oeuvre, dans le travail avec les territoires que nous souhaitons conduire, il est parfois nécessaire que l'administration soit bienveillante et fasse son travail en prenant en compte les spécificités territoriales. Mais en ce qui concerne la sécurité sanitaire des aliments et des élevages, nous devons rester très fermes pour que notre agriculture continue à irriguer nos territoires, et soit financièrement et économiquement totalement viable et fiable.

Enfin, monsieur Vignal, quand on vote un amendement sous le quinquennat précédent, on ne change pas forcément d'avis quand le quinquennat nouveau arrive… Bien évidemment, je soutiens votre démarche. L'emploi saisonnier est important pour un certain nombre de territoires, et il est lié à la question du travail détaché que le Président de la République porte avec le Premier ministre.

Voilà, monsieur le président, ce que je pouvais répondre à vos questions ; je me tiens bien évidemment à la disposition des parlementaires pour leur apporter toutes les précisions utiles.

La réunion de la commission élargie s'achève à onze heures quarante-cinq.

Le Directeur du service des comptes rendus des commissions,

Nicolas VÉRON© Assemblée nationale