La réunion

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La séance est ouverte à 14 heures 35.

Présidence de Mme Cécile Untermaier, vice-présidente.

La Commission poursuit l'examen des articles du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, d'orientation et de programmation du ministère de la Justice (n° 1346) (M. Jean Terlier, rapporteur général, MM. Erwan Balanant et Philippe Pradal, rapporteurs).

Lien vidéo : https://assnat.fr/zzJ4IH

Projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la Justice (suite)

Article 3 (Suite) (art. L. 612-1 du code pénitentiaire et art. 59-1 [nouveau], 63-3, 80-1-1, 142-6, 142-6-1 [nouveau], 156, 161-2, 167, 167-2, 186, 186-1, 230-34-1 [nouveau], 230-36, 397-1, 397-2, 397-3, 706-96-1, 706-96-2 [nouveau], 706-97, 803-5 et 803-7 du code de procédure pénale) : Dispositions relatives à l'enquête, à l'instruction, au jugement et à l'exécution des peines

Amendements identiques CL78 de Mme Caroline Yadan et CL343 de Mme Emeline K/Bidi.

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Il s'agit de faire en sorte que le témoin assisté ait accès au dossier avant qu'il soit entendu. Il doit être considéré comme une partie à part entière. Il y va aussi du respect du principe du contradictoire, si cher à notre droit, en particulier dans le code de procédure pénale. L'amendement CL78 s'inscrit ainsi dans la réforme globale du statut du témoin assisté engagée par le projet de loi.

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Nous avons débattu tout à l'heure de l'accès au dossier pour les avocats des personnes prévenues ; il s'agit ici des témoins assistés. Ces derniers – ou leur conseil – doivent avoir accès au dossier pénal. Il s'agit de garantir le respect du contradictoire et des droits de la défense.

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La première partie de la demande sur l'accès au dossier par le témoin assisté me semble satisfaite par l'article 113-3 du code de procédure pénale. Pour le reste, je vous aurais volontiers invitées à retirer ces amendements, mais je crois que M. le ministre fera preuve de bienveillance… Je lui laisse donc le soin de vous répondre.

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Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

La première partie est amplement satisfaite par les dispositions des articles 113-3 et 114 du code de procédure pénale : le témoin assisté a d'ores et déjà accès au dossier de la procédure.

La seconde, quant à elle, vise à faire en sorte que les avocats des parties disposent d'une copie du dossier de la procédure dès la réception de la convocation. Aujourd'hui, la délivrance intervient après l'interrogatoire de première comparution. Toutefois, à ce stade, l'intéressé peut garder le silence et, même si la copie de la procédure n'a pas encore été transmise, l'avocat a accès au dossier. Ma seule réserve envers votre proposition tient au fait que, pour que le dossier puisse être communiqué, il faut qu'il ait été coté et mis en ordre.

Je m'en remets à la sagesse de la commission.

La commission adopte les amendements.

Amendement CL787 du Gouvernement.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

C'est le juge des libertés et de la détention (JLD), et non plus le tribunal, qui sera compétent pour examiner les demandes de modification du contrôle judiciaire dans le cadre des procédures rapides. Dans le prolongement de ces dispositions, le Sénat a considéré que le JLD devait être également compétent dans ce domaine lorsque la personne renvoyée devant la juridiction de jugement est placée ou maintenue sous contrôle judiciaire.

L'amendement CL787 vise à apporter quelques précisions d'ordre technique. Il s'agit d'indiquer plus clairement que c'est le JLD qui est par principe compétent, même si la juridiction de jugement peut également statuer sur de telles demandes dans le cas où elles sont formées lors de l'audience. Il convient, par ailleurs, d'indiquer les délais dans lesquels le JLD doit statuer – pour cela, nous proposons de renvoyer à l'article 148-2 du code de procédure pénale. Enfin, l'appel devra être formé dans les vingt-quatre heures, comme c'est déjà le cas en application de l'article 501 du code.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission adopte l'amendement.

En conséquence, les amendements CL855 et CL856 de M. Erwan Balanant tombent.

Amendement CL223 de M. Ian Boucard.

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L'article 3 vise à renforcer les droits du témoin assisté, notamment en matière d'expertise. C'est une bonne chose, mais la procédure devant le juge d'instruction s'en trouvera considérablement alourdie, en raison d'une très probable recrudescence des recours. Dans ce contexte, je pense que mon amendement est intéressant mais, dans la mesure où nous venons de réécrire les alinéas 27 à 29 avec l'amendement du garde des sceaux, je retire le mien pour en revoir la rédaction d'ici à la séance.

L'amendement est retiré.

Amendement CL439 de Mme Pascale Bordes.

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L'article 3 dispose : « En matière correctionnelle, lorsque la peine encourue est égale ou supérieure à trois ans d'emprisonnement, s'il n'a pas été procédé à la vérification de la faisabilité technique de la mesure par le service pénitentiaire d'insertion et de probation ou que ces vérifications ne sont pas achevées, le juge des libertés et de la détention peut ordonner le placement conditionnel de la personne mise en examen sous assignation à résidence avec surveillance électronique en décidant de son incarcération provisoire jusqu'à ce que l'assignation puisse être mise en œuvre ou, au plus tard, jusqu'à l'expiration d'une période de quinze jours. » Ce dispositif tend à favoriser à l'excès le recours à l'assignation à résidence sous surveillance électronique (Arse). Celle-ci est même érigée en principe. Plutôt que de privilégier directement les peines alternatives à la détention, nous préférons conserver les courtes peines de prison. Nous vous demandons donc de supprimer les alinéas 33 à 39.

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Il y a là beaucoup plus qu'une différence d'appréciation entre le Rassemblement national et la majorité – et, au-delà, une bonne partie de l'Assemblée nationale : c'est pour ainsi dire une différence idéologique. L'Arse est bien encadrée. Surtout, elle est utile, précisément parce qu'elle constitue une solution alternative à la détention provisoire. En ce qui me concerne, je ne comprends pas le sens d'une courte incarcération, qui n'est accompagnée d'aucun travail d'insertion. Avis défavorable.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Il y a là, effectivement, une différence d'ordre philosophique entre nous. La liberté est la règle, la détention est l'exception. C'est un principe séculaire. Il n'est donc pas anormal que le texte s'inscrive dans cette logique. On peut vouloir inverser les choses ; pour ma part, je n'y suis en aucune façon favorable. Chaque fois que l'on peut éviter la détention, il faut le faire. La décision est laissée à la libre appréciation des magistrats, qui prennent en considération la gravité des faits et la personnalité de l'auteur.

Je considère que les courtes peines sont totalement inefficaces. Plusieurs de nos voisins européens – même les Pays-Bas, contrairement à ce que j'ai entendu – y ont totalement renoncé. Pour certains jeunes, passer quelques jours en prison équivaut à recevoir des galons – c'est « LOL » ! Je ne veux pas de cela. Par ailleurs, dans le cadre d'une courte peine, aucune mesure de réinsertion n'est envisageable.

Nous devrions pouvoir nous entendre sur ces sujets, qui sont absolument fondamentaux. Ce n'est pas en versant dans la radicalité – d'un côté comme de l'autre, d'ailleurs – que nous y parviendrons. L'Arse fonctionne plutôt bien, comme le travail d'intérêt général (TIG), créé il y a tout juste quarante ans.

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Le débat peut être placé sur le plan philosophique, mais aussi sur le plan scientifique, car de nombreuses études démontrent que les courtes peines ne sont pas toujours le moyen le plus approprié de lutter contre la récidive. En quelques semaines ou en quelques mois, un détenu peut perdre le lien avec sa famille, son logement ou son emploi. C'est parce que nous entendons favoriser la réinsertion et lutter contre la récidive que nous avons toujours été opposés aux courtes peines. À cet égard, je rappelle que l'Arse n'est pas une peine : elle concerne des personnes présumées innocentes. Le choix, pour elles, est entre la détention provisoire et l'assignation à résidence.

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Ce débat est très intéressant et, une fois n'est pas coutume, monsieur garde des sceaux, je suis d'accord avec ce que vous venez de dire, notamment à propos des jeunes et des courtes peines. La prison est d'abord une école de la délinquance. Dans les quartiers – et pas seulement, d'ailleurs – le fait d'avoir été condamné à quelques jours de prison est une sorte de trophée. J'approuve également les propos de Mme Abadie.

Toutefois, certains mineurs ou jeunes majeurs condamnés seize ou dix-sept fois ne sont jamais allés en prison et n'ont jamais été sanctionnés d'aucune façon : cela ne fonctionne pas non plus. La clémence et le laxisme ne sont pas une solution. La question que je vous pose, monsieur le garde des sceaux, est donc quasiment philosophique : que proposez-vous ?

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Le code de la justice pénale des mineurs, le code de procédure pénale et le code pénal !

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C'est aussi pour cela, monsieur Boucard, que nous aurons une réflexion sur les TIG, qui, souvent, remplacent avantageusement une peine de détention. Nous sommes d'accord sur ce point, me semble-t-il. Essayons donc d'avancer dans cette direction. La prison n'est pas toujours la meilleure des peines.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CL437 de Mme Pascale Bordes.

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Il s'agit en quelque sorte d'un amendement de repli. Aux termes de l'alinéa 34, une personne placée en détention provisoire pourrait bénéficier de l'Arse au bout de quinze jours ; maissi l'enquête de faisabilité n'a pas encore abouti, elle serait remise en liberté. Le procédé me paraît étonnant. Il convient de maintenir la personne en détention « jusqu'à ce que l'assignation puisse être mise en œuvre ». Je vous propose donc, après ces mots, de supprimer la fin de l'alinéa.

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Le délai de quinze jours est un point d'équilibre entre ceux qui ne voudraient fixer aucun terme à l'incarcération et ceux qui voudraient la limiter à cinq jours. Avis défavorable.

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Vous avez dit, à propos de l'amendement précédent, que vous étiez hostile aux courtes peines de prison, ce que je peux comprendre. Emprisonner une personne pendant quinze jours avant de la libérer, cela revient à créer une courte peine de prison. J'ai un peu de mal à vous suivre…

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Attention, madame Bordes, il ne s'agit pas là d'une peine, et cela change tout. Nous parlons de détention provisoire, dans l'attente d'un jugement : la personne est présumée innocente.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Dans la procédure pénale, le juge a le choix entre la libération pure et simple, le contrôle judiciaire, l'Arse et la détention – tout en sachant qu'une enquête de personnalité est nécessaire pour prononcer l'Arse. Le délai de quinze jours que nous proposons a une vocation incitative : il s'agit d'encourager le service pénitentiaire d'insertion et de probation (Spip) à rendre très rapidement ses conclusions. Ce sera d'autant plus faisable que, une fois que le texte aura été adopté, la justice aura davantage de moyens.

La commission rejette l'amendement.

Amendements CL857 de M. Erwan Balanant et CL647 de M. Jérémie Iordanoff, amendements identiques CL109 de Mme Cécile Untermaier et CL503 de M. Jean-Félix Acquaviva, amendements identiques CL349 de Mme Elsa Faucillon, CL394 de M. Ugo Bernalicis et CL502 de M. Jean-Félix Acquaviva (discussion commune).

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L'amendement CL647 vise à encadrer le placement sous Arse. Certes, la mesure est très intéressante pour éviter la détention provisoire, mais le délai de quinze jours nous semble problématique, puisque rien n'indique que les conditions du maintien de la personne en détention sont réunies. Or, comme vous l'avez dit, monsieur le ministre, la liberté est la règle, la détention est l'exception.

Nous proposons donc de réduire le délai à dix jours. Si, à l'expiration de ce délai, l'enquête de faisabilité n'est pas terminée, la personne sera soit remise en liberté, soit placée sous contrôle judiciaire. Puisque la justice disposera de davantage de moyens grâce à cette loi, il y aura plus de Spip, et ces derniers pourront mener les enquêtes en dix jours. Quoi qu'il en soit, la durée de la détention provisoire ne saurait être la variable d'ajustement permettant de pallier le manque de moyens de la justice.

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Je souscris aux propos de M. le garde des sceaux et de Mme Abadie concernant l'inefficacité des peines courtes. J'ai entendu l'une de nos collègues prétendre que l'on pouvait faire dire ce que l'on voulait aux études. C'est terriblement méprisant pour les centaines de chercheurs, dans le monde entier, qui ont tous abouti aux mêmes conclusions. Je vous renvoie également aux résultats de la conférence de consensus sur la prévention de la récidive, très argumentés et documentés.

Un amendement, déposé au Sénat et qui émanait du Conseil national des barreaux, visait à ramener à cinq jours le délai d'incarcération des personnes mises en cause, de manière à accélérer leur placement sous Arse. Notre amendement CL109 propose un compromis en le limitant plutôt à dix jours.

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L'amendement CL502 a pour objet de limiter le délai de la détention provisoire à cinq jours, conformément à la durée prévue à l'article 7237-1 du code de procédure pénale pour déterminer la faisabilité et les modalités de la peine de détention à domicile sous surveillance électronique.

L'amendement CL503 est de repli : il fixe le délai à dix jours.

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Oui, les courtes peines sont inefficaces. Certaines études montrent même qu'elles sont contre-productives.

J'en viens à l'amendement CL349. Nous proposons quant à nous de retenir la préconisation du Conseil national des barreaux, à savoir un délai de cinq jours. Vous nous répondrez qu'il risque d'être difficile à tenir. D'abord, s'il fallait calquer le champ des libertés sur l'étendue des moyens, nous devrions les limiter encore plus qu'elles ne le sont déjà. Ensuite, il sera sans doute possible, en séance, de faire en sorte que la personne mise en cause obtienne l'Arse à l'expiration de ces cinq jours même si l'étude de faisabilité n'est pas achevée – car nous ne saurions lui faire payer notre incapacité à respecter ce délai.

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Je partage la position de Mme Faucillon. La détention provisoire concerne des personnes en attente de procès, et non pas des personnes condamnées. Nous soutenons le dispositif proposé, mais le délai doit être réduit. Le Sénat l'a réduit à quinze jours, il faut aller encore plus loin : nous proposons cinq jours.

Incarcérer davantage et plus longtemps n'est pas efficace. C'est même contre-productif : la prison fabrique des délinquants. J'invite les députés du Rassemblement national à lire le célèbre ouvrage de Michel Foucault, Surveiller et punir, pour s'en convaincre.

Par ailleurs, et comme ils aiment à citer des faits divers, je leur en rappellerai un particulièrement terrible : un homme de 74 ans s'est donné la mort au cours de sa détention provisoire à la maison d'arrêt de Nanterre. S'il n'avait pas été placé en détention provisoire, ce qui était tout à fait possible, il serait encore vivant.

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La durée de quinze jours couvre en réalité deux étapes : la première dure dix jours et sert à évaluer la faisabilité technique, la seconde cinq jours et permet d'organiser le débat contradictoire. Il est ressorti des auditions que les dix jours accordés à l'évaluation constituaient un étiage. Selon les représentants des Spip, ce délai pourrait même se révéler un peu court. Les moyens ne sont pas seuls en cause : il est parfois difficile de se procurer certaines pièces, et les week-ends ou les ponts réduisent la durée effective.

Si nous imposons des délais trop courts, madame Faucillon, le dispositif ne fonctionnera pas, et le juge se protégera en optant directement pour le placement en détention provisoire.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

L'objectif est de disposer d'un outil supplémentaire, et efficace. Prononcer une Arse après la mise en examen ne fonctionne pas, car alors il n'y a pas d'enquête de faisabilité, laquelle est indispensable.

Le délai de quinze jours recouvre à la fois le temps de l'enquête, menée par le Spip, et, en cas de conclusions défavorables, celui nécessaire pour organiser le débat contradictoire. Ce délai n'a donc rien d'excessif. Nous poursuivons le même objectif, madame Faucillon, mais si on impose un délai trop court, on n'arrivera pas à mener à bien ces deux étapes, et le juge d'instruction aura davantage recours à la détention provisoire.

L'Arse est à la main du juge d'instruction et du JLD. C'est une solution adaptée pour certains faits et certaines personnalités ; pour d'autres, en revanche, on ne peut pas envisager de l'utiliser – d'ailleurs, aucun magistrat ne le fait. Nous mettons en place ce nouvel outil, qui va dans le sens d'une diminution de la détention provisoire. Il constitue une amélioration : n'en faisons pas trop, au risque de rater l'objectif.

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Il n'est en effet pas pertinent de placer le débat sur le terrain de la peine, car il s'agit ici de détention provisoire. On connaît les conditions pour qu'elle soit prononcée : risques de pressions sur les témoins ou sur les victimes, collusion, troubles à l'ordre public…

Lorsque l'on connaît un peu le fonctionnement des Spip, il semble évident qu'un délai de cinq jours n'est pas suffisant : outre les contingences liées aux ressources humaines, il faut tenir compte des délais de transmission des pièces, et il suffit de tomber sur un week-end ou un jour férié pour que la contrainte devienne impossible à respecter. L'objectif est que les Spip puissent faire leur travail : en leur imposant de s'en tenir à cinq jours, on est à côté de la cible.

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Comme l'a souligné Elsa Faucillon, vous partez de contingences matérielles pour en déduire des dispositions législatives. C'est l'inverse qui paraîtrait normal : définir les règles qui semblent les bonnes, puis faire en sorte que l'intendance suive. Il est vrai que les Spip n'ont pas beaucoup de moyens. Tous ces bracelets électroniques – dans le cadre de l'Arse ou de la détention à domicile sous surveillance électronique (DDSE) – leur prennent beaucoup de temps.

D'ailleurs, une substitution s'est opérée, avec pour conséquence que l'objectif n'a pas été atteint : il y a plus de DDSE mais moins de TIG ; de même, il y a plus d'Arse mais moins de contrôle judiciaire. On finit par oublier que le contrôle judiciaire sans bracelet existe – et fonctionne, du reste. On oublie aussi que, dans notre raisonnement, c'est la liberté qui doit primer, et non le principe de précaution avec un recours à l'enfermement.

Si l'on suit votre raisonnement, monsieur le ministre, il faut revoir le cadre de la détention provisoire en fixant des conditions beaucoup plus strictes pour que cette mesure soit moins prononcée, et, parallèlement, favoriser le contrôle judiciaire, la surveillance sous bracelet électronique n'intervenant qu'à titre de substitution, si nécessaire.

Le bracelet donne l'impression de la sécurité par rapport au contrôle judiciaire : la technologie rassure… Or, tout prouve que cela ne change pas grand-chose. Au contraire, la surveillance électronique est anxiogène pour la personne qui la subit. Celle-ci est poussée à enfreindre les règles qui lui sont imposées, parce que les horaires sont difficiles à respecter et que la vie impose ses propres contraintes.

Oui, nous continuons à défendre un délai de cinq jours, parce que c'est un objectif qui doit pouvoir être atteint. Avec 7,5 milliards, monsieur le ministre, vous pouvez y arriver, et même plutôt cinq fois qu'une !

La commission adopte l'amendement CL857.

En conséquence, les autres amendements tombent.

Amendement CL452 de Mme Andrée Taurinya.

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Il s'agit d'un amendement de repli visant à créer une procédure d'appel de la décision prise par le JLD. Le fait que le texte ne prévoie pas de possibilité d'appel montre bien que la volonté du Gouvernement est non pas de faire justice, mais de contrôler, quoi qu'il en coûte, les personnes prévenues, au détriment de la présomption d'innocence et des garanties procédurales qu'un État de droit se doit de fournir. Le double degré de juridiction est la règle en droit : il y a la première instance, puis l'appel – à quoi s'ajoute la cassation.

En outre, nous contestons l'orientation contrainte vers l'Arse. Il faut laisser au juge la possibilité de recourir à l'ensemble des possibilités qui lui sont offertes en matière de solutions alternatives à la détention provisoire, comme le contrôle judiciaire.

L'encombrement que subissent les JLD peut les conduire à prendre de mauvaises décisions. J'en veux pour preuve le nombre de dossiers concernant des étrangers en centre de rétention administrative. L'incorporation de l'état d'urgence dans le droit commun pose lui aussi problème. Il faut une procédure d'appel pour mieux contrôler certaines décisions.

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L'amendement est satisfait, puisque l'alinéa 39 précise que l'ordonnance prévue au premier alinéa du nouvel article 142-6-1 peut faire l'objet d'un recours. Demande de retrait, ou avis défavorable.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Non seulement l'amendement est satisfait, mais un tel recours est illusoire, car la chambre de l'instruction ne peut pas se réunir dans un délai aussi court. Nous avons fait en sorte de limiter la détention provisoire, en permettant au Spip de réaliser l'enquête et au débat contradictoire de se tenir le cas échéant. Jamais vous n'aurez d'audience dans ce délai ! L'objectif du texte est de simplifier le dispositif.

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Je retire cet amendement, qui vise surtout à appeler l'attention sur les conditions de travail des JLD et l'empilement de leurs missions – certaines charges sont d'ailleurs dues non au ministère de la justice, mais à d'autres : je pense notamment à la dernière circulaire Darmanin de décembre 2022.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Tout à l'heure, vous m'aviez naturellement fait la leçon lorsque j'avais constaté que l'enquête préliminaire ne pouvait pas se tenir dans les délais que vous aviez votés. Voilà la réponse du berger à la bergère…

L'amendement est retiré.

Amendement CL858 de M. Erwan Balanant.

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Il vise à assurer l'efficacité de la procédure en garantissant la saisine immédiate du Spip par le juge des libertés et de la détention. Contrairement aux juges d'application des peines (JAP), les JLD ne sont pas habitués à travailler avec les Spip. Compte tenu du délai de dix jours pour réaliser l'étude de faisabilité, il ne faut pas perdre une minute pour transmettre les pièces.

La commission adopte l'amendement.

Elle adopte les amendements rédactionnels CL859, CL860 et CL861 de M. Erwan Balanant, rapporteur.

Amendement CL42 de M. Philippe Gosselin.

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Il s'agit de rendre le délai de dix jours renouvelable une fois. Les Spip étant très sollicités, ils peuvent rencontrer des difficultés pour réaliser l'étude de faisabilité dans les temps.

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Le problème est mathématique : si on renouvelle le délai de dix jours, on dépasse les quinze jours d'incarcération prévus et la personne sera remise en liberté. Avis défavorable.

La commission rejette l'amendement.

Elle adopte l'amendement rédactionnel CL862 de M. Erwan Balanant, rapporteur.

Amendement CL506 de M. Jean-Félix Acquaviva.

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L'article 3 prévoit une détention provisoire afin d'évaluer la faisabilité d'une assignation à résidence avec surveillance électronique. Lorsque celle-ci ne peut pas être réalisée, un simple débat contradictoire sur la détention provisoire est prévu. Cela n'est pas suffisant.

L'amendement, élaboré avec le Conseil national des barreaux, vise à remplacer le débat par le prononcé d'un contrôle judiciaire. Nous craignons que la mesure ne soit utilisée au détriment du contrôle judiciaire, ce qui irait à l'inverse de l'objectif visant à diminuer le recours à la détention provisoire.

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Vous proposez d'une part de supprimer le second débat contradictoire, ce qui a certaines conséquences, et d'autre part de forcer le JLD à prononcer un contrôle judiciaire si l'Arse n'est pas faisable. On risque par-là de décourager les JLD d'utiliser la procédure d'Arse : s'ils ne peuvent plus discuter d'une détention provisoire, ils seront tentés de prononcer celle-ci dès le départ, sans prendre le temps d'examiner si l'Arse est possible. L'amendement semble contre-productif. J'en demande le retrait.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Je ne comprends pas bien le sens de l'amendement. Il est possible que le juge ait voulu se tourner vers l'Arse parce que le contrôle judiciaire ne lui paraissait pas une bonne solution. Laissons-lui la liberté de choisir !

La commission rejette l'amendement.

Amendements identiques CL330 de Mme Emeline K/Bidi et CL504 de M. Jean-Félix Acquaviva, et amendement CL505 de M. Jean-Félix Acquaviva (discussion commune).

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Mon amendement vise à supprimer l'avant-dernière phrase de l'alinéa 36, qui dispose que « Ce débat peut être réalisé en recourant à un moyen de télécommunication conformément à l'article 706-71. »

Depuis le début des débats, on cède assez facilement à la téléconsultation, aux télé-audiences ou aux visioconférences – on dématérialise à outrance. Pourtant, dans cette commission, et dans l'Assemblée en général, nous sommes mal placés pour donner des leçons : nous sommes toujours incapables de dématérialiser ! Députée de La Réunion, je dois parcourir 10 000 kilomètres pour voter ici, sans possibilité de le faire à distance. Nous expliquons cela par des problèmes techniques, mais nous n'hésitons pas à imposer cette procédure aux autres…

Il faut avoir assisté à une audience une fois dans sa vie pour prendre conscience que juger par le biais d'une caméra n'est pas la même chose que d'avoir un être humain en face de soi. On ne perçoit pas les choses pareillement, on ne voit pas de la même façon l'être humain qu'on est en train de juger. Je suis contre la généralisation de la télécommunication, des visioconférences ou de tout autre moyen qui revient en réalité à déshumaniser la justice.

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Je comprends vos préoccupations, que nous avons tous partagées au cours de la précédente législature, lorsque nous avons instauré la visioconférence : nous étions tous un peu sceptiques. Pourtant, nous l'utilisons de plus en plus, et en sommes plutôt satisfaits.

Le vote à distance est un autre sujet – vous avez tenté la comparaison, vous en riez vous-même.

Vous parlez de déshumanisation mais en l'espèce, le juge a déjà vu la personne : ils ont été face à face, à hauteur d'homme, quelques jours auparavant, lors d'un premier débat contradictoire. Le recours à la visioconférence dans un second temps permettra d'accélérer la procédure, donc de respecter les délais impartis. Votre préoccupation me semble donc disproportionnée.

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Mon premier amendement tend à supprimer la possibilité d'un débat par simple visioconférence. Le débat contradictoire porte sur la privation de liberté. Il est impératif qu'il ait lieu en présence de la personne intéressée et de son conseil.

L'amendement CL505 est un amendement de repli, qui vise à obtenir le consentement libre et éclairé de la personne en la matière.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Je suis défavorable aux amendements. Le contact humain que Mme K/Bidi appelle de ses vœux a eu lieu, car le JLD a bien rencontré le mis en examen.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle adopte les amendements rédactionnels CL863, CL864 et CL865 de M. Erwan Balanant, rapporteur.

Amendement CL304 de M. Éric Pauget.

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L'amendement vise à rétablir une version antérieure de l'article 144 du code de procédure pénale, selon laquelle la possibilité de maintenir une personne en détention préventive si la libération peut entraîner un risque de trouble à l'ordre public s'applique aux délits. Aujourd'hui, la procédure est limitée aux crimes.

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Votre exposé sommaire fait référence à une tragédie récente, mais gardons-nous de réagir à l'émotion. C'est un sujet de préoccupation, et nous devons prendre notre temps. Il me semble d'ailleurs que la porte de la chancellerie vous est ouverte pour en discuter. Avis défavorable.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Je confirme cette invitation, que je m'apprêtais à lancer !

Toute infraction crée un trouble à l'ordre public. Comment mesurerait-on celui qui serait pris en compte avec votre amendement : à l'aune du retentissement médiatique ? C'est ce genre de questions qui font que ce critère a été supprimé par une loi de mars 2007 pour la matière correctionnelle – il demeure en matière criminelle. Je ne souhaite pas que l'on revienne à l'état antérieur.

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Vous nous avez invités à venir la semaine prochaine discuter de l'homicide routier et je vous en remercie : j'espère que nous parviendrons à le définir tous ensemble. Aujourd'hui, puisqu'il est considéré comme un homicide involontaire, il est un délit. La question de la détention provisoire sera posée s'il est reconnu comme un crime.

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En l'état, l'article 144 précise que « ce trouble ne peut résulter du seul retentissement médiatique de l'affaire » et vous voulez supprimer cet élément ! Pour le reste, il est déjà prévu que l'on puisse mettre une personne en détention provisoire pour trouble à l'ordre public. Vous franchissez un seuil : votre amendement créerait une distorsion énorme selon que l'affaire est médiatisée ou non.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CL451 de Mme Andrée Taurinya.

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La détention provisoire est un moment particulier où, sans que la culpabilité de la personne ait été établie, celle-ci n'a pourtant plus la liberté d'aller et venir. Cette distorsion entre les principes et la réalité de leur application est problématique.

Nous souhaitons donc rehausser le seuil du recours à la détention provisoire. Cela permettra aussi de confronter moins de personnes à l'enfer carcéral – l'expression ne vous conviendra pas, mais c'est ainsi – pour lequel la France a été tant de fois condamnée et continue à l'être. Il faudra enfin regarder dans quelle mesure et dans quelles situations l'incarcération, quel que soit son statut, augmente les risques de récidive.

Telles sont les trois raisons qui nous conduisent à présenter cet amendement.

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Vous dites que vous ne touchez pas aux possibilités de prorogation, mais vous limitez la durée de la détention provisoire à celle du mandat de dépôt initial, limitée à quatre mois. Vous supprimez donc, de fait, les possibilités de prolongation.

C'est vrai, on peut débattre du seuil d'infraction pouvant entraîner un placement en détention provisoire. Pour ma part, je suis favorable au seuil de trois ans. S'il fallait réfléchir à limiter le recours à la détention provisoire, on pourrait peut-être plutôt examiner le fait qu'elle est possible pour toute personne prise en flagrant délit pour une infraction punie de six mois d'emprisonnement et envoyée en comparution immédiate.

Avis défavorable.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Défavorable.

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C'est un autre sujet. Tout à l'heure, une confusion était faite entre « prévenu » et « détenu ». Elle a du sens, du point de vue des conditions d'incarcération, car la plupart des prévenus et des détenus condamnés à des peines d'emprisonnement de moins de deux ans vivent dans les mêmes lieux. La détention provisoire représente une grosse partie des troupes – 40 % au moins des effectifs des maisons d'arrêt. Étant donné que l'on a un problème de surpopulation carcérale, l'on pourrait essayer de réduire la voilure avec ceux qui ne sont pas encore condamnés.

Je comprends qu'on s'émeuve qu'une personne qui n'a pas été mise en détention provisoire puisse peut-être un jour commettre une infraction, mais pourquoi n'a-t-on pas peur qu'une personne qui a subi la surpopulation carcérale et des conditions indignes d'incarcération ne récidive ? Nous vous proposons d'assumer l'idée de réduire la détention provisoire et de renforcer le contrôle judiciaire.

Telles sont les raisons qui nous poussent à défendre l'amendement. Nous ne serions pas cohérents si nous ne proposions qu'un mécanisme de régulation carcérale. C'est pourquoi nous insistons sur la déflation pénale et sur de nouveaux critères, plus stricts, concernant la détention provisoire.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CL866 de M. Erwan Balanant.

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L'amendement, qui modifie les articles 145-1 et 145-2 du code de procédure pénale, prévoit que, dans le cas des prolongations de la détention provisoire, la personne détenue est avisée au plus tard cinq jours avant de la tenue du débat contradictoire. J'espère que cette proposition recueillera l'unanimité dans notre commission. Elle renforce les droits de la personne placée en détention provisoire qui, en étant clairement avisée de la date du débat, pourra mieux préparer sa défense.

La commission adopte l'amendement.

Amendement CL658 de Mme Caroline Abadie.

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Mon amendement a pour objet de faire davantage participer le Spip à la décision de prolonger ou non la détention provisoire. Si ce service ne peut rien apporter d'intéressant au début, tant qu'il ne connaît pas le prévenu, il aura, après quatre mois de travail avec lui, récolté des éléments de connaissance plus fine qui pourront éclairer le JAP, par exemple pour ce qui est du logement.

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Le sujet n'a pas été abordé lors des auditions. Il serait bon d'expertiser l'amendement d'ici à la séance. Je vous suggère de le retirer.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Je comprends le sens de l'amendement : la décision de prolongation ne peut être déconnectée de la réalité. La mesure de renouvellement est cependant conditionnée par certains critères, pour lesquels le Spip n'a ni légitimité, ni compétence particulière – risque de s'en prendre à la victime, de porter atteinte à la conservation des preuves, de pression sur les témoins, de concertation frauduleuse avec les co-auteurs, de fuite, de troubles à l'ordre public en matière criminelle.

Cette disposition pourrait, en outre, entraîner une charge de travail très lourde pour les Spip. Lors des états généraux, leur présence à l'audience a été débattue : leurs représentants y étaient défavorables, en raison de la charge de travail et de la difficulté à trouver un lieu où travailler durant les audiences.

Je rappelle aussi que le juge des libertés et de la détention a accès à l'intégralité du dossier d'instruction, donc aux éléments liés à la détention.

Nous devons avancer sur ces questions, qui sont cruciales. Mais en l'occurrence, je ne suis pas certain que les Spip puissent assumer cette charge, ni qu'il entre dans leur domaine de compétences d'envisager les conditions qui permettent la prolongation de la détention.

Avis défavorable.

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Nous ne demandons pas que le Spip soit physiquement présent, mais qu'il rende un avis. De même, il ne s'agit pas qu'il se prononce sur les sauvegardes de preuves ou tout autre élément qui ne relève pas de sa compétence, mais qu'il donne un éclairage sur la personnalité du prévenu et les possibilités de relogement, pour lesquelles il est pleinement compétent.

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On ne peut pas dire que les services pénitentiaires d'insertion et de probation n'ont rien à voir avec le présentenciel : les syndicats demandent justement à réinvestir ce domaine.

Il y a eu tout un débat sur les enquêtes sociales rapides du premier acte, qui ont été déléguées à des associations bien qu'elles fassent partie des missions des Spip, parce que ces derniers n'ont pas les moyens de les mener. Certes, la condamnation n'a pas été prononcée, mais ce n'est pas une raison pour ne pas entreprendre un travail sur la reconnaissance des faits ou la culpabilité, et surtout sur ce qu'impliquent un contrôle judiciaire ou une détention provisoire dans la vie des personnes. Cela entre pleinement dans les compétences des Spip.

La mise en œuvre technique, avec la question de leur présence notamment, pourra être précisée par la suite. Mais dans un premier temps, un rapport permettrait d'éclairer la décision du magistrat. C'est bien dans les prérogatives des Spip.

M. le ministre dira sans doute qu'on pourra en rediscuter dans cinq ans, après les 7,5 milliards, quand on connaîtra le nombre des Spip – qui ne figure pas dans l'annexe…

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Cet amendement est très intéressant. M. le ministre a évoqué le fait que le Spip n'a pas connaissance de tous les éléments que le juge doit prendre en considération dans sa décision. Il pourrait cependant être utile qu'il rende un avis.

Je vous propose donc de retirer l'amendement afin que nous puissions le retravailler d'ici à la séance, et mesurer la charge de travail supplémentaire induite pour les Spip.

L'amendement est retiré.

La commission adopte l'amendement rédactionnel CL867 de M. Erwan Balanant, rapporteur.

Amendement CL868 de M. Erwan Balanant.

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Dans un souci de cohérence et de meilleure garantie des droits, cet amendement vise à harmoniser le cadre procédural de l'audition de témoins pendant l'instruction, ainsi que pendant les enquêtes de flagrance et les enquêtes préliminaires. Il permet, dans le cadre de l'instruction, de forcer le témoin à comparaître, et fixe une durée maximale à la contrainte durant laquelle le témoin peut être maintenu, fixée à quatre heures, comme cela est prévu dans le cadre des enquêtes de flagrance et préliminaires.

La commission adopte l'amendement.

Amendements CL869 et CL870 de M. Erwan Balanant.

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Il s'agit des amendements de cohérence sur les témoins assistés, que j'évoquais précédemment. L'article 3 permet au témoin assisté de demander une expertise. Je propose d'étendre au témoin assisté la possibilité de préciser les questions qu'il voudrait voir poser à l'expert, et de formuler ses observations sur le rapport d'étape de l'expert en vue du rapport définitif, comme peuvent le faire les parties.

La commission adopte successivement les amendements.

Amendement CL342 de Mme Emeline K/Bidi et amendements identiques CL39 de M. Philippe Gosselin et CL76 de Mme Caroline Yadan (discussion commune).

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Il s'agit également des témoins assistés. Mon amendement vise à rendre automatique la notification aux avocats et aux parties de l'intégralité des rapports d'expertise, sans qu'il soit besoin d'en faire la demande aux greffiers. Il s'agit de réduire la charge de travail de ces derniers, qui n'auront plus à traiter ces notifications une par une.

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Il est ressorti des états généraux de la justice une volonté forte de réformer le statut de témoin assisté. Certains éléments du texte vont dans ce sens. Il est cohérent que les témoins assistés soient visés au même titre que les parties.

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Cet amendement de cohérence vise, en effet, à étendre les mesures relatives au témoin assisté à la section traitant de l'expertise dans le code de procédure pénale.

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Vous proposez d'étendre au témoin assisté le droit de demander au juge ayant prescrit l'expertise que l'expert fasse certaines recherches ou auditions. Cela me paraît aller dans le bon sens, et être cohérent avec mon souhait de permettre au témoin assisté de préciser les questions à poser dans sa demande d'expertise.

Je crains en revanche que l'amendement de Mme K/Bidi, présenté étrangement comme allégeant le travail des greffes, ne l'alourdisse. Aujourd'hui, les greffiers ne remettent les pièces que lorsqu'une demande est formulée.

L'avis est donc favorable pour les amendements CL39 et CL76 ; demande de retrait pour l'amendement CL342.

Successivement, la commission rejette l'amendement CL342 et adopte les amendements CL39 et CL76.

Amendement CL873 de M. Erwan Balanant.

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Le projet de loi permet au témoin assisté de demander une expertise et d'être rendu destinataire du rapport d'étape. Cet amendement de cohérence lui donne la possibilité de saisir la chambre de l'instruction si le juge n'a pas statué sur ses demandes. Là encore, cela paraît aller dans le bon sens.

La commission adopte l'amendement.

Elle adopte l'amendement rédactionnel CL871 de M. Erwan Balanant, rapporteur.

Amendement CL872 de M. Erwan Balanant.

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Cet amendement d'aménagement légistique tend à harmoniser les conditions dans lesquelles le témoin assisté et les parties peuvent interjeter appel des décisions en matière d'expertise.

La commission adopte l'amendement.

Amendements identiques CL110 de Mme Cécile Untermaier, CL329 de Mme Emeline K/Bidi, CL390 de Mme Andrée Taurinya, CL507 de M. Paul Molac et CL516 de Mme Sandra Regol.

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L'amendement CL110 vise à supprimer l'activation à distance des appareils électroniques à des fins de géolocalisation.

Contrairement à ce que nous étions nombreux, moi le premier, à avoir compris, l'activation ne concerne pas seulement les téléphones portables, mais tous les appareils connectés – ordinateurs, téléviseurs, radios de voiture, montres connectées, assistants vocaux…

Cela donne l'impression d'une nouvelle version de la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur, dans laquelle, derrière les 15 milliards d'euros posés sur la table, se cachaient nombre de dispositions méritant un examen attentif. Ici aussi, les crédits sont incontestablement importants, et plusieurs mesures posent problème au regard du respect des libertés publiques.

Les forces de l'ordre seront donc autorisées à capter des sons et des images autour de l'appareil activé dans le cadre d'une enquête de police. Mais s'il s'agit d'enquêtes, c'est que la culpabilité de la personne surveillée n'est pas encore établie. Le droit au respect de la vie privée de personnes présumées innocentes implique d'atténuer, autant que possible, le caractère intrusif des procédés utilisés. S'ajoute le fait que l'entourage de la personne visée est aussi susceptible d'être touché par la surveillance.

Enfin, le recours à l'activation sera autorisé sur la base d'une qualification des faits – il doit s'agir d'un crime ou d'un délit puni d'au moins dix ans d'emprisonnement – qui est souvent contestable. Ainsi, la qualification d'écoterrorisme permettra d'user de ces mesures très intrusives.

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La question est intéressante : sommes-nous obligés d'aller aussi loin que ce que les avancées technologiques nous permettent, quitte à prendre des mesures attentatoires aux libertés ?

Il s'agit ici d'activer à distance des appareils électroniques, à l'insu et sans le consentement de leurs possesseurs, qui sont présumés innocents. Ce procédé peut être utilisé dans le cadre non pas seulement de l'instruction, mais aussi de l'enquête, laquelle peut porter sur un crime ou un délit. En outre, le texte est muet sur le cas des personnes dont les activités sont couvertes par le secret professionnel. N'importe quel appareil de n'importe qui pourrait être visé.

Au motif de caractériser d'éventuelles infractions commises par des personnes encore innocentes, cette mesure porte atteinte aux dernières parcelles de liberté et d'intimité qui restent dans nos sociétés. Elle porte atteinte aux droits fondamentaux de notre République, avec lesquels nous ne pouvons pas transiger.

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Je l'ai dit ce matin, les techniques spéciales d'enquête doivent être assorties de précautions importantes. C'est vieux comme le monde, les gendarmes et les voleurs ne sont pas dans une position équitable, puisque les seconds peuvent recourir à des moyens que l'État de droit et le respect des libertés publiques interdisent aux premiers d'utiliser.

En ce qui concerne l'efficacité de la mesure, si, par malheur, elle était adoptée, on peut imaginer que les premiers visés –ceux ayant des choses à se reprocher – trouveront aisément la parade pour ne pas se faire piéger par les objets connectés.

Nous parlons d'une intrusion très importante dans la vie privée des personnes visées et celle leur entourage. C'est la raison pour laquelle nombre d'associations et d'organisations, à commencer par le barreau de Paris, s'élèvent contre cette mesure, qui est de surcroît contraire à la Constitution et à la Convention européenne des droits de l'homme.

Et ne vous abritez pas derrière l'argument du contrôle du juge. Encore heureux qu'un tel contrôle existe !

Enfin, il faut ajouter les journalistes à a liste des personnes exonérées de ces techniques spéciales d'enquête particulièrement intrusives.

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Nous partageons nous aussi l'avis du Conseil d'État selon lequel cette mesure porte une atteinte importante « au droit au respect à la vie privée ». Vous faites comme si nous vivions dans le meilleur des mondes, en feignant d'ignorer les dérives dans les enquêtes de police dont les exemples sont légion.

Faute de garanties suffisantes sur l'utilisation du dispositif, il convient de supprimer ce qui constitue une atteinte disproportionnée aux libertés publiques.

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Je souscris à tous les arguments de mes collègues. J'ajoute qu'il existe déjà un cadre légal et des techniques pour suivre les déplacements. Il n'est donc pas nécessaire d'introduire une disposition encore plus attentatoire à la vie privée.

M. le ministre a mis en avant la protection des forces de l'ordre. Je n'en conteste pas la nécessité, mais j'ai du mal à comprendre en quoi une telle mesure y concourt. Il y a plein d'autres façons de prendre soin des agents, à commencer par mettre fin à la souffrance qu'ils ressentent dans l'exercice de leur métier – mais je m'éloigne du texte.

La suppression de cette disposition est demandée par la moitié des groupes politiques, par certains députés à l'intérieur d'autres groupes, par le Conseil national des barreaux, par le Syndicat des avocats de France, etc. Alors que des personnes en si grand nombre et si différentes expriment les craintes, n'est-ce pas le moment de pratiquer la coconstruction que vous revendiquez dans la presse, monsieur le ministre ?

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D'abord, je rappelle que ces amendements portent sur la géolocalisation, qui consiste à repérer, par des moyens techniques, où se trouve une personne. Aujourd'hui, ces moyens peuvent être soit l'installation d'une balise sur une voiture ou n'importe quel moyen de transport, soit le bornage d'un téléphone – la triangulation entre les antennes relais permet de connaître sa position, avec une précision moindre que celle offerte par l'activation du GPS du téléphone, dont nous parlerons plus tard.

Sur le fond, le texte ne change rien, puisque la géolocalisation est déjà possible. Sauf que, madame Regol, un policier qui va placer une balise sur un véhicule dans un garage ou dans un parking souterrain prend des risques. Les bandits peuvent très bien surveiller le véhicule et l'attaquer. En outre, l'enquête risque d'être compromise, puisqu'ils peuvent soit déplacer la balise sur un autre véhicule – vous l'avez tous vu dans des films – soit installer un brouilleur par exemple.

Je vous invite donc à une réflexion spécifique sur la géolocalisation. Il ne s'agit pas de l'activation de l'image et du son dont nous parlerons tout à l'heure, qui est bien différente, à telle enseigne qu'elle porte sur des qualifications pénales bien supérieures. La possibilité de géolocaliser un téléphone ne me semble pas constitutive d'une grande atteinte à la liberté, d'autant qu'il n'est pas question de la déclencher pour des infractions de tous les jours, si vous me permettez cette expression.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Permettez-moi d'abord de rappeler l'état du droit. L'article 230-32 du code pénal permet d'ores et déjà la géolocalisation – nous ne l'inventons pas au nom de je ne sais quelle envie liberticide déraisonnable. Elle existe sous deux formes, la balise et la triangulation de la ligne téléphonique, pour des infractions punies de trois ans d'emprisonnement.

S'agissant de la balise, il faut avoir le courage d'aller la poser, car les risques sont réels. Il n'est donc pas indigne de vouloir protéger nos enquêteurs. Par ailleurs, les délinquants de haut vol savent très bien déplacer les balises ou les brouiller. En d'autres termes, ce moyen de géolocalisation, que personne ne conteste, est totalement obsolète. Quant à la triangulation, expliquez-moi la différence entre le suivi d'un téléphone portable et le suivi des relais activés par ledit téléphone ! Les cris d'orfraie ne me semblent pas justifiés.

Que proposons-nous ? D'abord, que les infractions visées soient celles passibles de cinq ans d'emprisonnement – dix ans dans le texte adopté par le Sénat – au lieu de trois ans actuellement.

Vous ne voulez pas que je me prévale du contrôle du juge. Je note toutefois que ces techniques sont déjà utilisées en matière administrative. Je préfère, et nous devrions tous préférer, la garantie qu'apporte le juge – je ne critique pas pour autant les techniques utilisées par certains services d'enquête.

Nous devons vraiment essayer d'avancer ensemble sur ce sujet. Il doit être clair pour tout le monde que la géolocalisation et la triangulation sont déjà possibles, avec l'autorisation du juge. Je précise aussi que l'activation à distance de l'appareil ne pourra servir qu'à géolocaliser la personne, et non pas à écouter des conversations.

Ce matin, j'ai vu un reportage sur les traqueurs vendus par Apple. On voit bien la différence qui existe entre, d'une part, un tel traqueur, que l'on peut acheter librement et glisser dans le sac d'une dame, et, d'autre part, la géolocalisation que nous proposons, qui est le fait de la police républicaine, sous le contrôle d'un juge, garant de la liberté individuelle.

L'idée de pouvoir suivre des voyous ne me choque pas. Prenons un cas concret : l'enlèvement d'un enfant.

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Ben voyons ! Laissez les enfants tranquilles !

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Éric Dupond-Moretti, ministre

C'est facile d'être dans le concept évanescent : moi, je suis dans le concret. J'ai été avocat pendant trente-cinq ans, monsieur Bernalicis, cela ne me donne pas obligatoirement raison, mais allez demander aux services de police, aux gendarmes, aux magistrats si la géolocalisation ne permet pas d'élucider des affaires ! Je ne fais pas dans le pathos, ce sont des choses qui arrivent : lorsqu'on recherche un gamin, vous refuseriez de géolocaliser le suspect ? Moi, si je suis magistrat, je donne l'autorisation de géolocaliser, comme cela se fait déjà.

Cela m'exaspère d'entendre que nous aurions ourdi je ne sais quel mécanisme infernal liberticide, pour je ne sais quelle raison. Il s'agit d'outils qui existent déjà, mais dont les technologies sont devenues obsolètes. Allons-nous abandonner ces techniques d'enquête qui ont fait leurs preuves depuis des années, ou essayer de trouver un consensus ? On peut quand même y réfléchir deux minutes !

J'ai été avocat pénaliste toute ma vie. Croyez-vous que j'ai attendu d'avoir 62 ans pour démolir les libertés ? Il n'y a pas de complot. Il y a un procédé, la balise, qui ne marche plus. Vous en déduisez qu'il n'y a qu'à l'abandonner ? Vous irez l'expliquer aux forces de sécurité intérieure. Je ne m'en sens pas capable.

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Nous partageons tous le souci d'éviter une asymétrie des moyens. On doit pouvoir simplement faire le distinguo entre le bon, la brute et le truand.

La géolocalisation ne me pose pas de problème. Nous sommes quelques-uns à avoir rendu visite récemment aux douaniers : ils doivent, en effet, déployer des trésors d'ingéniosité pour placer des balises.

En revanche, si l'on y ajoute la captation d'images et de sons, que nous évoquerons tout à l'heure, cela crée un ensemble assez lourd sur lequel Les Républicains, qui sont connus pour leurs positions sécuritaires, ne sont pas les plus mal placés pour poser certaines questions.

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La géolocalisation, comme toutes les techniques modernes d'enquête, restreint, par définition, les libertés individuelles.

En l'état, le texte fait référence à des crimes ou délits passibles de dix ans d'emprisonnement. On parle donc de viols, meurtres, assassinats, enlèvements avec mutilation, blessures en bande organisée avec traitements dégradants. Et pour ce qui est des délits, ils sont le fait d'une délinquance organisée, technologique.

Loin de moi l'idée de minimiser la portée du texte, mais, le ministre l'a dit, il s'agit d'une mise à jour technologique. On ne peut pas voir les voyous accéder aux technologies du XXIe siècle et laisser aux enquêteurs celles du XXe. On ne peut pas demander à un officier de police judiciaire de faire une filature à l'ancienne et de prendre tous les risques que cela comporte pour lui-même et pour le devenir de l'enquête alors que d'autres solutions existent. Nous savons tous que la balise ne marche plus : le premier réflexe du délinquant chevronné, c'est de mettre la balise sur le véhicule d'un innocent pour semer l'enquêteur !

Étant donné les faits dont il s'agit, il n'y a rien de choquant à donner aux enquêteurs les mêmes moyens qu'ont les délinquants.

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Le groupe Horizons ne soutiendra pas la suppression de la faculté de géolocalisation, ni de celle de sonorisation.

D'abord, ces techniques existent déjà et nous ne sommes pas indifférents au fait que les enquêteurs, quand ils y ont recours, prennent des risques.

Ensuite, il est vrai qu'elles sont très intrusives et remettent en cause le droit au respect de la vie privée, mais celui-ci n'est pas le seul terme de l'équation. Ce principe essentiel doit être concilié avec un autre objectif à valeur constitutionnelle, celui de l'efficacité de l'enquête. À cet égard, l'étude d'impact montre que les techniques traditionnelles d'enquête sont aujourd'hui dépassées. Les enquêteurs sont confrontés à des délinquants astucieux et inventifs. L'intérêt de la société, c'est quand même que les enquêtes aboutissent et que justice soit faite.

Ce n'est donc pas le dispositif en lui-même qui pose question : c'est sur son encadrement qu'il faut être vigilant – durée, infractions visées, personnes concernées – afin de parvenir à cet équilibre entre droit au respect de la vie privée et efficacité de l'enquête. Nous proposerons plusieurs amendements dans ce but.

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J'entends vos arguments, monsieur le ministre, mais la commission a déjà adopté plusieurs dispositifs pour faciliter la surveillance – surveillances par drone, surveillances à caractère biométrique, capacités à traquer les personnes sur l'intégralité du territoire. Sans avoir recours à de nouvelles méthodes plus intrusives, vous disposez déjà d'importants moyens pour trouver des personnes. Pourquoi avoir besoin de les enregistrer ?

Il n'y a pas que les traqueurs d'Apple : les écoutes, par le biais de Siri ou des appareils Huawei, ont à juste titre secoué l'opinion publique, puisqu'on touche à notre intimité. Nous sommes opposés à toute intrusion, qu'elle soit le fait de l'État ou d'une structure privée – nous sommes cohérents.

Monsieur le ministre, vous en appelez à la coconstruction, mais celle-ci suppose des compromis auxquels on ne peut pas parvenir s'il n'y a aucune contrepartie ni écoute.

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Je le répète, nous ne parlons ici que de la géolocalisation.

Madame Regol, je comprends votre préoccupation quant aux libertés publiques. Certains dispositifs existants parfois échappent au contrôle de leurs utilisateurs. Mais ce n'est pas le sujet ici : le Gouvernement demande que les forces de l'ordre aient la possibilité, sous le contrôle d'un juge, d'utiliser des techniques pour suivre des personnes suspectées de crimes et délits graves, punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement – dix dans le texte adopté par le Sénat.

Je comprends votre interrogation sociétale sur la multiplication des outils capables de nous surveiller, mais en l'espèce, on parle de pouvoir recourir aux mêmes techniques que les voyous. Vous voudriez qu'on y renonce pour des raisons philosophiques, mais le dispositif est bien encadré. Je maintiens mon avis défavorable.

Quant au Conseil national des barreaux, ce n'est pas sur ce sujet qu'il nous a alertés, mais sur la sanctuarisation des cabinets d'avocats. C'est une vraie préoccupation, à laquelle nous apporterons des réponses tout à l'heure.

La commission rejette les amendements.

Amendement CL552 de M. Philippe Schreck.

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Il s'agit d'ajouter aux infractions pouvant justifier le recours à la géolocalisation les délits contre les personnes, compte tenu de leur gravité et de leur caractère traumatisant.

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Votre amendement va trop loin et rompt l'équilibre qui a été trouvé. Les infractions punies de cinq ans d'emprisonnement me semblent être le bon seuil.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CL550 de M. Philippe Schreck et amendements identiques CL436 de Mme Pascale Bordes, CL551 de M. Philippe Schreck et CL778 du Gouvernement (discussion commune).

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Il s'agit de revenir à la rédaction initiale, qui visait les infractions punies de cinq ans d'emprisonnement, et non dix, comme l'a décidé le Sénat.

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La géolocalisation est principalement utilisée pour lutter contre la criminalité organisée.

En ce qui concerne le trafic de stupéfiants en bande organisée, le seuil de dix ans conduit à écarter certains délits. Je pense, en particulier, à la provocation du mineur à faire un usage illicite de stupéfiants, qui est punie de cinq ans d'emprisonnement. Or, nous savons tous qu'elle est très répandue : les trafiquants incitent les mineurs à consommer, puis à dealer, s'assurant ainsi la pérennité de leur trafic.

Pour endiguer cette délinquance qui gangrène désormais toutes les villes, il faut s'attaquer à ce premier maillon de la chaîne. C'est la raison pour laquelle il est nécessaire d'abaisser le seuil à cinq ans.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

L'amendement CL778 vise à rétablir la possibilité de recourir à l'activation à distance d'un appareil électronique aux fins de géolocalisation pour les délits punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement.

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Je rappelle que le bornage et le balisage, que nous avons évoqués tout à l'heure, sont des techniques utilisables pour les délits punis d'au moins trois ans d'emprisonnement. Avis favorable à l'amendement du Gouvernement.

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Cela représente une extrême aggravation du dispositif. Les faits punis de dix ans d'emprisonnement sont très graves. Si nous descendons à cinq ans, nous élargissons considérablement le champ du dispositif.

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Il existe des différences entre le balisage et le bornage. La première technique, qui utilise la géolocalisation, est beaucoup plus précise que la seconde, qui a recours à des antennes. De plus, l'activation à distance d'un appareil électronique sera beaucoup plus massivement utilisée que les balises, étant donné que tout le monde possède un téléphone. On ne peut pas nier que, une fois l'outil disponible, sachant qu'il est facile d'utilisation, nous y recourrons bien plus qu'auparavant. Nous ne sommes donc pas dans une logique de droit constant et d'adaptation aux délinquants.

Par ailleurs, ces techniques ont des limites : quand le téléphone est un moyen de preuve, les individus le déposent chez leur grand-mère, le récupèrent une fois leur affaire terminée et se servent finalement de sa position comme alibi – nous le voyons déjà dans les trafics de stupéfiants !

Sur ce point, il faut au moins suivre la sagesse du Sénat. Nous sommes défavorables à l'abaissement du seuil d'activation à distance aux faits punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement.

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Le droit positif, pour les bornages et balisages, prévoit un seuil de trois ans. Nous le relevons à cinq ans pour l'activation à distance d'un appareil électronique aux fins de géolocalisation.

Vous dites que le recours à cette technique sera beaucoup plus massif parce que chacun a un téléphone, mais heureusement pour notre société que tout le monde n'est pas suspecté de délits susceptibles d'au moins cinq ans d'emprisonnement !

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Je souhaite revenir sur le relèvement du seuil qu'a opéré le Sénat, car il nous empêchera de recourir à cette technique pour certaines agressions sexuelles sur mineur, passibles d'au moins sept ans d'emprisonnement, ou certaines infractions de proxénétisme.

Et, c'est vrai, tout le monde a un téléphone, mais tout le monde n'est pas suspecté d'une infraction punie d'au moins cinq ans d'emprisonnement !

Nous n'utilisons clairement plus de balises aujourd'hui, c'est fini. La question est donc simple : disons-nous aux forces de sécurité intérieure que c'est comme ça, et tant pis, ou décidons-nous une actualisation technologique ?

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CL649 de M. Jérémie Iordanoff

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Pour répondre au ministre, même si tout le monde n'est pas suspecté, vous constaterez quand même une explosion du nombre d'appareils géolocalisés. Par ailleurs, n'étant pas complètement naïfs, nous voulons bien que ce dispositif serve puisqu'il existe déjà ; mais pourquoi ne pas dresser la liste des cas pour lesquels nous pouvons l'utiliser, plutôt que de l'ouvrir à un ensemble de crimes et délits ?

Cet amendement de repli vise à encadrer l'utilisation de ce dispositif, les garanties l'entourant pour le moment étant insuffisantes. Pourquoi exclure l'application des deux derniers alinéas de l'article 230-33 du code de procédure pénale ? Ils prévoient, d'une part, la limitation de la durée totale de la géolocalisation, à un ou deux ans selon la nature de l'infraction ; de l'autre, ils posent l'obligation pour le juge de motiver sa décision écrite par référence aux éléments de droit ou de fait justifiant cette opération.

Puisque ces mesures de précaution existent pour les dispositifs de géolocalisation en vigueur, pourquoi n'y faites-vous pas référence dans le nouveau texte ?

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L'article satisfait selon moi votre amendement, puisqu'il s'inscrit dans le cadre applicable à la technique de géolocalisation : les délais prévus dans l'article du code de procédure pénale s'appliqueront donc. La mention que vous voulez supprimer ne fait que préciser les modalités de décision. Demande de retrait.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Même avis.

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Je maintiens l'amendement, car je ne vois pas pourquoi cet article ferait référence à ces deux alinéas : nous pouvons les retirer de ce paragraphe et faire une loi plus courte.

La commission rejette l'amendement.

Elle adopte l'amendement de précision CL874 de M. Erwan Balanant, rapporteur.

La réunion est suspendue de seize heures trente à dix-huit heures cinquante-cinq.

Amendements CL702 de Mme Naïma Moutchou, CL111 de Mme Cécile Untermaier, amendements identiques CL650 de M. Jérémie Iordanoff et CL875 de M. Erwan Balanant (discussion commune).

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L'amendement CL702, tout en recherchant l'équilibre que j'ai mentionné précédemment, vise à préserver des techniques spéciales d'enquête les secrets qui participent des fondements de l'État de droit et de la démocratie.

Nous proposons donc d'étendre la protection prévue pour les secrets des avocats, des magistrats, des députés et des sénateurs aux journalistes, aux médecins, aux notaires et aux huissiers. De la même manière que, lorsqu'on protège le secret des avocats, on préserve avant tout celui des justiciables, il s'agit ici, non pas de garantir des secrets corporatistes, mais de défendre le secret médical et le secret des sources, qui est fondamental pour le droit à l'information et la liberté d'expression.

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Je partage en tout point l'exposé des motifs de notre collègue Naïma Moutchou. L'amendement de repli CL111 du groupe Socialistes propose, quant à lui, de soustraire les journalistes de la mesure de surveillance par activation à distance des appareils électroniques, qui porterait gravement atteinte à cette profession.

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L'amendement CL650 protège le secret des sources. Si le texte protège actuellement les parlementaires, les avocats et les magistrats, il est possible de géolocaliser le téléphone portable d'un journaliste, ce qui pose problème en ce que ce procédé permet d'identifier ses sources. Dans la mesure où pensons que cette mesure entre en contradiction avec la loi relative à la liberté de la presse, nous proposons d'inclure les journalistes dans ce texte.

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S'agissant d'une technique allant plus loin que la géolocalisation classique, il me semble utile d'apporter des garanties supplémentaires et de protéger les journalistes de cet usage. Cela répond en outre à l'enjeu important de la protection de leurs sources. Si le journaliste peut être géolocalisé, il sera possible en effet de savoir chez qui il était et ainsi d'identifier sa source. Je vous propose de voter les amendements CL875 et CL650 et demande le retrait des autres.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Même avis que le rapporteur.

La géolocalisation n'apporte rien en tant que telle, mais elle permet de savoir qui le journaliste a pu rencontrer. Or, il faut protéger le secret de ses sources, comme il faut défendre celui de l'avocat, qui, comme l'a rappelé Mme Naïma Moutchou, concerne le justiciable.

En revanche, je ne suis pas favorable à une exception au dispositif pour protéger le secret des médecins, des notaires ou des commissaires de justice, d'autant que certaines dérogations sont déjà envisagées pour les avocats, les parlementaires et les magistrats.

La commission adopte l'amendement CL702.

En conséquence, les amendements CL111, CL650 et CL875 tombent.

Amendement CL818 de M. Erwan Balanant.

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Quand est décidée une comparution immédiate, le procureur de la République peut saisir le juge des libertés et de la détention (JLD) pour demander une détention provisoire, si les éléments de l'espèce lui paraissent l'exiger – c'est l'article 396 du code de procédure pénale. Le JLD peut alors soit placer le prévenu en détention provisoire et la comparution doit avoir lieu sous trois jours, soit, estimant qu'elle n'est pas nécessaire, il peut décider d'une assignation à résidence avec surveillance électronique (Arse) ou d'un contrôle judiciaire, et la comparution a alors lieu dans un délai de dix jours à six mois.

Toutefois, si les poursuites concernent plusieurs personnes, dont certaines sont placées en détention, celle placée sous Arse ou sous contrôle judiciaire reste convoquée à l'audience où comparaissent les autres prévenus, détenus, soit sous trois jours.

Cette superposition de délais ne me semblant pas pertinente, je propose donc de les unifier afin de juger plus rapidement, ce qui est l'objet de la comparution immédiate. Cela ne prive cependant pas le prévenu de demander un renvoi pour préparer sa défense.

La commission adopte l'amendement.

Amendement CL350 de Mme Elsa Faucillon.

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Il propose de supprimer l'unification des délais de renvoi en matière de comparution immédiate, dans la mesure où cette disposition se traduira logiquement, pour la majeure partie des personnes concernées, par un allongement des délais de placement en détention provisoire et donc par l'augmentation de la surpopulation carcérale.

Les délais sont notamment prévus dans l'intérêt des droits de la défense, pour permettre aux parties de bénéficier d'une durée raisonnable. Or, au regard de la situation de surcharge des juridictions, il est à craindre que les tribunaux utilisent massivement ce délai, non pas au cas par cas pour favoriser l'exercice des droits de la défense, mais pour des raisons purement pratiques de charge des audiences.

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Votre position est un peu contradictoire : vous dites qu'il faut à la fois laisser du temps à la défense et réduire les délais dont elle bénéficie.

Je comprends votre inquiétude en matière de détention provisoire et nous avons travaillé, au cours des auditions, sur l'impact qu'aurait sur cette dernière une telle évolution. En raccourcissant une partie des délais, nous allons dans la bonne direction. N'oubliez pas que, dans nombre de cas, la détention provisoire sera moins longue, puisque le délai de jugement sera compris entre quatre et dix semaines.

Le temps de la défense est en outre ménagé, raison pour laquelle le délai de huit semaines initialement proposé par le Gouvernement a été porté à dix semaines – durée raisonnable selon le Conseil d'État. En outre, le seuil minimum de quatre semaines peut toujours être raccourci en cas de renonciation expresse du prévenu concerné.

Cette évolution me semble donc emporter plus d'avantages que d'inconvénients, en ce qu'elle unifie les délais et permet de ne pas juger séparément des affaires qui vont ensemble – ce point avait été souligné par de nombreuses personnes auditionnées. Puisque cette évolution préserve le temps de la défense tout en ménageant la réduction de la détention provisoire, je vous propose de retirer votre amendement. À défaut, j'y serai défavorable.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Madame la députée, il s'agit d'une mesure de simplification et de clarification, visant à unifier les délais et non à les rallonger. En outre, vous oubliez que la réforme, en supprimant le long délai de quatre mois, raccourcit les délais d'incarcération. Enfin, le Conseil d'État a lui-même suggéré un délai plus long pour respecter les droits de la défense. Je vous propose donc de retirer votre amendement. À défaut, mon avis sera défavorable.

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Accélérer le plus possible les procédures n'est pas forcément une bonne chose. En l'occurrence, la question est, non pas de prédéterminer les durées, mais de savoir dans quelles conditions et temporalités une bonne justice peut être rendue. À cet égard, le temps nécessaire à la défense et les moyens attribués à sa préparation sont essentiels. C'est la raison pour laquelle nous soutenons cet amendement.

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Cette mesure de simplification va dans le bon sens. Il était incongru d'avoir des délais de comparution et de jugement différents pour des prévenus relevant d'une même affaire. Nous parvenons donc à une seconde audition qui se tient dans les mêmes délais que la première, ce qui est important car l'audience doit être renvoyée dans un délai raisonnable. Le Gouvernement ayant en outre tenu compte des observations du Conseil d'État afin que les droits de la défense soient assurés, le dispositif est équilibré.

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Je maintiens mon amendement, pour le retravailler peut-être en vue de la séance. Comme Élisa Martin, je considère qu'il serait bon que nous discutions au sein de la commission de la comparution immédiate et des délais. La garantie de représentation pour tout et rien a pour conséquence de discriminer dans nos sociétés les plus vulnérables.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CL652 de M. Jérémie Iordanoff.

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Il a pour objet de limiter l'allongement des délais de placement en détention provisoire, en proposant de réduire à huit semaines au lieu de dix le délai de renvoi avant audience. Il propose aussi de conserver le délai de deux mois, au terme duquel le jugement doit être rendu lorsque le prévenu est en détention provisoire.

L'allongement des durées de détention a des conséquences délétères sur la surpopulation carcérale, contre laquelle nous devons impérativement lutter.

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Cet amendement illustre bien la difficulté à trouver un équilibre : il faut laisser du temps à la préparation de la défense et ne pas trop allonger la durée de la détention provisoire. Après de nombreuses réflexions et auditions, nous sommes parvenus à un équilibre qui se trouve être le même que celui proposé par le Conseil d'État, à savoir un délai de dix semaines et non de huit, comme cela était initialement envisagé par le Gouvernement. Avis défavorable.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Même avis que le rapporteur.

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Le droit actuel prévoit différentes situations en fonction de la peine encourue par le prévenu. Certes, juger à des moments différents des personnes poursuivies pour les mêmes faits soulève des observations. Cependant, adapter les délais à la peine encourue est tout à fait conforme aux droits de la défense, puisque la comparution immédiate est tout de même très peu compatible avec le respect de ces mêmes droits lorsque l'on risque d'être privé de liberté pendant plusieurs années. On ne devrait pas s'en remettre à une telle justice expéditive dans ce cas.

Il va donc falloir travailler tout cela de nouveau d'ici à la séance, parce qu'on ne peut pas postuler que l'unification des délais est forcément positive. Ce n'est pas vrai. On ne peut pas traiter de la même manière un prévenu selon qu'il encourt sept ans ou un an de prison.

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La recherche d'un équilibre est tout à fait louable, mais l'amendement met en évidence le sujet de la surpopulation carcérale – que la mesure proposée par le projet va aggraver, alors que nous souhaitons tous y remédier. C'est la raison pour laquelle notre groupe votera pour cet amendement.

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Je ne comprends pas vraiment ces réticences, car le délai proposé est suffisant pour préparer la défense. Si dans certains cas le délai de renvoi en comparution immédiate est réduit, il augmente dans bon nombre d'autres. Il en est de même pour la durée maximale de détention provisoire. Tout cela va plutôt dans le bon sens.

Si je reprends l'exemple pris par Mme Garrido, où deux prévenus dans une même affaire encourent une peine différente, il me semble que les juger en même temps relève d'une bonne justice.

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Je n'ai pas dit le contraire. Mais cela ne doit pas se faire au détriment des droits de la défense.

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Ils sont largement préservés. Lors des auditions, personne n'a soulevé de problème sur ce point.

La commission rejette l'amendement.

Amendements CL905 de M. Erwan Balanant et CL341 de Mme Emeline K/Bidi (discussion commune).

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Sous des dehors techniques, mon amendement aborde un sujet important.

Lorsque le tribunal renvoie le parquet à mieux se pourvoir, le procureur peut seulement requérir l'ouverture d'une instruction. Le projet prévoit de lui laisser le libre choix des suites à donner.

Cependant, quand le tribunal procède à un tel renvoi, c'est parce qu'il estime que des investigations complémentaires approfondies sont nécessaires. Permettre au parquet de classer sans suite ou de régler l'affaire par une alternative aux poursuites ne me paraît pas cohérent avec cette exigence d'investigation. On ne peut pas comparer avec les autres cas de renvoi au parquet, dans lesquels lui est laissé le libre choix des suites à donner, car ils concernent des situations où le tribunal est incompétent – par exemple, lorsque l'infraction est un crime et non un délit. Dès l'origine, en 1986, l'intention du législateur était bien d'obliger le parquet à requérir une information judiciaire.

Laisser un choix entièrement libre au parquet ne semble donc pas opportun. Cela étant, l'obliger à requérir l'ouverture d'une instruction ne l'est pas davantage. L'affaire ne le nécessite pas forcément et une enquête préliminaire peut suffire.

Mon amendement propose une voie médiane entre l'instruction obligatoire prévue actuellement et la liberté totale retenue dans le projet de loi. Le parquet sera ainsi contraint de réaliser des investigations complémentaires, mais il pourra le faire en demandant l'ouverture d'une instruction ou en poursuivant l'enquête – le cas échéant dans le cadre d'une comparution à délai différé.

L'amendement prévoit aussi que le jugement de renvoi indique les investigations jugées nécessaires, afin d'éviter d'éventuels abus, qui consisteraient à renvoyer systématiquement au parquet du seul fait de l'objet du litige sans que des investigations complémentaires soient réellement utiles.

Cette proposition me semble équilibrée.

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Vous proposez qu'en cas de renvoi du parquet à mieux se pourvoir car le dossier est complexe, le procureur décide du type d'investigations à mener. Il peut donc choisir l'enquête préliminaire, alors même que le prévenu a déjà comparu devant le tribunal. Alors que l'on est en phase de jugement, cette enquête est secrète et l'avocat et le prévenu n'ont donc pas accès au dossier. Les droits de la défense ne sont pas respectés, à la différence d'une information judiciaire.

La jurisprudence en ce qui concerne la comparution immédiate impose au procureur de recourir à l'ouverture d'une information judiciaire lorsque le dossier est si complexe qu'il nécessite des investigations complémentaires. Si cette précision ne figure pas dans la loi, on risque de laisser la porte ouverte à l'enquête préliminaire, au détriment de la garantie des droits du prévenu.

Je rappelle tout de même qu'en comparution immédiate, une affaire est jugée en moyenne en vingt-neuf minutes d'audience, et qu'une peine de prison ferme est prononcée dans 70 % des cas. Huit fois plus de peines de prison sont prononcées dans le cadre d'une procédure de comparution immédiate que dans celui d'une audience classique. Ce n'est pas une procédure anodine.

Vous voulez toujours plus de rapidité et d'efficacité au détriment des droits de la défense. Nous ne pouvons pas l'accepter.

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Mon amendement ne permet pas de s'orienter vers une comparution immédiate. Votre argument ne tient pas.

Le dispositif que je propose est plus favorable. Demande de retrait.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Madame K/Bidi, il est inexact de dire que le dossier n'a pas été communiqué à la défense, puisque l'affaire est venue devant le tribunal.

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Ma remarque vaut pour la suite de la procédure, dans le cas où le parquet diligenterait une enquête préliminaire.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

J'entends bien, mais l'affaire vient devant le tribunal, qui invite le parquet à mieux se pourvoir. Un examen du dossier par l'avocat est tout à fait possible.

S'agissant de l'amendement du rapporteur, je suis favorable au fait de ne pas permettre un classement sans suite lorsque le tribunal renvoie le dossier au parquet.

En revanche, je suis plus réservé sur le fait que le tribunal précise les actes d'investigation que doit réaliser le parquet.

D'une part, cela peut porter atteinte au principe de séparation des autorités de poursuite et de jugement, puisque le tribunal se dessaisit du dossier lorsqu'il le renvoie au parquet. Il ne faut pas oublier qu'avant de procéder à un tel renvoi, le tribunal peut lui-même ordonner un supplément d'information s'il a une idée très précise des actes nécessaires.

D'autre part, les nouvelles investigations peuvent faire apparaître des éléments qui vont dans le sens de l'innocence du mis en cause. Il serait alors curieux que le parquet ne puisse pas classer sans suite et doive saisir la juridiction de jugement. Je ne vois pas pourquoi on ferait subir cela à un innocent.

Enfin, un esprit de simplification sous-tend ce texte.

Avis de sagesse.

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Je suis d'accord avec les observations de Mme K/Bidi et du garde des sceaux.

Provoquer une meilleure enquête est un moyen de défense. C'est pourquoi il ne faut pas fermer la porte au classement sans suite, car cela serait contre-productif. Sans cette possibilité, ce moyen de défense ne serait pas soulevé, au vu du risque que le parquet opte pour une enquête préliminaire. Il faut donc maintenir aussi bien la possibilité de classement sans suite que celle d'une instruction.

En ce qui concerne les instructions du tribunal au parquet sur le contenu des investigations, je pense également qu'il ne faut pas faire n'importe quoi, car il s'agit de périmètres de compétence distincts.

On en revient donc à la situation où, lorsque le parquet est invité à mieux se pourvoir, il peut choisir de requérir l'ouverture d'une information judiciaire, ou bien de classer l'affaire.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CL788 du Gouvernement.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Il s'agit d'un amendement de coordination avec l'amendement CL787.

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Je n'y suis pas favorable. On réduit encore une fois les délais pour faire appel. Vingt-quatre heures, c'est quand même assez court – dix jours n'était déjà pas un délai très long ! Et l'on confie en plus au seul président de la chambre de l'instruction le soin d'examiner cet appel. Vue la manière dont est organisée cette chambre, cela va être expéditif !

Il faut au contraire étendre le principe de collégialité à toutes les missions du juge des libertés et de la détention (JLD), car elles touchent à la privation de liberté. Ce principe devrait être la norme, mais vous prenez une autre direction.

On se demande bien à quoi vont servir les 7,5 milliards s'ils ne permettent pas d'améliorer la collégialité et le fonctionnement de la justice.

La commission adopte l'amendement.

Amendement CL332 de Mme Emeline K/Bidi.

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Cet amendement propose de supprimer l'alinéa 84, qui prévoit que le jugement au fond doit être rendu dans un délai de trois mois et non plus de deux mois lorsque le prévenu est en détention provisoire. Il me semblait pourtant que votre objectif était de réduire les délais de jugement.

Cet allongement aura surtout pour conséquence d'augmenter d'un mois la durée de la détention provisoire – et ce alors que les prisons sont déjà surchargées.

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Vous vous êtes précédemment émue d'un raccourcissement de délai qui, selon vous, ne laissait pas assez de temps pour préparer la défense…

Je rappelle que le délai prévu par cet alinéa fixe une durée maximale. Il est celui de la détention provisoire, mais aussi celui de la préparation de la défense – ce qui devrait vous satisfaire. Je le répète, nous sommes à la recherche d'un équilibre.

Avis défavorable.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Même avis.

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En vérité, cela revient à dire à ceux qui veulent du temps pour préparer leur défense que les textes leur accordent bien un délai de trois mois, mais que cela suppose d'aller au trou pendant ce temps !

Cela se passe comme ça en comparution immédiate : les gens renoncent au temps de préparation de leur défense pour ne pas finir en prison, et au bout du compte on finit par être mal jugé.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Mais qu'est-ce que vous racontez ?

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Seuls les plus déterminés prennent la décision difficile d'aller en détention provisoire plusieurs mois afin de préparer leur défense. Nous vous alertons sur cette situation.

En réalité, vous bricolez à la marge et l'on s'étonne qu'en France, 2 400 détenus dorment sur des matelas au sol dans les prisons.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Ne mélangez pas tout !

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Il s'agit du même sujet, monsieur le ministre. Et si l'on ne le considère pas dans son ensemble, on n'arrivera pas à le régler.

La comparution immédiate reste la principale pourvoyeuse de peines de prison ferme, mais aussi de détention provisoire. Et on ne peut pas subordonner le fait de préparer sa défense à l'enfermement.

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Vous ne pouvez laisser entendre que les magistrats placent en détention provisoire pour le plaisir, monsieur Bernalicis. Cette décision répond à des objectifs, comme empêcher une pression sur les témoins ou les victimes, ou bien éviter un risque de trouble à l'ordre public.

Je ne dis pas qu'il n'existe pas de difficultés en cas de comparution rapide, mais on ne peut pas caricaturer ces sujets. C'est très dangereux.

Il est vrai qu'il existe un problème en matière de détention provisoire, mais il également vrai qu'il faut construire des places de prison.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CL496 de M. Davy Rimane.

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Cet amendement a pour objet de créer une juridiction spécialisée en Guyane, afin de disposer des moyens techniques nécessaires.

En raison de sa superficie, ce département doit relever de grands défis pour lutter contre la criminalité, tant en matière de trafic de stupéfiants que d'orpaillage ou de pêche illégale. Les drogues dures produites en Amérique du Sud qui arrivent en Europe transitent notamment par la Guyane. Or, celle-ci relève de la juridiction interrégionale spécialisée (Jirs) de Fort-de-France, qui se trouve à un peu moins de 2 000 kilomètres.

Je rappelle que la Guyane est un territoire français et européen en Amérique du Sud.

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La création d'une Jirs relève du pouvoir réglementaire, puisque les huit Jirs actuelles sont prévues par l'article D. 47-12-7 du code de procédure pénale. Je laisserai donc le ministre vous répondre.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Depuis mon arrivée au ministère, j'ai augmenté le nombre de magistrats, greffiers et contractuels affectés en Guyane. Les moyens de la Jirs de Fort-de-France ont également été renforcés.

Une Jirs a une compétence interrégionale et a vocation à mutualiser les moyens pour améliorer l'efficacité. Prévoir une telle juridiction pour un seul département n'aurait donc pas de sens. C'est la raison pour laquelle je suis défavorable à l'amendement.

Dans le cadre de notre déplacement en Guyane avec le ministre de l'intérieur et des outre-mer et Gabriel Attal, nous avons annoncé que tous les moyens humains seraient renforcés autant que possible. Il en est ainsi par exemple pour les douaniers. Nous évoquerons l'expérimentation des brigades de soutien à Cayenne et à Mayotte lorsque nous discuterons du rapport annexé. Un magistrat du parquet supplémentaire sera prochainement affecté à la Jirs de Fort-de-France. Nous nous attachons évidemment à renforcer la coopération internationale grâce au travail du magistrat de liaison à l'ambassade de France au Brésil, qui est également compétent pour le Suriname et le Guyana.

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Je ne suis pas convaincu par vos arguments.

Les Jirs sont destinées à mutualiser les moyens à l'échelle régionale, expliquez-vous. Mais avec près de 90 000 kilomètres carrés, la superficie de la Guyane représente quasiment un cinquième de celle de l'Hexagone. Cet immense territoire est séparé des pays voisins par deux fleuves – le Maroni à l'ouest et l'Oyapock à l'est – qui sont plus des passoires naturelles que des frontières. Il faut vraiment mettre en place les moyens nécessaires pour que la justice lutte contre les trafics. Le Gouvernement a peut-être augmenté les effectifs des douanes, mais cela reste insuffisant par rapport aux besoins réels.

La mise en place d'une juridiction spécialisée en Guyane permettra d'augmenter les moyens, mais aussi de renforcer la coopération judiciaire avec les pays voisins. Comme nous avons pu le voir lors d'un déplacement au Guyana avec mon collègue Jean-Victor Castor, les réseaux de crime organisé prennent leur source par-delà nos frontières.

Je réitère donc ma demande, car ce qui est valable en matière de mutualisation des moyens dans l'Hexagone ne l'est pas en Guyane, laquelle se situe à 2 000 kilomètres du premier autre territoire français.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CL779 du Gouvernement.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Cet amendement a pour objet d'améliorer les modalités d'instruction des pourvois dont est saisie la chambre criminelle de la Cour de cassation lorsqu'ils concernent des affaires d'une particulière complexité.

Selon des modalités similaires à ce qui est prévu devant les chambres civiles de la Cour de cassation, il est ainsi proposé que deux rapporteurs pourront être désignés, qu'une séance d'instruction préalable au dépôt du rapport pourra être organisée et que la chambre criminelle pourra saisir une autre chambre pour avis.

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Il est très cohérent d'aligner les procédures. Avis favorable.

La commission adopte l'amendement.

Amendement CL175 de M. Philippe Gosselin.

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Monsieur le ministre, vous dites qu'il faut simplifier : nous y voici ! Il s'agit de donner un peu de cohérence à des délais proches ou identiques. Nous proposons d'élargir le délai du pourvoi en cassation de cinq à dix jours, qui n'est déjà pas très long, ce qui aurait pour effet de l'aligner sur le délai d'appel.

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Je ne suis pas favorable à cette augmentation. L'unification ne serait qu'imparfaite. Ainsi, le délai de trois jours prévaut en matière de délit de presse. Peut-être pouvons-nous trouver une solution d'ici à l'examen du texte en séance publique.

Demande de retrait ou avis défavorable.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Avis défavorable. D'abord, l'amendement a peu de rapport avec le texte.

Par ailleurs, la question de savoir si l'alignement proposé est opportun devrait faire l'objet d'une concertation entre les avocats, les parquets généraux et la Cour de cassation, ainsi peut être que d'une étude d'impact préalable. La Cour de cassation ne m'a transmis aucune demande d'allongement de délai, dont on ne trouve du reste nulle trace dans son rapport annuel.

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Je constate que l'argument selon lequel une disposition vise à favoriser une bonne défense est très aléatoire. Sans préjudice de la technicité des matières dont nous traitons, dont je reconnais volontiers que je ne la maîtrise pas, il faut peut-être réfléchir de façon approfondie à ce sujet. En l'espèce, un allongement du délai à dix jours ne me semble pas négligeable.

Il faut à tout le moins unifier certaines dispositions. Est-ce à dire, hors de toute logique de soupçon, que les motivations sont différentes de celles ici exposées ? Politiquement, nous devrons avoir, dans l'hémicycle, le débat sur la place de la gestion de la pénurie dans les décisions que nous prenons.

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La comparaison avec le régime du délit de presse, qui ne relève pas intégralement du droit commun, ne tient pas. S'agissant du rapport au texte de l'amendement, il détermine sa recevabilité au titre de l'article 45 de la Constitution, dont l'application nous laisse souvent perplexes. Quoi qu'il en soit, celui-ci a été jugé recevable.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CL375 de Mme Laurence Vichnievsky.

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Cet amendement du groupe démocrate dispose : « À peine de nullité d'ordre public, les audiences ne peuvent se poursuivre au-delà de 23 heures ». Il arrive souvent, dans certaines juridictions, que des tribunaux judiciaires achèvent des audiences correctionnelles ayant débuté à 13 h 30 assez tard, après 21 heures, après 23 heures, voire après minuit.

D'aucuns se satisfont peut-être de ce fonctionnement. Nous considérons quant à nous qu'il n'est acceptable ni pour les magistrats, épuisés par de longues heures d'audience ininterrompues, ni pour les prévenus, qui doivent attendre de façon interminable que leur affaire soit appelée, ni pour les avocats et les fonctionnaires judiciaires.

Cette situation est bien connue. Le présent texte de loi nous donne des moyens et fixe des objectifs pour résorber les difficultés. Seules des dispositions législatives précises et contraignantes sont de nature à mettre un terme à une situation qui n'est plus tolérable.

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Pour militer depuis longtemps, au sein de cette assemblée, pour que nous renoncions aux séances de nuit, je suis particulièrement sensible à votre préoccupation, fort légitime. Toutefois, quiconque a assisté à une comparution immédiate sait qu'elle peut durer longtemps et s'achever à des horaires tardifs.

En outre, la rédaction de l'amendement pose un problème que j'ai évoqué avec Laurence Vichnievsky : l'application d'une peine de nullité en cas de dépassement de l'horaire. Or, un dépassement de quelques minutes ne saurait entraîner la nullité d'une procédure. Les juridictions sont parfois plus pointilleuses que l'Assemblée nationale sur ce point. Elles considèrent qu'une minute, c'est une minute, et font écrire au greffier « vingt-trois heures une » si l'audience s'achève à 23 h 01. Des procédures longues et complexes, des affaires entières pourraient ainsi être jetées à terre pour un dépassement d'horaires, ce qui serait dommage. Par ailleurs, s'il s'avère à 22 h 50 que l'audience peut être achevée en une demi-heure, que dira-t-on au prévenu ? « Revenez la prochaine fois » ? S'agissant d'un individu placé en détention provisoire, cela signifiera y rester potentiellement plusieurs semaines pour quelques minutes d'audience en moins.

La question des horaires concerne tout le monde – les juges, le greffier, l'avocat, le prévenu, sa famille, les forces de l'ordre. Je suggère le retrait de l'amendement pour insérer cette question dans le rapport annexé, afin que le référentiel des métiers et des compétences sur lequel travaille le ministère intègre cette légitime préoccupation d'assurer à tous des horaires de travail décents.

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Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

Mettre un terme à la tenue d'audiences nuitamment est une excellente idée, sur laquelle la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a statué. Toutefois, imaginons une cour d'assises qui se retire à 20 heures, tout étant clair et limpide. Chacun pense qu'elle délibérera rapidement. Mais des discussions s'ouvrent, car des désaccords se font jour, et, à 00 h 01, le verdict n'est toujours pas tombé. On annule tout ? Ce n'est ni possible, ni vraisemblable. D'ailleurs, disons-le clairement : on ne connaît jamais à l'avance la durée d'un délibéré, ni en matière criminelle, ni en matière correctionnelle.

S'agissant de la charge de travail des magistrats, nous travaillons sur ce point à la Chancellerie. Nous préparons une convention-cadre sur la qualité de vie au travail. Si les moyens prévus par le texte sont votés et si nous embauchons davantage de magistrats, peut-être les audiences s'achèveront-elles à des heures moins tardives. L'un des objectifs de ces embauches massives est aussi d'améliorer la qualité de vie au travail des magistrats.

Je ne peux évidemment pas accepter le couperet de la nullité d'ordre public, qui engendrerait des cataclysmes judiciaires. Avis défavorable.

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Je soutiens cet amendement de bon sens. Pour la qualité du rendu de la justice, plaider et se défendre au milieu de la nuit n'est acceptable pour personne.

Je constate au passage que l'argument du rapporteur sur le maintien en détention provisoire est à géométrie variable. Dans le cadre d'un amendement précédent, le délai était censé être utile au prévenu pour préparer sa défense…

L'audience proprement dite, qui fait intervenir la défense et les témoins dans le cadre de débats contradictoires, est distincte du temps du délibéré, même si celle-ci fait certes partie du temps de travail des magistrats. M. le garde des sceaux a raison de dire qu'il serait dommage que des procédures entières, où tout le monde a mis du sien, soient annulées. Plus généralement, délibérer sous la pression du fouet du chronomètre mène à la mauvaise justice. Il faut donc exclure le temps du délibéré du délai proposé par notre collègue Vichnievsky, qui répond à une demande des justiciables, des magistrats et des greffiers.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

La meilleure façon de ne pas dépasser 23 heures, c'est de donner à la justice davantage de moyens.

Si l'on suspend les débats à 23 heures en l'absence de délibéré, à quand celui-ci est-il remis ? Sine die ? Au lendemain ? Le délibéré fait partie de l'audience, sur laquelle se fonde la rédaction de l'amendement. Je ne suis pas d'accord avec la rectification proposée par Mme Garrido.

Par exemple, si un réquisitoire est prononcé à 22 h 50, l'avocat devra-t-il attendre le lendemain pour plaider ? C'est loin d'être idéal pour la défense. Certaines cours d'assises procèdent ainsi ; je n'y ai jamais été favorable.

Nous donnerons à la justice des moyens supplémentaires, grâce auxquels nous ferons en sorte que les audiences durent moins longtemps qu'à l'heure actuelle.

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Madame Garrido, vous mobilisez beaucoup de mauvaise foi pour me faire passer pour quelqu'un qui n'a pas compris le sujet. S'agissant de la détention provisoire, ma position n'est pas à géométrie variable. Je le prouve continuellement en étant favorable à toute disposition qui tend à en réduire la durée.

Quant à la justice sous le chronomètre, c'est précisément celle à laquelle conduit l'amendement : s'il faut lever l'audience à 23 heures, on dira aux uns et aux autres qu'il faut faire court et le débat risque d'être bâclé. L'idée qui sous-tend l'amendement est bonne, mais sa rédaction pose problème.

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Personne ne peut se satisfaire d'une situation dans laquelle certaines audiences s'achèvent très tard. Notre collègue Laurence Vichnievsky a raison de s'emparer du sujet et de le mettre sur la table. Il reste que la justice n'est pas une science exacte et qu'on ne peut pas interrompre une audience au milieu des débats. Par ailleurs, la sanction proposée va très loin et n'est pas sans conséquences.

Si nous en sommes là, c'est parce que, pendant très longtemps, nous avons sous-investi dans la justice, refusant d'en faire une priorité. Depuis quelques années, nous mobilisons les moyens matériels et humains pour faire en sorte que les conditions d'exercice des uns et des autres – magistrats, avocats, greffiers, huissiers d'audience – soient respectueuses du statut de chacun. Je vous invite donc, mes chers collègues, à voter les augmentations de crédits budgétaires prévues par le texte.

La commission rejette l'amendement.

La séance est levée à 20 heures 05.

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Caroline Abadie, M. Jean-Félix Acquaviva, M. Pieyre-Alexandre Anglade, M. Erwan Balanant, M. Romain Baubry, M. Ugo Bernalicis, Mme Pascale Bordes, M. Ian Boucard, M. Florent Boudié, Mme Émilie Chandler, Mme Clara Chassaniol, M. Jean-François Coulomme, Mme Mathilde Desjonquères, M. Philippe Dunoyer, Mme Elsa Faucillon, Mme Raquel Garrido, M. Philippe Gosselin, M. Guillaume Gouffier Valente, M. Jordan Guitton, M. Benjamin Haddad, M. Timothée Houssin, M. Jérémie Iordanoff, Mme Emeline K/Bidi, M. Andy Kerbrat, M. Gilles Le Gendre, Mme Marie Lebec, M. Didier Lemaire, M. Emmanuel Mandon, Mme Élisa Martin, M. Ludovic Mendes, Mme Naïma Moutchou, M. Didier Paris, M. Éric Pauget, M. Emmanuel Pellerin, M. Éric Poulliat, M. Philippe Pradal, M. Rémy Rebeyrotte, Mme Sandra Regol, M. Davy Rimane, Mme Béatrice Roullaud, M. Thomas Rudigoz, M. Hervé Saulignac, M. Raphaël Schellenberger, M. Philippe Schreck, Mme Sarah Tanzilli, Mme Andrée Taurinya, M. Jean Terlier, Mme Cécile Untermaier, M. Roger Vicot

Excusés. - M. Éric Ciotti, M. Sacha Houlié, Mme Élodie Jacquier-Laforge, M. Mansour Kamardine, Mme Marietta Karamanli, Mme Danièle Obono, Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, M. Aurélien Pradié, M. Guillaume Vuilletet