La réunion

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La séance est ouverte à 9 heures.

Présidence de M. Sacha Houlié, président.

La Commission examine la proposition de loi visant à renforcer la sécurité des professionnels de santé (n° 2093) (M. Philippe Pradal, rapporteur).

Lien vidéo : https://assnat.fr/kT3P1p

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Un vieux proverbe juif dit : « Pour honorer le médecin, n'attend pas que tu en aies besoin. » Le 23 janvier 2024, avec mes collègues du groupe Horizons, nous avons déposé une proposition de loi visant à renforcer la sécurité des professionnels de santé. À ceux qui s'en prennent à nos soignants, elle délivre un message de fermeté ; aux victimes, un message de soutien et de considération.

Vous connaissez sans doute la gravité de la situation, mais je crois utile de rappeler quelques chiffres.

L'Observatoire national des violences en milieu de santé (ONVS) recueille les signalements de faits de violence commis à l'encontre des personnels de santé, que ce soit à l'hôpital, lors de soins à domicile, sur la voie publique ou, depuis 2020, dans le cadre de la médecine de ville. Dans la mesure où ces signalements sont transmis par l'intermédiaire d'une plateforme sur la base du volontariat, les statistiques de l'ONVS ne traduisent sans doute pas avec exactitude l'ampleur et la gravité des violences commises à l'égard des personnels de santé. Reste que, pour l'année 2022, ce sont 18 768 atteintes aux personnes et aux biens qui ont été signalées.

Certains services sont particulièrement exposés, comme les services de psychiatrie, auxquels je veux rendre un hommage appuyé ; à eux seuls ils déclarent plus de 20 % des faits, suivis par les services d'urgence, puis par les Ehpad.

Mais, à moindre échelle, ces violences peuvent survenir dans tous les services. Elles touchent tous les professionnels de santé, quel que soit leur lieu d'exercice. Elles touchent aussi, avant ou après le soin, les membres du personnel des établissements de santé : agents d'accueil aux services des urgences ou bien secrétaires dans les services de facturation. Ces personnes sont régulièrement confrontées à des comportements inadmissibles de la part de patients ou de leur entourage. Ces violences touchent encore, et je reviendrai sur cette question relative au champ de la proposition de loi, les personnels des établissements et services sociaux et médico-sociaux, mais aussi les personnels exerçant dans le cadre de la médecine libérale, dans les cabinets médicaux et paramédicaux.

Il n'est pas étonnant que la hausse générale de la violence trouve un écho en milieu de santé. La pandémie de covid-19 a, en particulier, créé un climat de tension qui s'est fortement répercuté sur les lieux d'exercice des soignants. Nous sommes très rapidement passés d'un soutien aux soignants que nous applaudissions depuis nos fenêtres à une inadmissible intolérance aux frustrations que ne peuvent manquer de faire naître les situations de soin.

Les pouvoirs publics ont le devoir d'apporter une réponse ferme et rapide à cet état de fait qui peut, pour les cas les plus graves, aboutir à des drames humains. Même lorsque les violences ne relèvent pas d'infractions criminelles, leurs conséquences sont majeures, tant pour les victimes que pour le système de santé. Les agressions, qu'elles soient physiques ou verbales, sont avant tout traumatisantes pour les personnes qui en sont les victimes. Elles génèrent aussi chez le personnel une perte de confiance. Elles peuvent détériorer le climat de travail et entraîner une démobilisation. Au bout du compte, elles portent atteinte à l'attractivité des professions de santé, et peuvent altérer la qualité des soins.

En amont de notre réunion, j'ai tenu à entendre les professionnels de santé. Les ordres professionnels, les fédérations hospitalières, les syndicats, les conférences des directeurs généraux des hôpitaux ont tous répondu à l'appel dans de très brefs délais. Je veux ici les en remercier : nos discussions ont été riches, et m'ont permis de mieux cerner l'ampleur et la gravité de ces violences pour les victimes, leurs collègues de travail, leur entourage et les patients eux-mêmes. Elles m'ont également permis de mieux apprécier la nature des réponses à y apporter.

J'ai acquis une conviction à l'issue de ces auditions : les soignants attendent des pouvoirs publics qu'ils prennent en considération ce fléau. C'est ce que nous voulons faire.

Le 29 septembre 2023, le ministre de la santé et de la prévention, M. Aurélien Rousseau, et la ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale des professions de santé, Mme Agnès Firmin Le Bodo, ont publié un plan pour la sécurité des professionnels de santé. Ils y soulignent le caractère intolérable des violences à leur encontre et y détaillent une série de mesures, articulées autour de trois axes.

Le premier axe consiste à sensibiliser le public et à former les soignants, afin d'éviter que les situations de tension ne surviennent. Il s'agit là d'un message que je veux relayer auprès de nos concitoyens : notre système de santé est une richesse, et il appartient à chacun de nous d'en prendre soin.

Le deuxième axe consiste à prévenir les violences et à sécuriser l'exercice de leur métier par les professionnels. Il s'agit notamment de renforcer les sanctions pénales à l'encontre des agresseurs. L'article 1er aggrave ainsi les peines encourues pour violences et pour vol lorsque les faits sont commis dans des établissements de santé ou sur les personnels des établissements de santé. L'article 2, lui, étend le délit d'outrage aux professionnels de santé et aggrave la peine encourue en cas d'outrage, lorsque celui-ci est commis envers un personnel d'un établissement de santé dans le cadre de l'exercice d'une mission de service public.

Enfin, le troisième axe du plan repose sur la déclaration des violences et l'accompagnement des victimes. L'article 3 relève de cette dimension. Il permet à l'employeur d'un professionnel de santé ou d'un membre du personnel d'un établissement de santé qui a subi des faits de violence de porter plainte, à la place de la victime, après avoir recueilli son consentement. Je suis convaincu que ces plaintes seront de nature à rassurer la victime et à lui adresser le message de soutien et de protection dont elle a besoin pour envisager de porter plainte en son nom propre et de poursuivre, en se sentant soutenue, l'exercice de sa profession.

On me reprochera peut-être une approche trop restrictive. Mais il s'agit, par ce texte, d'apporter une traduction législative au volet pénal du plan visant à renforcer la sécurité des professionnels de santé. Je suis conscient que certains problèmes d'organisation, comme celui des services de sécurité à l'hôpital, ne seront pas réglés par son adoption. Lors des auditions nous avons aussi évoqué le cas des conventions santé-sécurité-justice, qui font d'ailleurs l'objet d'un amendement ; elles définissent un protocole-cadre et fixent les principes d'une collaboration entre les établissements de santé, les forces de sécurité intérieure et les autorités judiciaires. Il faut donc encourager leur signature. Cela dit, tous les sujets ne relèvent pas de la loi ; le texte se concentre donc sur la dimension pénale de la réponse à ces violences.

Au demeurant, s'agissant du champ de la proposition de loi, ma réflexion a évolué. Le dispositif initial permet d'apporter une réponse pénale plus ferme pour les violences ou les vols commis au sein des établissements de santé ; au fil des auditions, j'ai été convaincu de la nécessité d'élargir le périmètre, non seulement aux établissements sociaux et médico-sociaux, mais aussi aux structures d'exercice libéral de la médecine de ville. C'est la raison pour laquelle je vous proposerai, tout à l'heure, d'adopter les amendements que j'ai déposés en ce sens.

En délivrant un message de fermeté aux agresseurs potentiels et en favorisant le dépôt de plainte lors de la survenue de violences, cette proposition de loi pourrait avoir un effet dissuasif pour les agresseurs et rassurant pour les soignants. Elle nous offre une occasion de leur réaffirmer solennellement notre soutien et notre reconnaissance : j'espère que nous la saisirons.

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Face à une augmentation alarmante des actes de violence envers les professionnels de santé, il nous faut réagir avec fermeté et détermination. Les chiffres que l'ONVS a publiés en 2022 révèlent une réalité que nous ne pouvons ignorer : soixante-cinq personnels de santé sont, en moyenne, agressés chaque jour, physiquement ou verbalement. Nous leur devons la plus grande fermeté à l'égard des agresseurs, comme nous devons leur faire savoir très clairement que nous voulons les protéger.

Je tiens à saluer l'engagement de M. Philippe Pradal, auteur de cette proposition de loi visant à renforcer la sécurité de ceux qui sont en première ligne pour protéger notre santé : les professionnels de santé, mais également l'ensemble des personnels travaillant à leurs côtés dans ces établissements.

Le Gouvernement a conçu, en septembre 2023, un plan interministériel pour la sécurité des professionnels de santé. Cette proposition de loi permet de donner une traduction législative de certaines des mesures qui y sont envisagées. L'article 1er répond ainsi à la mesure 29 – « aggraver la peine pour vol commis dans un établissement de santé, ainsi que de tout matériel médical ou paramédical » – et à la mesure 30 – « étendre aux établissements de santé l'aggravation des peines pour les faits de violence entraînant une incapacité totale de travail (ITT) ». L'article 2, lui, répond à la mesure 27 – « créer un délit d'outrage sur les professionnels de santé » –, et l'article 3 à la mesure 36 – « permettre aux directeurs d'établissement de santé de déposer plainte en cas de violences ou de menaces à l'encontre d'un agent ».

Cette proposition de loi renforce notre engagement envers une société respectueuse et protectrice de ceux qui nous soignent. Le groupe Renaissance la soutiendra, y compris sur l'extension de la protection à l'ensemble des travailleurs des établissements médico-sociaux – nous avons déposé à cette fin des amendements identiques à ceux du rapporteur. Nous resterons vigilants quant à l'application du plan du Gouvernement pour la protection des soignants.

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Il est urgent de répondre à la hausse constante des violences physiques dans notre pays, encore attestée par le rapport du service statistique ministériel de la sécurité intérieure, publié ce jeudi 29 février. Alors que chacun a gardé en mémoire l'atroce assassinat d'une infirmière au centre hospitalier universitaire (CHU) de Reims au mois de mai 2023, les conclusions du rapport sur les violences à l'encontre des professionnels de santé sont sans appel. Entre 2021 et 2022, les agressions à l'encontre des médecins ont augmenté de 23 %, les coups et blessures envers les soignants de 15 %. Les professionnels de santé des hôpitaux sont 37 % à déclarer avoir été victimes de violences en 2022, et ce chiffre atteint 66 % pour les infirmiers.

Nous nous devons de protéger ces personnes qui consacrent leur carrière à soigner les autres. Ces intolérables violences viennent s'ajouter au nombre croissant des difficultés que rencontrent les professionnels de santé dans l'exercice de leur métier. Le manque d'effectifs, en milieu hospitalier comme dans la médecine libérale, pèse sur les patients et les soignants. Nous avons besoin de plus de médecins et de personnels de santé ; mais qui voudra exercer ces professions dans de telles conditions ? On compte – et c'est aussi le bilan de la Macronie – 15 000 postes d'infirmiers vacants, quand un quart d'entre eux envisagent de quitter le métier dans l'année à venir. Le risque de violences vient aggraver cette situation.

Certains quartiers sont plus touchés que d'autres. Le président du syndicat national des infirmiers libéraux affirme que des professionnels préfèrent ne pas se rendre chez certains patients en raison de leur lieu d'habitation. SOS Médecins a annoncé cette semaine renoncer à se déplacer dans certains quartiers de Toulon. À l'insécurité que subissent déjà les habitants de ces quartiers, où la Macronie laisse régner l'insécurité, s'ajoute l'inégalité d'accès au soin.

Sensibiliser et former les soignants victimes de violence, comme le rapport du ministère de la santé le préconise, ne suffit pas. Ce ne sont pas les soignants qui doivent s'adapter à la violence, mais les agresseurs qui doivent être plus sévèrement punis, comme le demande, à raison, le Conseil national de l'Ordre des infirmiers. Il y a quelques jours, un homme reconnu coupable d'avoir frappé un médecin dans son cabinet n'a été condamné par le tribunal de Montbéliard qu'à un simple stage de citoyenneté.

Le groupe Rassemblement national est favorable à un durcissement des peines, qu'il faut rendre plus dissuasives, et à une facilitation du dépôt de plainte en permettant à l'employeur de le faire pour l'employé, qu'il soit professionnel de santé ou personnel d'un établissement de santé – seulement 30 % des agressions sont en effet actuellement suivies d'un dépôt de plainte.

Nous voterons donc en faveur de cette proposition de loi, mais sans naïveté. Nous savons qu'il ne s'agit que d'une opération de communication de la Macronie, elle-même en partie responsable des problèmes qu'elle prétend résoudre. Sous la présidence d'Emmanuel Macron, 30 000 lits d'hôpital ont été fermés. Si cela n'excuse en rien les violences, l'état de notre système de santé attise assurément ces tensions : 48 % des violences font suite à des reproches sur la prise en charge médicale, et 28 % concernent le temps d'attente. Si votre texte tend à augmenter le quantum des peines, monsieur le rapporteur, votre ministre de la justice, M. Éric Dupond-Moretti, s'y oppose par principe. L'augmentation de la peine maximale ne sera d'ailleurs que de peu d'effet ; il est urgent de sanctionner dès la première infraction et de mettre en place des peines planchers, comme nous le proposons, mais vous vous y refusez également. Nous comprenons d'ailleurs assez mal pourquoi les amendements que nous avons déposés en ce sens, avec d'autres groupes, ont été considérés comme des cavaliers par la commission.

Ce texte est donc avant toute chose une opération de communication du groupe Horizons. S'il ne changera rien sur le fond, il constitue une avancée marginale pour la sécurité des soignants ; c'est pourquoi nous le voterons.

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Certains amendements relatifs aux peines planchers ont été jugés recevables ; seuls ceux qui concernaient d'autres professions que celles de la santé ou des infractions n'entrant pas dans le champ du texte ont été jugés irrecevables, conformément à la jurisprudence habituelle de notre commission relativement aux cavaliers législatifs.

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À l'image de la Macronie, cette proposition de loi s'attaque à la forme, mais pas au fond. Vous prétendez renforcer la sécurité des personnels de santé en aggravant les peines encourues par les auteurs de violences à leur encontre : bonne intention qui dissimule en vérité une erreur de jugement et détourne le regard de l'essentiel.

La violence envers les personnels soignants est inacceptable et doit être combattue avec la plus grande fermeté. Le 10 février dernier, à Nantes, une infirmière a été étranglée, sans raison aucune, par un patient. Ces hommes et ces femmes qui se dévouent pour sauver des vies et soulager la souffrance humaine méritent respect et protection. Mais ce texte ne propose que d'aggraver les peines encourues par les agresseurs au lieu de s'attaquer à la racine de cette violence et aux problèmes de fond qui gangrènent notre système de santé.

En détruisant le système public de soin, messieurs de la Macronie, vous êtes les véritables responsables de la violence envers les personnels soignants. Elle découle en effet bien souvent des tensions et des dysfonctionnements provoqués par vos politiques d'austérité. L'hôpital public vit depuis des années une crise permanente : coupes budgétaires, fermetures de lits, suppressions de postes, heures supplémentaires impayées, new public management. Même la pandémie de covid ne vous aura pas convaincus de sanctuariser l'hôpital. Soignants comme patients font preuve, dans un tel contexte, d'une résilience et d'une solidarité admirables. Personne ne conteste la grave augmentation des violences à laquelle sont confrontés les soignants et les personnels qui travaillent dans les hôpitaux, et il faut les protéger du mieux que nous pouvons ; mais cela ne sera pas possible tant que votre majorité refusera de sortir le carnet de chèques pour plus de personnels, plus de lits, plus de temps consacré à chaque patient.

Cette proposition de loi s'inscrit aussi malheureusement dans une vision validiste, en perpétuant des stéréotypes et des préjugés nuisibles à l'égard des personnes souffrant de troubles psychiatriques. En renforçant les peines encourues par les agresseurs, elle sous-entend que ces personnes sont intrinsèquement dangereuses et doivent être plus sévèrement punies. Je dénonce cette vision simpliste et réductrice qui ignore toute la diversité et la complexité des situations des personnes vivant avec des troubles mentaux, ainsi que le rôle joué par les facteurs sociaux, économiques et environnementaux dans ces comportements violents. Criminaliser davantage les personnes en situation de vulnérabilité, c'est perpétuer un cycle de marginalisation et de stigmatisation qui ne fera qu'aggraver la situation.

Cette proposition de loi est donc une belle manœuvre de diversion qui ne vous coûte rien et donne le sentiment que vous êtes combatifs et sérieux. Mais elle ne servira à rien. C'est l'application des peines, et non pas leur intensité, qui est l'élément véritablement dissuasif. Il est d'autant plus inutile d'aggraver les peines qu'elles ne pourront pas s'appliquer à des personnes qui n'ont pas conscience de leurs actes. Voulez-vous vider les hôpitaux psychiatriques en remplissant les prisons ?

Nous devons faire disparaître la violence que subissent les soignants dans les hôpitaux : mais ne les prenons pas pour des imbéciles et écoutons-les vraiment. Or, ce qu'ils demandent, ce sont des moyens.

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La lutte contre ces violences est une priorité, tant les chiffres sont dramatiques. Dans son rapport paru au lendemain de l'assassinat d'une infirmière au CHU de Reims, au mois de mai dernier, l'Observatoire de la sécurité des médecins fait état, pour l'année 2022, d'une hausse alarmante de 23 % des violences à leur encontre. La part du manque de prise en charge psychiatrique dans ces violences est un autre sujet, sur lequel la représentation nationale devra revenir.

Deux infirmiers sur trois déclarent avoir été victimes de violences dans l'exercice de leur profession. En 2022, 37 % des professionnels de santé ont déclaré avoir été victimes de violences. Ces chiffres sans précédent exigent une réponse du législateur. Si les médecins généralistes ainsi que les personnels paramédicaux sont en première ligne, les psychiatres, les cardiologues et les gynécologues sont également la cible de reproches sur la prise en charge médicale qu'ils proposent, en cas de refus de prescription de médicament ou bien de délivrance d'un arrêt de travail. Ces personnes qui ont choisi de consacrer leur vie au soin de leurs concitoyens ne pouvaient s'imaginer signer pour un quotidien de violences. Personne ne saurait accepter une telle situation.

Il faut donc frapper fort pour protéger ceux qui nous soignent : il faut le faire pour leur sécurité mais aussi pour préserver l'attractivité de ces métiers indispensables. Cette proposition de loi est une première réponse à ces violences, et c'est pourquoi le groupe Les Républicains, bien entendu, la votera. Elle reste toutefois bien en deçà des propositions que j'avais moi-même formulées, comme la mise en place de peines planchers, qui seraient plus dissuasives encore. Nous souhaitons donc enrichir le texte en ce sens. J'avais ainsi déposé des amendements visant à établir une peine minimale d'un an pour les violences commises à l'encontre de toutes les personnes investies d'une mission de service public : les soignants, mais aussi les forces de l'ordre – gendarmes, policiers – les pompiers, les magistrats ou encore les enseignants. Mais le président de cette commission a jugé ces amendements irrecevables, au motif qu'ils ne concernaient pas les seuls soignants. Il a donc voulu faire le tri entre ceux qui s'investissent, au quotidien, dans une mission de service public. Si je n'ose imaginer que cette décision d'irrecevabilité soit politique, elle est au moins intellectuellement malhonnête, car elle méprise l'esprit de cette proposition de loi – donc du législateur – qui vise à protéger de manière indissociable l'ensemble des personnes investies d'une mission de service public.

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C'est la Constitution qui guide la manière dont, ici, nous faisons la loi, et le Conseil constitutionnel a récemment intégralement validé l'appréciation que cette commission a faite de l'article 45.

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Je respecterai toutes les personnes, leur autonomie et leur volonté, sans aucune discrimination selon leur état ou leurs convictions. J'interviendrai pour les protéger si elles sont affaiblies, vulnérables ou menacées dans leur intégrité ou leur dignité. […] Je donnerai mes soins à l'indigent et à quiconque me les demandera. » Ces mots sont ceux du serment d'Hippocrate. Ils illustrent le dévouement quotidien de femmes et d'hommes, au service de nos concitoyens, dans des conditions parfois difficiles. La multiplication des actes de violence auxquels ils sont confrontés, et dont vous avez rappelé les chiffres, n'est pas acceptable.

Deux faits ont récemment marqué ma circonscription. Une mère de famille a menacé de mort et roué de coups un praticien de SOS Médecins dans son cabinet médical du quartier de l'Almont, à Melun. Une nuit, à l'hôpital de Melun, un individu a blessé au couteau un cadre de santé et un visiteur : scène tragique, mais qui n'est malheureusement pas une première dans cet établissement. Nous ne pouvons qu'être solidaires de nos soignants face à ce fléau, et œuvrer à une réponse judiciaire ferme.

Votre proposition de loi, monsieur le rapporteur, se concentre sur la dimension répressive, d'abord en aggravant les peines pour les violences et les outrages commis à l'encontre des personnels des établissements de santé, ou lorsqu'ils ont lieu au sein d'un établissement de santé ; ensuite, en aggravant les peines pour le vol de matériel dans un établissement de santé ; enfin, en permettant à l'employeur de se constituer partie civile et de porter plainte en cas de violence ou de menace à l'encontre d'un de ses agents. L'élargissement de ces dispositions à l'ensemble du personnel des établissements de santé est bienvenu, tant ils se trouvent souvent en première ligne dans l'accueil des patients et la gestion de leur temps d'attente. Après en avoir discuté avec vous, monsieur le rapporteur, nous proposons de les étendre plus encore, afin de protéger également celles et ceux qui travaillent dans les centres et les maisons de santé, les cabinets médicaux et paramédicaux, ainsi que les établissements et services sociaux et médico-sociaux. Nous défendrons également la réalisation d'un bilan annuel dans les établissements de santé, transmis chaque année au conseil de surveillance, afin de mieux faire remonter la survenue des actes de violence.

Notre groupe soutient bien entendu cette proposition de loi, même si, au-delà de la seule réponse pénale, nous pensons qu'elle doit être accompagnée de mesures de terrain. Il nous revient en particulier de donner plus de moyens pour améliorer le parcours de soins.

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Cette proposition de loi constitue une avancée incontestable mais il aurait été possible d'aller plus loin, notamment sur l'accompagnement, avec des dispositions dans l'esprit d'une loi de programmation.

Le constat est sévère : 20 000 agressions de professionnels de santé ont été signalées en 2021 et 30 000 aujourd'hui, alors que le Président de la République avait joliment qualifié ces personnes, pendant la crise du covid, de « premiers de corvée ». Les pompiers, les policiers, les prestataires privés des bailleurs sociaux souffrent également de cette atmosphère de violence à laquelle nous devons apporter une réponse.

Le plan présenté en septembre 2023 par M. Aurélien Rousseau et Mme Agnès Firmin Le Bodo présentait à cet égard des pistes intéressantes : je pense à la sensibilisation du public et à la formation des soignants, idées qui ne sont pas reprises ici, mais aussi à l'aménagement de l'environnement de travail des professionnels ainsi qu'à l'organisation des équipes, et, enfin et surtout, à l'accompagnement des victimes, sujet qu'il aurait été très intéressant d'intégrer au texte. Il y a donc loin de la coupe aux lèvres : partant d'un constat difficile et d'un plan ambitieux, on se limite finalement à quelques aspects pénaux – avancées certes incontestables – en oubliant les questions plus larges de l'accompagnement des professionnels et de leur protection. Nous nous abstiendrons, mais déposerons en séance un certain nombre d'amendements allant dans le sens des idées dont je viens de parler.

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Le sujet de la sécurité des soignants, majeur, est l'écho d'un délitement de ce qui devrait être au cœur du contrat social : le respect de ceux qui consacrent leur vie professionnelle, et bien trop souvent personnelle, à l'intérêt général et au service de leurs concitoyens.

Le mois dernier encore, à Toulon, un médecin a été agressé alors qu'il sortait d'une consultation à domicile. SOS Médecins a annoncé renoncer à intervenir, jusqu'à nouvel ordre, dans ce quartier ; événement qui s'ajoute à tous ceux qui mettent en lumière le phénomène grandissant des agressions à l'encontre des personnels soignants, sur leur lieu de travail, notamment à l'hôpital et, plus largement, à l'encontre des agents publics dans l'exercice de leurs fonctions. Un chiffre, en particulier, témoigne de la banalisation de ces actes : en 2022, près de quatre professionnels de santé sur dix ont déclaré avoir été victimes de violences sur leur lieu de travail – chiffre probablement sous-estimé, le signalement se faisant dans les établissements sur la base du volontariat. Dans le contexte global d'une montée de la violence au sein de notre société, les professionnels de santé sont devenus, eux aussi, une cible : quel paradoxe que de s'attaquer à ceux dont la vocation est de prendre soin des autres !

Cette proposition de loi, dans la ligne du plan annoncé par le Gouvernement en septembre dernier, permettra tout d'abord de renforcer l'arsenal des peines applicables aux infractions de violence et de vol lorsqu'elles sont commises dans les établissements de santé. Ces derniers doivent être sanctuarisés, plus encore que les autres services publics, puisqu'ils sont le lieu de la prise en charge de la vulnérabilité physique et psychique. De la même manière, le vol de matériel médical ne saurait être mis sur le même plan que les autres vols. C'est un matériel vital, même lorsqu'il n'est pas destiné aux soins de premiers secours.

Les violences verbales, ensuite, sont souvent les prémices des violences physiques, et ses conséquences, pour invisibles qu'elles soient, peuvent être extrêmement graves. Ainsi la proposition de loi étend-elle le champ du délit d'outrage aux injures et menaces proférées envers les professionnels de santé, et en aggrave la peine lorsqu'elles sont adressées à une personne chargée d'une mission de service public et que les faits ont été commis dans l'enceinte d'un établissement de santé.

Les personnels des établissements de santé, enfin, méritent d'être soutenus par leur hiérarchie et les faits qu'ils subissent ne doivent surtout pas rester impunis lorsqu'ils renoncent à porter plainte. Pour cette raison, le groupe Horizons et apparentés souhaite ouvrir la possibilité, pour l'employeur d'un professionnel de santé ou d'un personnel d'établissement de santé, de porter plainte lorsqu'il a connaissance d'un fait susceptible de constituer une infraction commise à l'encontre d'un de ses agents.

Comme le soulignait le plan d'action du Gouvernement, si la santé est un bien commun, il est de notre responsabilité collective de nous assurer que les soignants exercent dans des conditions de sécurité satisfaisantes. Nous appelons ainsi les députés de tous bords à adopter cette proposition de loi.

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Je veux dire toute notre admiration pour les professionnels de santé et témoigner de notre solidarité envers eux. Comme celles et ceux qui siègent ici, nous condamnons avec la plus absolue fermeté les violences dont ils sont les victimes.

Nous aurions aimé, comme d'autres, que vous ne vous contentiez pas du volet pénal de la question, et que vous abordiez aussi la question des conditions de travail des soignants, dont nous constatons chaque jour, dans nos territoires, la dégradation. Nous aurions également aimé, comme M. Vicot, que soit pris en compte le sujet de l'accompagnement des victimes, et que vous vous intéressiez un peu à la question des moyens.

Il ne suffit pas, monsieur le rapporteur, de se faire des peintures de guerre sur le torse. Sanctionner, punir, réprimer : si la dissuasion par les peines fonctionnait, nous ne passerions pas autant de temps à débattre au sein de notre commission.

Il y a même une forme de tartuferie dans ce texte – et d'hypocrisie de votre part –, quand on sait qu'Édouard Philippe, le fondateur du mouvement Horizons, a fermé 18 000 lits lorsqu'il était Premier ministre. Expliquer n'est pas excuser, mais chacun sait que les violences, dans le monde de la santé, sont liées au fait que les gouvernements que vous avez soutenus ont abandonné l'hôpital public ; elles sont liées aux fermetures de lits que vous avez organisées, y compris après la crise sanitaire, alors que, durant celle-ci, tout le monde jurait, la main sur le cœur, qu'on n'abandonnerait jamais plus l'hôpital public. Les patients et le personnel médical souffrent au quotidien de la dégradation de notre hôpital public et de notre offre de soins.

Cette proposition de loi vise sans doute à vous donner bonne conscience à peu de frais, mais nous ne tomberons pas dans le piège. La sécurité du personnel de santé, l'état de l'hôpital public et la protection de ceux qui assurent héroïquement leur mission au quotidien méritent mieux qu'un coup de communication. La santé, qui est l'une des préoccupations majeures de nos concitoyennes et de nos concitoyens, mérite beaucoup mieux que votre texte.

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Le titre prometteur de votre proposition de loi nous faisait espérer des mesures répondant au mal-être des soignants, des propositions pour résorber la pénurie de soins qui sévit dans nombre de nos territoires ou pour augmenter les fonds de l'hôpital public. Nous espérions, en somme, que les moyens alloués aux professionnels de santé allaient enfin leur permettre d'exercer leur métier dans de bonnes conditions.

Il n'en est rien, puisque cette proposition de loi se contente de renforcer les peines en cas de violences commises contre des professionnels de santé. La situation est certes dramatique, puisqu'on a recensé 19 328 actes de violence contre le personnel soignant en 2021 et que 37 % des professionnels de santé disent avoir été victimes de violences en 2022. Il importe donc d'agir, mais qui peut croire que l'accentuation de la réponse pénale va régler le problème ? Vous vous attaquez aux conséquences et semblez vouloir ignorer les causes.

Les études montrent pourtant que, dans près de 50 % des cas, les violences sont associées à des reproches sur la prise en charge des patients : refus de prodiguer des soins de nursing, temps d'attente excessifs, etc. Ces violences sont le reflet de la dégradation de la qualité des soins et de la pénurie de soignants. Une part des violences est également le fait d'individus alcoolisés ou de personnes atteintes de troubles psychiatriques – je ne reviens pas sur l'état de la psychiatrie en France. L'aggravation des peines n'aura aucun effet sur ces personnes.

Ce qu'il faudrait, c'est un peu plus de moyens. Chez moi, à La Réunion, 20 % du personnel du CHU est en arrêt maladie. L'hôpital manque de moyens humains et les embauches sont gelées en raison d'une situation financière plus qu'alarmante, liée au fait que le coefficient géographique n'a pas été augmenté depuis plus de dix ans. Le candidat Emmanuel Macron avait promis de le faire évoluer. Il y a quatre mois, lorsque le personnel de l'hôpital était en grève et bloquait la circulation sur toute l'île, le ministre de la santé a annoncé que l'on aurait trois points de revalorisation à compter de janvier 2024. Nous sommes en mars et on nous promet maintenant de nous envoyer l'Inspection générale des affaires sociales (Igas). Il a fallu la mobilisation transpartisane de tous les élus de La Réunion pour qu'on nous promette finalement une dotation exceptionnelle de 40 millions. Vous allez me dire ce n'est pas mal, mais on est loin des 30 millions par an qu'était censée nous apporter la revalorisation du coefficient géographique. Pendant ce temps-là, la situation des soignants et des soins continue de se dégrader, au point que les médecins sonnent la sonnette d'alarme – or il est assez rare, chez nous, de les voir dans la rue.

Le renforcement des peines ne suffira pas, tant que l'on continuera d'ignorer ces problèmes. Je ne vous parle même pas de Mayotte, où 130 patients, enfants et adultes, sont admis chaque jour à l'hôpital et où les urgences fonctionnent avec quatorze médecins – six titulaires pour trente-quatre postes théoriques.

Nous faisons le même constat que vous, mais nous pensons qu'il faut prendre le problème à la source et mettre fin à l'abandon de l'hôpital public. Vous voulez alourdir les peines, mais si le service de la santé va mal, celui de la justice ne se porte pas mieux. Pour lutter contre les violences routières, vous avez proposé de créer un homicide routier ; pour lutter contre les dérives sectaires, vous avez proposé de rehausser les peines ; pour protéger le personnel soignant, vous modifiez le code pénal. Vous voyez bien que la réponse pénale ne suffit pas : ce n'est pas une baguette magique.

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Depuis peu, nous avons atteint un point de bascule, puisque les agressions et les violences sont presque devenues un risque inhérent au métier de soignant. Les chiffres ont été rappelés : près de 23 500 professionnels de santé ont été victimes de violences en 2022 et l'actualité nous rappelle que les insultes et les petites agressions quotidiennes peuvent rapidement aboutir aux pires des situations.

Nous sommes d'accord sur le constat et les objectifs présentés par le rapporteur nous semblent louables. Toutefois, cette proposition de loi ne s'attaque pas aux racines des violences et des difficultés des soignants. Le rapport sur les violences à l'encontre des professionnels de santé, publié en juin 2023, identifiait une priorité : la nécessité d'améliorer les conditions d'accueil des patients et les conditions de travail des soignants. Or ce texte n'en dit rien. L'Observatoire national des violences en milieu de santé indique que les agressions sont d'abord liées à un reproche sur la prise en charge ou à un délai d'attente excessif. Sans surprise, on constate que près de 15 % des violences ont lieu aux urgences. Il importe donc de revoir sérieusement à la hausse les moyens humains et budgétaires de nos professionnels de santé.

En attendant, notre groupe reconnaît que cette proposition de loi comporte des mesures intéressantes, à commencer par le renforcement des sanctions pénales en cas d'atteinte aux personnes ou aux biens dans le secteur médical. Même s'il est peu probable que cette mesure ait des effets concrets, nombre de soignants la demandent. Notre groupe soutient surtout le choix d'aligner les peines prévues en cas d'outrage contre les soignants exerçant en libéral sur celles déjà prévues pour les soignants exerçant dans des établissements publics de santé, car rien ne justifiait cette différence de traitement. Nous sommes également favorables à ce que les employeurs puissent se constituer partie civile : cela permettra d'accompagner la victime tout au long de la procédure pour obtenir réparation du préjudice.

Nous voterons donc ce texte et espérons que les autres volets du plan pour la sécurité des professionnels de santé seront mis en œuvre rapidement.

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Chaque jour, en France, soixante-cinq professionnels de santé, qu'ils soient médecins, infirmiers, kinés, pharmaciens, sages-femmes ou autres, qu'ils exercent à l'hôpital, en clinique, en cabinet ou en officine, sont agressés, insultés ou violentés ; chaque année, on recense 20 000 signalements de violences. Tout cela est inacceptable.

Depuis 2005, l'Observatoire national des violences en milieu de santé, une instance gouvernementale, recueille les signalements de faits de violence effectués par les établissements de santé et les établissements sociaux et médico-sociaux du public et du privé sur la base du volontariat. Il en ressort que si tous les services sont exposés à des phénomènes de violences et d'incivilités, certains sont davantage touchés : 22 % des cas de violences concernent des services de psychiatrie, 13 % des services de gériatrie et 12 % des services d'urgence. Dans la plupart des cas, le reproche relatif à la prise en charge du patient est le principal élément déclencheur des faits de violence.

Face à cela, votre proposition de loi introduit quelques mesures simples et facilement compréhensibles pour renforcer la sécurité de nos professionnels de santé : l'aggravation des peines encourues pour des faits de vol ou de violence commis dans les locaux des établissements de santé ou à l'encontre des personnels de santé ; l'extension du délit d'outrage aux professionnels de santé et l'extension des circonstances aggravantes lorsque le délit a été commis dans un établissement de santé ; enfin, la possibilité donnée à l'employeur de porter plainte pour violences à la place d'un professionnel de santé ou d'un membre du personnel de l'établissement de santé.

Cette proposition de loi complète utilement les mesures visant à assurer la protection fonctionnelle des professionnels de santé et de leur famille ; elle va dans le bon sens et je la voterai bien volontiers.

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Ce texte, je l'ai dit dans mon propos liminaire, n'a pas vocation à traiter tous les problèmes que rencontrent l'hôpital et les établissements de santé, ni tous les sujets qui ont été abordés dans le plan pour la sécurité des professionnels de santé. Il n'était pas possible, dans le périmètre d'un texte de niche, de proposer une loi d'orientation sur la sécurité des soignants, ce que plusieurs d'entre vous ont d'ailleurs eu l'élégance de reconnaître. J'ai cherché à faire un texte efficace et, pour reprendre les mots de Mme Ménard, que je remercie, à proposer des « mesures simples et facilement compréhensibles ».

Monsieur Martin, vous avez dit qu'il fallait faire preuve de fermeté et de détermination et rappelé que ce texte s'inscrit dans une stratégie plus large du Gouvernement en faveur de la protection des soignants, mais aussi de l'amélioration des conditions d'accueil à l'hôpital, qui relève plutôt de textes budgétaires.

Monsieur Houssin, vous avez fait un lien entre les violences et la baisse de l'attractivité des métiers de santé. Ces violences ont un effet direct sur la victime, c'est évident, mais aussi sur son environnement immédiat ; elles peuvent conduire à des arrêts de travail, même si l'on connaît la conscience des soignants, qui ont tendance, non seulement à ne pas porter plainte, mais à rester à leur poste, alors même que leur état de santé justifierait qu'ils s'arrêtent. Ce texte envoie un message clair aux agresseurs : les violences contre les soignants sont inadmissibles. Et il adresse un message tout aussi clair aux professionnels de santé : être agressé ne fait pas partie des risques du métier – ce que M. Acquaviva a bien fait de souligner.

Mme Aude Luquet a rappelé que l'empathie est au fondement du serment d'Hippocrate. Il ne faudrait pas, toutefois, que cette empathie se retourne contre le soignant, lorsqu'il est victime d'une agression, et qu'il ait un sentiment de culpabilité. Tous les groupes l'ont clairement affirmé : jamais un professionnel de santé n'est responsable de l'agression dont il est l'objet.

Monsieur Kerbrat, rappeler la réalité statistique des agressions dans les services de psychiatrie, ce n'est en rien stigmatiser les patients de ces services. Cette proposition de loi, d'ailleurs, ne vise pas que les agressions commises par les patients. Il s'établit entre un professionnel de santé et son patient une forme d'empathie, voire de compréhension, y compris lorsque le patient manifeste de l'agressivité. Mais ce qui arrive de plus en plus fréquemment, et ce qui est particulièrement pénible pour les soignants, c'est que des accompagnants s'en prennent à eux, parce qu'ils ont lu quelque chose sur internet ou entendu une émission à la télévision et qu'ils estiment que leur protocole de soins n'est pas le bon. C'est cela aussi, la réalité des cabinets médicaux, et je crois que l'on ne peut pas tout expliquer par le manque de moyens et les délais d'attente.

Je n'ai absolument pas cherché à stigmatiser les patients de psychiatrie. Ce que j'ai voulu rappeler, c'est que l'expert, en matière de soins, c'est le médecin, le professionnel de santé. Du reste, chacun sait, et cela a été rappelé, qu'il ne sert à rien de renforcer les sanctions pénales à l'égard de personnes qui sont irresponsables pénalement. J'en profite pour rendre à nouveau hommage au personnel de psychiatrie, avec une mention particulière pour la pédopsychiatrie.

Monsieur Neuder, j'ai déjà répondu au sujet de l'attractivité du métier. Vous dites que les dispositions de cette proposition de loi sont en deçà de ce que vous aviez vous-mêmes proposé : nous pourrons en débattre à l'occasion de l'examen des amendements.

Madame Luquet, vous demandez des mesures concrètes d'accompagnement : j'ai déjà indiqué que ce texte s'inscrit dans une stratégie plus globale mais qu'il n'a pas l'ambition de régler tous les problèmes de l'hôpital.

Monsieur Alfandari, il importe effectivement de sanctuariser les établissements de santé et les personnes qui y travaillent : c'est bien l'objectif de ce texte et je vous remercie de l'avoir perçu comme tel. Merci également d'avoir rappelé que la santé est un bien commun et qu'il est essentiel de protéger les soignants.

Monsieur Lucas, vous m'avez traité d'hypocrite, mais vous connaissez fort bien les limites d'un texte de niche et vous savez aussi qu'un texte de loi ne peut pas régler tous les problèmes. Je crois que nous sommes d'accord sur le constat. Je ne crois pas, en revanche, que les situations complexes appellent une réponse univoque et que tout n'est qu'une question de moyens. Vous dites que l'accompagnement des victimes est insuffisant, mais l'article 3, qui autorise les directeurs d'établissement ou les employeurs à déposer plainte, matérialise cet accompagnement. Dans le secteur public, on pouvait déjà recourir à l'article 40, mais les auditions ont montré qu'il fallait aller plus loin, et toutes les personnes que nous avons entendues ont plaidé pour ce dépôt de plainte, avec le consentement de la victime.

Madame K/Bidi, vous dites que ce texte s'attaque davantage aux conséquences qu'aux causes : je crois avoir déjà répondu sur ce point.

Article 1er (art. 222-12, 222-13 et 311-4 du code pénal) : Aggravation des peines encourues pour des faits de vol et de violences commis dans les locaux des établissements de santé ou à l'encontre des personnels de ces établissements

Amendement de suppression CL16 de M. Andy Kerbrat

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Je vous remercie, monsieur le rapporteur, d'avoir reconnu que cette proposition de loi ne réglera pas tous les problèmes de l'hôpital.

Vous croyez à la dissuasion : vous pensez qu'en augmentant les peines, vous allez dissuader les gens de commettre des actes de violence. Mais certaines de ces violences ont des causes sociales et structurelles, liées notamment à la dégradation de l'hôpital et aux délais d'attente. Il arrive que les patients, en proie au mal-être et au stress, s'en prennent aux soignants. Ces agressions sont absolument inacceptables, il faut le redire, mais elles sont directement liées à la dégradation de l'hôpital. S'agissant des patients en psychiatrie, faut-il rappeler qu'une personne qui n'a pas conscience de ses actes n'est pas responsable pénalement ?

La dissuasion se fonde sur plusieurs choses : la nature du délit, la population cible, les interdits moraux associés au délit, la connaissance de la sanction applicable, la certitude de la sanction, la promptitude de la sanction, la rigueur de la sanction et la perception du risque de subir la sanction. Jusqu'ici, notre société était fondée sur un tabou, qui est peut-être en train de se briser, et qui voulait que tous les professionnels du soin soient protégés. Je ne pense pas que c'est en aggravant les peines que vous irez contre cette tendance.

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Avis défavorable. L'objectif de l'aggravation des peines est double. Il s'agit d'abord d'envoyer un signal aux victimes et de leur dire que les agressions dont elles font l'objet ne sont pas normales. Mais nous nous adressons aussi aux potentiels agresseurs car, comme vous l'avez dit, l'interdit moral associé au délit est l'un des éléments qui font l'efficacité de la dissuasion. Enfin, l'objectif est aussi de donner le pouvoir au juge de sanctionner plus lourdement certains faits qui, à l'heure actuelle, nous semblent l'être insuffisamment.

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Notre collègue de La France insoumise part d'une bonne analyse des causes, mais il n'aboutit pas à la bonne réponse politique. Quant à la Macronie, elle propose de traiter les conséquences, mais refuse de voir les causes du problème, à savoir que 70 % des violences contre les soignants sont liées à des problèmes de prise en charge des patients et de temps d'attente. Cela ne justifie en rien les violences, mais la politique de santé de la Macronie a des conséquences et est en partie à l'origine de ces violences. Vous avez fermé 30 000 lits d'hôpital depuis l'arrivée au pouvoir d'Emmanuel Macron et vous poursuivez cette politique, ce qui ne peut que créer des tensions.

Ce que nous prônons, c'est une double politique : nous voulons donner davantage de moyens à la santé et mettre fin aux fermetures de lits, d'une part, et appliquer une politique de sanction dès les premiers actes de violence, d'autre part.

Nous ne voterons pas cet amendement de l'extrême gauche, car il est effarant : alors qu'il part d'un constat qui est juste, il refuse de sanctionner les auteurs de violences.

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Si l'on appliquait les peines qui sont prévues, ce serait déjà un grand progrès, mais le problème, c'est que le service public de la justice est totalement sinistré, comme celui de la santé.

Vous n'avez parlé, monsieur le rapporteur, que de la dissuasion par les interdits moraux, mais l'effectivité de la sanction rentre également en ligne de compte. Par ailleurs, ce que les soignants demandent avant tout, ce sont des moyens pour accomplir leur mission de soin ; c'est d'être empêchés de le faire qui crée leur mal-être. Les patients, quant à eux, subissent les conséquences de ce manque de moyens : c'est la chaîne de maltraitance. L'aggravation des peines ne servira à rien. Nous nous y opposons et nous y opposerons sur tous les autres textes, car il faudrait déjà garantir l'effectivité de la peine avant de l'aggraver.

La commission rejette l'amendement.

Amendements identiques CL39 de M. Philippe Pradal, CL34 de Mme Aude Luquet, CL42 de M. Didier Martin, CL46 de M. Henri Alfandari, amendements CL9 et CL10 de Mme Alexandra Martin (discussion commune)

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Mon amendement comporte une partie que je qualifierai de rédactionnelle et une partie qui touche davantage au fond du dispositif.

S'agissant du premier point, j'ai souhaité que les circonstances aggravantes soient également retenues pour les violences les plus graves : celles ayant entraîné la mort sans intention de la donner et celles ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente.

Sur le fond, je propose d'élargir le champ des professionnels concernés par cet article. Dans sa rédaction actuelle, le texte ne concerne que les professionnels qui travaillent dans des établissements de santé et je souhaite qu'il s'applique également pour les personnels qui exercent dans un cadre libéral, mais aussi pour ceux du secteur social et médico-social. Je pense à deux types d'établissements en particulier, où les faits de violence sont importants : les Ehpad et les établissements de l'aide sociale à l'enfance (ASE).

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Comme le rapporteur l'a bien expliqué, il importe que les circonstances aggravantes soient retenues pour les violences les plus graves et que l'article s'applique à tout membre du personnel soignant travaillant dans des centres de santé, des maisons de santé, mais aussi dans le secteur de la protection de l'enfance et les établissements médico-sociaux.

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Il est essentiel d'inclure les faits les plus graves et, surtout, d'étendre cette disposition à tous les professionnels du monde de la santé.

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Plusieurs collègues ont rappelé qu'il y a un lien entre le manque de moyens et l'augmentation des violences à l'hôpital, et le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, qui est insincère budgétairement et politiquement, ne va pas arranger les choses. Nous proposons également d'étendre le champ d'application de cet article à d'autres secteurs qui n'ont pas été retenus dans la rédaction initiale, et où la question des moyens ne se pose pas forcément de la même façon. Je répète que rien, pas même le manque de moyens, ne saurait justifier que l'on s'en prenne à des soignants.

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Je vous invite à retirer vos amendements, monsieur Neuder, car ils sont moins larges que les autres. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.

La commission adopte les amendements identiques.

En conséquence, les amendements CL9 et CL10 tombent.

Amendements identiques CL38 de M. Philippe Pradal, CL35 de Mme Aude Luquet, CL43 de M. Didier Martin et CL47 de M. Henri Alfandari, amendements CL11 et CL12 de Mme Alexandra Martin (discussion commune)

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Dans le même esprit, mais concernant les violences délictuelles, il s'agit d'étendre les circonstances aggravantes aux faits visant les professionnels du secteur médical et médico-social.

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Cet amendement étend le champ d'application des circonstances aggravantes aux violences commises dans des maisons de santé, des cabinets médicaux et paramédicaux, des services sociaux et médico-sociaux, des établissements mettant en œuvre des mesures de prévention et de protection de l'enfance, ou encore au sein des établissements qui accueillent des personnes âgées ou des personnes handicapées.

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Comme précédemment, je vous invite, monsieur Neuder, à retirer vos amendements au profit des amendements identiques, qui sont plus larges.

La commission adopte les amendements identiques.

En conséquence, les amendements CL11 et CL12 tombent.

Successivement, la commission adopte l'amendement rédactionnel CL52 de M. Philippe Pradal, rapporteur, et, suivant l'avis de celui-ci, rejette l'amendement CL13 de Mme Alexandra Martin.

Amendement CL50 de M. Timothée Houssin

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Vous proposez de renforcer les sanctions en cas de violences ou d'outrages envers les professionnels de santé et en cas de vol dont seraient victimes les professionnels de santé ou les établissements de santé eux-mêmes.

Nous proposons d'élargir le dispositif et d'aggraver les peines pour la dégradation de tout matériel médical ou paramédical, ou toute dégradation de bien commise dans un établissement de santé.

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Il importe de maintenir la cohérence de l'échelle des peines : on ne peut pas tout mettre sur le même plan. Avis défavorable.

La commission rejette l'amendement.

Elle adopte l'article 1er modifié.

Article 2 (art. 433-5 du code pénal) : Extension du délit d'outrage aux professionnels de santé et extension des circonstances aggravantes lorsque le délit est commis dans un établissement de santé

Amendement de suppression CL17 de Mme Caroline Fiat

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Vous suivez la même logique depuis des mois : pour mettre fin aux refus d'obtempérer, vous augmentez les peines, et cela n'a aucun effet ; pour lutter contre le racisme, vous nous proposez aussi une augmentation des peines. Et vous ne vous attaquez jamais aux causes structurelles.

La situation est alarmante : la Fédération hospitalière de France estime à 15 000 le nombre de postes d'infirmier vacants et vous continuez à fermer plus de lits qu'avant la crise sanitaire. Pour réduire les tensions, il faut donner plus de moyens à l'hôpital public, recruter des soignants, améliorer la prise en charge, bref, il faut un vrai service public hospitalier. Or vous le mettez à mal depuis des années.

Votre proposition de loi n'est qu'une opération de communication : elle vise à vous faire plaisir et elle n'aura aucun effet. Une personne atteinte de troubles psychiatriques ne se demande pas, avant d'agresser un soignant, si elle risque une peine plus ou moins importante. Je le répète, il faut s'attaquer aux causes structurelles, renforcer les moyens de l'hôpital, notamment ceux de la santé psychiatrique, et réduire la distance entre les patients et les soins grâce aux hôpitaux de proximité.

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Les arguments ont été présentés concernant le manque de moyens. Nous ne cherchons pas à nous faire plaisir avec ce texte, monsieur Portes, car il concerne la sécurité des soignants.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CL18 de M. Andy Kerbrat

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Dans le secteur de la santé, les syndicats effectuent un travail d'accompagnement des victimes extraordinaire ; or les directions d'hôpital cherchent parfois à les invisibiliser. La violence et la maltraitance se propagent du niveau politique à celui des soignants, puis des patients. Même si l'outrage contre un soignant n'est pas acceptable, il traduit une souffrance qui s'inscrit dans la violence systémique que nous dénonçons. Nous demandons la suppression de l'extension de la peine de prison encourue pour les auteurs d'outrage au sein des établissements.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission rejette l'amendement.

Amendements identiques CL40 de M. Philippe Pradal, CL36 de Mme Aude Luquet, CL44 de M. Didier Martin et CL48 de M. Henri Alfandari, amendement CL14 de Mme Alexandra Martin (discussion commune)

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Il est proposé d'étendre le périmètre de l'article 2 aux centres de santé, à l'ensemble du service social et médico-social ainsi qu'aux cabinets de ville. J'émets un avis favorable aux amendements identiques au mien et je demande le retrait de l'amendement CL14 ou, à défaut, son rejet.

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Cet amendement étend le champ de l'article 2 aux structures telles que maisons et centres de santé, cabinets médicaux et paramédicaux, établissements et services médico-sociaux.

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Je continuerai à défendre les amendements de notre collègue Alexandra Martin. Il s'agit en l'occurrence d'étendre le champ d'application du délit d'outrage à l'ensemble des personnes concernées.

La commission adopte les amendements CL40, CL36, CL44 et CL48.

En conséquence, l'amendement CL14 tombe.

La commission adopte l'article 2 modifié.

Article 3 (art. 433-3-1 du code pénal et art. 15-3-4 [nouveau] du code de procédure pénale) : Droit pour l'employeur de porter plainte pour violences à la place d'un professionnel de santé ou d'un membre du personnel d'un établissement de santé

Amendement CL55 de M. Philippe Pradal

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Cet amendement vise à corriger une erreur de rédaction qui conduisait à l'abrogation de l'article 433-3-1 du code pénal. Il s'agit de le conserver de façon à maintenir ce dispositif qui avait été introduit par la loi confortant le respect des principes de la République concurremment avec les nouvelles mesures de protection des soignants créées par l'article 3.

La commission adopte l'amendement.

Amendement CL57 de M. Philippe Pradal

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Cet amendement vise à clarifier l'énumération des infractions visées en supprimant la référence aux violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner dans la mesure où, dans cette hypothèse, il sera malheureusement impossible de recueillir l'accord de la victime pour pouvoir déposer plainte.

En outre, il supprime la référence aux violences commises sur un militaire, un fonctionnaire de police, un garde champêtre, un agent des douanes, un sapeur-pompier ou un agent de l'administration pénitentiaire car elle n'a pas vocation à se trouver dans un texte s'appliquant aux professionnels de santé.

Enfin, il ajoute une référence à l'article 222-1 du code pénal, qui réprime les actes de torture et de barbarie.

La commission adopte l'amendement.

Elle adopte l'amendement rédactionnel CL53 de M. Philippe Pradal, rapporteur.

Amendements identiques CL41 de M. Philippe Pradal, CL37 de Mme Aude Luquet, CL45 de M. Didier Martin et CL49 de M. Henri Alfandari.

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Il s'agit d'étendre aux maisons de santé, cabinets de ville et établissements et services sociaux et médico-sociaux les dispositions de l'article 3.

La commission adopte les amendements.

Amendement CL58 de M. Sacha Houlié

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Si les employeurs peuvent porter plainte au nom d'un professionnel de santé agressé, les médecins libéraux n'ont pas d'employeur. Je propose donc de permettre à un ordre professionnel, en l'occurrence l'ordre des médecins, de déposer la plainte pour eux.

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Cet amendement soulève la question très intéressante de la protection et de l'accompagnement du médecin libéral agressé alors qu'il exerce seul dans son cabinet en ville. Quelle structure peut accompagner le médecin pour porter plainte avec son accord ? La solution d'un ordre professionnel peut être évoquée ; d'autres pistes sont également envisagées, comme le recours aux syndicats professionnels. Cela paraît en effet plus conforme à l'objet d'un syndicat professionnel.

Je vous propose, en vue de la séance, de travailler à un dispositif permettant d'accompagner les médecins libéraux et de trouver la structure la plus adaptée, en droit et en pratique, pour ce faire. À regret, je vous demande donc de retirer votre amendement.

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Je retiens votre proposition de déposer un amendement commun pour identifier une structure pouvant porter la plainte d'un médecin libéral, assurant ainsi une couverture à ce type d'exercice de la médecine.

L'amendement est retiré.

La commission adopte l'amendement rédactionnel CL56 de M. Philippe Pradal, rapporteur.

Amendement CL54 de M. Philippe Pradal

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L'article 3 étant inutilement bavard, cet amendement a pour objet de supprimer la précision selon laquelle la victime peut être entendue par les services même si ce n'est pas elle qui a porté plainte : c'est tellement évident qu'il n'était pas nécessaire de l'écrire.

La commission adopte l'amendement.

Elle adopte l'article 3 modifié.

Après l'article 3

Amendements CL5 et CL6 de M. Yannick Neuder, amendement CL15 de M. Fabien Di Filippo (discussion commune)

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Mes deux amendements ont pour objet de définir des peines planchers pour toutes les agressions commises à l'encontre des soignants. La proposition de loi que j'avais déjà déposée ainsi que celle de Mme Naïma Moutchou visaient déjà à fixer de telles peines pour les agressions contre toutes les personnes qui nous soignent et qui nous défendent.

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Force est de constater que les agressions à l'égard des personnes chargées de soigner augmentent très rapidement : plus 23 % entre 2021 et 2022 ; 1 244 agressions en 2022. L'objet de mon amendement est donc également de prévoir des sanctions fermes et systématiques contre les personnes qui se permettent de faire pression sur des soignants, voire de les agresser quand elles n'obtiennent pas ce qu'elles veulent ou pas assez vite. Ces actes sont absolument intolérables et contribuent à la désertification médicale de certains territoires.

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Tout d'abord, vous connaissez la position du groupe Horizons sur les peines planchers puisque nous en avons débattu l'année dernière. Ensuite, nous pensons qu'il n'est pas opportun d'aborder cette question dans un texte relatif aux soignants. Avis défavorable à tous les amendements visant à créer des peines planchers.

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On peut entendre qu'une niche parlementaire n'est pas l'occasion adéquate pour débattre de cette question mais, dès lors, quand inscrirez-vous à l'ordre du jour la question de la restauration des peines planchers pour les agressions de pompiers, de gendarmes, de médecins et d'enseignants ? Tous les chiffres montrent qu'elles sont en forte augmentation. Pourtant, aucun signal n'est envoyé aux agresseurs.

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Nous avons étudié une proposition de loi sur ce sujet l'année dernière mais elle a été repoussée.

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Quand nous avons examiné le texte relatif à la sécurité des élus, nous avons parlé des sanctions contre ceux qui commettent des violences à l'égard des élus. En l'occurrence, nous débattons de la sécurité des professionnels de santé dans les hôpitaux. Plus d'un tiers d'entre eux disent avoir été victimes de violence en 2022. Pour être efficace rapidement et restaurer le respect dû à ceux qui portent l'uniforme et qui nous soignent, ce n'est pas le véhicule législatif qui compte mais la volonté politique.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CL51 de M. Philippe Pradal

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Il s'agit d'étendre l'application de cette loi à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française et à Wallis-et-Futuna.

La commission adopte l'amendement.

Amendement CL33 de Mme Aude Luquet

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Cet amendement vise à permettre au conseil de surveillance d'un établissement de santé de bénéficier d'un bilan annuel des actes de violence commis au sein de l'établissement mais également des atteintes physiques ou verbales commises à l'encontre des employés couverts par cette proposition de loi.

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Votre amendement soulève la question de la remontée d'informations aux instances de gouvernance des établissements, notamment ceux auxquels nous venons d'étendre le champ d'application de ce texte – établissements relevant de la Fehap – Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne privés non lucratifs – et de la FHP – Fédération de l'hospitalisation privée.

Je vous invite à retirer votre amendement en vue de la séance, afin de nous donner le temps de travailler à une rédaction épousant mieux les contours actuels du texte. Il est nécessaire, en effet, de déterminer quelle instance de gouvernance sera chargée d'élaborer ce document et ensuite de prendre connaissance du rapport.

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Je retire cet amendement puisque M. le rapporteur propose de le retravailler en vue de la séance.

L'amendement est retiré.

Amendements CL21, CL24 et CL19 de Mme Caroline Fiat, amendements CL23 et CL25 de M. Andy Kerbrat, amendement CL26 de M. Timothée Houssin (discussion commune)

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Nous en arrivons à une suite de demandes de rapport. Votre texte ne propose qu'une aggravation des peines, sans envisager d'autres solutions alors qu'il existe d'autres pistes de réflexion : aide psychologique ; protection des professionnels intervenant en services psychiatriques ou dans les services d'urgence ; recours à la sécurité privée dans les hôpitaux ; besoins en agents de sécurité, services de secours incendie et assistance aux personnes ; audit de sécurité des hôpitaux ; nécessité de doter les agents d'alarmes portatives individuelles au sein des structures hospitalières pour éviter une agression isolée.

La commission des lois repoussera, comme c'est l'usage, ces amendements ayant pour objet la remise de rapports. Ils sont pourtant la traduction de demandes émanant du monde syndical et des premiers concernés eux-mêmes. Vous avez choisi de vous attaquer à la forme et non à la réalité des maux. Aucun parlementaire ne trouve normal que l'on agresse un soignant ; c'est même un tabou. Cependant, votre proposition de loi n'enverra aucun message dissuasif. Seul un accompagnement permettrait d'apporter une réponse plus structurelle. Sans aller jusqu'à une loi de programmation, nous aurions pu envisager cette question sous l'angle des affaires sociales, avant de travailler sur les peines encourues. Le problème sera toujours celui de l'application de la peine, rendue impossible avec ce service de justice qui est volontairement dégradé.

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Le plan pour la sécurité des professionnels de santé, annoncé en septembre 2023, a pour objectif d'aider ces derniers à réagir aux violences en les équipant de dispositifs d'alerte. Nous souhaitons que, dans l'année suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remette un rapport évaluant l'opportunité de mettre en place de tels outils.

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Avis défavorable, conformément à la jurisprudence constante de la commission ; de plus, les données souhaitées sont déjà disponibles, notamment dans le rapport de l'ONVS – Observatoire national des violences en milieu de santé –, dont il conviendrait plutôt d'étendre le contenu et d'affiner les données statistiques.

D'autre part, certains des éléments demandés relèvent de la gouvernance des établissements ou sont évoqués dans le plan de sécurité des soignants. Cette loi s'inscrit dans un plan global dont l'application et l'effectivité produiront leurs effets.

Quant à l'effectivité des peines, les moyens accordés au ministère de la justice par la loi d'orientation – laquelle, à ma connaissance, n'a pas été votée par tous les groupes de cette assemblée – permet d'apporter une réponse efficace et attendue de nos concitoyens.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CL27 de M. Timothée Houssin

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Nous souhaiterions que, dans l'année qui suit la promulgation de la présente loi, puis chaque année, le Gouvernement remette au Parlement un rapport indiquant le nombre d'agressions survenues à l'encontre des personnels au sein des établissements de santé et, surtout, les suites qui leur ont éventuellement été données. On sait que 30 % des agressions seulement donnent lieu à des plaintes et que les sanctions sont souvent très faibles. L'objectif de ce rapport est donc de mesurer l'efficacité du dispositif qui sera voté dans quelques instants.

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Il ne me paraît pas opportun de ne s'intéresser qu'aux agressions subies par les personnels de santé. Nous avons évoqué avec le garde des sceaux, lors de son audition, la possibilité d'obtenir des informations précises sur le suivi réservé aux différents dépôts de plaintes.

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Les professionnels de santé, à l'hôpital et ailleurs, sont victimes d'une société qui change et doit être appréhendée dans son ensemble. C'est pourquoi je renouvelle ma proposition de replacer la santé sous l'autorité de l'État, avec des directeurs de santé eux-mêmes sous l'autorité des préfets. Cela permettrait de sensibiliser les directeurs des ARS – agences régionales de santé – à la sécurité des personnels tout en tenant compte de la diversité des territoires.

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Dans les établissements médico-sociaux, les violences au personnel font l'objet d'une déclaration d'événements indésirables, voire d'événements indésirables graves. Lorsque les faits sont établis, la tutelle, le département et les ARS en sont systématiquement informés. C'est une façon d'appréhender la survenue de violences à l'encontre du personnel – d'où l'utilité de consulter les rapports des autorités administratives locales.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CL22 de de M. Andy Kerbrat

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Nous souhaitons la remise d'un rapport sur le recours aux conventions de partenariat santé-sécurité-justice entre l'État et les établissements de santé, qui permettent d'organiser un cadre de prévention et de sécurité au sein des hôpitaux. Alors que vous avez axé votre proposition de loi sur la répression, nous estimons que l'on peut agir par la prévention et en jouant sur les causes réelles, à savoir le défaut de moyens.

Ces conventions permettent de nouer des liens entre les structures de santé et la préfecture ainsi que de partager les informations et le diagnostic sur les enjeux de prévention et de sécurité au sein des établissements de santé. De plus, ces conventions sont aussi un moyen de mieux prendre en charge la protection fonctionnelle due aux fonctionnaires dans l'exercice de leur mission.

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Les conventions de partenariat santé-sécurité-justice sont un excellent outil. Lorsqu'elles sont signées, quand elles fonctionnent bien, elles sont très utiles. Le Gouvernement en est d'ailleurs tellement convaincu que des circulaires sont en préparation pour en rappeler tout l'intérêt aux différents acteurs qui doivent les signer. Avis défavorable car l'amendement est satisfait.

La commission rejette l'amendement.

La commission adopte l'ensemble de la proposition de loi modifiée.

Puis, la commission examine la proposition de loi organique visant à renforcer l'ancrage territorial des parlementaires (n° 2076 rect.) (M. Henri Alfandari, rapporteur).

Lien vidéo : https://assnat.fr/kT3P1p

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Le 22 janvier 2024, avec mes collègues du groupe Horizons, nous avons déposé une proposition de loi organique visant à renforcer l'ancrage territorial des parlementaires. Ce texte est le fruit de nombreux échanges. Je veux remercier ici toutes les personnes auditionnées : élus, universitaires, mais aussi notre ancien collègue Christophe Borgel, rapporteur de la loi organique du 14 février 2014 interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur, ou encore le président du groupe Union centriste du Sénat, Hervé Marseille, qui avait fait adopter au Sénat un texte allant dans le même sens en 2021.

Certains regretteront que cette proposition de loi organique ne s'attache qu'à une petite partie du déséquilibre de l'exercice démocratique dans le cadre de nos institutions. Mais ce sujet est trop vaste pour être traité dans son ensemble à l'occasion d'une niche parlementaire. Néanmoins, le débat ouvert par cette proposition doit nous permettre de nous exprimer sur des sujets connexes tels que le statut de l'élu, les libertés locales, le cumul horizontal, le nombre de conseillers municipaux, et tant d'autres liés au cumul, ou plutôt à l'exercice simultané.

La loi du 14 février 2014 a limité drastiquement les possibilités de cumul de mandats pour les parlementaires. L'objectif était louable puisqu'il s'agissait de répondre aux critiques faites aux parlementaires, accusés d'accumuler les mandats sans pouvoir s'y consacrer pleinement. Selon le rapporteur Borgel, l'idée défendue à l'époque était que les missions du Parlement étaient suffisamment éminentes et accaparantes pour que les membres du Parlement s'y consacrent pleinement. Certains disent que cela a participé au renouvellement et à la féminisation de la vie politique : c'est peut-être vrai mais aucune analyse statistique ne l'étaye ; de plus, ce n'était pas le but principal.

Un constat s'impose dès à présent : la loi de 2014 n'a pas restauré le lien de confiance entre les citoyens et les parlementaires. Les Français ne cessent d'exprimer leur sentiment d'éloignement avec les parlementaires, accusés d'être déconnectés et hors-sol. Selon le baromètre de la confiance politique publié en février 2023 par le Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof), la confiance des citoyens dans les députés a diminué de cinq points par rapport à 2014 – elle est près de deux fois inférieure à celle des maires !

Si la loi de 2014 a manqué son effet, c'est peut-être en raison de son caractère excessif. En voulant aller trop vite et trop fort, on a interdit drastiquement, sans aucune distinction, le cumul d'un mandat de parlementaire avec toute fonction exécutive locale. Dans le même temps, le cumul des fonctions locales – maire, président d'EPCI (établissement public de coopération intercommunale), d'office HLM, de syndicat mixte – est resté presque illimité.

En luttant légitimement contre des situations de cumul parfois exagérées, nous avons abouti à l'excès inverse, en coupant en quelque sorte les racines locales des parlementaires, au risque de renforcer le stéréotype du député hors-sol – stéréotype ô combien injuste car je connais l'engagement de chacun d'entre vous dans vos territoires ! Mais en l'absence de rôle déterminé dans leur circonscription, les parlementaires peinent parfois à s'impliquer dans la vie locale et à être identifiés, en particulier lorsqu'ils n'ont pas eu d'expérience d'élu local au préalable.

Parce qu'ils apparaissent plus accessibles, plus proches de leurs électeurs, les élus locaux demeurent à ce jour de solides repères pour nos concitoyens. Ils sont parfois perçus comme le dernier maillon qui les rattache à une République qui leur paraît désincarnée – « à portée de baffes », dirait Gérard Larcher. Pourquoi ne pas nous remettre nous aussi à cette portée ? En créant une séparation étanche entre le mandat de parlementaire et les fonctions exécutives locales, nous nous sommes privés d'un levier puissant pour réduire la fracture profonde qui semble se creuser entre le corps électoral et le Parlement.

S'il a beaucoup été critiqué ces dernières décennies, le cumul entre un mandat local et un mandat national n'a jamais été une anomalie ; il s'agissait même d'une constante dans la tradition politique française depuis la Monarchie de Juillet et durant toute l'histoire de la République. Le cumul a toujours été un moyen de contrebalancer le jacobinisme français en conférant aux élus nationaux une assise territoriale solide.

C'est également un moyen de renforcer la légitimité et l'indépendance du parlementaire face à l'exécutif. Cet héritage historique est une spécificité de la culture politique française qui doit être retissée.

L'objet de la présente proposition de loi organique n'est pas de reproduire certaines erreurs passées. Comme les rédacteurs de la loi de 2014 l'avaient justement compris, à vouloir être partout en même temps, on finit par n'être nulle part. Il ne s'agit donc pas de revenir sur l'interdiction de cumul entre un mandat de parlementaire et un mandat de maire ou un mandat de président de l'exécutif d'une collectivité locale.

En revanche, la présente proposition de loi organique permet de cumuler un mandat national de parlementaire avec une fonction exécutive locale d'adjoint au maire ou de vice-président d'un organe délibérant. L'idée n'est pas de prétendre qu'il serait indispensable d'avoir un parcours d'élu local avant de devenir parlementaire. Il est vrai que la loi de 2014 a participé à faire émerger de nouveaux profils en politique, qui ont considérablement enrichi les hémicycles par leurs expériences variées au sein de la société civile. Elle a aussi joué un rôle dans la féminisation sans précédent de la classe politique en 2017. Cependant, de nombreux collègues ont à l'inverse renoncé à leur mandat parlementaire car cela les forçait à rompre brutalement le lien qui les unissait aux citoyens de leur territoire. C'est une perte pour notre assemblée.

La présente proposition de loi organique a pour objet de mettre fin à une séparation trop rigide entre les élus locaux et les élus nationaux. Il s'agit de permettre à tous les députés qui le souhaitent de s'engager localement et de nouer un lien nouveau à l'échelon territorial afin de rétablir ce maillon manquant et essentiel entre les acteurs locaux et le Parlement.

La rédaction proposée permettrait à des députés n'ayant jamais eu l'occasion d'exercer des fonctions exécutives locales de voir au plus près du terrain la mise en œuvre de leurs choix de législateur. Le cumul peut enrichir le travail du parlementaire en lui donnant une connaissance plus fine des enjeux de la décentralisation. Combien d'entre nous savent ce que recouvrent concrètement les acronymes Sraddet – schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires –, PLU – plan local d'urbanisme –, Scot – schéma de cohérence territoriale –, DOO – document d'orientation et d'objectifs –, PCAET – plan climat-air-énergie territorial ? Pour cela, le fait d'être membre d'un conseil municipal ou départemental n'est pas toujours suffisant. Ce n'est que lorsque le parlementaire est confronté aux limites de la loi dans son application concrète auprès de ses administrés qu'il peut pleinement se rendre compte des difficultés de sa mise en œuvre.

À ceux qui seraient tentés de répondre que cette proposition de loi organique ne sert pas l'intérêt général, qu'elle n'est qu'un subterfuge destiné à permettre un enrichissement personnel de quelques parlementaires, j'aimerais rappeler que, depuis 1992, un parlementaire cumulant plusieurs mandats ne peut percevoir une rémunération totale que dans la limite d'une fois et demie le montant de son indemnité parlementaire, soit 8 524 euros. L'élu qui cumule coûtera donc moins cher à l'État que deux élus rémunérés chacun par la totalité de l'indemnité. Ce faux problème a été résolu depuis bien longtemps et ne doit pas nous détourner du débat de fond car il n'y a aucun enrichissement. Les indemnités sont plafonnées pour tous les élus de France, qu'ils soient parlementaires ou élus locaux.

Si le renouvellement de la classe politique en 2017 était opportun, il n'en est pas moins essentiel que les élus de la nation demeurent des personnalités incarnées et identifiées. Au fond, ce texte est porté par la conviction que l'expérience de terrain des élus, cette volonté de se retrousser les manches et de mettre les mains dans le cambouis avec humilité et détermination, correspond exactement aux attentes de nos concitoyens.

Pour toutes ces raisons, je vous demande non pas d'abroger la loi de 2014 mais simplement de l'améliorer et de la rénover afin de trouver un plus juste équilibre entre la lutte contre les excès des cumuls de mandats et la possibilité d'un meilleur ancrage territorial de chacun de nous.

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Avant d'en venir aux interventions des orateurs des groupes, par exception et pour des raisons d'agenda, je donne la parole à Mme Ménard au titre des non-inscrits.

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Je vous remercie, monsieur le président, pour cette dérogation exceptionnelle.

Peut-on être en même temps parlementaire et élu local ? Telle est la question soulevée par le présent texte, qui revient en douceur sur l'interdiction du cumul des mandats votée sous François Hollande. Cette question était déjà sur le devant de la scène en 2019, alors que les gilets jaunes se plaignaient d'être représentés par des politiques déconnectés des réalités des Français.

La déconnexion avait d'ailleurs été marquée dès le début du premier mandat d'Emmanuel Macron, avec notamment la suppression de la réserve parlementaire par la loi pour la confiance dans la vie politique de 2017. Cette suppression est d'autant plus regrettable que la réserve parlementaire, parfaitement encadrée, avait pour but d'aider au financement d'associations ou de petites communes. Accusée de favoriser le clientélisme, elle a été tout bonnement supprimée, au lieu d'être réformée, ce qui aurait permis aux parlementaires d'assumer pleinement leur rôle d'élu de proximité en soutenant concrètement le développement de leurs circonscriptions.

En assouplissant l'interdiction du cumul des mandats, la proposition de loi que nous examinons a le mérite de renouer avec l'idée d'un ancrage territorial. L'article unique de ce texte suggère ainsi de prévoir à nouveau la possibilité de cumuler un mandat national avec un mandat exécutif local, à l'exception des fonctions de maire et de président de conseils départementaux et régionaux.

Parce que toutes les mesures permettant de renouer avec nos territoires sont des bonnes nouvelles, je soutiendrai cette proposition de loi en souhaitant qu'elle ne soit que le prélude à d'autres dispositions qui nous permettent d'être plus proches de nos concitoyens.

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Je suis stupéfait par cette proposition de loi organique : s'il existe bien une déconnexion entre nos concitoyens et leurs représentants, le texte va dans le sens inverse de celui que nous devrions suivre.

Vous l'avez dit, le cumul des mandats est une constante en France depuis la monarchie de Juillet : à l'époque, l'élu devait représenter son territoire face à un État central tout-puissant. Le système, le monde, ont changé. Les expériences de la démocratie dans d'autres pays le montrent aussi, le rôle de l'élu n'est plus le même. Le temps s'est accéléré. Le mandat de parlementaire en prenant beaucoup, on ne peut pas mener à bien cette mission en exerçant en plus une activité professionnelle ou un autre mandat au niveau local.

Je peux entendre les arguments de l'indépendance du législateur par rapport à l'exécutif. Il est nécessaire que cet impératif s'impose : dans une démocratie moderne, le législateur doit être indépendant, mais il existe d'autres mécanismes pour atteindre ce but. Il faut par exemple déconnecter les élections législatives de l'élection présidentielle ou que le chef de l'État ne soit pas celui de la majorité.

Si l'on veut que le Parlement contrôle réellement l'action du Gouvernement, on doit par ailleurs lui donner les moyens financiers, d'enquête et de contrôle pour exercer sa mission. Historiquement, dans toutes les démocraties modernes, le Parlement a pour première mission de voter le budget. Or, en France, l'article 49.3 de la Constitution le prive de sa principale prérogative. Cette prérogative, il faut la donner aux parlementaires, comme l'attendent les Français.

Pour ce qui est de la déconnexion avec le territoire, la cohérence et la clarté sont nécessaires. Tous les élus ne peuvent pas être des élus locaux : le mandat parlementaire est national. Le parlementaire doit bien sûr être connecté avec la réalité, mais ce n'est pas en cumulant trois, quatre ou cinq mandats qu'il sera en contact avec ses concitoyens car ce cumul représente du temps en moins pour des rencontres sur le terrain.

Quant à la féminisation, on a avancé depuis 2014, même si ce n'est pas assez. Il faudrait que le mode de scrutin des élections législatives contraigne à la parité. Compte tenu de l'évolution de la société, le mécanisme de cumul que prévoit le texte irait à l'encontre de la féminisation de la représentation nationale. En conséquence, nous voterons contre.

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La loi organique interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur, votée lors du quinquennat de François Hollande, posait une bonne question, mais la réponse qui lui avait été donnée ne paraît pas satisfaisante dans le contexte actuel. Certes, cette loi a contribué à renouveler et à féminiser la classe politique, mais elle n'a pas permis de rapprocher nos concitoyens de leurs élus, ni de modifier le fonctionnement global.

La vraie question est de savoir si les parlementaires ont le pouvoir d'agir comme il se doit. En France, sous la Ve République, l'exécutif a les pleins pouvoirs, notamment sur l'ordre du jour ou sur le choix de l'assemblée devant laquelle déposer un texte. Tous ces subterfuges privent le parlementaire d'exercer ses missions. La fausse bonne réponse qu'était la loi organique de 2014 n'a donc pas été assez loin dans la mesure où il aurait fallu réformer la Ve République et identifier les rôles et les pouvoirs de chacun. On aurait dû élargir les pouvoirs des députés, mais cela n'a pas été fait.

En tant que jeune élu, il me semble que le parlementaire se trouve entre deux eaux : ne sachant pas comment se positionner, il cherche des points d'ancrage. La suppression de la réserve parlementaire lors du premier quinquennat d'Emmanuel Macron a, de plus, éradiqué son rôle direct dans le territoire. Hormis le Président de la République, le député est le seul à être élu au suffrage direct universel, sur son nom propre – les autres élus le sont au scrutin de liste. On doit donc poursuivre la réflexion sur le rôle que l'on veut donner au parlementaire dans la Constitution et la façon de réformer nos institutions. Si l'on souhaite des parlementaires réellement indépendants, il faut leur donner les pouvoirs nécessaires. En attendant, un problème se pose : la loi inhibe le député dans son territoire. La proposition de loi organique tend à le résoudre mais n'y parvient pas dans son intégralité. C'est pourquoi le groupe GDR ne donnera pas de consigne de vote en commission et attendra l'examen en séance pour se prononcer.

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Par son titre, la proposition de loi organique visant à renforcer l'ancrage territorial des parlementaires nous paraît une excellente idée, et nous appelle à une action en ce sens. Notre approbation n'ira cependant pas plus loin que le titre car l'article unique réintroduit le cumul des mandats avec une fonction exécutive, ce qui constitue une régression. L'objectif est noble ; le moyen nous paraît insuffisant. Nous pouvons toutefois nous rejoindre sur des dispositions qui servent cet objectif unanimement partagé.

Le constitutionnaliste Guy Carcassonne l'a dit avec éloquence, « Le cumul des mandats est une plaie. » Cela tient à une évidence, connue depuis Goldoni : Arlequin ne peut pas servir deux maîtres, ou il les sert mal. Les intérêts peuvent s'affronter – notre société, fort heureusement, est désormais soucieuse des conflits d'intérêts. Avec le cumul, la lisibilité de l'action de chacun se trouve amoindrie voire impossible.

Nous avons déposé un amendement de suppression, ce que nous faisons rarement lors des niches. Le fait que le texte serait examiné intégralement en séance, même si cet amendement était adopté, a levé nos réserves.

Contrairement à ce que vous avez dit, la loi organique de 2014 a constitué une réelle avancée. Son dispositif, difficile à mettre en place, a été instauré dans le souci de la proximité et avec la volonté de mettre un terme à une forme de féodalité locale, celle du député-maire ou du sénateur-maire, qui faisait oublier le rôle du Parlement.

Je vous rejoins en revanche sur le fait que nous nous sommes arrêtés au milieu du chemin. Après le non-cumul des mandats, il fallait poursuivre en investissant davantage le rôle local du député, qui est un impensé juridique de notre Constitution. Celle-ci mentionne le rôle de représentants des collectivités territoriales des sénateurs, mais rien n'y est dit pour les députés. Sans aller jusqu'à une proposition de loi constitutionnelle, nous pourrions, peut-être, trouver des dispositifs permettant de clarifier ce rôle local du député, qui doit s'assurer de la façon dont les textes qu'il vote se concrétisent. C'est cela, la proximité, et nos concitoyens nous demandent d'éviter les textes déconnectés.

Aucun d'entre nous n'est pourtant déconnecté, car chacun, dans sa permanence, est en relation constante avec des citoyens, des associations, des maires, des collectivités territoriales, et nourrit sa réflexion de ce contact avec le terrain. Ce service pendulaire est si précieux qu'il semble difficile d'amarrer un député à un seul mandat local : il doit être au service de toute sa circonscription et de la nation.

Des perspectives existent, et je regrette que votre article unique se limite au cumul : vous auriez pu proposer des actions permettant au député d'asseoir son rôle local et d'être reconnu comme un interlocuteur qui, par son travail législatif, œuvre à la cohésion du territoire en s'assurant de la concrétisation, de la bonne application et de l'utilité des lois qu'il a votées. Mon groupe vous propose de travailler en ce sens.

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Ce texte nous donne la possibilité de dresser un bilan de la limitation du cumul des mandats, instaurée il y a dix ans, et d'examiner si les objectifs poursuivis ont été atteints. Ces derniers visaient à renouveler, à féminiser, à rajeunir la classe politique, à l'ouvrir à la société civile ainsi qu'à limiter la concentration des pouvoirs dans les mêmes mains, au sein de baronnies locales.

On peut en effet s'interroger, comme le rapporteur l'a fait, sur un manque d'ancrage territorial.

D'abord, nous avons la possibilité de cumuler : la présidente de l'Assemblée nationale a indiqué ce matin à la presse que 50 % des députés étaient des élus locaux.

Quant à la déconnexion des élus, je la réfute fortement : nous sommes présents dans nos circonscriptions et sur le terrain.

Nous avons en outre voté plusieurs dispositions visant à renforcer cet ancrage, telles la présence des parlementaires dans les conseils de surveillance des hôpitaux ou dans les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD). L'ancrage territorial est donc au cœur de nos activités, tant la présence dans les territoires comme dans l'hémicycle est importante. Plusieurs travaux ont été menés, qui ont permis de dégager des pistes d'amélioration. Le résultat est sans appel : le cumul des mandats ne permet pas aux élus d'exercer au mieux chacun de leurs mandats.

Le texte pose aussi la question de l'organisation des travaux de l'Assemblée : il faut nous laisser du temps pour être présents dans nos circonscriptions.

Il soulève également le problème de la relation des parlementaires avec l'État déconcentré car il n'est pas rare que des réunions importantes avec des élus locaux se tiennent les jours où siège l'Assemblée nationale, ou que les parlementaires ne soient pas invités aux réunions organisées par les préfets.

Nous sommes réalistes : la confiance des citoyens dans leurs élus est fragile, parfois abîmée ou rompue. Mais le contact existe, nous en sommes la preuve. Le débat auquel nous invite le rapporteur est légitime et important, mais il existe plusieurs façons d'être élu et ancré dans le territoire. Le cumul n'est pas la réponse à la crise de l'engagement politique que nous vivons. Au contraire, il y a urgence à agir sur le statut, la protection des élus ou la motivation de l'engagement pour renouveler notre classe politique et créer un « choc d'attractivité » comme le demandent nos collègues Violette Spillebout et Sébastien Jumel. Il faut susciter de nouvelles vocations chez les jeunes, notamment les femmes.

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Les évolutions démocratiques des dernières années, voire des précédents quinquennats – la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (Notre) ou la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (Maptam), qui a forcé des parlementaires à choisir entre leurs mandats – n'ont pas renforcé la participation démocratique ni la confiance des citoyens dans leurs élus. Il faut en tirer les conséquences.

Il n'est pas normal que seuls les maires soient privés de siéger au Parlement et d'y représenter leurs concitoyens. J'ai bien entendu les caricatures de la gauche sur les prétendues baronnies qui pourraient se constituer au niveau local du fait du cumul. Songez toutefois que des parlementaires peuvent être conseillers régionaux dans des territoires très étendus et très peuplés. Ce sont des activités prenantes qu'ils parviennent très bien à concilier avec leur mandat de parlementaire. Ils n'ont toutefois pas le droit d'être maire ou adjoint au maire de leur commune de résidence.

Certains parlementaires continuent de travailler comme médecin, avocat ou professeur : leur activité professionnelle ne les empêche pas d'exercer leur mandat. On la considère même sous certains aspects comme une plus-value.

Au niveau local, les cumuls de mandats se font presque sans limite. La question n'est pas financière, puisque les indemnités sont plafonnées.

Le cumul entre un mandat parlementaire et un mandat exécutif local aurait plusieurs avantages. D'abord, celui d'ancrer l'élu dans les problématiques quotidiennes d'un territoire qui peuvent nourrir la réflexion parlementaire sous divers aspects. Il a aussi l'avantage de la proximité avec les concitoyens et de la quête de leur confiance. Enfin, il permet d'apporter au Parlement une forme d'expertise bienvenue.

Cette proposition de loi organique, qui prévoit l'accès à certaines fonctions de vice-président ou d'adjoint au maire, ne va pas au bout de la réflexion : il faudrait qu'un maire puisse siéger à l'Assemblée. Je laisse chacun libre de décider si les résultats législatifs et l'évolution du pays étaient moins bons lorsque c'était le cas.

Enfin, pour ce qui est du rythme du Parlement, on nous reproche non pas de ne pas siéger assez et de ne pas légiférer, mais de trop légiférer. Ce texte serait donc l'occasion de réfléchir à la manière dont nos travaux s'organisent durant la session parlementaire. Pour ma part, je ne vois que des avantages à ce que les maires, les adjoints au maire, les vice-présidents ou présidents de conseil départemental ne soient plus privés de représenter leurs concitoyens au Parlement.

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Ce texte prétend renforcer l'ancrage territorial des parlementaires. Que celui-ci soit nécessaire mérite en soi un débat car, même si nous sommes élus dans des circonscriptions, nous représentons la nation tout entière. Les élus locaux sont suffisamment nombreux sans qu'on ait à en ajouter, d'autant que les députés n'ont aucun pouvoir sur les circonscriptions.

Même en acceptant ce postulat, le rétablissement du cumul des mandats est contre-productif : des élus surchargés de responsabilités et de travail devront renoncer à une partie de leurs fonctions. Nous sommes déjà continuellement amenés à choisir entre siéger en séance ou en commission, nous investir dans une mission d'information, une commission d'enquête, un groupe d'étude, un groupe d'amitié ou nous rendre dans nos circonscriptions.

Le cumul des mandats produit, de plus, une confusion démocratique. Je consacre 80 % de mes permanences parlementaires aux questions de logement, bien que le député n'ait aucun pouvoir ou aucune fonction directe dans ce domaine. Finalement, personne ne sait à quoi sert un député. Les chiffres de la participation aux élections législatives sont éloquents : ils baissent de législature en législature. Le peuple a bien compris que seule comptait l'élection présidentielle. Il n'est pas dupe de la sempiternelle rengaine consistant à donner une majorité au Président de la République.

Pourtant, la fin du cumul des mandats n'a pas apporté le renouveau démocratique auquel il prétendait. Changer une partie de notre Constitution a des effets pervers dans le cœur de la monarchie présidentielle. Aucun ajustement à la marge ne permettra d'en faire une démocratie digne de ce nom. La fin des députés cumulards a amené l'ère des députés Playmobil, élus selon la volonté du monarque républicain : ce fut la majorité godillot. Et même quand la majorité présidentielle est minoritaire, les textes fondamentaux sont adoptés sans aucun vote. Aucun budget n'a été voté ; pas plus que ne l'a été la réforme des retraites.

La fin du cumul des mandats n'a pas renforcé le Parlement, bien au contraire. En permettant l'élection de députés asservis au monarque et sans les moyens de leurs collectivités, il l'a transformé en sorte de théâtre de marionnettes, sans intérêt ni importance. Chacun le sait, rien ne se décide au Parlement. Le vote sur la constitutionnalisation de l'interruption volontaire de grossesse (IVG) lundi est une exception qui confirme la règle. Le monarque est tout-puissant, il n'a aucun contre-pouvoir. Tout le reste n'est que de l'agitation sans conséquence. Nous avons besoin de temps pour bien légiférer, au lieu du calendrier à marche forcée qu'on nous impose habituellement. Il est impossible de travailler les dossiers sérieusement dans ces conditions. Nous avons aussi besoin de moyens humains : avec nos équipes, qui comptent en général trois personnes, nous faisons pâle figure par rapport à de nombreux autres parlements, qui ne comprennent pas comment nous pouvons travailler ainsi. Comment développer un ancrage territorial quand certaines circonscriptions sont grandes comme un département ? Et vous vouliez réduire le nombre de députés, donc agrandir encore la taille des circonscriptions !

Nous avons besoin de moyens politiques, d'un Parlement qui exerce un véritable pouvoir, non d'un Parlement automate qui ne sert qu'à approuver les bons désirs du monarque. Aucun ajustement à la marge ne permettra de sortir de la monarchie présidentielle. Il faut refonder nos institutions de la cave au grenier. C'est pourquoi nous souhaitons une VIe République démocratique, écologique et sociale, qui soit décidée par le peuple et pour le peuple. Nous voulons la convocation d'une assemblée nationale constituante, qui proposerait une nouvelle Constitution, soumise à l'approbation du peuple, par référendum.

Par ce texte, vous voulez renforcer l'ancrage territorial. Vous ne feriez qu'ajouter confusion et éloignement démocratique. Nous voterons contre.

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Sans dire que tout est parfait, il est dommage de dévaloriser à ce point le rôle des parlementaires.

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Je vous remercie de commenter mon intervention et non celle des autres députés…

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Je commente les interventions à ma guise, monsieur Lachaud, comme je le fais habituellement. Vous devriez venir plus souvent en commission des lois pour vous en rendre compte.

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Les lois de 1985, 2000 et 2014 ont quasiment réduit à néant les possibilités de cumuler un mandat national et local. Elles avaient pour objectif de donner plus d'efficacité au mandat parlementaire, en réduisant l'absentéisme, et d'améliorer la transparence de la vie politique. À l'époque, il nous avait été assuré que le cumul des mandats était responsable d'une grave crise de confiance entre les parlementaires et les citoyens. Dix ans plus tard, l'augmentation constante de l'abstention démontre que rien n'a été résolu, alors que les parlementaires hors-sol se sont multipliés. Pire, le député n'existe presque plus sur le terrain ; peu à peu, l'administration remplace les élus.

L'objectif de cette proposition de loi organique est de maintenir vivant le lien entre les Français et leurs élus, en prévoyant à nouveau la possibilité de cumuler un mandat national avec un mandat exécutif local, à l'exception des fonctions de maire et de président de conseil départemental et régional. Lutter contre la déconnexion des parlementaires doit tous nous préoccuper. Le sentiment d'abandon des territoires est particulièrement fort et légitime. La démocratie ne va pas mieux depuis la loi organique interdisant le cumul des mandats. Au contraire, celle-ci a participé à éloigner les élus des citoyens. Les grandes régions et les grands cantons ont accéléré le processus d'éloignement : plus on accroît la distance entre les élus et les citoyens, plus la confiance s'érode. On a opposé le local et le national en coupant les parlementaires de leur ancrage local. Lorsqu'on a été élu local, on a une vision moins désincarnée. Le critère essentiel doit rester l'efficacité de l'action publique. Depuis la loi Notre, le cumul des mandats n'est plus vertical : il est horizontal, et concerne des désignations internes aux conseils municipaux et départementaux ainsi qu'aux exécutifs intercommunaux.

Certaines personnalités cumulent un nombre important de fonctions et de mandats locaux, devenant de véritables barons. On peut ainsi être maire de Nice, cinquième ville de France, président de la métropole Nice Côte d'Azur, l'une des plus importantes de France et président délégué du conseil régional de Provence-Alpes-Côte d'Azur. Dans ma circonscription, le maire de Liévin est également vice-président de la communauté d'agglomération de Lens/Liévin et vice-président du conseil départemental du Pas-de-Calais, mais il n'est pas possible d'être député et adjoint au maire : quelle hypocrisie !

Tout en ne revenant pas sur l'interdiction pour un parlementaire de cumuler son mandat avec une fonction exécutive locale, la proposition de loi organique rend possible le cumul avec le mandat d'adjoint au maire. Un élu local comprend les réalités de terrain ; les électeurs doivent avoir la liberté de choisir en qui ils placent leur confiance. L'implantation locale et l'ancrage sur le terrain sont essentiels au bon fonctionnement démocratique afin de maintenir un lien fort dans le territoire.

Ce texte manque toutefois d'ambition : il ne contient rien sur la proportionnelle, pourtant promise à chaque élection présidentielle. Or il est évident que l'abstention et la défiance diminueront lorsque les Français auront le sentiment non seulement de connaître leurs élus mais, surtout, d'être représentés. Bien que cette proposition de loi organique n'entende pas non plus s'attaquer au cumul horizontal des mandats, donc au phénomène des barons locaux, elle va cependant dans le bon sens, en valorisant l'expérience locale des parlementaires au bénéfice de nos concitoyens.

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Je vous remercie de me permettre de m'exprimer devant une commission où j'ai siégé pendant près de vingt ans. Maire d'une petite commune rurale pendant dix-huit ans, président de la communauté de communes, conseiller général, député, réélu cinq fois, j'ai exercé ces quatre mandats sans grande difficulté.

J'ai également eu la chance de coprésider avec Michel Vergnier, député socialiste de la Creuse, la commission des affaires rurales de l'Assemblée des départements de France. Notre expérience de la gestion communale et intercommunale ainsi que des difficultés rencontrées par les maires nous permettait d'émettre des propositions légistiques de bon niveau. En effet, on ne parle bien que de ce que l'on a fait : on ne peut pas savoir ce qu'est une station d'épuration, un revêtement bicouche ou un dossier de maison de retraite quand on n'y a pas été confronté. Je regrette donc que le cumul ait été supprimé.

Le texte rouvre un débat intéressant mais il aurait fallu aller jusqu'à autoriser le cumul du mandat de parlementaire avec des mandats exécutifs. J'espère que les amendements permettront de revenir sur le non-cumul.

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Nous nous interrogeons souvent, notamment en commission des lois, sur les solutions à apporter à la crise démocratique, afin de revitaliser le système politique, devenu fragile, qui éloigne de plus en plus les citoyens des urnes. Tel était le sens de la loi organique de 2014, qui a mis fin au cumul des mandats. Dix ans après son vote, elle a toutefois du plomb dans l'aile. La seule question qui vaille aujourd'hui est celle du rôle que nous voulons donner au Parlement. Nous pouvons au moins nous accorder pour refuser qu'il soit une institution qui décline.

La réforme entrée en vigueur il y a sept ans n'a pas amélioré le fonctionnement de nos institutions. D'abord, la distance des citoyens envers les parlementaires – pour ne pas dire leur méfiance voire leur défiance – n'a pas disparu. Elle s'est même aggravée : les Français portent un regard peu amène sur nous et nos amis du Sénat. Le pourcentage d'opinions favorables aux parlementaires est de 30 %, soit deux fois moins que les maires.

Cela ne signifie pas, comme on l'entend parfois, que tous les parlementaires sont des élus hors-sol, déconnectés. Cette critique est permanente, avec ou sans cumul. Mais les élus locaux ne se confient pas toujours à leurs parlementaires, qu'ils perçoivent comme éloignés de leur territoire, selon le fantasme du législateur parisien. Parfois même, ils leur manifestent une hostilité de principe pour des raisons partisanes ou d'étiquette. Tout cela n'est pas de nature à favoriser l'implantation locale. Pour compenser cet état de fait, vous déposez souvent des amendements en vue de raccrocher les parlementaires au wagon local, par exemple en proposant qu'ils soient intégrés dans tel ou tel comité, conseil de surveillance ou organisation départementale. Cela n'est pas suffisant, car cela ne remplace pas les échanges directs que nous pouvons avoir avec les services de l'État ou avec les services publics locaux, ni le pouvoir décisionnaire de la fonction exécutive.

L'argument du manque de temps de travail ne tient pas : un mandat local et un mandat national se confondent pour partie. Ce qui remonte des administrés sert à mieux faire la loi, à appeler l'attention du Gouvernement et à construire des réponses plus adaptées. Ce n'est pas une question de temps, puisque l'on peut être député et avocat, enseignant ou chef d'entreprise. Si nous manquions de temps il faudrait interdire toute activité professionnelle aux parlementaires, ce que personne ne proposera car un métier est une manière d'être connecté aux réalités locales.

Si l'on voulait aller au bout du raisonnement, il faudrait un mandat unique : on interdirait aux maires d'être vice-président de conseil départemental ou régional. Là encore, personne ne le propose car ce cumul est une plus-value dans l'exercice de l'action publique.

De la même manière, nous considérons qu'exercer un mandat exécutif en étant parlementaire est une manière de garder les pieds sur terre. Nous sommes favorables à la liberté de choix de chacun. Nous constatons avec regret que cet antiparlementarisme ambiant a incité nombre de nos collègues à démissionner et à choisir entre le mandat national et le mandat local : nous perdons là en expérience utile.

La réorganisation d'une forme de cumul n'est pas dans l'air du temps. Nous l'assumons, pourtant. D'abord, parce que les Français y sont de moins en moins réfractaires. Ensuite car notre responsabilité est d'appeler l'attention sur tout ce qui peut améliorer la qualité de la loi, l'influence du Parlement et le poids de la représentation nationale face à l'exécutif. C'est ce que nous proposons ici, persuadés qu'il y a une place pour tout le monde, pour les élus comme pour la société civile. Tout le monde a voix au chapitre : c'est dans l'intérêt général.

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Nous étudions aujourd'hui un possible retour du cumul des mandats pour les parlementaires. Cette proposition résulte d'un constat que nous faisons tous et qui doit nous alarmer : notre système de représentation, notre démocratie sont remis en cause. Les crises successives que nous traversons effritent de plus en plus la confiance des citoyens envers leurs élus, provoquant une remise en question de leur légitimité, entraînant abstention et recul du sentiment d'appartenance à la nation.

Les analyses divergent quant aux solutions : ces nombreuses opinions caractérisent la diversité française, une pensée politique multiple et complexe où presque aucun consensus n'émerge. Certains, rompant avec le principe d'un mandat électif, diront qu'il faut donner plus de pouvoir au peuple, par la démocratie participative et les consultations citoyennes multiples, avec la possibilité de révoquer les élus. D'autres, plus modérés, croient en une crise générationnelle : elle passera avec le temps et les citoyens se remettront à participer aux moments de vie républicains. D'autres, enfin, pensent que le pouvoir est trop dispersé, pas assez concentré, et qu'il est nécessaire d'en donner plus à moins de personnes afin que son utilisation soit plus efficace. La présente proposition de loi organique s'articule sur ce point : permettre aux parlementaires d'accroître leur ancrage territorial afin de cumuler leurs fonctions nationales avec celles d'adjoint au maire ou de vice-président de conseil départemental ou régional.

Pour diverses raisons, nous pensons que d'autres solutions peuvent également être envisagées afin d'accroître l'ancrage territorial des parlementaires. L'opinion publique a été claire et précise sur les raisons qui ont amené à mettre fin à ce type de cumul. Au-delà, admettre comme seule solution suffisante le cumul des mandats pour se reconnecter à une réalité, c'est admettre qu'une partie substantielle d'entre nous en est coupée, ce que je ne crois pas – pour preuve, un député sur deux est un élu local.

Cette proposition de loi répond à un problème précis, qui s'impose à nous, élus : le renforcement de la proximité de l'élu et du citoyen. C'est une question complexe qui, en conséquence, demande une réflexion globale. À ce titre, une réforme ambitieuse du statut de l'élu, exprimée avant-hier par la ministre Dominique Faure, est souhaitable. C'est dans l'ADN de la majorité que de réformer pour s'adapter aux besoins du pays, car ce n'est pas en agglomérant de petites mesures que nous parviendrons à soigner un système malade. Nous croyons donc à une réforme complète du statut de l'élu, car ce n'est que dans la clarté que la confiance peut se créer et la défiance être combattue. Nous croyons aussi à une France où les femmes seront de plus en plus nombreuses à la tête d'exécutifs locaux, car elles ne le sont pas assez souvent aujourd'hui.

Chers collègues, il ne faut pas se tromper : c'est la démocratie représentative qui est concernée. Cette représentativité, qui n'a peut-être pas assez évolué avec son temps, nécessite des ajustements, par exemple une réforme de l'organisation parlementaire. Montesquieu écrivait dans De l'Esprit des lois que « c'est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser. Il va jusqu'à ce qu'il trouve des limites. Pour qu'on ne puisse pas abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir ».

Le groupe Renaissance s'abstiendra donc sur cette proposition de loi.

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Nous en venons aux interventions des autres députés.

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Si la Constitution n'est pas claire sur notre ancrage local, il n'en est pas moins vrai que nous sommes élus d'une circonscription. Celle dont je suis élu, j'y suis né, j'y suis allé à l'école avec les gens qui votent et j'imagine mal pouvoir voter des mesures auxquelles je saurais qu'ils sont massivement opposés. Je suis, tout simplement, leur représentant. Notre attention à leurs problèmes, à leurs réalités, me semble absolument nécessaire et c'est, en tout cas, ce qu'ils attendent de nous.

Par ailleurs, le non-cumul n'a pas réconcilié les Français avec la fonction de parlementaire : ils nous accusent même d'être hors-sol et de ne pas connaître la réalité. À ceux ici qui parlent de « barons » à propos des élus locaux, je rappelle toutefois qu'au Moyen Âge, le baron faisait la loi, qu'il levait l'impôt, qu'il avait son armée et sa diplomatie, et qu'il rendait la justice. Nous en sommes très loin aujourd'hui, même dans le cas d'un président de région.

En tant qu'élu local – je suis conseiller régional –, j'ai le privilège d'avoir fait passer et de faire appliquer en Bretagne une loi relative aux langues régionales. Le rectorat n'était, initialement, pas tout à fait d'accord pour appliquer ce qu'avait voté notre Parlement, mais un peu de discussion nous a permis d'aboutir.

Je n'ai jamais rencontré le Citoyen avec un grand « C », je ne sais pas qui il est et je crains que ce soit une simple idée. En revanche, je vois tous les jours le citoyen avec un petit « c », qui vient me dire ce dont il a besoin. Je me méfie des grandes idées qui ne sont finalement pas appliquées – je vous rappelle que la Révolution française a eu pour aboutissement une dictature et 1815. On peut avoir de grandes idées mais, au bout du compte, comme on dit chez nous, c'est à la fin du bal qu'on paie les sonneurs.

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J'ai été élu local, maire-adjoint, pendant un peu plus de cinq ans, et j'ai acquis dans ces fonctions beaucoup d'expérience et de connaissance du monde politique. Cependant, si 80 % d'entre nous ont été élus locaux, sommes-nous pour autant pleinement représentatifs des 60 millions de Français ?

L'ancrage dans nos territoires est largement représenté dans cet hémicycle. De fait, alors qu'il fallait jadis presque impérativement être maire pour devenir député, la fin du cumul nous a apporté de la diversité politique et sociale, de la diversité de compétences et, accessoirement, de la diversité de genre. Remettre en cause cet acquis serait dramatique. On peut en effet être connecté à un territoire sans avoir jamais été élu, parce qu'on a été président d'une association ou aide-soignante, ou tout simplement parce qu'on y vit, qu'on le connaît et qu'on possède certaines compétences.

Enfin, monsieur Morel-À-L'Huissier, je sais ce que sont un bicouche et une station d'épuration, mais je connais aussi le monde professionnel, ce qui est important pour légiférer dans cette assemblée.

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On aurait tort de réduire la défiance envers les élus à la question du cumul des mandats. Cependant, le postulat de 2014, qui consistait à interdire ce cumul pour tenter, paradoxalement, de rapprocher les élus de leurs concitoyens en les éloignant, ne s'est pas vérifié : le Parlement ne légifère pas mieux depuis 2014. Il ne faut pas confondre l'inflation législative que nous connaissons avec la qualité législative. Nous ne nous organisons d'ailleurs pas mieux, puisque les ordres du jour sont, pour une grande partie, fixés par le Gouvernement, et nous voyons bien ce qu'il advient des textes que nous attendons comme Godot – lequel, à la fin de la pièce, ne vient pas. Or nous n'avons pas d'autres possibilités de nous organiser.

Le non-cumul est donc une façon de couper réellement certains députés de leur territoire. Je crains d'ailleurs que, demain, si un scrutin de liste à la proportionnelle s'appliquait dans un cadre départemental, les élus soient encore plus coupés de leur territoire car, si nous votons la loi, contrôlons l'action du Gouvernement et évaluons les politiques publiques, nous représentons aussi les citoyens et un territoire, ce qui suppose un ancrage dans celui-ci, et qui n'est pas incompatible avec le rôle de députés de la nation – sans quoi il suffirait d'une seule circonscription nationale, avec une liste d'apparatchiks coupés de la nation. On voit ce que cela donne avec les élections européennes.

La solution à la difficulté de relation entre les citoyens et leurs élus ne réside pas seulement dans le non-cumul des mandats, car cette défiance est un mal plus profond, mais le retour à une forme d'équilibre en la matière irait dans le bon sens. Tous ceux ici qui ont été maires – pour ma part, je l'ai été pendant vingt-deux ans – ou qui ont exercé des mandats exécutifs savent combien cela peut être utile pour le bon accomplissement de leur mandat de député. C'est une manière de mutualiser et de servir l'intérêt général.

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La tentation de cumuler votre mandat de parlementaire avec un autre mandat est une sorte d'acte suicidaire pour votre pouvoir législatif. Pour cette XVIe législature, le 22 juin 2022, les électeurs ont voulu que le Président de la République soit minoritaire dans notre assemblée. Par conséquent, si vous abdiquez, ne serait-ce qu'un pouce de ce pouvoir législatif, c'est une aubaine pour le Président de la République et pour l'exécutif. Aujourd'hui, ce que vous demandent les électeurs, c'est de renforcer votre pouvoir législatif et de tenir tête au monarque présidentiel, sans partir vaquer à d'autres occupations, ce qui ne ferait que dégoûter un plus grand nombre de nos compatriotes de notre assemblée.

À l'aube de la Ve République, lorsque le général de Gaulle a permis aux sénateurs – et a même encouragé – le cumul entre leur mandat et celui de maire, par exemple, c'était précisément pour ne pas avoir les parlementaires dans les pattes, parce que l'idée de la Ve République était de rationaliser, c'est-à-dire d'affaiblir le Parlement. L'argument de l'ancrage local que défend Horizons ne tient pas. Notre pays compte 35 000 communes et les 1 000 parlementaires que nous sommes ne peuvent pas couvrir tous le pays. Comme vous l'avez dit, 50 % des parlementaires sont déjà conseillers municipaux : n'est-ce pas un ancrage local ? Quant aux associations, elles connaissent très bien les territoires. Vous avez donc un point de vue de premier plan sur la réalité économique, sociale, politique et culturelle de vos circonscriptions. Votre travail est d'en parler lorsque vous examinez la loi, au lieu de partir vaquer à des occupations de concentration notabiliaire de pouvoir à l'échelle locale, au demeurant machiste et patriarcal – je rappelle en effet que le non-cumul a fait bondir de dix points la participation des femmes dans notre assemblée, ce que chacun ici devrait saluer.

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De grandes ambitions s'expriment à propos de ce texte, qui n'est pourtant qu'un texte de niche et ne pourra opérer que des corrections à la marge. De fait, je ne propose pas ici de supprimer la loi de 2014, mais d'y apporter une correction. Nous n'allons pas bousculer l'ensemble du système en une journée comme celle-ci. Cette question touche toutefois à notre organisation générale et à de nombreux sujets connexes et je vais m'efforcer d'apporter le plus grand nombre possible de réponses à vos observations.

Madame Ménard, on m'a déjà demandé, durant les auditions auxquelles nous avons procédé, si cette proposition de loi était le prélude à d'autres mesures, en ajoutant que le dispositif proposé était insuffisant et qu'il faudrait aller plus loin, ou qu'il était acceptable à condition qu'il ne s'agisse que d'un premier pas. En réalité, nous ne faisons que corriger un déséquilibre, mais les autres questions restent à traiter. Viendra un moment, en effet, où nous devrons réformer certains éléments de notre millefeuille institutionnel en nous interrogeant, à chaque échelle, sur le bon mode de scrutin, sur les libertés locales et sur le statut de l'élu.

Nous proposons donc aujourd'hui une correction et vous pourrez aussi marquer cette réflexion de votre empreinte en proposant des idées pour des réformes à venir. Nous verrons si nous pouvons, durant cette législature ou une autre, nous doter de la capacité de réformer le règlement de l'Assemblée nationale, la Constitution, le code des collectivités territoriales et tous les dispositifs y afférents.

Monsieur Iordanoff, vous pensez que cette proposition de loi va dans le sens inverse de ce que nous devrions faire, mais le processus prend énormément de temps. Vous avez, du reste, été nombreux à dire que vous passiez beaucoup de temps dans vos circonscriptions : qu'est-ce qui vous empêche de le passer à l'exercice d'un mandat exécutif local ? Dans le cadre d'un mandat local, a fortiori quand il s'agit d'un mandat exécutif, on rencontre les gens, à propos par exemple de leur engagement associatif ou au sein des commissions des EPCI qui constituent l'écosystème de vos communes et dont le tissu est bien plus large.

Le contrôle du Gouvernement est évidemment l'un de nos objectifs essentiels, dont nous pourrions nous accorder à dire qu'il est souvent mal rempli. Or on ne travaille pas seul, et un élu qui cumulerait un mandat exécutif local pourrait s'appuyer sur des collaborateurs et sur des administrations qui lui fourniraient les informations lui permettant de mieux remplir son rôle de législateur.

Quant au groupe GDR, sa position est tout à fait conforme à son ancrage territorial. La réforme de 2014 pouvait en effet être une fausse bonne idée et sans doute faudrait-il réformer certains éléments de nos institutions. Nous pouvons aussi convenir que ce dispositif s'est traduit par une sorte d'inhibition du rôle du député sur le territoire.

Madame Untermaier, je comprends parfaitement que le groupe Socialistes et apparenté ne puisse pas se déjuger à propos de la loi de 2014. Par ailleurs, je souscris à plusieurs de vos observations. Il faut évidemment travailler sur les moyens dont nous disposons pour exercer notre rôle de parlementaires et améliorer la lisibilité de notre rôle dans le territoire. La possibilité d'un cumul le permettra partiellement, mais ne résoudra évidemment pas l'ensemble du problème.

Par ailleurs, la loi de 2014 n'est pas allée assez loin dans sa propre logique, qui aurait voulu que vous renforciez profondément l'enveloppe qui nous permet de payer nos collaborateurs. Il y a là un grand malentendu, sur lequel nous pourrions nous accorder. En effet, nous faisons comme si nous n'étions pas dans la Ve République, mais nous y sommes pourtant, et elle a précisément été conçue pour un ancrage territorial des parlementaires, le scrutin majoritaire visant à permettre l'identification des candidats aux élections. De ce fait, nous considérons que le cumul partiel fait partie des réponses que nous pouvons apporter avant de nous attaquer à des questions plus importantes.

Madame Jacquier-Laforge, M. Borgel nous a confirmé durant son audition que le renouvellement, la féminisation et le rajeunissement ne sont absolument pas ce qui était recherché par les auteurs de la loi de 2014, dont l'objectif principal était que tous les mandats soient exercés à plein temps et sans partage. Il se peut qu'il y ait eu des effets induits, mais nous ne disposons d'aucun outil statistique pour le confirmer. Personne ici ne peut dire si la féminisation et le rajeunissement sont liés à la loi de 2014 ou à l'élection présidentielle de 2017. Du reste, si la loi de 2014 avait véritablement induit une féminisation, on pourrait légitimement s'attendre à retrouver dans les collectivités locales, et en particulier dans les mairies, la même augmentation qu'au sein du Parlement, alors que ce n'est absolument pas le cas – on observe presque, à l'inverse, une baisse du nombre de femmes maires en 2020.

Monsieur Di Filippo, les stéréotypes et les « baronnies » que vous avez évoqués à juste titre sont, comme cela a été dit implicitement par M. Mendes et plusieurs autres orateurs, liés aussi à notre conception du pouvoir. Les baronnies sont la vision noire de l'ancrage territorial, mais son autre face est celle d'un relais du pouvoir central dans le territoire. Depuis longtemps, l'État français avait créé ce tissu qui lui donnait des leviers d'action sur le territoire, et sans doute avons-nous abîmé quelque chose à cet égard.

Je ne crois pas que, compte tenu de notre agenda législatif et de nos règles d'organisation, et à plus forte raison pour un député appartenant à une majorité relative, qui a de ce fait une obligation de présence plus importante, un parlementaire puisse exercer une fonction à la tête d'un exécutif local, qui supposerait qu'il soit quotidiennement avec ses administrés et puisse leur répondre à chaque instant, comme du reste ceux-ci l'exigent. Il peut, en revanche, accompagner la tête de l'exécutif dans ses responsabilités et l'aider de son expérience. Le mouvement va en effet dans les deux sens : l'expérience locale remonte au national, mais on peut également faire profiter le local de son expérience au niveau national.

Quant à l'inflation législative, l'expérience du passage à la session unique, en 1995, et de la loi de 2014 montre que plus nous augmentons notre temps de présence ici, plus l'inflation législative s'accroît.

Monsieur Lachaud, nous sommes certes des élus de la nation, mais notre présence sur les territoires nous permet d'aller du particulier à l'universel. Je sais que vous voyez les choses autrement mais, d'un fait unique, nous faisons quelque chose qui a une portée générale, et c'est là l'intérêt de la respiration qui s'instaure entre le national et le local.

Je ne reviendrai pas sur le mode de scrutin de la Ve République. Quant à la VIe, de laquelle parlons-nous ?

Monsieur Bilde, l'absentéisme a souvent été critiqué, mais nous avons auditionné, par exemple, un élu très « cumulard » au sens ancien, à savoir député, maire et président d'EPCI, qui avait par ailleurs été classé premier pour son assiduité à l'Assemblée nationale, sans faire pour autant défaut dans ses autres mandats.

Nous perdons de vue l'efficacité de l'action publique, qu'il conviendra d'avoir à nouveau à l'esprit le jour où nous nous attaquerons aux autres questions que pose le millefeuille des libertés locales, pour éviter d'être tentés de toucher au mandat des autres sans toucher au nôtre.

Monsieur Morel-À-L'Huissier, vous avez très justement exprimé l'idée que nous pouvions réussir un « exercice simultané », mot moins péjoratif que celui de cumul.

Madame Moutchou, la question de savoir quel rôle nous voulons donner au Parlement sous-tend nos réflexions. Vous avez rappelé que certains élus locaux ont une véritable appréhension face aux parlementaires et qu'ils ne souhaitent pas forcément travailler avec eux. Or cette collaboration est plus facile lorsque nous sommes issus de ces fonctions. Quant aux services préfectoraux, qui souhaitent tantôt nous inviter et tantôt ne pas le faire, nous nous employons à promouvoir le couple préfet-maire et le fait de connaître les prérogatives du maire et de la fonction exécutive permet une meilleure écoute du préfet et de l'ensemble des services déconcentrés de l'État. Ceux d'entre nous qui ont eu affaire à la direction départementale des territoires (DDT), à la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal) et à d'autres services savent ce que cela signifie.

Un autre problème de fond est que l'on veut que n'importe qui puisse postuler à un mandat électif, mais que notre société se technicise énormément et qu'une vraie tension se manifeste entre la professionnalisation et la non-professionnalisation, la technicité et la non-technicité. On en revient donc à la question du statut de l'élu, jusqu'au parlementaire, et des moyens de l'accompagner dans cet univers. La liberté de choix me paraît, à cet égard, importante.

Monsieur Mendes, je souscris au constat que vous avez dressé. Vous avez dit implicitement qu'il s'agissait là d'une certaine conception du pouvoir. D'autres options peuvent être envisagées, et doivent même l'être. Je le répète, cet ancrage territorial n'est qu'un élément de correction. Je suis certain que beaucoup de gens seraient ravis que vous siégiez avec eux pour les accompagner dans l'accomplissement d'un mandat exécutif, mais ce sera certainement insuffisant face aux ambitions que nous devons avoir.

Monsieur Molac, il m'a été rapporté qu'en Bretagne, le non-cumul était déjà un phénomène assez largement culturel.

Monsieur Balanant, de nombreux parlementaires ont un mandat local, mais il existe une très grande confusion entre le rôle d'un membre d'assemblée et un mandat exécutif. Vous en souffrez assez ici pour savoir que ce n'est pas la même chose que de siéger dans un conseil municipal et de se confronter à la réalité de l'application opérationnelle d'une décision et au regard d'un concitoyen qui ne comprend pas pourquoi vous lui demandez, en application du plan local d'urbanisme (PLU) et des prescriptions de l'architecte des bâtiments de France, de ne pas poser de fenêtres en plastique, alors que la personne qui habite en face de chez lui en a, parce qu'elle habite à l'extérieur du cercle de protection. C'est le genre de situations que ne vivent pas tous les conseillers municipaux, mais seulement les adjoints ou les maires.

Par ailleurs, le quotidien évolue et nous ne travaillons pas à paramètres constants. L'expérience que nous avons eue voilà vingt ans ne nous dit rien de ce qui se passe sur le terrain aujourd'hui, où nos maires et l'ensemble des personnes qui ont des responsabilités reçoivent une avalanche de normes et de dispositions à appliquer au quotidien. Il n'est donc pas mauvais d'avoir cet ancrage.

Madame Garrido, il est mathématiquement exact que les 577 députés ne pourront pas couvrir les 36 000 communes de notre pays, mais c'est oublier qu'une commune s'inscrit dans un écosystème fait d'EPCI, de cantons et d'associations de maires, et que nous rencontrons énormément de gens, avec qui nous partageons des expériences.

Article unique (art. L.O. 141-1 du code électoral) : Réduction du champ des fonctions exécutives locales incompatibles avec le mandat parlementaire

Amendements de suppression CL4 de Mme Cécile Untermaier, CL25 de M. Bastien Lachaud et CL48 de M. Jérémie Iordanoff

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J'ai exposé dans la discussion générale les raisons qui nous opposaient et je me contenterai de rappeler que je ne suis pas liée à un texte de 2014 et à un dispositif figé dans la glace. Je pense comme vous que nous devions réfléchir aux effets du non-cumul et conforter ce dispositif. Comme vous aussi, je pense, même si l'application de la réserve parlementaire était précédemment inappropriée, la suppression de ce mécanisme était une mauvaise décision et que, si nous avions mis en œuvre, en responsabilité, un dispositif collégial sur les territoires, nous n'aurions pas eu à le supprimer.

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Décidément, collègues macronistes, vous avez le sens de l'à-propos pour agacer nos compatriotes ! Voilà quelques semaines, vous avez décidé d'augmenter de 300 euros l'avance de frais de mandat (AFM), et le Sénat de 500 euros. Or vous nous avez dit tout à l'heure, monsieur le rapporteur, qu'il n'y avait aucun enrichissement dans le cumul des mandats, parce que les montants cumulés étaient limités à 8 524 euros. Vous rendez-vous compte de ce que vous dites à nos compatriotes qui gagnent le Smic ? Nous sommes dans le dixième décile, parmi les personnes qui ont les plus hauts revenus de la population française, et vous dites qu'il n'est pas très grave de cumuler encore des revenus. Vous êtes à côté de la plaque et il ne sert à rien d'agacer les gens plus qu'ils ne le sont déjà.

Deuxièmement, il n'est pas vrai que nous ayons le temps de faire plusieurs choses à la fois. Je ne sais pas ce que vous faites de votre mandat de député mais, pour ma part, je travaille toute la journée, le soir aussi, et je n'ai pas le temps d'ajouter à cela les tâches d'un élu local. Soit vous remplissez mal votre mandat de député et vous avez du temps libre, et tant mieux pour vous, soit vous le faites correctement. Vous servez l'intérêt du peuple en étant présent à l'Assemblée nationale et en circonscription puisque, jusqu'à présent, ce mandat national est rattaché à une circonscription, mais la question est posée. Supprimez cet article si vous voulez éviter d'agacer les Français.

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Cette discussion ouvre de nombreux sujets très intéressants et j'ai trouvé assez piquante la citation de Montesquieu qu'a faite M. Mendes. Il convient de la lire et de la relire, car elle me semble particulièrement bienvenue dans cette Ve République.

Le titre même de la proposition de loi ouvre le débat sur la clarification du rôle du parlementaire. Comme l'a bien dit mon collègue Bastien Lachaud, le parlementaire est un représentant de la nation, et non pas un élu local. Le Sénat est une chambre des territoires et nous devons être conscients que nous faisons la loi pour l'ensemble de la France, de nos concitoyens et de la nation. Nous sommes également chargés du contrôle de l'action du Gouvernement et votons le budget : on ne peut pas faire tout cela et siéger dans les conseils municipaux des dizaines de communes de nos circonscriptions.

La question ouvre aussi le débat de la limitation du cumul horizontal des mandats locaux. Il existe en effet des baronnies locales et des élus locaux qui n'ont pas le temps de faire bien leur travail.

Cela ouvre également le débat sur le fait que, comme le dit M. Balanant, 50 % des parlementaires ont un mandat d'élu local, ce qui voudrait dire que, pour être parlementaire, il faut d'abord avoir eu une carrière d'élu local, et donc certaines baronnies. Nous n'en sommes plus à cette époque et la légitimité pour être représentant de la nation peut venir d'un travail ou d'un engagement associatif ou dans un parti politique. On peut faire autre chose de sa vie qu'être élu local avant d'être parlementaire.

Quant à la parité, le rapporteur a lui-même démontré que cette loi nous ferait revenir en arrière.

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Avis défavorable à ces trois amendements identiques.

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Il faut absolument supprimer ce texte, pour plusieurs raisons. D'abord, à la suite de ce qu'a dit M. Lachaud, le nombre de nos collaborateurs est inférieur à ce qu'il est pour les parlementaires européens, par exemple en Allemagne, où l'enveloppe prévue permet d'en avoir pratiquement le double, ou au niveau de l'Union européenne.

Pour ce qui est par ailleurs du travail dans nos permanences, nous faisons défaut à nos concitoyens dans nos circonscriptions, puisque nous n'avons pas assez de temps pour écouter tout le monde et recevoir tous ceux qui veulent nous rencontrer.

J'invite ceux qui nous regardent à consulter le site nosdeputes.fr : peut-être y trouveront-ils une corrélation chez ceux qui sont les moins présents à l'Assemblée et qui imaginent qu'ils peuvent se démultiplier pour exercer d'autres mandats locaux.

Je suis, par ailleurs, conseiller municipal d'opposition dans ma commune, et je peux vous dire que je déplore de ne pas pouvoir être plus souvent présent aux conseils municipaux, tant le travail de député est chronophage.

Plutôt que d'exercer un seul mandat correctement, votre proposition de loi propose d'en remplir deux mal. Il convient donc de se concentrer pour rendre l'argent du contribuable qui est mis à notre disposition et exploiter correctement le peu de temps qu'il nous reste.

J'ajoute que la commission des lois cumule pratiquement un tiers des propositions de loi examinées dans notre assemblée, et il est étonnant que viennent nous y rejoindre des gens qui imaginent qu'on a plus de temps lorsqu'on est commissaires aux lois pour remplir d'une manière satisfaisante un autre mandat.

Enfin, vous avez affirmé que la loi sur le non-cumul des mandats n'avait pas eu d'effet sur la présence des femmes en politique mais, en réalité, on observe une désaffection de nombreux élus, hommes femmes, pour les mandats locaux, également très chronophages.

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En réalité, ces dernières semaines ce sont plutôt les deux tiers des propositions de loi et des projets de loi examinés qui viennent de la commission des lois.

La commission rejette les amendements.

Amendements CL55 de Mme Raquel Garrido, CL41 de Mme Naïma Moutchou, CL28, CL29 et CL30 de M. Karl Olive (discussion commune)

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Selon une étude du Cevipof publiée en février, 70 % des Français n'ont plus confiance en la politique. Inversement, une enquête qui avait été commandée à l'institut CSA par l'Assemblée nationale montre que 73 % d'entre eux estiment que le non-cumul des mandats est une bonne chose, parce que les députés peuvent ainsi se concentrer sur leur mandat national. Le message est clair.

Notre rôle doit être de renforcer la confiance du public dans les institutions – et notamment dans l'institution parlementaire – plutôt que de contribuer à une forme de dégoût des citoyens vis-à-vis de la chose politique.

Pour cela, je propose d'aller encore plus loin que la loi de 2014 en interdisant de cumuler un mandat de parlementaire avec celui de conseiller départemental ou de conseiller régional. Ces mandats requièrent qu'on leur consacre tout son temps, comme j'ai pu moi-même en faire l'expérience. Chacun doit être à sa tâche. On ne peut pas faire correctement son travail de parlementaire en étant occupé à d'autres choses – et certainement pas pendant la XVIe législature.

Le rapporteur a estimé que, pour être au fait des choses à l'échelon d'une mairie, il fallait être maire ou adjoint au maire et que la fonction de conseiller municipal n'y suffisait pas. Si l'on peut en dire autant pour les conseils départementaux ou régionaux, quel est l'intérêt d'autoriser le cumul des mandats de parlementaire et de conseiller de ces assemblées locales ?

Je propose de renforcer le non-cumul, afin de ne pas laisser aux individus ou aux partis politiques le soin de décider de cumuler des mandats et que la règle soit la même pour tous. Cela permettra de mettre en place un mécanisme conforme à la vertu républicaine.

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La réforme de 2017 a été assez radicale puisqu'elle a exclu tous les maires du Parlement. L'objectif initial, louable, était de renouer ainsi avec les Français. Sept ans après, force est de constater que le compte n'y est pas du tout. L'abstention atteint des records et la défiance s'est accrue envers des élus perçus comme déconnectés – parfois à juste titre.

Qu'est-ce que la représentation nationale ? Au fond, c'est le miroir du peuple et il n'y a pas de raison de mettre des limites au reflet qu'il renvoie. Pourquoi faudrait-il empêcher que les maires deviennent des parlementaires ? L'expérience a été tentée. Depuis plusieurs années, il n'y a plus de maires au Parlement, mais la situation ne s'est pas améliorée pour autant. Ayons le courage de revenir en arrière et de permettre aux maires de contribuer au débat national. Ils ont des choses à dire.

Je propose donc d'aller un peu plus loin que le rapporteur et de permettre aux maires de cumuler leur fonction avec celle de parlementaire. Vous avez dit « chacun à sa tâche », madame Garrido. Mais vous savez que des députés poursuivent leur activité professionnelle. Ils sont agriculteurs, avocats ou enseignants. Je trouve que cette expérience complémentaire est une richesse pour le Parlement. Cela permet de ne pas exclure la société civile et laisse chacun libre de choisir. Il n'y a pas de raison que les maires soient pénalisés.

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Je félicite les collègues du groupe Horizons et apparentés pour cette proposition qui permet d'ouvrir le débat.

J'ai été maire pendant huit ans. On comptait 250 maires également députés en 2012 ; il n'y en a plus aucun. Il manque un souffle venu du terrain alors que nous faisons face à une fracture démocratique, que les maires sont plébiscités et que la légitimité des députés semble quelque peu insuffisante.

Comme l'a dit François Rebsamen, qui a été membre du Gouvernement lors de la présidence de M. Hollande et qui est désormais maire de Dijon : « Rares sont ceux qui ont mesuré les conséquences de ce non-cumul député-maire. Encore plus rares ceux qui ont osé la critiquer. Et pourtant les farouches partisans de la décentralisation auraient dû s'inquiéter de cette victoire des centralisateurs. Tournant le dos à toute l'histoire de son parti, d'un trait de plume, le président de la République socialiste et sa majorité avaient rayé le contre-pouvoir que représentaient les grands élus. »

Pour François Bayrou, « La mesure a rompu tout lien entre la démocratie locale et la démocratie nationale. L'expérience des élus locaux dans les grands débats nationaux serait précieuse ! »

Selon Emmanuel Macron, « quand ils étaient députés ou sénateurs, ils relayaient au niveau national les choses et réciproquement, il y avait un va-et-vient. » et « La situation n'est plus la même qu'en 2014 et ce ne serait pas absurde de revenir sur cette loi […] ».

Il est bien dommage que nous n'ayons pas discuté de cette question en amont. Certains d'entre vous – et pas des moindres – ont cosigné les deux propositions que j'ai déposées sur le même sujet. L'une d'entre elle a également été cosignée y compris au sein du groupe La France insoumise. Les maires sont les fantassins de la République et il faut en finir avec une vaste hypocrisie. Je vous demande de voter en votre âme et conscience. Cet amendement est dans l'intérêt du pays et non de celui des partis.

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Compte tenu de la charge de travail liée à l'ordre du jour et de l'organisation des travaux de notre assemblée, je ne crois pas qu'il soit possible d'être député tout en dirigeant un exécutif municipal. Avis défavorable.

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Le rapporteur a cru pouvoir démontrer que, pour comprendre nos concitoyens, il fallait savoir comment élaborer un plan local d'urbanisme (PLU) et connaître des subtilités techniques en matière de construction d'équipements. Mais c'est absurde. Dans cette commission, nous légiférons sur le droit pénal. Faut-il pour autant que nous soyons tous magistrats ou avocats ? Et nos collègues de la commission des affaires culturelles doivent-ils être enseignants ou avoir évolué dans le monde de la culture ? Quant à la commission des affaires sociales, devrait-elle compter seulement des médecins et des directeurs d'agence régionale de santé (ARS) ?

Certains disent qu'il faut être élu local pour avoir un lien avec un territoire. Pour cela, nous avons surtout besoin de temps, afin de pouvoir rencontrer les différents acteurs politiques, économiques et sociaux de nos circonscriptions. Si nous cumulions notre mandat de député avec une fonction exécutive locale, ce temps nous manquerait. Il faut donc abandonner l'idée d'un retour du cumul des mandats.

En revanche, il peut en effet y avoir un problème de déconnexion de parlementaires avec les citoyens et les réalités locales. Mais ce phénomène est surtout lié au fait que certains sont davantage motivés par la quête de pouvoir que par la volonté de répondre aux préoccupations des Français. Selon moi, le mandat de parlementaire est le plus noble qui soit. Pour d'autres, c'est celui d'élu local ou de maire, ce qui est tout aussi estimable. Mais il faut choisir. Il n'est plus possible de concentrer le pouvoir, car nous avons besoin de partager l'énergie collective.

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Comme mon collègue Balanant, je pense que revenir en arrière serait une erreur fondamentale.

On dit que nous sommes hors sol. Mais en réalité c'est ainsi qu'ont toujours été qualifiés les parlementaires au cours de l'histoire de la République – et c'est d'ailleurs pour cela que la Ve République a été créée. Le Dictionnaire des godillots a été publié en 1967. Le parlementaire a toujours été montré du doigt, surtout s'il ne fait pas de populisme.

Quand le populisme s'installe, il n'y a plus de démocratie. Les démocraties occidentales sont malades, en France, en Europe et dans le monde occidental. On l'a vu aux États-Unis.

Le remède proposé par ce texte ne répondra en rien au besoin de confiance de nos concitoyens. Si nous adoptons cette proposition qui revient en arrière, ils diront que les parlementaires ne s'intéressent qu'à eux-mêmes, s'enrichissent indirectement et cherchent à avoir tous les pouvoirs. Nous serons contre ce texte.

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Mme Moutchou, qui propose d'aller encore plus loin dans le cumul des mandats que le rapporteur, a estimé que l'interdiction du cumul n'avait pas amélioré les choses. Je ne suis pas d'accord. Depuis 2017 et, surtout, depuis 2022, l'Assemblée nationale représente plus fidèlement la population. On compte désormais 160 députés de gauche opposés à M. Macron.

Le non-cumul des mandats a-t-il quelque chose à voir avec cela ? Peut-être. En tout cas, je considère que l'Assemblée fonctionne mieux quand elle est davantage représentative.

Il a également été dit que les maires sont des citoyens comme les autres et qu'ils devraient pouvoir siéger à l'Assemblée. Or, depuis tout à l'heure, nous avons entendu nombre de collègues faire part de leur longue expérience de maire. On ne manque donc pas d'anciens maires au sein de l'Assemblée.

Par ailleurs, vous n'obtiendrez pas une meilleure représentativité en autorisant le cumul des mandats pour les maires des toutes petites communes, lesquels font un peu tous les métiers de la mairie. Si vous voulez être utiles aux élus locaux, il faudrait augmenter les moyens des toutes petites municipalités afin qu'elles puissent assurer leur mission de manière sérieuse.

Vous vous sentez peut-être déconnectés parce que vous ne voyez jamais personne. Dans ce cas, je vous invite à m'accompagner lors des porte-à-porte que j'effectue dans les quartiers populaires de ma circonscription pour inciter à s'inscrire sur les listes électorales. Je ne sais pas ce que vous faites de votre mandat, mais pour notre part nous essayons, par exemple, de convaincre les gens de voter pour nous.

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Il faut être aveugle et sourd pour considérer que tout fonctionne bien dans nos institutions et qu'il n'y aurait même pas matière à débattre de ce sujet.

J'aimerais que l'on sorte des caricatures utilisées pour dénaturer mes propos. Je n'ai pas dit qu'il fallait être enseignant pour parler de l'école ou médecin pour parler de la santé. Mais ces expériences peuvent être légitimement invoquées lorsque l'on aborde ces sujets. On peut donc aussi être à la fois maire et parlementaire et parler des collectivités locales. Les maires ont vocation à aborder toutes les questions et il ne s'agit pas de les cantonner à un créneau particulier – ce que nous ne faisons d'ailleurs pas nous-mêmes en nous limitant à nos fonctions ou métiers antérieurs.

Les maires ont toute leur place au sein de l'Assemblée nationale, parmi d'autres. Je ne dis rien de plus.

La défiance envers les maires que je perçois dans les propos de certains collègues reflète une sorte de crainte d'affronter un maire lors d'une élection. Je le dis d'autant plus aisément que je ne suis pour ma part ni maire ni élue locale, monsieur Léaument.

La commission rejette successivement les amendements.

Suivant l'avis du rapporteur, elle rejette l'amendement CL21 de M. Pierre Morel-À-L'Huissier.

Amendement CL2 de M. Fabien Di Filippo

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L'amendement propose de revenir sur l'interdiction de cumul du mandat de parlementaire avec les fonctions de maire, de maire d'arrondissement, de maire délégué et d'adjoint au maire. Il s'agit d'une mesure de simplification qui permet de revenir à l'état du droit antérieur à la loi Maptam.

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Avis défavorable.

En revanche, je suis favorable à deux amendements ultérieurs, qui abordent la question des maires d'arrondissement.

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Certains arrondissements de Paris ont pourtant une population plus importante que ma circonscription, qui compte 261 communes. Si l'on autorise un maire d'arrondissement à cumuler un mandat de parlementaire, on doit par cohérence également le permettre au maire d'une ville moyenne ou d'un village.

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J'y reviendrai tout à l'heure, mais permettre de cumuler au maire d'arrondissement est cohérent parce que ses compétences sont similaires à celles d'un adjoint au maire.

La commission rejette l'amendement.

Amendements CL13, CL11, CL10 et CL12 de M. Alexandre Vincendet, amendements CL1 de M. Fabien Di Filippo, CL5 de M. Yannick Neuder, CL18 de M. Nicolas Forissier, CL9 de M. Pierre Cordier, CL6 de M. Yannick Neuder et CL22 de M. Pierre Morel-À-L'Huissier (discussion commune)

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Les amendements CL13, CL11, CL10 et CL12 prévoient d'autoriser le cumul de la fonction de parlementaire et de maire pour les communes, respectivement, de moins de 50 000, 45 000, 40 000 et 35 000 habitants.

Mon amendement CL1 propose quant à lui d'autoriser ce cumul avec les fonctions maire, de maire délégué ou d'adjoint au maire pour les communes n'excédant pas 20 000 habitants, seuil tout à fait raisonnable.

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Nos concitoyens attendent des politiques, en particulier des parlementaires, qu'ils soient proches de leurs attentes et apportent des réponses concrètes à leurs préoccupations. L'ancrage local permet d'apprécier l'impact d'une politique publique sur le terrain.

Depuis près de sept ans, nous constatons que la règle du non-cumul des mandats n'a pas d'incidence sur l'absentéisme des députés ou des sénateurs. L'assouplissement proposé par l'amendement CL9 est d'autant plus indispensable que l'on constate une sous-représentation des territoires ruraux. Il faut donc permettre aux députés et sénateurs d'être maires de petites communes rurales pour mieux connaître, donc mieux défendre, les collectivités locales face à la tentation centralisatrice de l'État.

Nous faisons confiance aux électeurs. Ils savent très bien si tel député ou sénateur exerçant aussi une fonction exécutive locale est ou non un parlementaire actif et, s'il ne l'est pas, ils ne lui renouvellent pas leur confiance aux scrutins suivants.

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L'amendement CL6 vise à rétablir la possibilité d'être à la fois parlementaire et maire dans les communes de moins de 10 000 habitants.

Il serait tout de même étonnant, si cette proposition de loi était adoptée, d'autoriser le cumul d'un mandat parlementaire avec un mandat exécutif dans un conseil régional et de ne pas le faire pour les communes de moins de 10 000 habitants, alors que certaines régions ont la taille d'États européens. Pour ces communes, y compris celles membres d'un EPCI, le statut de parlementaire peut permettre d'exercer les fonctions de maire de manière plus efficace.

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L'amendement CL22 permet d'autoriser le cumul dans les communes de moins de 3 500 habitants.

Pourquoi ce seuil ? Lorsqu'une commune est plus importante, le maire est souvent président d'une intercommunalité ou de syndicats intercommunaux. C'est moins le cas dans les petites communes, où le cumul serait plus facile.

En outre, cela permettrait à davantage d'élus relayant les préoccupations des zones rurales de siéger au sein de cette assemblée, ce qui me paraît être une très bonne chose.

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Même si cela semble contre-intuitif, il est plus facile de cumuler un mandat de parlementaire lorsque l'on est maire d'une collectivité importante, car on peut s'appuyer sur davantage de personnel administratif et d'élus adjoints que dans une petite commune. On ne peut pas aborder ce débat en faisant comme si le maire était seul. J'ai été maire d'une commune de 1 600 habitants et il aurait été en pratique impossible d'exercer correctement ce mandat en étant en même temps parlementaire.

Avis défavorable.

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Tous ces amendements procèdent du syndicat des cumulards, qui ne désarment décidément pas. Je suis consternée par le fait qu'ils ne comprennent pas le danger pour notre institution de recourir à toutes les arguties pour justifier le cumul des mandats.

En réalité, ils ne rendent même pas service aux élus locaux, qui ne veulent pas forcément les voir arriver avec leurs grosses pattes de député pour influencer la vie locale. Il faut aussi respecter l'autonomie des collectivités locales et l'émergence d'équipes qui ont une certaine compétence, reconnue par leurs électeurs.

Certains disent que le cumul des mandats est nécessaire pour améliorer la représentativité de l'Assemblée, mais en fait ils remettent en cause le principe même de représentation lorsqu'ils estiment qu'il faut avoir une connaissance personnelle de certains domaines pour pouvoir légiférer à leur sujet. Les Français sont 67 millions à avoir de telles connaissances particulières, mais ils ne siègent pas tous ici. Nous sommes un peu moins de 1 000, au sein du Sénat et de l'Assemblée, à faire le travail que les Français nous ont confié. Tel est le principe de la démocratie représentative – lequel, à ma connaissance, ne vous posait pas de difficulté jusqu'à présent.

Nous devons sortir de la culture de la concentration du pouvoir qui vient du sommet de l'État, avec l'accumulation de nombreuses prérogatives dans les mains du Président de la République, et qui influence par imitation l'ensemble de la classe politique.

Il faut déconcentrer et développer la culture de la collégialité. Cela permettra en outre de lutter contre la culture patriarcale, car le fait que les députés ne soient pas en permanence en train de se mêler de la politique locale permet à davantage de femmes de faire de la politique.

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Je suis d'accord avec le rapporteur : ce n'est vraiment pas la taille de la commune qui compte. On voit bien que dans les plus petites d'entre elles, le maire et ses adjoints font tout le travail, avec les secrétaires de mairie, qui sont très mobilisés – nous avons d'ailleurs adopté une proposition de loi qui prévoit de revaloriser leur statut. C'est une élue d'une commune rurale de 1 600 habitants qui vous fait part de son avis.

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Je vous prie de bien vouloir excuser mon absence, monsieur le président, mais j'ai dû me rendre à une réunion que je n'aurais ratée pour rien au monde. Vous lirez la suite bientôt…

Contrairement à la doxa actuelle, je pense que le lien entre maire et parlementaire est important.

J'ai été maire pendant très longtemps. Comme le Conseil constitutionnel a estimé qu'il n'était pas possible de cumuler un mandat de député avec l'exercice simultané du mandat de conseiller de la métropole de Lyon et d'un mandat municipal, j'ai choisi de conserver mon mandat municipal – et mon Dieu que j'ai bien fait ! Quand vous avez été maire et reconnu comme tel par les gens, ils ne viennent pas vous voir en tant que député mais en tant qu'ancien maire, toujours sur le terrain, au courant de leurs problèmes et capable de les accompagner. Un collègue a indiqué précédemment que beaucoup de personnes venaient le voir pour essayer de résoudre des problèmes de logement. Si vous n'avez pas de mandat local, vous ne pouvez pas les aider. Vous devez vous contenter de pauvres interventions, qui en général finissent dans les limbes.

Un parlementaire doit certes légiférer et contrôler l'action du Gouvernement. Mais son travail est aussi de faire le lien avec la population, de recueillir les doléances et d'être la relation de ceux qui n'en ont pas. Notre rôle est aussi social. Il est essentiel de retisser le lien entre national et local.

Lorsque les parlementaires avaient plus de responsabilités locales, ils savaient aussi mieux légiférer parce qu'ils voyaient en pratique les effets de ce qu'ils votaient à Paris.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements identiques CL47 de M. Thomas Rudigoz et CL54 de M. Lionel Royer-Perreaut

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Le texte proposé par nos collègues du groupe Horizons et apparentés vise à permettre aux adjoints au maire et vice-présidents de collectivité locale de cumuler leur fonction avec celle de parlementaire, député ou sénateur.

Cet amendement de cohérence vise à permettre aux maires d'arrondissement des villes de Paris, Lyon et Marseille de bénéficier de la même faculté. Dans ces grandes villes, la charge de travail des adjoints au maire se révèle très souvent supérieure à celles d'un maire d'arrondissement – fonction que je connais bien pour l'avoir exercée pendant quelques années. L'amendement participe de la volonté de mieux représenter l'échelon local et de renforcer la coordination entre les différentes strates de responsabilités politiques.

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Cet amendement, qui est dans l'esprit de la proposition de loi, vise à permettre le cumul d'un mandat parlementaire avec celui de maire d'arrondissement.

Pourquoi ? Tout simplement parce que les maires d'arrondissement ne sont pas des maires de plein exercice. Ils ont certes le titre et l'écharpe de maire, mais ils n'ont pas du tout les mêmes compétences – ils ne sont par exemple pas officiers de police judiciaire. Leur pouvoir s'apparente peu ou prou à celui d'un adjoint au maire ou d'un vice-président de conseil d'une collectivité territoriale. Comme la proposition prévoit de permettre à ces derniers de cumuler un mandat de parlementaire, nous proposons d'élargir cette mesure aux maires d'arrondissement.

Certes, monsieur Di Filippo, un arrondissement peut être fort peuplé ; mais son maire est seulement compétent pour les équipements transférés et pour les parcs de moins de 1 hectare. Je pense sincèrement qu'il peut assurer cette fonction tout en étant député.

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Les pouvoirs des adjoints aux maires étant comparables à ceux des maires d'arrondissement, par cohérence il convient de faire bénéficier ces derniers de la possibilité de cumul. Avis favorable.

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Il commence à y avoir des incohérences.

Tout d'abord, dans l'exposé sommaire de votre amendement, vous qualifiez les maires d'arrondissement de maires « Canada dry », ce qui est assez humiliant monsieur Royer-Perreaut. On nous accuse de ne pas respecter les élus locaux, mais je ne me serais par permis d'utiliser une telle formule.

Ensuite, vous dites que comme ces élus ne font rien ils peuvent cumuler un autre mandat. C'est l'inverse de ce que l'on a entendu par ailleurs, puisqu'on nous a expliqué que les cumulards feraient de meilleurs parlementaires précisément parce qu'ils sont très actifs et qu'ils ont une bonne connaissance de leur territoire… Soyez cohérents !

Je vous soupçonne même de préparer le terrain pour vous faire élire dans des municipalités, car vous vous dites que vous allez subir un revers monumental lors des élections législatives de 2027. Vous serez d'abord adjoints au maire, ce qui vous permettra ensuite de devenir maires. Vous préparez vos parachutes électoraux de manière assez évidente. C'est bon signe : cela montre que vous anticipez une défaite.

Autre supposition : vous avez l'intention de modifier les règles électorales pour Paris, Lyon et Marseille grâce à un projet de loi. Les petits bidules que vous souhaitez ajouter dans cette proposition sont destinés à vous assurer d'un soutien lors de l'examen de ce projet, en servant les intérêts des uns et des autres.

Tout cela n'est pas à la hauteur et nous avons des sujets plus urgents à traiter que le rétablissement du cumul des mandats pour les adjoints au maire ou les maires d'arrondissement. C'est lamentable.

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Monsieur Léaument, j'ai utilisé la formule un peu triviale de maire « Canada dry », mais je l'assume parfaitement car j'ai presque dix ans d'expérience comme maire d'arrondissement. Je répète que cette fonction permet d'avoir le titre et l'écharpe, mais pas l'ensemble des compétences d'un maire.

Je vous renvoie au texte de la loi portant modification de certaines dispositions du code électoral relatives à l'élection des membres du conseil de Paris et des conseils municipaux de Lyon et de Marseille, dite PLM, de 1983. Les maires d'arrondissement président le conseil des écoles et gèrent les équipements transférés ainsi que les parcs de moins de 1 hectare. Ils donnent leur avis préalablement aux décisions du conseil municipal.

Vous pouvez penser ce que vous voulez, mais en tant que législateur nous devons nous appuyer sur la réalité, c'est-à-dire la loi actuellement en vigueur. Confier des responsabilités supplémentaires aux maires d'arrondissement relève d'un autre débat. Leurs compétences actuelles, bien définies, sont équivalentes à celles d'un adjoint au maire. C'est la raison pour laquelle nous présentons cet amendement par souci de cohérence avec le texte que nous examinons.

Nous n'avons pas de leçons à recevoir sur un sujet que vous ne connaissez manifestement pas.

La commission rejette les amendements.

Amendement CL46 de M. Thomas Rudigoz

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La loi Maptam de 2014 a créé la métropole de Lyon, qui regroupe sur le territoire de l'ancienne agglomération de Lyon les compétences du département du Rhône et de ladite agglomération, afin de permettre l'émergence d'une structure permettant de véritables synergies entre les politiques publiques. À cette occasion, le rôle du conseiller métropolitain a pris une dimension différente puisqu'il a désormais des compétences similaires à celles d'un conseiller départemental – voire plus étendues.

Mais un oubli a eu lieu lors de l'adoption de la loi Maptam. Cet amendement vise à le réparer et à adapter cette loi à la suite de la décision rendue par le Conseil constitutionnel en décembre 2023. En effet, la spécificité du statut de la métropole de Lyon n'a pas été prise en compte par cette loi, ni par la loi organique 14 février 2014 interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur.

Cet amendement vise donc à interdire le cumul d'un mandat parlementaire avec plus d'un mandat local, dont celui de conseiller de la métropole de Lyon.

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L'amendement CL33 de M. Vincendet permettra de tenir compte de l'alerte du Conseil constitutionnel sur ce point. Par ailleurs, l'amendement CL51 de M. Nury tend à autoriser le cumul du mandat parlementaire avec deux mandats locaux, et non un seul, dans les communes de moins de 1 000 habitants. Pour ne pas compliquer davantage les choses, je vous propose de retirer le vôtre, quitte à le redéposer en vue de la séance, selon ce que nous aurons finalement voté. À défaut, défavorable.

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Ces autres amendements ne correspondent pas à ce que je suggère. Il est vrai que mon amendement ne va pas dans le sens de votre texte – auquel je suis pourtant favorable – puisque j'y propose de supprimer une possibilité de cumul. C'est qu'il nous faut rester très fermes concernant la limitation du cumul à deux mandats. Au-delà de la jurisprudence, il serait bon d'inscrire cette limitation dans la loi. Le fait que le cas du conseiller métropolitain n'y soit pas prévu peut en effet, dans certaines situations, permettre de cumuler jusqu'à trois mandats.

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Je soutiens cet excellent amendement.

Les leçons de morale de La France insoumise sur les « parachutes dorés » ou le « syndicat des cumulards » sont malvenues de la part de gens qui, élus locaux quelque part, se font élire à l'autre bout du pays pour réussir à devenir parlementaires. Ils découvrent parfois leur circonscription après l'élection ! L'un, conseiller municipal d'opposition à Orléans, se fait élire dans les Hauts-de-Seine ; l'autre, élu à Châteauroux, se tourne vers le Nord-Pas-de-Calais faute de parvenir à devenir député dans sa circonscription d'origine… Bien sûr, nous sommes des élus nationaux. Mais si je suis élu à Belfort, c'est parce que j'y suis implanté et que j'y ai travaillé ; de même pour mes collègues. On peut être pour ou contre le cumul des mandats – je suis personnellement très réservé à ce sujet –, mais l'ancrage local est essentiel. Respectons-nous les uns les autres !

La commission rejette l'amendement.

Amendement CL3 de M. Fabien Di Filippo, amendements CL19 et CL20 de M. Nicolas Forissier (discussion commune)

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À défaut de pouvoir être maire, il s'agirait de pouvoir être président ou vice-président d'un organisme local, notamment d'un EPCI.

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J'habite en Seine-Saint-Denis, j'y suis mère d'élèves et, comme députée, j'y ai réalisé un audit de la situation scolaire. Il a révélé des problèmes dramatiques : il manque au moins un adulte dans chacun des 100 établissements de ma circonscription.

Comme députés, nous pouvons déjà être très solidement ancrés dans notre territoire. C'est vrai que c'est bien de vivre dans sa circonscription et, quand on représente des catégories populaires, d'y soutenir l'école publique. C'est ce que je fais : mes enfants sont à l'école publique en Seine-Saint-Denis. Je suis fière de faire partie de ces élus qui disent la même chose à la télévision et dans leur quartier au quotidien.

Nous, parlementaires de Seine-Saint-Denis, faisons beaucoup pour être reconnus par la nouvelle ministre Belloubet, laquelle refuse de recevoir les syndicats et les parents d'élèves qui demandent un plan d'urgence pour le département.

Voilà, cher collègue Boucard, un exemple très concret d'ancrage local. Personne en Seine-Saint-Denis ne demande à pouvoir cumuler davantage. Au contraire, il est bon de pouvoir répartir les responsabilités entre des figures différentes aux différents échelons.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CL33 de M. Alexandre Vincendet

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Afin d'éviter d'ouvrir la voie à des interprétations, il vise à inscrire explicitement dans la loi la mention de la métropole de Lyon, ce que n'avait pas fait la loi organique du 14 février 2014.

Contre l'avis du rapporteur, la commission rejette l'amendement.

Elle rejette l'amendement de coordination CL53 de M. Henri Alfandari, rapporteur.

Suivant l'avis du rapporteur, elle rejette l'amendement CL23 de M. Pierre Morel-À-L'Huissier.

Amendement CL50 de Mme Naïma Moutchou

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Avis favorable. En effet, si la proposition de loi était adoptée en l'état, il deviendrait possible de cumuler plusieurs fonctions exécutives, ce que nous ne voulons pas. L'amendement permet d'éviter ce problème.

La commission rejette l'amendement.

Elle rejette l'article unique.

Après l'article unique

Suivant l'avis du rapporteur, la commission rejette l'amendement CL51 de M. Jérôme Nury.

Amendement CL27 de M. Charles Rodwell

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Cet amendement tend à rendre obligatoire la démission de la fonction publique en cas d'élection au siège de député ou de sénateur. Il n'est pas juste que certains parlementaires soient protégés par un statut, notamment celui de la haute fonction publique, tandis que d'autres prennent tous les risques en se présentant à une élection.

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Cette incompatibilité existe déjà. Demande de retrait.

La commission rejette l'amendement.

Amendements CL38 et CL39 de M. Robin Reda

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Je propose que l'on allonge le délai pendant lequel un parlementaire élu maire ou un maire élu parlementaire peut faire son choix. Deux exemples : un maire élu député fin juin a trente jours pour organiser sa succession à la mairie, en plein milieu de l'été ; un député devenant maire lors d'une élection acquise au premier tour ne peut attendre l'installation du conseil communautaire, trente jours après le second tour des élections municipales, pour choisir l'un des deux mandats.

Dans le cadre des dispositions actuelles sur le non-cumul, ce serait une avancée pour le monde territorial.

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Vos amendements soulèvent la question du tuilage, peu prise en compte par nos institutions. Mais ce que vous proposez risque d'entraîner le report de délibérations nécessaires au fonctionnement de la collectivité, sans améliorer le tuilage ni les conditions d'élection du successeur. Défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

L'ensemble de la proposition de loi est ainsi rejeté.

Puis, la commission examine la proposition de loi visant à valoriser la réserve communale de sécurité civile (n° 2130) (M. Didier Lemaire, rapporteur).

Lien vidéo : https://assnat.fr/kT3P1p

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La sécurité civile fait régulièrement l'objet de débats à l'Assemblée nationale. Je me réjouis d'ailleurs de la remise dans les prochaines semaines des conclusions de la mission d'information sur notre modèle de sécurité civile, dont j'ai l'honneur d'être rapporteur sous la présidence de Lisa Belluco. Elles comprendront, à n'en pas douter, de nombreuses recommandations, dont j'espère que certaines donneront lieu à une traduction législative en temps utile.

Le présent texte porte sur un sujet moins vaste, mais essentiel : les réserves communales de sécurité civile (RCSC). Composante essentielle de notre dispositif de gestion des crises, elles demeurent insuffisamment connues : il y en a moins de 700 sur notre territoire ; c'est trop peu, comparé aux 35 000 communes que compte notre pays.

Pourtant, ces réserves incarnent la capacité de réaction de nos territoires face aux événements majeurs. Elles ont en effet pour mission principale de soutenir nos sapeurs-pompiers en apportant une aide précieuse lors des opérations de secours, pendant la gestion de crises, mais également en matière de prévention des risques et d'information de la population.

Le fonctionnement des réserves communales repose sur deux piliers : le bénévolat et la bonne volonté locale. Elles sont créées sur délibération du conseil municipal et placées sous l'autorité du maire, chargé d'en assurer l'animation, bien que leur gestion puisse aussi incomber au SDIS (service départemental d'incendie et de secours) ou à l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI).

L'avantage de ces réserves réside dans leur proximité et leur réactivité. En tant qu'élu local, j'ai pu en constater l'intérêt sur le terrain pendant la crise liée à l'épidémie de covid-19, qui a mobilisé toutes les bonnes volontés. Il s'agit ainsi à la fois d'un outil utile localement et d'un formidable exemple d'engagement citoyen, de solidarité et de résilience.

La proposition de loi que je soumets à votre examen vise à renforcer les réserves communales de sécurité civile par trois dispositions, déclinées en quatre articles.

Actuellement, la durée des activités à accomplir au titre de la réserve de sécurité civile ne peut excéder quinze jours ouvrables par année civile. Cette limitation est particulièrement contraignante, surtout en comparaison du régime applicable aux sapeurs-pompiers volontaires, à l'égard desquels un tel plafond n'existe pas.

L'article 1er de la proposition de loi supprime ce plafond. La convention conclue entre l'autorité de gestion de la réserve et le réserviste fixera, par année civile, la durée des activités à accomplir pour le compte de la réserve communale. Il s'agit ainsi d'être au plus près des besoins du terrain, en évitant d'imposer un plafond trop rigide et parfois peu adapté, en particulier en cas de survenance d'une crise majeure.

L'article 2 réduit le délai dans lequel l'employeur peut notifier son refus à un salarié désireux d'exécuter ses missions de réserviste pendant son temps de travail. Aujourd'hui d'une semaine, ce délai sera ramené à vingt-quatre heures en cas de crise majeure.

Cette disposition permet de concilier deux impératifs. D'un côté, la nécessaire continuité de l'activité économique, à laquelle nous sommes tous attachés. L'employeur gardera ainsi la possibilité de refuser l'absence demandée par son salarié. De l'autre, la nécessité, éprouvée régulièrement par les acteurs de la sécurité civile, de pouvoir intervenir rapidement en temps de crise grave.

Enfin, les articles 3 et 4 créent un dispositif de validation des compétences acquises dans le cadre d'un engagement au sein d'une réserve communale de sécurité civile, au bénéfice des lycéens inscrits dans un cycle d'enseignement général, technologique ou professionnel, ou des étudiants suivant une formation d'enseignement supérieur. Il s'agit de s'inspirer de ce qui existe déjà dans l'enseignement supérieur pour l'engagement au sein d'autres réserves ou comme sapeur-pompier volontaire. Je proposerai en revanche de faire évoluer à la marge l'article 3, afin de mieux l'adapter au contexte scolaire.

Je vous invite à soutenir ce texte, qui propose des solutions concrètes à des difficultés de terrain.

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Dans le cadre de sa niche, notre groupe a cherché à proposer des réponses engagées et efficaces à certaines difficultés que traverse notre pays. La proposition de loi visant à renforcer la sécurité des professionnels de santé vise ainsi à réaffirmer l'autorité et à garantir le respect vis-à-vis de ceux qui ont fait le choix de soigner, d'aider, de se consacrer aux autres. La présente proposition de loi de Didier Lemaire, sapeur-pompier professionnel, satisfait également cette seconde exigence et a pour but de valoriser ceux qui s'engagent au service de tous, parfois au péril de leur vie.

La réserve communale de sécurité civile est au croisement des enjeux en matière de gestion des crises climatiques et sanitaires auxquelles la France, hexagonale et ultramarine, est et sera inévitablement confrontée. Je salue celles de Nice et de l'ensemble des Alpes-Maritimes, fortement sollicitées toute l'année et plus encore ces derniers jours, et toujours dévouées.

La crise du covid-19 comme les méga-feux survenus en Gironde à l'été 2022 ont permis à nos concitoyens de se mobiliser aux côtés des forces de sécurité civile. Or les élus, du sommet de l'État aux maires des plus petites communes rurales, sont inégalement outillés pour développer une culture de sécurité civile dans les communes amenées à connaître des événements majeurs.

La réserve communale de sécurité civile vise précisément à organiser et coordonner les forces vives de la nation. Elle apporte protection et soutien à la population sinistrée dans le cadre d'une organisation opérationnelle prévue par le plan communal de sauvegarde (PCS). Il semble nécessaire de donner plus de flexibilité aux maires dans le recours à cette réserve, afin de faciliter la mobilisation de ses réservistes.

D'une part, la durée légale maximale de quinze jours peut empêcher la mise à contribution régulière des réservistes communaux dans leurs diverses missions d'appui à la sécurité civile, dont la contribution à l'information et à la préparation de la population aux risques, les missions de surveillance de digues et de massifs forestiers, ou les patrouilles lors de manifestations publiques de grande ampleur organisées par la commune.

C'est pourquoi la proposition de loi tend à laisser l'autorité de gestion et le réserviste choisir ensemble la durée des activités à accomplir par année civile, sans fixer ni plancher, ni plafond. Cela offrirait aux communes une plus grande latitude, et permettrait de prévoir des durées différentes selon les disponibilités des réservistes et les besoins locaux.

D'autre part, le texte vise à garantir la possibilité de mobiliser rapidement les réservistes salariés en cas de crise majeure. Dans certaines situations d'urgence exceptionnelle, il est indispensable que l'employeur fasse connaître son refus à l'intéressé et à la mairie dans un délai plus court, de vingt-quatre heures. C'est une condition de la réactivité de cette réserve, dont l'engagement peut être très précieux en cas d'événement mettant la population en danger.

Enfin, il est nécessaire de prévoir des mécanismes pour encourager les personnes à s'engager au sein de la réserve civile. Il faut valoriser l'engagement des citoyens, en particulier des plus jeunes, au service de l'intérêt général, afin d'y inciter de nouvelles personnes et de fidéliser ceux qui participent déjà à la cohésion nationale. Le texte étend donc aux réservistes communaux élèves ou étudiants la possibilité d'obtenir une validation des compétences, connaissances et aptitudes acquises.

Le groupe Horizons et apparentés espère que cette proposition de loi sera largement adoptée, car le besoin de mobilisation et de solidarité face aux crises majeures à venir est grand.

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Je remercie Didier Lemaire, également rapporteur de la mission d'information sur les capacités d'anticipation et d'adaptation de notre modèle de protection et de sécurité civiles, de nous permettre d'œuvrer ensemble à développer, améliorer et renforcer notre modèle, qui est unique au monde.

Les quatre dernières années n'ont fait que confirmer un constat largement partagé : les crises se multiplient et s'intensifient. Après la covid-19 et ses répercussions sanitaires et sociales, après l'agression de la Russie de Vladimir Poutine contre l'Ukraine, nous assistons au retour des empires, qui entraîne une montée préoccupante des tensions. À ces tensions géopolitiques s'adjoignent les conséquences du changement climatique, sans cesse plus visibles, plus pressantes, plus destructrices.

Dans cette période de troubles croissants, nous devons agir fermement pour renforcer la résilience de la nation. Cela passe notamment par une implication accrue des citoyens dans nos dispositifs de sécurité civile. Le groupe Renaissance accueille donc très favorablement la présente proposition de loi, bienvenue pour renforcer et pérenniser notre modèle et ses deux piliers : les 250 000 sapeurs-pompiers professionnels et volontaires ; les 250 000 bénévoles des associations agréées de sécurité civile. Ces 500 000 citoyens sont engagés au plus près du terrain.

Depuis la loi de modernisation de la sécurité civile du 13 août 2004, les maires peuvent s'appuyer sur les plans communaux de sauvegarde pour faire face et, s'ils le souhaitent, créer des réserves communales de sécurité civile pour appuyer les services concourant à l'organisation des secours. Face aux crises, il importe d'assouplir les conditions de mobilisation de ces réserves pour réagir plus efficacement aux situations d'urgence. Il est également naturel de valoriser cet engagement altruiste et bénévole au service de l'intérêt général. Dans cette optique, le groupe Renaissance soutiendra les articles 3 et 4, qui permettent aux réservistes communaux élèves ou étudiants de bénéficier de la valorisation des compétences, connaissances et aptitudes acquises.

Le texte ouvre la voie à des modifications ultérieures pour améliorer encore la reconnaissance de la société envers nos bénévoles de sécurité civile.

Dans ce domaine, nous avons le devoir de nous rassembler par un vote unanime.

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La sécurité civile est un sujet trop peu abordé à l'Assemblée nationale. Il est pourtant essentiel compte tenu des enjeux, aujourd'hui et dans les prochaines décennies.

Il m'est difficile de ne pas évoquer les annulations de crédits du programme 161, Sécurité civile, prévues dans le décret du 21 février dernier. Sur les 10 milliards d'euros de coupes budgétaires, 52 millions concerneront la sécurité civile, sans que l'on sache exactement quelles actions seront affectées. Comme sur bien des sujets, les parlementaires peuvent réfléchir à des améliorations législatives pertinentes, mais il faut aussi que le Gouvernement soit ambitieux et mette les moyens nécessaires sur la table. En l'occurrence, ses actions ne sont pas à la hauteur des grandes ambitions de la France s'agissant de l'amélioration des capacités de son modèle.

Le texte qui nous est soumis va dans le bon sens. C'est une bonne chose que de rendre plus flexible la mobilisation de la réserve communale de sécurité civile par les maires ; encore faut-il que ces derniers et nos concitoyens en aient entendu parler. Nous défendrons donc un amendement visant à la faire mieux connaître aux Français, pour qu'ils aient envie de s'y engager. Cela passerait notamment par une grande campagne de sensibilisation.

Nous sommes favorables au texte et prêts à travailler avec les autres groupes politiques selon une logique transpartisane, pour aboutir à des améliorations. Monsieur le rapporteur, nous avons travaillé ensemble en bonne intelligence ces derniers mois dans le cadre de la mission d'information déjà citée ; c'est très appréciable. Cela a toujours été la logique du Rassemblement national et cela continuera de l'être, pour notre modèle de sécurité civile, pour ses acteurs et, surtout, pour les Français.

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Face à l'accélération des phénomènes climatiques et des crises telles que les méga-feux, il est urgent de mobiliser les ressources humaines et techniques pour anticiper les événements et protéger les populations comme l'environnement.

Selon le Système européen d'information sur les feux de forêt, fin août 2023, la surface de forêt brûlée en Europe a été de 40 % supérieure à la moyenne enregistrée de 2006 à 2022. Durant l'été 2022, la superficie brûlée a été six fois supérieure à la moyenne sur le continent européen, sept fois en France. À l'été 2023, les conditions météorologiques ont été plus clémentes en France, mais nos sapeurs-pompiers ont été mobilisés dans des pays voisins. Fin août, le ministère de l'intérieur estimait à plus de 350 000 hectares la surface brûlée en Europe, contre une moyenne annuelle de 240 000 hectares ; cela représente une hausse de près de 50 %.

Dans ce contexte, vous souhaitez donner une plus grande flexibilité aux maires pour mobiliser les réserves communales de sécurité civile aux côtés des forces de sécurité et des sapeurs-pompiers. Ces réserves sont exclusivement composées de bénévoles. Si nous partageons vos constats et sommes conscients de l'urgence d'apporter des solutions, celle que vous nous proposez semble insuffisante. Aborder un tel sujet sous le seul angle de la mobilisation bénévole dans les réserves communales est un cache-misère, vu l'état de nos services de sécurité civile. Valoriser le bénévolat est vertueux, mais les problèmes soulevés par cette proposition de loi ne seront en rien résolus par de telles mesures ; ils méritent une véritable réflexion sur les moyens professionnels de sécurité civile et sur les investissements urgents à réaliser par l'État.

Les dispositifs tels que les réserves communales de sécurité civile doivent rester un soutien aux services existants, non s'y substituer du fait de carences. Selon une analyse d'Eurostat publiée en août 2023, la France arrive en tête des pays de l'Union européenne ayant réduit leurs effectifs de pompiers ; nous en avons perdu près de 5 500 entre 2021 et 2022. Pourtant, le nombre de leurs interventions est en hausse : en 2021, ils en ont effectué près de 5 millions, soit 9 % de plus qu'en 2020 et 30 % de plus qu'en 2005.

En divers endroits du territoire national, les pompiers continuent fréquemment de faire grève pour demander des moyens supplémentaires, dénoncer des conditions de travail à flux tendu et des sous-effectifs chroniques, ou demander que leurs risques professionnels soient mieux pris en compte. D'ailleurs, le syndicat SUD Rail - Solidaires a déjà déposé un préavis de grève pour toute la période des Jeux olympiques.

Selon le rapport d'information publié par Florian Chauche en mai 2023, le modèle de financement des SDIS, qui repose presque exclusivement sur les collectivités territoriales, a atteint ses limites : la multiplication des missions des SDIS entraîne une sursollicitation des forces de sécurité civile, réduisant drastiquement leurs marges de manœuvre, et il faudrait repenser leur mode de financement non seulement pour assurer leur bon fonctionnement, mais aussi pour anticiper les crises à venir.

Il est urgent de légiférer sur le nombre de professionnels, trop faible par rapport au nombre de bénévoles, afin d'obtenir des résultats concrets et satisfaisants dans l'ensemble du territoire.

Nous espérons que nos amendements seront adoptés, afin que l'amélioration des services de sécurité civile, notre objectif commun, soit à la hauteur d'un contexte climatique alarmant.

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Il s'agit d'accompagner autant que possible la mobilisation de tous les acteurs de la sécurité civile afin de préserver notre patrimoine et de protéger les populations, dans un contexte écologique où les risques augmentent malheureusement chaque année.

Le texte tend à faire évoluer les capacités d'anticipation et d'adaptation du modèle français de protection et de sécurité civiles. Il a pour but d'en revaloriser les réserves communales par plus de flexibilité et d'attractivité. Je félicite l'ensemble des bénévoles des réserves communales de sécurité civile des Alpes-Maritimes, notamment à Caussols et à Antibes, où elles viennent d'être créées.

Placée sous l'autorité du maire, la réserve communale de sécurité civile aide les élus et les agents communaux en effectuant les missions les plus simples, mais essentielles, qui permettent aux secouristes et aux sapeurs-pompiers de se consacrer aux actions complexes, dangereuses ou urgentes.

Le texte est issu de la réflexion de la mission d'information, voulue par le groupe Horizons, sur les capacités d'anticipation et d'adaptation de notre modèle de protection et de sécurité civiles. Je salue la qualité du travail de son rapporteur, Didier Lemaire.

La proposition de loi renforce les moyens et la culture de sécurité civile dans les communes, en rendant plus flexible le recours à la réserve communale, afin de faciliter la mobilisation des réservistes et d'encourager l'engagement individuel. Comment ne pas y être favorable, notamment dans la perspective de crises ? Comment ne pas approuver l'idée de permettre à l'autorité de gestion et aux réservistes de choisir ensemble la durée des activités à accomplir, par année civile, sans fixer ni plancher, ni plafond ? Enfin, comment ne pas souhaiter la diminution, en cas d'urgence, du délai de notification par l'employeur de son refus de libérer un employé réserviste, ainsi que la possibilité de validation des compétences et aptitudes acquises par les réservistes ?

Bref, le texte va globalement dans le bon sens, celui de l'esprit qui a présidé à la création, dès 2004, des réserves communales de sécurité civile. Celles-ci apportent un précieux renfort aux communes qui en disposent, palliant le manque de personnel ou de moyens communaux.

Toutefois, le groupe Les Républicains juge l'approche un peu trop gestionnaire. Il conviendrait, en amont, de faire évoluer la réserve communale et de permettre à davantage de communes de s'en doter, tout en la rendant encore plus attractive.

Parce que l'objectif visé nous incite à dépasser les clivages et réflexes partisans habituels, les députés de mon groupe, dans un esprit de responsabilité, voteront pour le texte.

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Nous poursuivrons l'examen de cette proposition de loi lors de notre réunion de cet après-midi.

La séance est levée à 13 heures 05.

Informations relatives à la Commission

La Commission a désigné :

M. Yannick Chenevard, rapporteur sur la proposition de loi visant à reconnaître le bénévolat de sécurité civile (n° 1146) ;

M. Olivier Serva, rapporteur sur la proposition de loi visant à reconnaître et à sanctionner la discrimination capillaire (n° 1640).

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Caroline Abadie, M. Henri Alfandari, M. Erwan Balanant, M. Romain Baubry, M. Clément Beaune, Mme Pascale Bordes, M. Ian Boucard, M. Florent Boudié, M. Xavier Breton, Mme Émilie Chandler, M. Yannick Chenevard, M. Éric Ciotti, M. Jean-François Coulomme, Mme Edwige Diaz, M. Philippe Dunoyer, Mme Elsa Faucillon, Mme Raquel Garrido, M. Yoann Gillet, M. Philippe Gosselin, M. Guillaume Gouffier Valente, M. Jordan Guitton, M. Sacha Houlié, M. Timothée Houssin, M. Jérémie Iordanoff, Mme Élodie Jacquier-Laforge, Mme Marietta Karamanli, Mme Emeline K/Bidi, M. Andy Kerbrat, M. Bastien Lachaud, M. Antoine Léaument, M. Didier Lemaire, Mme Marie-France Lorho, M. Benjamin Lucas, Mme Aude Luquet, M. Emmanuel Mandon, M. Didier Martin, Mme Élisa Martin, M. Thomas Ménagé, Mme Emmanuelle Ménard, M. Ludovic Mendes, Mme Laure Miller, M. Paul Molac, Mme Naïma Moutchou, M. Yannick Neuder, M. Didier Paris, M. Éric Pauget, M. Jean-Pierre Pont, M. Thomas Portes, M. Éric Poulliat, M. Philippe Pradal, M. Stéphane Rambaud, M. Rémy Rebeyrotte, Mme Sandra Regol, M. Davy Rimane, Mme Béatrice Roullaud, M. Thomas Rudigoz, M. Hervé Saulignac, M. Raphaël Schellenberger, M. Philippe Schreck, Mme Andrée Taurinya, M. Jean Terlier, Mme Cécile Untermaier, M. Roger Vicot, M. Guillaume Vuilletet, Mme Caroline Yadan

Excusés. - Mme Mathilde Desjonquères, M. Mathieu Lefèvre, M. Olivier Serva

Assistaient également à la réunion. - M. Jean-Félix Acquaviva, M. Bruno Bilde, Mme Sylvie Bonnet, M. Fabien Di Filippo, M. Sylvain Maillard, M. Maxime Minot, M. Karl Olive, M. Julien Rancoule, M. Robin Reda, M. Charles Rodwell, M. Lionel Royer-Perreaut, M. Alexandre Vincendet