Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Réunion du mercredi 10 mai 2023 à 9h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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  • sapeurs-pompiers
  • sapeurs-pompiers volontaires
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La réunion

Source

La séance est ouverte à 9 heures.

Présidence de M. Sacha Houlié, président, puis de Mme Caroline Abadie, vice-présidente, puis de M. Sacha Houlié, président.

La Commission procède à l'examen, par délégation de la commission des affaires économiques, des articles 32 à 34 bis de la proposition de loi, adoptée par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, visant à renforcer la prévention et la lutte contre l'intensification et l'extension du risque incendie (n° 1071) (M. Éric Pauget, rapporteur pour avis).

https://assnat.fr/pgXCY5

Prévention et lutte contre l’intensification et l’extension du risque incendie

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Cette proposition de loi, adoptée par le Sénat le 4 avril dernier à l'initiative de M. Jean Bacci, modifierait avant tout le code forestier, raison pour laquelle la commission des affaires économiques s'en est saisie au fond. Les sujets traités étant nombreux, elle avait fait l'objet, au Sénat, d'une commission spéciale.

Son titre VII nous a été délégué au fond à ma demande. Les positions que nous prendrons devront donc être reprises en l'état par la commission des affaires économiques, qui se prononcera au fond sur les autres articles dès cet après-midi.

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Cette proposition de loi a fait l'objet d'un consensus transpartisan remarquable au Sénat, où elle a été votée à l'unanimité le 4 avril. Je forme le vœu qu'il en soit de même dans notre assemblée, car le renforcement des moyens consacrés à la lutte contre les incendies nous concerne tous, alors que nombre de nos régions ont été durement frappées par des feux de forêt de grande ampleur l'été dernier.

Nous devons stimuler et accompagner au maximum la mobilisation de tous les acteurs de la sécurité civile, afin de préserver notre patrimoine et de protéger les populations, dans un contexte écologique marqué par une augmentation constante du risque incendie.

C'est à la lumière de ces enjeux que des réflexions ont été menées à l'échelle parlementaire ces derniers mois. La loi du 25 novembre 2021 visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels, dite loi Matras, et la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi), promulguée en janvier 2023, s'inscrivent aussi dans cette perspective.

Comme rapporteur pour avis des crédits du programme Sécurité civile lors de l'examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2023, j'avais consacré la partie thématique de mon rapport à la prévention et à la lutte contre les feux de forêt.

Les articles 32 à 34 bis délégués à la commission des lois offrent des leviers intéressants, de nature essentiellement financière, afin de concrétiser certaines des propositions que j'avais formulées lors de l'examen du PLF.

L'article 32 prévoit d'exonérer du paiement de l'accise sur l'essence et les gazoles – qui correspond à l'ancienne taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) – les véhicules opérationnels et de surveillance des services départementaux d'incendie et de secours (Sdis). Cette taxe représente un coût de plusieurs dizaines de millions d'euros annuels pour l'ensemble des Sdis. Elle pénalise financièrement et lourdement ceux qui sont contraints de déployer d'importants moyens pour lutter contre les feux de forêt, comme celui de la Gironde que j'ai auditionné. Il est littéralement inconcevable que les Sdis soient soumis au paiement de cette taxe sur les carburants alors qu'ils sont contraints d'utiliser des véhicules par nature énergivores afin de remplir efficacement leur mission. Comment accepter que l'État engrange une recette fiscale sur le dos des Sdis à mesure que les hectares de végétation brûlent et que le besoin en carburant de leurs véhicules augmente corrélativement ?

L'article 32 a évolué depuis sa rédaction initiale, laquelle prévoyait une exonération totale de la TICPE pour les seuls véhicules de lutte anti-incendie des Sdis. À l'issue de son examen au Sénat, il prévoit désormais une exonération partielle de la TICPE applicable aux seuls véhicules opérationnels et de surveillance. L'argument invoqué réside dans le respect de la directive européenne du 27 octobre 2003, qui détermine les tarifs réduits minimaux de la taxe sur les carburants. Ces montants sont fixés à environ 40 euros par mégawattheure pour les essences et à 33 euros pour les gazoles. Ils représentent un plancher en dessous duquel le Sénat a estimé qu'il ne serait pas possible de descendre au regard du risque d'inconventionnalité d'une telle mesure.

Je ne méconnais pas la nécessité de respecter nos engagements européens, mais je considère que c'est au législateur de donner à nos Sdis les moyens financiers d'assumer leur mission. Cette ambition n'est pas incompatible avec le droit européen. L'article 19 de la directive prévoit qu'un État membre peut demander à l'Union européenne d'appliquer des exonérations partielles supplémentaires, voire totales, de la TICPE à la condition de motiver sa demande en raison de politiques spécifiques. Nous entrons dans ce cas de figure au regard des enjeux qui entourent la lutte contre les feux de forêt, et de la nécessité de redonner rapidement des moyens aux Sdis pour exercer leur rôle protecteur de la population et de l'environnement – à charge ensuite pour le Gouvernement de convaincre la Commission européenne et nos partenaires européens de la nécessité et de la légitimité d'une exonération totale de la TICPE, ou d'un montant inférieur au tarif plancher en faveur des Sdis.

D'autres secteurs bénéficient déjà d'une exonération totale ou partielle, qu'il s'agisse des taxis, de la navigation maritime ou aérienne ou encore des véhicules d'entretien des massifs montagneux. Il n'est donc pas acceptable que les Sdis en soient exclus. En conséquence, j'ai déposé un amendement afin de rétablir l'exonération totale initialement prévue, en étendant le champ de ce dispositif à tous les véhicules des Sdis. Il apparaît en pratique impossible de distinguer le carburant selon le type de véhicule pour lequel il est utilisé, à moins de créer une « usine à gaz » fiscale sans aucune portée opérationnelle. L'objectif est de redonner une bouffée d'oxygène aux Sdis, de façon immédiate et concrète.

Dans le même esprit, deux autres amendements de repli ont été déposés. J'approuve l'article 33 relatif à l'exonération du malus au poids et du malus écologique au profit des véhicules hors route affectés aux missions opérationnelles de prévention, de surveillance et de lutte contre les incendies. Cette mesure, d'une ampleur fiscale plus modeste puisqu'elle ne s'applique qu'à l'achat de ces véhicules, est pertinente et nécessaire.

L'article 34 vise à créer, pour une durée limitée à trois ans, un dispositif d'exonération de cotisations en faveur des employeurs publics et privés des sapeurs-pompiers volontaires, à hauteur de 15 000 euros par employeur et par an. Son ambition est simple : faciliter la mise à disposition de sapeurs-pompiers volontaires au profit des Sdis, en levant les freins à leur recrutement et à leur mobilisation. À terme, ce dispositif peut s'avérer relativement coûteux. La direction de la sécurité sociale, que j'ai auditionnée, a indiqué qu'il pourrait s'élever à plusieurs centaines de millions d'euros. La limitation de la durée du dispositif à trois ans, opérée par le Sénat, s'explique par la nécessité de respecter la loi organique du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale, qui interdit aux lois ordinaires d'introduire une mesure d'exonération de cotisations sociales dont la durée serait égale ou supérieure à trois ans. Ainsi, seule une loi de financement de la sécurité sociale serait fondée à étendre la durée d'application du présent article, voire à le pérenniser. J'ai déposé un amendement pour prévoir la remise par le Gouvernement d'un rapport d'évaluation de l'efficacité de cette mesure, en amont de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2027, soit au plus tard le 30 septembre 2026, afin d'éclairer le Parlement.

Les articles 34 bis A et 34 bis, relatifs à la reconnaissance du caractère dangereux des fonctions exercées par les navigants de la sécurité civile et à la sécurisation juridique des opérations de coupe tactique, vont aussi dans le bon sens.

Cette proposition de loi est l'occasion d'armer efficacement nos services pour combattre les incendies auxquels ils sont confrontés de façon croissante. C'est une occasion à ne pas manquer. Cet objectif dépasse, de loin, les clivages et réflexes partisans habituels. Je ne doute pas que nous saurons, comme au Sénat, nous retrouver de manière unanime et transpartisane autour de ce texte.

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Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

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Après une année 2022 particulièrement difficile, avec 72 000 hectares brûlés dans l'ensemble du pays, y compris dans des territoires traditionnellement épargnés, l'été 2023 pourrait aussi être à haut risque en raison d'un niveau de sécheresse préoccupant. Cette proposition de loi s'inscrit dans la droite ligne des mesures adoptées précédemment pour conforter le fonctionnement de notre modèle de sécurité civile et donner des moyens renouvelés à nos pompiers.

Avec la loi du 25 novembre 2021, dite Matras, nous avons consolidé et modernisé notre modèle de sécurité civile, tout en fidélisant les volontaires ; nous avons poursuivi l'effort avec la loi de finances pour 2023, en augmentant le budget du programme Sécurité civile de près de 13 % pour atteindre 640,6 millions d'euros ; la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur a engagé la modernisation des équipements de la sécurité civile. Nous avons beaucoup investi et nous devons continuer de le faire pour répondre aux besoins de nos soldats du feu.

Bien que les dispositions fiscales présentées au titre VII permettent d'engager une première discussion, elles ne nous semblent pas abouties.

L'article 32, qui vise à exonérer partiellement de l'accise sur les produits énergétiques les véhicules opérationnels et de surveillance des Sdis, ne semble pas conforme au droit européen – malgré l'adoption d'un amendement visant à établir un tarif réduit de TICPE.

L'article 33 propose une exonération de malus écologique à tout véhicule affecté aux besoins de la protection civile et des services de lutte contre les incendies. Cette mesure nous paraît déjà satisfaite par l'article 48 de la loi de finances pour 2023 et par l'article L. 725-1 du code de la sécurité intérieure à destination des associations agréées de la sécurité civile.

L'article 34 propose d'expérimenter, pour une période de trois ans, une exonération de cotisations patronales pour les employeurs en contrepartie de la disponibilité de leurs employés sapeurs-pompiers volontaires (SPV). Si nous partageons l'objectif d'augmenter le nombre de SPV, le dispositif d'expérimentation proposé ne nous semble pas finalisé, eu égard à la durée proposée.

Si nous partageons la nécessité de nous doter d'outils efficaces pour faire face à l'augmentation de la fréquence et de la violence des feux, nous pensons que les dispositifs proposés à ce titre VII ne sont pas pleinement efficaces. Aussi le groupe Renaissance adoptera-t-il une position de sagesse pour cette partie du texte, afin de l'affiner d'ici à la séance.

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Cette proposition de loi est plutôt bienvenue après la gestion calamiteuse par le Gouvernement des incendies de l'été dernier, aggravés par les périodes de chaleur et de sécheresse qu'il n'a pas vu venir malgré les avertissements. Le retour d'expérience montre que la stratégie nationale et territoriale pour la prévention et la lutte contre les incendies est à revoir. Les Français ont pu se rendre compte que si la France était capable de gérer un incendie violent dans un secteur, sa gestion multicrises était défectueuse, de la prévention à la réaction rapide, jusqu'à la mobilisation de moyens humains et matériels insuffisants et éparpillés. La stratégie gouvernementale ressemble à une stratégie de temps de paix ou de temps pluvieux, alors que l'urgence climatique montre que les épisodes de fortes chaleurs risquent de se reproduire plus fréquemment les dix prochaines années.

Cette proposition de loi va dans le bon sens, en régulant et en protégeant mieux les forêts. Mais elle reste incomplète, puisque des pans entiers pour améliorer la prévention et la lutte contre les incendies ne sont pas abordés. C'est une déception.

Pour équiper la lutte incendie à la hauteur du risque, certains articles, inspirés d'un rapport d'août 2022, instituent des mesures pratiques propres à améliorer les moyens financiers, humains et opérationnels. Mais l'article 32 par exemple, plein d'ambition dans sa version initiale, prévoyait une exonération totale de la TICPE pour les véhicules opérationnels et de surveillance des Sdis. Il se retrouve dépecé par l'Union européenne et ses serviteurs, qui préfèrent se conformer à ses règles absurdes plutôt que défendre l'intérêt des Français. J'y reviendrai en défendant mon amendement CL35.

L'article 33 vise à modifier deux articles du code des impositions sur les biens et services. Le Rassemblement national devrait y être favorable. Ouf, aucune ingérence extérieure pour cet article ! Dans sa version initiale, celui-ci était satisfait par la loi de finances pour 2023, qui exonère de la taxe sur les émissions de dioxyde de carbone et de la taxe sur la masse en ordre de marche les véhicules des Sdis. Nous approuvons que ce dispositif s'étende à d'autres acteurs impliqués dans la défense des forêts contre les incendies, et susceptibles d'être amenés à utiliser des véhicules lourds et polluants.

S'agissant de l'article 34, il faut rappeler que les sapeurs-pompiers volontaires engagés dans les Sdis représentaient, en 2021, 79 % des sapeurs-pompiers en France, avec un taux d'engagement de 66 % dans les interventions des Sdis, selon un rapport de l'inspection générale de l'administration remis au Parlement en décembre 2022. La Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF) évoque des difficultés à inciter les employeurs à recruter des SPV et à favoriser leur disponibilité pendant leur temps de travail. Mes collègues y reviendront et je formulerai moi-même une proposition à travers mon amendement CL36.

Les articles 34 bis A et 34 bis vont dans le bon sens, mais sont incomplets. Les feux tactiques sont prévus par la législation, mais les coupes tactiques étaient dépourvues d'assise juridique. Ce changement doctrinal et de législation doit être complété.

Le groupe Rassemblement national surveillera avec attention l'examen des amendements, pour vraiment équiper la lutte incendie à la hauteur du risque.

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Nous sommes, de l'avis général des scientifiques, entrés dans l'ère de l'anthropocène. Les activités humaines ont des effets irrémédiables sur le climat et les écosystèmes qui en dépendent. À ces effets de bord s'ajoute la prédation féroce des marchés financiers et des spéculateurs sur les biens communs que sont l'eau, les sols, les sous-sols et les surfaces boisées. Ce véritable « hold-up planétaire » génère une irrémédiable destruction de notre biotope, de sorte que cette ère devrait davantage être qualifiée de « capitalocène ».

À l'occasion de la COP27, le groupe d'experts sur le climat a établi que l'augmentation de 1,5 degré de la température moyenne à la surface de la terre sera largement dépassée d'ici à 2035, et que le seuil de 4 degrés devrait être atteint d'ici à 2100 – seuil qui rend toute modélisation scientifique impossible au regard des conséquences pour la survie humaine.

À cette intensité du réchauffement climatique évaluée dans l'hémisphère Nord, les ressources en eau devraient faire perdre à nos sols plus de 30 % de leur teneur en humidité. Nos forêts, véritable trésor national, représentent 31 % des surfaces de notre pays. C'est pour leur préservation à tout prix que nous devons nous battre, dans cette proposition de loi dont l'ambition est, à la mesure des moyens qu'elle mobilise, très insuffisante. Dans ce contexte de fournaise chronique, nous ferons face à une hausse considérable des risques d'incendie dans nos massifs forestiers – intensification du risque, extension géographique des régions frappées, extension temporelle des périodes de risque, extension des incendies à de nouveaux types de couverts végétaux.

Cette proposition de loi se concentre sur des dispositifs préventifs et curatifs nécessaires, mais bien trop limités : débroussaillement, prévention des risques de départ de feu, augmentation des moyens des Sdis. S'ils nous semblent sensés, ces dispositifs requièrent, pour être efficaces, des moyens techniques, humains et financiers proportionnés. À cet égard, cette proposition de loi n'est pas au rendez-vous. Lors de son examen, le groupe de la France insoumise proposera donc des amendements tendant à réarmer la protection de nos forêts : encadrement de l'obligation légale de débroussaillement pour respecter la réserve d'humidité des couverts fermés, gestion raisonnée des coupes et des essences déployées, dispositif de prévention des feux, augmentation des moyens budgétaires et humains de la sécurité civile, des Sdis et de l'Office national des forêts (ONF).

Votre bilan des six années écoulées est plutôt indigent, avec un PLF pour 2023 qui n'augmente pas les effectifs de l'ONF, lesquels ont fondu de 50 % en trente ans, avec la privatisation larvée de cet organisme et de ses missions, la précarisation des agents privés, avec l'industrialisation effrénée de la sylviculture, avec les ravages sur les écosystèmes fragiles des sous-sols, avec le sous-financement de la sécurité civile et des Sdis, avec la dégradation du statut de sapeur-pompier volontaire, avec l'obsolescence et l'insuffisance des moyens aériens et terrestres de lutte, avec l'artificialisation des sols, le siphonnage des ressources hydriques au profit des quelques compagnies d'agrobusiness, avec l'exploitation et le sabotage des nappes phréatiques profondes par les industriels – la liste est encore longue.

La France insoumise sera constructive dans toutes les commissions concernées par ce texte, en présentant de nombreux amendements correctifs conçus avec le concours d'associations et de professionnels qui ont à cœur nos forêts et leur préservation pour les générations futures. Ces amendements concernent la réévaluation de la contribution des communes au financement des Sdis, la contribution des taxes de séjour, la validation des acquis de l'expérience pour les pompiers volontaires et l'élaboration d'un rapport relatif à la pénibilité de leur activité.

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Je salue le travail de notre rapporteur pour avis, qui traduit ce que le Sénat a tenté de mettre en musique après un été 2022 calamiteux et inquiétant. Je salue aussi le travail effectué par les sapeurs-pompiers dans tout le territoire, y compris là où les incendies de forêt et de lande sont inhabituels. Je pense notamment à la Manche, qui n'est pas le département le plus boisé. Pourtant, dans le Nord Cotentin, plusieurs dizaines d'hectares ont disparu. Une prise de conscience est nécessaire. Tout le monde a compris que la maison brûle et qu'une stratégie nationale affirmée est indispensable. C'est l'objet de cette proposition de loi, qui fait suite à un rapport sénatorial et qui vise à accélérer les actions. Le plan du Gouvernement va dans le bon sens, mais nous semble insuffisant. Les Sdis, comme l'ensemble des services d'incendie, sont confrontés à une pression très forte. Outre la lutte contre les incendies, les demandes de secours aux personnes augmentent de façon exponentielle – ce qui pose d'autres problèmes de moyens et de disponibilité. Aussi avons-nous intérêt à choyer nos sapeurs-pompiers volontaires, pour les fidéliser et rendre leur mission plus attractive. C'est partiellement l'objet de la loi Matras, mais il faut sans cesse remettre l'ouvrage sur le métier et ne pas se contenter de ce qui a déjà été fait. Les bases sont bonnes, mais il convient d'aller plus loin pour mieux accompagner nos Sdis.

Ce texte va globalement dans le bon sens. Nous l'accueillons avec bienveillance, tout en posant des limites, à l'instar du rapporteur pour avis. S'agissant de la TICPE, par exemple, ne nous arrêtons pas à ce qui pourrait être une interprétation européenne. Nous devons aller au-delà, avec une exonération de la taxe sur les carburants plus importante que celle qui a été décidée. Nous défendrons cette extension et nous associerons nos forces à celle du rapporteur pour avis, en prenant garde de ne pas créer une usine à gaz.

L'expérimentation de trente-six mois de l'exonération des cotisations sociales pour les employeurs qui mettent à disposition des sapeurs-pompiers volontaires va aussi dans le bon sens. Au regard des besoins conséquents dédiés, il n'est pas choquant de prévoir un bilan. L'on ne peut pas dépenser de l'argent public sans dresser de bilan. S'il est satisfaisant, il faudra prolonger cette mesure. Dans le cas contraire, nous en tirerons les conclusions qui s'imposent.

Vous avez également souligné le caractère dangereux de certaines actions, comme les coupes tactiques. Nous nous réjouirons qu'il puisse y avoir des interventions même sans l'accord des propriétaires. Tous ne sont pas négligents ou de mauvaise foi, mais il faut parfois aider les bonnes volontés.

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Cette proposition de loi est un exemple significatif des initiatives à prendre rapidement pour affronter la réalité du réchauffement climatique et l'une de ses conséquences directes, l'accroissement du risque incendie. Notre pays est très exposé à la menace des feux de grande ampleur dans de vastes étendues ou dans des zones naturelles très contraintes, dans des régions jusqu'alors moins exposées et avec une saisonnalité qui n'est plus une règle absolue. L'initiative de nos collègues sénateurs est donc opportune et elle était attendue.

Le titre VII de ce texte s'insère utilement dans le dispositif global, dont le groupe Démocrate approuve l'objectif de défense de nos forêts. Dans cette course à l'adaptation, il faut revoir nos législations applicables aux acteurs de la lutte contre les incendies, au premier rang desquels les soldats du feu, de manière à leur donner plus de moyens, à les aider à accroître leur capacité de réponse et leur efficacité dans la lutte contre les grands feux de forêt. Cette préoccupation dépasse nos clivages politiques et nous souhaitons que le travail soit constructif d'ici à l'examen en séance publique. Toutes les mesures visant à donner des marges de manœuvre financières et opérationnelles supplémentaires aux Sdis doivent être étudiées.

Pour appréhender leur portée, j'ai interrogé le Sdis de mon département, la Loire, dans lequel les forêts situées dans trente-cinq communes, dont une partie dans le massif du Pilat, sont classées à risque d'incendie. Alors que les volontaires représentent plus de 80 % des effectifs globaux des sapeurs-pompiers du Sdis, l'exonération de cotisations patronales prévue à l'article 34 bis produira nécessairement des effets positifs. D'une part, bien que cet effectif des SPV soit globalement stable, leur disponibilité moyenne en journée et leur temps d'engagement diminuent chaque année. Un employeur qui libère l'un de ses agents pour une mission de secours reste déficitaire financièrement, même s'il récupère, par la voie de la subrogation, les vacations horaires des sapeurs-pompiers volontaires. Quant à l'application d'un tarif réduit applicable au carburant des véhicules opérationnels et de surveillance des Sdis – mesure portée par ma collègue du groupe Démocrate Sophie Mette, élue du département de Gironde, après les dramatiques feux de forêt de l'an dernier – elle aurait le mérite d'apporter aux Sdis un soutien financier immédiat. Il faut toutefois avoir conscience du coût non négligeable pour les finances publiques. Pour le Sdis de mon département, ces taxes ont représenté en 2022 une dépense annuelle de l'ordre de 287 000 euros. Même d'un niveau inégal selon les Sdis, le coût total supporté chaque année par ces services représenterait plusieurs dizaines de millions d'euros qui pourraient être utilement redéployées vers des compétences et des moyens opérationnels à la hauteur d'un risque incendie amplifié.

Concernant la gestion opérationnelle, ce titre tire les leçons des retours d'expérience des feux de 2022 et permet de conforter la stratégie de lutte contre les feux de forêt. Nous souscrivons sans réserve à la reconnaissance du caractère dangereux du service rendu par les pilotes de la sécurité civile. Je tiens aussi à souligner le professionnalisme des Sdis. Reconnaissons que notre pays a déjà beaucoup consenti dans ce domaine au cours des dernières décennies. Il ne se passe pas un jour sans que nous soyons confrontés à une situation d'urgence ou ne bénéficions d'une intervention de ces professionnels et de ces nombreux volontaires. Je tiens à leur rendre hommage. C'est le sens de notre soutien à ce texte.

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Chacun a en mémoire la terrible année 2022 qui a embrasé notre pays, avec des incendies d'une ampleur inédite et des régions frappées avec une intensité exceptionnelle, parfois loin de l'arc méditerranéen ou du Sud-Ouest. Si fondée soit-elle, cette proposition de loi ne nous exonérera pas d'une réflexion en profondeur concernant les modalités de financement des Sdis – étant entendu qu'un Sdis peut disposer de faibles ressources mais être confronté à un niveau élevé de risque, et réciproquement.

La réflexion devra aussi porter sur la montée en puissance inévitable des sapeurs-pompiers professionnels et de son coût, sur le besoin massif de renouvellement des casernes, sur la nécessité de s'équiper très vite de moyens aériens complémentaires, qui demeurent la réponse la plus efficace aux départs de feu, notamment dans les reliefs difficilement accessibles, mais aussi sur la prévention. Celle-ci doit redevenir une priorité des politiques publiques. Notre pays ne s'occupe plus de ses forêts comme il devrait le faire. C'est regrettable. Je suis élu d'un département, l'Ardèche, couvert à 70 % par de la forêt. Le niveau de risque est en conséquence.

Le titre VII a été bien reçu par les acteurs de la lutte incendie auditionnés. Il vise à les doter à la hauteur du risque, tout en demeurant conforme aux lois de financement de la sécurité sociale et aux exigences du droit de l'Union européenne. Alors qu'il exonère les véhicules des Sdis de malus écologique, il nous semble cohérent d'étendre cette exonération à tous les moyens opérationnels des acteurs de la défense de la forêt contre les incendies. Cette mesure permettra d'alléger les charges financières qui pèsent sur eux.

L'article 32 exonère de ce que l'on appelait la TICPE les véhicules opérationnels et de surveillance. Le rapport du Sénat indique qu'en 2021, l'application de cette mesure aurait entraîné une économie de plus de 150 000 euros pour un Sdis comme celui de l'Oise.

Nous sommes également favorables à la réduction de cotisations patronales pour les employeurs de sapeurs-pompiers volontaires. Depuis 1996, ceux-là peuvent passer une convention de disponibilité avec un Sdis pour permettre à leurs employés sapeurs-pompiers volontaires d'être disponibles pour des missions opérationnelles ou des formations. Cependant, selon le rapport de janvier 2023, le Gouvernement ne dispose pas de données statistiques pour évaluer l'efficacité de ce dispositif. La commission des lois du Sénat a également souligné qu'en 2021, seules vingt-trois conventions-cadres avaient été signées au niveau national avec des employeurs publics ou privés. Si le Gouvernement s'est contenté d'un label Employeur partenaire des sapeurs-pompiers, nous considérons que le dispositif de réduction de charges prévu à l'article 34 sera plus efficace, dans la droite ligne des recommandations de la mission Volontariat de 2018.

Nous avions émis le souhait de débattre des moyens affectés aux Sdis en proposant des amendements visant à créer un fonds de concours exceptionnel, qui aurait pu être abondé par prélèvement d'une partie de la décile. Mais ces amendements ont été jugés irrecevables au titre de l'article 40. Nous proposerons d'autres améliorations, en particulier la création d'un congé spécial supplémentaire pour les sapeurs-pompiers volontaires mobilisés dans les zones particulièrement exposées au risque incendie.

Le titre VII de cette proposition de loi constitue une avancée dans la prévention et dans la lutte contre l'intensification et l'extension du risque incendie. Parce qu'il va dans le bon sens, nous le soutiendrons.

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Face au caractère inédit des feux de l'été dernier, la France a activé pour la première fois le mécanisme de protection civile de l'Union européenne, MPCU. Cela a permis de mobiliser deux Canadair grecs, six avions bombardiers d'eau grecs, italiens et suédois, et de projeter 360 Allemands, Autrichiens, Polonais et Roumains en Gironde. Au lendemain de la journée de l'Europe, il me semblait important de le rappeler.

Nous sommes début mai, et la France a déjà connu plusieurs feux de grande ampleur – dont le dernier, hier, dans les Pyrénées-Orientales. Le risque incendie est de quatre ordres : l'intensification, l'extension géographique, l'extension temporelle et le développement d'incendies de végétation ou de terres agricoles. En région méditerranéenne française, les surfaces brûlées pourraient augmenter de 80 % d'ici à 2050. La période à risque fort serait trois fois plus longue et les feux hivernaux devraient se multiplier. C'est la raison pour laquelle, depuis l'été dernier, le Gouvernement a lancé une campagne d'information quant aux obligations légales de débroussaillement à destination des propriétaires concernés, une « météo des forêts » et un renforcement des moyens aériens et humains.

En matière de gestion de crise, la chance n'a pas sa place et la prévention reste le meilleur atout. La proposition de loi que nous examinons s'inscrit dans cette idée ; elle tire des leçons de l'expérience que nous avons eue des feux en 2022 et prévoit des mesures applicables dans divers domaines.

En tant qu'ancien sapeur-pompier, je me réjouis du tarif réduit dont pourront bénéficier les véhicules opérationnels et de surveillance des Sdis. Cependant, je regrette que cette mesure se cantonne aux véhicules opérationnels et de surveillance, excluant de facto les véhicules dont les Sdis ont besoin pour porter assistance aux personnes. Cette préoccupation est largement exprimée par les différents Sdis de notre territoire national.

Le dispositif prévu en faveur des employeurs de sapeurs-pompiers volontaires est positif, comme toutes les mesures qui vont dans le sens de la mise à disposition favorisée des SPV. Cependant, quand 80 % des effectifs de notre sécurité civile sont constitués de volontaires, il est indispensable de donner aux parlementaires les moyens de mieux appréhender la situation des sapeurs-pompiers volontaires. C'est pourquoi j'ai déposé un amendement consistant en une demande de rapport quant à leur nombre par région et par statut professionnel, au nombre d'heures durant lesquelles ils ont été mis à disposition par leur employeur, et au nombre total d'heures d'intervention. Cette demande permet aussi de soutenir nos sapeurs-pompiers, qui plus est volontaires, qui rencontrent des difficultés de recrutement et des problèmes de fidélisation, et font face à une érosion sans précédent de leurs effectifs. Les sapeurs-pompiers méritent que nous soyons à leurs côtés toute l'année, et pas seulement lorsqu'ils font la une de l'actualité.

En matière de risque d'incendie, l'anticipation est la meilleure des actions. Convaincu que ce texte y participe, le groupe Horizons et apparentés votera en sa faveur.

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Le réchauffement climatique est une réalité scientifique, qui n'est plus contestée par personne et que la population a intégrée à ses réflexions – à l'exception de l'extrême droite européenne, qui continue à produire des discours climatosceptiques ou climatonégationnistes d'une gravité absolue.

L'été 2022 est probablement le plus frais du reste de notre vie. Cela a une conséquence directe pour ceux qui luttent contre les feux, et qui rappellent à quel point une sécheresse hivernale et printanière comme nous venons d'en vivre a des conséquences pour leur métier. Il est urgent d'actionner plusieurs leviers, à commencer par celui de la prévention par l'action climatique. Les pompiers sont les premiers à le dire. Les effets sur les forêts sont les plus emblématiques du réchauffement climatique. Les bûcherons sont la profession où la mortalité au travail est la plus élevée et où elle survient à l'âge le plus précoce. De fait, les cimes des arbres sont à ce point asséchées qu'elles leur tombent dessus, leur coûtant la vie.

Les pompiers sont en première ligne, en frontal, en témoins, et ils parlent beaucoup. Ce qu'ils racontent relève du jamais vu – gigantisme des feux en Gironde l'été dernier, incendies dès le mois d'avril cette année dans les Pyrénées-Orientales. Certains villages n'ont, de façon inédite, plus accès à l'eau potable. Cet été, il y a aussi eu des feux dans les Vosges et en Bretagne. Les pompiers, qui étaient formés au cas par cas, se trouvent complètement débordés et n'ont plus la capacité d'aller intervenir dans le sud, qui était l'unique zone rouge. Ils doivent être partout et n'en peuvent plus. Ils ont besoin d'une vision à long terme, pour anticiper. Ils la réclament. Ils ont besoin de moyens et de budgets, pas seulement d'aides fiscales. Ils ont, surtout, besoin que l'État soit en action. L'appréciation la plus tempérée qu'ils portent sur le présent texte tient dans la formule « petite loi, petit impact ».

Comme le rappelle Alexandria Ocasio-Cortez, l'inaction est une action contre le climat. Chaque fois que l'on regarde ailleurs, on aggrave cette réalité. Importer du gaz de schiste, c'est climaticide ; refuser l'alternative végétarienne que demande le Giec, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, c'est climaticide ; refuser de traiter l'aviation en pollueur-payeur, c'est climaticide, tout comme réautoriser les pesticides écocides. Tous ces reculs sont les vôtres. C'est contre eux que l'on demande aux pompiers de lutter. Ce sont eux que nos forêts subissent de plein fouet. Vous nous demandez d'agir sur les conséquences de cette inaction. Nous vous répondons que nous pouvons peut-être aller plus loin collectivement, en reprenant le mantra du « faire ensemble » que vous aimez nous rappeler.

Cette proposition de loi n'est rien pour les sapeurs-pompiers, mais beaucoup au regard de ce que nous voyons et nous vivons ici. Nous allons donc quand même saisir la balle au bond. La Lopmi, qui aurait dû donner des moyens à la sécurité civile, était quasiment silencieuse en la matière : les pompiers ne l'avaient pas spécialement bien vécu. Nous pouvons encore leur montrer que nous les écoutons, par exemple quand ils expliquent qu'au-delà des aides fiscales, qui ne sont pas suffisantes pour lutter contre l'inflation, des budgets seraient plus égalitaires. Face à un manque de sapeurs-pompiers et de vocations, libérer du temps grâce au levier fiscal à destination des sapeurs-pompiers volontaires est une petite aide. Mais il serait peut-être préférable d'accepter nos amendements pour lever de grandes campagnes et former ces personnes, d'autant que, si de nombreux sapeurs-pompiers volontaires sont inscrits sur les listes, le nombre des actifs mobilisés, formés et mobilisables est historiquement et ridiculement bas. C'est un danger pour l'été à venir.

Il ne saurait exister d'action des services de lutte contre les incendies sans eau. Or, cette proposition de loi ne contient rien pour anticiper la gestion et l'accès à cette ressource. Cette absence d'ambition est décevante, mais je crois encore que le dialogue et la coconstruction peuvent conduire à accepter les amendements qui permettront de l'améliorer.

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Les incendies qui ont ravagé la France l'an dernier, et qui risquent de se multiplier, nous obligent à anticiper au mieux la lutte et la prévention, et à en faire une priorité. En 2022, 72 000 hectares d'espaces naturels ont été dévastés par les feux. Cette année a également été exceptionnellement sèche, marquée par un déficit pluviométrique record de 25 %. Avec les effets du changement climatique, les zones exposées au risque d'incendie devraient s'étendre. La saison des incendies devrait également s'allonger, passant de trois à six mois.

Alors que la situation empirera dans un avenir proche, les sapeurs-pompiers réclament en urgence davantage de moyens. Ce texte était donc attendu par les acteurs de la sécurité civile. Mais, à sa lecture, je n'ai été ni surprise, ni déçue de son contenu : je l'ai plutôt été de ce qu'il ne contenait pas.

En premier lieu, cette proposition de loi n'aborde à aucun moment la question du renforcement des moyens humains, matériels et financiers, pourtant essentiels à la lutte contre les incendies majeurs et à l'adaptation de la forêt au changement climatique.

Ensuite, mais ce n'est pas une nouveauté, elle ne prévoit aucune mesure spécifique pour les territoires ultramarins, qui ne sont pourtant pas épargnés par le risque d'incendie. À La Réunion, par exemple, on recense chaque année une quinzaine de feux de forêt, 500 feux de broussaille et 150 feux de cannes. Le département n'est pas épargné non plus par les changements climatiques. En 2020, l'île avait fait face à la saison la plus sèche depuis cinquante ans, avec un déficit en réserve d'eau de près de 65 %.

Nous déplorons aussi que dans la lutte contre le changement climatique, les regards et les moyens soient essentiellement centrés sur l'Hexagone. Pourtant, une grande partie de la biodiversité française se trouve en outre-mer. On recense trente-cinq fois plus de plantes endémiques en outre-mer que dans l'Hexagone. La France dispose de l'un des quinze derniers grands massifs de forêt primaire équatoriale encore largement préservés, en Guyane. Les conséquences de forts incendies en outre-mer seraient dévastatrices pour l'ensemble du pays.

Afin de lutter contre le risque incendie dans les territoires ultramarins, il est urgent d'y mettre davantage de moyens humains et matériels. À La Réunion, que je connais bien, nous ne disposons d'aucun bombardier d'eau à demeure. Un Dash 8 n'est envoyé sur l'île que pendant la saison sèche. En cas de feu de forêt majeur, lorsque des renforts humains sont envoyés de l'Hexagone, ils sont confrontés à un manque de matériel, notamment de véhicules. Que font ces pompiers, sans véhicule de secours et sans matériel de lutte contre les incendies ?

Je salue le courage et le dévouement des pompiers réunionnais qui se sont portés volontaires pour aller combattre le feu lors des incendies dévastateurs dans l'Hexagone en août 2022. La Réunion peut compter sur les pompiers de l'Hexagone, mais la réciproque est également vraie. Cependant, dans un futur proche, alors que la période des incendies et les zones concernées par ce risque vont considérablement s'accroître, la solidarité ne suffira plus. Les syndicats s'interrogent déjà : « Comment participer à l'effort national lorsque nous ne sommes même pas à la hauteur des enjeux locaux ? » La réponse est sans appel. L'outre-mer doit se doter de véritables centres de sécurité civile, pourvus de moyens humains et matériels suffisants. Or, le texte que nous examinons ce matin donne une vision très technocratique de la lutte contre les incendies : révision des documents d'urbanisme, plan de prévention et de gestion, documents stratégiques, schémas départementaux, cartes d'aléas et autres recommandations techniques forment l'essentiel de votre politique. J'espère au moins que les professionnels de terrain seront consultés et activement associés à l'élaboration de tous ces documents. En tout état de cause, tout cela restera bien inutile si vous ne donnez pas les moyens suffisants à nos Sdis pour lutter contre les incendies.

Enfin, cette proposition de loi ne dit pas un mot de la lutte contre le changement climatique. Nous nous contentons d'envisager des conséquences comme une issue inéluctable. Je me demande si cette proposition aurait vu le jour si des incendies ravageurs n'avaient pas sévi l'année dernière. Encore une fois, nous légiférons sous le coup de l'actualité. À défaut de mieux, nous saluons au moins le fait qu'on puisse, dans cette assemblée et dans cette commission, se saisir du sujet.

Nos collègues du Sénat ont voté en faveur de cette proposition de loi. Nous ferons de même, sans omettre de rappeler à la majorité gouvernementale qu'elle a le pouvoir et l'obligation de faire plus.

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Le constat de la situation fait l'unanimité. Je m'en réjouis et je remercie l'ensemble des groupes de se saisir de l'occasion offerte par ce texte. Le département des Alpes-Maritimes, où je suis élu, est lourdement concerné depuis plus d'une cinquantaine d'années par les incendies et les feux de forêt. Désormais, l'ensemble du territoire l'est aussi.

Par ailleurs, nous avions trop tendance à penser que les feux de forêt étaient saisonniers, de juin à septembre. Or, nous assistons à une annualisation des feux. Dans mon département, plusieurs départs de feu ont été enregistrés dès la fin février en raison de la sécheresse.

La loi Matras a constitué une avancée pour les sapeurs-pompiers, professionnels et volontaires. La Lopmi a favorisé une prise de conscience s'agissant des moyens. Les réflexions parlementaires ont également pris en compte ces problématiques. La présente proposition de loi est le fruit d'un travail transpartisan de nos collègues sénateurs, à la suite d'une mission parlementaire et d'un vote unanime. Certes, des sujets méritent sans doute d'être améliorés. C'est la raison pour laquelle nous sommes réunis, et des amendements permettront cette amélioration. Compte tenu des attentes de nos concitoyens et des pompiers, il est de notre devoir et de notre mission d'aboutir sur ce texte.

Concernant le titre VII, l'allègement de fiscalité prévu à l'article 32 vise à redonner des moyens aux Sdis. Dans mon département, la fiscalité des carburants représente entre 800 000 et 1 million d'euros chaque année. L'alléger pour les camions incendies, les véhicules de secours et d'assistance aux victimes (VSAV) ou la location de moyens héliportés représenterait un apport de moyens importants, alors que les départements et les communes, qui financent les Sdis, sont dans une situation compliquée. Nous faisons une œuvre positive en allégeant les charges de nos Sdis, car cela leur permettra de se doter de moyens et d'équipements supplémentaires pour la lutte incendie.

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Nous en venons à l'examen des articles délégués.

Avant l'article 32

La commission adopte l'amendement rédactionnel CL78 de M. Éric Pauget, rapporteur pour avis.

Article 32 (Art. L. 312-78-1 et L. 312-78-2 du code des impositions sur les biens et services) : Tarif réduit de l'accise sur les produits énergétiques autres que les gaz naturels et les charbons pour les carburants utilisés par les véhicules opérationnels et de surveillance des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS)

Amendement CL35 de Mme Gisèle Lelouis.

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Selon le droit européen – et plus particulièrement la directive 2003/96/CE du Conseil du 27 octobre 2003 restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l'électricité – il n'est pas possible de prévoir dans la proposition de loi une exonération totale de la TICPE pour les Sdis. C'est absolument scandaleux.

En effet, seule la mise en œuvre de la procédure prévue à l'article 19 de cette directive rendrait possible une telle disposition fiscale, mais elle relève de la seule compétence de la Commission européenne. En d'autres termes nous devons attendre le bon vouloir de ces messieurs-dames de la Commission pour pouvoir faire avancer cette proposition. Qui dirige ? Eux ou nous ?

Alors qu'ils avaient initialement prévu une exonération totale de la TICPE au profit des Sdis, les auteurs de la proposition de loi ont été contraints de revenir sur ce mécanisme au profit d'une simple réduction de cette taxe.

Bref, comme souvent votre sainte Union européenne édicte des normes contraires à l'intérêt des Français – qui ont d'ailleurs exprimé leur opposition dans le cadre du référendum pour une Constitution européenne de 2005. Cela n'est plus tolérable. L'intérêt des Français est supérieur. Entendez enfin leur voix.

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Tout d'abord, votre amendement porte sur les seuls véhicules opérationnels des Sdis. Il faut selon moi étendre la portée du dispositif à l'ensemble de leurs véhicules. Ensuite, l'amendement prévoit une exonération de TICPE uniquement pour le gazole, alors qu'il faudrait l'élargir à l'essence.

Demande de retrait au profit de l'amendement suivant, qui prévoit une exonération totale pour l'ensemble des véhicules des Sdis.

L'amendement est retiré.

Amendements CL92, CL93 et CL94 de M. Éric Pauget (présentation commune).

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L'amendement CL92 est le fruit des auditions conduites lors de la préparation de l'examen de ce texte et il vise à revenir à la position initiale du Sénat : afin de donner davantage de moyens aux Sdis, il faut les exonérer de la fiscalité sur les carburants, qui représente un coût très important.

Deux problèmes se posent. La directive européenne, tout d'abord. Mais elle n'empêche pas que nous votions cette exonération – à charge ensuite pour le Gouvernement de négocier avec la Commission européenne pour la faire appliquer. Des aménagements existent déjà pour les taxis, les engins de déneigement et d'entretien des stations de ski et les marins pêcheurs. Quant aux armées, elles sont complètement exonérées de la TICPE. Cela crée d'ailleurs une inégalité entre, d'une part, le bataillon des marins pompiers de Marseille et la brigade de sapeurs-pompiers de Paris, qui ont un statut miliaire, et, d'autre part, les Sdis.

L'amendement CL92 prévoit d'exonérer complètement les Sdis de la fiscalité sur l'essence et sur le gazole. Je ne méconnais pas les problèmes posés par la directive européenne, mais son article 19 nous permet d'avancer. L'amendement vise l'ensemble des véhicules des Sdis, et pas seulement ceux qui sont directement destinés à la lutte contre les incendies. Sur ce point je rejoins notre collègue Lemaire : il n'est pas normal qu'un VSAV soit soumis à cette fiscalité. En outre, les représentants de la FNSPF et le directeur du Sdis des Alpes-Maritimes ont fait valoir lors de leur audition qu'il serait très compliqué de distinguer entre les véhicules lorsqu'ils vont faire le plein. Cela poserait un problème d'organisation.

Je vous demande de bien réfléchir à votre vote. Cet amendement répond à une demande forte et ancienne du monde des sapeurs-pompiers et il est soutenu par la FNSPF. Je ne méconnais pas l'enjeu budgétaire, qui représente quelques dizaines de millions. Mais l'amendement va permettre d'affecter rapidement des moyens supplémentaires aux Sdis pour qu'ils s'équipent. En outre, ce coût doit être comparé à celui du dispositif d'allègement de cotisations sociales patronales dont nous allons ensuite discuter, soit un montant estimé à 500 millions d'euros.

L'amendement de repli CL93 prévoit des tarifs réduits de TICPE sur l'essence et le gazole pour l'ensemble des véhicules des Sdis.

Enfin, le second amendement de repli CL94 maintient – en le corrigeant à la marge – le tarif réduit de la TICPE pour les essences retenu par le Sénat, tout en l'étendant à l'ensemble des véhicules des Sdis. Tous les opérateurs nous ont clairement dit qu'il serait très compliqué de faire une distinction en fonction des véhicules lorsqu'ils achètent du carburant en vrac.

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Ces amendements fiscaux ont un coût. Le groupe Renaissance prendra le temps d'y réfléchir d'ici à l'examen en séance. Certains désaccords persistent et nous nous abstiendrons à ce stade sur les dispositions fiscales qui sont proposées. Les discussions se poursuivront pour trouver un bon point d'équilibre.

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Je salue cet amendement pertinent et de bons sens.

Le Sdis de l'Aude dépense chaque année environ 1 million d'euros pour le carburant, soit plusieurs centaines de milliers d'euros de taxes. Celles-ci représentent un poids énorme, notamment pour les Sdis dont les moyens sont modestes. L'exonération permettrait d'investir davantage dans les équipements nécessaires.

Nous voterons donc en faveur de l'exonération totale proposée par l'amendement CL92 et nous souhaitons qu'il soit aussi adopté en séance.

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L'adaptation de la fiscalité sur les carburants peut constituer une aide ponctuelle pour répondre à une crise, mais ses effets sont inégaux selon les zones géographiques. La consommation de carburants est plus élevée pour les Sdis situés dans les zones de montagne ou dont la superficie à défendre est plus importante. Bref, cette mesure n'est qu'un pansement. Elle ne permet ni d'avancer ni d'anticiper. Votre amendement CL92 ne fait pas de distinction entre les véhicules d'intervention – pour lesquels une baisse de la fiscalité est nécessaire – et les autres.

La mesure proposée n'apporte pas une aide réelle. Les pompiers demandent des crédits plutôt que des allégements fiscaux.

Je crains en outre que les mesures proposées soient contraires au droit européen, ce qui nous place dans la situation risquée de les voir retoquées. Quelle aide aura alors été apportée aux pompiers ?

Je n'appelle pas à voter contre vos amendements, mais je m'interroge beaucoup sur la portée de ces dispositifs. Je souligne que les pompiers demandent aussi des évolutions pour ne plus avoir le sentiment que leurs véhicules contribuent à aggraver la situation qui est à l'origine de leurs interventions.

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Vous avez raison de dire que les pompiers demandent des crédits. Tel est d'ailleurs l'objet de Lopmi.

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C'est faux ! Cela figurait seulement dans le rapport annexé et vous avez fait tomber tous nos amendements !

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La Lopmi prévoit une programmation budgétaire pluriannuelle pour l'ensemble du ministère de l'intérieur qui, jusqu'à preuve du contraire, est compétent en matière de sécurité civile.

C'est dur d'être face à ses contradictions.

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Nous savons que les Sdis nous attendent sur la question de la fiscalité des carburants. Nous sommes aussi préoccupés par les risques liés au respect insuffisant de la directive européenne. Le dispositif proposé pourrait être censuré et nous pourrions payer très cher. Nous soutiendrons l'amendement CL92, mais quelles informations avez-vous pu recueillir sur ces risques ?

Les véhicules de fonction seront-ils concernés par l'exonération ? Bien évidemment, ils ne font pas partie des priorités de cette proposition.

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Madame Regol, proposer d'augmenter les crédits ne serait pas recevable au titre de l'article 40 de la Constitution. La demande d'allégement de la fiscalité est formulée depuis longtemps par la FNSPF et par l'ensemble des acteurs concernés.

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J'ai bien conscience que cela ne résoudra pas tous les problèmes de la sécurité civile et des sapeurs-pompiers, mais cela complète la loi Matras, la Lopmi et concrétise plusieurs propositions formulées par les rapports parlementaires qui ont relevé un certain nombre de difficultés. Cette proposition va dans le bon sens.

Madame Untermaier, comme je l'ai indiqué il existe déjà un certain nombre de dérogations en matière de TICPE. C'est le cas pour les taxis, même si je ne sais pas pourquoi, mais aussi pour les déneigeuses et les engins d'entretien des stations de ski, qui bénéficient d'un tarif réduit de moitié par rapport au tarif plancher prévu par la directive. Quant aux militaires, ils sont complètement exonérés. Cela crée une inégalité entre, d'une part, les Sdis et, de l'autre, les marins-pompiers de Marseille et les sapeurs-pompiers de Paris, alors que les missions et les véhicules sont identiques.

Nous avons interrogé différentes directions de Bercy sur ce point et elles ont indiqué que l'article 19 de la directive ne nous empêche pas de voter le dispositif d'exonération proposé. Mais il est vrai qu'il appartiendra à l'État français de convaincre la Commission européenne.

Il est compliqué d'arguer qu'en raison de la directive européenne nous devrions limiter notre soutien à la mission de défense des populations et de l'environnement contre les incendies – alors même que des exonérations ont été acceptées pour les autres activités que j'ai déjà mentionnées.

Le dispositif d'exonération proposé par l'amendement CL92 concerne l'ensemble des véhicules des Sdis pour des raisons pratiques. Les responsables que nous avons auditionnés ont indiqué qu'ils achetaient du carburant en vrac pour alimenter les citernes des casernes et qu'ils ne voient pas comment ils pourraient mettre en place un système pour distinguer entre les véhicules de fonction, de commandement et d'intervention. J'ai bien compris que cela constituerait une charge administrative dont il serait opportun de les exonérer.

La commission adopte l'amendement CL92.

En conséquence, les amendements CL93 et CL94 tombent.

Amendement CL61 de M. Grégoire de Fournas.

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Cet amendement propose que les véhicules d'incendie et de secours ne soient plus soumis à certaines normes écologiques, afin notamment de pouvoir acquérir des camions-citernes feux de forêts (CCF) sans réservoirs d'AdBlue. Ces derniers constituent une contrainte importante pour les Sdis, car ils nécessitent une logistique supplémentaire importante. En outre, le kilométrage des véhicules équipés de ces réservoirs est limité lorsqu'il manque du liquide AdBlue, ce qui met en danger les sapeurs-pompiers. Enfin, ces normes écologiques représentent un surcoût.

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Avis défavorable.

La norme Euro a été mise en place par l'UE en 1988 pour les véhicules lourds, afin de limiter les émissions de polluants liées aux transports routiers. Elle fixe des normes de plus en plus contraignantes pour les constructeurs. Ainsi, tous les véhicules neufs doivent désormais être conformes à la norme Euro VI, en application du règlement du 18 juin 2009.

Vous proposez de ne plus soumettre à cette norme les véhicules de plus de 3,5 tonnes destinés à la lutte contre les feux de forêts. Je ne pense pas que cela soit pertinent. Les constructeurs respectent cette norme depuis près de quinze ans. Elle est donc intégrée de longue date aux processus industriels.

Votre amendement ne porte pas sur l'acquisition de matériels par les Sdis, mais bien sur les normes de construction des véhicules. Leur modification n'est pas demandée par les filières concernées. Pourquoi revenir en arrière ?

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Sauf erreur de ma part, les armées ne sont pas soumises à cette réglementation. Pourquoi ne serait-ce pas le cas également pour les Sdis ?

La commission rejette l'amendement.

Elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 32 modifié.

Après l'article 32

Amendement CL22 de M. Francis Dubois.

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Cet amendement et l'amendement CL23 qui suit ont pour objet, compte tenu de l'augmentation du prix des carburants, de permettre aux Sdis de récupérer la TVA sur les carburants.

Historiquement, les collectivités territoriales bénéficient du Fonds de compensation pour la TVA (FCTVA) pour leurs dépenses d'investissement. Depuis 2016 et 2020, elles peuvent également en bénéficier pour certaines dépenses de fonctionnement, comme l'entretien des bâtiments publics et de la voirie.

Il est proposé d'élargir l'assiette du FCTVA aux dépenses de fonctionnement des Sdis liées à l'achat de carburant pour l'ensemble de leurs véhicules opérationnels et de surveillance.

Cette mesure est d'autant plus nécessaire que les Sdis sont contraints d'intervenir sur des grands feux situés loin de leur département, ce qui entraîne des charges supplémentaires.

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Les Sdis bénéficient déjà du FCTVA, dont les versements sont en très forte augmentation.

Même si je partage votre intention, ce texte ne constitue pas le cadre approprié pour la mesure que vous proposez.

Demande de retrait. Ces amendements ont vocation à être déposés de nouveau à l'occasion de l'examen d'un projet de loi de finances.

La commission rejette l'amendement.

Suivant la recommandation du rapporteur pour avis, elle rejette l'amendement CL23 de M. Francis Dubois.

Article 33 (Art. L. 312-78-1 et L. 312-78-2 du code des impositions sur les biens et services) : Exonération des malus « écologique » et « poids » applicables aux véhicules dédiés à la prévention, à la surveillance et à la lutte contre les incendies

La commission adopte les amendements CL79, de coordination, et CL80, rédactionnel, de M. Éric Pauget, rapporteur pour avis.

Elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 33 modifié.

Article 34 (Art. L. 241-13-1 du code de la sécurité sociale) : Réduction des cotisations patronales des employeurs en contrepartie de la mise à disposition de leurs salariés sapeurs-pompiers volontaires au profit des Sdis

Amendement CL81 de M. Éric Pauget.

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Cet amendement de coordination présente un intérêt particulier.

Nos collègues sénateurs avaient l'intention d'étendre à tous un mécanisme d'allègement des charges patronales en faveur des employeurs qui facilitent la mise à disposition de leurs employés au profit des Sdis. Mais le dispositif ne visait pas de manière suffisamment précise les agents publics. Cet amendement permet d'étendre le bénéfice de la mesure à l'ensemble des sapeurs-pompiers volontaires, qu'ils soient employés dans la sphère privée ou dans la sphère publique.

La commission adopte l'amendement.

Elle adopte successivement les amendements CL82, CL83, CL84 et CL85, de coordination, l'amendement CL86, rédactionnel, et l'amendement CL87, de coordination, de M. Éric Pauget, rapporteur pour avis.

Amendement CL41 de M. Julien Rancoule.

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Cet amendement prévoit que l'exonération de 3 000 euros de charges patronales pour les entreprises qui embauchent des sapeurs-pompiers volontaires doit être conditionnée à la signature d'une convention de disponibilité, destinée à permettre à ces derniers de remplir leurs missions opérationnelles et de se former.

Cette exonération de charges patronales est intéressante pour les entreprises ; il faut qu'elle soit assortie d'une contrepartie.

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Avis défavorable. Votre proposition va augmenter fortement les rigidités pour les entreprises, d'autant plus que les Sdis vont déjà, en l'état du texte, devoir leur délivrer une attestation.

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Les collègues du Rassemblement national utilisent la terminologie de « charges patronales », alors qu'il s'agit bien évidemment de cotisations. Nous sommes opposés aux dispositifs qui étendent les exonérations de cotisations patronales.

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L'amendement prévoit en effet qu'une attestation du Sdis est nécessaire, mais sa forme n'est pas précisée. Elle doit simplement permettre de s'assurer que le salarié concerné fait bien partie des effectifs du Sdis. Il est indispensable que l'employeur s'engage à libérer son salarié au profit du Sdis.

Pour répondre à mon collègue de la NUPES, je n'ai aucun problème pour utiliser les termes « cotisations patronales ». Je vous invite à voter cet amendement, qui permet précisément de conditionner la réduction de cotisations au fait que le patron joue bien le jeu.

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La loi Matras a donné un caractère législatif au label « Employeur partenaire des sapeurs-pompiers ». Il est déjà prévu que des conventions soient signées dans ce cadre pour permettre la mise à disposition des sapeurs-pompiers volontaires. Je pense qu'il faut inciter les entreprises à bénéficier de ce label, et je ne suis pas certain que ce soit le cas avec cet amendement.

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Toutes les entreprises ne sont pas en mesure de signer des conventions de disponibilité. Elles peuvent vouloir faire preuve de bonne volonté en recrutant des sapeurs-pompiers volontaires, mais il me paraît impossible de les obliger à signer une telle convention.

La commission rejette l'amendement.

Suivant la recommandation du rapporteur pour avis, la commission rejette l'amendement CL58 de M. Julien Rancoule.

Elle adopte l'amendement rédactionnel et de coordination CL88 de M. Éric Pauget, rapporteur pour avis.

Amendement CL89 de M. Éric Pauget.

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Le coût du dispositif d'allégement des charges patronales prévu par cet article est estimé à 500 millions en année pleine par la direction de la sécurité sociale. L'incidence budgétaire est donc massive.

Il ne vous a pas échappé que ce dispositif est prévu pour trois ans, car seule une loi de financement de la sécurité sociale peut le pérenniser.

C'est la raison pour laquelle mon amendement propose que le Gouvernement remette au Parlement, au plus tard le 30 septembre 2026, un rapport qui évalue les effets de ces mesures et l'intérêt de les modifier ou de les pérenniser.

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Dans le dispositif que vous proposez il est bien question de cotisations, monsieur le rapporteur pour avis. Et il s'agit bien de cela, même si elles peuvent être considérées comme une charge dans le cadre de la comptabilité d'une entreprise. Pourtant, dès l'exposé sommaire vous vous mettez à parler de charges sociales.

La discussion précédente répond à la question sur la pertinence des exonérations de cotisations sociales, avec des amendements destinés dès à présent à empêcher des entreprises de gruger en ne faisant pas ce pour quoi elles ont bénéficié d'une exonération. Cela me rappelle les débats sur d'autres dispositifs, comme le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE). Pourtant, vous dites qu'il ne faut pas effectuer de contrôles parce que cela constituerait une rigidité.

Le problème est qu'au bout du compte l'objectif n'est pas atteint et que l'on a seulement fait un cadeau à des entreprises qui parfois n'en avaient pas besoin. Je souhaite que l'on sorte de cette politique du gadget de l'exonération et que l'on se donne vraiment les moyens de son ambition.

On voit bien que certains défendent avant tout leur logique politique générale qui consiste en permanence à réduire les cotisations sociales, quel que soit le domaine. Comme si c'était la solution géniale pour redonner du pouvoir d'achat, que ce soit aux Sdis ou aux Français ! Cette politique mène dans l'impasse, y compris en l'occurrence pour les Sdis et le développement du volontariat chez les sapeurs-pompiers.

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Je rappelle que cet amendement propose que le Gouvernement remette un rapport au Parlement afin de nous éclairer sur l'opportunité de pérenniser le dispositif prévu par l'article 34.

Cet article prévoit un dispositif incitatif qui s'applique aux nouvelles embauches ou aux salariés qui décident de devenir sapeur-pompier volontaire. Cela va dans le bon sens.

J'entends vos observations sur les cotisations et charges sociales. Je suis l'un des rares parlementaires qui demeure chef d'entreprise. J'emploie des salariés et je paye mes cotisations sociales. Qu'on le veuille ou non, c'est une charge pour les entreprises. Et lorsqu'un salarié doit être mis à disposition pour accomplir sa mission de sapeur-pompier volontaire, cela nécessite une certaine organisation. Et plus l'entreprise est petite – ce qui est le cas de la mienne –, plus c'est compliqué. L'allégement de cotisations sociales est donc une véritable mesure incitative.

La commission adopte l'amendement.

Elle adopte l'amendement rédactionnel et de coordination CL90 de M. Éric Pauget, rapporteur pour avis.

Elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 34 modifié.

Après l'article 34

Amendement CL47 de M. Thomas Ménagé.

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Il s'agit d'un amendement de bon sens, quand bien même il émane d'un groupe dont vous n'aimez pas voter les amendements. Considérez cet amendement avec attention, parce qu'il ne reflète pas la doctrine du Rassemblement national mais relaie une demande émanant du terrain – en l'occurrence de l'Union départementale des sapeurs-pompiers du Loiret. Il porte sur un important sujet social.

L'article L. 611-11 du code de l'éducation prévoit des aménagements dans l'organisation et le déroulement des études, des autorisations d'absences et des droits spécifiques pour les étudiants exerçant des responsabilités au sein du bureau d'une association, accomplissant une activité dans la réserve opérationnelle militaire ou de la police, qui suivent un service civique, pour les élus du centre régional des œuvres universitaires et scolaires, le Crous, et pour ceux qui occupent un emploi – que ce soit en CDD ou en CDI.

Ce n'est pas le cas pour les étudiants qui sont sapeurs-pompiers volontaires. Certains d'entre eux m'ont dit combien il était difficile d'être appelés de nuit et d'enchaîner sur les études le lendemain, avec parfois pour conséquence des absences qui sont sanctionnées – ce qui les empêche de valider leur semestre.

L'amendement propose d'ajouter les sapeurs-pompiers volontaires à la liste qui figure à l'article L. 611-11 précité. Cela ne coûte rien et permettra de valoriser l'engagement des jeunes. Nous pouvons nous rassembler sur ce point et je sollicite un avis favorable et un vote unanime.

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Vous proposez d'élargir le champ des étudiants susceptibles de bénéficier d'aménagements dans l'organisation de leurs études en raison de l'exercice de responsabilités particulières, en incluant les étudiants exerçant des missions de sapeurs-pompiers volontaires à la liste de l'article L. 611-11 du code de l'éducation.

L'évolution que vous proposez est tout à fait pertinente. Avis favorable.

La commission adopte l'amendement.

Amendement CL36 de Mme Gisèle Lelouis.

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Cet amendement devrait recueillir un large consensus. Il a pour objet de donner davantage de moyens aux Sdis grâce au mécénat des entreprises. Les représentants de l'Union départementale des sapeurs-pompiers des Bouches-du-Rhône m'ont d'ailleurs interpellé récemment sur leur manque de moyens et sur les mesures incitatives que nous pourrions proposer à travers des exonérations de charges ou des baisses d'impôts sur le revenu.

Mon amendement s'inspire en partie de leurs suggestions. Les dons effectués au profit des Sdis ouvrent droit à une réduction d'impôt de 60 % conformément à l'article 238 bis du code général des impôts. Pour mieux soutenir les Sdis des départements réputés particulièrement exposés au risque d'incendie, il convient de porter ce taux à 66 %.

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Vous proposez de conditionner cette évolution au risque d'incendie auxquels sont confrontés les Sdis.

Ce critère n'est pas forcément le plus pertinent, car les difficultés de financement des Sdis ne sont pas nécessairement corrélées au niveau de risque d'incendie.

Surtout, cette condition pourrait constituer une rupture d'égalité et il convient de ne pas prendre un tel risque juridique, l'objectif de cette proposition étant d'actionner des leviers simples et dont l'efficacité est immédiate.

Avis défavorable.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CL32 de M. Hervé Saulignac.

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Dans certaines circonstances exceptionnelles, les sapeurs-pompiers volontaires doivent être mobilisés en urgence. Par cet amendement je propose de créer un congé spécial supplémentaire, afin de pouvoir le faire dans les territoires plus particulièrement exposés au risque incendie.

Ces autorisations d'absence ne peuvent pas être refusées, sauf évidemment lorsqu'elles peuvent remettre en cause le bon fonctionnement de l'entreprise dans laquelle le volontaire exerce son activité professionnelle.

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Je ne vois pas très bien quelle est la plus-value de votre amendement par rapport à ce que prévoit déjà le code de la sécurité intérieure.

Je crains que ce congé spécial supplémentaire ait pour effet d'envoyer un mauvais signal aux entreprises et de ne pas les inciter à embaucher des sapeurs-pompiers volontaires ou à encourager leurs salariés à le devenir. Cela crée une contrainte supplémentaire, en particulier pour les toutes petites entreprises.

Avis défavorable.

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Comme l'a indiqué le rapporteur pour avis, le code de la sécurité intérieure autorise déjà le détachement des salariés qui sont sapeurs-pompiers volontaires, et les entreprises ne peuvent s'y opposer que si l'activité de leur salarié est nécessaire à leur fonctionnement.

Les motifs de cet amendement me paraissent assez bancals. L'exposé sommaire évoque le risque incendie, mais pourquoi n'en prend-il pas d'autres en compte – comme par exemple le risque d'inondation ? Et pourquoi se limiter aux zones particulièrement exposées aux incendies, quand on sait qu'en cas de sinistre important des pompiers peuvent être mobilisés dans toute la France ?

Cet amendement ne paraît pas pertinent et nous nous y opposons.

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Nous nous étonnons que certains de nos amendements aient été déclarés irrecevables au titre de l'article 45 de la Constitution, alors qu'ils ont le même objectif que celui dont nous discutons – c'est-à-dire de favoriser les vocations et de faciliter la disponibilité des sapeurs-pompiers volontaires.

Certains de nos amendements prévoyaient la validation des acquis de l'expérience pour les sapeurs-pompiers volontaires, accordaient des trimestres pour la retraite ou demandaient un rapport sur la pénibilité du travail des sapeurs-pompiers. Nous les déposerons de nouveau en séance.

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Dans la quasi-totalité des cas, la présidence suit l'avis du président de la commission des lois sur la recevabilité des amendements. L'examen de la recevabilité des amendements a été effectué de la même manière que d'habitude et d'ailleurs je ne crois pas que vous l'ayez contesté devant les services de la commission.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CL24 de M. Francis Dubois.

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Cet amendement tend à accorder aux salariés qui sont sapeurs-pompiers volontaires une autorisation d'absence de cinq ou huit jours pour qu'ils puissent répondre aux sollicitations opérationnelles, notamment en matière de formation.

Dans le Sdis de la Corrèze, le temps moyen de formation annuelle de remise à niveau correspond à cinq jours. Je propose que la durée de l'autorisation d'absence varie en fonction de la taille de l'entreprise.

Cette mesure permettrait aux sapeurs-pompiers volontaires de ne pas avoir à se former les dimanches et les jours fériés.

Les conventions entre les Sdis et les entreprises prévoient bien un temps minimal de formation de cinq jours, mais tous les employeurs ne les signent pas. La mesure proposée s'appliquerait à l'ensemble des sapeurs-pompiers, qui pourraient ainsi s'absenter.

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J'ai peur que cela soit complexe et désincitatif pour les entreprises. Pour cette raison, des amendements similaires avaient été rejetés aussi bien à l'Assemblée qu'au Sénat lors de l'examen de la proposition de loi visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers.

Avis défavorable.

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Les emplois d'avenir permettaient auparavant à des jeunes sapeurs-pompiers volontaires de valider leurs acquis et étaient destinés à favoriser leur insertion professionnelle. Selon le chef du Sdis de mon département, ce dispositif n'existerait plus. Même si cette question dépasse le texte que nous examinons, ne faudrait-il pas recourir de nouveau à ces emplois d'avenir ?

Un autre dispositif a peut-être pris le relais sans que je m'en aperçoive. Si tel n'est pas le cas, nous devrions travailler collectivement à proposer aux jeunes en formation un dispositif passerelle de ce type, qui permette de valider leurs acquis afin, par exemple, de préparer ensuite les concours pour devenir pompier professionnel.

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Je connaissais ce dispositif et je pensais qu'il était encore en vigueur. Je vais me renseigner d'ici à la séance. Mais en tout cas c'est une belle idée et un bon dispositif, qui renvoie d'une certaine manière au contrat en alternance. Si ce dispositif n'existe plus, il serait en effet intéressant de travailler à la mise en place d'une solution analogue.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CL70 de M. Didier Lemaire.

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Par cet amendement d'appel je propose que le Gouvernement remette un rapport au Parlement afin de mieux appréhender la situation des sapeurs-pompiers volontaires.

Ces derniers représentent 80 % des effectifs de sapeurs-pompiers. Afin de répondre aux difficultés de recrutement rencontrées par les Sdis, il convient de mieux connaître le nombre d'heures durant lesquelles ces volontaires ont été mis à disposition par leurs employeurs. Ce rapport permettra aussi de savoir comment agissent les employeurs privés et publics. Tout cela nous permettra de mieux légiférer pour faciliter l'embauche de sapeurs-pompiers volontaires et faciliter leur mise à disposition.

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Je ne suis pas opposé par principe aux demandes de rapports dès lors qu'ils permettent de tirer un bilan précis des dispositions que nous avons votées. Ce n'est pas tout à fait le cas s'agissant de cet amendement, dont le périmètre est très large. Avis défavorable.

Cependant, je vous annonce que je donnerai un avis favorable à votre amendement CL71, relatif aux coupes tactiques.

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Il me paraissait nécessaire de faire la lumière sur les difficultés rencontrées par les Sdis pour recruter des sapeurs-pompiers, quelle que soit la catégorie concernée. C'est une question importante, qui a des effets sur le déploiement des services de secours sur l'ensemble du territoire et donc sur l'égalité des chances.

L'amendement est retiré.

Article 34 bis A (nouveau) : Reconnaissance du caractère dangereux du métier et des missions exercés par les personnels navigants de la sécurité civile

La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 34 bis A non modifié.

Après l'article 34 bis A

Amendement CL37 de M. Julien Bayou.

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Cet amendement de bon sens vise à réparer une anomalie. Le métier de pompier n'est pas reconnu comme étant à risque. Plus qu'une bizarrerie, c'est une injustice.

Les représentants syndicaux des sapeurs-pompiers sont pudiques sur ce point – et c'est tout à leur honneur –, préférant évoquer les rémunérations insuffisantes et les conditions de travail dégradées. Je regrette que cette proposition ne permette pas de traiter de leurs rémunérations. Mais elle peut reconnaître la réalité du risque de leur métier, qui est aggravé par les conséquences de l'inaction face au dérèglement climatique.

Pour être tout à fait clair, les assureurs connaissent bien les risques encourus par les sapeurs-pompiers et ces derniers font l'objet d'une surcote lorsqu'ils souscrivent un prêt bancaire. C'est incompréhensible et choquant.

Affirmer que la profession de sapeurs-pompiers est un métier à risque constitue une forme élémentaire de reconnaissance de leur engagement.

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En ce qui concerne le caractère à risque des missions des sapeurs-pompiers, l'amendement est déjà pleinement satisfait par la reconnaissance symbolique de leur caractère dangereux par la loi du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile.

J'ai du mal à saisir à quoi vous faites allusion lorsque vous mentionnez l'insalubrité. Si vous visez les conditions dans lesquelles ils peuvent être amenés à intervenir, cette dimension est déjà concrètement prise en compte par le biais de dispositifs particuliers en leur faveur, notamment grâce au régime de protection sociale dont ils bénéficient. En tout état de cause, les modifications que vous proposez ne fourniraient pas un quelconque avantage économique ou social.

Avis défavorable.

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L'activité de sapeurs-pompiers est en effet déjà reconnue comme dangereuse depuis vingt ans, monsieur Bayou. Il faudrait travailler un petit peu.

On vous voit une fois tous les six mois, et alors que vous êtes membre de la commission de la défense qui étudie actuellement le projet de loi de programmation militaire, vous êtes ici en train de présenter des amendements bidons qui ne servent à rien.

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Ce genre de remarque est insupportable !

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Même vos collègues du Front national de la commission de la défense sont plus respectueux.

Pour votre gouverne, les sapeurs-pompiers de Paris sont des militaires et je suis élu dans cette ville. Vous n'avez rien suivi du tout.

Et si vous aviez discuté avec des représentants des syndicats de sapeurs-pompiers, vous sauriez qu'ils considèrent que la reconnaissance symbolique de leur dangereux métier est insuffisante. C'est parce que je souhaite me faire l'écho de leurs demandes que je siège aujourd'hui dans votre commission. Souffrez qu'on vous explique la réalité.

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Vous pouvez rester poli et respectueux des autres !

La commission adopte l'amendement.

Article 34 bis (nouveau) (Art. L. 131-3 et L. 341-2 du code forestier) : Recours aux coupes tactiques afin de lutter contre les incendies

La commission adopte l'amendement rédactionnel CL91 de M. Éric Pauget, rapporteur pour avis.

Elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 34 bis modifié.

Après l'article 34 bis

Amendements CL20 de M. Julien Bayou, CL67 de M. Hervé de Lépinau et CL49 de Mme Julie Lechanteux (discussion commune).

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D'après les syndicats, il existe une certaine opacité sur les moyens prévus en faveur des sapeurs-pompiers, s'agissant en particulier des moyens aériens.

Lors de la dernière saison marquée par des feux de forêt, on a vu que la moitié de la flotte vieillissante de douze Canadair était en maintenance certains jours. Les commandes promises par le ministère de l'intérieur ont finalement été annoncées par le Président de la République. Mais un certain flou persiste. Les nouveaux appareils seront-ils livrés seulement à partir de 2026 ? Y en aura-t-il seulement deux ? La commande a-t-elle été effectuée dans le cadre du mécanisme de protection civile de l'UE – RescUE ? Auquel cas ce n'est pas la France qui l'a effectuée. A-t-on engagé de nouveaux pilotes, sachant que leur formation dure cinq ans ? Les pélicandromes réclamés par les syndicats ont-ils été prévus ? Ils permettent de remplir les citernes de produit retardant, dont on sait que le brevet est détenu par une seule société en France et que celle-ci a éprouvé des difficultés de livraison lorsque plusieurs incendies interviennent simultanément.

Comme l'a relevé ma collègue Sandra Regol, certains départements louent des hélicoptères pour lutter contre les incendies. Tant mieux pour eux, mais c'est un pansement sur une jambe de bois qui coûte très cher et qui pose la question de l'égalité entre les départements.

Le Gouvernement avait chargé Hubert Falco d'une mission sur la modernisation de la sécurité civile et la protection contre les risques majeurs. Mais il a été démis de ses fonctions et depuis lors nous sommes dans le flou.

Bref, la saison des incendies a déjà démarré et on n'a pas tiré les leçons de la précédente. Nous avons besoin de réponses sur les moyens concrets dont disposent les sapeurs-pompiers.

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L'amendement CL67, d'appel, vise à ce que soit dressé le bilan de nos capacités aériennes. En tant que député du Vaucluse, je sais combien le soutien aérien est nécessaire pour intervenir rapidement et faire en sorte que la forêt méditerranéenne ne s'embrase pas.

Notre flotte de Canadair est plus que vieillissante, dans la mesure où leur taux d'immobilisation, très important, est lié à la maintenance ainsi qu'au manque de pièces. Par conséquent, le projet d'investissement dans des De Havilland Canada-515 (DHC-515) est à l'ordre du jour, mais nous n'avons pas de visibilité quant au délai de livraison.

Or lutter contre les incendies sans moyens aériens est une vue de l'esprit. Notre amendement permet d'obtenir rapidement un bilan d'étape.

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L'amendement CL49 propose que, dans un délai de six mois, le Gouvernement remette au Parlement un rapport concernant d'une part la nécessaire augmentation qualitative et quantitative de notre flotte de Canadair, en complément des renouvellements nécessaires. D'autre part, le rapport examinera la construction dans les plus brefs délais d'une nouvelle base aérienne de la sécurité civile.

Face à l'intensification des incendies, le périmètre des interventions s'accroît. Lors de l'été 2022, la France a fait face à une multiplication des feux. En outre, l'Office national des forêts alerte régulièrement sur le risque d'intensification des feux dans les années à venir.

Il est donc plus que nécessaire que l'État investisse pour développer ses moyens aériens de lutte contre les incendies.

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Je vous rappelle que chaque année, un avis budgétaire relatif aux moyens de la sécurité civile, qui dépend de notre commission, réalise une synthèse exhaustive, du point de vue quantitatif et qualitatif. Votre demande est donc déjà satisfaite. Avis défavorable à l'ensemble de ces amendements.

J'ai été chargé du rapport de l'année dernière, et si vous consultez ceux des dix dernières années, vous pourrez avoir un suivi précis des moyens consacrés, en termes d'hélicoptères, de Canadair et de Dash.

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J'ajoute que les articles 32 et 33 de la proposition de loi découlent des recommandations que vous aviez formulées dans l'avis budgétaire.

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La disponibilité des moyens aériens de lutte contre les incendies est bien inférieure à nos besoins, alors même que les effets attendus du réchauffement climatique sur les risques d'incendies vont s'intensifier.

Une audition, menée avec notre collègue Florent Boudié, traitait de la possibilité de recourir à d'autres types d'aéronefs, notamment en collaboration avec Airbus et Eurocopter. Néanmoins, les intervenants nous avaient expliqué qu'il était impossible de substituer le Canadair à d'autres types d'aéronefs plus imposants, comme des avions Airbus.

Cette substitution est encore plus difficile avec des hélicoptères, ceux-ci disposant d'une capacité d'emport près de dix fois moindre à celle d'un Canadair. De même, le mode de largage des liquides ne permet pas le souffle, qui est efficace pour éteindre les incendies.

Nous nous apercevons que nous avons laissé à l'abandon depuis des années la flotte de Canadair, et que les pièces de rechange ne sont plus disponibles. Nous avons donc fait appel l'année dernière à des aéronefs venus de Grèce.

Au cours des étés à venir, nous paierons le prix fort du sous-investissement de la puissance publique dans ce domaine.

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À l'occasion des auditions préparatoires à la Lopmi, la direction générale de la sécurité civile, des professionnels et des sapeurs nous avait fourni des informations précises à ce sujet.

Jean-François Coulomme et Sandra Regol indiquaient que la Lopmi n'avait pas traité de la sécurité civile, ce qui est totalement faux. Pour la première fois sous la Ve République, une Lopmi comportait un volet propre à la sécurité civile dans sa programmation budgétaire.

Aux investissements, en augmentation, qui sont de l'ordre de 800 à 900 millions d'euros par an, se sont ajoutés des engagements de la part du Président de la République. Il est donc faux de dire que la Lopmi – dont le montant est de 15 milliards d'euros – ne comportait pas de volet relatif à la sécurité civile.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CL65 de M. Hervé de Lépinau.

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L'hélicoptère est un moyen de lutte contre l'incendie très efficace en ce qu'il permet d'intervenir, de manière chirurgicale, sur le premier feu.

Dire que l'hélicoptère ne rentre pas dans le panel utile est un non-sens. Cependant, il est impossible pour les Sdis d'investir dans un hélicoptère.

On recourt donc à la location, laquelle est une dépense de fonctionnement et non d'investissement : cela soulève une difficulté au regard de la nomenclature de la comptabilité publique, dans la mesure où l'État ne peut pas subventionner la location des hélicoptères.

Cet amendement permettra d'obtenir, dans les six mois, un bilan relatif à l'utilisation des hélicoptères par les Sdis et la sécurité civile en général, mais aussi d'examiner la possibilité de cibler des achats et de les mutualiser entre différents Sdis, afin de mieux lutter contre les incendies naissants.

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Je partage votre avis concernant les hélicoptères bombardiers d'eau, qui sont un élément majeur de la lutte contre les incendies, en ce qu'ils permettent d'adopter la doctrine du « vite et fort » qui est propre aux pompiers.

Ce type d'hélicoptère permet d'éviter la propagation d'un feu, d'autant que ces aéronefs permettent une frappe chirurgicale et ponctuelle ainsi qu'une rotation toutes les trois à cinq minutes.

C'est, selon les experts, l'outil le plus efficace pour éviter qu'un feu ne se propage. Si le feu n'est pas tenu, il faut recourir à d'autres moyens comme les Canadair et les Dash.

J'émets un avis défavorable, en vous renvoyant à l'avis budgétaire relatif à la sécurité civile, dans lequel j'ai, cette année, examiné les moyens accordés aux Sdis. Il pourrait donc y avoir un futur rapport consacré aux moyens héliportés.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CL71 de M. Didier Lemaire.

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Il a pour objet les coupes tactiques, qui sont déterminantes dans la limitation de la propagation des incendies et des dommages qui peuvent être causés lors des feux de forêt.

Elles constituent cependant un coût pour les propriétaires agricoles, une partie de leur exploitation étant rasée, et pour les assurances, qui assument l'indemnisation du dommage, laquelle reste toutefois faible par rapport au coût en cas d'incendie total – ce que les sapeurs-pompiers appellent la règle du « sauvé ».

Le présent amendement vise à faire la lumière sur le régime assurantiel et de s'assurer de la correcte prise en charge par les assureurs des dommages causés par l'intervention des secours et la réalisation des coupes tactiques par les autorités compétentes.

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J'émets un avis favorable à votre demande de rapport car elle est en lien direct avec l'article 34 bis. Ce nouveau dispositif, qui organise les coupes tactiques, c'est un peu comme la prose de M. Jourdain – ça se faisait déjà, mais le cadre juridique n'existait pas.

Cela nécessite donc une évaluation, d'autant que ce dispositif débouchera probablement sur des demandes d'indemnisation, qui sont aujourd'hui assurantielles mais qui pourraient, en cas de conflit, prendre d'autres formes.

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Ce texte n'est que le premier de son genre, puisqu'il faudra aussi travailler à l'aménagement de nos forêts, qui est un enjeu majeur pour l'organisation des zones forestières et de leurs alentours.

Certaines aires d'autoroutes, proches de plantations forestières, posent aujourd'hui problème ; quand vous amenez des centaines de milliers de personnes à proximité d'une forêt, vous prenez des risques supplémentaires.

Les premiers repérages d'incendies et d'adressage devront aussi faire l'objet de nos réflexions. Si, dans le sud, on a déjà réfléchi en profondeur aux questions d'aménagement, on en est encore loin pour ce qui est des forêts du centre et du nord du pays.

La commission adopte l'amendement.

Elle émet un avis favorable à l'adoption de l'ensemble des dispositions dont elle est saisie, modifiées.

Puis, la Commission examine les articles 32 à 35, délégués au fond par la commission de la défense et des forces armées, du projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense (n° 1033) (Mme Sabine Thillaye, rapporteure pour avis).

https://assnat.fr/pgXCY5

Diverses dispositions intéressant la défense

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Notre commission étant compétente au premier chef sur les sujets visés par les articles 32 à 35 – sécurité des systèmes d'information et rôle de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi), libertés publiques et sécurité intérieure – j'ai souhaité qu'elle en soit délégataire au fond.

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La loi de programmation militaire (LPM) s'inscrit dans la continuité de la revue nationale stratégique que le Président de la République a présentée en novembre dernier. Un titre constitué de quatre articles étant consacré à la sécurité des systèmes d'information, il a semblé naturel que ce sujet, qui concerne les libertés publiques, soit discuté en commission des lois.

Désignée rapporteure pour avis, j'ai conduit douze auditions et j'ai entendu plus d'une quarantaine de personnes issues des administrations, des entreprises et des associations, qui m'ont fait part de leur analyse de l'état de la menace cyber et de leurs observations sur la LPM. Je les remercie de l'avoir fait dans des délais contraints. Toutes ont unanimement souligné l'importance des menaces et des enjeux liés à la cybersécurité, élément central de notre souveraineté et de notre défense.

Nos communications, nos paiements, nos loisirs et nos modes de travail dépendent de plus en plus des nouvelles technologies. Si elle simplifie notre quotidien, cette dépendance présente aussi des risques pour notre cybersécurité, que certains acteurs exploitent tant à des fins d'espionnage et de déstabilisation qu'à des fins financières, au détriment de nos entreprises, de nos collectivités ou de nos hôpitaux.

L'Anssi fait face à des attaquants dont les modes opératoires évoluent en technicité. Cette sophistication s'explique par un changement fréquent d'outils utilisés pour effectuer les attaques et par le recours de plus en plus massif aux logiciels commerciaux transformés en véritables « bombes numériques ».

Toutes les auditions ont convergé vers un même constat : la menace cyber est protéiforme, en mutation constante et en augmentation, dans notre pays et dans le monde.

Les capacités des cyberattaquants évoluent constamment. La représentation collective, quasi romantique, du hacker isolé dans son garage n'est pas conforme à la réalité. Les attaques se sont industrialisées. Les modes opératoires peuvent cibler tout un secteur d'activité et concerner tout un pays.

Le « Panorama de la cybermenace 2022 », publié par l'Anssi, révèle l'ampleur des attaques que subissent les acteurs institutionnels et économiques de notre pays. L'an dernier, l'Anssi a ainsi traité 831 attaques informatiques. C'est moins qu'en 2021, mais cette diminution doit être relativisée dans le contexte de guerre en Ukraine, qui peut conduire à une réorientation des attaques. Ce même rapport précise d'ailleurs que si l'activité liée aux rançongiciels visant des opérateurs régulés publics ou privés a diminué, la menace cyber s'est reportée vers des entités moins bien protégées, dont les collectivités territoriales, les hôpitaux et les petites et moyennes entreprises de notre pays.

Les conséquences de ces attaques sont financières. L'OCDE, l'Organisation de coopération et de développement économiques, estime que les risques liés à la sécurité numérique coûtent plus de 100 milliards de dollars à l'échelle planétaire. Ces attaques ont aussi des répercussions lourdes sur la continuité du service public et, s'agissant des hôpitaux, sur le traitement des données à caractère personnel des patients, ce qui peut constituer une atteinte généralisée au secret médical.

Techniquement, les cyberattaquants exploitent les nombreuses vulnérabilités des logiciels, y compris ceux dont l'utilisation est répandue. L'externalisation croissante de services informatiques accroît le risque d'attaques. Le nombre d'entreprises de services numériques touchées est ainsi passé de quinze à trente-sept entre 2020 et 2022. Désormais, pour maximiser l'efficacité de leurs attaques, les cyberattaquants ciblent plutôt les systèmes d'information des sous-traitants et des fournisseurs, dont le niveau de sécurité est plus faible que ceux des opérateurs stratégiques. Cela leur permet d'accéder à des informations valorisables.

La loi de programmation militaire précédente a déjà doté l'Anssi d'un premier arsenal juridique en matière de prévention des cyberattaques. Mais l'évolution constante des modes opératoires implique une réévaluation de notre cadre juridique et une adaptation des prérogatives qui lui sont dévolues.

Le chapitre V, dont nous allons débattre, prend acte de cette évolution. Il comprend quatre articles visant à renforcer notre arsenal en matière de lutte contre les attaques informatiques malveillantes, d'étude des comportements et des modes de fonctionnement des assaillants, et d'information des victimes. Les articles 32, 33 et 34 créent de nouveaux dispositifs dans notre droit, tandis que l'article 35 est un prolongement de dispositions déjà votées et éprouvées par l'Anssi et les acteurs du numérique.

L'article 32 permet à l'Anssi, en cas de menace susceptible de porter atteinte à la sécurité nationale, de prescrire plusieurs mesures graduelles affectant les noms de domaine par leur blocage ou leur suspension.

Aux fins de détection et de caractérisation des attaques informatiques, l'article 33 permet aux agents de l'Anssi d'être destinataires des données techniques non identifiantes enregistrées dans les serveurs des fournisseurs de système de résolution et de noms de domaine.

L'article 34 renforce les exigences de transparence qui s'appliquent aux éditeurs de logiciels et les contraint à informer l'Anssi et leurs utilisateurs en cas de vulnérabilité et d'incidents informatiques graves.

L'article 35 prévoit plusieurs dispositions visant à renforcer les capacités de détection des cyberattaques et l'information des victimes. Il permet à l'Anssi, en cas de menace grave pour les systèmes d'information des autorités publiques et des opérateurs stratégiques, d'activer des dispositifs de recueil de données. Il rend également obligatoire, pour les opérateurs de communication électroniques stratégiques, la mise en place de systèmes de détection des attaques informatiques.

Ces nouvelles prérogatives s'accompagnent d'un élargissement des modalités de contrôle de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse, l'Arcep, des opérations effectuées par l'Anssi. Je précise, à cet égard, que les dispositions dont nous débattrons sont soumises à un contrôle strict de cette autorité et du juge administratif.

L'Arcep, dont j'ai auditionné la présidente, n'a pas encore pleinement estimé les efforts humains et budgétaires supplémentaires que cette évolution implique. Elle a toutefois appelé mon attention quant au fait que les nouvelles procédures prévues, en particulier les avis conformes que l'Arcep devra rendre concernant certains dispositifs, entraîneront une réorganisation de ses services. Si nous voulons garantir des modalités de contrôle efficaces, c'est un élément que nous devrons garder à l'esprit lors des futurs débats budgétaires.

Ces mêmes prérogatives représentent un accroissement de la charge de travail de l'Anssi, que la trajectoire d'emploi à l'horizon 2027 prend en compte. Le nombre des agents de l'Anssi passera de 660 cette année à plus de 800 dans cinq ans. Cette progression est indispensable pour lui permettre de remplir les missions que le législateur lui confie. Elles représentent aussi une charge pour les acteurs privés du numérique, soumis à de nouvelles exigences. Les entreprises de notre pays comptent parmi les meilleures du monde dans le marché des solutions numériques de confiance. C'est un fait que le législateur doit garder à l'esprit quand il écrit la loi.

Un seul curseur doit nous guider dans l'examen de ces articles : l'équilibre nécessaire entre le respect de nos libertés fondamentales, les intérêts de la sécurité nationale et la préservation d'un écosystème favorable aux entreprises françaises de l'internet de confiance. Cette recherche d'équilibre m'a conduite à déposer plusieurs amendements qui permettront, je l'espère, d'aboutir à un texte prenant en compte tous les intérêts légitimes des acteurs concernés par ses dispositions.

Une ambition majeure de cette loi de programmation militaire réside dans le défi historique consistant à faire face à l'émergence de nouveaux espaces de conflictualité, dont le cyber fait partie, et à assurer à la France les moyens de sa souveraineté et de son indépendance. Je vous invite à voter largement ces articles, nécessaires à la protection de nos intérêts nationaux.

Présidence de Mme Caroline Abadie, vice-présidente.

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Nous en venons aux prises de parole des orateurs des groupes.

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Les évolutions technologiques sont toujours ambivalentes et utilisées à la fois pour améliorer l'espace de vie des sociétés, détruire, assiéger ou récolter le butin d'un ennemi. Depuis l'Assyrie antique et la maîtrise du fer jusqu'à celle de l'atome et ses drames au XXe siècle, il a fallu s'adapter pour se protéger et comprendre les techniques façonnées pour s'en défendre. Notre temps est celui de l'information. Ce nouvel espace qui rend des services prodigieux à l'humanité est aussi un terrain de conflictualités et d'attaques. En augmentation constante, celles-ci peuvent avoir des conséquences dramatiques pour nos installations essentielles et pour la sécurité des systèmes d'information stratégiques auxquels nos acteurs économiques et vitaux sont connectés.

Face à ces menaces et à l'agilité des attaquants, la précédente LPM a fait de la lutte contre les cybermenaces une priorité en renforçant la résilience de nos systèmes, le nombre de cybercombattants et le rôle de l'Anssi pour conforter la puissance cyber française, analyser et neutraliser la menace. Le plan national de relance et de résilience instauré après la crise sanitaire a alloué 136 millions d'euros à l'Anssi pour la cybersécurisation de nos territoires, car la spécificité de la menace cyber est qu'elle peut impliquer toutes les machines, tous les opérateurs et toutes les sociétés publiques ou privées pour attaquer. C'est un défi hors norme. En 2021, une stratégie nationale pour accélérer la cybersécurité a été lancée et, à l'automne, la Lopmi a permis de voter des moyens inédits pour renforcer la lutte contre la cybercriminalité.

La LPM que nous examinons pour la période 2024-2030 consacre 4 milliards d'euros au domaine cyber. Si les équipements ne sont pas des plus coûteux, ce sont les effectifs de lutte et les procédures de détection que nous devons améliorer pour que notre défense soit plus solide et crédible, nous permettant de réagir avec précision et sévérité. L'objectif de sécurisation de nos systèmes d'information est aussi la garantie de notre souveraineté économique et administrative. L'arsenal législatif déployé grâce à la LPM votée en 2018 a permis d'expérimenter des stratégies utiles, mais qui ont aussi montré des limites face à l'adaptation rapide des attaquants. Il s'agit donc de renforcer nos moyens, en particulier la prévention, avec une meilleure connaissance préalable des modes opératoires, pour anticiper les menaces et mieux les détecter pour les contrer.

La loi prévoit quatre articles, renforçant le rôle de l'Anssi pour prescrire des mesures de filtrage ou de redirection de noms de domaine en cas d'attaque, pour recueillir des données anonymisées des serveurs DNS – système de noms de domaine –, pour obliger les éditeurs de logiciels à être transparents auprès de l'Agence et de leurs clients quant à leurs incidents et leurs vulnérabilités, et pour améliorer les capacités de détection des menaces pour mieux informer les victimes.

Je ne doute pas que nos débats feront honneur à la vigilance que nous devons avoir, en tant que législateur, pour que les moyens déployés préservent les grands principes qui organisent nos droits et libertés en matière de vie privée, de communication, d'entrepreneuriat et de neutralité d'internet. Les articles qui nous sont délégués respectent ces principes en ce qu'ils approfondissent les procédures existantes, permettant de poursuivre la sécurisation de nos systèmes d'information et la neutralisation des menaces comportant un risque pour la sécurité nationale, avec un cadre juridique et des garanties du respect de nos libertés. Cet équilibre fondamental requiert un arbitrage complexe face à des menaces nouvelles, susceptibles de toucher des secteurs stratégiques de notre économie et de nos services publics.

Nous estimons que si des améliorations sont possibles par l'apport de précisions dans le texte, les moyens proposés sont adaptés à la protection de nos intérêts fondamentaux.

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On ne peut que se féliciter que cette LPM aborde le sujet de la cybersécurité, trop souvent perçu comme secondaire alors que la menace cyber ne cesse de se développer, avec des violations de données personnelles en hausse de 79 % entre 2020 et 2021, un nombre d'intrusions dans des systèmes d'information en progression de 37 % et des notifications à la plateforme gouvernementale de signalement en croissance de 65 %. Plus d'attaques sont déclarées chaque jour, pour toujours plus de victimes. Entreprises, particuliers, autorités publiques : nous sommes tous des cibles potentielles. En tant que député de l'Hérault, je n'ai pu ignorer la cyberattaque qui a paralysé la mairie de Frontignan durant des semaines. Elle n'est qu'un exemple des dommages dévastateurs causés par des hackers. Elle illustre la nécessité urgente de se doter des moyens de répliquer, et de détecter les menaces en amont. Ces sujets doivent faire l'objet d'une attention accrue de l'Assemblée. L'occasion nous en est fournie par l'examen des articles qui nous sont délégués au fond.

Au Rassemblement national, nous estimons que la recherche du juste équilibre entre libertés publiques et sauvegarde de la sécurité nationale doit être notre fer de lance, notre boussole pour l'élaboration de notre politique cyber. Protéger les données contre les attaques est nécessaire, mais pas à n'importe quel prix. Aussi les articles 34 et 35, qui confèrent à l'Anssi un pouvoir démesuré de collecte de données, font-ils l'objet d'amendements d'appel visant leur suppression.

L'article 33 prévoit que les opérateurs de télécommunications transmettent leurs données de cache à l'Anssi à des fins de détection des cyberattaques. S'il est voté, des copies de serveurs entiers pourront être transmises à une agence gouvernementale sans décision de justice.

L'article 35 est tout aussi intrusif puisqu'il prévoit la possibilité pour l'Anssi de se faire transmettre des données de contenus d'utilisateurs. Il s'applique en cas de menaces pouvant porter atteinte aux systèmes d'information d'opérateurs d'importance vitale. L'intention de protection des domaines sensibles contre les cyberattaques est louable, mais ses implications sont désastreuses.

L'article 34 oblige les éditeurs de logiciel à déclarer à l'Anssi leurs vulnérabilités et leurs incidents cyber et à avertir leurs utilisateurs. C'est très bien, mais comment justifier la possibilité donnée à cette agence de publier les vulnérabilités si les éditeurs n'informent pas les utilisateurs ? Cette publication exposerait les entreprises à des attaques en règle des hackers, qui s'en donneraient à cœur joie ! Elle est pensée comme une épée de Damoclès pesant sur les entreprises, s'apparentant ainsi à une méthode de hackers. Ce n'est pas la vision de la cybersécurité que le Rassemblement national entend faire valoir. Pour une obligation non respectée, une sanction doit être prononcée par un juge indépendant et impartial. Pour une liberté atteinte, une garantie solide doit être apportée. Pour une mesure proposée, l'applicabilité concrète doit être assurée. Telle est la position de bon sens que nous défendons et que nous traduirons dans nos amendements et dans nos votes.

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La loi de programmation militaire est pour le moins floue dans son périmètre et ses objectifs politiques, sans compter que l'étude d'impact n'apporte pas de réel éclairage. Vous en avez d'ailleurs fait état, madame la rapporteure pour avis, en indiquant que l'Arcep ignorait si elle aurait les moyens de remplir ses nouvelles obligations. Le sentiment est celui d'un texte rédigé à la va-vite. S'agissant des questions de ressources humaines, l'avis du Conseil d'État laisse perplexe puisqu'il évoque de potentiels ajustements en cours de route et en fonction de la politique salariale du ministère. Cela laisse entendre qu'il serait possible de faire des plans sociaux au sein du ministère des armées.

Le flou demeure concernant les articles qui nous sont délégués et les moyens supplémentaires prévus pour lutter contre les attaques sur internet.

L'article 32 prévoit le blocage du nom de domaine en passant par les fournisseurs d'accès à internet si la personne de bonne foi ne prend pas les mesures préconisées par l'Anssi. L'étude d'impact liste tout ce qui peut déjà être fait en l'état actuel du droit, mais elle conclut qu'il faut une loi pour permettre toutes ces actions, sans justifier pourquoi elles ne peuvent pas être effectuées aujourd'hui. Une explication simple est nécessaire ! Pourquoi n'est-il pas possible d'appliquer les mesures existantes ? Qui plus est, cet article reprend des dispositions inscrites dans d'autres textes, par exemple le projet de loi relatif aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024, qui prévoit un délai à quarante-huit heures pour obtempérer. Cela fait penser au délai de vingt-quatre heures pour retirer un contenu dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, sans recours a priori à un juge. Certes, le recours a posteriori reste possible dans un État de droit ; mais quand le temps ne permet pas de faire un recours, ce n'est qu'une garantie de façade.

Il est également étrange d'observer qu'au détour d'un alinéa, on prévoit de conserver des données pendant dix ans, à des fins de recherche et de meilleure compréhension des systèmes. On connaît ce type d'article ! Vous avez évoqué les fleurons français de cette industrie de la cybersécurité en précisant qu'il ne faudra pas les oublier au moment de légiférer – et pour cause, ce marché lucratif a besoin de données complémentaires pour améliorer ses systèmes en vue de les vendre à la France, qui paie rubis sur l'ongle, mais aussi à l'international. Ce n'est pas exactement la conception que nous avons de la cybersécurité. Notre souveraineté, y compris pour les solutions numériques que nous utilisons, nous semble indispensable.

Vous utilisez une fois encore les mêmes recherches : donner toujours plus de moyens à toujours plus d'entités, sans garantie supplémentaire et avec pour seul argument un argument d'autorité selon lequel les services en ont besoin, la situation l'exige et le monde a évolué. Ces considérations sont avancées pour chaque texte de loi, mais le monde évolue en permanence, hier était hier et demain sera demain. Au-delà de ces tautologies, il faudrait s'intéresser au fond à la manière de garantir nos libertés fondamentales, y compris dans le cadre de la sécurité nationale.

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Nous voyons arriver cette LPM avec beaucoup d'intérêt. Au-delà de la défense, elle aborde des enjeux transversaux.

Des rapporteurs pour avis ont été désignés, notamment au sein de la commission des finances. Le budget de 413 milliards interroge, dans un contexte d'inflation galopante. Rien ne dit que l'inflation perdurera de nombreuses années mais, au rythme où vont les choses, des dizaines et des centaines de millions, pour ne pas dire des milliards cumulés viendront amputer ce projet ambitieux. Il ne faudrait pas que nous nous retrouvions « déshabillés » en cours de route. Certes, c'est souvent le problème des lois de programmation militaire. Prévoir l'avenir est compliqué, et en assurer le financement plus encore.

Nous avons aussi les avis de la commission des affaires étrangères – nous voyons bien pourquoi – et de la commission de lois pour les sujets qui ont trait à la cybersécurité.

Je serais moins critique que certains de mes collègues, notamment celui qui vient de s'exprimer, même si un point d'équilibre doit être trouvé entre les nécessités absolues de défense et celles des libertés individuelles et publiques. Le cyber monte en puissance, nous le constatons aux portes de chez nous, en Ukraine, et ailleurs. Nos armées européennes, internationales et françaises ont besoin de s'adapter. Nous devons revoir nos stratégies et devenir performants en matière de cyber. Il n'existe pas de liberté sans sécurité. Le rôle indispensable de nos armées et de nos militaires et leur engagement doivent ainsi être salués. Mais « l'état de défense » ne peut pas tout justifier ; or c'est cette porte étroite vers laquelle nous mènent les articles 32 à 35, qui sont à parfaire. Ce n'est pas être un antimilitariste ou un humaniste à tout crin et naïf des enjeux de cybersécurité que de l'affirmer.

Nous pouvons rendre l'ouvrage perfectible, mais il va dans le bon sens. Vous pouvez donc compter sur la détermination du groupe Les Républicains pour s'associer à ce travail dans l'intérêt supérieur de la nation.

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Le relèvement du niveau de la menace cyber oblige notre pays à renforcer ses capacités opérationnelles dans sa gestion de la cyberdéfense. Du fait de la connaissance des cyberattaquants et de leur expertise des mécanismes, mais aussi des dégâts que peuvent causer les attaques informatiques, on ne peut que comprendre et partager le souci du Gouvernement de renforcer les capacités nationales de détection, de caractérisation et de prévention des attaques informatiques.

Il nous appartient de légiférer à dessein et d'assurer un juste équilibre entre la préservation de la sécurité nationale, les libertés publiques et la liberté d'entreprendre de nos opérateurs économiques, et d'éviter toute distorsion de concurrence. Cet équilibre n'est pas aisé à trouver mais nous espérons y parvenir à chacun des stades de la navette parlementaire. Notre groupe y est particulièrement attaché.

Je salue le travail de la rapporteure pour avis, qui a su saisir les enjeux inhérents au texte et nous proposera des amendements permettant de dissiper les doutes que nous pouvons avoir en l'état de la rédaction. Mes amendements de suppression doivent être compris comme un vecteur de discussion. J'entends qu'ils le restent, comme les amendements des rapporteurs et, le cas échéant, du Gouvernement en séance, en vue d'un encadrement nécessaire à la préservation de nos libertés publiques, objectif concomitant au maintien des capacités opérationnelles idoines.

Les contributions attendues de l'écosystème privé pour renforcer ces capacités semblent parfois démesurées, voire illusoires compte tenu des moyens techniques, matériels et humains dont disposent les opérateurs, sans évaluation des coûts significatifs que l'application de ces articles entraînerait.

Nous regrettons que certains dispositifs ne soient pas suffisamment détaillés. Cela nous contraint à nous interroger quant à leurs conséquences pour la protection des libertés publiques, notamment du fait de l'absence de contrôle d'une autorité judiciaire ou administrative comme la CNCTR, la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, et d'atteintes au secret des correspondances dont le législateur est garant.

L'extension des motifs au titre desquels l'Anssi serait habilitée à déployer ses nouvelles compétences pose aussi de nombreuses questions. En outre, on ne peut que souscrire au constat de l'Arcep dans son avis n° 2023-0542, selon lequel « en fonction de la nature et du volume des données concernées par ces demandes, les utilisateurs pourraient questionner leur choix de fournisseur d'accès à internet ou de services numériques ce qui, in fine, pourrait avoir des effets sur le modèle d'affaires de ces acteurs et conduire à des distorsions concurrentielles avec des acteurs, par exemple extraterritoriaux, qui ne sont pas eux-mêmes soumis à ces obligations ».

Pour ces raisons, le groupe MODEM et indépendants soutiendra les articles ici examinés, à la condition qu'ils soient raisonnablement encadrés – en particulier les articles 33 et 35. Par exemple, à l'article 33, le fait que l'Anssi soit habilitée à adresser ses demandes « aux seules fins de détecter et de caractériser des attaques informatiques » interroge quant à l'ampleur du dispositif, bien au-delà d'un périmètre circonscrit à la protection de la sécurité nationale.

C'est en ce sens que nous avons déposé, au stade de la commission, les amendements qui nous semblent nécessaires pour rééquilibrer en partie le texte. Ce travail sera à poursuivre pour la séance en vue de corriger les angles morts. La rapporteure et le Gouvernement s'y sont engagés. Nous y serons très vigilants.

Nous proposons un amendement additionnel avec le groupe Horizons et apparentés, pour permettre aux opérateurs d'importance vitale (OVI) et aux opérateurs de services essentiels (OSE) d'être plus résistants. Nous y attachons une grande importance.

Je salue aussi le travail de coconstruction que nous avons mené avec mes collègues de la majorité, en particulier Clara Chassaniol et Anne Le Hénanff.

À ce stade, et sous ces réserves, nous sommes favorables au texte.

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La LPM est importante dans le contexte actuel. Elle est aussi marquée par les incertitudes et les aléas à venir. Ces aléas sont à la fois financiers – les besoins sont chiffrés, mais pas documentés concernant les crédits –, politiques – plusieurs scrutins sont attendus –, économiques – avec le risque inflationniste – et internationaux. En outre, des incertitudes demeurent concernant les reports d'objectifs, s'agissant des capacités, des équipements, des ressources humaines et de la trajectoire d'embauche, puisque la modernisation des armées en la matière sera repoussée non plus à 2030 mais à l'horizon 2035. Enfin, le caractère évolutif du texte n'est pas négligeable. Le ministre a d'ailleurs pris soin de mentionner que, malgré sa vocation à être respecté, le projet de LPM doit être vu comme un plancher et non un plafond.

S'agissant des articles qui nous sont délégués sur le fond, l'irruption d'internet dans nos vies depuis une trentaine d'années a offert des possibilités d'échanges quasi illimitées, mais ouvre aussi des possibilités de contournement et d'attaque. Les cyberattaques se développent de manière exponentielle. Outre le domaine militaire, les services publics, les hôpitaux et les collectivités territoriales sont attaqués. Lille a ainsi subi une cyberattaque il y a quelques semaines, dont nous devrions sortir dans plusieurs mois. Internet sert aussi à faire pression. C'est également un outil de paralysie et de guerre.

Cette évolution de la situation sur le front des cyberattaques justifie le renforcement des compétences et des interventions de l'Anssi. Mais ces prérogatives nouvelles sont loin d'être anodines, dès lors qu'elles touchent aux droits humains et aux libertés fondamentales. Il importe d'apporter, par des amendements, des garanties légales et de transparence. Les pouvoirs nouveaux qui seraient donnés à l'Anssi doivent pouvoir être évalués et communiqués de la manière la plus transparente possible.

Nous donnerons un accord global sur le texte et sur la nature des articles qui nous sont délégués sur le fond, à condition qu'ils soient cadrés par des amendements.

Présidence de M. Sacha Houlié, président.

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En ma qualité de membre de commission de la défense et des forces armées, je rappelle que la sécurité et la défense de notre pays doivent guider nos débats. La LPM alloue pas moins de 4 milliards d'euros pour le volet cyber dans son ensemble, soit une augmentation de 300 % par rapport à la dernière LPM. Ce montant, de même que le chapitre V du titre II, témoigne de la volonté du Gouvernement de faire de la cybersécurité une priorité. L'effort stratégique et budgétaire est réel, signe que nous avons pris en compte l'évolution du contexte mondial.

Le groupe Horizons et apparentés est conscient que le cyberespace est un champ de bataille à part entière et que la France doit s'armer pour répondre à cette nouvelle forme de guerre. La sécurité des systèmes d'information est un enjeu stratégique majeur, justifiant à lui seul les quatre articles du chapitre V. Ces articles ont pour objectif de renforcer les prérogatives et les moyens de l'Anssi, agence ô combien essentielle dans la protection de nos systèmes d'information depuis sa création. Notre groupe se réjouit que, grâce à ces dispositions, l'Anssi puisse accroître sa connaissance des modes opératoires des cyberattaquants pour mieux remédier aux effets de leurs attaques et alerter plus efficacement les victimes des incidents ou des menaces pensant sur leurs systèmes d'information. Toutefois, ce renforcement ne doit pas se faire sans garantie et sans un encadrement strict et clair. Aussi notre groupe a-t-il déposé plusieurs amendements visant à apporter des précisions, à encadrer plus finement certaines dispositions et à demander des clarifications dans la rédaction du texte.

Par exemple, nous jugeons essentielle la conservation de l'assermentation des agents de l'Anssi, l'inscription dans la loi de la définition d'un éditeur de logiciels ou la précision de critères, dans les décrets en Conseil d'État, de l'application des dispositions.

Sous ces réserves, notre groupe s'exprimera en faveur de chaque article du chapitre V.

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La matière qui nous occupe requiert notre plus grande vigilance. La diffusion du numérique dans nos vies quotidiennes nous expose à de nouvelles menaces, susceptibles de paralyser notre pays.

Il faut renforcer nos moyens de contrer les cyberattaquants et veiller à mieux alerter les victimes. Cette question ne fait pas débat. Mais nous devons aussi faire preuve de discernement, car nous ne voulons pas d'une société de surveillance généralisée. Nous assistons, avec ce texte, à une extension non négligeable des moyens d'intrusion de l'État dans la vie privée de nos concitoyens. Les techniques de renseignement qu'institue ce texte sont placées entre les mains d'une autorité, l'Anssi, qui est tout sauf indépendante puisqu'elle est placée sous l'autorité directe de la Première ministre. En outre, elle agit dans un cadre préventif duquel l'autorité judiciaire a totalement été écartée. C'est, encore une fois, une conception très « Ve République » de la séparation des pouvoirs !

Dans ce contexte, on est en droit d'attendre des précisions quant aux finalités des procédés envisagés et quant aux contrôles dont ils devraient faire l'objet. Or rien de tout cela n'est prévu. Les objectifs sont flous. La nature des données collectées n'est pas précise. Les contre-pouvoirs ne sont pas là, ou pas opérationnels. Les personnes surveillées ne sont pas en situation de se défendre. Ce n'est pourtant pas faute d'avoir été alertés en amont du dépôt du texte, notamment par l'Arcep qui s'est montrée très réservée quant à l'ampleur des prérogatives confiées à l'Anssi. Et que dire des nombreuses réserves de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, la Cnil, que le Gouvernement n'a pas même pris la peine de consulter ?

Des garde-fous doivent être installés. C'est le sens des amendements déposés par le groupe Écologiste-NUPES. En l'état, ce texte n'est pas satisfaisant. Notre vote dépendra de la capacité du Parlement à se rapprocher du juste équilibre entre la sécurité et la protection des libertés.

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Le pouvoir de recueillir des données relatives aux individus et d'en faire usage prend de multiples formes. Alors que chaque citoyen cède une part croissante de ses données, la question du choix éclairé volontaire de cette cession n'a plus sa place dans la société du tout-dématérialisé qui s'installe insidieusement. L'enjeu sécuritaire qui transparaît à travers l'accélération phénoménale de la dématérialisation et du transit de données devrait justifier que le pouvoir de collecter des informations revienne à la puissance publique, car ce pouvoir constitue un moyen de garantir la sécurité de tous.

La logique des articles qui nous sont délégués est la bonne, puisqu'elle vise à prévoir plutôt que guérir et à instaurer plus de transparence à l'égard des clients lésés et des victimes de cyberattaques. Mais l'enjeu sécuritaire soulève trois interrogations. Quel est le degré de sécurité souhaitable ? Quels seraient les moyens les plus efficaces pour l'atteindre ? Jusqu'à quel point est-il acceptable que les moyens déployés pour l'atteindre touchent nos libertés individuelles ? Les réponses apportées par l'article 32 ne vont pas dans le bon sens. Permettre à l'Anssi d'obliger les fournisseurs d'accès à internet à bloquer les sites web sans passer par une décision de justice est un contournement du pouvoir judiciaire. Nous avions observé le même phénomène lors de l'examen de la Lopmi, qui instaurait au travers de l'extension des amendes délictuelles forfaitaires un principe de saisine du juge uniquement a posteriori et en cas de contestation. La même logique sera à l'œuvre à travers le projet de loi présenté ce matin en Conseil des ministres, texte dont l'objet, sécuriser et réguler l'espace numérique, donnera à l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) des pouvoirs élargis, parmi lesquels celui d'ordonner le blocage de certains sites sans l'intervention d'un juge.

Le chapitre V du titre II est un condensé de mécanismes défaillants. On acte qu'il « met le paquet » sur les moyens matériels au détriment des moyens humains. Pour ne pas avoir à embaucher plus d'agents de justice qui pourraient se prononcer en amont de toute opération de blocage, on se passe de toute décision de justice a priori. Et pour terminer cette belle opération de passe-passe, on se cache derrière des garanties a posteriori sans détailler la façon dont seront traitées les contestations.

Le budget de l'éducation nationale s'élève à 59 milliards d'euros. À compter de 2028, celui de l'armée représentera 60 milliards d'euros. Il est même prévu qu'il atteigne 69 milliards d'euros en 2030. Si l'on part du principe que le budget de l'éducation nationale évoluera moins vite que celui des armées, ce qui semble réaliste compte tenu de la politique menée, le budget militaire passera devant celui de l'éducation d'ici à la fin de la période couverte par la LPM. Certes, la cybercriminalité et les attaques extérieures nécessitent des réponses rapides. L'Anssi doit pouvoir faire preuve de réactivité. Mais il faut arrêter de tout sacrifier, à commencer par l'éducation de nos enfants, nos libertés, notre accès à la justice et, plus largement, la survie de nos services publics.

Nous approuvons l'objectif du texte, en l'occurrence la sécurité face aux cyberattaques et aux personnalités numériques à risque, et les moyens pour l'atteindre, à savoir la prévention, la surveillance et l'anticipation. Mais la chasse aux métadonnées lancée depuis les attentats de Paris de janvier 2015 semble entraîner un dévoiement progressif de la notion de suspicion légitime, qui se traduit par une collecte indifférenciée de nos données numériques. C'est pour ces raisons que l'accord d'un juge devrait rester le principe et non l'exception.

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Merci d'avoir pris conscience des menaces auxquelles nous faisons face.

Au sein la commission de la défense et des forces armées, dont je suis issue, les décisions sont souvent consensuelles. Nous agissons, malgré nos différences, de manière transpartisane pour préserver les intérêts de la nation. J'espère que nous parviendrons à trouver ici l'équilibre que vous appelez de vos vœux, bien qu'il ne soit pas très facile de bien placer le curseur. Je suis, moi aussi, attachée aux libertés fondamentales et je n'ai pas envie de vivre dans un État policier. En revanche, nous devons nous doter d'outils pour nous défendre, dans ce monde où les menaces sont hybrides et protéiformes et où la technologie avance à grands pas, et donner à nos entreprises la capacité d'entreprendre.

Je vous remercie pour vos interventions, et j'espère que nous parviendrons à améliorer le texte.

Article 32 (Art. L. 2321-2-3 [nouveau] du code de la défense) : Prescription par l'ANSSI de mesures affectant les noms de domaine en cas de menace susceptible de porter atteinte à la sécurité nationale

Amendement CL56 de M. Jérémie Iordanoff.

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Dans sa rédaction actuelle, l'article 32 permet à l'Anssi d'imposer des mesures de filtrage des noms de domaine en cas de menace susceptible de porter atteinte à la sécurité nationale.

Lors de son audition, la Cnil nous a alertés sur le caractère indéterminé de la notion de « sécurité nationale ». Compte tenu de l'impact de ces mesures sur la liberté de communication, il faut absolument clarifier les finalités en vue desquelles l'Anssi peut agir.

Il nous semble donc utile de suivre les recommandations de la Cnil en faisant référence au code de la sécurité intérieure, qui définit de manière précise la notion d'« intérêts fondamentaux de la nation ».

Nous faisons le choix d'uniquement renvoyer aux trois premiers paragraphes de l'article L. 811-3 du code de la sécurité intérieure concernant notamment l'indépendance nationale, les intérêts majeurs de la politique étrangère ainsi que les intérêts économiques, industriels et scientifiques majeurs de la France.

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Je suis défavorable à votre amendement pour deux raisons. D'une part, sa rédaction ne permet pas nécessairement de couvrir certaines cibles privilégiées des cyberattaquants, comme les collectivités territoriales et les hôpitaux. D'autre part, cet amendement reprend une définition figurant dans le code de la sécurité intérieure et une rédaction qui concerne, à ce stade, les services de renseignement.

Ce mélange de genres, malvenu, peut ouvrir la voie à un amalgame, l'Anssi étant un service de cyberdéfense et de cybersécurité, et non un service de renseignement. Elle n'a pas vocation à suivre des personnes et à identifier des auteurs, mais uniquement des victimes.

La rédaction actuelle, faisant référence aux menaces susceptibles de porter atteinte à la sécurité nationale, me convient davantage.

Au sujet de la Cnil, d'autres amendements ont pour objet de l'inclure davantage dans le dispositif.

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Je souscris à cet amendement qui s'inspire directement de l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

On peut mettre ce que l'on veut derrière l'expression de « sécurité nationale », et dans ce cas c'est l'arbitraire de celui qui gouverne qui finit par l'emporter. Or nous avons en la matière besoin de garanties, parce qu'il y a plusieurs droits, fondamentaux, qui sont en concurrence à l'instar du droit à la vie privée et d'autres libertés.

Nous sommes obligés de donner des garanties, à tout le moins si vous voulez éviter de passer sous les fourches caudines du Conseil constitutionnel.

Il est bienvenu de circonscrire le dispositif aux intérêts fondamentaux de la nation, même si j'ignorais que les hôpitaux n'en faisaient pas partie, compte tenu du caractère sensible des cyberattaques pour ces établissements – ou pour les collectivités territoriales. Sur ce sujet nous gagnerions à dresser une liste détaillée, afin de ne pas aller vers l'arbitraire.

Ça me fait sourire d'entendre qu'il ne faut pas faire référence aux services de renseignement. L'Anssi n'en est pas un, mais j'ose espérer qu'en cas de cyberattaque ces derniers sont prévenus et qu'un canal d'information, reliant ces deux acteurs, existe, d'autant que chacun est directement rattaché au Premier ministre – comme la CNCTR.

L'Anssi étant placée sous l'autorité du Premier ministre, nous sommes en droit d'exiger un certain nombre de garanties dès lors que ces données, on l'imagine, peuvent circuler ailleurs que là où elles sont censées le faire – sauf si vous pensez que l'on vit dans le monde parfait des Bisounours.

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Nous aurons cette discussion pour l'ensemble des articles, car la vraie question est de savoir si l'article 32 est le seul, parmi ceux qui nous sont délégués, à traiter de sécurité nationale. Le but est d'intégrer cette notion dans les articles 33, 34 et 35, qui n'y font pas référence, afin de mieux les encadrer.

Je partage aussi le point de vue de la rapporteure pour avis : la notion de sécurité nationale, plus large que celle d'intérêts fondamentaux, inclut les hôpitaux, les collectivités territoriales et certains opérateurs. Cette liste peut être réévaluée au fur et à mesure de la digitalisation d'un certain nombre d'acteurs qui, dès lors, pourraient devenir vulnérables.

Conserver l'expression de « sécurité nationale » me convient, à condition que nous puissions l'intégrer aux autres articles, ce qui conférerait une cohérence et une colonne vertébrale à l'ensemble des articles permettant une interprétation de cette notion, que pourrait préciser le Conseil constitutionnel grâce à une réserve d'interprétation.

Faire référence au renseignement, dans le cadre de la LPM, au sujet des vulnérabilités informatiques n'est pas de bon aloi, l'Anssi n'étant pas un service de renseignement.

Le groupe Démocrate votera contre cet amendement dans la mesure où la référence à la sécurité nationale paraît suffire, mais il souhaite intégrer cette notion aux articles 33, 34 et 35 également.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CL88 de Mme Sabine Thillaye.

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Cet amendement précise que le délai fixé par l'Anssi pour les mesures affectant les titulaires de noms de domaine qui sont de bonne foi doit prendre en considération leur nature et leurs contraintes opérationnelles.

Il vise ainsi à apporter davantage de proportionnalité au dispositif sans nuire à son intérêt opérationnel, et rappelle que l'Anssi mettra en œuvre un dialogue constructif avec les victimes.

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C'est vraiment la garantie pour se faire plaisir ! Le niveau de contrainte et d'obligation fixé par cet amendement est proche de la bonne volonté, alors que nous parlons de données sensibles, notamment celles des victimes de l'attaquant.

Cet article, dont le but est aussi d'identifier l'auteur de l'attaque et son mode opératoire, ne concerne pas les seules victimes, ce qui explique la durée, fixée à dix ans, de conservation des données. N'allez pas nous faire croire que vous recueillerez les données des victimes uniquement pour leur bien : le but est de retrouver les attaquants.

On peut se faire plaisir avec l'expression « qui tient compte de la nature », mais l'instance la plus à même de tenir compte de la nature de chaque cas tout en respectant les libertés fondamentales, c'est un juge !

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Vous confondez l'Anssi et les services de renseignement, lesquels n'ont aucunement besoin de l'Anssi pour agir.

Nous devons trouver une réponse à ces nouveaux phénomènes, les noms de domaine étant souvent le premier moyen, pour les attaquants, de s'infiltrer dans des machines.

La commission adopte l'amendement.

Elle adopte l'amendement rédactionnel CL71 de Mme Sabine Thillaye, rapporteure pour avis.

Amendement CL28 de Mme Anne Le Hénanff.

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Les bureaux d'enregistrement n'ont actuellement ni les moyens ni les outils techniques pour enregistrer, renouveler, suspendre et transférer un nom de domaine, contrairement aux offices d'enregistrement – appelés également « registres » – qui peuvent, à la source et de manière centralisée, effectuer ces opérations efficacement et immédiatement.

Cet article soulève en outre un problème de concurrence entre les bureaux d'enregistrement français et ceux établis hors de France. Face à la contrainte pesant sur les opérateurs établis dans notre pays, les demandeurs de noms de domaine pourraient être tentés de se tourner vers des acteurs étrangers, ce qui est contre-productif pour la filière française.

Cet amendement clarifie le fait que seuls les offices d'enregistrement sont concernés par les dispositions de l'article.

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J'émets un avis défavorable pour des raisons d'efficacité du dispositif, cet amendement prévoyant d'exclure les bureaux d'enregistrement du périmètre de l'article.

Ces derniers sont chargés de la commercialisation des noms de domaine, tandis que les offices d'enregistrement s'occupent de leur gestion – en France, l'Association française pour le nommage internet en coopération (Afnic) gère les noms de domaine nationaux.

Votre amendement conduirait à ne faire peser d'obligations que sur l'Afnic, donc à ne plus couvrir les noms de domaines ne revêtant pas un caractère national, alors qu'il n'y aura, chaque année, qu'une dizaine de demandes de compensation des surcoûts.

L'amendement est retiré.

La commission adopte l'amendement rédactionnel CL72 de Mme Sabine Thillaye, rapporteure pour avis.

Amendement CL41 de M. Philippe Latombe.

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Cet amendement a pour objet d'intégrer les moteurs de recherche dans la liste des opérateurs concernés par l'article 32.

L'Anssi nous rétorque que cela est inutile, car les moteurs de recherche, ne faisant que du Google bombing, ne relèvent pas de la sécurité nationale dans la mesure où il ne s'agit que d'atteintes aux individus.

Or, lorsque l'on interroge l'ensemble des entreprises travaillant dans le domaine de la cybersécurité, y compris des bugs bounties – prime aux bogues –, ils considèrent que les prochaines attaques seront plutôt du type drive-by download : un malware est téléchargé sur l'ordinateur dont l'utilisateur s'est rendu sur un site, et cet ordinateur peut ensuite être pris en main par un attaquant ou par un système de robots en vue d'une attaque par déni de service.

Ces difficultés sont propagées par les moteurs de recherche, puisqu'il suffit de bien référencer les sites infectés pour les rendre accessibles au public. Ainsi les ordinateurs individuels deviennent-ils des relais pour les attaques.

Il faut donc ici intégrer les moteurs de recherche. Si l'Anssi n'utilise pas cette disposition, tant mieux, mais la LPM prépare l'avenir : si les attaques de ce genre se multiplient, l'Anssi en aura besoin et nous n'aurons pas à légiférer à nouveau. Le législateur doit agir de manière prospective.

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La question a été soulevée lors des auditions que j'ai menées. L'intégration des moteurs de recherche dans le périmètre de cet article n'est techniquement pas utile.

L'Anssi ne cherche pas le déréférencement du contenu, mais le blocage immédiat de la menace en agissant à la source, à savoir le nom de domaine. Le but est d'empêcher le code malveillant des logiciels d'entrer en contact avec les systèmes d'information, ce qui ne passe pas, pour l'instant, par les moteurs de recherche.

L'inscription des moteurs de recherche dans l'article constitue donc un élargissement non justifié opérationnellement, d'autant que l'objectif est d'obtenir une rédaction équilibrée et proportionnée. Je reconnais néanmoins que j'étais partagée sur cette question.

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Je souhaite qu'on limite la portée des articles 32 à 35, comme je l'indiquais dans la discussion générale, mais cet élargissement répond à des enjeux opérationnels.

On commence à observer des attaques en drive-by download. Quand vous utilisez un célèbre moteur de recherche ayant deux « o » et deux « g », vous ne passez pas par des noms de domaine français, qui ont des blocages, et vous contournez donc le système.

Intégrer les moteurs de recherche dans cet article éviterait que des particuliers ou des entreprises puissent se connecter à ces sites, et que ces derniers téléchargent à leur insu des malwares qui permettent d'utiliser leur ordinateur pour réaliser des attaques par déni de service.

Avec ce travail de prospective, nous nous placerons dans le triptyque « “opérationnalité” du dispositif, préservation des libertés et minimisation des atteintes économiques ».

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Il ne s'agit effectivement pas de légiférer pour quelques mois : le principe d'une loi de programmation est de donner une visibilité à long terme.

Exprimer vos interrogations était très honnête de votre part, madame la rapporteure pour avis, et nous les partageons.

Cependant, au vu du rythme d'évolution des techniques et des technologies qui ont cours, je crois qu'il serait sage de faire droit à la demande de cet amendement qui protège l'intérêt collectif. Gouverner, c'est prévoir, c'est aussi anticiper.

La commission rejette l'amendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL73 et CL74 de Mme Sabine Thillaye, rapporteure pour avis.

Amendement CL42 de M. Philippe Latombe.

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Cet amendement, allant de pair avec l'amendement CL43 qui propose une échéance de « deux jours francs et ouvrés », permet à l'Anssi et aux opérateurs de négocier le délai imparti. Il faut laisser un peu de souplesse pour leur permettre de trouver une solution car, si les délais peuvent parfois être réduits à vingt-quatre heures, c'est parfois impossible, aux dires mêmes des opérateurs.

Nous instaurerions donc un délai maximal de deux jours ouvrés et francs, tout en laissant à l'Anssi et aux opérateurs une capacité de négociation, lesquels pourraient se sensibiliser au problème et discuter avec l'autorité nationale.

Suivant la recommandation de la rapporteure pour avis, la commission adopte l'amendement.

Amendements CL22 de M. Ugo Bernalicis, CL43 de M. Philippe Latombe et CL87 de Mme Sabine Thillaye (discussion commune).

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L'amendement CL22 interroge la pertinence du délai plancher de quarante-huit heures.

S'il est question de sécurité nationale, voire d'atteintes à des éléments vitaux du pays, il faudrait probablement réagir dans la demi-heure ou dans l'heure. Or ce n'est visiblement pas ce qui est prévu.

Le délai d'un référé-liberté est de soixante-douze heures. Comme vous n'imaginez pour ce dispositif que des recours a posteriori, vous pourriez faire en sorte que le délai de ces mesures corresponde à celui d'un référé-liberté, étant donné que le blocage d'un nom de domaine est une atteinte aux libertés, même dans le cas d'un usager de bonne foi utilisé par un tiers malveillant.

Il aurait peut-être fallu ajouter vingt-quatre heures supplémentaires à ce délai de soixante-douze heures afin de permettre à l'usager de faire valoir ses droits devant le magistrat et à ce dernier de trancher.

On voit bien comment le contrôle a posteriori des arrêtés d'interdiction de manifester prend forme : quand ce dernier est pris trois heures avant la manifestation, il est plus compliqué de faire valoir l'État de droit.

La question des délais appelle toute notre vigilance car il y va non seulement de l'opérabilité des techniques de l'Anssi, mais aussi du respect des droits fondamentaux.

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Un délai plancher de soixante-douze heures est particulièrement long, sachant que l'objectif des mesures est d'assurer la sécurité nationale face aux cyberattaquants, ce qui implique de la réactivité.

Mon amendement CL87, dans la recherche d'un équilibre entre l'impératif opérationnel des mesures et le soin d'éviter une charge trop lourde aux acteurs, prévoit plutôt un délai de deux jours ouvrés.

Il faut effectivement une garantie contre d'éventuelles décisions arbitraires de l'Anssi – ce à quoi je ne crois pas –, tout en garantissant un délai de réponse raisonnable.

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Il faut voter l'élargissement de la durée que propose M. Bernalicis.

Ce qui est envisagé met en cause l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui n'est pourtant pas mon préféré : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité. »

Cette loi met d'une certaine manière en cause le droit de propriété des noms de domaine. Quand vous attaquez ce droit, vous contrevenez à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Il faut donc une « nécessité publique légalement constatée », ce qui est le cas puisqu'il est question de sécurité, mais l'amendement de M. Bernalicis renforce la protection ce droit fondamental.

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Nous sommes dans le cadre d'une loi de programmation militaire. Idéalement, l'Anssi devrait pouvoir agir dans l'heure, mais l'amendement CL87 vise à ce que soient prises en compte les contraintes techniques, logistiques et humaines liées à l'opérateur – lequel n'aura pas le temps d'agir en une heure – tout en respectant les droits fondamentaux. Nous souscrivons donc à l'amendement proposé par la rapporteure pour avis.

La commission rejette successivement les amendements CL22 et CL43.

Elle adopte l'amendement CL87.

Amendement CL57 de M. Jérémie Iordanoff.

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Je profiterai de cette intervention pour répondre à Mme la rapporteure pour avis, au sujet de l'amendement CL56, que les collectivités territoriales ne sont a priori pas couvertes par l'Anssi.

Cet article, en lui attribuant des techniques de renseignement, entretient en outre la confusion entre les missions de l'Anssi et les techniques de renseignement.

L'amendement CL57 prévoit que les mesures prises ne peuvent intervenir qu'après que l'autorité nationale a mis la personne concernée en mesure de présenter ses observations et, le cas échéant, de régulariser sa situation.

Il découle de l'audition de la professeure Bertrand, qui nous a suggéré que la personne visée par les injonctions prises par l'Anssi n'est pas nécessairement de mauvaise foi, qu'elle peut régulariser sa situation et qu'elle a besoin de se défendre.

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Cet amendement alourdirait considérablement le dispositif puisque la personne concernée par la mesure devrait être sollicitée par l'Anssi et invitée à régulariser sa situation, ce qui suppose un certain délai de réponse.

L'applicabilité de cette disposition serait également problématique au cas où la personne responsable n'est pas joignable.

L'Anssi est là pour défendre les victimes et ne récolte a priori aucune donnée personnelle, contrairement aux services de renseignement.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CL6 de Mme Mélanie Thomin.

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L'amendement s'inscrit dans la lignée des propos de plusieurs collègues, dont M. Latombe : il vise à encadrer les prérogatives assez considérables conférées à l'Anssi, en prévoyant que les mesures que pourra prendre l'Agence devront recevoir au préalable un avis conforme de l'Arcep.

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Votre dispositif est particulièrement lourd pour l'Arcep et il devrait être réservé aux cas les plus délicats pour les libertés publiques.

S'agissant de la redirection du nom de domaine vers un serveur sécurisé de l'Anssi, l'article prévoit qu'une telle mesure ne peut excéder une durée de deux mois, reconductible une seule fois en cas de persistance de la menace et après avis de l'Arcep. Cette mesure doit cesser sans délai lorsque la menace est maîtrisée.

Les autres décisions sont également soumises au contrôle de l'Arcep, qui dispose d'un accès permanent aux données collectées par l'Anssi. En outre, l'ensemble des mesures susceptibles d'être ordonnées par l'Anssi pourront faire l'objet d'un recours devant le juge administratif, dans les conditions du droit commun. L'ensemble de ces garanties me paraît suffisant. Avis défavorable.

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Dès que l'on parle de donner des moyens juridiques et humains à une autorité comme l'Arcep pour garantir le respect des libertés fondamentales, vous dites qu'une telle mesure serait trop lourde et trop complexe même si elle ne nuit en rien à l'efficacité. On en est donc rendu à dire qu'il est trop lourd et trop complexe de garantir le respect des libertés fondamentales ! En revanche, pour voter la Lopmi et aligner des milliards d'euros pour développer de nouvelles techniques de renseignement, là, il n'y a aucun problème ! J'aimerais que l'on procède à un rééquilibrage.

Oui, assurer le respect des libertés fondamentales coûte de l'argent, mais c'est une question essentielle. J'en ai assez d'entendre toujours la même réponse sur le coût de ces mesures. À ce rythme, le respect des libertés fondamentales deviendra facultatif et dépendra de la disponibilité d'un juge et des moyens du requérant d'y accéder et de comprendre dans quel cadre il peut agir. On glisse tranquillement, au nom d'une sécurité nationale plus ou moins fantasmée, vers quelque chose qui ne ressemble plus à un État de droit.

Les collègues socialistes ne proposent pas la lune, mais une petite garantie apportée par une petite autorité administrative indépendante (AAI) : même ça, c'est trop pour vous !

La commission rejette l'amendement.

Elle adopte l'amendement rédactionnel CL75 de Mme Sabine Thillaye, raporteure pour avis.

Amendement CL5 de Mme Mélanie Thomin.

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Dans le même état d'esprit, nous proposons de compléter l'alinéa 11 par la phrase suivante : « Le contrôle juridictionnel sur les décisions prises au titre du présent article s'exerce notamment dans les conditions prévues à l'article L. 521-2 du code de justice administrative. » Nous souhaitons que les décisions prises dans le cadre de l'article 32 puissent être soumises au juge administratif au travers de la procédure du référé-liberté. Le juge des référés se prononce sur le fondement de deux critères : l'urgence et l'atteinte à une liberté fondamentale. L'objectif est de clarifier la loi pour que les acteurs concernés connaissent la procédure applicable.

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Votre demande est déjà satisfaite. Le référé-liberté est un recours que peut actionner tout justiciable ; le juge donnera une suite favorable à sa requête si plusieurs conditions, prévues à l'article L. 521-2 du code de justice administrative, sont remplies : l'administration doit avoir porté une atteinte grave à une liberté fondamentale, l'atteinte doit être manifestement illégale et imputable à une personne morale de droit public ou à un organisme de droit privé chargé d'un service public, enfin, il doit y avoir une urgence à agir pour faire pour faire cesser cette atteinte. L'avis est défavorable car il ne faut pas rendre la loi trop bavarde en lui faisant répéter des dispositifs qui existent déjà.

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Si le magistrat a quarante-huit heures pour se prononcer et que la personne doit obtempérer dans les quarante-huit heures suivant la demande de l'Anssi, quand l'individu pourra-t-il faire valoir ses droits et le juge étudier le dossier et se prononcer ? Le référé-liberté existe certes déjà, mais votre mesure attentatoire aux libertés ne sera pas placée dans la même partie du code ; or il est bon que le citoyen connaisse les voies et les délais de recours. En fait, il vaut mieux que l'attaque ait lieu un dimanche ou un jour férié car, comme le texte prévoit un délai de quarante-huit heures ouvrées, le citoyen bénéficiera, dans ce cas de figure, de vingt-quatre heures supplémentaires : nous allons poliment demander aux cyberattaquants d'agir un dimanche ou un jour férié afin de garantir l'État de droit.

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Nous avons eu le même débat lors de l'examen de la Lopmi et du projet de loi relatif aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024. Le référé-liberté existe déjà bien entendu, mais ce qui va sans dire va toujours mieux en le disant : inscrivons ce recours dans cette loi, de manière à ce que cette garantie apparaisse explicitement.

La commission rejette l'amendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL76, CL77 et CL78 de Mme Sabine Thillaye, rapporteure pour avis.

Amendement CL10 de Mme Mélanie Thomin.

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Cet amendement poursuit un objectif de transparence : puisque les compétences de l'Anssi sont largement élargies, nous souhaiterions disposer d'un rapport d'activité sur les conditions d'application et sur les résultats du nouveau dispositif. L'amendement n'est pas satisfait à ma connaissance.

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Je ne compte pas déroger au principe de la commission des lois selon lequel les amendements demandant des rapports sont systématiquement écartés. Ces derniers alourdissent la charge de travail de l'administration sans forcément améliorer l'information du Parlement.

Surtout, comme de coutume pour les lois les plus importantes, nous pourrons tout à fait nous saisir de ce sujet dans le cadre des prérogatives de contrôle du Parlement et procéder à l'évaluation de l'ensemble de la loi – pas uniquement de l'article 32 – plusieurs années après son entrée en vigueur. Nous apprécierons ainsi bien mieux le fonctionnement des dispositifs des articles 32 à 35.

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C'est le président socialiste de la commission Jean-Jacques Urvoas qui avait établi ce principe de refuser les rapports.

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C'est le passé, monsieur le président, et ce principe ne figure pas dans le règlement.

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Il nous est arrivé, dans cette commission, d'adopter des amendements demandant la transmission d'un rapport au Parlement. Ce qui est vrai, c'est que le Gouvernement ne les remet pas forcément. Il me semble que dans le projet de loi relatif aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024, la commission a adopté une disposition visant à ce que la Cour des comptes élabore un rapport, cette disposition étant présentée comme une garantie – même si j'ai bien compris que les garanties ne constituaient pas le cœur de votre politique. Il serait en effet préférable que le Parlement effectue lui-même ce genre de contrôle, encore faudrait-il qu'il en ait les moyens.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CL23 de M. Ugo Bernalicis.

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L'Anssi pourra conserver les données qu'elle aura recueillies pendant dix ans pour connaître, comprendre et analyser les attaques et les attaquants. Je ne comprends pas le choix de cette durée. Pourquoi pas deux ans ? Pourquoi pas l'éternité ? Au milieu de l'article qui prévoit des dispositifs opérationnels concrets, vous insérez une mesure de conservation des données pendant dix ans.

Cette durée est disproportionnée, d'autant que l'Anssi peut déjà collecter des données, certes dans un cadre plus restreint, notamment dans le temps, et plus contraint. Le droit existant suffit largement.

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Je ne suis pas favorable à votre amendement car son adoption supprimerait les modalités encadrant la conservation des données recueillies au titre de l'article 32 : ce serait juridiquement très insécurisant et ne répondrait probablement pas à votre souhait.

J'entends qu'il s'agit plutôt d'un amendement d'appel, qui entend s'opposer aux nouvelles autorisations en matière de collecte de données sans motif légitime apparent. Or l'alinéa visé concerne les cas où des cyberattaquants ont sciemment exploité un nom de domaine pour porter atteinte à la sécurité nationale. Il s'agit d'obtenir des éléments sur le comportement de l'attaquant et sur son mode opératoire afin de neutraliser la menace, identifier les victimes et mieux prévenir les attaques. L'alinéa 14 prévoit justement des délais de conservation limités, toujours sous le contrôle de l'Arcep. D'ailleurs, dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d'État observe que le dispositif envisagé est justifié par la sauvegarde des intérêts de la nation et par la prévention des atteintes à l'ordre public. En outre, un prochain amendement vise à réduire la durée de conservation des données.

La commission rejette l'amendement.

Amendements CL50 de Mme Clara Chassaniol et CL104 de Mme Sabine Thillaye (discussion commune).

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Mon amendement vise à réduire à deux ans le délai de conservation des données directement utiles à la caractérisation des menaces recueillies par l'Anssi, par parallélisme avec l'article 35, même si le type de données diffère dans ces deux articles. La rapporteure pour avis a déposé un amendement prévoyant un délai de cinq ans, qui permettra de vérifier l'antériorité de certaines menaces sans conserver trop longtemps les données recueillies. Je retire mon amendement à son profit.

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Le délai de conservation des données de dix ans paraissant trop long et celui de deux ans semblant à l'inverse trop court, j'ai déposé un amendement visant à le porter à cinq ans pour trouver un équilibre.

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Un délai de cinq ans est certes préférable à un délai de dix ans, mais on peut encore lui préférer un délai de deux ans. Pourquoi proposez-vous cinq ans ? Les cyberattaquants récidivistes agissent-ils en moyenne pendant cinq ans ? L'alinéa 14 prévoit la destruction sans délai des données inutiles à la caractérisation de la menace, à l'exception de celles permettant d'identifier les utilisateurs ou les détenteurs des systèmes d'information menacés : pourquoi cette disposition ne s'applique-t-elle pas à toutes les données, le cas échéant en prévoyant une conservation de deux ans pour certains éléments spécifiques ? Ne cherche-t-on pas à disposer de jeux de données pour alimenter des logiciels utilisant des algorithmes visant à détecter des menaces ? J'aimerais comprendre car, sans raison objective et rationnelle, il est dangereux de donner des prérogatives insuffisamment encadrées à un organisme.

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Le délai de cinq ans n'est pas arbitraire : l'Anssi a besoin de s'appuyer, dans ses recherches d'antériorité, sur des éléments liés à des attaques passées. L'Agence a concédé qu'un délai de dix ans était trop long, mais qu'une durée de deux ans ne lui permettrait pas d'agir efficacement. Le délai de cinq ans est le compromis résultant de notre discussion avec l'Agence.

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Les délais de conservation des données sont nécessaires : dans ce domaine bien précis, nous faisons face à des terroristes qui agissent en ligne, et les délais visent à prévenir les récidives et à anticiper les menaces ; ils permettent de croiser les informations sur les menaces, les attaquants et les filières agissant en Europe. Voilà ce qui justifie la conservation des données ; quant à la durée, la fixer à cinq ans me paraît raisonnable.

L'amendement CL50 est retiré.

La commission adopte l'amendement CL104.

Elle adopte l'amendement rédactionnel CL79 de Mme Sabine Thillaye, rapporteure pour avis.

Amendement CL58 de M. Jérémie Iordanoff.

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La célérité et l'efficacité ne doivent pas être réservées au pouvoir exécutif, elles doivent aussi bénéficier à la justice. Le but de cet amendement est de garantir un accès rapide au juge administratif pour les personnes visées par les injonctions de l'Anssi ; il vise ainsi à instaurer des règles spéciales de contentieux administratif sur le modèle des dispositions de la loi du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat concernant la prévention de la diffusion de contenus à caractère terroriste en ligne.

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Votre amendement prévoit de créer un cadre dérogatoire au droit commun permettant au justiciable de saisir le juge administratif dans des délais très brefs. J'y suis opposée car un recours rapide existe déjà dans notre droit : si les critères sont remplis, en particulier ceux relatifs à l'urgence et à l'atteinte à une liberté fondamentale, toute personne pourra obtenir la suspension d'une mesure dans le cadre du référé-liberté, ce qui me semble être une garantie particulièrement forte, d'autant que le juge se prononce dans un délai de quarante-huit heures.

Par ailleurs, il existe d'autres dispositifs de blocage administratif dans notre droit, et introduire des procédures contentieuses différentes pour chacun d'entre eux nuit à la lisibilité de la loi. Avis défavorable.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CL59 de M. Jérémie Iordanoff, amendements identiques CL24 de M. Ugo Bernalicis, CL44 de M. Philippe Latombe et CL96 de Mme Sabine Thillaye (discussion commune).

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L'amendement CL59 est presque rédactionnel. Il n'a échappé à personne que l'article 32 présentait des enjeux évidents de protection des données personnelles. Il m'apparaît donc logique que la Cnil soit consultée dans la phase d'élaboration du décret d'application de l'article.

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Le dispositif de l'article 32 autorise l'Anssi à recueillir et à conserver des données personnelles : ne pas prévoir de consultation de la Cnil dans un tel cadre est soit un oubli, soit la traduction d'une volonté de brouiller la frontière séparant les compétences de la Cnil de celles de l'Arcep, afin de faire croire que cette dernière est suffisamment outillée pour gérer les données personnelles. Peut-être souhaitez-vous démanteler progressivement la Cnil pour transférer ses missions à d'autres autorités aux ambitions différentes – il faut dire que le Gouvernement n'a toujours pas remis les rapports sur la vidéosurveillance qu'il doit à la Cnil depuis 2014.

Pourquoi cet oubli du Gouvernement, que la rapporteure pour avis souhaite également combler ?

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L'amendement est identique et fait l'unanimité. La rapporteure pour avis propose également d'intégrer la Cnil dans le dispositif : il s'agit d'une mesure de transparence et de protection de nos concitoyens pertinente. L'adoption de cet amendement rendra l'article 32 plus compatible avec les libertés publiques et individuelles.

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Monsieur Iordanoff, je vous propose de retirer votre amendement au profit des trois amendements identiques.

L'amendement CL59 est retiré.

La commission adopte les amendements identiques CL24, CL44 et CL96.

Amendement CL40 de M. Philippe Latombe.

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Lors des auditions, les opérateurs nous ont dit que les demandes de l'Anssi, dont le volume ne figure pas dans l'étude d'impact, engendreront non pas des surcoûts mais des coûts. Il serait logique que l'Anssi indemnise ces derniers et pas seulement les premiers. Or les opérateurs font face à de la concurrence et doivent effectuer des investissements assez lourds au profit de nos concitoyens. L'indemnisation des demandes de l'Anssi doit donc être juste.

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De nombreux acteurs économiques ont en effet soulevé cette question ; je comprends le sens de votre amendement, mais il me semble que les efforts d'investissement dans les réseaux doivent être supportés par les opérateurs, à charge pour l'État de compenser les surcoûts liés à l'exploitation de ces infrastructures dans le cadre des prérogatives régaliennes. Je suis donc opposée à votre amendement, dont l'adoption pourrait représenter un coût très élevé pour les finances publiques, sans que cela paraisse justifié.

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Je ne peux pas laisser passer cette explication : l'étude d'impact ne nous donne aucune idée du volume des demandes de l'Anssi, donc il est impossible d'évaluer le coût et le surcoût que celles-ci représenteront pour les opérateurs. Votre seul argument est de dire que le dispositif contribuera à sécuriser les réseaux, ce qui bénéficiera aux opérateurs. L'État impose une charge à des opérateurs privés, qui doivent investir dans des nouvelles technologies pour améliorer leurs réseaux, mais vous refusez de la prendre en compte. C'est à l'Anssi de supporter le coût des demandes qu'elle adressera, ne serait-ce que pour la responsabiliser et la dissuader d'adresser en permanence des requêtes aux opérateurs.

Je pensais que nous avions un accord sur cette partie du texte : je vois que tel n'est pas le cas, j'en tirerai les conséquences.

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Je me suis appuyée sur l'argument de l'Anssi, qui n'évoque que vingt opérations par an, ce qui n'est pas beaucoup. Par ailleurs, le code des postes et des communications électroniques prévoit déjà le principe de prise en charge des surcoûts à d'autres articles.

La commission rejette l'amendement.

Suivant la préconisation de la rapporteure pour avis, la commission rejette l'amendement CL48 de M. Mounir Belhamiti.

Elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 32 modifié.

Article 33 : (Art. L. 2321-3-1 [nouveau] du code de la défense) : Transmission à l'ANSSI de données techniques non identifiantes aux fins de détection et de caractérisation des attaques informatiques

Amendements de suppression CL15 de M. Philippe Latombe et CL67 de M. Aurélien Lopez-Liguori.

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Comme je l'ai indiqué avant l'examen des amendements, l'article 33 marque une évolution qui ne me plaît pas. Nous devions apporter des corrections à la rédaction des articles 32 à 35 qui était trop large et insuffisamment encadrée. Or vous ne semblez pas vouloir la modifier, comme vient de le montrer l'examen de l'amendement précédent.

Je fais confiance à la rapporteure pour avis et au ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications – preuve de la portée de ces articles, ce sera lui qui sera au banc en séance publique et non le ministre des armées. Si jamais le dispositif n'était pas limité, il serait censuré par le Conseil constitutionnel car il touche à des libertés publiques et individuelles : or, selon l'article 34 de la Constitution, c'est notre rôle de trouver l'équilibre entre la garantie de ces libertés et l'intérêt national, en l'occurrence la sécurité des systèmes d'information. Si tous les amendements visant à restreindre le champ du dispositif étaient balayés parce que l'Anssi ou le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) n'en veulent pas et que l'on conservait la rédaction actuelle de l'article, nous serions confrontés à plusieurs problèmes.

Je retire l'amendement de suppression en restant vigilant ; j'en redéposerai un par précaution pour la séance publique, afin de m'assurer que les modalités dont nous avons parlé avec l'Anssi et le SGDSN lors des auditions soient bien mises en pratique.

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Nous ne faisons pas confiance au Gouvernement et nous maintenons notre amendement de suppression de l'article 33, qui prévoit la transmission à l'Anssi par les opérateurs de communication électronique des données de cache des systèmes de noms de domaine : l'Anssi, qui dépend du SGDSN placé sous l'autorité de la Première ministre, accédera à des données relatives aux utilisateurs de réseaux, qu'ils soient bienveillants ou non.

Le champ de l'article, particulièrement large, excède la protection de la sécurité nationale. Vous nous dites que l'adresse IP source n'est pas incluse dans le périmètre du dispositif, donc que les données recueillies ne seront pas identifiantes. Cela n'est pas suffisant et vous refusez que les utilisateurs des réseaux consentent à transmettre leurs données. Même si ces dernières sont de nature technique, des garanties sont nécessaires. Le groupe Rassemblement national est convaincu qu'il est possible de trouver un juste équilibre entre la protection des libertés et la sauvegarde de la sécurité des données, mais l'article en est loin. Même si la volonté de détecter les menaces est louable, le champ de l'article est trop large, d'où notre souhait de le supprimer.

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L'article 33 imposera aux fournisseurs de système de résolution de noms de domaine de transmettre régulièrement à l'Anssi des données techniques non identifiantes enregistrées temporairement sur les serveurs DNS, afin d'identifier les serveurs mis en place par les attaquants et établir la chronologie de leurs attaques. L'objectif est de mieux comprendre l'infrastructure utilisée par les cyberdélinquants et de mieux détecter et anticiper leurs attaques.

L'Anssi ne recueillera que les données techniques non identifiantes des serveurs, c'est-à-dire celles des machines, sans aucune personne physique derrière elles. En particulier, elle ne collectera pas les adresses IP sources, qui sont des données à caractère personnel. Par ailleurs, l'Arcep bénéficiera d'un accès permanent aux données collectées au titre de l'article, dans le cadre de ses prérogatives de contrôle. Elle sera d'ailleurs consultée en amont de la prise du décret d'application.

Je souhaite en revanche encadrer le dispositif de l'article en précisant dans la loi que les adresses IP sources ne seront pas collectées, en prévoyant que le décret d'application soit pris après avis de la Cnil, qui se prononcera ainsi sur le dispositif et s'assurera que les données collectées et traitées respectent les principes fondamentaux qui se rattachent à la protection des données à caractère personnel, et en portant à cinq ans la durée maximale de conservation des données collectées. Ces garanties permettent d'aboutir à un équilibre convenable. L'avis est défavorable sur ces deux amendements de suppression.

L'amendement CL15 est retiré.

La commission rejette l'amendement CL67.

Amendement CL47 de M. Philippe Latombe.

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Il vise à préciser que des données techniques non identifiantes peuvent être transmises à l'Anssi aux seules fins de garantir la défense et la sécurité nationales. Il est opportun d'expliciter et de circonscrire l'objectif du dispositif dans la loi, non pour la rendre bavarde mais pour ne pas laisser à l'Anssi, qui n'est pas une AAI, des prérogatives trop importantes.

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Je suis tout à fait d'accord avec l'objectif de cet amendement, qui est de limiter le périmètre du dispositif aux cas les plus graves, afin d'assurer la proportionnalité des obligations qu'il impose aux acteurs du numérique. Toutefois, la rédaction de l'amendement est imparfaite : je vous propose donc de le retirer et d'échanger avec le Gouvernement pour parvenir, d'ici à l'examen en séance publique, à une rédaction qui convienne à tous.

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Je maintiens l'amendement, quitte à le modifier d'ici à l'examen en séance. La commission des lois est saisie de sujets extrêmement techniques qui touchent aux libertés individuelles et publiques ; nous devons éclairer nos collègues en séance sur ces éléments. Je préfère que l'on améliore la rédaction une fois l'amendement adopté et non retiré : vous, ou le Gouvernement, pourrez déposer un amendement en séance publique modifiant la précision adoptée en commission.

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Je vais dans le sens de mon collègue Latombe : il importe d'encadrer le dispositif de transmission de données à l'Anssi. Peut-être la rédaction de l'amendement peut-elle évoluer d'ici à la séance publique, mais nous souhaitons que cette modification précise encore davantage la notion de sécurité nationale en dressant la liste des éléments qu'elle recouvre. Nous voterons en faveur de l'amendement.

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Je donne un avis favorable à l'amendement pour inviter le Gouvernement à entrer dans la négociation sur ce point. Il me paraît en effet utile de rattacher le dispositif à la défense et à la sécurité nationales. Je comprends également les arguments de l'Anssi, mais propose que nous travaillions à partir de cet amendement pour trouver une rédaction optimale d'ici à l'examen en séance.

La commission adopte l'amendement.

Amendement CL89 de Mme Sabine Thillaye.

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Je propose une simplification légistique. Il ressort des auditions que j'ai menées que seuls les fournisseurs de système de résolution de noms de domaine sont concernés par le dispositif : cibler l'ensemble des opérateurs de communications électroniques ne paraît dès lors plus utile. Cette suppression n'emporte aucune conséquence opérationnelle pour l'Anssi.

La commission adopte l'amendement.

Amendement CL60 de M. Jérémie Iordanoff.

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Dans sa rédaction actuelle, l'article 33 prévoit la transmission obligatoire des données techniques non identifiantes, mais ne la formalise pas. Le dispositif ferait peser une lourde charge sur les opérateurs de communications électroniques et les fournisseurs de système de résolution de noms de domaine. Il me semble nécessaire de conditionner la transmission des données à l'envoi d'une demande expresse des agents de l'Anssi.

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Par souci d'efficacité et de limitation des coûts et des charges supportés par les acteurs économiques et les agents de l'Anssi, il est prévu une transmission automatisée des données. Je ne souhaite pas revenir sur cet aspect, sauf à alourdir inutilement le dispositif. Avis défavorable.

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Nous ne pouvons pas nous contenter de cette réponse car si toutes les transmissions sont automatisées, le dispositif n'est pas ciblé. La démarche retenue est curieuse, et je maintiens mon amendement.

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Nous avons déjà apporté des garanties en mettant la Cnil dans la boucle et en limitant le délai de conservation des données.

La commission rejette l'amendement.

Amendements CL29 de Mme Anne Le Hénanff et CL51 de Mme Clara Chassaniol (discussion commune).

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Actuellement, les opérateurs et les fournisseurs de système de résolution de noms de domaine ne collectent pas tous les mêmes données dans le cadre de la gestion de leur service. L'amendement a pour objet de s'assurer tant de la capacité des acteurs concernés à stocker et à transmettre les données demandées que de celle de l'Anssi à les traiter. Je propose ainsi de limiter le périmètre d'application de l'article aux seules données déjà collectées par les opérateurs et les fournisseurs. L'objectif est d'éviter de leur adresser des demandes complémentaires en limitant les requêtes aux données qu'ils produisent déjà.

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Dans la même logique, mon amendement vise à préciser la nature des données techniques qui entrent dans le champ de l'article. Nous souhaitons cibler les données définies dans l'étude d'impact car ce sont elles qui seront utiles à l'Anssi. Le dispositif fera l'objet d'un contrôle de l'Arcep, mais il importe que la loi précise les données concernées afin d'apporter les garanties nécessaires.

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Je partage l'objet de votre amendement, madame Le Hénanff, mais je vous propose de le retirer afin d'aboutir à une rédaction plus précise en vue de la séance publique, rédaction qui pourrait par exemple s'inspirer de l'article R. 10-12 du code des postes et des communications électroniques. Les acteurs visés auront en effet une opération d'anonymisation à réaliser pour s'assurer que les données ne soient pas identifiantes et soient transmises dans le bon format, aspect que votre amendement n'aborde pas.

La liste des données collectées est normalement définie par voie réglementaire, madame Chassaniol, même si le législateur peut poser certaines interdictions, ce que je souhaite en l'espèce. Le choix de la norme réglementaire facilite la modification de la liste en fonction de l'évolution de la menace, des moyens technologiques et des besoins, dans le respect des interdictions prévues par la loi. Je vous demande de retirer votre amendement au profit du CL92 que nous examinerons dans un instant : celui-ci vise à inscrire clairement dans la loi l'absence de collecte de données relatives aux IP sources.

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J'accepte de retirer mon amendement en notant que vous reviendrez vers nous avec un amendement réécrit d'ici à la discussion en séance.

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Je retire également mon amendement, mais j'espère que nous aboutirons en séance à une rédaction qui dresse une liste claire des données recueillies, sans attendre le décret.

Les amendements sont retirés.

La commission adopte l'amendement rédactionnel CL80 de Mme Sabine Thillaye.

Amendement CL92 de Mme Sabine Thillaye.

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Cet amendement reprend la formulation de l'article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques pour exclure clairement les adresses IP sources du périmètre de l'article. Je souhaite inscrire cette garantie supplémentaire dans le texte pour assurer la proportionnalité et l'équilibre du dispositif.

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L'article 3 dispose que les données collectées ne sont ni personnelles, ni identifiantes, mais les adresses IP permettent, en croisant des fichiers, de connaître l'identité des personnes – d'ailleurs, l'objectif est bien de démasquer les auteurs des cyberattaques. Vous apportez des garanties de façade, en espérant que l'Arcep fera son travail correctement pour exercer un réel contrôle. Je m'apprêtais à soutenir l'amendement CL51 parce qu'il visait à dresser la liste précise de ce qui pouvait être recueilli ; madame Chassaniol, vous espérez qu'une liste sera insérée dans l'article en séance publique, mais il n'en sera rien car les amendements de la rapporteure pour avis visent justement à l'éviter en excluant certaines données pour ne pas énumérer celles qui sont concernées par le dispositif. Les services refuseront une telle liste qui circonscrirait leur action. J'espère que vous redéposerez votre amendement en séance publique : si tel est le cas, soyez assurée que notre groupe le soutiendra.

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Les amendements de Mme Le Hénanff et de Mme Chassaniol ont été retirés alors qu'ils étaient tout à fait pertinents ; on aurait d'ailleurs dû les adopter tous les deux. Le périmètre de l'article 3 est trop large et ne prévoit que des contrôles ex post et aucun ex ante ; nous ignorons tout du volume de données qui sera concerné. Le traitement des données sera automatisé et nous ne pourrions pas, nous, les législateurs, définir les données qui seront collectées et celles qui ne le seront pas ?

La Constitution nous impose de trouver un équilibre pour de tels dispositifs et nous enjoint de dresser une liste positive des données entrant dans le champ de la loi. Cette exigence a présidé à la création de la Cnil et à l'élaboration du règlement général sur la protection des données (RGPD) et de toutes les dispositions développées à l'échelle européenne. Et parce que ce sont l'Anssi et le SGDSN à la manœuvre, nous devrions fermer les yeux et ne rien faire ? Nous comprenons les impératifs de sécurité nationale – opportunément placés dans le chapeau de l'article 33 –, mais nous devons connaître exactement les données qui seront collectées : nos concitoyens nous le demandent pour avoir confiance dans le système de recueil d'informations visant à assurer leur sécurité. Il n'est pas possible de se contenter d'énumérer les données qui ne pourront pas être transmises, d'autant que l'on sait très bien que le croisement de certains éléments permettra d'identifier la personne derrière l'adresse IP source. En l'état, l'article 33 s'expose à une censure du Conseil constitutionnel – et je ne parle même pas du contrôle de conventionnalité.

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Je rejoins ce qui vient d'être dit et me réjouis de notre discussion, qui nous permettra de nous accorder en séance sur une rédaction plus précise. Les amendements que nous avons proposés présentaient quelques problèmes, et celui de la rapporteure pour avis visant à exclure du champ du dispositif les données identifiantes, comme l'IP, est important. Il restera à définir très précisément les données qui pourront être collectées : il me semble que nous sommes tous d'accord sur ce principe. Comme l'Anssi et le SGDSN pourront préciser le dispositif dans un décret, il nous faut écrire une loi très claire.

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Je m'engage à ce que nous travaillions ensemble pour trouver une rédaction optimale : je ne me défilerai pas.

La commission adopte l'amendement.

Amendement CL91 de Mme Sabine Thillaye.

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Cet amendement vise à encadrer la durée de conservation des données non identifiantes en prévoyant, en cohérence avec l'article 32, un délai maximal de cinq ans.

L'article 33 dispose que l'Anssi collecte les données techniques, mais il ne fixe aucun délai de conservation. Cette absence de précision ne pose pas de grandes difficultés juridiques car les données ne sont pas personnelles ; en outre, la conservation est utile pour lancer, lorsqu'une attaque est signalée, des recherches d'antériorité. Il ressort de mes échanges avec les acteurs concernés qu'une durée de cinq ans paraît appropriée.

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La rédaction initiale de l'article était maximaliste. On peut accepter le délai de cinq ans si on nous assure que rien ne permet d'identifier une personne dont les données auront été supprimées. Voilà pourquoi il faut que l'article dresse la liste des données qui peuvent être recueillies : il faut pouvoir s'assurer qu'elles ne peuvent donner lieu à une nouvelle identification. La loi « informatique et libertés » de 1978 et le RGPD nous imposent de prévoir cette garantie. Nous avons besoin de rester dans le cadre conventionnel. Le délai de conservation des données est très long : il peut constituer une exception admissible au RGPD parce qu'il s'agit de la sécurité et de la défense nationales, mais les données ne peuvent être ni personnelles ni identifiantes.

Je vous fais confiance, madame la rapporteure pour avis, pour dresser une liste positive des données pouvant être collectées, condition sine qua non de l'acceptation d'un délai de conservation de cinq ans, mais je n'ai plus confiance dans l'Anssi et dans le SGDSN, dont les représentants sont revenus sur beaucoup de terrains d'entente que nous avions trouvés.

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Je tiens à préciser que la Cnil est présente à tous les stades du dispositif.

La commission adopte l'amendement.

Amendements CL90 de Mme Sabine Thillaye et CL61 de M. Jérémie Iordanoff (discussion commune).

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L'amendement CL90 prévoit la consultation de la Cnil avant la publication du décret en Conseil d'État prévu pour l'application de l'article 33. Il vise ainsi à s'assurer que le dispositif envisagé respecte pleinement la réglementation en matière de protection des données à caractère personnel.

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Dans le même esprit, mon amendement vise à rendre obligatoire la consultation de la Cnil avant l'adoption du décret d'application de l'article 33, lequel présente de vraies menaces pour la protection des données. Dans ce cadre, la consultation de la Cnil est le moins que l'on puisse faire.

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Monsieur Iordanoff, je préfère la rédaction de mon amendement.

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C'est mieux de consulter la Cnil que de ne pas le faire, mais je n'ai pas compris si les données étaient identifiantes ou non. Si elles ne le sont pas, comme le prétend le Conseil d'État, l'avis de la Cnil est dispensable. Néanmoins, il faut parfois se méfier des avis du Conseil d'État car n'importe quelle personne un peu initiée à l'informatique sait identifier, en croisant quelques éléments, la personne cachée derrière une adresse IP. Cette dernière n'indique pas en elle-même le nom et le prénom de l'individu, mais elle est fournie par des opérateurs automatisés avec un horodatage qui présente les connexions des différentes adresses IP et le numéro des machines utilisées ; or ce sont justement ces données-là qui seront collectées. Il est donc important que la Cnil soit consultée. Il faut prévoir des garanties qui vont au-delà des constats du Conseil d'État et de l'étude d'impact.

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La Cnil est justement consultée pour garantir que le processus d'anonymisation respecte le RGPD.

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La présence de la Cnil est indispensable. La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a une vision extensive des données personnelles et intègre de plus en plus d'éléments dans cette catégorie. Il est aisé de dresser un parallèle entre les données collectées de l'article 33 de ce texte et les métadonnées de connexion des opérateurs de téléphonie ; la CJUE a jugé ces dernières attentatoires, dans plusieurs cas, aux libertés publiques, ce qui obligeait les États à prévoir des formes de collecte et de réquisition très particulières. Face à ces risques juridiques, il faut consulter la Cnil et dresser une liste positive des données collectées, et non prévoir quelques exclusions. Le croisement d'informations sur les métadonnées transforme ces éléments en données personnelles de fait : il faut donc reprendre la rédaction de l'article 33.

La commission adopte l'amendement CL90.

En conséquence, l'amendement CL61 tombe.

La commission adopte l'amendement rédactionnel CL81 de Mme Sabine Thillaye, rapporteure pour avis.

La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 33 modifié.

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Nous achèverons l'examen des articles délégués cet après-midi à 14 heures 30.

Puis, la Commission examine, en application de l'article 88 du Règlement, les amendements à la proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur la structuration, le financement, les moyens et les modalités d'action des groupuscules auteurs de violences à l'occasion des manifestations et rassemblements intervenus entre le 16 mars et le 3 mai 2023, ainsi que sur le déroulement de ces manifestations et rassemblements (n° 1181) (M. Florent Boudié, rapporteur).

Tous les amendements qui n'ont pas été examinés lors de la réunion qui s'est tenue en application de l'article 86 du Règlement ont été repoussés.

La séance est levée à 13 heures.

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Caroline Abadie, Mme Sabrina Agresti-Roubache, M. Pieyre-Alexandre Anglade, M. Erwan Balanant, M. Ugo Bernalicis, M. Florent Boudié, M. Xavier Breton, Mme Émilie Chandler, Mme Clara Chassaniol, M. Éric Ciotti, M. Jean-François Coulomme, Mme Mathilde Desjonquères, M. Yoann Gillet, M. Philippe Gosselin, M. Guillaume Gouffier Valente, M. Jordan Guitton, M. Sacha Houlié, M. Timothée Houssin, M. Jérémie Iordanoff, Mme Emeline K/Bidi, M. Philippe Latombe, M. Gilles Le Gendre, M. Antoine Léaument, Mme Marie Lebec, Mme Gisèle Lelouis, M. Didier Lemaire, Mme Marie-France Lorho, M. Benjamin Lucas, M. Emmanuel Mandon, Mme Élisa Martin, M. Stéphane Mazars, M. Thomas Ménagé, M. Ludovic Mendes, Mme Naïma Moutchou, Mme Danièle Obono, M. Didier Paris, M. Éric Pauget, M. Jean-Pierre Pont, M. Éric Poulliat, Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, M. Philippe Pradal, M. Aurélien Pradié, M. Stéphane Rambaud, M. Rémy Rebeyrotte, Mme Sandra Regol, M. Davy Rimane, Mme Béatrice Roullaud, M. Thomas Rudigoz, M. Hervé Saulignac, M. Raphaël Schellenberger, Mme Violette Spillebout, Mme Sarah Tanzilli, Mme Andrée Taurinya, M. Jean Terlier, Mme Sabine Thillaye, Mme Cécile Untermaier, M. Roger Vicot, M. Guillaume Vuilletet

Excusés. - M. Jean-Félix Acquaviva, M. Romain Baubry, Mme Blandine Brocard, Mme Marie Guévenoux, M. Mansour Kamardine, Mme Marietta Karamanli, Mme Julie Lechanteux, M. Thomas Portes

Assistaient également à la réunion. - M. Julien Bayou, M. Fabien Di Filippo, M. Francis Dubois, Mme Anne Le Hénanff, M. Hervé de Lépinau, M. Aurélien Lopez-Liguori, M. Julien Rancoule