Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Réunion du jeudi 22 juin 2023 à 9h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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La séance est ouverte à 9 heures.

Présidence de Mme Caroline Abadie, vice-présidente puis de M. Sacha Houlié, président.

La Commission poursuit l'examen du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, d'orientation et de programmation du ministère de la Justice (n° 1346) (M. Jean Terlier, rapporteur général, MM. Erwan Balanant et Philippe Pradal, rapporteurs).

Lien vidéo : https://assnat.fr/tR2KfC

Projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la Justice (suite)

Après l'article 3 (suite)

Amendement CL144 de Mme Cécile Untermaier.

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Il s'agit d'une demande de rapport. Même si le ministère de la justice publie des statistiques annuelles et des documents très intéressants, il est important de disposer du nombre de perquisitions et de gardes à vue annuelles, ainsi que de données sur le recours aux différentes techniques spéciales d'enquête, notamment les interceptions, captations, géolocalisation, sonorisations, le recueil de données de connexion et le nombre d'activations à distance. Cette transparence serait de nature à rassurer les parlementaires.

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Je suis également très attaché aux statistiques, qui permettent d'objectiver les choses et qui sont par ailleurs utilisées par les chercheurs, les universitaires et les journalistes pour leurs études. Dans le rapport annexé, le ministère s'engage sur le développement d'un pôle statistique, ce qui est souhaitable. Par ailleurs, nous recevons tous régulièrement une publication très intéressante sur les chiffres clés de la justice, que je parcours pour ma part avec gourmandise ; les statistiques y seront intégrées. Compte tenu de ces outils existants ou à venir, un rapport me semble donc inutile. Je vous invite à retirer votre amendement.

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Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Je ne suis pas favorable à la multiplication des rapports. De plus, le Parlement dispose des prérogatives que lui confère l'article 24 de la Constitution. Enfin, ces chiffres relèvent, à titre principal, du ministère de l'intérieur.

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Nous sommes tout de même appelés à voter sur des techniques d'enquête nouvelles, qui posent quelques difficultés. Même sans rapport, un engagement à publier ces statistiques chaque année peut-il être pris ? Il est légitime d'adresser cette demande au ministère de la justice, qui recourt à ces techniques, et qu'il doive pour cela se mettre en relation avec celui de l'intérieur ne saurait faire obstacle à la transparence due à nos concitoyens. S'il est impossible de toucher à quoi que ce soit dans ce projet de loi, dites-le-nous clairement. Cette demande de rapport n'est pas excessive. Si nous n'obtenons même pas la garantie d'avoir des statistiques sur un sujet qui pose problème, je me demande à quoi nous servons.

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Le problème vient précisément du fait que ces statistiques relèvent à titre principal du ministère de l'intérieur, alors qu'elles concernent des enquêtes judiciaires, diligentées par des magistrats. Cela montre l'intérêt de l'ajout fait par le Sénat concernant l'échange statistique entre les deux ministères, les techniques spéciales d'enquête ayant déjà pu conduire à des rebondissements inattendus – je pense au chef du projet de départementalisation de la police nationale, mis en cause suite à une écoute lilloise concernant une autre affaire, sans même parler des cas d'écoutes un peu problématiques… Obtenir des données objectivables s'inscrirait donc pleinement dans la mission de contrôle qui est la nôtre, comme vous l'avez souligné, monsieur le ministre.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CL706 de Mme Naïma Moutchou.

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Il s'agit d'une demande de rapport pour savoir où nous en sommes dans les différentes réformes qui ont été votées depuis quelques années en matière pénale. Le centre de gravité s'est beaucoup déplacé sur la phase préparatoire au procès pénal. Le renforcement du rôle du parquet conduit à s'interroger sur le rôle du juge d'instruction, sur celui du juge des libertés et de la détention – qui se voit confier de plus en plus de missions – ou sur le statut du parquet – car, si nous allons vers une fusion, la question de son indépendance se pose. Nous voyons apparaître en creux l'idée d'un véritable juge des libertés et de l'investigation, ce qui interroge sur l'ouverture au contradictoire de toute la phase préparatoire au procès. Quel avenir pour un cadre pénal moderne ?

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Je le considère comme un amendement d'appel. En tant que rapporteur, il est toujours difficile de prendre position sur une demande de rapport, la décision appartenant au Gouvernement. Je vous invite donc à retirer cet amendement.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

La suppression du juge d'instruction n'est pas d'actualité, même si cela fut le cas par le passé : ni mon directeur de cabinet, ni ma directrice adjointe, ni moi-même ne militons en ce sens. Le rapport des États généraux de la justice n'évoque pas non plus cette question. Le code de procédure pénale va être réécrit à droit constant. Je ne suis pas très favorable aux rapports et il n'y a pas de raison d'être favorable à celui-là.

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Je retire l'amendement, mais la question du cadre pénal que nous dessinons se pose. Nous en avons déjà débattu au sujet du parquet européen, avec la création d'un procureur européen étant également juge d'instruction. Nous devons mener une réflexion sur le devenir de la procédure pénale à la française.

L'amendement est retiré.

Article 3 bis A (nouveau) (art. 41-4 du code de procédure pénale) Interdiction de la destruction des scellés pour une période étendue en cas de non résolution d'une affaire criminelle

La commission adopte l'amendement rédactionnel CL887 de M. Erwan Balanant, rapporteur.

Elle adopte l'article 3 bis A modifié.

Article 3 bis B (nouveau) (art. 689-11 du code de procédure pénale) : Assouplissement de la condition de double incrimination pour la compétence universelle de la justice française

Amendement CL622 de M. Guillaume Gouffier Valente.

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Cet amendement porte sur un sujet lourd et délicat, qui est cher à M. Gouffier Valente : la compétence qui pourrait être donnée aux juridictions françaises de poursuivre des crimes graves – crimes de guerre, crimes contre l'humanité et génocides – commis à l'étranger par des étrangers, ce qui sort de la compétence traditionnelle de nos juridictions dans le code de procédure pénale français.

Tout cela est encadré par le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, dont la France est signataire mais pas d'autres pays, comme la Russie ou l'Ukraine. De tels crimes commis par des étrangers dans les pays non signataires ne peuvent donc pas être poursuivis par des juridictions françaises.

Si le sujet du génocide a été en grande partie réglé par une loi de 2010, ce n'est pas le cas des deux autres crimes gravissimes. L'article 689-11 du code de procédure pénale exige plusieurs conditions cumulatives pour les poursuivre : l'auteur doit résider de manière continuelle en France ; les crimes doivent non seulement être punis dans notre pays, mais aussi dans celui où ils se sont déroulés, sauf à ce que l'auteur ait la nationalité d'un pays qui les poursuit ou qui soit signataire du Statut de Rome.

La question est donc complexe. Le Sénat a fait une première avancée – notre collègue Sueur travaille depuis longtemps sur cette question. Nous souhaitons que soient supprimées les deux conditions de résidence habituelle et de double incrimination, mais j'ai conscience des difficultés que cela représente pour le ministère de la justice et celui des affaires étrangères.

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Ce serait vraiment une révolution copernicienne, qu'on ne peut traiter dans ce texte au détour d'un amendement. Je considère qu'il s'agit d'un amendement d'appel et vous invite à le retirer.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Je salue l'investissement du député Gouffier Valente sur cette question. L'amendement propose de supprimer la condition de résidence habituelle en France de la personne poursuivie, ainsi que celle de la double incrimination pour les crimes contre l'humanité et pour les crimes et délits de guerre. Il fait suite aux hésitations jurisprudentielles – le fameux arrêt Chaban – quant à l'étendue de la compétence des juridictions françaises pour les crimes commis à l'étranger.

Nous pouvons cependant être rassurés au regard des décisions rendues très récemment par l'assemblée plénière de la Cour de cassation. Le Sénat a codifié cette interprétation jurisprudentielle, en modifiant le texte de l'article 689-11 du code de procédure pénale.

Le remplacement du critère tenant à la résidence habituelle par celui d'une simple présence en France, comme vous le proposez, ferait peser des risques d'instrumentalisation sur notre justice. Je vous invite à retirer votre amendement pour que travaillions ensemble à une autre rédaction sur cette question primordiale, en vue de l'examen en séance.

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La question est effectivement d'importance. J'accepte de retirer cet amendement, dans la mesure où nous aurons la possibilité de le retravailler avec vous. Nous avons conscience des difficultés que vous rencontrez, étant précisé qu'aucune poursuite ne peut avoir lieu sans décision du parquet : une instrumentalisation à l'excès n'est donc pas possible. Par ailleurs, le ministère des affaires étrangères craint que la seule présence en France de tel ou tel oligarque puisse être difficile à gérer.

L'amendement est retiré.

La commission adopte l'article 3 bis B non modifié.

Article 3 bis C (nouveau) (art. 693 et 706-106-1 du code de procédure pénale) : Élargissement du champ de la compétence concurrente du pôle dédié au traitement des crimes sériels ou non élucidés du tribunal judiciaire de Nanterre

La commission adopte l'amendement rédactionnel CL888 de M. Erwan Balanant, rapporteur.

Elle adopte l'article 3 bis C modifié.

Article 3 bis (nouveau) (art. 48-2 [nouveau] du code de procédure pénale) : Accès des statisticiens publics aux données des affaires en cours

Amendements de suppression CL400 de M. Ugo Bernalicis et CL786 du Gouvernement.

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Il s'agit de supprimer l'article 3 bis, ajouté par le Sénat, qui nous inquiète. Il prévoit un échange de données statistiques entre le ministère de l'intérieur et celui de la justice. Nous sommes opposés à une telle compilation de données, dangereuse pour les libertés individuelles. Peut-être M. Balanant ne s'opposera-t-il pas à cet amendement.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Je suis d'accord, cette suppression va dans le bon sens.

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Depuis le début de l'examen de ce texte, j'ai donné un avis favorable à de nombreux amendements de l'opposition.

De façon générale, l'outil statistique est très utile, notamment dans le cadre de la recherche. Les dispositions de l'article 3 bis soulèvent néanmoins trois questions. Malgré l'anonymisation, resterait-on suffisamment respectueux du secret de l'enquête et de l'instruction ? Les données d'une enquête en cours sont-elles considérées comme des statistiques ? Les services d'information du ministère sont-ils en capacité de gérer cela ? Étant très réservé sur cet article, je suis favorable à sa suppression.

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Même si l'intention est la bonne, le dispositif proposé soulève beaucoup de questions, reprises dans l'exposé des motifs de l'amendement du Gouvernement. Lors de la précédente législature, j'avais présenté un rapport d'information sur l'évaluation de la lutte contre la délinquance financière, qui avait fait ressortir la difficulté de coordination entre les ministères de l'intérieur et de la justice. Monsieur le ministre, où en sont les discussions avec le ministère de l'intérieur ?

La commission adopte les amendements identiques CL400 et CL786.

En conséquence, l'article 3 bis est supprimé.

Article 4 (art. 131-8 et 131-9 du code pénal, art. 464-2, 474, 712-6, 723-2, 723-7-1 et 747-1 du code de procédure pénale, art. L 122-1 du code de la justice pénale des mineurs) : Dispositions visant à favoriser le recours au travail d'intérêt général

Amendement de suppression CL435 de Mme Pascale Bordes.

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Il vise à supprimer l'article 4, qui favorise le recours à la peine de travail d'intérêt général (TIG), notamment en élargissant les possibilités qui sont offertes au juge de l'application des peines (JAP) de la prononcer, et en l'étendant aux sociétés de l'économie sociale et solidaire poursuivant un but d'utilité sociale.

Je ne suis pas hostile au TIG en tant que tel : j'en ai connu les débuts et j'y ai même été favorable ! À l'époque, les TIG étaient réservés aux primo-délinquants, ce qui change tout. Le groupe d'avocats et de magistrats que nous formions considérait que, dans le cadre de certains délits routiers par exemple – délits de grande vitesse, conduite sous l'emprise de l'alcool ou d'un produit stupéfiant – il était utile de pouvoir mettre les délinquants en contact avec des victimes d'accidents de la circulation.

Nous nous sommes heurtés à des difficultés considérables : les victimes ne souhaitaient pas être en contact avec les délinquants, le personnel des services ne voyait pas d'un bon œil la présence de primo-délinquants, et les délinquants eux-mêmes s'y opposaient.

Je reste favorable au TIG, mais je pense qu'il est préférable de le réserver aux primo-délinquants : à l'heure où la société est extrêmement violente, il ne constitue pas la réponse pénale adaptée.

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Je ne renoncerai pas à essayer de vous convaincre. Le TIG est, à mon sens, une peine utile, qui doit être développée. Je signale que, selon l'Agence du travail d'intérêt général et de l'insertion professionnelle (Atigip), il y a plus de TIG disponibles que prononcés : il faut sensibiliser les juges pour qu'ils en prononcent davantage. Ce type de peine est utile et permet à la personne qui la purge de se questionner et d'être au contact du monde de l'insertion – notamment pour les personnes désocialisées ou « désinsérées ». A contrario, une telle peine permet aussi à ceux qui sont très insérés de ne pas aller en prison et de ne pas perdre contact avec la société. Avis très défavorable.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Je ne comprends pas votre raisonnement, madame Bordes. Vous dites ne pas être hostile au TIG, en indiquant toutefois qu'il ne peut pas s'agir de la réponse adaptée. Mais ce n'est pas à nous de savoir s'il est adapté ou non, c'est au juge ! Le TIG est merveilleux pour les faits auxquels il correspond, personne ne pense l'utiliser en matière de grand banditisme – seul M. Bernalicis est peut-être sceptique !

Le TIG est adapté à des infractions qui ne sont pas les plus graves et s'adresse à des personnes souvent jeunes. Parfois, il constitue une première expérience professionnelle ! Et le taux de récidive des personnes qui ont été astreintes au TIG est plus faible que pour n'importe quelle autre peine. Il faut savoir clairement si nous sommes pour ou contre le TIG, et si oui, alors étendons-le à chaque fois que cela est possible.

Hier, lorsque nous avons évoqué la surpopulation carcérale, tout le monde était d'accord sur le constat, y compris vous madame Bordes. Mais dès qu'il s'agit du TIG, vous freinez des quatre fers ! Le TIG n'est pas l'expression même du laxisme, mais une peine adaptée à certains types d'infractions et de personnalités, et qui fonctionne bien. Nous avons doublé le nombre de TIG, mais ce n'est pas encore suffisant. Avis défavorable.

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Nous avons reformaté l'échelle des peines, en 2019, avec la loi Belloubet. Le TIG constituait un pari sur l'avenir, arrivant en troisième position, après la détention et la détention sous bracelet électronique. La difficulté majeure était celle du manque d'outils pratiques, raison pour laquelle, sur la base d'un rapport que j'avais rendu au Premier ministre, a été créée l'Atigip, qui permet à un magistrat et à un avocat de connaître l'ensemble des places disponibles dans le ressort de leur juridiction. Nous avons donc fait tout ce qui était en notre pouvoir pour faciliter la décision judiciaire de condamner à un TIG.

La difficulté est actuellement inverse : nous avons plus de places disponibles que de décisions rendues. Il faut travailler à déclencher encore plus facilement le TIG : les avocats doivent se montrer moins timides et le plaider plus régulièrement. Sans doute reste-t-il encore à augmenter un peu le nombre de places disponibles dans des secteurs intermédiaires comme l'économie sociale et solidaire ou les sociétés à mission. Il faut continuer l'expérimentation en ce domaine, voire la généraliser.

Cela ne fait aucun doute, le TIG est une réponse adaptée, souvent pour des primo-délinquants, qui n'ont rien à faire en prison et ont besoin d'être sociabilisés. Le travail est un formidable outil pour cela. Je ne comprends pas qu'il existe encore des réticences sur le TIG.

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Je le redis, je suis favorable au TIG pour les primo-délinquants. Mais une seule fois ! Or, tous les praticiens du droit pénal ont été confrontés à des TIG « XXL ». J'ai en tête le cas d'un garçon qui a été condamné sept fois à un TIG ! Le coup d'après, il a reçu une peine d'amende… J'ai arrêté là de le suivre, mais je ne pense pas qu'il ait encore compris qu'il s'agissait d'une peine.

Vous pensez que, s'il y a plus d'offres de TIG que de demandes, c'est parce que les avocats sont frileux. Mais je vous rappelle que, pour le proposer, encore faut-il l'accord du prévenu ! Arrêtons l'angélisme et regardons les choses en face : le TIG est très bien pour un certain nombre de délinquants, mais il en est d'autres qui n'ont juste aucune envie de travailler.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CL401 de M. Ugo Bernalicis.

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Contrairement à l'extrême droite, nous sommes très inquiets quant à la surpopulation carcérale. Il faut mettre en œuvre un système de régulation. Le TIG fait partie des solutions. Toutefois, nous n'avons pas envie qu'il devienne une source de travailleurs gratuits, à l'image de ce que serait un RSA sous conditions. Nous nous opposons donc à l'extension du dispositif au profit des personnes privées ainsi qu'à l'allongement de l'expérimentation du TIG au profit des sociétés à objectifs sociaux et environnementaux.

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Je trouve cela vraiment dommage, et votre position me surprend un peu. Pour avoir été pendant dix ans président d'une association d'insertion, je peux vous dire que les entreprises du champ de l'économie sociale et solidaire certes peuvent avoir un but lucratif, mais toujours dans une perspective sociale et environnementale. Elles sont particulièrement représentatives des valeurs de la France. Je ne comprends pas votre refus que l'on effectue des TIG dans ces structures : elles constituent justement un excellent espace d'accueil et d'accompagnement. Je pense, par exemple, aux communautés Emmaüs.

Je comprends que le caractère lucratif des entreprises vous pose problème, mais certaines régies de transport, dépendant de Veolia par exemple, accueillent déjà des tigistes. Ce n'est donc pas un problème en soi. Le TIG doit être utile au condamné. Or, une structure appartenant au champ de l'économie sociale et solidaire, qu'elle poursuive un but lucratif ou pas, peut répondre à cet objectif. Peut-être ce refus de tout ce qui est en lien avec l'économie sociale et solidaire est-il inscrit dans l'ADN de la France insoumise ? En tout cas, j'ai déjà eu l'occasion de l'observer.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Madame Taurinya, pour le dire avec la liberté qu'ont les jeunes, vous êtes « grave », quand même ! Je ne comprends pas votre position. Oui, vous êtes « grave ».

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J'ai été choquée par la manière dont l'amendement a été présenté, même si, par ailleurs, les propos de Mme Taurinya ne correspondent pas tout à fait à la teneur de l'exposé sommaire. Nous avons entendu une remise en cause de l'économie sociale et solidaire, qui est pourtant un milieu remarquable. Il s'agit de personnes contribuant à l'intérêt général, œuvrant au bien commun à travers le mécénat, la philanthropie, le bénévolat – pour connaître un peu ce milieu, je puis en témoigner. Il s'agit de structures défendant des causes telles que la lutte contre la pauvreté ou le soutien à la scolarisation. Il s'agit des communautés Emmaüs ou des Restos du cœur, bref de structures qui interviennent là où l'État ne peut pas le faire, car l'État ne peut pas tout. On peut ne pas être d'accord avec ce que nous proposons en matière de travail d'intérêt général, mais de là à remettre en cause ce que font toutes ces personnes…

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Cette fois, nos amis d'extrême gauche ont vraiment touché le fond.

Monsieur le ministre, trouver des prévenus qui acceptent l'idée de travailler et faire avec les exigences de rémunération, cela va être compliqué… La réforme, ce n'est pas pour demain !

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Que l'on ne se méprenne pas : nous sommes extrêmement favorables au TIG tel qu'il a été conçu par Robert Badinter, c'est-à-dire comme un véritable travail d'intérêt général, ce qui n'est pas la même chose que de considérer que le travail en soi est d'intérêt général – on peut tout à fait défendre la valeur travail, mais ce n'est pas exactement le sens de la mesure.

Dans un premier temps, la mesure était circonscrite aux collectivités publiques et aux associations, à savoir des structures à but non lucratif. Vous en aviez déjà étendu le périmètre à l'économie sociale et solidaire, dont l'activité peut revêtir un caractère lucratif. Même si les entreprises de cette nature exercent des missions d'intérêt général, elles ne font pas seulement cela ; ce n'est pas grave, mais tel n'est pas le sens du TIG.

Ce qui est plus gênant encore, c'est que l'élargissement du périmètre n'est pas justifié par la nécessité de trouver davantage de lieux pour les TIG : il y en a assez de disponibles. Le problème vient du fait que les juges ne prononcent pas assez de TIG. Vous tapez donc à côté.

Le véritable enjeu consiste à développer les chantiers dans la sphère publique, c'est-à-dire les TIG en groupe. Cette forme de TIG permettrait d'avoir un meilleur maillage territorial. Pour cela, il faut des encadrants. Nous avions proposé de financer des postes pour favoriser le développement de tels projets. Il aurait été bien que cela figure dans le projet de loi de programmation : les TIG collectifs ont davantage de valeur et sont plus porteurs.

En réalité, vous esquivez le débat sur le phénomène de vases communicants qui existe entre la détention à domicile sous surveillance électronique (DDSE) et les TIG. De facto, il est plus facile de prononcer une DDSE, et les magistrats ont été incités à le faire. Cela explique que les personnes placées sous main de justice se voient davantage condamnées à une DDSE, y compris ab initio, qu'à un TIG. La question n'est pas de savoir si les avocats demandent suffisamment que des TIG soient proposés à leurs clients : c'est la mécanique même du ministère de la justice qui conduit à cette situation. Quand on en arrive au point où même les circulaires incitant à prononcer des TIG ne sont pas suivies d'effet, peut-être faut-il modifier l'échelle des peines ?

La commission rejette l'amendement.

Elle adopte l'amendement rédactionnel CL889 de M. Erwan Balanant.

Amendement CL664 de M. Jérémie Iordanoff.

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Cet amendement a été élaboré avec l'Association nationale des juges de l'application des peines.

En cas d'inexécution du TIG, la peine de prison est automatique ; or nous pensons qu'elle ne doit être envisagée qu'en dernier ressort. Nous proposons donc que le juge de l'application des peines puisse prolonger le délai d'exécution du TIG. Comme le dossier de la personne revient devant le juge, une nouvelle appréciation a lieu à ce stade. L'objectif est de faire en sorte que cette peine soit davantage prononcée.

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Le délai d'exécution est de dix-huit mois ; c'est déjà beaucoup. L'enjeu est de s'assurer que les TIG sont exécutés le plus rapidement possible, et non d'allonger les délais. Avis défavorable.

La commission rejette l'amendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL890 et CL891 de M. Erwan Balanant, rapporteur.

Amendement CL661 de Mme Caroline Abadie.

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Cet amendement est issu directement de l'excellent rapport que Didier Paris a consacré au TIG, qui est à l'origine de la création de l'Atigip et du fait que nous disposions de disposer de davantage de places qu'il n'y a de peines prononcées. La création de l'Agence visait aussi à crédibiliser le TIG dans l'esprit des magistrats, notamment parce qu'elle permettait de raccourcir les délais d'exécution.

L'amendement vise à faire passer le délai de convocation devant le juge de l'application des peines de trente jours à huit, et celui de convocation devant le service pénitentiaire d'insertion et de probation (Spip) de quarante-cinq jours à quinze. Je suis gourmande, mais cette ambition était déjà celle de Didier Paris.

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Je suis assez favorable à l'idée, mais le dispositif pose problème car il ne concernerait pas seulement les TIG : toutes les peines de moins d'un an pour lesquelles un mandat de dépôt n'a pas été prononcé et qui peuvent être aménagées seraient englobées. Cet effet de bord mérite d'être évalué de manière plus approfondie. Je demande le retrait de l'amendement.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

La gourmandise est un péché capital, madame Abadie. La mesure est intéressante, mais il faut voir avec les JAP et les Spip comment le dispositif pourrait être articulé, le risque étant que les effets de bord provoquent une embolisation. Même si l'idée a reçu l' imprimatur de l'excellent Didier Paris, elle mérite que nous y travaillions davantage. Qui trop embrasse mal étreint : si le système était embolisé, on aurait tout perdu… Je vous propose donc de retirer l'amendement. Nous continuerons à y travailler d'ici à la séance pour réussir à articuler les délais. Cela me paraît plus sage.

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Je retiens votre proposition de revoir les délais d'ici à la séance.

L'amendement est retiré.

La commission adopte l'amendement rédactionnel CL892 de M. Erwan Balanant, rapporteur.

Amendement CL893 de M. Erwan Balanant.

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Les dispositions que nous vous proposons à travers cet amendement vont dans le sens du projet de loi : il s'agit de mesures de simplification et de clarification.

Nous entendons modifier les juridictions compétentes pour se prononcer sur une demande de relèvement des interdictions, déchéances, incapacités ou mesures de publication quelconque, résultant de plein droit d'une condamnation pénale ou prononcées dans le jugement de condamnation à titre de peine complémentaire. Dorénavant, c'est le tribunal correctionnel ayant prononcé la condamnation ou celui se trouvant au siège de la juridiction ayant prononcé cette condamnation qui serait compétent.

La commission adopte l'amendement.

Amendement CL894 de M. Erwan Balanant.

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L'article 712-13 du code de procédure pénale fixe les modalités de l'appel devant la chambre de l'application des peines. Le condamné n'est pas entendu à ce stade, sauf si la chambre en décide autrement. L'amendement vise à ouvrir à la personne condamnée la possibilité de demander à être entendue. C'est l'une des nombreuses dispositions du texte qui feront avancer les droits de nos concitoyens.

La commission adopte l'amendement.

Elle adopte l'amendement rédactionnel CL895 de M. Erwan Balanant, rapporteur.

Amendement CL667 de M. Jérémie Iordanoff.

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Cet amendement vise à favoriser les TIG. Nous proposons de confier au juge de l'application des peines le pouvoir de convertir une peine d'amende en peine de TIG.

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Cette disposition va dans le sens de l'article. Je donne donc l'un de mes nombreux avis favorables à des amendements émanant de l'opposition.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

J'ai deux toutes petites réserves.

La première est de principe. Le TIG, vous me le concéderez, est principalement utile pour éviter l'emprisonnement. Certes, il est déjà possible de convertir des jours-amende, mais ces derniers ne doivent pas être confondus avec des amendes : dans la notion de jour-amende, la perspective de l'emprisonnement ferme est déjà présente, dans le cas où l'amende ne serait pas payée.

La seconde réserve est pratique. Il serait préférable de réserver cette possibilité de conversion aux amendes délictuelles, en excluant les condamnations pour contravention ou pour crime, ainsi que les amendes délictuelles forfaitaires. Il conviendrait enfin que la conversion ait lieu seulement à la demande de l'intéressé, car une saisine du parquet sur demande du Trésor public ne pourrait jamais aboutir faute d'accord du condamné.

Pour ces raisons, je m'en remets à la sagesse de la commission. Nous pourrions retravailler sur les points que j'ai soulevés, de manière à trouver un accord. Qu'en pensez-vous, monsieur Iordanoff ?

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Je propose que nous adoptions l'amendement en l'état et que l'ensemble des précisions demandées par M. le ministre soient consignées dans un amendement que nous examinerons en séance – auquel je serai favorable.

La commission adopte l'amendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL896, CL897, CL898 et CL899 de M. Erwan Balanant, rapporteur.

La commission adopte l'article 4 modifié.

Article 5 (art. 706-3, 706-14 et 706-14-3 [nouveau] du code de procédure pénale) : Dispositions améliorant l'indemnisation des victimes

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL900, CL901 et CL902, l'amendement de cohérence CL883 et les amendements rédactionnels CL903 et CL904 de M. Erwan Balanant, rapporteur.

Elle rejette l'amendement CL690 de Mme Gisèle Lelouis.

La commission adopte l'article 5 modifié.

Après l'article 5

Amendement CL708 de Mme Naïma Moutchou.

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Les contentieux liés à l'indemnisation sont de plus en nombreux. Or, ils sont éparpillés et les barèmes diffèrent. Je demande donc un rapport sur la question. Il s'agirait, notamment, d'évaluer l'opportunité de créer un juge de l'indemnisation.

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Sur le fond, je ne suis pas en opposition avec votre souhait d'avancer sur cette question, mais j'ai toujours du mal à me prononcer sur les demandes de rapport adressées au Gouvernement… Disons que je considère votre demande avec bienveillance.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Pour ma part, je suis rarement bienveillant envers les demandes de rapport… Outre ma réticence de principe, madame Moutchou, je voudrais vous livrer une réflexion : je ne suis pas certain qu'un rapport portant sans distinction sur l'indemnisation de tous les préjudices par les juridictions éclaire vraiment le Parlement. Avis défavorable.

La commission rejette l'amendement.

titre III - DISPOSITIONS RELATIVES À LA JUSTICE COMMERCIALE ET AUX JUGES NON PROFESSIONNELS

Chapitre I - Diverses dispositions portant expérimentation d'un tribunal des activités Économiques

Avant l'article 6

Amendement CL81 de Mme Pascale Bordes.

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Il s'agit d'un amendement purement rédactionnel.

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Non, il n'est pas strictement rédactionnel : il vise à supprimer le terme « diverses » dans l'intitulé du chapitre. Or, des dispositions peuvent être communes, identiques, ou encore parallèles. Le terme doit donc être maintenu. Avis défavorable.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CL385 de M. Christophe Blanchet.

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L'amendement vise à engager une expérimentation, sur la base d'un rapport de M. Blanchet. Or, la création d'une chambre spécialisée dans le commerce en ligne est déjà possible par voie réglementaire. Avis défavorable.

La commission rejette l'amendement.

Article 6 : Diverses dispositions portant expérimentation d'un tribunal des activités économiques (TAE)

Amendements de suppression CL64 de M. Sébastien Jumel, CL116 de Mme Cécile Untermaier et CL402 de M. Ugo Bernalicis.

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La création d'un tribunal des activités économiques (TAE) est l'une des mesures proposées par les États généraux de la justice. On ne peut pas dire que le fonctionnement des tribunaux de commerce et celui des tribunaux judiciaires, qui traitent certaines affaires d'ordre commercial, satisfassent pleinement les parties et les observateurs. Certes, on ne peut pas dire non plus que le système dysfonctionne complètement, mais il est clair qu'il n'emporte pas toutes les garanties que l'on est en droit d'attendre d'une justice satisfaisant aux standards d'une grande démocratie.

Néanmoins, votre proposition suscite plus de questions qu'elle n'en résout. Vous nous direz sans doute qu'il ne s'agit que d'une expérimentation, mais justement : les expérimentations concernant des tribunaux sont toujours délicates, car elles conduisent à juxtaposer deux régimes juridiques différents, ce qui fait que l'on n'est pas jugé de la même façon selon le lieu où l'on habite. Cela peut avoir des conséquences. C'est le cas pour les agriculteurs, qui seront concernés au premier chef par la réforme, car ce sont eux qui subissent la modification juridique la plus importante. Le fait qu'ils puissent être jugés par des commerçants pose question : si les uns sont les clients des autres, cela crée un tout autre type de relations que lorsqu'on est jugé par ses pairs. Il y a des risques de conflits d'intérêts.

Nous ne sommes pas opposés au fait que des pairs élus siègent, comme c'est le cas aux prud'hommes et dans les tribunaux de commerce. Peut-être pourrait-on avancer vers l'échevinage, mais pas avec des juges professionnels siégeant comme assesseurs aux côtés des juges élus : l'inverse serait plus intéressant.

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Ces amendements de suppression reposent sur des justifications différentes.

Qu'il me soit permis, alors que nous entamons la discussion sur les tribunaux de commerce et le futur TAE, de rendre hommage à tous les magistrats qui œuvrent en matière de justice commerciale, qu'ils soient professionnels ou non. Ce travail n'est pas facile ; ils le font avec sérieux. Des efforts importants ont été consentis en faveur de la formation des présidents de tribunaux de commerce, notamment.

Le périmètre de l'expérimentation sera de neuf à douze tribunaux. Lors de son audition, M. le garde des sceaux a indiqué qu'il veillerait à ce que les nouveaux tribunaux soient représentatifs, de façon à ce que l'expérimentation permette de dégager des conclusions précises : il n'y aura pas seulement des tribunaux de commerce de grandes villes.

Adopter ces amendements de suppression reviendrait tout simplement à maintenir la situation actuelle, donc à se priver d'un dispositif présentant un intérêt.

Parmi les questions qui mériteront d'être abordées, il y a celle des agriculteurs. Des amendements visent à exclure ces derniers de la compétence des TAE ; nous aurons donc l'occasion d'en débattre. En revanche, se contenter de régler la question avec des amendements de suppression, ce n'est rien d'autre que « jeter le bébé avec l'eau du bain ».

La présence des magistrats professionnels dans les formations de jugement est un autre aspect important. À cet égard, le Sénat a modifié certains des équilibres de l'article 6 : dans le texte qu'il nous a transmis, l'intervention de magistrats professionnels a été supprimée. Par ailleurs, la compétence du TAE a été beaucoup élargie.

S'agissant du premier point, je me référerai très exactement à ce qu'a déclaré M. le garde des sceaux : il faut convaincre, pas contraindre. Or, à ce stade, force est de constater que le modèle proposé ne recueille pas l'adhésion des magistrats, consulaires ou professionnels. Le texte issu des travaux du Sénat sera peut-être un point d'étape à partir duquel nous pourrons travailler – voilà encore un argument contre la suppression.

En ce qui concerne l'extension des compétences opérée par le Sénat, nous aurons, là encore, l'occasion d'examiner des amendements. Les équilibres n'ont pas été complètement respectés, et la cohérence de l'expérimentation s'en ressent. Ainsi, certaines professions se retrouvent dans le champ du TAE alors qu'elles ne devraient pas y être.

En résumé, pour débattre des questions légitimes que soulèvent les auteurs des amendements de suppression, il faut rejeter ces amendements. Avis défavorable.

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Nous abordons une disposition très importante du texte. À cet égard, je souhaite réagir aux propos de M. Bernalicis, qui considère que le fonctionnement des tribunaux de commerce ne correspond pas aux standards qui doivent être ceux d'une grande démocratie. Un tel discours n'est pas acceptable. La défiance que vous manifestez vis-à-vis de ces juges, certes non professionnels, ne me paraît en rien justifiée. À vous entendre, vous donnez le sentiment de les considérer presque comme des « sous-juges ». Il s'agit pourtant de personnes ayant eu de grandes réussites durant leur parcours professionnel, qui donnent de leur temps de manière bénévole pour rendre la justice. Les juges consulaires font un travail remarquable au quotidien.

Les statistiques non plus ne vont pas dans votre sens : le taux d'appel et celui d'infirmation des décisions en appel sont nettement plus bas dans les tribunaux de commerce que dans les juridictions civiles, dont les jugements sont pourtant rendus par des juges professionnels.

À propos des agriculteurs, vous avez pointé des risques de conflits d'intérêts. Je ne partage pas du tout votre avis : si un agriculteur se retrouve devant le TAE dans le cadre d'une procédure collective et qu'il constate qu'il connaît l'un des magistrats assis en face de lui, le déport de celui-ci sera demandé, comme c'est le cas dans toutes les juridictions, civiles ou commerciales.

Présidence de M. Sacha Houlié, président

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Moi non plus je n'ai pas aimé ce que j'ai entendu. La justice commerciale de notre pays est une justice de qualité, rendue par des femmes et des hommes bénévoles, qui consacrent beaucoup de leur temps à régler ces litiges qui sont de leur compétence.

Ce que l'on peut dire, sans aucunement mettre en cause les juges consulaires, c'est qu'en première instance, pour les procédures collectives, le partage des compétences par secteurs d'activité entre les tribunaux de commerce et les tribunaux judiciaires manque de lisibilité. Sur ce point, le diagnostic est unanime. L'instauration du TAE, dont l'objet est d'expérimenter une juridiction unique compétente pour la quasi-intégralité des procédures collectives, correspond selon moi à un vrai besoin ; les États généraux de la justice l'ont dit eux aussi.

Nous voulons accompagner les juges consulaires dans la prise en charge de ce nouveau contentieux en assurant leur formation. Et les agriculteurs bénéficieront de la culture de la prévention et de l'accompagnement de l'entrepreneur en difficulté, qui est au cœur de la pratique professionnelle des juges consulaires.

L'expérimentation permettra d'améliorer les choses, le cas échéant, au fil de l'eau. Le TAE constituera un progrès considérable. Ne même pas vouloir qu'une expérimentation voie le jour ne me semble pas du tout être la bonne démarche.

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Nous n'avons pas déposé d'amendement de suppression. Pour autant, nous avons du mal à comprendre l'intérêt de cette expérimentation. Quels sont les griefs contre le schéma existant ? Quels sont les buts poursuivis ?

En réalité, il s'agit de transférer les compétences et les contentieux de ce que l'on appelle la « chambre du conseil » dans les tribunaux judiciaires vers une juridiction unique. Dont acte, mais en quoi l'office des chambres du conseil actuelles est-il insuffisant ? Le système fonctionne correctement, en tout cas pas plus mal que le reste… En quoi le transfert au TAE permettrait-il de mieux traiter les affaires ? On ne nous l'explique pas.

Bien sûr, l'objectif est de diminuer les stocks du juge judiciaire et des tribunaux judiciaires. Mais faire baisser les stocks ne veut pas dire que l'on supprime du contentieux : vous dévitaliserez les tribunaux judiciaires, mais ne ferez qu'accroître les stocks des tribunaux de commerce, qui s'appelleront dorénavant TAE. Qui plus est, il est très difficile de recruter des juges consulaires, même si vous tentez d'améliorer cette situation. Autrement dit, vous ne ferez que déplacer les stocks vers une autre juridiction, sans accroître la qualité du traitement.

Chaque fois qu'une proposition utile est faite, nous répondons présents, mais, en l'espèce, nous ne comprenons pas l'utilité.

La commission rejette les amendements.

Amendements CL398 de M. Ugo Bernalicis, CL773 de M. Philippe Pradal, amendements identiques CL53 de Mme Danielle Brulebois, CL780 du Gouvernement et CL34 de M. Philippe Gosselin, et amendement CL418 de Mme Andrée Taurinya (discussion commune).

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Je m'exprime librement, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur. Que vous soyez frileux, c'est votre problème.

J'ai la faiblesse de croire que les travaux menés avec Didier Paris ont conduit à poser quelques questions, que nous avons mises noir sur blanc et qui ont leur pertinence. Il ne s'agit pas, pour autant, de dire qu'il y a un problème avec tous les tribunaux de commerce – j'ai d'ailleurs pris la précaution de souligner qu'ils fonctionnent globalement. Quand j'affirme que nous ne sommes pas à la hauteur de ce qu'on est en droit d'attendre dans une grande démocratie, cela concerne la professionnalisation, et j'assume mes propos. Je pense qu'il faut davantage de magistrats professionnels aux côtés des magistrats élus.

Ce n'est pas la qualité de ces derniers qui est en cause. Le fait qu'ils soient élus et qu'ils soient des pairs est un véritable atout pour la qualité de la justice. La difficulté est que la complexification du droit demande des compétences, et que ces magistrats sont souvent en proie au désarroi.

Le fait qu'il n'y ait que peu d'appels n'est pas forcément un critère – les raisons qui poussent à faire appel sont parfois un peu éloignées de la question de la qualité du jugement en première instance. Faire appel implique beaucoup de choses, aussi bien pour le justiciable que pour les entreprises.

En matière de déport, il reste des marges de progrès substantielles, et pas seulement dans les tribunaux de commerce. C'est dans les tribunaux administratifs que les pratiques sont, en fin de compte, les plus avancées : le déport y est beaucoup mieux admis, alors qu'il est vécu comme une remise en cause, comme un sujet de tension dans les autres tribunaux. Cela devrait être simple et normal partout.

Il faut avancer : je ne suis pas pour garder en l'état les tribunaux de commerce et, contrairement à vous, j'assume mes critiques.

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Il n'y a aucune frilosité de notre part, mais une volonté d'efficacité et de rationalisation. Ce qui me gêne dans vos arguments, c'est que, même si vous n'évoquez plus une suspicion – vous êtes un peu revenu sur vos premiers propos – vous considérez qu'il faut du professionnalisme pour statuer sur les affaires commerciales. Mais alors, pourquoi n'appliquez-vous pas le même raisonnement aux conseils de prud'hommes ? Le droit du travail est une matière excessivement complexe !

Les magistrats non professionnels apportent beaucoup au fonctionnement de notre justice. Une formation est dispensée aux magistrats consulaires, et les taux d'appel et d'infirmation en appel, ne vous en déplaise, sont quand même importants. En appel, seuls siègent des magistrats professionnels. S'il y a peu d'appels et que les jugements ne sont pas très différents de ceux de première instance, c'est que la justice commerciale, aujourd'hui rendue par des magistrats bénévoles, élus par leurs pairs – ce qui est une spécificité française – est efficace. Elle ne doit pas être mise en cause dans les termes que vous avez employés.

Mon amendement CL773 rétablit le texte initial pour plusieurs alinéas.

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L'amendement CL53 rétablit la rédaction initiale, afin d'exclure de la compétence du tribunal des activités économiques les procédures concernant les professions réglementées du droit – avocats, officiers publics et ministériels – qui exercent des tâches de service public plutôt que des activités économiques.

Il ne s'agit en rien d'un désaveu des tribunaux de commerce ni de leurs juges, dont je connais l'éthique et le dévouement. Ils ont développé des actions de prévention très utiles pour les petites entreprises et font un travail de proximité, grâce au mandat ad hoc et à la conciliation. En 2022, la part de la procédure de conciliation était ainsi de 80 % dans le Jura. C'est un outil très utile pour éviter les faillites de nos très petites entreprises (TPE) et de nos PME. Il est également utile de libérer du temps pour cela.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Je retire l'amendement du Gouvernement au profit de celui du rapporteur.

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Nous devons effectivement exclure du champ de l'expérimentation les professions réglementées, qui ne sont pas à proprement parler commerciales, mais civiles. Il est important, par ailleurs, que le contentieux garde une forme d'unité et relève dans son ensemble du tribunal judiciaire, au lieu d'entrer dans le champ de l'expérimentation. Un consensus est en train de se dégager sur ce plan, comme du reste pour les professions agricoles. Je remercie notre rapporteur Philippe Pradal, de l'avoir souligné dans son propos liminaire, qui avait l'avantage de présenter la philosophie des articles 6 et 7 – quand on sait ce qu'il en est, on peut éviter bien des crispations.

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Par l'amendement CL418, nous voulons exclure de l'expérimentation les activités agricoles. Les exploitations connaissent, on le sait, une situation alarmante : il faut les soutenir et non les affaiblir, comme le fait, insidieusement, l'expérimentation prévue. Nous avons été sollicités par plusieurs syndicats et associations d'agriculteurs, dont nous relayons la voix.

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La modification apportée par le Sénat, s'agissant des professions réglementées du droit, me paraît aller trop loin. C'est pourquoi je propose dans l'amendement CL773 d'exclure ces professions du champ de compétence du TAE. Je salue les propos de Mme Brulebois et de M. Gosselin, mais j'invite au retrait de tous les amendements en discussion commune au profit du mien, dont la rédaction me paraît, après avoir échangé avec le cabinet du garde des sceaux, plus efficace.

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S'agissant de l'échevinage, les dispositions qui ont été proposées ne satisfont ni les juges consulaires, ni les juges professionnels. Les premiers considèrent la mise en place de l'échevinage comme un véritable acte de défiance, et on risque d'aboutir à une crise des vocations. Quant aux magistrats, se voir donner la place d'assesseur les gêne.

Si l'expérience devait être généralisée – sait-on jamais –, un problème d'effectifs se poserait aussi. Si les 1 500 magistrats supplémentaires dont vous prévoyez l'embauche sont déployés en qualité d'assesseurs dans l'ensemble des juridictions, on ne verra pas trop la différence. Nous sommes donc extrêmement réservés au sujet de l'échevinage, voire hostiles, comme le sont les juridictions consulaires et leur assemblée générale.

En revanche, nous sommes d'accord avec la rédaction retenue par l'amendement CL773. Le Sénat est allé un peu loin en incluant les professions réglementées dans le champ d'application des TAE.

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Nous reviendrons avec d'autres amendements sur la question de l'échevinage.

L'amendement CL398 propose de revenir sur la rédaction adoptée par le Sénat. Monsieur le rapporteur, je suis ouvert à toutes les discussions et réflexions, y compris en matière prud'homale, mais le présent article concerne les tribunaux de commerce.

Les magistrats supplémentaires devront être assignés aux tâches pour lesquelles on manque de monde, et non à de nouvelles expérimentations. Il est donc plus sage de ne pas s'engager dans celle qui nous est proposée, c'est la seule conclusion logique. J'assume notre volonté d'en rester à la situation actuelle : globalement, cela fonctionne. Les agriculteurs sont notamment contents de relever du tribunal judiciaire.

Les amendements CL780 et CL34 sont retirés.

La commission rejette l'amendement CL398. Puis elle adopte l'amendement CL773.

En conséquence, les amendements CL53 et CL418 tombent, ainsi que les amendements CL51 de Mme Danielle Brulebois, CL222 de Mme Véronique Louwagie, CL172 de M. Philippe Gosselin, CL693 de Mme Sarah Tanzilli et CL709 de Mme Naïma Moutchou.

Amendements identiques CL419 de Mme Andrée Taurinya et CL476 de M. Ugo Bernalicis.

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Il s'agit de lancer une réflexion. S'il doit y avoir un échevinage, il faut que le magistrat préside la formation de jugement et qu'il y soit minoritaire. Les assesseurs, qui seraient élus par leurs pairs, s'intéresseraient au fond des dossiers, tandis que le magistrat professionnel serait tout simplement le garant de l'application du droit et de la procédure. C'est cette formule qui nous semble présenter le plus de garanties pour le justiciable, la société et les parlementaires que nous sommes. S'il fallait mener une expérimentation, ce serait plutôt en ce sens. Cela pourrait favoriser une bonne synergie, alliant connaissance du territoire et des sujets et connaissance du droit et professionnalisme.

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Confier la présidence de la formation de jugement à un magistrat professionnel n'est pas conforme, les auditions l'ont confirmé, à ce qui était initialement voulu. L'objectif était de favoriser, par le dialogue et la cohabitation avec les juges consulaires, non seulement des synergies, mais aussi une acculturation des magistrats professionnels aux réalités du monde économique. Il ne s'agissait pas d'instaurer une quelconque tutelle ou un contrôle – et les magistrats de la Cour de cassation avaient salué l'assessorat lorsque nous les avons auditionnés. Comme ces amendements tordraient un peu l'objectif initial de la réforme, j'émets un avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques CL761 de M. Philippe Pradal et CL54 de Mme Danielle Brulebois.

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Je propose de supprimer un ajout du Sénat qui étend la compétence des TAE à l'ensemble des baux commerciaux, même en l'absence de connexité avec une procédure collective. Ce serait, en l'état, délicat et susceptible de déstabiliser le périmètre de l'expérimentation.

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Mon amendement tend aussi à rétablir la rédaction initiale. L'extension de la compétence du TAE à tous les baux commerciaux et autres conventions n'est pas conforme aux conclusions des États généraux de la justice, dont le comité a estimé que les présidents de tribunaux judiciaires et les tribunaux judiciaires devaient conserver leurs compétences de droit commun en matière de baux commerciaux, sauf en cas de contestation liée aux procédures collectives, et en matière de propriété intellectuelle, pour des raisons de technicité. Cet avis est partagé par les magistrats de carrière comme par les juges consulaires.

La commission adopte les amendements.

Amendement CL972 de M. Philippe Pradal.

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Il est prévu d'étendre aux associations la compétence du TAE en matière de procédures collectives. Mon amendement vise à se limiter aux associations qui exercent une activité économique ; pour les autres, je ne vois pas clairement la plus-value que pourrait apporter le TAE.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Je vous propose de retirer cet amendement. Garder dans la compétence du tribunal judiciaire les seules associations à but non lucratif me paraît constituer un critère de répartition complexe, alors que nous tentons, par cette expérimentation, de simplifier les choses. Certaines associations ont une activité lucrative, d'autres une activité non lucrative, et d'autres encore une activité non lucrative à titre principal et des activités lucratives à titre accessoire, lesquelles sont soumises aux impôts visés par votre amendement.

La qualification du caractère lucratif ou non d'une association est loin d'être aisée et ne résulte pas toujours des déclarations spontanées de leurs dirigeants. Votre proposition peut donc être une source de complexité et ne permet pas d'embarquer dans le TAE toutes les associations aux activités lucratives, puisque seraient exclues celles qui n'auraient pas spontanément rempli leurs obligations fiscales. On courrait, enfin, le risque de générer un contentieux de requalification devant le tribunal judiciaire, saisi à tort, ce qui pourrait retarder et fragiliser le traitement des difficultés économiques, parfois lourdes de conséquences en matière d'emploi.

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Je vais retirer cet amendement, mais je maintiens qu'il faut trouver une rédaction plus adaptée en vue de la séance. Les associations cultuelles et, plus généralement, toutes les associations qui ne relèvent pas de la loi de 1901 posent des problèmes très spécifiques. La compétence du TAE pour les procédures qui pourraient leur être applicables conduirait, à mon avis, à d'autres types de difficultés.

L'amendement est retiré.

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL765, CL764 et CL763 de M. Philippe Pradal, rapporteur.

Elle adopte l'article 6 modifié.

Article 7 : Expérimentation portant sur la contribution pour la justice économique

Amendements de suppression CL118 de Mme Cécile Untermaier, CL323 de Mme Emeline K/Bidi, CL420 de Mme Andrée Taurinya, CL433 de Mme Pascale Bordes, CL521 de Mme Sandra Regol et CL562 de M. Philippe Schreck.

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Nous avons déjà largement abordé hier la question de l'égalité des justiciables devant la loi. Il nous semble que l'article 7 contrevient à ce principe et nous craignons, même si la contribution est limitée aux tribunaux des activités économiques, qu'un glissement se produise et qu'on finisse par en venir à un droit de timbre pour d'autres types de juridictions. C'est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.

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Nous nous opposons, compte tenu des risques, à la création d'un droit de timbre. L'ensemble des justiciables des tribunaux des activités économiques ne seront pas forcément en mesure de s'acquitter des coûts d'un recours. De surcroît, on ne sait pas à quoi cela pourrait conduire plus tard : on peut craindre une dérive, sous la forme d'une sorte de taxe basée sur les bénéfices ou le chiffre d'affaires des entreprises et des personnes morales requérantes, et ensuite que cette logique soit reprise pour d'autres types d'affaires, y compris impliquant des personnes physiques.

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Cet article instaure, à titre expérimental, une contribution financière pour chaque instance introduite devant le TAE, à peine d'irrecevabilité de la demande. La contribution financière pourrait aller jusqu'à 5 % du montant des demandes cumulées et 100 000 euros. C'est attentatoire au principe de la gratuité de la justice, auquel je suis très attachée, et dissuadera un certain nombre de personnes, parmi les plus fragilisées, de saisir la justice. Je pense en particulier aux artisans, qui pâtissent déjà grandement de la situation actuelle – comme les boulangers-pâtissiers, qui font face à d'énormes factures d'électricité. Si on leur impose une telle contribution financière, ils ne saisiront pas la justice et on les retrouvera ipso facto dans le cadre de procédures collectives. La proposition qui nous est faite est donc extrêmement dangereuse.

Une telle mesure introduirait, par ailleurs, des différences entre les justiciables, ce qui n'est pas souhaitable dans une démocratie : une différence entre ceux qui auront les moyens de saisir les tribunaux et ceux qui ne le pourront pas, et une différence entre ceux qui, malheureusement, devront se tourner vers un TAE expérimental et ceux qui continueront à relever d'un tribunal de commerce classique et n'auront pas, eux, à régler une contribution.

Pour toutes ces raisons, nous demandons également la suppression de cet article.

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Nous voulons vous alerter sur le fait que cet article reviendrait sur le principe de la gratuité de la justice. On peut comprendre que faire contribuer de très grosses entreprises ne paraisse pas choquant, mais aucun seuil n'est prévu dans le texte. Et sur le fond, si vraiment il fallait envisager une remise en cause du principe de gratuité de la justice – nous sommes plutôt contre à ce stade – il faudrait un encadrement très strict, ce qui n'est pas prévu.

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Cette expérimentation revient à instaurer une justice payante, à laquelle nous sommes opposés. On ne peut pas régler les problèmes, notamment budgétaires, de la justice, en levant un impôt. Nous sommes attachés à la relative gratuité de la justice – elle est quand même payante pour les justiciables, qui doivent rémunérer des auxiliaires de justice et payer des frais de greffe.

Comme souvent, le nouveau péage risque de frapper les faibles, sans vraiment toucher les forts. Une très grosse entreprise n'aura aucune difficulté à régler une contribution financière limitée à 5 % du montant des demandes cumulées et à 100 000 euros, mais ce ne sera pas le cas pour les professions indépendantes, les artisans, les TPE ou les PME. Cela posera donc des difficultés d'accès à la justice.

Les TPE et PME françaises sont celles qui acquittent le plus de prélèvements obligatoires au monde. Elles ont également subi, comme tout le monde, l'inflation et la hausse du coût de l'énergie. Demander, en cette période, à un artisan qui attaquerait un promoteur immobilier pour obtenir le paiement d'une facture, qui doit déjà payer une expertise, un avocat et des frais de greffe, de s'acquitter en plus d'un droit de péage pour accéder au juge me paraît totalement disproportionné et contraire aux principes qui gouvernent depuis longtemps notre justice. C'est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.

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L'idée d'une contribution au financement de la justice, dans le cadre du mécanisme prévu à l'article 7, fait consensus, les États généraux de la justice l'ont relevé.

Il est important de garantir un accès facile à la justice. Dans la rédaction actuelle du texte, les bénéficiaires de l'aide juridictionnelle ne sont donc pas concernés, pas plus que les demandeurs à l'ouverture d'une procédure amiable ou collective ni, nous y reviendrons, certaines personnes morales de droit public. Par ailleurs, si l'instance se termine par le recours à un mode amiable de règlement du différend, la contribution sera remboursée.

Reste la question importante des PME. Sans déflorer le débat que nous aurons tout à l'heure, j'annonce tout de suite que je donnerai un avis favorable à l'amendement CL33 de Philippe Gosselin, qui prévoit d'exonérer de la contribution toutes les entreprises dont l'effectif est inférieur à 250 salariés. Ce critère a l'avantage d'être très lisible et assez large – d'autres amendements font appel à des seuils de chiffre d'affaires ou à des notions plus complexes à appliquer.

Le dispositif permettra dès lors de garantir complètement un accès facile à la justice, tout en gardant son nécessaire aspect dissuasif, la demande étant irrecevable si la contribution n'est pas acquittée. L'objectif est d'éviter que les gros puissent dissuader les petits de faire des recours contre eux. Les litiges devant les tribunaux de commerce, voire en matière pénale, sont en effet bien souvent utilisés comme des outils lorsque les relations entre clients et fournisseurs deviennent difficiles. La rédaction à laquelle l'amendement CL33 conduirait permettrait donc d'aboutir à un résultat équilibré.

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Je partage ce qui vient d'être dit. S'agissant de l'accès à la justice, étant vous-même avocat, monsieur Schreck, vous avez pu constater que l'application d'un droit de timbre ne conduisait pas à une diminution du nombre de contentieux. La nouvelle contribution ne posera pas, à mon avis, des difficultés d'accès à la justice. Par ailleurs, si elle est versée par les demandeurs, elle sera réglée in fine par la partie qui succombera à l'issue de la procédure, suivant un mécanisme classique, et de nombreux cas d'exclusion sont prévus, par exemple dans le cadre de règlements amiables – et nous reparlerons des PME. Enfin, vous savez bien qu'il existe parfois un risque de procédures dilatoires ; ce mécanisme pourrait être de nature à y apporter une réponse. Je suis donc, moi aussi, opposé aux amendements de suppression.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Je comprends que cela soulève des questions principielles, et je veux tous vous rassurer.

La Chancellerie a fait beaucoup d'efforts pour l'attractivité de la France, et notamment celle de la place de Paris. Je pense, en particulier, à la création de la juridiction unifiée du brevet. Or, je rappelle que la justice économique est payante presque partout en Europe. Ce qui est très paradoxal, c'est que notre justice est critiquée parce qu'elle est gratuite. J'appelle cela le syndrome des marques : quand deux costumes sont de même facture, mais que l'un porte une marque et l'autre non, certains préfèrent le premier… C'est une réalité s'agissant des acteurs économiques.

J'entends et je partage la deuxième crainte, qui porte sur l'accès à la justice. Soyons très clairs : les personnes physiques bénéficiaires de l'aide juridictionnelle, les demandeurs dans le cadre de procédures collectives et les personnes morales de droit public sont exclues des dispositions de l'article 7 ; pour les entreprises, nous fixerons des seuils, notamment en matière de nombre de salariés. N'ayez donc aucune crainte : les TPE n'entrent pas du tout dans le champ de l'article 7. M. Iordanoff a dit qu'il pourrait accepter une contribution pour les très grosses entreprises : c'est exactement ce que nous proposons !

Je souligne aussi qu'il s'agit d'une expérimentation, dans un but d'intérêt général. Le montant fixé, selon des critères objectifs, est rationnel, compte tenu des exonérations prévues. Nous y reviendrons plus en détail.

Je rappelle également que le Conseil d'État, dans son avis sur le texte, n'a rien dit de défavorable, et que les États généraux de la justice ont clairement identifié le besoin d'une contribution – ce n'est pas une lubie ministérielle.

Pourquoi créer des TAE ? Les délais sont actuellement très longs : trente et un mois devant les tribunaux de commerce, quarante mois devant les tribunaux judiciaires. C'est une des raisons pour lesquelles nous voulons une justice économique unifiée.

Je reviens aussi sur la question des agriculteurs, car j'y suis extrêmement attaché : les mesures que l'on prend en amont sont très efficaces et je souhaite que les agriculteurs puissent en bénéficier.

Pour toutes ces raisons, je suis défavorable aux amendements de suppression. Si vous avez été convaincus par les seuils et les vraies précautions que nous allons mettre en place, je vous suggère de les retirer.

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La justice n'est pas gratuite. S'il est vrai que l'accès à la justice n'est pas payé par les usagers, il n'en demeure pas moins qu'il a un coût, qui repose sur le contribuable. Or, le budget de l'État n'est pas un puits sans fond et, alors que l'on ne cesse d'évoquer les conditions de travail dégradées et les procédures qui n'avancent pas, le maintien de la gratuité est une vraie question, que nous devons aborder sans tabou.

Je suis donc favorable au droit de timbre. Il a d'ailleurs existé par le passé, sans poser aucune difficulté. Dès lors que son montant est raisonnable, par exemple 50 euros, et que les bénéficiaires de l'aide juridictionnelle en sont exonérés, le droit de timbre permettrait d'alimenter le budget de la justice tout en préservant les publics les plus fragiles et les plus modestes. On ne peut pas continuer à brandir le slogan de la gratuité de la justice tout en se plaignant que des choses ne fonctionnent pas. Toute la question est de parvenir à un dispositif équilibré.

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La gratuité est un principe, pas un slogan, ne la dévalorisons pas. Ce principe, je le défends pour tous, y compris pour les plus riches et les grandes entreprises. Dans le cas contraire, on a une justice à deux vitesses, deux niveaux, avec un service qui est rendu à la hauteur de ce que chacun paye – ou ne paye pas. Voilà le danger qui guette. Par ailleurs, envisager de rétablir le droit de timbre dans l'état de délabrement où se trouve la justice – quatre ans pour un divorce ! – c'est tout de même osé.

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Nous ne sommes pas hostiles à une contribution modeste et égale pour tous. Ce qui nous gêne, c'est que certains justiciables doivent payer et d'autres non. Par ailleurs, le texte ne dit rien du montant de la contribution. Il faut s'assurer qu'elle soit suffisamment modeste pour ne pas faire douter de l'intérêt d'aller en justice. En outre, si un amendement doit exonérer les entreprises en deçà d'un certain seuil de salariés, rien n'est prévu pour les artisans. Alors oui, on peut s'interroger sur l'intérêt d'une contribution pour participer au financement de la justice et la rendre plus effective, mais en s'assurant toujours que tous les justiciables soient sur un pied d'égalité.

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Cette expérimentation répond à une recommandation des États généraux de la justice. Elle a un pendant en matière réglementaire : la justice amiable. L'instauration des divers instruments de cette justice amiable permettra non seulement de désengorger les tribunaux, mais aussi de répondre à un certain nombre d'interrogations, et amènera sans doute à penser autrement l'avenir de la justice.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Je vous remercie d'avoir fait cet utile rappel. Dans notre dispositif, si l'on trouve une solution amiable, il n'y a pas de contribution ; cela favorise donc l'amiable.

La commission rejette les amendements.

Amendement CL119 de Mme Cécile Untermaier.

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Étant sensible à l'amendement qui sera proposé concernant le seuil de 250 salariés, je retire mon amendement.

L'amendement est retiré.

Amendements CL563, CL565, CL566, CL569, CL571, CL584, CL573, CL581, CL582, CL583, CL585 et CL586 de M. Philippe Schreck.

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Ce sont des amendements de repli, qui jouent tantôt sur le taux, tantôt sur le montant.

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Avis défavorable, car il importe de ne pas dissuader ceux qui en ont le plus besoin de recourir à la justice. Une disposition trop générale et aveugle aurait pour effet de favoriser les gros auteurs de recours ou les grandes entreprises, ce qui me paraît contradictoire avec votre objectif.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CL971 de M. Philippe Pradal.

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Il vise à limiter l'exonération des personnes morales de droit public à l'État, aux collectivités territoriales et à leurs groupements.

La commission adopte l'amendement.

Amendements CL983 de M. Philippe Pradal, CL588, CL589, CL590 et CL591 de M. Philippe Schreck, CL479 de M. Emmanuel Mandon, CL592 de M. Philippe Schreck, CL522 de Mme Sandra Regol, CL610, CL611, CL613, CL614, CL616, CL617, CL618, CL625, CL627, CL629, CL631, CL604, CL605, CL621, CL623 et CL607 de M. Philippe Schreck (discussion commune).

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À l'initiative de M. Gosselin, il est proposé d'exonérer les entreprises les moins importantes. Le seuil serait fixé à 250 salariés.

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Mes amendements vont probablement tomber si celui du rapporteur est adopté.

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Il nous semble important de prévoir un autre cas d'exonération pour les très petites entreprises, compte tenu du contexte économique difficile et des crises à répétition auxquelles elles doivent faire face. Il ne faut pas restreindre leur accès à la justice économique : une contribution, même modeste, peut les dissuader de s'engager dans un contentieux déjà lourd et difficile pour elles.

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Mon amendement fixe un seuil minimum de 50 millions d'euros de chiffre d'affaires afin de protéger les petites et moyennes entreprises.

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Avis défavorable aux amendements de M Schreck, ainsi qu'à celui de Mme Regol, qui me surprend car le seuil proposé ne correspond pas à une petite entreprise. Rappelez-vous Lacordaire : entre le fort et le faible, c'est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit ! Il ne me paraît pas très équilibré d'exonérer une entreprise réalisant 49 millions d'euros de chiffre d'affaires.

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Je propose au rapporteur de déposer un sous-amendement pour corriger ce point, car il serait dommage de renoncer à l'objectif pour une question de montant.

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Le rapporteur propose de fixer le seuil en nombre de salariés : la contribution serait due à partir de 250 salariés.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

L'amendement du rapporteur va dans le bon sens. Le seuil de 250 salariés est intéressant. Avis défavorable aux autres amendements.

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Je comprends le seuil de 250 salariés, mais il pose le problème des entreprises qui travaillent avec des prestataires extérieurs. Certaines entreprises agricoles réalisent ainsi un très gros chiffre d'affaires, tout en n'employant qu'un très faible nombre de salariés ; elles pourront de ce fait bénéficier de l'exonération.

La commission adopte l'amendement CL983.

En conséquence, les autres amendements tombent.

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Je n'ai pu soutenir mon amendement, qui était identique à celui du rapporteur, car j'étais en séance en train de défendre des amendements tout aussi importants sur un autre texte. Je plaide pour exonérer les entreprises de moins de 250 salariés. Cela rejoint la question du droit de timbre, qui nous divise régulièrement : la justice doit être gratuite, mais il faut pouvoir trouver des ajustements, sans remettre en cause ce principe.

L'amendement CL595 de M. Philippe Schreck est retiré.

Amendement CL597 de M. Philippe Schreck.

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Il s'agit de rembourser la contribution au demandeur placé en procédure collective en cours d'instance. Les sociétés faisant l'objet d'un redressement judiciaire ou d'une procédure de sauvegarde ont besoin de capacités d'autofinancement pour assurer la continuité de leur activité et le maintien des salaires. Si cet événement regrettable arrive en cours de procédure, il paraît intéressant de rembourser la contribution au mandataire, au représentant des créanciers ou à l'administrateur.

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L'amendement que nous venons d'adopter exonère déjà les petites entreprises. Quant aux autres, votre amendement n'aurait que peu d'impact sur le sort final de la procédure collective. Avis défavorable.

La commission rejette l'amendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL769 et CL770 de M. Philippe Pradal, rapporteur.

Elle adopte l'article 7 modifié.

La séance, suspendue à 11 heures 5, est reprise à 11 heures 20.

Chapitre II - Dispositions diverses relatives à la formation et à la responsabilitÉ des juges non professionnels

Avant l'article 8

L'amendement CL82 de Mme Pascale Bordes est retiré.

Article 8 (art. L. 1441-11 et L. 1442-14-1 [nouveau] du code du travail) : Conditions de candidature aux fonctions de conseillers prud'hommes et régime disciplinaire applicable

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL939 et CL940 de M. Philippe Pradal, rapporteur.

Elle adopte l'article 8 modifié.

Article 8 bis A (nouveau) (art. L. 1442-17 et L. 1442-18 du code du travail) : Adaptation et ouverture de la procédure de relèvement d'incapacité aux conseillers prud'hommes réputés démissionnaires pour défaut de formation initiale

La commission adopte l'article 8 bis A non modifié.

Article 8 bis (nouveau) (art. 1421-3 [nouveau] du code du travail) : Création d'une obligation de déclaration d'intérêts pour les conseillers prud'hommes

Amendement CL743 de M. Philippe Pradal.

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Il vise à permettre aux conseillers prud'hommes de déposer leur déclaration d'intérêts dans un délai de six mois, et non deux.

La commission adopte l'amendement.

Elle adopte l'article 8 bis modifié.

Article 8 ter (nouveau) (art. 1441-9 et 1442-3 du code du travail) : Instauration d'une limitation du cumul des mandats de conseiller prud'hommes et d'une limite d'âge pour l'exercice de cette fonction

La commission adopte l'article 8 ter non modifié.

Article 8 quater (nouveau) (art. 1441-19 et 1441-29 du code du travail) : Assouplissement des règles de parité femmes-hommes pour les listes de candidats aux fonctions de conseillers prud'hommes

La commission adopte l'article 8 quater non modifié.

Article 9 (art. L. 722-6, L. 722-11-1 [nouveau] et L. 723-5 [nouveau] et L. 723-6 [nouveau] et L. 724-1-2 [nouveau] du code de commerce) : Sanction de l'obligation de formation des présidents de tribunal de commerce et du refus de siéger sans motif légitime des juges consulaires

La commission adopte l'amendement CL744 rectifié de M. Philippe Pradal, rapporteur.

Elle adopte l'article 9 modifié.

Article 10 (art. L. 218-3, L. 218-4, L. 218-6, L. 218-12 et L. 218-13 [nouveau] du code de l'organisation judiciaire) : Sanction par la démission d'office en cas d'absence de suivi de la formation initiale par les assesseurs de pôle sociaux

La commission adopte l'article 10 non modifié.

Article 10 bis (nouveau) (art. 251-5 du code de l'organisation judiciaire) : Suppression de la prestation de serment pour les assesseurs des tribunaux pour enfants qui ont déjà exercé des fonctions judiciaires au sein d'un tel tribunal

La commission adopte l'article 10 bis non modifié.

titre IV – OUVERTURE ET MODERNISATION DE L'INSTITUTION JUDICIAIRE

Article 11 (art. L. 123-4 du code de l'organisation judiciaire, art. L. 123-5 du code de l'organisation judiciaire [nouveau], art. 706 du code de procédure pénale et art. 803-9 du code de procédure pénale [nouveau]) : Organisation de l'équipe autour du magistrat

Amendement CL422 de Mme Andrée Taurinya.

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Nous sommes résolument opposés à la création d'attachés de justice pour pallier la pénurie de magistrats, tout comme nous l'étions à la création des assistants d'enquête dans la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur. Le Syndicat de la magistrature ne voit pas cette mesure d'un très bon œil, particulièrement en ce qui concerne la possibilité d'assister aux délibérés, dont le secret doit être préservé. Personne d'autre que les magistrats – et les auditeurs de justice, futurs magistrats – ne doit y participer.

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Avis très défavorable. Il ne faut pas tout confondre. Dans le cadre de ce projet de loi, nous mettons en place un budget inédit, nous augmentons le nombre de magistrats et de greffiers. En créant des attachés de justice pour remplacer les juristes assistants et en les pérennisant dans leurs fonctions, nous permettons au magistrat de disposer d'une véritable équipe. Cela contribuera au bon fonctionnement de la justice. Je n'ai pas les mêmes retours que vous de la part des magistrats et des syndicats : ce sont des aides précieuses pour les magistrats, qui peuvent ainsi se recentrer sur leurs missions principales. Nous aurons une discussion sur leur participation au délibéré ou sur la délégation de signature, mais de façon générale, ils sont un atout précieux pour les magistrats.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Je suis totalement défavorable à cet amendement. Avec les 2 000 contractuels que nous avons déjà recrutés, nous avons permis un déstockage des dossiers en matière civile de plus de 30 % au niveau national. C'est un résultat historique ! Les magistrats et les greffiers appellent de leurs vœux la constitution d'une véritable équipe. Ces contractuels sont tellement utiles que les chefs de juridiction m'ont tous demandé de les pérenniser. Je le fais : ils auront un CDI, ils prêteront serment et ils recevront une formation. On ne peut plus se passer d'eux, voilà la réalité !

La commission rejette l'amendement.

Elle adopte l'amendement rédactionnel CL930 de M. Jean Terlier, rapporteur général.

Amendement CL938 de M. Jean Terlier.

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Cet amendement a pour objet de fixer dans la loi le niveau de recrutement des attachés de justice, lesquels devront être titulaires d'un bac+5 sanctionnant une formation juridique. Nous disposerons ainsi de juristes de grande qualité, qui apporteront une aide importante aux magistrats.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Sagesse : j'aurais souhaité que la condition de diplôme soit élargie aux titulaires de bac+4, et pas forcément limitée au seul domaine juridique. Dans la mesure où nous avons des ambitions importantes de recrutement d'attachés de justice, je souhaite pouvoir élargir le vivier des candidats.

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Je maintiens l'amendement et propose d'étudier d'ici la séance la possibilité de l'élargir.

La commission adopte l'amendement.

Amendements CL434 de Mme Pascale Bordes, CL679 de M. Jérémie Iordanoff et CL931 de M. Jean Terlier (discussion commune).

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Si je n'ai pas la moindre réticence concernant les attachés de justice, qui rendent des services incontestables, je considère qu'ils ne doivent pas prendre la place du juge. Le juge est celui qui décide et qui signe : je ne suis pas favorable à une délégation de signature dans toutes les matières.

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Dans la rédaction actuelle, la délégation de signature s'appliquerait à l'ensemble des réquisitions, y compris concernant l'entrée dans un système d'information traitant de données nominatives. C'est un acte intrusif et attentatoire aux libertés, réservé au juge des libertés et de la détention. Cette confusion des rôles entre les attachés de justice et les magistrats nous paraît fortement problématique. Seuls les magistrats, qui disposent d'une garantie d'indépendance statutaire, doivent pouvoir effectuer ces actes. Nous proposons donc de supprimer la délégation de signature.

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Mon amendement vise à réserver la délégation de signature aux matières civile et commerciale.

J'ai du mal à comprendre les amendements précédents. Une délégation de signature se fait systématiquement sous la responsabilité du magistrat. C'est à lui d'apprécier si son attaché est suffisamment compétent et expérimenté pour l'avoir. Les attachés de justice seront recrutés à bac+5 et vont monter en compétences. Enfin, la délégation de signature participe à l'objectif d'associer plus étroitement les attachés de justice à l'équipe autour du magistrat et de les valoriser, afin qu'eux-mêmes puissent accéder à terme à la magistrature. Avis défavorable sur ces amendements.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Avis favorable à l'amendement du rapporteur général, défavorable aux autres.

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Je soutiens l'amendement du rapporteur général. C'est une délégation de signature et non une délégation de pouvoir. Il me paraît important que le magistrat puisse utiliser au mieux ses attachés de justice.

La commission rejette successivement les amendements CL434 et CL679, puis adopte l'amendement CL931.

Amendement CL121 de Mme Cécile Untermaier.

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Je suis plus réservée sur la présence de l'attaché de justice dans un délibéré. Il est très important que les magistrats se retrouvent entre eux, non pas pour cultiver l'entre-soi, mais pour pouvoir dire ce qu'ils pensent sans redouter une éventuelle fuite.

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Avis défavorable. Le rôle des attachés de justice sera d'assister le magistrat. Dans le cadre du délibéré, ils l'aideront à cerner les tenants et aboutissants d'une décision à laquelle ils auront travaillé. Si l'on veut qu'ils montent en compétence, on ne peut pas les exclure des délibérés. Le secret du délibéré sera bien garanti, puisque les attachés de justice prêteront serment et seront tenus au secret professionnel.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Avis défavorable.

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Je comprends et partage votre souhait de faire monter en compétence les attachés, pour qu'ils deviennent ensuite des magistrats. On pourrait toutefois envisager que cela reste à la discrétion des magistrats, que cela ne soit pas un droit des attachés de justice. Il faudrait, pour la séance, concevoir un dispositif permettant aux magistrats d'avoir la main sur leur présence ou non dans le délibéré.

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C'est déjà le cas : il s'agit d'une possibilité et non d'une obligation.

La commission rejette l'amendement.

Suivant l'avis du rapporteur général, la commission rejette l'amendement CL154 de Mme Cécile Untermaier.

Amendement CL480 de M. Emmanuel Mandon.

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Le débat sur les attachés de justice, les assistants spécialisés et le rôle de l'équipe autour du magistrat a montré que nous vivons une évolution importante, qui n'a sans doute pas fini de produire ses effets – du moins peut-on le souhaiter. On peut comprendre les réserves exprimées, par exemple en se rappelant ce qu'ont vécu les collaborateurs parlementaires lors de leur arrivée à l'Assemblée.

Dans sa recommandation n° 47, le plan Rouge vif pour améliorer le traitement judiciaire des violences intrafamiliales préconisait de mettre en place une équipe autour du juge, qui comprenne des personnes compétentes sur ces sujets. Nous souhaitons donc une spécialisation et une montée en compétences.

Le présent amendement prévoit ainsi l'affectation d'assistants spécialisés au sein des futurs pôles spécialisés en matière de lutte contre les violences intrafamiliales, qui devraient être opérationnels au 1er janvier 2024.

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Le plan Rouge vif est issu du rapport de notre collègue Émilie Chandler. La recommandation porte davantage sur l'affectation des futurs attachés de justice que sur celle d'assistants spécialisés, car le contentieux des violences intrafamiliales n'est pas complexe. Je comprends toutefois votre souci d'affecter spécialement des moyens humains pour le traiter. Je vous suggère de retirer l'amendement pour le retravailler et l'intégrer dans le rapport annexé.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Je comprends le sens de l'amendement, mais j'en suggère le retrait, pour les mêmes raisons.

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Nous le retravaillerons en ce sens d'ici à la séance.

L'amendement est retiré.

Suivant l'avis du rapporteur général, la commission rejette l'amendement CL122 de Mme Cécile Untermaier.

Elle adopte l'amendement rédactionnel CL932 de M. Jean Terlier, rapporteur général.

Amendement CL120 de Mme Cécile Untermaier.

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Il s'agit de restreindre la possibilité, pour les attachés de justice, de disposer d'une délégation de signature du magistrat dans sa mission juridictionnelle : celui-ci doit s'engager lui-même.

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Je l'ai dit, la délégation de signature se fera évidemment sous la responsabilité du magistrat. Avis défavorable.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

La délégation de signature n'est pas une délégation de pouvoir, qui serait d'ailleurs inconstitutionnelle. Comme nous l'avons rappelé, il y a une équipe, et un chef d'équipe : le magistrat.

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C'est vrai, juridiquement, une délégation de signature n'est pas une délégation de pouvoir. Mais, dans la pratique, elle y ressemble étrangement, car le magistrat fait confiance à ses subordonnés : ce sont eux qui prennent la décision in fine. Le magistrat change d'office : il n'est plus celui qui décide, il devient celui qui supervise des décisions. On le place dès lors dans un rôle de manager plus que de praticien.

On peut défendre cela, mais ce n'est pas la position de notre groupe, qui s'oppose aux attachés de justice tels que vous les proposez. Nous ne pourrons pas faire l'économie d'une réflexion sur ce que l'on entend par « équipe » et sur le positionnement du magistrat. Il ne faudrait pas arriver à des équipes de dix attachés de justice qui font tout, le magistrat se contentant de mettre des coups de tampons et de faire un contrôle de supervision par échantillonnage !

Or, en l'état actuel du texte, pour « vider les stocks », puisque c'est votre enjeu, on pourrait imaginer que cela arrive.

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Faites confiance aux magistrats ! Ce sont eux qui travailleront au quotidien avec les attachés de justice et qui détermineront, en fonction de leurs compétences et de l'expérience acquise, si une délégation de signature est possible, sous leur responsabilité. Cela participe d'une bonne justice.

Dans les amendements précédents, nous avons cherché à circonscrire les domaines et le cadre d'intervention dans lesquels ces délégations de signature pourront intervenir. Il faut laisser le juge en décider.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Cette vision du juge comme un apparatchik tamponneur est assez curieuse. Ce n'est pas la mienne, mais on ne peut évidemment pas être d'accord sur tout.

La commission rejette l'amendement.

Elle adopte l'amendement rédactionnel CL933 de M. Jean Terlier, rapporteur général.

Elle adopte l'article 11 modifié.

Article 12 (art. L. 212-9 du code de l'organisation judiciaire [nouveau], art. L. 312-9 du code de l'organisation judiciaire [nouveau], art. L. 436-1 du code de l'organisation judiciaire [nouveau], art. L. 122-4, L. 221-2-2 et L. 222-3-1 du code de justice administrative [nouveaux]) : Participation des parlementaires au conseil de juridiction

Amendements identiques CL979 de M. Jean Terlier et CL123 de Mme Cécile Untermaier, et amendement CL417 de M. Ugo Bernalicis (discussion commune).

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Cet amendement important reprend l'avis du Conseil d'État considérant que le conseil de juridiction doit inclure des parlementaires et être identifié par la loi. Je défends depuis des années l'idée que les parlementaires doivent aussi travailler localement, dans des conseils de juridiction, pour avoir connaissance des difficultés et relayer ce qu'ils font au niveau national. C'est un véritable travail pendulaire que nous devons mener. Quant au conseil de juridiction, il doit faire confiance aux parlementaires. Je suis satisfaite que M. le rapporteur général ait déposé le même amendement.

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L'idée de mon amendement est d'inclure des parlementaires, mais pas uniquement, et de donner davantage de corps aux conseils de juridiction, pour la fixation de l'ordre du jour comme pour la publication des comptes rendus. Il s'agit que les citoyens sachent que de tels conseils existent et puissent se renseigner sur les débats qui s'y tiennent.

Au sein du conseil de juridiction du tribunal judiciaire de Lille, auquel j'ai participé plusieurs fois, les discussions sont intéressantes. Les pratiques sont toutefois hétérogènes dans l'ensemble du territoire. On sent que l'idée d'un tel conseil, auquel des parlementaires sont intégrés, est encore naissante et qu'il faut lui donner de la consistance. Ce n'est pas une énième réunion où l'on cultive l'entre-soi : il faut qu'un objectif en ressorte.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Ces questions sont fondamentales. Les conseils de juridiction ont été instaurés pour créer un échange entre l'autorité judiciaire et la cité. Il est bien normal que les parlementaires y participent.

Depuis que je suis garde des sceaux, j'ai œuvré pour favoriser les échanges, au-delà de certaines mauvaises habitudes. Ainsi, j'ai souhaité ouvrir l'École nationale de la magistrature à d'autres horizons et à d'autres enseignements : elle comptera désormais des enseignants qui ne sont pas magistrats, alors que ce n'était pas le cas auparavant. De la même façon, je souhaite que les auditeurs de justice se rendent dans les points justice, à la rencontre des plus défavorisés de nos compatriotes. Cela procède du même état d'esprit et de la même cohérence.

Je suis donc très favorable à ce que les parlementaires se rendent auprès des magistrats et échangent avec eux.

La commission adopte les amendements identiques.

En conséquence, l'amendement CL417 tombe.

Amendement CL934 de M. Jean Terlier.

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Il vise à supprimer l'ajout du Sénat, qui crée une exception au principe selon lequel le conseil de juridiction n'exerce aucun contrôle sur l'organisation de la juridiction ou son activité juridictionnelle. Or, l'absence de contrôle est essentielle pour garantir la séparation des pouvoirs.

La commission adopte l'amendement.

Elle adopte l'amendement rédactionnel CL935 de M. Jean Terlier, rapporteur général.

Amendement CL980 de M. Jean Terlier.

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Cet amendement de précision a pour objet de permettre aux parlementaires d'être conviés au conseil de juridiction près de la cour d'appel, quel que soit l'ordre du jour.

La commission adopte l'amendement.

Elle adopte l'amendement rédactionnel CL936 de M. Jean Terlier, rapporteur général.

Amendement CL937 de M. Jean Terlier.

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L'amendement revient sur un ajout du Sénat, qui prévoit la création d'un conseil de juridiction au sein des juridictions administratives ainsi que de la Cour de cassation.

S'agissant de la Cour de cassation et du Conseil d'État, il semble moins opportun d'avoir un dispositif rigide, eu égard au ressort qui est le leur. Quant aux juridictions administratives, leurs spécificités ne semblent pas nécessiter un tel dispositif.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Favorable.

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Je suis défavorable à la suppression des alinéas 14 à 39, car il semble intéressant d'étendre le principe des conseils de juridiction aux juridictions administratives. Je peux comprendre que cela soit plus compliqué pour le Conseil d'État ou la Cour de cassation, même si l'on pourrait instaurer un échange régulier avec la commission des lois par exemple.

Nous sommes invités chaque année aux audiences solennelles des tribunaux administratifs, qui sont des moments d'échange. Plutôt que cela se fasse autour d'un café à ces occasions, il pourrait être utile de normaliser un cadre de discussion, d'autant que les débats qui animent l'institution administrative sont au moins aussi intéressants que ceux de l'institution judiciaire. Les missions dévolues au juge administratif sont de plus en plus nombreuses, notamment sur la question des libertés individuelles et collectives, qui n'est pas étrangère à notre périmètre et à nos réflexions. Il y a là matière à avancer. Sur le contentieux des étrangers, par exemple, qui nous occupera lors de la prochaine session, il y aurait matière à échanges au sein du conseil de juridiction d'un tribunal administratif.

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Je rappelle que la commission des lois a institutionnalisé un échange avec le Conseil d'État, auquel M. Coulomme notamment a participé.

La commission adopte l'amendement.

Elle adopte l'article 12 modifié.

Article 12 bis (art. L. 211-16 du code de l'organisation judiciaire) : Correction d'une référence à un article abrogé

La commission adopte l'article 12 bis non modifié.

Chapitre II - JURIDICTIONS DISCIPLINAIRES DES OFFICIERS MINISTÉRIELS ET DES AVOCATS

Article 13 (art. 11 et 12, de l'ordonnance n° 2022-544 du 13 avril 2022 relative à la déontologie et à la discipline des officiers ministériels, et art. 22-3 et 23 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques) : juridiction disciplinaire des officiers ministériels et des avocats

Amendement de suppression CL411 de M. Ugo Bernalicis.

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Nous souhaitons supprimer cet article, qui prévoit que la présidence des juridictions disciplinaires des officiers ministériels et des avocats puisse être assurée par des magistrats honoraires, du fait du manque criant de magistrats.

Hier, nous sommes tombés d'accord sur la nécessité de réinvestir et de sauvegarder notre système de justice. Au moment où vous présentez un grand plan, avec 1 500 magistrats et 1 500 greffiers supplémentaires, vous ne pouvez pas gérer la pénurie avec des bouts de ficelle et demander à des magistrats honoraires d'assumer une telle présidence.

Dans la juridiction de Nantes, M. le ministre a annoncé le renfort de trois magistrats. Pourtant, l'effectif risque de rester constant en 2023, du fait des départs en retraite. Selon la Conférence nationale des présidents de tribunaux judiciaires, au moins 24 juges supplémentaires seraient nécessaires pour traiter les demandes – il reste 735 affaires en stock, soit près de 258 audiences. La juridiction devrait compter 186 magistrats pour être dans la moyenne de l'Union européenne, qui est de 17,7 magistrats pour 100 000 habitants. On en est très loin, et le président du tribunal judiciaire estime que Nantes est « en sous-effectif parmi les sous-effectifs ».

Le fait d'examiner l'article 1er à la fin, donc de ne pas discuter de l'attribution des postes et des financements, empêche de savoir comment seront traités les problèmes des juridictions en grande pénurie.

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Votre argumentation, cher collègue, est loin de l'amendement. S'agissant du manque d'effectifs, la suppression que vous proposez semble contre-productive, puisqu'elle fait disparaître des mesures de coordination entre la loi organique et ordinaire qui sont nécessaires, mais n'aura pas pour effet d'empêcher la contribution des magistrats honoraires à l'institution judiciaire. Nous en débattrons lors de l'examen du projet de loi organique.

Les magistrats honoraires ont toute leur place au sein des juridictions disciplinaires des avocats et des officiers ministériels. Cela va dans votre sens, en permettant de disposer de davantage de magistrats, y compris à Nantes.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Défavorable.

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Toutes ces dispositions – l'extension des prérogatives de magistrats honoraires, les magistrats à titre temporaire, les voies de recrutement parallèle – résultent de ce que vous essayez par tous les moyens de trouver le plus grand nombre de magistrats en un temps très court. Je comprends cette logique, mais entendez aussi que notre conception des grands principes de la magistrature – l'inamovibilité, les garanties d'indépendance qui en découlent – y apporte des limites. On ne peut pas, sur la base de bons sentiments, faire entrer un maximum de gens dans l'institution judiciaire. Cela va trop loin.

D'autres solutions existent, que mon groupe défend depuis plusieurs années. Il faut ouvrir des antennes de l'École de la magistrature partout dans le pays, élargir les murs, augmenter la taille des promotions, pour disposer de magistrats supplémentaires dans trente et un mois. Nous avons eu des échanges à ce sujet avec le ministre, y compris par tweets interposés.

À la fin, on voit qu'on est à la traîne, et on finit par élargir les compétences des magistrats honoraires. Ce n'est pas la conception que nous défendons de l'arrivée de forces vives au sein de l'institution judiciaire.

La commission rejette l'amendement.

Elle adopte l'amendement de coordination rédactionnelle CL760 de M. Jean Terlier, rapporteur général.

Amendement CL767 de M. Jean Terlier.

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Il s'agit de la procédure de révocation du sursis assortissant la peine d'amende contre les commissaires de justice. L'article 16 de l'ordonnance du 13 avril 2022 ouvre la possibilité d'assortir de sursis la peine d'interdiction temporaire ou d'amende qui peut être prononcée contre les avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation, aux commissaires de justice, aux greffiers des tribunaux de commerce et aux notaires. Cet article inclut les modalités de révocation du sursis assortissant la peine d'interdiction temporaire, mais son III ne les prévoit pas pour la peine d'amende. L'amendement vise à corriger cette erreur de plume.

La commission adopte l'amendement.

Amendement CL495 de M. Davy Rimane.

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Le présent amendement vise à organiser un conseil de discipline commun aux trois barreaux de Guyane, de Martinique ainsi que de Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélemy, pour éviter que les professionnels ne soient jugés par leurs pairs et pour renforcer l'impartialité et l'indépendance de cet organe.

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L'idée d'améliorer l'impartialité des conseils de discipline est louable, et celle d'un conseil de discipline commun pour des barreaux qui ne contiennent qu'un tribunal de petite taille est intéressante. Le dispositif mérite cependant d'être retravaillé d'ici à la séance, notamment pour s'assurer des modalités pratiques de réunion de ce conseil. Je vous propose donc de retirer l'amendement.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

M. le rapporteur a raison de rappeler l'importance de l'impartialité ; pour ma part, j'insisterai sur l'apparence d'impartialité, qui est une exigence de la Cour européenne des droits de l'homme. L'idée paraît donc bonne, mais les éloignements et les difficultés pour réunir le conseil de discipline soulèvent certains doutes. Je vous suggère de retirer l'amendement pour le retravailler d'ici à la séance.

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Tout à l'heure, nous avons adopté un amendement en sachant qu'il n'était pas abouti. Cela nous engage à l'améliorer pour la séance afin d'aboutir à un dispositif qui tourne. Je propose de conserver cette pratique, qui semble plus respectueuse de l'initiative parlementaire et qui nous oblige par la suite. Trop d'engagements à retravailler des amendements ont été pris sans être suivis d'effets : dans ce cas, on se dit qu'on va rédiger une proposition de loi, ce qu'on ne fait pas non plus… La sagesse est plutôt d'adopter l'amendement, ce qui nous engage à le travailler pour la séance.

La commission rejette l'amendement.

Elle adopte l'amendement de précision CL768 de M. Jean Terlier, rapporteur général.

Elle adopte l'article 13 modifié.

Après l'article 13

La commission adopte l'amendement rédactionnel CL766 de M. Jean Terlier, rapporteur général.

Article 14 (art. L. 113-4-1 [nouveau], L. 114-1, L. 114-2 et L. 223-20 [nouveau] du code pénitentiaire, art. 2 de la loi n° 2018-697 du 3 août 2018) : Dispositions concernant l'administration pénitentiaire

Amendement de suppression CL395 de M. Ugo Bernalicis.

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Nous nous demandons comment améliorer la situation des surveillants pénitentiaires, qui travaillent dans des conditions très pénibles et dont le recrutement est difficile. M. le ministre a bien voulu leur accorder le passage en catégorie B : ils apprécient, mais font remarquer que sans révision de la grille indiciaire, cela n'aura pas beaucoup d'effet.

Surtout, vous proposez dans cet article de recourir à la réserve pénitentiaire. Il y aurait donc des surveillants pénitentiaires de 67 ans. Vous êtes vraiment complètement hors- sol ! Le pays a vécu des mois de mobilisation intense contre la réforme des retraites, qui institue un report de l'âge légal de départ à 64 ans. À ce jour, malgré les onze 49.3 et l'empêchement du débat parlementaire dans lequel nous avons été projetés par un déni de démocratie, les gens sont encore vent debout contre la réforme. Et vous faites encore plus fort ! Pour compléter des agents qui sont submergés par les tâches qu'ils doivent accomplir et qui travaillent dans des conditions de pénibilité extrême, notamment du fait de la surpopulation carcérale, vous proposez de recourir à des personnes ayant jusqu'à 67 ans ! Encore une fois, vous êtes entièrement en dehors de la réalité.

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Je suis opposé à votre amendement pour plusieurs raisons. D'abord, je ne comprends pas votre opposition de principe à la réserve pénitentiaire, qui existe déjà. Lors des auditions, il est apparu qu'elle est utile et rend de nombreux services. Elle est évidemment fondée sur le volontariat. L'idée est d'en élargir le vivier potentiel. La limite est aujourd'hui fixée à cinq ans après la retraite, soit jusqu'à 57 ans le plus souvent, plutôt que 67, car les surveillants pénitentiaires partent à la retraite à 52 ans en moyenne. Il serait utile de bénéficier de l'expérience de ces personnes qui viendraient abonder la réserve pénitentiaire de façon volontaire. C'est un objectif que nous pourrions partager.

Ensuite, je vous rejoins sur la difficulté à recruter par le concours classique. Je rappelle que la réforme s'accompagnera d'une revalorisation statutaire sans précédent, ce qui incitera à passer le concours. Toutefois, passer un concours peut être rédhibitoire pour les jeunes générations. Le texte y remédie en créant le statut particulier de surveillant adjoint contractuel. Avec ce statut, ils intégreront le métier sous la surveillance de titulaires, ce qui leur permettra de se former et peut-être de tenter le concours. S'adapter à une nouvelle génération qui intègre de moins en moins l'idée de faire toute sa carrière dans une même administration va dans le bon sens.

Pour toutes ces raisons, avis défavorable.

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Le Rassemblement national ne votera pas l'amendement de suppression de l'article. Nous soutenons en effet la réserve pénitentiaire jusqu'à 67 ans, sur la base du volontariat : elle est une nécessité. Dans l'administration pénitentiaire comme partout, des personnes souhaitent travailler et sont attachées à leur métier. Je ne m'opposerai pas à ce qu'elles intègrent la réserve pénitentiaire et, de façon volontaire, qu'elles donnent un coup de main car elles aiment leur métier.

L'article traite aussi de la généralisation du port de caméras individuelles, sur laquelle nous reviendrons.

Ce qui nous pose réellement problème dans cet article, c'est la contractualisation des surveillants adjoints de l'administration pénitentiaire. C'est cela que nous proposerons de supprimer.

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Les Républicains ne voteront pas non plus l'amendement de suppression. Il faut s'adapter à la réalité, celle des difficultés de recrutement et du manque d'attractivité de certaines professions. Les agents pénitentiaires n'échappent pas à la règle. Cela soulève d'ailleurs des questions pour les 10 000 postes prévus par le garde des sceaux, dont 1 500 magistrats et 1 500 greffiers supplémentaires : il faudra activer un peu tout le monde pour que toutes les professions soient attractives.

Compléter le dispositif par des réservistes ne semble pas une idée saugrenue : nous venons d'ailleurs de le voter pour les douanes en séance. On essaie d'étendre ce que l'on appelle la « garde nationale », on fait appel à des réservistes de la gendarmerie, de la police, des professions de santé. Tout ce qui peut permettre de prolonger ce mouvement va dans le bon sens. Quant aux 67 ans, la belle affaire ! Pour les militaires et certains réservistes, la loi de programmation militaire, que nous venons aussi de voter, a reculé la limite d'âge à 70 ans. Ne refaisons donc pas un débat sur les retraites, il est hors sujet.

Qu'il y ait besoin de contractuels, même si ce statut n'est pas le plus favorable, est aussi une réalité. C'est la Realpolitik, et il faut savoir s'adapter ou périr.

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Nous sommes bien sûr favorables à l'article 14, qui permettra d'aider l'administration pénitentiaire à pourvoir à ses besoins et à remplir ses missions. La première chose que nous disent les surveillants, c'est qu'ils ont besoin de monde dans les coursives et que le sous-effectif mine leur travail au quotidien. C'est une réalité à laquelle il faut faire face.

L'administration pénitentiaire recrute des surveillants et les forme à l'École nationale d'administration pénitentiaire (ENAP), mais quand les promotions ne sont pas suffisamment remplies pour répondre à l'ensemble des besoins, même si on aurait aimé que les surveillants soient tous fonctionnaires, on doit quand même faire en sorte de pourvoir les postes. Le principe de subsidiarité prévaudra : on ne fera appel aux surveillants adjoints qu'en cas de carence. Ils seront ensuite encadrés dans leurs fonctions.

J'ai l'impression que l'on dramatise beaucoup la réserve. Toutes les administrations, même l'éducation nationale, en 2015, ont fini par se doter d'une réserve. Elle permet un engagement citoyen, qui peut être prolongé vers des métiers que l'on a envie d'exercer plus tard ou que l'on a exercé dans le passé. L'administration pénitentiaire, comme les autres administrations, a le droit de disposer d'un tel vivier de recrutement.

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Nous sommes opposés à l'ensemble des dispositions de l'article 14.

Nous aussi, nous avons discuté avec les surveillants : ceux qui rejoignent la réserve pénitentiaire le font pour remplir le frigo, pas par plaisir ! Qui a envie de travailler à 67 ans ? Vous n'écoutez pas les gens !

Nous refusons donc que l'âge limite pour en faire partie soit porté à 67 ans. Quant au recours aux contractuels, c'est la solution que vous avez trouvée pour tous les services publics confrontés à des problèmes de recrutement. Si vous offriez des conditions de travail et des rémunérations dignes, ainsi qu'une reconnaissance, vous trouveriez spontanément des candidats aux concours. Enfin, nous contestons l'usage des caméras de surveillance, nous y reviendrons.

Ce n'est pas en mettant du mercurochrome sur une jambe de bois que vous réussirez à recruter le personnel nécessaire pour surveiller les 15 000 places supplémentaires que vous voulez construire.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Madame la députée, comme souvent, votre discours se résume à « y a qu'à, faut qu'on ». Vous avez toutes les solutions, mais vous n'en proposez aucune.

Les caméras protègent les surveillants pénitentiaires et, il faut le dire, la vérité. Elles peuvent aussi dissuader des agresseurs potentiels.

Quant aux contractuels, permettez-moi de rappeler que c'est moi qui ai permis que les surveillants de catégorie C passent en catégorie B et que le commandement passe en catégorie A. Cela fait plus de vingt ans que l'administration pénitentiaire réclamait cette réforme, mais cela, vous n'avez pas envie de le dire.

Enfin, vous voulez jouer la énième manche du match sur les retraites, mais quand allez-vous laisser les gens faire ce qu'ils ont envie de faire ? Figurez-vous que certaines personnes souhaitent intégrer la réserve ! Monsieur Mélenchon a 72 ans, est-ce que vous lui interdisez quoi que ce soit ? Les magistrats exerçant à titre temporaire veulent travailler jusqu'à 75 ans, et je ne parle pas des avocats : combien sont en activité à 75, voire 80 ans ? Pensez à Henri Leclerc, qui a bientôt 90 ans : quel avocat !

Je vous fais une confidence : mon grand-père, qui était ouvrier d'usine, n'a pas supporté d'avoir arrêté de travailler. Tous les jours, il prenait sa musette et se rendait dans son ancienne boutique en regrettant d'avoir pris sa retraite.

Vous avez sans arrêt le mot « liberticide » à la bouche, mais laissez les gens vivre ! Ceux qui rejoignent la réserve le font parce qu'ils en ont envie, et leur choix aide l'administration pénitentiaire : nous devrions tous nous en féliciter. C'est étonnant, à quel point l'idéologie vous éloigne de la réalité. Et c'est vous qui reprochez aux autres d'être hors-sol, c'est fantastique !

La commission rejette l'amendement.

Amendements identiques CL181 de M. Jordan Guitton et CL403 de M. Ugo Bernalicis.

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Nous souhaitons supprimer les alinéas autorisant le recours aux contractuels.

La réforme des statuts, qui entre en vigueur au 1er janvier 2024, pourrait s'avérer une fausse bonne idée. La hausse des rémunérations est bienvenue pour améliorer l'attractivité du métier. En revanche, en passant de la catégorie C à la catégorie B, vous risquez de vous priver du vivier que constituent les personnes n'ayant pas le baccalauréat – 20 % en 2019 selon l'Insee. À titre d'information, 40 % des surveillants pénitentiaires n'ont pas le baccalauréat. Cet écueil vous oblige à envisager le recrutement de contractuels.

Dans un métier si particulier, très dur et très pénible, nous avons besoin de personnels impliqués à long terme – j'en rencontre souvent dans ma circonscription, qui compte de nombreux établissement pénitentiaires. De ce point de vue, la contractualisation n'est pas la solution : elle offre des perspectives à court terme seulement, et elle risque de détourner des candidats qui auraient pu devenir titulaires. Il faut maintenir le recrutement de fonctionnaires et augmenter leurs traitements.

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Ce dispositif, qui est calqué sur celui de la police nationale, soulève de nombreuses questions, parmi lesquelles le choix de confier des prérogatives à des personnes insuffisamment formées.

Les adjoints de sécurité avaient été créés sous Lionel Jospin dans le cadre des emplois-jeunes, non pour pallier une pénurie de personnels, mais pour élargir le vivier de recrutement et rapprocher la jeunesse de la police.

Aujourd'hui, vous peinez déjà à trouver du personnel pour les prisons existantes. Comment ferez-vous pour surveiller les 15 000 places supplémentaires ? La baisse des qualifications est inévitable. Ces métiers de plus en plus rudes demanderaient pourtant davantage de formation et de rémunération, mais ce n'est pas la voie que vous avez choisie.

Quant à la réforme statutaire, je pense que c'est un attrape-nigaud – je ne vais pas me faire que des amis parmi les syndicats de la fonction publique en disant cela. En passant d'une catégorie à l'autre, certes vous gagnez en considération et en prestige mais, en ce qui concerne les rémunérations, ce n'est pas le Pérou. Il aurait mieux valu augmenter les grilles indiciaires des catégories B et C, d'autant que la réforme a pour conséquence de brouiller la répartition des compétences – chaque catégorie correspond normalement à un niveau de responsabilités, lequel implique un niveau de rémunération.

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Monsieur Guitton, vos collègues du Rassemblement national l'ont entendu au cours des auditions, les concours classiques souffrent d'un déficit de candidatures depuis plusieurs années. Le passage de catégorie C en catégorie B n'est qu'une partie de la réponse à ce problème. Face à la triste réalité du manque d'attractivité de ces métiers, il faut imaginer d'autres solutions. Les contractuels, je le rappelle, n'ont pas vocation à se substituer aux surveillants titulaires, ils viendront combler les places laissées vacantes par les concours. Cela constitue, à mon sens, une garantie.

La contractualisation permettra aussi d'attirer des jeunes qui n'ont pas d'appétence particulière pour les concours, ou qui ne veulent pas prendre le risque d'être affectés loin de leur territoire d'origine.

Monsieur Bernalicis, les surveillants adjoints ne remplaceront pas les surveillants pénitentiaires dans leurs fonctions. L'étude d'impact le dit, et le ministre prendra certainement des engagements en ce sens, les contractuels travailleront en binôme avec les titulaires ; leurs prérogatives seront clairement définies et limitativement énumérées : le « binômage » en détention, les opérations de fouilles sectorielles de la cellule, sous la responsabilité d'un surveillant titulaire, les écoutes téléphoniques réalisées dans l'établissement, ou encore la surveillance vidéo.

Ces éléments devraient être de nature à vous rassurer sur la pertinence de la création du poste de surveillant adjoint contractuel.

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Satisfaire aux obligations syndicales aurait pu valoir un peu de reconnaissance pour ce qui concerne le passage de catégorie C à catégorie B des agents de l'administration pénitentiaire.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Monsieur Guitton, pourquoi avons-nous fait droit à une demande ancienne en modifiant les catégories ? Parce que les personnels pénitentiaires déploraient de ne pas être logés à la même enseigne que ceux de la police, alors qu'ils représentent la troisième force de sécurité du pays – je l'ai entendu vingt fois dans mes déplacements.

Contrairement à ce que dit monsieur Bernalicis, la grille indiciaire sera évidemment modifiée. Les personnels ne vont pas se contenter d'une lettre, ils ne sont pas sots ! – c'est pourquoi l'expression « attrape-nigaud » est complètement inadaptée. Ils bénéficieront des avantages inhérents au passage à la catégorie supérieure.

Les députés de La France insoumise sont contre tout. Puisqu'ils sont contre la construction des prisons, ils sont aussi contre le recrutement parallèle. Moi, j'ai besoin de surveillants pénitentiaires pour les prisons que je construis. Je prévois donc des contractuels, qui auront une voie d'accès privilégiée au concours de surveillant, sachant que les surveillants adjoints n'exerceront pas les mêmes fonctions que les titulaires. Voilà comment les détenus qui seront transférés dans les nouveaux établissements pénitentiaires resteront sous main de justice.

La voie contractuelle permettra aussi de profiter d'une ressource humaine de proximité – les personnes habitant près des établissements pénitentiaires qui sont répartis sur le territoire.

Enfin, le recrutement de contractuels ne signifie pas une contractualisation de la mission pénitentiaire, qui restera naturellement une mission régalienne essentielle.

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Je voulais appeler votre attention sur un sujet qui n'a pas été abordé : la corruption en milieu pénitentiaire. J'ai rencontré récemment un surveillant pénitentiaire qui m'expliquait que les détenus cherchent à exploiter toutes les failles personnelles des surveillants. Il s'inquiétait du possible recrutement de contractuels, qui seront moins formés et, sans doute, dans des situations plus précaires. C'est un argument qui mérite d'être versé au débat.

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Certains propos dénotent une vision quelque peu archaïque de la fonction publique. Surveillant pénitentiaire, c'est un métier exigeant, pas facile au quotidien. Il n'est pas absurde de le découvrir par la voie contractuelle, qui est d'ailleurs un bon moyen d'intégrer la fonction publique – nous l'avons démontré dans la loi de 2019 de transformation de la fonction publique, qui favorise les allers-retours entre le public et le privé et encourage la découverte des métiers publics pour susciter des vocations.

Les lois Sapin – ministre de gauche ! – et Sauvadet ont très intelligemment permis de faire des contractuels de bons fonctionnaires. Je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas poursuivre dans cette voie.

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Les surveillants pénitentiaires sont très mobiles ; ils ont souvent travaillé dans plusieurs établissements pénitentiaires dans des territoires différents. La voie contractuelle n'offre pas de garantie d'emploi à moyen terme, ce qui peut empêcher d'obtenir un prêt, de fonder une famille, etc. Faute de perspectives de carrière, les candidats potentiels pourraient renoncer à s'engager. Compte tenu des difficultés de pouvoir d'achat de nos compatriotes, on pourrait imaginer un contrat à durée indéterminée qui donne quelques certitudes économiques.

Nous sommes évidemment favorables à l'augmentation du nombre de prisons et de surveillants pénitentiaires. Nous ne nous opposerons donc pas aux mesures qui y contribueront, mais ce point particulier pose problème.

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L'étude d'impact précise que « les surveillants contractuels se verraient proposer, au cours de leur contrat, une voie d'accès privilégiée au concours de surveillant ». L'existence de ce concours passerelle devrait apaiser votre inquiétude légitime.

La commission rejette les amendements.

Elle adopte l'amendement rédactionnel CL949 de M. Jean Terlier, rapporteur général.

Amendement CL396 de Mme Andrée Taurinya.

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Le ministre ne nous écoute pas. Contrairement à ce qu'il dit, nous avons des propositions : la révision des grilles indiciaires, l'affectation des moyens aux recrutements plutôt qu'aux nouvelles prisons…

Non seulement nous ne sommes pas contre tout, mais nous sommes pour plein de choses : pour le bien-être au travail, pour le bonheur, pour le droit de profiter de la vie, du soleil et de ses petits-enfants à partir de 60 ans – d'où notre contre-projet sur les retraites… Nous sommes donc, oui, contre le fait de travailler jusqu'à 67 ans !

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Nous aussi, nous sommes pour le bien-être, le bonheur et la liberté laissée à chacun de travailler s'il en a envie.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Moi aussi, je suis pour le bonheur et le soleil, contre la guerre et la maladie. Vous n'avez pas l'exclusivité…

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S'agissant du bien-être au travail, un accord-cadre doit être conclu par la Chancellerie avec l'ensemble des professions pour revaloriser leur statut et leur rémunération.

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On peut défendre un droit à la retraite – et nous sommes nombreux à l'avoir fait dans l'hémicycle – et en même temps la réserve, qui n'est pas une obligation. Si cela peut intéresser des retraités ayant une pension modeste ou désireux de continuer à exercer un métier qui les passionne, pourquoi les en empêcher ? Notre société est déjà suffisamment liberticide. De surcroît, les réservistes pourront apporter leur expérience et former les jeunes. Cet amendement est vraiment contre-productif.

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On parle ici d'un choix. Nous ne savons pas si vous êtes contre tout ou si vous êtes pour rien, mais une chose est sûre, vous n'êtes pas pour la liberté. C'est terrifiant.

Si demain, à 65 ans, je veux rejoindre la réserve, ce n'est pas à vous de me l'interdire. Il n'est pas question dans ce texte d'imposer à tous les gardiens de prison de faire partie de la réserve jusqu'à 67 ans – j'y suis totalement défavorable, comme je l'étais à la réforme des retraites – mais de permettre à ceux qui en ont envie de l'intégrer !

Je vous invite à être pour la liberté, un concept simple sur lequel nous pourrions nous accorder.

La commission rejette l'amendement.

Elle adopte l'amendement rédactionnel CL951 de M. Jean Terlier, rapporteur général.

Amendements identiques CL324 de Mme Emeline K/Bidi et CL404 de M. Ugo Bernalicis.

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Il s'agit de supprimer les dispositions relatives au port des caméras individuelles par les agents des services pénitentiaires.

Le projet de loi prévoit de généraliser une expérimentation qui devait être menée pendant trois ans et qui finalement n'aura duré que huit mois. Les résultats sont on ne peut plus mitigés, en dépit des efforts d'un rapport pour tordre les chiffres et aboutir à une conclusion favorable à la généralisation.

L'analyse de l'Observatoire international des prisons (OIP) montre que l'expérimentation ne révèle rien, et surtout pas une amélioration des conditions de travail des agents, ni une diminution du nombre d'incidents rapportés en prison. Ainsi, sur près de 64 500 caméras portées, seuls 2 564 enregistrements ont été déclenchés et 30 ont été exploités, dont 80 % à des fins de formation pédagogique des agents. On est bien loin de la formidable avancée à laquelle vous voulez faire croire.

Le déploiement des caméras, qui, selon les retours de terrain, ne fonctionnent pas bien, coûtera des millions d'euros Le dispositif est particulièrement attentatoire aux libertés, puisque la caméra est déclenchée uniquement à la demande de l'agent. Si la caméra filmait en continu, nous pourrions y voir une certaine équité : elle pourrait aussi servir aux détenus lorsqu'ils dénoncent les comportements de certains agents. Mais il n'en est rien, ce sont les agents qui décideront de priver les détenus du peu de liberté et d'intimité qui leur restent.

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On ne peut pas tirer de leçon positive d'une expérimentation qui n'a pas été menée jusqu'à son terme – huit mois au lieu de trois ans !

De surcroît, les résultats sont mauvais : 64 500 caméras ont été portées, 2 564 enregistrements ont été réalisés et seulement 30 ont été exploités, dont 80 % à but pédagogique. Comment voulez-vous apprécier l'efficacité de l'expérimentation ?

Par ailleurs, le déclenchement de la caméra reste à la discrétion de l'agent. Je prends un exemple hors de l'administration pénitentiaire, celui des centres de rétention administrative, dans lesquels, on le sait, il est fait un usage très sélectif des caméras : à Vincennes, les associations reçoivent des plaintes liées à l'absence de caméras pour filmer des séances qui comportent pourtant des risques de violence, y compris entre détenus !

Nous nous opposons à un dispositif aussi discrétionnaire et coercitif. Il faudrait une expérimentation sur le long terme. Les exemples anglais, écossais ou gallois, et toute la littérature internationale le montrent : ces caméras, pas plus que la vidéosurveillance dans la rue, n'apportent rien, contrairement à ce que veut nous faire croire ce gouvernement très sécuritaire. Nous proposons de retravailler cette idée, pourquoi pas en filmant de manière continue – en espérant que les serveurs de l'État seront assez solides pour accueillir toutes les données. Cela éviterait de fausser les résultats.

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Avis défavorable. Si vous aviez assisté aux auditions, vous auriez pu entendre l'ensemble des syndicats de surveillants pénitentiaires soutenir la généralisation des caméras, ne vous en déplaise. Je tiens à votre disposition les contributions, y compris de la CGT et de FO, qui vont en ce sens. Vous gagneriez peut-être à écouter ce que pensent les utilisateurs des caméras pour nourrir votre réflexion.

La généralisation de l'expérimentation est attendue par les surveillants pénitentiaires. Les interventions seront plus apaisées, dès lors que les éléments de preuve seront plus nombreux en cas de difficulté entre un surveillant et un détenu. Les surveillants pourront ainsi exercer leur fonction dans de meilleures conditions de sécurité.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

L'anathème est lancé : le Gouvernement est ultra sécuritaire ! Mais vous oubliez les structures d'accompagnement vers la sortie, les projets Innover par des structures expérimentales de responsabilisation et de réinsertion par l'emploi, ou encore les modules Confiance. Vous oubliez tout ce qui vous arrange.

Il y a un chiffre que – vous ne voulez pas donner, et c'est le seul qui m'intéresse : le nombre d'agressions évitées. Nous ne l'aurons jamais. C'est la même chose pour le bracelet anti-rapprochement, qui a donné lieu à 3 600 interventions : avez-vous déjà vu à la une d'un journal qu'une agression n'a pas été commise ? Et bien non.

Les caméras sont au service de la sécurité de nos agents pénitentiaires et de la vérité. Elles évitent des agressions et sont de nature à pacifier les situations.

L'OIP peut écrire ce qu'il veut, je le respecte infiniment, mais après avoir entendu les surveillants pénitentiaires, je peux vous assurer que vous êtes totalement hors-sol, pour reprendre une expression que vous aimez appliquer aux autres.

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L'agent doit signaler l'activation de la caméra : le détenu est donc informé. Les deux parties sont de fait sur un pied d'égalité.

Ensuite, vous pouvez sortir tous les chiffres que vous voulez, ils importent peu face à l'utilité des caméras. L'exploitation à des fins pédagogiques, que vous moquez, a son utilité. Et en cas de violence, les images des caméras facilitent largement le travail de la justice et la recherche de la vérité. Dans des cas minoritaires, elles peuvent aider à vérifier les faits qui sont reprochés à des surveillants pénitentiaires. Sans vidéosurveillance, c'est la parole du surveillant pénitentiaire contre celle du détenu. La vidéoprotection protège tout le monde.

Vous êtes souvent opposés au recours aux nouvelles technologies dans le domaine de la justice, alors que celles-ci offrent une protection à un grand nombre de personnes.

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Nous avons déjà eu ce débat lorsqu'il s'est agi d'équiper les polices nationale et municipale – La France insoumise s'y opposait pour les mêmes raisons qu'aujourd'hui.

Les caméras protègent d'abord l'agent – car le détenu hésitera à passer à l'acte – mais aussi le détenu.

Évidemment, leur usage doit être laissé à la discrétion de l'agent. Je ne fais pas partie de ceux qui mettent à égalité les surveillants, qui assurent la sécurité, et les détenus, qui sont là parce qu'ils ont commis des délits ou des crimes. Lors de l'examen de la loi pour une sécurité globale préservant les libertés, vous mettiez déjà un signal égal entre le fonctionnaire de police qui risque sa vie et le délinquant qui lui jette un pavé. Nous ne l'admettrons jamais. Cela m'inquiète, cinq ans plus tard, de l'entendre à nouveau. Tout cela n'est pas très républicain.

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Je le répète, la France manque singulièrement d'études scientifiques sur le sujet. Un gouvernement responsable ne manquerait pas d'en commander pour étayer sa position politique.

Les études internationales montrent que le bilan de l'utilisation des caméras est au mieux nul, au pire négatif. Celle-ci peut avoir pour conséquence non seulement d'aggraver la tension dans des situations déjà compliquées, mais aussi de déshumaniser les fonctionnaires dans leurs relations avec les usagers.

Notre opposition de principe est nourrie des sciences humaines, auxquelles vous n'accordez guère de crédit. Pour notre part, nous considérons qu'elles sont une boussole intéressante pour faire évoluer la société.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Monsieur Bernalicis, pouvez-vous me communiquer les études scientifiques internationales que vous évoquez ? Je ne les connais pas, et pourtant, je me renseigne… Sur chaque sujet, vous faites état d'études que nous n'avons pas lues et nous passons pour des ignorants. Je finirai par me demander si ces études existent...

La commission rejette les amendements.

Elle adopte l'amendement rédactionnel CL952 de M. Jean Terlier, rapporteur général.

Amendement CL183 de M. Jordan Guitton.

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Je serais plutôt défavorable, mais je m'engage à vérifier avant la séance.

L'amendement est retiré.

Amendement CL125 de M. Roger Vicot.

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Nous sommes favorables à l'équipement des surveillants, mais nous souhaiterions que l'enregistrement soit déclenché dans toutes les situations où les personnels pénitentiaires sont susceptibles d'entrer en contact physique avec les personnes détenues. Nous voulons ainsi éviter un choix opportuniste de certains agents.

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J'y serais plutôt favorable, mais votre amendement ne prévoit pas le cas des fouilles, qui sont exclues du dispositif pour des raisons évidentes de respect de la dignité de la personne humaine. Demande de retrait, afin de réfléchir à une rédaction excluant ce cas.

La commission rejette l'amendement.

Elle adopte l'amendement rédactionnel CL953 de M. Jean Terlier, rapporteur général.

Amendement CL171 de M. Philippe Gosselin.

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Il s'agit de prévoir un dispositif d'information spécifique à destination des mineurs incarcérés, qui constituent un public particulièrement vulnérable.

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Je suis d'accord avec vous sur le fait que la situation des mineurs est un peu différente. Mais vous proposez de les informer du déclenchement d'un enregistrement, ce qui est aussi intelligible pour un mineur que pour un majeur. En outre, je ne vois pas bien quelle forme pourrait prendre cette information spécifique. Demande de retrait.

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Je ne prétends pas que c'est simple. C'est bien pour cela – et aussi parce que j'estime que la loi ne doit pas rentrer dans les détails – que l'amendement renvoie les modalités d'application à un décret pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, comme prévu à l'alinéa 21 de cet article.

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Il faudrait vérifier avec les services de la Chancellerie comment cet objectif, auquel je suis favorable, peut être atteint.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Je suis particulièrement sensible au fait que vous reconnaissiez que les mineurs sont vulnérables. Ce n'est pas toujours dit et je retiens cette phrase. Pour le reste, demande de retrait.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CL124 de Mme Cécile Untermaier.

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Cet amendement prévoit qu'une information est délivrée dès que possible aux personnes filmées.

Il s'agit d'appliquer à l'administration pénitentiaire les mêmes règles que celles qui sont déjà prévues pour l'utilisation des caméras individuelles par les forces de sécurité intérieure et les polices municipales. Le déclenchement de la caméra doit être précédé d'une information de la personne filmée, sauf bien entendu si les circonstances ne le permettent pas.

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C'est un amendement intéressant. Je suis plutôt favorable à la première partie, qui prévoit avec bon sens que l'information intervient « dès que possible ». Mais je suis plus réservé sur la seconde, qui indique que cela doit être le cas « au plus tard au terme de l'intervention », car cela pose des difficultés opérationnelles. Demande de retrait, pour le retravailler en vue de la séance.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Avis défavorable.

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On nous dit toujours que nos amendements sont intéressants, mais on nous demande de les retirer ! Nous allons donc maintenir celui-ci et nous le retravaillerons pour la séance.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CL185 de M. Jordan Guitton.

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Cet amendement de bon sens propose que chaque établissement pénitentiaire mentionne dans son règlement intérieur le recours possible à des caméras individuelles. Cela va mieux en l'écrivant.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Avis défavorable également, d'autant plus qu'il me revient d'organiser une information générale au sein des établissements pénitentiaires et auprès de l'ensemble des publics concernés. Votre amendement tend à supprimer cette information qui existe, au profit d'une simple mention dans le règlement intérieur.

La commission rejette l'amendement.

Elle adopte l'amendement rédactionnel CL948 de M. Jean Terlier, rapporteur général.

Amendement CL518 de Mme Sandra Regol.

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La première phrase de l'alinéa 17 dispose que « Les personnels auxquels les caméras sont confiées ne peuvent avoir un accès direct aux enregistrements auxquels ils procèdent. » Cela relève du bon sens.

Le problème vient de la deuxième phrase, qui prévoit une longue liste d'exceptions. Une différence très claire apparaît entre les détenus et les surveillants en ce qui concerne l'accès direct aux enregistrements. Cela nous paraît absolument contradictoire avec le fait que les images sont destinées à dévoiler la vérité, comme vous l'avez indiqué.

À défaut d'enregistrement en continu ou de possibilité accordée au détenu de déclencher lui-même l'enregistrement, il faut que les surveillants n'aient pas accès aux images. C'est le minimum.

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Avis défavorable. Votre amendement est contre-productif, car l'alinéa que vous souhaitez supprimer a été ajouté à la demande du Conseil d'État. Ce dernier a estimé que ces dispositions sont de nature « à rendre plus efficace et plus protecteur, au regard des finalités poursuivies, l'usage des caméras individuelles, en permettant d'assurer une capacité de contrôle à distance et un meilleur encadrement des interventions les plus délicates, sans affaiblir les garanties dont il doit être assorti. »

En outre, l'alinéa 19 prévoit que « Les caméras sont équipées de dispositifs techniques permettant de garantir l'intégrité des enregistrements jusqu'à leur effacement et la traçabilité des consultations lorsqu'il y est procédé dans le cadre de l'intervention. »

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Même avis.

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Je ne comprends pas bien l'avis du Conseil d'État. L'activation ou le suivi à distance n'ont rien à voir avec le fait que l'agent qui porte la caméra individuelle puisse aller consulter l'enregistrement.

La commission rejette l'amendement.

Elle adopte l'amendement rédactionnel CL954 de M. Jean Terlier, rapporteur général.

Amendement CL406 de M. Ugo Bernalicis.

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Cet amendement a pour objet d'autoriser les détenus et leurs avocats à avoir accès aux images enregistrées, afin qu'elles puissent être utilisées lorsque l'interprétation de certains faits donne lieu à des différends.

On sait bien qu'une asymétrie persistera avec les personnels pénitentiaires et nous la critiquons, mais il s'agit d'un amendement de repli.

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L'amendement est satisfait, puisque les enregistrements sont versés au dossier dans le cadre de poursuites administratives, judiciaires ou disciplinaires. Les détenus et leurs avocats ont alors accès à ces enregistrements.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Même avis.

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Mais il y a une différence entre disposer d'un accès direct aux enregistrements et pouvoir le faire seulement après avoir exigé l'ouverture d'une enquête. Dans le second cas, il existe un filtre préalable. Et le magistrat peut d'ailleurs classer sans suite en estimant qu'il n'y a pas assez d'éléments probants dans la plainte – alors même que ces éléments sont dans ledit enregistrement.

Il faut donc prévoir pour le détenu ou son avocat un droit d'accès direct qui puisse être exercé préalablement à l'engagement d'une démarche judiciaire.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CL203 de M. Jordan Guitton.

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Pour plus de clarté, cet amendement prévoit que les images captées sont systématiquement transmises en temps réel à la cellule de crise de l'établissement pénitentiaire. En l'état, il s'agit d'une faculté.

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Avis défavorable. Tout dépend des situations de crise, de leur gestion et des possibilités d'intervention. Il faut faire confiance aux personnels pénitentiaires pour gérer ces situations avec discernement.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CL186 de M. Jordan Guitton.

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Cet amendement rédactionnel vise à supprimer à l'alinéa 18 la répétition d'une formule qui figure déjà à l'alinéa 12.

La commission rejette l'amendement.

Amendements CL204 et CL205 de M. Jordan Guitton, et amendement CL520 de Mme Sandra Regol (discussion commune).

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L'amendement CL204 vise à porter de trois à douze mois la durée de conservation des enregistrements audiovisuels qui n'ont pas été utilisés dans le cadre d'une procédure judiciaire, administrative ou disciplinaire. Il faut conserver le plus longtemps possible des images qui pourraient servir dans le cadre d'une instruction ou d'une enquête. Douze mois me paraît être un bon compromis.

L'amendement CL205 est un amendement de repli.

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L'amendement CL520 propose d'aligner le délai de conservation des images sur le droit commun.

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Avis défavorable. Le délai avait initialement été fixé à six mois et il a été réduit à trois mois à la demande du Conseil d'État. Il ne me semble donc pas pertinent de l'allonger à douze mois.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle adopte les amendements rédactionnels CL955 et CL950 de M. Jean Terlier, rapporteur général.

Suivant l'avis du rapporteur général, la commission rejette l'amendement CL656 de M. Romain Baubry.

Amendement CL680 de M. Jérémie Iordanoff.

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Le Sénat a adopté un amendement qui introduit une procédure alternative aux poursuites disciplinaires dans le code pénitentiaire. L'objectif est d'autoriser les chefs d'établissement à engager des procédures infradisciplinaires pour des faits de moindre gravité. Les conditions d'application doivent être déterminées par un décret en Conseil d'État, mais rien n'est précisé en ce qui concerne son contenu. Cela risque de laisser une trop grande marge de manœuvre aux directeurs de prison, avec des renvois au règlement intérieur.

Comme il s'agit tout de même d'affaires disciplinaires, notre amendement propose que le décret précise notamment le contenu des manquements, les différentes alternatives aux poursuites qui peuvent être proposées, la composition de la commission disciplinaire et la procédure applicable, au cours de laquelle la personne doit pouvoir être assistée d'un avocat.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CL410 de M. Ugo Bernalicis.

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L'amendement demande au Gouvernement un rapport sur le fonctionnement des comparutions immédiates, leurs conséquences sur l'accroissement des incarcérations et ce que cela implique tant pour les tribunaux que pour la surpopulation carcérale.

La commission rejette l'amendement.

Elle adopte l'article 14 modifié.

La séance est levée à 13 heures.

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Caroline Abadie, M. Erwan Balanant, M. Ugo Bernalicis, Mme Pascale Bordes, M. Ian Boucard, M. Florent Boudié, Mme Clara Chassaniol, M. Jean-François Coulomme, Mme Mathilde Desjonquères, Mme Elsa Faucillon, M. Philippe Gosselin, M. Guillaume Gouffier Valente, M. Jordan Guitton, M. Sacha Houlié, M. Jérémie Iordanoff, Mme Emeline K/Bidi, M. Andy Kerbrat, M. Gilles Le Gendre, Mme Marie Lebec, M. Emmanuel Mandon, Mme Élisa Martin, M. Ludovic Mendes, Mme Naïma Moutchou, M. Didier Paris, M. Éric Poulliat, M. Philippe Pradal, M. Stéphane Rambaud, M. Rémy Rebeyrotte, Mme Sandra Regol, M. Davy Rimane, Mme Béatrice Roullaud, M. Thomas Rudigoz, M. Hervé Saulignac, M. Philippe Schreck, Mme Sarah Tanzilli, Mme Andrée Taurinya, M. Jean Terlier, Mme Cécile Untermaier, Mme Caroline Yadan

Excusés. - M. Éric Ciotti, M. Philippe Dunoyer, Mme Marie Guévenoux, Mme Élodie Jacquier-Laforge, M. Mansour Kamardine, Mme Marietta Karamanli, M. Didier Lemaire, Mme Danièle Obono, M. Guillaume Vuilletet

Assistait également à la réunion. - Mme Danielle Brulebois