Commission des affaires sociales

Réunion du mercredi 23 janvier 2019 à 17h15

Résumé de la réunion

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La réunion

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Mercredi 23 janvier 2019

La séance est ouverte à dix-sept heures quinze.

Présidence de Mme Brigitte Bourguignon, présidente

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La commission poursuit l'examen de la proposition de loi pour des mesures d'urgence contre la désertification médicale (n° 1542) (M. Guillaume Garot, rapporteur) ; elle en vient à l'examen des articles de la proposition de loi.

Article 1er : Limitation de l'accès au conventionnement pour les médecins dans les zones suffisamment dotées

La commission examine les amendements identiques AS1 de Mme Marine Brenier, AS3 de M. Cyrille Isaac-Sibille, AS6 de M. Jean-Carles Grelier, AS7 de Mme Stéphanie Rist et AS20 de Mme Audrey Dufeu Schubert.

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Monsieur le rapporteur, je ne reviendrai pas sur tout ce qui a été dit ce matin. Je partage le constat qui a été fait sur ce besoin impérieux de pouvoir lutter contre la désertification médicale en jouant de nombreux mécanismes.

L'amendement AS1 vise à supprimer l'article 1er car le conventionnement territorial reste une mesure coercitive. Or, comme nous l'avons démontré par le passé, les mesures coercitives ne fonctionnent malheureusement pas. Elles vont même à l'encontre de la logique de l'exercice libéral, à un moment précisément où celui-ci tente de moins en moins de nouveaux médecins.

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Si nous partageons le constat et si l'intention de l'article 1er est louable, comme l'a dit ce matin mon collègue Cyrille Isaac-Sibille, notre groupe estime que cette contractualisation s'avérerait contre-productive. C'est pourquoi notre amendement AS3 propose également de supprimer l'article 1er.

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L'amendement AS6 est défendu : même punition, même motif !

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L'article 1er, qui donne l'illusion du bon sens, est en réalité inefficace et même contre-productif. La régulation négative est par essence inefficace. Le conventionnement sélectif ne peut pas fonctionner si nous avons une démographie médicale négative. Or la grande cause connue est évidemment le numerus clausus qui existe depuis quarante-cinq ans. On comptait 8 000 étudiants formés en 1971, et 8 200 en 2018 ; or, durant la même période, la population en France a augmenté de plus de 30 %…

Par ailleurs, les expériences étrangères au Royaume-Uni, en Allemagne, en Autriche ont démontré l'inefficacité d'une telle mesure.

Vous prenez l'exemple des pharmacies. Or, monsieur le rapporteur, la répartition territoriale des médecins généralistes est équivalente à celle des pharmacies. Pourtant, vous jugez le maillage territorial de celles-ci correct.

C'est vrai, nous avons un devoir face à la désertification médicale. Nous prenons nos responsabilités avec le plan « Ma santé 2022 », qui permet la suppression du numerus clausus, qui incite la coopération entre professions de santé, qui libère du temps médical, qui attire les jeunes dans nos territoires dès leur formation, ce qui est essentiel lorsque l'on sait que 63 % des jeunes médecins s'installent dans la région où ils ont été diplômés.

Nous faisons le choix de la confiance envers les professionnels de santé, notamment des jeunes médecins qui n'ont qu'une volonté : s'organiser pour mieux soigner. D'où mon amendement de suppression AS7.

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L'amendement AS20 du groupe La République en Marche vise également à supprimer l'article 1er.

Bien que nous comprenions l'intention de M. Garot au travers de cette proposition de loi, la mesure risque de créer des inégalités entre les secteurs 1 et 2, avec une augmentation du nombre de praticiens exerçant en secteur 2 dans les zones sous-dotées. Cela risque surtout d'encourager les jeunes médecins à se tourner vers une activité salariée. Nous pensons qu'il faut être extrêmement vigilants quant aux conséquences possibles de cet article.

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Mon avis sera défavorable, cela ne vous étonnera pas…

Je veux partager avec vous quelques arguments, même s'il ne s'agit pas de revenir sur le débat, vif mais passionnant, qui a eu lieu ce matin et qui concerne les vrais choix que nous devons faire en matière d'offre de soins.

Monsieur Grelier, ce n'est pas de la coercition, mais de la régulation. L'installation des pharmaciens se fait-elle de façon coercitive ? Non. On conserve la liberté de pouvoir s'installer là où c'est possible. Nous proposons simplement que là où les besoins de santé sont déjà pourvus, là où l'offre de soins est correctement assurée, on n'autorise plus d'installation, sauf si on constate un problème d'accès en secteur 1 pour certains publics. Cela suppose effectivement un zonage précis : c'est possible, c'est à notre portée. C'est pourquoi l'article 1er propose de travailler au plus près des territoires avec les agences régionales de santé. Il va de soi, et c'est l'objet de la négociation conventionnelle, que rien ne sera possible ni faisable sans les médecins. C'est la raison pour laquelle je propose qu'on commence par discuter avec les principaux partenaires concernés, à savoir les médecins. Si l'on ne parvient pas à trouver un terrain d'entente, alors la puissance publique assumera son rôle. Il faudra évidemment ménager un délai raisonnable, en laissant la discussion, la négociation s'opérer.

La régulation serait inefficace, me dit-on, elle aurait même montré par le passé qu'elle avait été inefficace. Je ne sais pas à quel passé, à quel épisode de l'histoire récente de la France vous vous référez : la régulation de l'installation des médecins n'a jamais été expérimentée… Vous êtes en train de vous priver d'un outil qui, je le répète inlassablement, rendra tous les autres plus efficaces. Le principe est de ne plus accepter d'installations là où les besoins de santé sont correctement pourvus ; en revanche, vous pouvez vous installer n'importe où ailleurs parce qu'on a besoin de vous. Voilà le sens de cette proposition.

J'insiste sur le fait que la régulation existe pour toutes les autres professions de santé. Ce matin, personne n'a pu me dire pourquoi cela ne pourrait pas fonctionner pour les médecins, alors que cela fonctionne pour les autres professions de santé. Vous qui vous faites ici les porte-parole des syndicats de médecins, expliquez-moi pourquoi cela ne fonctionnerait pas pour les médecins ! Qu'y a-t-il de si différent entre un pharmacien et un médecin ? Qu'y a-t-il d'ontologiquement singulier chez les médecins, qui empêcherait par nature l'idée d'une régulation ? Cet argument n'est pas solide.

Je sais gré à Mme Rist de reconnaître la légitimité de la régulation : elle y voit un principe intéressant, mais qui vaudra dans dix ans. Contrairement aux autres orateurs qui se bornent à vouloir supprimer cet article, elle considère qu'il faut travailler avec cette régulation. Il y a peut-être là matière à discuter. Je regrette donc qu'elle ait déposé un amendement de suppression, mais je sens dans ses propos que l'idée a gagné en crédibilité et en légitimité.

En revanche, Madame Rist, je ne vois pas au nom de quoi le principe d'une régulation, autrement dit d'une répartition la plus harmonieuse possible par la puissance publique à l'échelle du territoire national vaudrait lorsque la démographie est élevée, mais ne vaudrait plus lorsqu'elle est plus serrée. La responsabilité du législateur commande de proposer des solutions acceptables en toutes circonstances, lorsque l'urgence le commande comme aujourd'hui, mais également dans dix ans, lorsque situation sera plus détendue. Si on veut préparer correctement la régulation pour dans dix ans, c'est dès à présent qu'il faut le faire. Ce sera d'autant plus facile à faire à ce moment-là que le mécanisme aura été bien éprouvé.

Voilà ce que je voulais vous dire à ce stade de notre discussion. J'ai promis de faire court, madame la présidente. (Sourires)

La commission adopte les amendements identiques.

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En conséquence, l'article 1er est supprimé et les amendements AS10, AS8, AS16 et AS11 tombent.

Article 2 : Constitution de territoires « innovation santé »

La commission rejette l'article.

Article 3 : Réduction à un an de la période probatoire des médecins titulaires de diplômes étrangers lauréats des épreuves de vérification des connaissances

La commission examine l'amendement AS21 de Mme Audrey Dufeu Schubert.

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Les candidats à la profession de médecin, titulaires d'un diplôme obtenu en dehors des États membres de l'Union européenne, doivent justifier de trois ans de fonctions accomplies dans un service ou organisme agréé pour la formation des internes. L'article 3 de la proposition de loi vise à ramener cette durée à un an lorsque le candidat déclare à l'autorité compétente vouloir s'établir dans une zone caractérisée par des difficultés dans l'accès aux soins. En l'absence d'autres garanties, une telle réduction ne permet pas de sécuriser les connaissances et les compétences des candidats, en particulier pour certaines spécialités telles que la chirurgie. Un temps plus long de probation est nécessaire. Les difficultés d'accès aux soins ne pouvant justifier une diminution de la sécurité apportée aux patients, cet amendement propose donc de supprimer cette disposition.

La création de disparités entre les zones dites surdotées ou sous-dotées en termes de sécurité sur la validation des médecins en dehors de l'Union européenne ne nous paraît pas opportune.

Enfin, monsieur Garot, nous sommes des députés de la majorité, et non des représentants des syndicats de médecins. Nos remarques prouvent tout simplement que nous avons suivi très attentivement les auditions que vous avez vous-même conduites.

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Je confirme que vous avez été très attentifs à certaines interventions durant les auditions. J'aurais souhaité que vous portiez la même attention à ce que vous ont dit les usagers, les citoyens, et à ceux qui viennent aujourd'hui dans vos permanences remplir des cahiers de doléances, ceux qui se déplacent en mairie pour participer au grand débat national.

Que vous disent-ils ? Qu'ils ont besoin d'être écoutés, qu'eux aussi ont droit à un médecin pas loin de chez nous, à un égal accès à la santé, parce que c'est le pacte républicain. Mais, dans les votes que vous émettez aujourd'hui et dans les amendements que vous déposez, vous oubliez tout cela. Vous dites oui lorsque vous êtes dans vos territoires, mais vous dites non dans vos votes aujourd'hui. Tout ce que vous invoquez, c'est l'impossibilité de faire autrement que ce qu'on a toujours fait depuis dix ans. Or tout ce que nous avons fait, tous ensemble, depuis dix ans ne répond pas aux ambitions que nous nous étions assignées : répondre aux besoins de présence médicale. Les mesures d'incitation n'ont pas fonctionné. Les leçons en ont été tirées par Philippe Vigier, rapporteur de la commission d'enquête dont nous avons voté, les uns et les autres, les conclusions. Je suis très surpris de voir que certains d'entre vous ont déposé des amendements de suppression d'articles qui ne font que reprendre des préconisations que vous aviez adoptées l'été dernier. Je demande en tout cas à ceux qui étaient membres de cette commission d'enquête, et qui ont déposé aujourd'hui des amendements de suppression, de faire preuve d'un peu de cohérence.

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J'en déduis donc que vous êtes défavorable à cet amendement.

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Oui, madame la présidente.

Vous évoquez le risque qu'il y aurait à ramener la période probatoire de trois ans à un an. Je rappelle que la commission d'enquête dont vos collègues ont signé les conclusions proposait purement et simplement de la supprimer… Encore un revirement qu'il faudra expliquer !

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Ajoutons que cette durée d'un an est juste alignée sur ce qui existe aujourd'hui pour les chirurgiens-dentistes et pour les sages-femmes !

La commission adopte l'amendement.

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En conséquence, l'article est supprimé et les amendements AS19 et AS12 tombent.

Article 4 : Assouplissement des modalités d'assistance aux médecins exerçant en zones sous-denses

La commission est saisie de l'amendement AS12 de M. Sébastien Cazenove.

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Après discussion avec mes collègues, je retire mon amendement.

L'amendement est retiré.

La commission examine ensuite l'amendement AS22 de Mme Audrey Dufeu Schubert.

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Cet amendement propose une rédaction un peu différente de l'article 4 et plus précise, afin d'éviter toute confusion entre le médecin adjoint, le médecin remplaçant et le médecin de renfort. Il étend ainsi la possibilité de recourir à des médecins adjoints dans les zones caractérisées par des difficultés d'accès aux soins ou lorsqu'il est constaté une carence particulière par l'Ordre des médecins.

Nous considérons qu'il s'agit d'un article positif qui comporte une mesure de bon sens puisqu'il renforce l'accès aux soins et la démographie médicale. Cependant, il faut être vigilant puisque ce titre de médecin de renfort n'existe pas dans le code de déontologie. C'est pourquoi notre amendement précise quelle est l'intention de la proposition de loi.

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L'invocation du code de déontologie pour repousser la proposition du médecin de renfort n'est pas opérante car le code de déontologie relève de la partie réglementaire. Nous souhaitons le prévoir au niveau législatif ; c'est pourquoi l'article 4 est dans la ligne des préconisations du rapport de notre collègue Vigier que nous avons tous voté, quelles que soient nos sensibilités.

Cet article, qui concerne aussi les médecins adjoints, prévoit la possibilité de l'exercice d'une médecine de renfort – ce serait une forme de statut sur mesure – dans les zones sous-denses. Il s'agit donc seulement d'une mise en conformité juridique. Je suis donc défavorable à cet amendement.

La commission adopte l'amendement et l'article 4 est ainsi rédigé.

Après l'article 4

La commission étudie l'amendement AS17 de M. Paul Christophe.

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Cet amendement vise à exonérer de toute cotisation retraite, sans condition de plafond de revenu annuel, les médecins exerçant en situation de cumul emploi-retraite dans les zones en tension. Il reprend en cela l'une des propositions du rapport de la commission d'enquête demandée par notre groupe et chère à M. le rapporteur.

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Vous avez raison, c'est une des propositions de la commission d'enquête. Toutefois, cela fait partie des dispositions sur lesquelles j'avais exprimé des réserves, pour des raisons de construction et de principe.

Lorsque des médecins – et il faut les en remercier – continuent d'exercer une activité libérale alors qu'ils sont à la retraite, quelques heures par semaine, une demi-journée, ou deux demi-journées, pour répondre à la demande des patients, ils continuent de cotiser à la caisse d'assurance vieillesse pour la retraite. Mais est-ce pour eux ou pour le système, pour la société ? Le régime d'assurance vieillesse comporte certes une partie assurantielle, mais il repose avant tout sur l'idée que les cotisations des actifs financent les retraites des inactifs. Ceux qui sont en activité continue donc de contribuer au financement du système des retraites. La solution ne consiste pas à supprimer les cotisations retraite, mais plutôt à demander au régime de l'assurance maladie, qui est bien content de trouver des médecins sur place pour assurer les consultations, de prendre en charge les cotisations vieillesse de ces praticiens qui rendent un vrai service dans nos territoires.

Nous maintenons donc le principe de la cotisation des actifs pour ceux qui sont en retraite, mais parce que les médecins qui acceptent de continuer à exercer font un vrai geste de solidarité, je propose que l'assurance maladie prenne en charge ces cotisations.

Je suis donc défavorable à cet amendement.

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Nous avons déjà abordé ce sujet à l'occasion de la discussion des deux dernières lois de financement de la sécurité sociale.

Lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, nous avions déjà quadruplé le plafond d'exonération pour les médecins retraités, qui est passé de 11 000 à 40 000 euros par an. Pour ma part, j'ai préconisé, dans un rapport que j'ai remis à la ministre sur l'égal accès aux soins, de multiplier par deux ce plafond afin que davantage de médecins puissent en bénéficier et cumuler une activité avec leur retraite. La ministre n'avait pas souhaité fragiliser la caisse autonome de retraite des médecins de France (CARMF) ni interférer dans les négociations qui auront lieu dans le cadre du comité de suivi du plan pour l'égal accès aux soins dans les territoires qui doit se réunir le mois prochain, mais elle s'était engagée par voie réglementaire après les négociations.

À titre personnel, je suis défavorable à cet amendement.

La commission rejette l'amendement.

Article 5 : Mise en place d'un cadre expérimental relatif à la dispensation de certains médicaments à prescription obligatoire dans le cadre de protocoles de coopération

La commission est saisie de l'amendement AS14 de M. Sébastien Cazenove.

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Avec l'article 5, vous voulez autoriser les pharmacies à dispenser certains médicaments. Il serait bon d'exclure a priori certains médicaments, notamment les substances à visée psychotrope. J'aimerais que vous nous apportiez des précisions en la matière. Cela dit, je suppose que cette mesure ferait l'objet d'un arrêté ministériel.

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Vous avez raison de poser le problème, mais il ne faut pas se faire peur.

L'article 5, qui reprend d'ailleurs ce qu'avait proposé une de vos collègues lors de l'examen du PLFSS, prévoit une expérimentation pour une durée de trois ans. L'autorisation de délivrer certains médicaments sera prise dans le cadre d'une discussion extrêmement serrée et rigoureuse entre médecins et pharmaciens. Et vous imaginez bien que les médicaments et les pathologies qui présenteraient le moindre risque seraient immédiatement exclus par les médecins et les pharmaciens de la liste. Il faut faire confiance à la négociation et au sens des responsabilités des uns et des autres.

Quelles pathologies pourraient être traitées ? La présidente du Conseil de l'ordre des pharmaciens nous a fait part, en commission, de son vif intérêt pour la mesure : elle a évoqué les cystites, conjonctivites et rhinites. Une disposition similaire est déjà en vigueur en Suisse où, au terme d'un accord extrêmement rigoureux entre médecins et pharmaciens, on traite les pathologies suivantes : cystite, pharyngite, sinusite, conjonctivite, piqûres de tique, lombalgies, brûlures, asthme aigu, asthme conseil. La liste est limitée et soumise à un protocole très rigoureux. Et en cas de doute, il va de soi que le pharmacien en réfère immédiatement au médecin, et en particulier au médecin traitant.

Je suis donc défavorable à cet amendement.

La commission adopte l'amendement.

Puis elle rejette l'article 5 modifié.

Article 6 : Gage

La commission adopte l'article sans modification.

Enfin, elle adopte la proposition de loi modifiée.

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Permettez-moi de vous faire part de mon immense déception. En fait, vous avez dévitalisé ce texte, il n'en reste plus grand-chose, c'est devenu une peau de chagrin. Finalement, on est bien loin de l'ambition initiale.

Cela signifie, et c'est politiquement grave, que vous n'entendez pas ce qui se passe dans le pays aujourd'hui, que vous n'entendez pas la colère qui monte des territoires. Vous vous interdisez des solutions qui n'ont jamais été éprouvées, qui pourraient être tentées pour l'intérêt général. Vous auriez pu envoyer un signal clair à tous ces citoyens qui attendent des actes forts de la part du législateur et de leurs dirigeants en général, afin que l'on puisse refonder, comme je le disais ce matin, ce pacte républicain : nous avons tous droit au même accès à la santé, qui que nous soyons, quels que soient nos revenus et où que nous habitions. Or ce pacte républicain est fragilisé : bon nombre de Français n'ont pas de médecin traitant. Dans mon département, la Mayenne, qui compte 300 000 habitants, c'est le cas de 10 000 Mayennais. Que dites-vous à ces millions de Français qui vivent en zone sous-dense ? Vous ne répondez pas à leurs attentes, vous n'entendez pas la voix des territoires qui se sentent abandonnés. Une discussion aura lieu dans l'hémicycle, mais je vous rappelle que nous légiférons sous le regard des citoyens français ; ils attendent qu'on prenne enfin en considération leur mal-être et leurs difficultés du quotidien. Hélas, ce n'est pas ce que vous faites.

La commission examine ensuite la proposition de loi d'expérimentation territoriale visant à instaurer un revenu de base (n° 1541) (M. Hervé Saulignac, rapporteur)

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Mes chers collègues, nous en venons à l'examen de la proposition de loi d'expérimentation territoriale visant à instaurer un revenu de base, dont le rapporteur est notre collègue Hervé Saulignac.

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Madame la présidente, mes chers collègues, la proposition de loi que je vous présente aujourd'hui s'inscrit dans un contexte particulier, celui de la crise sociale que notre pays traverse actuellement. Cette crise a mis en évidence les attentes de nos concitoyens en matière de pouvoir d'achat, de lutte contre la pauvreté et de réduction des inégalités. Nous avons tous échangé avec celles et ceux qui se sont mobilisés : ces échanges ont confirmé que les Français peinent à comprendre le fonctionnement de notre système de protection sociale, la multiplicité des dispositifs existants créant une grande confusion. C'est d'ailleurs ce qui conduit certains de nos concitoyens à rejeter ce système, censé les protéger.

Cette proposition de loi, qui vise à expérimenter l'instauration d'un revenu de base, n'a pas été élaborée pour la circonstance. Elle résulte d'un travail approfondi qui a débuté il y a plus de deux ans. Avant de préciser ce qu'est le revenu de base, je souhaite revenir sur les conditions particulières de l'élaboration de ce texte.

Ce sont d'abord treize départements, bientôt rejoints par cinq autres, soit dix-huit départements au total, qui ont manifesté leur souhait d'expérimenter un « revenu de base » – une dénomination plus appropriée doit encore être trouvée. Pour répondre à cette initiative et élaborer cette proposition de loi, nous avons tout d'abord procédé à une grande consultation citoyenne, qui a connu un réel succès, puisque nous avons reçu plus de 15 000 contributions. Des économistes de l'Institut des politiques publiques ont ensuite mené une longue étude, afin d'élaborer des simulations précises et différents scénarios de mise en oeuvre du revenu de base. Cette étude a permis d'évacuer par avance les scénarios jugés peu efficients, trop complexes ou trop coûteux. Vous le voyez, le texte que nous allons examiner n'a pas été écrit à la va-vite pour répondre à une actualité brûlante : il a fait l'objet d'un travail sur le long terme, associant des collectivités territoriales, des citoyens, des chercheurs et des parlementaires.

J'aimerais à présent préciser le dispositif qu'il s'agit d'expérimenter : cette précision est d'autant plus importante que la notion de « revenu de base » se rattache à des courants de pensées divers et recouvre des réalités très différentes. L'instauration d'un revenu de base, parfois qualifié de « revenu universel », a en effet été proposée par des penseurs, des philosophes, des économistes et des personnalités politiques de droite comme de gauche, avec des variantes nombreuses.

Le revenu de base, tel que nous l'entendons, n'est pas un revenu universel qui serait versé à tous, sans condition de ressources. Nous avons conçu et voulons expérimenter un revenu qui serait versé automatiquement et de manière inconditionnelle dès l'âge de 18 ans, sous condition de ressources. La proposition de loi du groupe Socialistes et apparentés relève ainsi d'une approche tout à la fois ambitieuse et réaliste. Nous entendons laisser aux départements expérimentateurs le choix entre deux options : ou bien une prestation simplifiée remplaçant le revenu de solidarité active (RSA) et la prime d'activité, ou bien une prestation élargie fusionnant le RSA, la prime d'activité et les aides au logement.

Ce revenu de base présente trois avancées majeures.

L'ouverture du revenu de base aux personnes âgées de 18 à 24 ans constitue la première de ces avancées. Le RSA, aujourd'hui, s'adresse essentiellement aux personnes de 25 ans et plus, même si deux situations permettent de bénéficier du RSA avant l'âge de 25 ans : le fait d'avoir un enfant à charge et celui d'avoir travaillé au moins deux ans au cours des trois dernières années qui précèdent la demande. Cette dernière condition, qui est liée à l'activité, est tellement restrictive que le RSA « jeunes actifs » ne bénéficie qu'à 1 300 foyers, bien loin de l'objectif attendu. Or les jeunes sont particulièrement touchés par la pauvreté et cette situation tend à s'aggraver : on estime que 16,1 % des jeunes âgés de 18 à 24 ans se trouvent en dessous du seuil de pauvreté, contre un taux moyen de 7,2 % pour les personnes âgées de 25 à 64 ans. Dans ce contexte, l'accès à un revenu de base dès l'âge de 18 ans permettrait de lutter contre la précarité et la pauvreté des jeunes. Ce droit nouveau permettrait également d'atténuer le recours aux solidarités familiales. Tous les jeunes ne peuvent pas compter sur le soutien financier de leur famille – y compris dans les familles aisées ; et dans les milieux sociaux défavorisés, l'absence d'aide perpétue les inégalités sociales.

La deuxième avancée importante de ce dispositif est l'automaticité du versement. Les travaux menés en 2016 par notre collègue Gisèle Biémouret et par notre ancien collègue Jean-Louis Costes sur l'accès aux droits sociaux ont mis en évidence l'importance du non-recours aux droits : 36 % des personnes éligibles au RSA n'en bénéficient pas. Si l'introduction de la prime d'activité a certes entraîné une amélioration importante du taux de recours par rapport au RSA-activité qu'elle a remplacé, 27 % des personnes éligibles à cette prime ne la perçoivent toujours pas. Personne ne peut se satisfaire d'une situation où les laissés-pour-compte sont si nombreux. C'est pourquoi la proposition de loi instaure le versement automatique du revenu de base à toutes les personnes qui y sont éligibles.

Je précise que ce versement automatique sera rendu techniquement possible grâce aux travaux de modernisation récemment engagés en matière de délivrance des prestations sociales. Pour mémoire, l'article 78 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 permet d'automatiser le processus déclaratif pour les bénéficiaires de prestations. La dématérialisation des procédures et les échanges de données systématisés entre administrations rendent possible cette automaticité. La mise en place d'une base des ressources commune aux organismes de sécurité sociale est par ailleurs prévue au plus tard le 1er janvier 2020, soit avant le début de l'expérimentation du revenu de base.

La dernière grande avancée est l'inconditionnalité du revenu de base, au sens où son versement ne sera pas conditionné à un contrôle de l'effectivité de la recherche d'emploi par ses bénéficiaires. Je sais que l'inconditionnalité ne fait pas l'unanimité et qu'elle risque même de cristalliser nos débats. Je vois pourtant au moins trois grands arguments en sa faveur.

D'abord, comme les représentantes de Pôle emploi nous l'ont rappelé lors de leur audition, il est évident que la participation au monde du travail reste la voie d'intégration sociale la plus valorisée : la très grande majorité des individus souhaite accéder à un emploi. Pour la minorité de personnes qui semble avoir décroché, la menace d'une suspension du RSA produit bien peu d'effets. Bien souvent, d'ailleurs, les travailleurs sociaux en charge de leur dossier ne cherchent pas à suspendre leur droit au RSA : ils savent très bien qu'une telle mesure, loin de les rapprocher de l'emploi, les fragiliserait encore davantage.

Ensuite, le versement inconditionnel du revenu de base permettra de créer une relation nouvelle entre l'allocataire et son conseiller. Aujourd'hui, le référent a deux missions : une mission d'accompagnement et une mission de sanction en cas de manquement au contrat. Cette organisation est contre-productive. Le versement inconditionnel du revenu de base favorisera la construction d'une vraie relation de confiance entre l'allocataire et le conseiller : celui-ci, déchargé de sa mission de contrôle, pourra accompagner beaucoup plus efficacement l'allocataire dans sa démarche d'insertion.

Enfin, le fait de ne pas conditionner le versement du revenu de base à une recherche active d'emploi permet de valoriser d'autres formes d'engagement, qui peuvent parfois être un premier pas vers l'emploi. Je pense en particulier aux personnes qui s'investissent bénévolement dans des projets associatifs ou à celles qui développent des services. Je pense également aux aidants familiaux, qui sont de plus en plus nombreux, qui doivent parfois cesser de travailler pour s'occuper de leurs proches âgés ou en situation de dépendance et qui ne reçoivent aucune aide de la société, alors même qu'ils jouent un rôle essentiel. Je pense enfin aux étudiants : s'ils recevaient un revenu de base, ils pourraient envisager sereinement la poursuite de leurs études sans être contraints de travailler en parallèle lorsqu'ils ne sont pas aidés par leur famille – je rappelle que 46 % des étudiants exercent un emploi salarié pour financer leurs études.

Bien entendu, tous les bénéficiaires du revenu de base feront l'objet d'un accompagnement social et professionnel, organisé par un référent unique. Déchargés de leur tâche de contrôle, du fait de l'inconditionnalité du versement, les travailleurs sociaux auront davantage de temps pour se concentrer sur leur tâche d'accompagnement social et professionnel.

Ouvert dès l'âge de 18 ans, versé automatiquement et de manière inconditionnelle, le revenu de base que je vous propose d'expérimenter constituerait à la fois une arme nouvelle pour lutter contre la pauvreté et un moyen de faciliter l'accès aux droits. Il résulte, comme je l'ai rappelé au début de mon intervention, d'un vrai travail partenarial engagé il y a près de deux ans et demi. Cela m'amène à réagir à l'annonce, qui a été faite au mois de septembre dernier par le Président de la République, de l'instauration d'un « revenu universel d'activité ». De ce revenu, nous ne savons pas grand-chose. Sera-t-il vraiment universel ? Sera-t-il vraiment favorable à la reprise d'activité ? En tout cas, en raison de cette annonce, on m'a reproché d'être en avance par rapport au calendrier politique du Gouvernement. Je rappelle que le Parlement est souverain et qu'il a aussi l'initiative des lois. Je ne sais pas ce que signifierait être à l'heure en la matière ; mais, à tout prendre, je préfère être en avance qu'en retard.

L'examen de cette proposition de loi s'inscrit donc dans un contexte particulier. On peut toujours trouver des raisons de repousser à plus tard l'introduction d'un nouveau dispositif d'aide sociale, mais l'urgence est là. L'expérimentation permet de tester des idées ambitieuses. Depuis l'instauration du revenu minimum d'insertion (RMI), rien n'a fondamentalement été entrepris pour résorber la précarité, mieux protéger la jeunesse et créer de nouveaux droits en faveur des travailleurs les plus modestes. L'adoption de cette proposition de loi serait un signal fort envoyé à celles et ceux qui pensent que notre système est irréformable et que c'est pour cette raison, entre autres, que les pouvoirs publics ont renoncé à combattre la pauvreté. Son adoption, enfin, contribuerait à valoriser l'initiative parlementaire, qui en a bien besoin.

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Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes, en commençant par celui de La République en marche.

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Monsieur le rapporteur, je vous remercie pour cet exposé, qui précise clairement les objectifs de votre proposition de loi.

Nous faisons tous le même constat au sujet des politiques sociales menées aujourd'hui dans notre pays. S'agissant du RSA, dont les départements ont la responsabilité pleine et entière, on sait que seuls 10 % de ses bénéficiaires trouvent un emploi dans l'année, que 20 % sont toujours au RSA au bout de dix ans et 50 % depuis au moins quatre ans, et que 50 % ne sont pas accompagnés au bout de six mois. Face à cet échec collectif, nous avons l'obligation, sans chercher de bouc émissaire, d'opérer un tournant à 180 degrés dans notre manière de concevoir nos politiques sociales. Or vous nous proposez seulement la création d'une nouvelle prestation monétaire, avec le revenu de base inconditionnel.

Notre réponse à nous, c'est le Plan pauvreté, qui a été rendu public au mois de septembre et qui fait déjà l'objet de contractualisations avec les départements. Vous traitez le symptôme ; nous, nous voulons traiter la maladie. Nous voulons une stratégie qui favorise l'accompagnement vers l'emploi et l'insertion professionnelle, plutôt que le versement de prestations sans condition. Nous avons là, monsieur le rapporteur, une divergence importante sur le fond.

Votre proposition de loi ne fait même pas l'unanimité parmi les conseils départementaux, puisque seuls dix-huit départements, exclusivement socialistes, sont favorables à cette expérimentation et que les vingt-deux autres départements actuellement à gauche ne soutiennent pas cette initiative. Les départements, dans leur majorité, ne sont pas convaincus sur le fond. Les auditions ont d'ailleurs montré que les associations est les organisations syndicales n'étaient pas davantage convaincues par votre proposition. Je me permets enfin de rappeler que le Gouvernement de François Hollande a repoussé à trois reprises la mise en place d'un revenu universel, sous une forme ou sous une autre. C'est donc une divergence de fond qui nous sépare : c'est la raison pour laquelle les membres du groupe La République en Marche ne pourront pas adopter votre proposition de loi.

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Cette proposition de loi intervient dans un contexte particulier, celui de l'annonce du futur revenu universel d'activité, et nous devons en tenir compte. Cela étant, elle répond, aux yeux du groupe Les Républicains, à un constat juste et pertinent ; et force est de constater, monsieur le rapporteur, que vous nous présentez une oeuvre de belle facture. Vous nous proposez de lancer une expérimentation qui permettrait de tester et d'ajuster un dispositif au fil du temps, de manière modulable et évolutive.

Je regrette qu'un de nos amendements ait été déclaré irrecevable, qui proposait d'expérimenter, parallèlement à votre revenu de base, une prestation sociale unique automatique, qui aurait pu être dénommée « revenu universel d'activité » (RUA), dans les départements volontaires, en marge ou en complément de la vôtre. Cette double expérimentation nous aurait fourni des éléments utiles en vue d'une prise de décision éclairée sur un sujet qui s'impose dans le débat public. Cet amendement, qui se fondait sur des scénarios élaborés par France Stratégie, prévoyait la fusion de sept prestations. Cette expérimentation du RUA, limitée dans le temps et dans l'espace, aurait parfaitement trouvé sa place dans votre proposition de loi et je regrette qu'elle ait été considérée comme une charge.

J'aimerais, monsieur le rapporteur, que vous me donniez votre avis sur ce projet de revenu universel d'activité. Je souhaiterais également m'adresser à nos collègues de la majorité : si un tel dispositif devait voir le jour, ce qui n'est pas exclu, serait-il mis en oeuvre immédiatement ou ferait-il l'objet d'une expérimentation avant d'être généralisé ?

Je l'ai dit, je suis favorable à votre proposition de loi, mais je souhaite néanmoins exprimer deux réserves : l'une, au sujet de l'octroi automatique du revenu de base aux jeunes de moins de 25 ans, parce que cela ne correspond pas à notre philosophie ; l'autre sur l'inconditionnalité du dispositif.

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Le texte que nous allons examiner propose d'expérimenter le versement d'un revenu de base dans plusieurs départements volontaires. Je souhaite tout d'abord remercier monsieur le rapporteur pour son travail et pour la qualité de ses auditions. Le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés partage en partie le constat dressé par cette proposition de loi.

Oui, nous devons simplifier notre système de prestations, afin de lutter contre le non-recours, qui est aujourd'hui trop important : 36 % des personnes qui ont droit au revenu de solidarité active n'effectuent pas les démarches pour le percevoir. Oui, nous devons réfléchir à un moyen d'intégrer les 18-24 ans qui, aujourd'hui, ne perçoivent pas le RSA, alors que certaines situations le justifieraient amplement – je rappelle que 25,7 % des jeunes de moins de 30 ans vivent en dessous du seuil de pauvreté.

Cependant, certains points de ce texte nous posent des difficultés. Si nous devons bien sûr faciliter le recours aux prestations sociales, l'automaticité du versement ne saurait exclure l'obligation de suivi du bénéficiaire, car l'inscription dans un parcours d'insertion, avec un accompagnement plus ou moins soutenu selon le profil du bénéficiaire, est essentielle. Le versement automatique ne doit pas nous dispenser d'accompagner les personnes, l'objectif étant bien qu'elles sortent, à terme, de ces dispositifs. Il nous semblerait donc important d'envisager des contreparties au versement de ce revenu de base.

Nous devons également nous interroger sur la nature des prestations intégrées dans un futur revenu de base. Cette question complexe mérite une large concertation avec les acteurs concernés et une étude d'impact approfondie. Si nous voulons entreprendre une refonte complète de notre système, nous devons prendre le temps de la réflexion. Le Gouvernement a annoncé son souhait de travailler sur une réforme visant à garantir un meilleur recours et à simplifier l'obtention des prestations sociales. Notre groupe souhaite participer activement à cette réflexion sur un enjeu majeur, afin d'arriver à un résultat qui alliera efficacité et justice sociale.

C'est pourquoi le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés ne pourra pas voter, en l'état, cette proposition de loi. J'indique que j'ai souhaité présenter, à titre personnel, plusieurs amendements visant à proposer une expérimentation sur le public spécifique que constituent les 18-25 ans.

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La proposition de loi qui vous est présentée aujourd'hui est le fruit d'un grand débat : ce ne fut certes pas le grand débat national, mais nous savons que la méthode vous sied… Elle s'appuie également sur une expertise, réalisée par des chercheurs de haut niveau. Elle repose enfin sur une méthode qui a votre faveur, si j'en crois les propos du Président de la République : je veux parler de l'expérimentation, qui suppose la possibilité de se tromper. Je trouve très curieux que vous ayez des certitudes à ce point chevillées au corps, alors que notre proposition est raisonnable, modulable, réversible. Nous, nous ne connaissons rien de votre projet, si ce n'est qu'il est, par nature, l'inverse du nôtre. Le virage à 180 degrés, c'est vous qui l'avez fait !

Tous les orateurs qui se sont exprimés ont évoqué une question majeure, que nous avons tous à coeur de prendre en charge : la pauvreté des jeunes. Songez qu'un jeune est majeur sur le plan pénal à 16 ans, qu'il l'est sur le plan civique à 18 ans, mais qu'il ne l'est sur le plan social qu'à 25 ans ! Les jeunes qui quittent leur foyer, qui peinent à trouver un emploi et qui décrochent s'abîment considérablement entre 18 et 25 ans. Un vrai travail de prévention consisterait à leur ouvrir des droits dès l'âge de 18 ans, sans les abandonner à leur sort.

Nous vous proposons un droit nouveau, reposant sur quelques principes : l'automaticité, pour éviter le non-recours ; un véritable accompagnement, grâce à l'inconditionnalité ; la dégressivité, enfin, pour ne pas désinciter au travail. Voilà une proposition neuve, qui tire le bilan d'un certain nombre d'échecs dont nous faisons, comme vous, le constat. Elle permettra de lutter contre la grande pauvreté et contre la pauvreté des jeunes, d'inciter au retour au travail et de lutter contre le non-recours. Vous souhaitez expérimenter et évaluer ? Les membres du groupe Socialistes et apparentés vous prennent au mot…

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Monsieur le rapporteur, votre proposition de loi a pour objet d'expérimenter la fusion de plusieurs prestations sociales – revenu de solidarité active, prime d'activité et, de manière optionnelle, aides au logement – au sein d'une prestation unique, dénommée « revenu de base ».

Nous partageons les préoccupations que vous détaillez dans votre exposé des motifs. Les filets de protection destinés aux plus modestes de nos concitoyens ont des défauts bien connus et bien documentés : un taux élevé de non-recours, une absence d'automaticité, une trop grande complexité dans le mode de calcul comme dans la lisibilité, et enfin un accompagnement déficient. Dans le contexte de tension et de repli que nous connaissons, il est fondamental de favoriser l'accès au droit et de répondre à la crise de défiance, qui est également une crise d'efficience, la complexité emportant avec elle des logiques de jugement.

Il est donc nécessaire de simplifier et de revoir notre système. En ce sens, votre proposition, qui s'appuie sur l'expertise technique de l'Institut des politiques publiques, ne peut qu'être saluée. Vous avez raison, par ailleurs, d'appeler notre attention sur cet angle mort de nos politiques publiques que constitue la situation des jeunes âgés de 18 à 25 ans. À ce titre, il conviendrait de conforter le rôle et la place des missions locales, qui prennent en charge les bénéficiaires dans le cadre de la Garantie jeunes.

Le groupe UDI, Agir et Indépendants ne peut cependant qu'être en désaccord avec le principe qui sous-tend cette proposition de loi, celui de l'inconditionnalité du bénéfice des prestations sociales. Parce que nous sommes convaincus que le travail est et doit demeurer l'une des valeurs cardinales de notre société, nous réaffirmons notre opposition à un dispositif qui irait à rebours de la philosophie actuelle des minima sociaux et de l'obligation d'une insertion dans l'emploi.

J'appelle d'ailleurs votre attention sur l'usage abusif du terme « revenu », qui pourrait également désigner d'autres prestations que celles prévues par votre expérimentation : cela pourrait, selon nous, avoir un effet négatif. En l'état, même si nous reconnaissons l'intérêt de ce texte, en particulier la démarche qui consiste à passer par une expérimentation, nous ne le soutiendrons pas, en raison du mauvais signal que constitue le principe d'un versement sans condition des prestations sociales.

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Madame la présidente, mes chers collègues, les plus avertis d'entre vous savent que le groupe La France insoumise ne défend pas l'idée d'un revenu de base. Nous proposons, pour notre part, une garantie de dignité inconditionnelle, dont le montant serait supérieur au seuil de pauvreté.

Cela étant dit, ce texte présente de réelles avancées. Je pense notamment à l'automaticité de l'attribution, qui permettra de mettre enfin un terme au non-recours aux droits, mais aussi à l'extension de ce revenu aux jeunes de moins de 25 ans. Le non-recours aux droits est un vrai fléau, quand on sait que 36 % des personnes qui ont droit au revenu de solidarité active ne le demandent pas, soit parce qu'elles ignorent qu'elles y ont droit, soit parce que les démarches sont de plus en plus complexes.

Nous nous opposerons évidemment aux amendements de ceux de nos collègues qui tremblent sitôt que l'on parle d'un accès inconditionnel aux droits ou d'un partage des richesses. Je tiens néanmoins à leur rappeler que le droit de vivre dignement n'implique aucun devoir, car toute vie humaine a sa valeur. Toute personne doit pouvoir compter sur la solidarité nationale pour subvenir à ses besoins, si elle est dans l'incapacité de le faire par ses propres moyens. Ce principe est clairement inscrit dans le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 : « La nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement. » À ce droit, aucun devoir n'a été adossé : la dignité n'est pas une chose dont on fait l'aumône en échange d'un service ou d'un comportement. C'est notre devoir de justice sociale.

Or cette expérimentation est une chance à ne pas rater, car elle favoriserait aussi l'exercice de la liberté d'entreprendre pour un grand nombre de nos concitoyens. Nous voterons donc pour ce texte, et nous voterons contre les amendements qui visent à en restreindre la portée. Face au chômage de masse, il est urgent d'inventer une nouvelle forme de répartition des richesses et de relance de l'économie.

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Cette proposition de loi est le fruit d'un long travail et je veux saluer le rapporteur, Hervé Saulignac, pour son engagement.

Ce texte soulève d'importantes questions de société, d'abord parce que l'idée d'un revenu de base, ou d'un revenu universel, renvoie à des réalités et à des finalités diverses – le rapporteur l'a bien rappelé. Elle peut par exemple être articulée à la question de la fin du travail ou à celle du dépassement du salariat. Elle pose aussi la question de la mobilité professionnelle, et même celle du travail gratuit, qui n'est pas reconnu aujourd'hui dans notre société, alors qu'il devrait l'être. Elle pose enfin la question du développement de la misère dans nos sociétés.

Autant de questions qui ne seront pas toutes résolues dans cette proposition de loi : on reste ici dans une logique d'aide sociale. Vous proposez de fusionner des aides qui ont des raisons d'être différentes, ce qui ne va pas de soi. La vocation de la prime d'activité, par exemple, est de pallier la mauvaise rémunération du travail ; or il y aurait des dispositions à prendre pour une juste rémunération du travail. L'aide au logement correspond, elle aussi, à un droit précis. Ce que nous craignons, c'est que la fusion que vous proposez ne revienne à détricoter des aides sociales liées à des droits.

Ce texte comporte néanmoins trois intuitions positives : l'automaticité ; l'attention portée aux jeunes – nous avions nous-mêmes défendu une proposition d'allocation d'autonomie pour la jeunesse ; le droit enfin à un accompagnement inconditionnel.

Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine a une proposition qui mériterait d'être versée au débat : celle du droit à une sécurité d'emploi et de formation, que je n'ai pas le temps de développer ici. En tout cas, ce débat nous intéresse.

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Je vous remercie, monsieur le rapporteur, de nous donner l'occasion de réfléchir à un sujet majeur, qui touche au pouvoir d'achat et fait parfaitement écho à la crise sociale que nous connaissons depuis deux mois.

Cette crise sociale nous rappelle à quel point nos concitoyens sont sensibles aux inégalités : ils réclament davantage de justice sociale et de solidarité. Des mesures d'urgence ont certes été prises, mais la crise est plus profonde et ces mesures ne suffiront pas à régler le problème de la grande pauvreté, qui touche 9 millions de personnes, soit 14 % des Français.

En apparence, le modèle français de solidarité semble efficace, mais il demeure largement perfectible. On estime qu'un tiers des personnes qui y sont éligibles ne bénéficieraient pas du RSA. Ce phénomène de non-recours accroît les inégalités et fragilise davantage la situation des personnes concernées : c'est pourquoi j'accueille avec bienveillance l'idée d'un versement automatique du revenu de base. Il permettrait de corriger ces inégalités d'accès et d'assurer un meilleur ciblage des prestations. Le caractère unique du revenu de base, qui regroupe plusieurs allocations – RSA, prime d'activité, voire aide au logement – simplifiera les démarches pour les bénéficiaires, comme pour les administrations.

Par ailleurs, on peut se réjouir que les départements, en première ligne sur les enjeux de solidarité, soient à l'origine de cette proposition de loi, qui illustre ainsi la vigueur des initiatives qui naissent dans les territoires et la volonté d'expérimenter.

Quelques questions demeurent cependant quant au financement de ce dispositif, notamment s'il est généralisé, car l'absence de compensation des allocations individuelles de solidarité constitue l'une des pommes de discorde entre l'État et les conseils départementaux et soulève donc la question de sa soutenabilité.

Enfin, ce projet de revenu de base nous est soumis alors que le Président de la République a annoncé, en septembre dernier, la création d'un revenu universel d'activité dont les contours ne sont pas encore connus. Par conséquent, si le groupe Libertés et Territoires approuve le principe d'une telle expérimentation, des doutes persistent quant à son application effective.

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Vos interventions, conformes à ce que je pouvais attendre, auront au moins le mérite d'ouvrir un débat dont nous ne pouvons pas, me semble-t-il, faire l'économie.

Madame Iborra, vous avez commencé votre propos en annonçant trois points et, de fait, votre intervention comportait bien, comme celles de vos collègues du groupe La République en marche lors de l'examen des précédentes propositions de loi, trois points. Ces trois points sont invariablement les suivants : un, la compassion ; deux, un petit procès du passé ; trois, le Gouvernement s'occupe de tout…

Mais pour prétendre, comme vous le faites, que cette proposition de loi ne traite pas le symptôme…

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J'ai dit qu'elle traitait le symptôme, mais pas la maladie.

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Pardonnez-moi. Si donc vous pensez qu'elle traite le symptôme et non la maladie, c'est que vous ne l'avez pas lue dans le détail : elle a bien vocation à améliorer le retour à l'emploi, à modifier la relation entre l'allocataire du RSA notamment et celui qui est chargé de l'accompagner, à améliorer la qualité leur dialogue et donc l'accompagnement des personnes privées d'emploi.

Par ailleurs, vous avez indiqué que les départements n'étaient pas unanimes. S'il faut attendre qu'ils le soient pour déposer une proposition de loi, on n'en présentera pas beaucoup… Au demeurant, si dix-huit départements se sont portés volontaires pour l'expérimentation, beaucoup d'autres sont loin d'y être hostiles et seront très attentifs à ses conclusions. Lorsque dix-huit départements – ce n'est pas rien ! – prennent une telle initiative sur la durée, nous avons, me semble-t-il, la responsabilité, sinon de leur permettre, comme je le souhaite, d'aller au bout de leur démarche, à tout le moins d'être attentifs à leur engagement.

Monsieur Viry, vous avez indiqué que l'un de vos amendements avait été déclaré irrecevable. Je le regrette car, selon l'Institut des politiques publiques, rien d'ambitieux ne pourra être fait en matière de réforme de nos prestations sociales sans une expérimentation à outrance, serais-je tenté de dire. Ainsi, le Gouvernement ne pourra pas faire l'économie d'une expérimentation de son projet de revenu universel d'activité, à moins que celui-ci ne soit d'une telle modestie qu'il ne présentera aucun risque. En tout état de cause, celle que je propose peut nourrir la réflexion du Gouvernement.

En effet, si l'on veut mesurer clairement les effets d'un tel dispositif sur les jeunes de 18 à 25 ans, notamment sur la poursuite de leurs études – puisqu'ils ne seraient plus, pour bon nombre d'entre eux, contraints de travailler pour les financer –, il faut expérimenter. Si l'on veut évaluer les réactions comportementales des bénéficiaires, il faut expérimenter. Si l'on veut trancher définitivement la question de l'efficacité de la conditionnalité – dont certains travailleurs sociaux affirment catégoriquement qu'elle relève d'une hypocrisie politique –, il faut expérimenter ! L'expérimentation est le meilleur moyen de trancher des débats souvent très idéologiques et pas toujours fondés.

Je suis donc, monsieur Viry, favorable à ce que les expérimentations soient le plus nombreuses possible, à une nuance près. Lorsque j'entends parler de la fusion d'un maximum d'allocations et de conditionnalités, je m'interroge : entend-on sérieusement conditionner l'allocation adulte handicapé ou l'allocation de solidarité aux personnes âgées ? Je ne crois pas – je vous alerte sur ce point – que ce soit envisageable. Mais, encore une fois, je suis très ouvert aux expérimentations. C'est pourquoi je regrette que votre amendement n'ait pas pu être retenu.

Madame de Vaucouleurs, je veux tout d'abord vous remercier pour votre participation active aux auditions. Je partage votre point de vue : le coeur du sujet, c'est l'accompagnement plutôt que le contrôle. Celui-ci doit être pris en compte, mais ce n'est pas en y consacrant des moyens considérables que l'on garantira efficacement le retour à l'emploi. Quant à l'étude d'impact, elle est constituée en quelque sorte par les simulations de l'institut des politiques publiques (IPP), simulations qui doivent, pour être vérifiées et affinées, faire l'objet d'une expérimentation.

M. Boris Vallaud est revenu sur la méthode. Je veux juste rappeler, à cet égard, le travail considérable accompli par dix-huit départements, dont le groupe Socialistes et apparentés se fait ici, d'une certaine manière, le porte-parole : ils ne demandent, et c'est légitime, que le droit d'expérimenter. Les membres du Gouvernement ne considèrent-ils pas l'expérimentation comme l'alpha et l'oméga des futures politiques territoriales ? Qu'ils le prouvent, qu'ils passent des mots aux actes en autorisant ces dix-huit départements à mener une expérimentation qui sera nécessairement utile à tous les autres.

Notre collègue a également évoqué la question des jeunes. Il faut savoir que la France est, avec le Luxembourg, bonne dernière en Europe dans le domaine de l'accompagnement des jeunes. Ainsi, 46 % des étudiants occupent un emploi et 26 % d'entre eux travaillent plus de six mois par an – il ne s'agit donc pas, pour ceux-là, d'un petit boulot qui les occupe quelques heures par-ci, par-là. Nous devons, au moins sur cette question-là, prendre le temps de nous interroger sur nos devoirs envers ceux qui seront la France de demain.

Enfin, Boris Vallaud a abordé la question de la dégressivité liée aux revenus d'activité. Je n'ai pas voulu entrer dans le détail du dispositif dans mon propos liminaire, mais cette question est absolument essentielle. Dans sa modélisation, l'IPP prévoit que le taux marginal d'imposition appliqué aux revenus d'activité des futurs allocataires du revenu de base soit plus intéressant que celui qui est actuellement appliqué aux revenus d'activité des allocataires des deux ou trois prestations qui seraient fusionnées. Il s'agit donc bien d'inciter au travail. Nous ne voulons plus entendre ce que vous avez toutes et tous entendu dans vos permanences parlementaires, sur les ronds-points ou dans la rue : « On m'a proposé un emploi, mais je vais devoir faire garder mes enfants et parcourir 30 kilomètres aller-retour chaque jour. La différence n'est pas assez importante pour que je sois incité à prendre cet emploi. » Une dégressivité révisée dans le cadre de cette expérimentation est un moyen de mettre en place un dispositif incitatif à l'emploi.

Monsieur Paul Christophe, vous estimez, comme d'autres, que l'inconditionnalité est un mauvais signal. Je comprends parfaitement les responsables publics, les élus, qui brandissent le principe, qui m'est cher, des droits et des devoirs. Mais il faut parfois avoir le courage de mettre un terme à une forme d'hypocrisie. Lorsque l'on conditionne des dispositifs sociaux à une recherche d'emploi, on s'adresse en réalité aux contribuables, à ceux qui payent l'impôt. La conditionnalité est en effet une manière de leur dire : « On redistribue, mais on est extrêmement exigeant puisqu'on oblige les bénéficiaires des allocations, en l'occurrence du RSA, à rechercher un emploi. » Cela ne sert à rien : n'importe quel travailleur social vous le dira, si l'on supprime le RSA à une personne très éloignée de l'emploi, elle se retrouvera à la rue et, tôt ou tard, le coût sera au final beaucoup plus élevé pour la société. On peut continuer à entretenir cette hypocrisie ; je préfère, quant à moi, être de ceux qui ont le courage de dire que les moyens supplémentaires, si tant est qu'ils existent, doivent être consacrés à l'accompagnement plutôt qu'au contrôle, qui n'a, a priori, jamais fait ses preuves. En tout cas, encore une fois, l'expérimentation permettrait de savoir ce qu'il en est.

Par ailleurs, vous avez raison, le mot « revenu » est mal choisi, car il désigne le plus souvent le fruit d'une activité professionnelle. C'est pourquoi, je l'ai dit, il me semble nécessaire de revoir le nom du dispositif.

Monsieur Ratenon, je vous remercie pour vos propos. L'automaticité permettrait en effet de réduire le taux de non-recours. À ce propos, il est intéressant de s'attarder sur la situation des « non-recourants », de ceux qui ne font pas valoir leurs droits. Ce sont, dans leur grande majorité, des agriculteurs, des commerçants, des artisans ; ils considèrent le RSA comme une forme de stigmate, si bien qu'ils préfèrent vivre avec 600 ou 700 euros par mois plutôt que de réclamer leur dû. C'est pourquoi il est désormais nécessaire d'automatiser le versement de ce type de prestations. Avoir un niveau de vie digne lorsqu'on a une activité professionnelle, que l'on soit agriculteur ou commerçant, c'est un dû. Les autres « non-recourants » sont des gens qui, la plupart du temps, ont renoncé à leurs droits en raison du caractère insurmontable de l'obstacle que représente le parcours administratif qu'ils doivent suivre dans le « maquis des aides » – pour reprendre l'expression employée par un membre de la majorité, me semble-t-il.

Monsieur Dharréville, je tiens à préciser que, dans son étude, l'Institut des politiques publiques a pris le parti, en accord avec les départements, de ne pas faire de perdants. Il est extrêmement difficile de réformer les prestations dans le sens d'une plus grande justice sans imaginer des dépenses supplémentaires. Il est en tout cas certain que si la modélisation de l'IPP faisait des perdants, ceux-ci refuseraient, de manière tout à fait logique, d'entrer dans le dispositif.

Par ailleurs, améliorer l'aide sociale – en mettant en place un revenu complémentaire, non un revenu de substitution au salaire – ne doit pas nous inciter à renoncer au combat majeur pour le pouvoir d'achat, la création d'emploi et la revalorisation salariale. Tout Gouvernement doit espérer que, demain, chaque Français vivra des fruits de son travail sans avoir à solliciter la solidarité nationale. Mais une réalité s'impose à nous : 5,5 millions de Français en âge de travailler sont privés d'emploi ! Or, sur les panneaux de Pôle emploi, on dénombre, en étant généreux, 400 000 offres d'emploi. Autrement dit, plus de 5 millions de personnes se trouvent, en tout état de cause, dans une situation extrêmement difficile. Par conséquent, il est nécessaire d'améliorer nos dispositifs d'aide sociale, quand bien même toutes les offres d'emploi seraient pourvues.

Madame Dubié, vous avez indiqué que nos concitoyens étaient particulièrement sensibles aux inégalités. Certaines d'entre elles sont bien réelles, hélas, y compris dans certains dispositifs sociaux conçus de telle manière qu'ils incitent des allocataires à élaborer des stratégies et à recourir à certaines prestations et non à d'autres. Mais d'autres inégalités sont pour ainsi dire fantasmées – le mot n'est pas trop fort. Vous avez tous vu circuler sur les réseaux sociaux cette fake new qui présente une fausse fiche de la Caisse d'allocations familiales tendant à prouver qu'une famille pourrait percevoir 6 000 euros d'allocations par mois. Ce type de fausse information contribue à alimenter, au-delà des inégalités, le fantasme de l'existence de privilégiés qui vivraient sur la bête, si je puis dire.

Notre responsabilité – et l'objet de cette proposition de loi est d'entamer ce travail – est de faire en sorte que le dispositif soit lisible et qu'il ait du sens car, aujourd'hui, il n'en a plus du tout. Personne ne sait pourquoi il paye ni à quel titre il perçoit quoi ! Si nous ne redonnons pas du sens au dispositif, des femmes et des hommes continueront à descendre dans la rue avec la volonté de renverser un système qui, pourtant, parfois, les protège.

Enfin, vous avez évoqué, à juste titre, la vigueur des départements. Mais si ceux-ci ont des obligations légales en matière d'aide sociale, ils ne s'en acquittent pas tous de la même manière. Dix-huit d'entre eux sont à la pointe de la réflexion et de la recherche dans ce domaine. Je vous demande ici de leur accorder le droit de mener une expérimentation sans laquelle on ne pourra jamais connaître les effets induits du dispositif, ni ses impacts comportementaux ou financiers. Or ils sont très nombreux : si l'on verse un revenu de base aux jeunes de 18 à 24 ans, ils sortiront du foyer fiscal, de sorte que leurs parents paieront davantage d'impôts et que le montant de certaines prestations sera moindre. Ils auront également plus de facilités pour poursuivre leurs études, de sorte que leur accès à l'emploi sera mieux garanti… Bref, nous devons expérimenter pour évaluer ces différents effets. Au fond, je vous demande de donner à ces départements la chance de mener à son terme une démarche qu'ils ont eux-mêmes initiée.

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Monsieur le rapporteur, nous sommes évidemment favorables aux expérimentations : à preuve, aucun gouvernement avant celui-ci n'en avait mené autrement que de manière tout à fait occasionnelle. Encore faut-il savoir ce que l'on expérimente. C'est bien sûr le contenu de l'expérimentation que nous nous prononçons.

Monsieur Viry, vous avez raison : pourquoi le revenu universel d'activité ne serait-il pas expérimenté ? Personne ne prétend le contraire. Du reste, la contractualisation que nous avons mise en oeuvre entre l'État et les départements dans le cadre du plan « Pauvreté » porte en particulier, et notre rapporteur le sait, sur l'accompagnement. Nous finançons des départements pour qu'ils améliorent cet accompagnement qui est, en principe, primordial, mais qui est très mal réalisé actuellement.

Je tiens également à saluer les rapports de nos collègues Christine Cloarec et Claire Pitollat. Vous vantez l'automaticité, monsieur le rapporteur ; nous sommes d'autant plus d'accord avec vous que, sous la précédente législature, M. Sirugue avait élaboré, dans un rapport qui n'a jamais été suivi d'effet, un certain nombre de scénarios de simplification des prestations.

Encore une fois, ce n'est pas l'expérimentation elle-même qui est en cause, mais son contenu : un dispositif presque exclusivement monétaire ne réglera pas le problème.

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Madame Iborra, je croyais que vous souhaitiez soulever un point de procédure. Tel n'est pas le cas. Vous ne pouvez pas reprendre la parole après le rapporteur. Vous aurez tout loisir de vous exprimer dans la discussion des amendements.

La commission en vient à l'examen des articles.

Article 1er : Expérimentation du revenu de base

La commission examine, en discussion commune, l'amendement AS11 de Mme Michèle de Vaucouleurs et les amendements identiques AS3 de M. Stéphane Viry et AS14 de Mme Agnès Firmin Le Bodo.

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L'amendement AS11 vise à recentrer l'expérimentation proposée sur les jeunes de 18 à 25 ans, qui ne bénéficient pas, actuellement, du revenu de solidarité active. S'agissant de ce public, une expérimentation semble tout à fait justifiée avant d'envisager une généralisation du dispositif. En effet, il faut éviter que le revenu de base ne détourne les jeunes de leurs études ou ne provoque des situations conflictuelles avec leur famille. Comme dans l'expérimentation prévue à l'article 1er, il est proposé soit de cumuler le RSA, auquel le jeune aurait désormais droit sur la base de ses ressources propres, avec la prime d'activité, soit d'y ajouter les aides au logement.

L'amendement tend, par ailleurs, à supprimer le caractère inconditionnel du revenu de base et à renommer le dispositif, en cohérence avec le titre que je proposerai ultérieurement, « Prestation d'accompagnement à la vie autonome ».

Monsieur Viry, j'ai cru comprendre que, s'agissant du revenu universel d'activité, le Gouvernement ne comptait pas mener une expérimentation qui aboutirait à retarder la mise en oeuvre du dispositif qu'il souhaite rapide pour lutter contre la pauvreté et le non-recours. Néanmoins, une expérimentation me semble justifiée en ce qui concerne le public jeune, pour les raisons que j'ai exposées.

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L'amendement AS3 vise à supprimer l'inconditionnalité du revenu de base, dont nous estimons qu'elle est en contradiction avec l'objectif poursuivi par la proposition de loi de valoriser la valeur travail et la transition vers le retour à l'emploi. Plutôt que de favoriser un dispositif inconditionnel, il convient d'évaluer le bloc « devoirs » du RSA pour le réformer et améliorer son efficacité.

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En posant le principe d'un droit inconditionnel au bénéfice des minima sociaux, cette proposition de loi affaiblirait la dimension de devoir attachée au versement de ces minima financés par la solidarité nationale. Le bénéfice des minima sociaux, particulièrement du revenu de solidarité active, doit, au contraire, conserver son caractère conditionnel et être associé à une dynamique d'insertion et de recherche d'emploi, avec l'accompagnement qui sied. Il convient donc de supprimer la notion d'inconditionnalité ; tel est l'objet de l'amendement AS14.

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Madame de Vaucouleurs, j'aurais aimé vous être agréable, car je sais votre sincérité et votre implication. Si j'avais eu la certitude de pouvoir aller jusqu'au bout, j'aurais pu accepter votre amendement. Hélas ! je n'y crois pas. Je préfère donc vous dire que l'expérimentation proposée est beaucoup plus ambitieuse et qu'elle ne doit pas être une version dégradée de celle que les départements souhaitent mener. Au demeurant, les deux options seraient possibles : qui peut le plus peut le moins. Toutefois, il me paraît important de prendre en compte tous les publics, sans laisser sur le bord du chemin la majeure partie des bénéficiaires potentiels. C'est la raison pour laquelle j'émets un avis défavorable à votre amendement.

S'agissant des amendements de M. Viry et de M. Christophe, j'ai déjà évoqué assez largement la question de la conditionnalité. Je les invite, mais peut-être l'ont-ils déjà fait, à rencontrer des conseillers de Pôle emploi : ils leur expliqueront très bien qu'on ne peut pas être efficace lorsqu'on est chargé à la fois de la carotte et du bâton. Celui qui accompagne avec attention et précaution ne peut pas être en même temps celui qui sanctionne, avec forcément un peu de brutalité, le non-respect du contrat ; cela ne marche pas.

En outre, l'objectif est bien de libérer les étudiants, par exemple, de la contrainte de prendre un emploi pour financer leurs études.

J'entends les arguments de ceux qui veulent impérativement maintenir la conditionnalité de la recherche d'emploi, mais si l'on voulait la trancher définitivement la question, il faudrait mettre en oeuvre cette expérimentation, car elle permettrait de mesurer très précisément, sur une cohorte de 60 000 personnes, les effets de la suppression de la conditionnalité. Or, je crains qu'on ne le fasse pas. Le débat va donc se poursuivre jusqu'à ce qu'une majorité se décide, enfin, à expérimenter l'inconditionnalité.

Avis également défavorable aux amendements AS3 et AS14.

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C'est précisément sur la question de l'inconditionnalité que nous ne sommes pas d'accord avec vous, monsieur le rapporteur. Je vous rappelle que l'expérimentation la plus probante, en la matière, est celle qui a été menée sur la Garantie jeunes – et je vous parle en connaissance de cause puisque je suis présidente de la mission locale du Pays de Vitré. Or, dans le cadre de ce dispositif, la conditionnalité, droits et devoirs, fonctionne très bien : le taux de sorties positives en emploi-formation pour les bénéficiaires de cette garantie atteint 60 % et que ce taux progresse d'année en année. Je vous rappelle également que, dans le cadre du plan « Pauvreté », une concertation va être organisée sur le futur RUA et le service public de l'insertion, qui permettra de discuter non seulement de l'obligation de formation des jeunes jusqu'à 18 ans mais aussi de leur accompagnement.

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Rassurez-vous, monsieur Saulignac : il m'arrive également de rencontrer le personnel de Pôle emploi, y compris des responsables, mais aussi des travailleurs sociaux du département du Nord, car je continue à siéger au conseil départemental. Le climat y est assez révélateur de la situation sociale de notre pays. L'obligation dont vous parlez vaut pour les personnes accompagnées – même si, du reste, le bâton est très petit –, mais les travailleurs sociaux et les agents de Pôle emploi ont eux aussi une obligation : celle, précisément, de les accompagner. Plutôt que la carotte et le bâton, c'est donc la coproduction qui permet d'avancer. Malheureusement, le problème tient plutôt à l'offre, ou plutôt à la carence en matière de formation. Des lois ont été votées récemment pour y remédier ; nous espérons des progrès dans ce domaine.

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Je me permets d'insister, à la suite du rapporteur, sur la nature de ce texte : il s'agit d'une expérimentation, et elle ne bénéficiera qu'à 60 000 personnes, quand 3,8 millions d'allocataires touchent le RSA et 5,4 millions la prime d'activité. De plus, elle nous permettra de répondre aux questions que les uns et les autres prétendent se poser tout en y répondant avec une certitude déconcertante. Si nous voulons toucher juste avec les futurs dispositifs, faisons cette expérimentation qui permettra de trancher la question de la conditionnalité et de l'automaticité. Mais ne dévoyons pas le texte : il ne faudrait pas que vous prétendiez l'avoir voté après l'avoir vidé de sa substance, comme cela s'est produit avec tous les textes que nous vous avons proposés, au sein de cette commission et des autres. Je le dis avec beaucoup de solennité, car j'ai entendu le président du groupe LaREM dire que vous changiez de méthode, que vous n'adopteriez plus de motions de renvoi sur les propositions de loi ; mais si c'est pour en arriver à un texte qui n'est plus le nôtre, la tromperie sera évidemment du même ordre.

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Il me semble justement que le fait que cette expérimentation soit très étroite joue plutôt contre elle étant donné l'urgence et l'importance de l'enjeu. Qui plus est, ses conclusions ne seront connues qu'en 2025. Or il est temps de déployer des moyens importants pour remédier à ce qui constitue, à mon sens, le véritable problème de cette politique sociale, qui tient non pas au niveau des indemnités mais à l'accompagnement. C'est d'ailleurs ce que nous faisons, par exemple avec le plan d'investissement dans les compétences, qui a déjà été mis en oeuvre et dont l'objectif est de proposer un accompagnement renforcé et global, qui permette vraiment, aux jeunes notamment, de sortir d'une situation qui n'est pas enviable et dont ils ne veulent pas, et qui les conduise vers la qualification et l'insertion. Tels sont l'enjeu et la priorité.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle est ensuite saisie de l'amendement AS9 de Mme Michèle de Vaucouleurs.

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L'amendement AS9 vise à préciser, en cohérence avec la proposition que je formule à titre personnel, que les jeunes de 18 à 25 ans peuvent avoir accès à cette prestation s'ils remplissent les conditions pour bénéficier du revenu de solidarité active, sur la base de leurs ressources propres, en exceptant la condition d'âge – le RSA étant réservé aux personnes âgées de 25 ans ou plus, sauf si elles ont un enfant à charge.

Je souhaite que nous commencions, les uns et les autres, à travers cette proposition de loi, à nous interroger sur le revenu universel d'activité et ses implications. Il me semblerait pertinent, par exemple, de supprimer la réduction d'impôt au titre des frais de scolarité des enfants majeurs, la déduction de la pension alimentaire versée aux majeurs et la majoration du RSA pour les familles. En revanche, dans le cadre de l'expérimentation, on pourrait conserver le rattachement fiscal.

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L'objet de cet amendement est identique à celui de l'amendement AS11 : par cohérence, ma réponse l'est donc également. Recentrer l'expérimentation comme vous le suggérez réduirait considérablement son intérêt. Avis défavorable.

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Vous avez raison, madame de Vaucouleurs, d'appeler l'attention sur les jeunes de 18 à 25 ans. Toutefois, je souhaite rappeler ce que nous prévoyons dans le cadre du plan pauvreté, beaucoup plus vaste et cohérent qu'un simple revenu de base pour les jeunes. Outre le plan d'investissement dans les compétences et la Garantie jeunes, déjà mentionnés, je voudrais évoquer le projet concernant le repérage et la mobilisation des jeunes dits « invisibles », qui ne sont pas pris en charge par les missions locales et par les départements. L'appel à projets a déjà été lancé. Nous avons également engagé une contractualisation avec les départements s'agissant de l'aide sociale à l'enfance, qui est vraiment la priorité des priorités. La question des jeunes nous préoccupe donc tous, et nous y travaillons dans le cadre du plan pauvreté.

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Madame Iborra, je ne méconnais pas ce que vous avez rappelé. J'ai d'ailleurs été le premier témoin de ces dispositifs que nous souhaitons mettre en place pour l'accompagnement professionnel des jeunes et l'acquisition de compétences. Néanmoins, la situation de certains jeunes nécessite un soutien financier beaucoup moins formel et conditionné. En outre, la prestation contribuerait à garantir l'égalité entre les jeunes, quel que soit leur milieu social : le montant qu'on se propose de verser équivaut à l'argent de poche que donnent certains parents. Dans d'autres familles, cela permettrait au jeune de prendre sa part des charges familiales. Et pour ceux qui sont à la rue, elle revêt un caractère vital. Je pense donc qu'il faut vraiment s'attacher à garantir à ces jeunes, non pas un revenu – je n'aime pas le terme –, mais une prestation qui les accompagne vers l'autonomie.

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Madame Iborra, à aucun moment je n'ai instruit le procès du plan pauvreté, qui contient des dispositions et des orientations tout à fait intéressantes. Le RUA pourrait être un élément de ce plan. Lorsqu'elle a reçu les représentants des dix-huit départements soutenant notre proposition de loi, la secrétaire d'État Christelle Dubos leur a dit que, s'agissant du RUA, nous étions devant une feuille blanche. Eh bien, moi, je réponds que la feuille n'est pas blanche : nous avons un texte, celui-là même dont nous discutons, qui peut être un élément particulièrement intéressant dans le cadre de la démarche globale qu'est le plan pauvreté – lequel, encore une fois, contient un certain nombre d'orientations qui méritent d'être soutenues et encouragées, mais certainement pas mises de côté.

J'observe simplement que vous êtes pour les expérimentations, mais les vôtres, pas celle des autres… C'est dommage car, en la matière, l'initiative parlementaire n'est pas concurrente de l'initiative gouvernementale : elle peut parfaitement être complémentaire. Je parle bien du revenu de base, et non du reste, à savoir le travail que le Gouvernement a engagé s'agissant de l'aide sociale à l'enfance, qui est extrêmement important et que je ne peux qu'encourager : pour avoir été président d'un conseil départemental, je sais à quel point les départements attendent de l'État des efforts dans ce domaine.

La commission rejette l'amendement.

Article 2 : Bénéficiaires et modalités de calcul du revenu de base

La commission examine l'amendement AS10 de Mme Michèle de Vaucouleurs.

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Amendement de cohérence avec mes propositions précédentes concernant l'âge des bénéficiaires.

La commission rejette l'amendement.

Elle examine ensuite l'amendement AS4 de M. Stéphane Viry.

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On comprend la volonté de monsieur le rapporteur et des autres auteurs de la proposition de loi d'ouvrir l'expérimentation du revenu de base aux jeunes de 18 ans. On a souligné la prévalence de la pauvreté chez les jeunes et le fait qu'ils sont, effectivement, en partie exclus des dispositifs de soutien aux bas revenus. Toutefois, monsieur le rapporteur, d'après les auteurs du rapport de l'Institut des politiques publiques proposant des simulations en vue d'une expérimentation du revenu de base, l'ouverture de ce dispositif aux jeunes se traduirait de fait par une généralisation : tous les jeunes auraient ainsi intérêt à se détacher du foyer fiscal de leurs parents pour en bénéficier, et ce quelle que soit la situation financière de ces derniers. Le mécanisme aurait un tel effet incitatif qu'il risquerait de se transformer en effet d'aubaine – par définition, j'ose le dire, tous les jeunes de 18 ans sont pauvres dès lors qu'ils sortent du foyer fiscal de leurs parents et deviennent autonomes.

Au-delà de ce premier argument, et sans préjuger des conclusions de l'expérimentation, l'ouverture du dispositif pèserait très lourdement sur les finances publiques en cas de généralisation. L'étude de l'IPP évalue entre 12 et 15 milliards d'euros supplémentaires le coût de l'élargissement du dispositif aux jeunes de 18 ans. C'est la raison pour laquelle le groupe Les Républicains présente l'amendement AS4 : cet amendement d'appel vise à appeler votre attention sur la nécessité d'assortir l'ouverture du dispositif aux jeunes de critères supplémentaires.

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Monsieur Viry, vous souhaitez soumettre l'ouverture du revenu de base aux jeunes de 18 à 24 ans à des conditions particulières. Je comprends l'idée, mais vous vous contentez de renvoyer leur définition à un décret. Le dispositif mériterait d'être précisé : serait-ce le montant du revenu de base lui-même qui serait inférieur pour les jeunes ? Souhaitez-vous faire dépendre le bénéfice du revenu de base des ressources des parents, même si le jeune n'est plus rattaché à leur foyer fiscal ? Rappelons que la condition d'âge de 25 ans a été fixée au moment de la mise en place du revenu minimum d'insertion (RMI), dont on aurait d'ailleurs pu fêter les trente ans en décembre dernier. Or, au cours des trente dernières années, la structure des familles s'est trouvée considérablement modifiée, le nombre de jeunes en situation de précarité a fortement augmenté, les ruptures familiales sont plus nombreuses. Il importe donc d'interroger cette condition d'âge : elle avait peut-être un sens en 1988, mais n'en a certainement plus aujourd'hui.

Vous évoquez ensuite le coût du dispositif. C'est un vrai sujet. Je pourrais vous répondre qu'il faut justement mener l'expérimentation pour savoir quel sera le coût. Le montant que vous évoquez représente un coût brut, et non le coût net pour la collectivité. Dans l'hypothèse d'une généralisation, il faudrait intégrer, par exemple – j'en ai touché un mot tout à l'heure –, l'impact sur les recettes fiscales du détachement de ces jeunes du foyer fiscal de leurs parents, ce qui entraînerait pour ces derniers une hausse des impôts, ou encore l'impact sur le montant global des prestations familiales versées, lequel baisserait mécaniquement, sans oublier le transfert des bourses d'études, actuellement accordées par l'État et dont le poids sur le budget n'est pas négligeable. Enfin, pour arriver à connaître précisément le coût net du dispositif, il faudrait pouvoir apprécier les réactions comportementales extrêmement diverses, voire imprévisibles.

Il n'est donc pas possible d'afficher le coût avec certitude. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, mes chers collègues, lorsqu'on m'explique que notre proposition de loi vise le moyen ou le long terme, alors que le RUA sera appliqué beaucoup plus rapidement, j'en reste perplexe. En effet – je vous le dis comme je le pense –, s'il est applicable très rapidement, c'est qu'il n'y a pas de prise de risque – et donc pas d'ambition non plus. À l'inverse, s'il y a une véritable ambition, je ne vois pas comment on peut imaginer de mettre en oeuvre un revenu universel sans l'expérimenter au préalable. Mon avis sera donc défavorable à l'amendement AS4.

La commission rejette l'amendement.

Elle rejette ensuite l'article 2.

Article 3 : Automaticité du versement du revenu de base

La commission examine l'amendement AS13 de Mme Michèle de Vaucouleurs.

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Il me semble essentiel que, dans le cadre de l'expérimentation, le versement de la prestation ne puisse avoir lieu sans un minimum de suivi de la personne – qu'il s'agisse d'ailleurs des jeunes ou de l'ensemble des bénéficiaires. D'où cet amendement AS13, dont l'objectif est de conditionner le versement de la prestation à la réalisation d'un entretien préalable ou au suivi de l'accompagnement, au demeurant prévu à l'article 4.

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Votre amendement est satisfait s'agissant de l'accord préalable du bénéficiaire : l'alinéa 2 de l'article 2 précise que le bénéfice du revenu de base peut être refusé ou interrompu sur simple demande du bénéficiaire. Par ailleurs, la réalisation d'un entretien préalable ne me paraît pas devoir être une condition à l'obtention du revenu de base : le bénéficiaire sera toujours suivi et accompagné, comme c'est le cas actuellement pour les allocataires du RSA. Avis défavorable.

La commission rejette l'amendement.

Puis elle rejette l'article 3.

Article 4 : Accompagnement des bénéficiaires du revenu de base

La commission examine l'amendement AS5 de M. Stéphane Viry.

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Vous l'aurez compris, monsieur le rapporteur, nous sommes favorables à l'esprit de votre proposition de loi. Toutefois, nous souhaitons que les bénéficiaires recherchent activement un emploi ou qu'ils entreprennent les démarches nécessaires à la création de leur propre activité ou à l'amélioration de leur insertion sociale et professionnelle. À travers cet amendement, nous entendons donc réintroduire une conditionnalité, à nos yeux essentielle : les droits impliquent aussi des devoirs. L'expérimentation qui est au coeur même de votre proposition de loi peut être l'occasion de tester des formules innovantes en matière d'accompagnement.

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Je suis tout à fait favorable à l'idée de tester des formules innovantes, mais je ne suis pas sûr, pour le coup, que la conditionnalité en soit une. Ce qui serait très innovant, ce serait précisément d'expérimenter l'inconditionnalité et de mettre en balance le coût induit par la conditionnalité – et par conséquent par le contrôle – et les gains dégagés en termes de retour à l'emploi. C'est là un aspect important. Par ailleurs, et pour en revenir une dernière fois à la conditionnalité – car nous ne nous mettrons pas d'accord sur le sujet –, vous aurez compris que, derrière le revenu de base, il y a un complément de revenu pour les salaires les plus modestes. Comment peut-on dire à un commerçant ou à un agriculteur, travaillant 50 heures par semaine pour une rémunération largement inférieure au SMIC, que ce qui va leur être attribué est conditionné à la recherche d'un emploi ?

On pourrait tenir le même raisonnement à propos de quelqu'un qui arrête de travailler pour aider un de ses proches malade : là aussi, il paraît difficile de conditionner le versement de la prestation à la recherche d'un emploi. Le dispositif est en soi innovant ; la preuve en est que beaucoup n'ont pas intégré le fait qu'il avait aussi vocation à reconnaître un certain nombre d'activités sociales qui ne le sont pas actuellement. Or c'est précisément parce que certaines activités ne sont pas compatibles avec un emploi que la conditionnalité ne me paraît pas obligatoire. En tout cas, le dispositif doit être expérimenté. Avis défavorable à l'amendement AS5.

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L'article 4 dispose que les bénéficiaires ont droit à un accompagnement social et professionnel. Très bien ; encore faut-il, et c'est ce que nous essayons d'expliquer, poser les conditions du recours à ce droit. On ne saurait mettre en place l'automaticité sans rien prévoir par la suite, ne serait-ce qu'un rendez-vous physique pour évaluer où en est la personne, quel est son projet, s'il est nécessaire ou pas de mettre en oeuvre un accompagnement, si celui-ci peut rester assez formel et n'intervenir que de loin en loin parce que le projet est déjà bien en place et ne pose pas de difficulté particulière, ou au contraire plus structuré. La condition d'un diagnostic de départ est, selon moi, incontournable. Après, effectivement, pour certaines personnes, il n'est pas nécessaire d'instaurer un contrôle très formel. Mais, je le répète, pour ma part, et du fait de mon expérience de conseillère en insertion professionnelle au sein d'une association intermédiaire, familiarisée avec les publics percevant ces prestations, le diagnostic m'apparaît comme fondamental. Par la suite, on n'est pas obligé de marquer les gens à la culotte, mais il me semble indispensable de savoir qui ils sont, où ils vont, de leur dire qu'on est là et de leur expliquer ce qu'on est en mesure de leur proposer. Pour toutes ces raisons, je soutiens cet amendement de M. Viry, qui s'inscrit dans le droit fil de celui que j'avais déposé.

La commission rejette l'amendement.

Elle rejette ensuite l'article 4.

Article 5 : Création d'un fonds d'expérimentation visant à instaurer un revenu de base et d'une association de suivi de l'expérimentation

La commission examine l'amendement AS6 de M. le rapporteur.

La commission rejette l'amendement.

Ensuite de quoi elle examine l'amendement AS15 de M. le rapporteur.

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Il serait souhaitable d'associer au suivi de l'expérimentation des représentants d'associations de lutte contre la pauvreté : ces associations travaillent au quotidien avec des personnes précaires et connaissent particulièrement bien les publics visés. Tel est l'objet de cet amendement.

La commission rejette l'amendement.

Elle rejette ensuite l'article 5.

Article 6 : Conventions entre le fonds d'expérimentation, les départements et les caisses d'allocations familiales

La commission rejette l'article 6.

Article 7 : Évaluation de la mise en place du revenu de base

La commission examine l'amendement AS8 de Mme Michèle de Vaucouleurs.

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Il s'agit de préciser que le comité scientifique dont il est question à cet article sera créé au plus tard six mois avant le début de l'expérimentation, afin de s'assurer, en lien avec les territoires concernés, que l'on constitue une cohorte représentative, ce qui permettra d'en tirer des enseignements utiles lors de l'évaluation.

Cette proposition s'inscrit dans la logique que je défends s'agissant de l'expérimentation pour les jeunes, mais vaut également de manière plus générale : expérimenter dans un territoire volontaire, c'est très bien, mais on ne saurait se satisfaire d'une expérimentation menée au gré de la désignation par les départements de telle ou telle commune. Si l'on veut obtenir des résultats significatifs, il faut, en amont, s'atteler à l'élaboration d'un échantillon vraiment représentatif.

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Avis favorable : cet amendement est en cohérence avec ce qu'ont souligné les représentants de l'IPP lorsque nous les avons auditionnés, à savoir la nécessité d'associer le comité scientifique en amont de l'expérimentation, notamment pour s'assurer de la représentativité de l'échantillon des publics concernés.

La commission rejette l'amendement.

Puis elle rejette l'article 7.

Article 8 : Fin de l'expérimentation

La commission rejette l'article 8.

Article 9 : Décret d'application

La commission examine l'amendement AS16 de M. le rapporteur.

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Amendement de précision. Il s'agit d'indiquer que le décret définit les modalités de mise en oeuvre du versement automatique du revenu de base.

La commission rejette l'amendement.

Elle est alors saisie de l'amendement AS7 de M. le rapporteur.

La commission rejette l'amendement.

Elle rejette ensuite l'article 9.

Article 10 : Date d'entrée en vigueur

La commission rejette l'article 10.

Article 11 : Gage financier

La commission rejette l'article 11.

Titre

La commission examine l'amendement AS12 de Mme Michèle de Vaucouleurs.

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Cet amendement est cohérent avec ceux que j'ai défendus précédemment : il propose de revoir le cadre de l'expérimentation pour la recentrer sur la tranche d'âge des 18-25 ans. En effet, l'accès à une prestation de base pour les jeunes, sous condition de ressources, se justifie : cette population est particulièrement touchée par la précarité. Cela permettrait à de nombreux jeunes de poursuivre sereinement leurs études ou de soutenir les jeunes demandeurs d'emploi qui viennent de les achever et ne peuvent donc prétendre aux allocations chômage. Il s'agit d'un revenu d'émancipation permettant aux jeunes de s'épanouir et, pour nombre d'entre eux, d'un filet de sécurité nécessaire.

Le cadre expérimental me paraît intéressant car il permettrait de vérifier que le versement de cette prestation n'induit pas d'effets pervers – sortie d'études, ou encore abandon d'autres formes d'accompagnement contractualisé. Le versement de cette prestation ne pourrait être dissocié d'un suivi minimal, c'est-à-dire de la réalisation d'au moins un entretien permettant d'établir un diagnostic de la situation du jeune. Cette prestation, si elle avait été adoptée dans la forme que je souhaitais, aurait pu être nommée « prestation d'accompagnement à la vie autonome » – mais je suppose, monsieur le rapporteur, que vous êtes défavorable à cet amendement.

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La prestation aurait effectivement pu être nommée comme vous le suggérez ; cette dénomination est tout à fait pertinente. Je puis au moins vous reconnaître, madame de Vaucouleurs, le mérite de la cohérence : vous avez défendu votre idée du début à la fin, jusqu'à l'intitulé de la proposition de loi. Toutefois, au nom de la même cohérence, je ne peux être favorable à cet amendement.

La commission rejette l'amendement.

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L'ensemble des articles de la proposition de loi ayant été rejeté, le texte est considéré comme rejeté par la commission.

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Je voudrais vous faire part de ma déception – même si je l'avais un peu prévue, sinon intériorisée –, mais aussi de ma surprise : comme l'a fait remarquer tout à l'heure Boris Vallaud, j'avais cru comprendre que le groupe La République en marche souhaitait adopter une nouvelle stratégie et accueillir de manière un peu plus favorable et généreuse les initiatives de l'opposition. Or vous avez repoussé la totalité des articles de cette proposition de loi. Autrement dit, selon vous, tout est à jeter…

Je vous laisse le soin de retourner vers les dix-huit départements qui ont travaillé pendant deux ans et demi sur cette question pour leur expliquer que la totalité de leurs réflexions sur les jeunes, sur l'inconditionnalité, sur l'automaticité ou encore sur la dégressivité est bonne à mettre à la poubelle. Je ne crois pas qu'ils y verront un grand message d'ouverture… J'y vois en revanche une profonde contradiction avec la communication que vous déployez parfois au sujet de votre nouvelle stratégie.

Je le dis d'autant plus sincèrement que, si une proposition alternative avait été arrêtée, et quand bien même le groupe Socialistes et apparentés n'aurait pas été en accord avec elle, j'aurais pu tout à fait comprendre votre attitude. Mais y a-t-il, dans la majorité parlementaire, quelqu'un qui puisse me dire avec certitude que le revenu universel d'activité, tel qu'annoncé par le Président de la République, sera ouvert aux jeunes ? Je ne le crois pas. Quelqu'un peut-il m'affirmer avec certitude que ce revenu s'appliquera de manière automatique ? Je ne le crois pas. Quelqu'un peut-il me dire dans quelle mesure ce revenu sera dégressif au regard des autres revenus perçus ? Je ne le crois pas. Ce que je crois, en revanche, c'est qu'au fond, vous n'avez pas vraiment changé : tout cela n'est que de la blague… Je serai actif dans le débat sur le revenu universel d'activité, lorsqu'il arrivera – le moins tard possible, je l'espère –, et je me montrerai alors plus constructif que vous ne l'avez été, malheureusement, à l'occasion de cet examen en commission.

La commission examine enfin la proposition de loi tendant à la création d'un fonds d'indemnisation des victimes du chlordécone et du paraquat en Guadeloupe et en Martinique (n° 1543) (Mme Hélène Vainqueur-Christophe, rapporteure)

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Nous poursuivons les travaux de notre commission avec la proposition de loi tendant à la création d'un fonds d'indemnisation des victimes du chlordécone et du paraquat en Guadeloupe et en Martinique, dont la rapporteure est madame Hélène Vainqueur-Christophe.

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En préambule, je souhaite remercier l'ensemble des collègues ici présents et, si vous le permettez, saluer la présence de mes collègues ultramarins de tous les groupes politiques et n'appartenant pas à cette commission, pour discuter ensemble de cette proposition de loi, grâce au groupe Socialistes et apparentés qui a choisi d'inscrire ce texte dans sa niche parlementaire. Cette inscription marque, une fois encore et un an après l'adoption de la proposition de loi de mon collègue Serge Letchimy sur l'indivision successorale, l'intérêt et l'engagement résolu de notre groupe dans la défense des intérêts et des problématiques relatives à nos territoires.

Cette proposition de loi est la conséquence d'une catastrophe environnementale et sanitaire qui aurait pu être évitée. Elle est aussi l'aboutissement d'un long combat mené par de nombreux acteurs engagés de la société civile pour faire reconnaître ce scandale. Elle est enfin la continuité d'initiatives engagées avec force depuis une quinzaine d'années par nombre de responsables politiques qui, notamment au Parlement, se sont attachés à faire toute la lumière sur cette pollution.

Sans ces personnalités, sans ces experts et scientifiques qui travaillent assidûment sur cette problématique, cette proposition de loi n'aurait sans doute pas pu être conçue. Elle s'inscrit ainsi dans la continuité du texte déposé par notre collègue sénatrice Nicole Bonnefoy en 2016, que nous avons examiné ce matin, mais également dans celle de la proposition de loi déjà déposée en 2017 par notre collègue Victorin Lurel.

À l'image de la proposition de loi visant à créer un fonds d'indemnisation des victimes des produits phytopharmaceutiques, cette proposition de loi est un texte puissant visant à permettre enfin une indemnisation intégrale des préjudices subis par les victimes du chlordécone.

Chlordécone, paraquat, de quoi parle-t-on vraiment ? J'imagine que nombre d'entre vous ici présents ont fait des recherches sur ce sujet avant la réunion de cette commission. Je ne reviendrai donc pas de manière exhaustive sur l'intégralité de cette affaire, mais tiens à vous rappeler synthétiquement les faits.

À partir de 1958, la molécule du chlordécone est commercialisée et utilisée comme pesticide à usage agricole. En juillet 1975, l'usine de production du pesticide, implantée aux États-Unis, interrompt brusquement sa fabrication suite à une pollution importante des abords immédiats de l'usine et aux multiples cas d'empoisonnement constatés chez les ouvriers et sur les personnes habitant à proximité.

À partir de ces événements, toutes les études commanditées font état de graves atteintes neurologiques. Sans tarder, les autorités fédérales américaines décident de l'interdiction pure et simple de la commercialisation du pesticide. Ainsi donc, dès 1976, un des pays les plus libéraux du monde à l'époque a délibérément choisi de fermer une usine et d'interdire l'usage d'un pesticide au nom du principe de précaution. Saluons d'autant plus cette sage et courageuse décision qu'ici même en France, ces mêmes règles ont été sciemment piétinées par les pouvoirs publics au nom des intérêts économiques de quelques-uns.

En France en effet, le pesticide chlordécone connaît un tout autre sort. La France autorise d'abord une autorisation provisoire de commercialisation en 1972, puis, en 1981, décide de l'homologation officielle du chlordécone – cinq ans après l'interdiction américaine et trois ans après la classification du chlordécone par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) comme cancérogène possible. Il faudra attendre juillet 1990 pour que le chlordécone soit enfin interdit par la France !

Pourtant, et c'est bien là que résident la dette morale et la responsabilité coupable de la puissance publique dans le préjudice subi, les autorités françaises autorisent par deux fois des dérogations à cette interdiction, tant et si bien que l'utilisation du chlordécone a perduré aux Antilles plus de trois ans après son interdiction au niveau national !

Au total, en vingt et un ans, près de 300 tonnes de poison auront été déversées sur les sols de Guadeloupe et de Martinique afin de lutter contre le charançon du bananier.

L'autre pesticide visé par cette proposition de loi – le paraquat – a été déversé pendant des années sur les cultures antillaises jusqu'à une époque très récente. Une fois de plus, la France a usé de tous les moyens de pression pour que l'Union européenne autorise le paraquat par une directive. Ce n'est que trois ans plus tard, grâce à l'action en justice d'autres États membres, que le tribunal de première instance de l'Union européenne annulera cette autorisation et que la France interdira définitivement son usage.

Chlordécone et paraquat, voilà donc le nom de ces poisons, à défaut de connaître encore le nom de toutes leurs victimes.

En tout état de cause, nous savons que l'intégralité de la quatrième circonscription de la Guadeloupe que je représente est polluée, tout comme des milliers d'hectares en Martinique ; 90 % des habitants de ces territoires sont contaminés par le chlordécone ; les nappes phréatiques sont polluées, les eaux littorales sont polluées, les eaux continentales sont polluées, nos aliments sont contaminés : poissons de rivière ou de mer, bétail, volailles, tubercules, racines et tout autre produit local élevé ou au contact avec ces sols empoisonnés.

Oui, vingt-cinq ans après l'arrêt de l'épandage du chlordécone, tout est contaminé. Car, mes chers collègues, nous parlons là d'un pesticide dont la rémanence dans les sols, contrairement aux autres pesticides, peut atteindre trois cents à sept cents ans !

Différentes études médicales ont été menées : l'étude Karuprostate, l'étude Kannari, l'étude Ti-Moun et d'autres recherches scientifiques tendent toutes à prouver que la contamination est réelle et qu'elle pourrait être la cause de pathologies sévères. L'expertise collective réalisée en 2013 par l'INSERM a montré la présomption d'un lien fort entre l'exposition au chlordécone et le cancer de la prostate. L'empoisonnement est donc bien réel.

Mais soyons honnêtes : depuis la révélation du scandale, on ne peut pas dire l'État et les collectivités n'ont rien fait.

Depuis 2002, par l'intermédiaire de plusieurs plans, l'État a mobilisé des moyens, qui ont conduit notamment à la sensibilisation et à la protection de la population, au soutien des professionnels impactés, mais aussi à l'amélioration des connaissances sur ces produits. Nous en sommes ainsi à la troisième génération du plan chlordécone. De leur côté, nombre de collectivités ont agi, notamment la Région Guadeloupe qui a permis par ses investissements de sécuriser la qualité de l'eau courante. Des initiatives du même type ont été prises en Martinique.

J'affirme pourtant que, par son attentisme, l'État n'a pas pris les décisions en rapport avec la psychose collective qui s'est emparée de nos compatriotes. Les études, notamment épidémiologiques, sont insuffisantes et parcellaires ; les plans chlordécone I, II et III sont sous-dotés : quatre millions d'euros par an pour la période 2018-2020. Résultat, la traçabilité des produits est inopérante et les actions de prévention insuffisantes.

Au-delà des questionnements, peut-être légitimes, sur l'existence d'un lien direct de causalité entre développement de pathologie et exposition au chlordécone, la principale question qui se pose aujourd'hui à nous, législateur, est la suivante : que fait-on ?

Que fait-on des terres polluées pour des siècles ? Que fait-on pour nos ruisseaux, de nos cours d'eau, qui charrient chaque jour ce poison jusque sur nos côtes ? Que fait-on pour nos agriculteurs, mis dans l'impossibilité d'exploiter leurs parcelles ? Que fait-on pour nos pêcheurs frappés d'interdits de pêche dans des zones de plus en plus vastes et contraints d'investir massivement pour aller pêcher toujours plus loin du rivage ?

Continuons-nous donc à faire l'autruche en organisant des colloques entre experts ? Quelle réponse apportons-nous aux malades ? Continuerons-nous à soutenir que le mal dont ils sont atteints n'a absolument rien à voir avec cette pollution ?

La pollution au chlordécone est « un scandale environnemental, dont souffrent la Martinique et la Guadeloupe depuis quarante ans », du fait d'un « aveuglement collectif ». C'est le président de la République qui l'a lui-même déclaré en Martinique. Dans ce cadre, il a invité alors l'État à « prendre sa part de responsabilité dans cette pollution » et à « avancer dans le chemin de la réparation ».

Je crois, mes chers collègues, que nous sommes à un moment de vérité, à un moment où le présent nous questionne, nous met face à nos responsabilités et où l'avenir appelle une réponse à la hauteur des drames et des vécus de milliers de nos compatriotes.

Cette proposition de loi est, selon moi et pour l'ensemble des personnalités auditionnées, une des réponses indispensables à apporter.

Ce fonds est l'outil qui marque une volonté politique forte : celle d'indemniser les victimes, qu'elles soient professionnelles ou non, celle aussi de reconnaître une faute et la souffrance de certains de nos concitoyens. Nous parlons potentiellement de plus de 720 000 personnes contaminées et donc demain peut-être malades. Jusqu'où donc sommes-nous prêts à aller ?

Je vous rapporte ces propos entendus lors des auditions tenues la semaine dernière : finalement, le chlordécone, il faut apprendre à vivre avec… Oui, certains vivront avec, mais d'autres, et je crois qu'ils seront nombreux, vont mourir avec. J'ai entendu aussi des cabinets ministériels se renvoyer dos à dos ou nous demander d'attendre encore les rapports qui seront remis dans les tout prochains mois. Je vous le dis, mes chers collègues, nous ne pouvons plus attendre. Les recherches scientifiques doivent certes se poursuivre pour préciser les pathologies à prendre en charge, mais la création de ce fonds est une première étape incontournable.

Si nous ne nous engageons pas dans cette voie, au motif peut-être – de ce que j'ai pu comprendre – d'arguties budgétaires, le coût de ce scandale sera demain infiniment plus élevé. Qui empêchera demain que des actions en justice soient intentées contre l'État pour manquements, pour défaillance et pour fautes ? Quel sera alors le coût de ce contentieux ? Les jugements rendus à l'étranger peuvent faire redouter le pire.

Le dispositif qui vous est proposé aujourd'hui est plus que raisonnable. Il reconnaît l'ensemble des préjudices subis par les populations et les territoires mais également par les acteurs économiques. Il prévoit de mettre en place un fonds d'indemnisation de l'ensemble des préjudices, doté d'une gouvernance collégiale, d'une commission médicale et d'une commission scientifique, instruisant les dossiers. Il sera financé par la mise à contribution des responsables des dommages subis, et en particulier les producteurs de produits phytopharmaceutiques, en portant à 1,5 % le taux de la taxe existante. Devraient s'y ajouter une contribution de l'État, indispensable au titre de sa responsabilité et une contribution des régimes des accidents du travail et des maladies professionnelles (AT-MP), au titre de la solidarité nationale.

Ce n'est pas une boîte de Pandore que nous ouvrons : c'est un outil pensé en efficacité pour réparer le mal sans dédouaner les responsables.

Mes chers collègues, nous pouvons comprendre les réticences de certains groupes ici mais nous ne légiférons pas pour le court terme. Avec un pesticide dont la rémanence atteint des siècles, comment ne pas considérer que nous prenons un risque sur l'avenir ? Le vote qui interviendra bientôt est un vote de responsabilité, un vote de conscience.

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Au nom du groupe La République en Marche, je tiens tout d'abord à vous remercier, madame la rapporteure, pour votre travail sur le sujet.

La pollution par le chlordécone constitue aujourd'hui un enjeu sanitaire, environnemental, agricole, économique et social majeur pour les Antilles. Le Gouvernement et les parlementaires sont très largement mobilisés sur le sujet.

Depuis 2008, par l'intermédiaire de plusieurs plans chlordécone, l'État a mobilisé d'importants moyens, qui ont conduit à la sensibilisation et à la protection de la population, au soutien des professionnels impactés, mais aussi à l'amélioration des connaissances sur le chlordécone.

Lors d'un discours prononcé à la Martinique en septembre 2018, le président de la République l'a qualifié de « scandale environnemental », et a indiqué que « l'État doit prendre sa part de responsabilité dans cette pollution et doit avancer dans le chemin de la réparation ».

Il a annoncé, à cet égard, la mise en oeuvre de plusieurs mesures : premièrement, la révision des tableaux de maladie professionnelle en fonction des connaissances scientifiques disponibles sur le chlordécone, l'INSERM et l'ANSES ayant été saisis spécifiquement de cette question et devant rendre leurs travaux en mars prochain ; deuxièmement, l'élaboration d'un quatrième plan chlordécone.

Au-delà de la réparation des victimes du chlordécone – et nous venons d'en discuter longuement –, un rapport au Parlement sur les modalités et le financement d'un fonds d'indemnisation des victimes de produits phytosanitaires est attendu. Conformément aux préconisations du président de la République, nous avançons dans le chemin de la réparation en créant un fonds d'indemnisation pour les victimes des produits phytopharmaceutiques.

Notre position est une position d'ouverture. Encore une fois, nous nous rejoignons bien évidemment sur l'urgence que représente la réparation des victimes du chlordécone, mais nous estimons que cette réparation doit se faire dans le cadre plus large du fonds d'indemnisation des victimes des produits phytopharmaceutiques, au regard, à la fois, des conclusions du rapport INSERMANSES et des rapports sur le fonds en question. Il s'agit en effet d'évaluer notamment le nombre de victimes et de proposer des scénarios différents.

Nos nombreux échanges l'ont montré, les députés du groupe La République En Marche partagent votre volonté d'avancer sur la réparation des victimes de l'ensemble des produits phytopharmaceutiques.

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J'aimerais tout d'abord, au nom du groupe Les Républicains, saluer la grande qualité des auditions communes menées ces derniers jours par les deux rapporteurs de notre commission sur les propositions de lois relatives aux produits phytopharmaceutiques et au chlordécone.

Plus spécifiquement, la proposition de loi tendant à la création d'un fonds d'indemnisation des victimes du chlordécone et du paraquat en Guadeloupe et en Martinique, vise à instaurer un dispositif de prise en charge de la réparation intégrale des préjudices liés à l'utilisation de cet insecticide et de cet herbicide.

La création de ce fonds d'indemnisation pour les victimes du chlordécone doit faire, je le crois, au fond, l'unanimité. Ne serait-ce que parce qu'il assied, enfin, la reconnaissance de la République dans ce qui est l'un des plus grands scandales écologique et sanitaire de notre histoire.

Nos populations de Martinique et de Guadeloupe, qui vivent une situation unique au monde, demandent depuis de nombreuses années d'être reconnues et indemnisées pour le préjudice sanitaire et environnemental auxquels elles ont à faire face.

Quelles que soient les avancées des connaissances médicales et des études scientifiques à ce jour, certains chiffres sont têtus et justifient que l'on ne peut différer plus longtemps, la création de ce fonds d'indemnisation : 90 % des populations antillaises sont ainsi contaminées par ce perturbateur endocrinien hautement rémanent, qui infectera nos biotopes pour cinq siècles.

Aux effets alarmants sur la santé, s'ajoute, vous le savez, une problématique économique pour nos agriculteurs et nos pêcheurs, qui voient leurs parcelles et zones de pêche réduites.

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Le texte que nous sommes amenés à examiner aujourd'hui traite d'un sujet particulièrement sensible : la pollution massive de la Guadeloupe et de la Martinique par le chlordécone. L'utilisation de ce pesticide hautement toxique pendant près de vingt ans a provoqué des ravages sur l'écosystème antillais, mais a également impacté considérablement la santé des travailleurs qui y ont été exposés. Le président de la République a lui-même reconnu que cette pollution était un scandale environnemental dans lequel l'État français avait sa part de responsabilité.

Cette proposition de loi vise à créer un fonds d'indemnisation pour réparer les préjudices des personnes atteintes de maladies, professionnelles ou non, liées à l'utilisation du chlordécone. Si nous comprenons bien la nécessité d'une réparation rapide et appropriée des victimes, il s'agit de procéder avec méthode et expertise, notamment sur le spectre des potentiels bénéficiaires de cette indemnisation.

À ce titre, l'INSERM et l'ANSES doivent rendre d'ici à mars prochain un rapport permettant de dire à partir de quel niveau d'exposition les ouvriers agricoles qui ont été employés dans les bananeraies pourront être pris en charge et indemnisés. Il reviendra ensuite aux divers partenaires sociaux de s'accorder sur les modalités et sur le niveau de cette prise en charge dans le cadre du système préexistant des AT-MP.

Qui plus est, un autre rapport demandé par le Parlement au Gouvernement dans le cadre de la loi EGALIM doit être publié d'ici au mois d'avril, sur la question des modalités et du financement d'un fonds d'indemnisation pour les victimes de maladies liées aux produits phytopharmaceutiques.

Nous nous interrogeons également sur le financement de cette proposition gagée sur la taxe sur les produits phytopharmaceutiques. Comment celle-ci pourrait-elle financer l'indemnisation d'une liste aussi large de potentiels ayants droit ?

Si les membres du groupe du Mouvement Démocrate et apparentés comprennent bien la démarche de cette proposition de loi et saluent le travail effectué par la rapporteure ainsi que par les parlementaires élus dans les territoires impactés, et nous en comptons dans nos rangs, nous pensons qu'il est préférable d'attendre les conclusions définitives des divers rapports en cours de rédaction pour procéder à une indemnisation optimale.

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Moi aussi, au nom du groupe Socialistes et apparentés, je voudrais dire à Hélène Vainqueur combien nous sommes fiers du boulot qu'elle a fait ! Le chlordécone n'est pas un sujet nouveau, mais il lui tient vraiment à coeur, à elle comme à tous ses collègues d'outre-mer. Je crois qu'aujourd'hui on doit rendre hommage à ce travail de fond.

Je rappellerai simplement, au nom de mon groupe, la stratégie qui a été la nôtre : nous aurions pu considérer le chlordécone, comme un pesticide comme les autres, et estimer qu'il était couvert par la proposition de loi que j'ai défendue ce matin au nom du groupe – proposition qui a connu un début de vote favorable, même en présence d'un grand vide quant à l'objet même du fonds que nous avons créé in fine ce matin.

Nous avons pensé néanmoins que la question du chlordécone était spécifique. Hélène Vainqueur a parfaitement défendu cette position : les effets provoqués sur l'écosystème d'outre-mer par ce pesticide se ressentiront sur plusieurs générations et il n'est pas possible de distinguer entre les populations rurales et les populations exposées directement au chlordécone pour des raisons professionnelles. Car tout le monde est concerné de fait des habitudes alimentaires, de la sociologie même des Antilles, que notre collègue a parfaitement décriteS.

Nous sommes en face d'un problème de santé publique majeur. Défendre cette proposition de loi revient à décliner, dans un cas particulier, ce que nous n'avons adopté que trop timidement et de façon lacunaire ce matin. C'est ouvrir ce grand chantier permettant de rétablir la justice aux Antilles, d'y entamer la réparation des sols, mais aussi la réparation des hommes, des corps et des esprits, pour que nous retrouvions une fierté et une dignité dans ces territoires.

Je vous engage à considérer avec bienveillance et, plus, avec un sentiment d'urgence morale, cette question trop longtemps différée à coups d'études et de rapports des gouvernements successifs. Le courage, c'est maintenant !

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Nous examinons cette après-midi une proposition de loi défendue par notre collègue Hélène Vainqueur-Christophe, dont je tiens à saluer la qualité des travaux et l'engagement sur ce sujet majeur pour les Antilles.

Cette proposition de loi vise à la création d'un fonds d'indemnisation des victimes du chlordécone et du paraquat en Guadeloupe et en Martinique. Face au drame que constituent la pollution et la contamination des sols et des populations par le chlordécone, alors que ce produit a été interdit depuis 1993, nous ne pouvons que vous rejoindre dans la nécessité d'une reconnaissance du préjudice sanitaire, environnemental et économique subi par les populations de Guadeloupe et de Martinique.

La puissance publique n'est cependant pas restée inactive face à ce drame. Plusieurs plans chlordécone – nous en sommes au troisième – ont permis d'améliorer grandement la prévention et la sensibilisation des populations, dans une logique accrue de développement à long terme des territoires les plus touchés. Cela étant, il convient de faire davantage en matière de réparation et d'indemnisation du préjudice subi.

Même si nous considérons qu'il est du ressort de l'État de prévoir un mécanisme d'indemnisation global du préjudice subi en raison de la pollution au chlordécone, les députés du groupe UDI, Agir et Indépendants soutiendront cette proposition de loi, qui participe d'une meilleure reconnaissance du scandale que constitue la pollution par ce produit polluant.

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Madame la rapporteure, c'est effectivement un drame considérable que vous mettez en lumière et qu'appelle une action vigoureuse. Je crois, moi aussi, qu'il est effectivement nécessaire de reconnaître le caractère particulier et la spécificité de ce drame lié à l'utilisation du chlordécone en Martinique et en Guadeloupe.

Il y a donc besoin d'envoyer un signal, celui d'une reconnaissance forte et d'un engagement en faveur d'une indemnisation et, autant que possible, d'une réparation, d'autant que le chlordécone n'a pas, hélas ! fini de produire ses effets.

C'est pour moi un cas emblématique. La République doit en prendre la mesure et montrer qu'elle souhaite : considérer d'abord à leur juste valeur les populations qui vivent dans les territoires d'outre-mer ; marquer ensuite sa volonté d'agir, de manière plus générale, contre l'utilisation de ces produits phytosanitaires dangereux dans l'agriculture.

Ce sujet témoigne de la difficulté qu'il y a à établir des limites entre les maladies professionnelles et les maladies environnementales. Pour ma part, je pense qu'il faut reconnaître la spécificité de chacune, même si nous voyons bien qu'il y a des recoupements. Cette réalité suppose de créer des fonds particuliers ; c'est singulièrement le cas en matière de chlordécone.

Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine est donc tout à fait sensible à cette proposition de loi. Je veux à mon tour saluer le travail réalisé par Mme Vainqueur-Christophe en tant que rapporteure.

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Je tiens d'abord, au nom du groupe du Mouvement Démocrate et apparentés, à saluer le travail et l'engagement de ma collègue Mme Hélène Vainqueur-Christophe, qui a pris l'initiative de cette proposition de loi, essentielle pour les populations de Guadeloupe et de Martinique.

En septembre 2018, lors d'un déplacement aux Antilles, le président de la République reconnaissait la part de responsabilité de l'État dans le scandale environnemental et sanitaire qu'est le chlordécone. Cette déclaration a été saluée par les populations antillaises, mais elle n'est que la première pierre de l'exigence de réparation qu'attendent les Guadeloupéens et les Martiniquais.

Il est important de rappeler ici que le chlordécone est un pesticide endocrinien toxique, dont la dangerosité a été maintes et maintes fois prouvée dans les plus grandes revues scientifiques internationales. L'usage du chlordécone dans les bananeraies s'est étendu de 1972 à 1993 : des centaines de tonnes ont été déversées sur les sols et dans les eaux, polluant nos territoires, Guadeloupe, Martinique, pour les cinq siècles à venir, selon les prévisions les plus optimistes. Avec toutes les conséquences sanitaires que vous pouvez imaginer : risques de prématurité chez les femmes enceintes, atteinte au développement moteur et psychique chez les nouveau-nés et, surtout, augmentation du risque de cancer de la prostate, dont la Martinique détient le triste record du monde !

Alors, bien sûr, certains pourront user de l'argument budgétaire en affirmant qu'il est irréaliste et inconscient de vouloir indemniser intégralement tous les citoyens de la Guadeloupe et de la Martinique.

Mais ce n'est pas ce qu'attendent nos populations. Ce qu'elles veulent, c'est que réparation soit faite à tous ceux qui, aujourd'hui, se retrouvent malades à cause de ce poison toxique qui a été utilisé pendant des années, années de déni et d'aveuglement. Ce sera une juste reconnaissance de tous ceux qui ont perdu la vie et de tous ceux qui se sont battus, des années durant, pour alerter les autorités sanitaires. Pour ce qui me concerne, je voterai cette proposition de loi.

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Je veux d'abord remercier tous les groupes, en particulier ceux qui s'engagent à voter favorablement et à soutenir cette proposition de loi.

Madame Gaillot, je vous sais gré d'avoir été présente à toutes les auditions préparatoires. Vous confirmez que le Président de la République s'est engagé, en ouvrant la voie à une reconnaissance de la responsabilité de l'État et à une réparation, à ce qu'un fonds d'indemnisation soit créé, que vous voulez rattacher au fonds d'indemnisation des victimes de l'usage des produits phytosanitaires dans leur ensemble, tel que nous l'avons créé ce matin.

Je crois pourtant nécessaire de dissocier les deux fonds. Dans le cas du chlordécone, nous sommes d'abord en face d'un seul produit et qui concerne des territoires bien particuliers, à savoir la Guadeloupe et la Martinique. Mais ensuite et surtout, nous sommes en présence d'un mode d'exposition tout à fait différent des autres pesticides, puisque ce produit n'est plus utilisé depuis vingt-six ans et que les effets que nous connaissons sont dus à sa rémanence dans le sol, particulièrement élevée. La contamination actuellement constatée, notamment chez les travailleurs de la banane, ne résulte donc pas d'une exposition directe au produit, mais d'une contamination par l'alimentation. Car les populations de la Guadeloupe et de la Martinique, chaque jour, continuent à se contaminer en consommant des produits pollués par le chlordécone. Il est donc difficile de rattacher la problématique du chlordécone à celle du fonds d'indemnisation des victimes des produits phytopharmaceutiques, dans la mesure où il ne s'agit pas du tout des mêmes publics.

Certes, les ouvriers agricoles peuvent être effectivement indemnisés dans le cadre de ce fonds ; le problème est que nous sommes en présence d'une cohorte très réduite : cela fait vingt-six ans que ce produit, qui a été employé pendant vingt et un ans, n'est plus utilisé. De fait presque tous les travailleurs de la banane de cette époque ou bien à la retraite, ou bien plus de ce monde… D'où la difficulté à recenser le nombre d'ouvriers agricoles susceptibles de bénéficier d'une indemnisation.

Madame Guion-Firmin, je vous remercie pour votre présence lors des auditions. C'est vrai, le territoire de Saint-Martin que vous représentez n'est pas concerné par la contamination au chlordécone proprement dite, dans la mesure où vos sols ne sont pas pollués, mais ce problème vous affecte également dans la mesure où vous consommez des aliments et des produits en provenance de chez nous.

Madame de Vaucouleurs, je vous remercie pour votre soutien. J'ai bien compris que vous attendiez les conclusions des études et les rapports à venir. Les représentants de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) que nous avons auditionnés nous disent très clairement que le lien entre l'exposition au chlordécone et certaines maladies ne sera jamais prouvé à 100 % pour plusieurs raisons, et d'abord parce que le cancer de la prostate en particulier a des origines multifactorielles. Mais si l'on ne peut pas prouver formellement le lien de cause à effet, le lien de présomption en revanche est très fort : nous savons que toutes les populations de Guadeloupe et de Martinique présentent un taux de cancer de la prostate beaucoup plus élevé que dans l'hexagone – pratiquement deux fois plus élevé. On a donc bien montré que c'est un facteur déterminant dans la survenue du cancer de la prostate en particulier.

Monsieur Potier, nous avons effectivement conduit des auditions communes, et je vous remercie pour votre accompagnement et votre présence régulière. Il est en effet important de dissocier les deux propositions de loi, surtout quand on voit le sort qui a été réservé à celle que vous avez rapportée ce matin… En effet, madame Gaillot, votre groupe a supprimé la possibilité de réparation intégrale de toutes les victimes environnementales. Du coup, il ne reste pas grand-chose dans cette proposition de loi. Ce fonds d'indemnisation ne peut donc en aucun cas concerner des victimes qui sont des travailleurs agricoles pour l'essentiel et non des victimes environnementales. Les professionnels de la pêche par exemple ont subi un préjudice important, des cultivateurs ne peuvent plus exploiter leurs terres, considérablement dépréciées, et des éleveurs ne peuvent plus exercer leur activité. Il sera très difficile d'imaginer que les victimes du chlordécone puissent bénéficier du fonds d'indemnisation dont vous avez adopté le principe ce matin, mais en le vidant de sa substance.

Je remercie Mme Sanquer de son accompagnement.

Madame Benin, nous portons le même combat, nous connaissons les difficultés et la souffrance de nos populations. Tous les jours, nous devons leur expliquer pourquoi il faut modifier nos habitudes alimentaires et consommer des produits venant de l'extérieur, peut-être plus nocifs pour notre santé que ceux que nous ne pouvons plus cultiver. Il serait dommage que nous ne puissions pas, après l'engagement du Président de la République d'entamer un processus de réparation, convenir ici de l'importance et de l'obligation de créer un fonds, les modalités de fonctionnement et de financement pouvant être revues et amendées.

Je suis surprise enfin de constater que le groupe majoritaire n'a déposé aucun amendement sur ce texte. J'aimerais comprendre pourquoi ; cela nous aurait permis de savoir comment il imagine un tel fonds.

La commission en vient à l'examen des articles de la proposition de loi.

Article 1er : Principe de reconnaissance des préjudices subis du fait de l'usage du chlordécone

La commission est saisie de l'amendement AS4 de Mme Josette Manin.

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Mon amendement AS4 vise à souligner que la contamination des terres agricoles en Martinique et en Guadeloupe, a entraîné une dépréciation significative de leur valeur, ce qui les rend difficilement cessibles et encore moins exploitables à des fins agricoles. Il est donc important que la présente proposition de loi reconnaisse le préjudice matériel généré par l'usage direct ou indirect – par l'effet du ruissellement, de mouvements de terrain, etc. – du chlordécone et du paraquat pour les propriétaires de foncier agricole et pour le secteur agricole de façon générale, alors que la surface agricole utile ne cesse de diminuer dans ces territoires.

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Avis favorable.

En reconnaissant un préjudice économique, on inclut bien entendu la dimension matérielle. La dépréciation de la valeur d'un terrain, pour un exploitant ou un particulier, constitue à l'évidence un préjudice économique. Mais la précision peut aussi avoir une valeur de symbole et compléter ultérieurement la déclaration de responsabilité.

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J'apporte, bien évidemment, tout mon soutien à Hélène Vainqueur-Christophe et je profite de cet amendement, que je voterai, pour vous donner un chiffre. En Martinique, la moitié des 24 000 hectares de surface agricole utile (SAU) est « chlordéconée ». Autrement dit, pratiquement 50 % des terres sont empoisonnées à des degrés divers. Cela montre la gravité de la situation et l'importance d'avoir un regard beaucoup plus large, conformément à la volonté et à la décision du Président de la République de reconnaître ce malheur et d'engager un processus de réparation. Il n'est pas bon de découper ce qu'on peut appeler les indemnisations et de les limiter aux ouvriers agricoles, même si ce serait déjà un pas extrêmement important. C'est le secteur économique d'une manière générale qui doit en bénéficier : rappelons que la pêche, notamment à la langouste, est interdite sur la moitié des façades maritimes de la Martinique, ce qui pénalise considérablement les pêcheurs. C'est pourquoi je considère que la majorité devrait ouvrir des perspectives d'indemnisation beaucoup plus globales.

La commission adopte l'amendement.

Elle examine ensuite l'amendement AS7 de Mme Josette Manin.

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C'est un amendement rédactionnel. La jurisprudence de la Cour de cassation – arrêt du 25 septembre 2012 – et le code civil ont introduit au cours de cette dernière décennie le principe du « préjudice écologique » dans le droit français. Mon amendement AS7 vise donc à se conformer à la formulation juridique privilégiée dans le droit public et le droit pénal français. C'est pourquoi je propose de remplacer le mot « environnemental » par le mot « écologique ».

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Avis favorable. Cette précision terminologique est la bienvenue.

La commission adopte l'amendement.

La commission examine l'amendement AS1 de Mme Justine Benin.

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Je vous propose de reconnaître dans la loi le fait que le chlordécone est un perturbateur endocrinien ayant des effets toxiques. Même si l'usage de ce produit est interdit depuis 1993, il est important que cela apparaisse noir sur blanc dans le présent texte. Nous sommes restés trop longtemps dans le déni au sujet des conséquences du chlordécone.

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Je demande le retrait de cet amendement. Nous sommes tous d'accord pour dire que le chlordécone est un perturbateur endocrinien et que cette molécule a un caractère toxique. Cependant, c'est à la science et non à la loi de l'établir. Il serait dangereux de laisser la loi se substituer à la science pour définir ce qui est toxique ou non, et ce qui est un perturbateur endocrinien ou non. Laissons la science définir les dangers du chlordécone.

L'amendement AS1 est retiré.

La commission rejette ensuite l'article 1er modifié.

Après l'article 1er

La commission est saisie de l'amendement AS14 de la rapporteure.

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Cet amendement permettra de mettre en oeuvre dans notre droit un engagement pris par le Président de la République le 27 septembre 2018, qui consiste à instaurer une procédure pour reconnaître les pathologies liées à l'exposition au chlordécone au titre des maladies professionnelles.

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Le groupe La République en Marche votera contre cet amendement. La reconnaissance des affections provoquées par l'exposition au chlordécone en tant que maladies professionnelles a été envisagée par le Président de la République, et une priorité a bien été donnée au chlordécone au sein des travaux de révision des tableaux concernés. Je pense que l'on doit faire confiance à l'avancée de ces travaux. En ce qui concerne le calendrier, une étude de l'ANSES est attendue pour mars prochain, suivie d'une étude de l'INSERM. Je pense qu'il faut attendre ces rapports.

La commission rejette l'amendement.

Article 2 : Champ des personnes éligibles au dispositif d'indemnisation

La commission examine l'amendement AS8 de Mme Josette Manin.

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Il est important que ce texte prévoie une indemnisation pour les personnes souffrant d'un handicap, tel que défini par l'article 2, alinéa 1, de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, à la suite d'une exposition directe ou indirecte au chlordécone ou au paraquat.

Selon le plan d'action contre la pollution par le chlordécone en Guadeloupe et en Martinique, dit « plan chlordécone », et les résultats des études récentes de Santé publique France et de l'ANSES, l'exposition prolongée à ce pesticide peut avoir des conséquences néfastes sur le système nerveux ou le système hormonal, mais aussi altérer la motricité. Si dégénérescence du système nerveux il y a, elle peut provoquer un handicap. L'amendement AS8 vise à inclure ces cas de figure dans la liste des possibilités d'indemnisation.

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Cette précision ne me semble pas bénéfique. Le handicap subi par les victimes du chlordécone est une conséquence de leur pathologie : elle est donc prise en compte et indemnisée à ce titre. Lister toutes les pathologies et tous les préjudices risque d'avoir un effet contraire à celui que vous cherchez à obtenir, car il peut toujours y avoir des oublis dans la loi. Il convient de privilégier une approche globale : la proposition de loi vise à réparer tous les préjudices causés par le chlordécone, handicap inclus. C'est pourquoi je vous propose de retirer votre amendement.

L'amendement est retiré.

La commission est ensuite saisie de l'amendement AS2 de Mme Justine Benin.

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Amendement de clarification : les ayants droit qui peuvent prétendre à une réparation sont bien ceux d'un parent décédé en raison d'une exposition au chlordécone.

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J'émets un avis favorable. La précision selon laquelle seuls les ayants droit d'une personne décédée peuvent obtenir une réparation est utile.

La commission rejette l'amendement.

Puis elle rejette l'article 2.

Article 3 : Création et organisation du Fonds d'indemnisation des victimes du chlordécone et du paraquat

La commission examine, en discussion commune, les amendements AS17 de la rapporteure et AS9 rectifié de Mme Josette Manin.

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L'amendement AS17 propose que le conseil d'administration du fonds d'indemnisation présente un rapport annuel qui permettra au Gouvernement et au Parlement de suivre les activités du fonds.

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Notre amendement AS9 rectifié vise à faciliter le contrôle du Fonds d'indemnisation par les parlementaires et le Gouvernement afin de garantir un processus d'indemnisation aussi optimal et transparent que possible et un emploi vertueux de l'argent public qui sera alloué à la réparation des préjudices.

La présentation d'un rapport annuel et la conclusion d'un contrat d'objectifs et de performance permettront de restaurer la confiance des administrés et des professionnels envers l'État et les parlementaires martiniquais et guadeloupéens, dont l'image et l'action ont été largement altérées par le scandale et la gestion de la crise.

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Je vous propose de retirer votre amendement. Celui que j'ai déposé demande qu'un rapport soit remis chaque année au Parlement et au Gouvernement. Quant à l'éventualité d'un contrat d'objectifs et de performance, celui-ci devra être signé par les parties prenantes à son financement, dans des conditions déterminées par décret.

L'amendement AS9 rectifié est retiré.

Puis la commission adopte l'amendement AS17 de la rapporteure.

Elle est ensuite saisie de l'amendement AS16 de la rapporteure.

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Il s'agit de préciser le rôle de la commission scientifique autonome : elle sera chargée de rendre un avis sur les méthodes pouvant être mises en oeuvre pour dépolluer les sols et les eaux de Guadeloupe et de Martinique ainsi que sur les conditions de leur utilisation.

La commission adopte l'amendement.

Puis elle rejette l'article 3 modifié.

Article 4 : Procédure de détermination de l'existence d'un préjudice indemnisable par le fonds

La commission examine l'amendement AS11 de Mme Josette Manin.

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Il est important, je l'ai dit, que ce texte prévoie une indemnisation pour les personnes souffrant d'un handicap consécutif à une exposition directe ou indirecte au chlordécone ou au paraquat. Tel est l'objet de cet amendement.

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Nous l'avons déjà examiné tout à l'heure. Je vous demande donc de le retirer.

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J'aimerais que la majorité m'explique la cruauté de ses votes : elle adopte des amendements, mais rejette ensuite les articles amendés… Est-ce une procédure obligatoire ou une humiliation que vous nous faites subir ?

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Il ne faut pas prendre la situation ainsi. C'est un effet du débat parlementaire…

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N'y voyez aucune cruauté de la part du groupe La République en Marche. J'ai expliqué tout à l'heure notre position : nous voulons que les victimes du chlordécone soient prises en charge dans le cadre du fonds d'indemnisation qui a été adopté ce matin. C'est pour cette raison que nous votons contre les articles de cette proposition de loi. Je rappelle qu'il y a beaucoup de choses en cours avec ce fonds et l'élaboration du plan chlordécone IV, mais aussi dans le cadre des rapports de l'ANSES et de l'INSERM. D'où nos votes.

L'amendement AS11 est retiré.

Puis la commission rejette l'article 4.

Après l'article 4

La commission est saisie de l'amendement AS6 de Mme Justine Benin.

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Je vous propose que l'on évalue les efforts réalisés par l'État pour l'accompagnement social et la reconversion professionnelle des victimes du chlordécone et du paraquat. Les professionnels exposés à ces pesticides toxiques sont majoritairement des agriculteurs ou des travailleurs agricoles, souvent peu qualifiés. Il est important qu'un accompagnement social et une aide à la reconversion professionnelle soient mis en place de manière spécifique, au titre de la reconnaissance d'une maladie professionnelle. Je demande qu'un rapport soit remis chaque année aux parlementaires, notamment ceux qui sont membres de la délégation aux outre-mer, afin d'évaluer la politique suivie dans ce domaine. Ce sera un premier outil pour mesurer ce qui doit être amélioré et avancer vers des solutions pour ces personnes en grande souffrance.

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Je vous propose de retirer cet amendement. La reconversion professionnelle et l'accompagnement social des personnes indemnisées au titre d'une maladie professionnelle liée à l'exposition au chlordécone et au paraquat ne font pas partie des missions du fonds d'indemnisation. Il revient aux organismes chargés de réinsérer les accidentés du travail ou les handicapés d'aider, dans leur vie professionnelle, les personnes concernées.

L'amendement est retiré.

Article 5 : Régime de prescription

La commission rejette l'article 5.

Article 6 : Présentation des offres d'indemnisation et paiement par le fonds

La commission rejette l'article 6.

Article 7 : Exonération des indemnisations de l'impôt sur le revenu

La commission rejette l'article 7.

Article 8 : Droit d'action en justice des demandeurs contre le fonds

La commission rejette l'article 8.

Article 9 : Recours du fonds contre des tiers (actions subrogatoires

La commission rejette l'article 9.

Après l'article 9

La commission examine l'amendement AS5 de Mme Justine Benin.

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Cet amendement ajoutera au texte de cette proposition de loi une disposition inspirée de la loi relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français de 2010 : nous demandons une évaluation de la loi dans le temps, au moyen d'une commission consultative de suivi rassemblant l'ensemble des acteurs concernés. Cette commission, qui se réunira au moins deux fois par an, permettra de suivre les impacts de la mise en oeuvre du Fonds d'indemnisation des victimes du chlordécone et du paraquat et pourra faire des propositions aux ministres compétents s'il apparaît nécessaire d'apporter des précisions ou de modifier certaines dispositions réglementaires pour assurer la réparation des préjudices subis par les victimes du chlordécone et du paraquat.

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J'émets un avis favorable, même si cet amendement risque de faire doublon avec le conseil d'administration du fonds.

La commission rejette l'amendement.

Article 10 : Modalités de financement du fonds

La commission est saisie de l'amendement AS15 de la rapporteure.

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Mon amendement AS15 vise à prendre en compte une des recommandations du rapport remis en janvier 2018 par une mission conjointe de l'inspection générale des affaires sociales, de l'inspection générale des finances et du conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux. Celui-ci propose que le financement du fonds reflète les responsabilités des acteurs via une mise à contribution des firmes phytopharmaceutiques reposant sur un accroissement de la taxe annuelle perçue sur le chiffre d'affaires de leurs ventes – un taux de 1,5 % permettrait de dégager 25 millions d'euros par an sans pour autant remettre en cause le financement de la phytopharmacovigilance dont est chargée l'ANSES.

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J'ai horreur de me sentir humilié. Vous refusez la création d'un fonds propre à la Martinique et à la Guadeloupe pour indemniser les victimes du chlordécone et vous renvoyez l'application de la décision prise par le Président de la République à la proposition de loi rapportée par Dominique Potier, que vous avez émasculée (Sourires) et qui ne tiendra pas la route. C'est un texte déjà mort – je ne sais pas ce qu'on en fera.

Je suis extrêmement déçu. Quand le président Macron a fait son annonce devant moi, à la Résidence préfectorale de Fort-de-France, je l'ai applaudi alors que je ne suis pas de la même tendance politique que lui. Je lui ai dit qu'il avait du courage : personne ne l'avait fait avant lui. Maintenant, il faut que la majorité soit claire et qu'elle assume ce qu'elle fait. Elle refuse une indemnisation des victimes du chlordécone. Il y a des gens qui meurent d'affections de la prostate, qui n'ont pas d'enfants ou ont des enfants handicapés, avec des malformations génitales, et des milliers d'hectares pollués en Martinique et en Guadeloupe.

Mme Vainqueur-Christophe, qui est une femme remarquable et que nous connaissons bien, propose quelque chose d'important. Ce n'est pas une question de majorité, mais de santé publique. Je suis vraiment déçu et dégoûté par votre refus.

La commission rejette l'amendement.

Puis elle rejette l'article 10.

Article 11 : Modalités d'application et dispositions transitoires

La commission rejette l'article 11.

Article 12 : Gage de recevabilité

La commission rejette l'article 12.

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L'ensemble des articles de la proposition de loi ayant été rejeté, le texte est considéré comme rejeté par la commission.

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Nous ne sommes pas surpris par le résultat des votes, ni par la démarche suivie. Depuis ce matin, vous avez démontré votre volonté de vider de tout contenu les textes présentés par les députés socialistes. Vous avez admis de grands principes, avec la création d'un fonds d'indemnisation des victimes des produits phytopharmaceutiques, et vous voulez inclure dans ce cadre les victimes du chlordécone. Je vous invite à réécouter attentivement le texte de l'article 1er de la proposition de loi que j'ai déposée : « La République française reconnaît le préjudice sanitaire, environnemental et économique subi par les territoires de Guadeloupe et de Martinique et leurs populations résultant de l'usage comme insecticide agricole du chlordécone. » En votant contre cet article, vous n'avez pas reconnu le préjudice subi. Vous devrez assumer la responsabilité liée à ce vote.

La séance est levée à vingt heures trente.

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Présences en réunion

Réunion du mercredi 23 janvier 2019 à 17 heures 15

Présents. – Mme Delphine Bagarry, M. Belkhir Belhaddad, Mme Justine Benin, M. Julien Borowczyk, Mme Brigitte Bourguignon, Mme Marine Brenier, M. Gérard Cherpion, M. Paul Christophe, Mme Christine Cloarec, M. Dominique Da Silva, M. Marc Delatte, M. Pierre Dharréville, Mme Jeanine Dubié, Mme Audrey Dufeu Schubert, Mme Catherine Fabre, Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel, Mme Albane Gaillot, M. Guillaume Garot, M. Jean-Carles Grelier, Mme Claire Guion-Firmin, Mme Monique Iborra, Mme Fadila Khattabi, Mme Fiona Lazaar, Mme Charlotte Lecocq, M. Gilles Lurton, M. Thomas Mesnier, M. Laurent Pietraszewski, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Stéphanie Rist, Mme Mireille Robert, Mme Nicole Sanquer, M. Hervé Saulignac, Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe, Mme Élisabeth Toutut-Picard, Mme Hélène Vainqueur-Christophe, Mme Laurence Vanceunebrock-Mialon, Mme Michèle de Vaucouleurs, M. Olivier Véran, Mme Corinne Vignon, M. Stéphane Viry, Mme Martine Wonner

Assistaient également à la réunion. - M. Joël Aviragnet, M. Sébastien Cazenove, M. Serge Letchimy, Mme Josette Manin, M. Boris Vallaud