La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Suite de la discussion d'une proposition de loi
Ce matin, l'Assemblée a commencé la discussion des articles de la proposition de loi, s'arrêtant à l'amendement n° 62 portant article additionnel après l'article 1er .
La parole est à Mme Anne Stambach-Terrenoir, pour soutenir l'amendement n° 62 .
Les députés du groupe La France insoumise demandent l'instauration d'un moratoire sur la construction ou l'extension de toute entreprise utilisant, produisant ou rejetant des substances perfluoroalkylées ou polyfluoroalkylées, des Pfas, ces « polluants éternels » qui s'accumulent dans les organismes vivants et dans le milieu naturel. On parle de 5 000 à 12 000 composés chimiques différents, qui auraient la faculté de se déplacer extrêmement vite, notamment dans l'eau. Le phénomène de la bioamplification, par lequel un polluant se diffuse parmi les organismes vivants de toute une chaîne alimentaire, explique que nous ayons même retrouvé des Pfas dans le sang d'ours polaires.
Les polluants éternels constituent une menace pour toute la biodiversité, y compris pour les êtres humains. Une enquête de 2023 a révélé la présence de 900 sites français pollués aux Pfas, dont 108 considérés comme des « hot spots de contamination », dangereux pour la santé humaine. La plupart sont des sites industriels. La situation est particulièrement criante dans la Vallée de la chimie, près de Lyon : un article du Monde indiquait récemment que ce site était sans doute le plus pollué d'Europe aux Pfas du fait de la présence d'entreprises comme Arkema et Daikin, qui en produisent. Il y a quelques semaines, l'entreprise Daikin a pourtant obtenu l'autorisation d'étendre son usine à Pierre-Bénite. C'est incroyable étant donné l'urgence de la situation ! Pierre Labadie, chercheur du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), a lui-même souligné, au sujet de la pollution aux Pfas, que nous ne voyons qu'un petit bout de l'iceberg. Ces polluants s'accumulent dans notre environnement. Selon l'association Générations futures, ils risquent d'y être encore présents dans cent ans, compte tenu du coût de la dépollution.
Le moins que nous puissions faire, dans une telle situation, est de décréter une pause et d'interrompre la production de nouvelles Pfas. Tel est le sens du moratoire que nous proposons.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
La parole est à M. le rapporteur de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, pour donner l'avis de la commission.
La parole est à M. le ministre délégué chargé de l'industrie et de l'énergie, pour donner l'avis du Gouvernement.
S'agissant des ours polaires, que vous avez cités à maintes reprises, permettez-moi de vous dire que votre moratoire ne leur sera d'aucun secours ! Les Pfas sont des polluants locaux et le fait que la France décide un moratoire sur les nouvelles installations industrielles ne changera rien pour eux.
Certes, mais quel que soit le développement d'Arkema, je ne pense pas que…
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Inutile d'aller plus loin.
Vous proposez un moratoire anti-tout, vous proposez d'arrêter l'industrie !
Puis-je m'exprimer ?
Votre amendement conduirait, par exemple, à ce que les batteries des véhicules électriques – ces véhicules que nous souhaitons voir rouler partout en France et en Europe dans les prochaines années – soient fabriquées ailleurs que dans notre pays.
Ou alors vous voulez que nous arrêtions de rouler avec des voitures électriques sur les routes de France ? Choisissez ! Sans extension des lignes de production autorisées par la direction régionale sur la base de critères extrêmement contraignants en matière de rejets industriels, les batteries électriques seront produites à l'étranger. Nous serons extrêmement verts, mais aussi extrêmement pauvres. Je ne suis pas sûr que la France s'en porte mieux. Avis défavorable.
Pour aller dans le sens de M. le ministre délégué, j'aimerais vous demander, chère collègue, si vous connaissez réellement l'utilisation des Pfas.
Pour chaque tuyau, il y a des joints, des vannes et des récipients. Vous voulez instaurer un moratoire sur toute industrie qui utilise des Pfas.
Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
M. Louis Boyard applaudit.
La mesure que vous proposez revient à interdire la fabrication de tout tuyau, de tout joint, de toute vanne, de tout récipient.
Protestations sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
J'insiste une nouvelle fois : il faut cibler les monomères, qui sont toxiques, et non les polymères, qui sont partout, notamment dans l'industrie. Non seulement le moratoire que vous proposez nuirait à l'industrie, mais il empêcherait de fabriquer n'importe quel conduit, par exemple de chauffage.
Madame la présidente, je demande une suspension de séance au nom de Mme Colomb-Pitollat.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à quinze heures cinq, est reprise à quinze heures dix.
Force est de constater, après avoir relu l'amendement, que sa portée dépasse de très loin la question des Pfas. Je vous demande de le retirer ; à défaut, mon avis sera défavorable.
Dans un esprit de compromis et de coconstruction, nous acceptons de le retirer, alors que nous le jugions important.
J'appelle cependant tous ceux qui nous regardent à être attentifs aux votes des groupes de la majorité, qui font tout leur possible pour vider le texte de son contenu, et qui vont sans doute continuer.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
L'amendement n° 62 est retiré.
Je serai bref, par respect pour cette niche parlementaire, mais je veux dire quelques mots sur cet article important.
Permettez-moi toutefois de revenir un instant sur la portée de l'amendement précédent. Vous avez décrié le professeur Isaac-Sibille, mais la mesure que vous proposiez interdisait purement et simplement la construction de toute nouvelle usine en France au cours des cent prochaines années !
Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Je tenais à cette précision, mais, en effet, avançons !
L'article 1er
Monsieur le rapporteur, je m'exprime sous votre contrôle : en commission, vous avez malheureusement émis un avis défavorable sur l'amendement correspondant n° CD70, et vous avez voté contre lui. Je ne veux pas que, dans la suite de la discussion, vous ne dénaturiez les dispositions de l'amendement n° 75 , ou que vous changiez votre fusil d'épaule en proposant l'adoption d'une mesure encore plus exigeante.
L'article 1er
L'article 1er bis résulte effectivement de l'adoption par la commission de l'amendement n° CD70 que j'avais défendu.
Je viens d'un territoire soumis à la pollution par les Pfas. La première préoccupation de nos concitoyens, je l'ai dit, est d'arrêter les rejets des monomères perfluorés dans les milieux naturels – dans le Rhône, pour prendre le cas de mon département.
Comme l'a souligné Pierre Cazeneuve, cet article constitue un pas important. Je suis heureux que M. le rapporteur s'en soit saisi dans l'hémicycle, alors qu'il avait oublié cette disposition dans la rédaction initiale de sa proposition de loi. Cependant, il ne faut pas aller trop loin.
Il faut engager le processus, chacun le reconnaît. Dès qu'on a constaté la pollution dans le Rhône, la préfecture a pris un arrêté pour demander à Arkema de réduire les rejets par paliers, sur une certaine durée. Les entreprises chimiques suivent effectivement ce calendrier pour arrêter les rejets de monomères d'ici à la fin de l'année.
C'est comme cela qu'il faut accompagner les industriels afin d'atteindre l'objectif fixé par l'article 1er
L'amendement n° 89 de Mme Pascale Boyer, tendant à supprimer l'article 1er
Quel est l'avis de la commission ?
Je souhaite vous exposer la raison pour laquelle le Gouvernement est favorable à cet amendement de suppression, car il est évidemment favorable à ce qu'on réglemente les rejets de Pfas. La seule différence entre les dispositions prévues par l'article 1er bis tel qu'il a été adopté en commission et ce que nous proposons réside dans le fait que nous préconisons une approche site par site au niveau des directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal). Les arrêtés préfectoraux tiendront évidemment compte de la spécificité du processus industriel, de la Pfas concernée et du lieu.
Je le répète : plutôt qu'une approche à taille unique qui reposerait sur un seul décret pour toutes les Pfas et pour toutes les régions de France, une approche site par site nous paraît plus adaptée.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 140
Nombre de suffrages exprimés 139
Majorité absolue 70
Pour l'adoption 16
Contre 123
L'amendement n° 89 n'est pas adopté.
Il modifie la rédaction de l'article 1er
Interdire les rejets, c'est bien ; cependant nous devons d'abord définir des valeurs limites et des paliers successifs, car les entreprises ne sont pas actuellement capables de traiter 100 % des rejets, même si elles peuvent traiter déjà plus de 99 % de ceux-ci.
La rédaction de l'article 1er bis proposée par cet amendement permet de cibler l'ensemble des installations classées pour la protection de l'environnement qui sont soumises à autorisation.
En outre, elle s'applique aussi bien aux rejets gazeux qu'aux rejets aqueux.
Enfin, la fin des rejets doit avoir lieu avant 2027, tandis que la rédaction initiale renvoyait la définition de la trajectoire au pouvoir réglementaire.
Cette rédaction est donc plus ambitieuse et surtout plus solide juridiquement.
Cet amendement propose de remplacer l'interdiction brutale des rejets aqueux de Pfas par la fixation de valeurs limites d'émission pour les installations classées utilisant, produisant, traitant ou rejetant des Pfas.
En effet, il est techniquement impossible pour nos industries utilisant des Pfas de s'assurer que leurs rejets aqueux ne contiennent plus aucune substance perfluoroalkylée ni polyfluoroalkylée. Par conséquent, l'interdiction proposée par la rédaction de l'article 1er
Par ailleurs, cette interdiction ne permet pas de prendre en compte les résultats de la campagne nationale actuellement menée pour mesurer les Pfas dans les rejets aqueux des installations classées.
Il est estimé qu'un nombre très limité d'installations industrielles est responsable de près de 90 % des rejets aqueux de Pfas.
Le présent amendement vise à définir une trajectoire nationale de réduction des rejets aqueux de Pfas par ces installations industrielles pour que les services de l'État disposent d'une base juridique robuste permettant d'exiger la réduction drastique de ces rejets. L'interdiction pour les exploitants de ces installations d'émettre des Pfas dans leurs rejets aqueux et gazeux interviendra dans les cinq ans suivant la promulgation de la loi, avec un objectif intermédiaire de réduction de 90% des rejets dans les deux ans suivant cette promulgation.
La parole est à Mme Claire Colomb-Pitollat, pour soutenir l'amendement n° 103 .
Les débats en commission ont été rappelés par les orateurs précédents. Si nous étions favorables à la redevance proposée par le rapporteur, il nous semblait toutefois qu'il fallait aller plus loin pour réduire les rejets. Certes, instaurer une redevance constituera une première incitation, mais ce n'est pas suffisant. Nous voulons instaurer des objectifs clairs de réduction des rejets.
L'amendement n° 103 vise à définir une trajectoire sur cinq ans, en fixant une étape au bout de deux ans, pour aller vraiment vers la fin des rejets et limiter la pollution dans l'environnement et dans l'eau.
La parole est à M. Cyrille Isaac-Sibille, pour soutenir l'amendement n° 115 .
Je reprendrai l'exemple du Rhône et du sud de la métropole de Lyon. À la suite à un arrêté préfectoral, les industriels qui rejetaient des Pfas ont montré qu'en deux ans, ils pouvaient supprimer ces rejets, grâce à différents procédés, en particulier en les retenant grâce aux charbons actifs.
L'amendement vise à préciser la rédaction de l'article 1er
Nous proposons donc une trajectoire pour tendre vers la suppression des rejets de Pfas au cours des cinq prochaines années.
Ces amendements identiques visent à réécrire l'article 1er
Nous demandons à des centaines d'entreprises d'investir en cinq ans afin de supprimer le rejet des Pfas dans les cours d'eau français. Ce délai est déjà très contraignant.
Nous avons donc voulu préciser la rédaction en fixant la date à 2029. Monsieur le rapporteur, vous proposez 2027, mais un délai de trois ans est bien trop court pour demander à plusieurs centaines d'usines qui relèvent de secteurs différents, qui font face à des contraintes différentes et qui ne sont pas situées sur les mêmes cours d'eau de mettre fin aux rejets.
Le sous-amendement vise également à supprimer l'étape intermédiaire et à laisser le soin au Gouvernement de fixer par décret cette trajectoire.
La borne à cinq ans est la plus cohérente. Elle reste parfaitement ambitieuse.
Encore une fois, cet objectif n'était pas dans le texte initial. Il s'agit d'un ajout de la majorité très ambitieux d'un point de vue environnemental. Je vous prie de ne pas le dénaturer en fixant une date butoir déconnectée de la réalité industrielle de nos entreprises.
Sur les amendements identiques n°
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements en discussion commune ?
J'ai exposé les limites de l'approche que j'ai qualifiée précédemment de « taille unique ».
L'avis du Gouvernement sur les amendements n° 49 , 75 , 83 et 90 est défavorable. Il est favorable sur le sous-amendement n° 122 . Sous réserve de l'adoption de ce sous-amendement, le Gouvernement émet un avis de sagesse sur les amendements n° 95 , 103 et 115 .
Les amendements n° 49 , 75 , 83 et 90 auxquels je suis fortement défavorable visent à imposer à toutes les ICPE les mêmes contraintes.
On assiste à une coconstruction entre la majorité et le Gouvernement ! Pas mal, pour une niche…
J'ai quand même le droit de donner l'avis du Gouvernement – ça ne vous dérange pas, madame la députée ?
Si vous préférez que je me taise, je vous laisse entre vous et je vais faire autre chose.
Exclamations prolongées sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES. – M. Louis Boyard applaudit.
Ah si, je peux partir, Mme la ministre chargée des relations avec le Parlement donnera les avis.
Nous avons lancé un inventaire systématique des 5 000 ICPE. Au vu des résultats préliminaires qui ne concernent qu'un tiers de ces installations, il est très probable que 95 % des rejets sont le fait d'une cinquantaine d'entre elles.
Soit nous énonçons une interdiction globale, nationale, qui s'impose à tous, y compris aux entreprises qui sont, au fond, très peu concernées, mais pour lesquelles les coûts seront très élevés, soit nous nous concentrons sur l'essentiel.
Nous préférons la seconde solution. Nous prévoyons donc des décrets qui établissent précisément, site par site, ce qu'il est possible de faire pour accélérer la réduction des rejets.
Si le sous-amendement n° 122 est adopté, la démarche instaurée par les amendements n° 95 , 103 et 115 a plus de sens. Vous nous demandez d'élaborer une stratégie nationale, compte tenu notamment de ce que je viens de dire.
Je suis donc prêt à donner un avis favorable aux amendements n° 95 , 103 et 115 ainsi sous-amendés, car tout cela a du sens. Nous travaillons avec la cinquantaine de sites qui sont responsables des rejets les plus importants et nous évaluons les résultats concrets au niveau national.
La discussion est un peu cocasse. En commission, le rapporteur Isaac-Sibille soutenait qu'il fallait être audacieux, en affirmant que le sujet principal était la réduction des rejets. Il disait alors qu'il fallait aller loin et être les mieux-disants sur les rejets. Dans l'hémicycle, par miracle, le député Isaac-Sibille, qui n'est peut-être pas le même que le rapporteur, soutient qu'il faut être moins ambitieux et être moins disant.
L'amendement mieux-disant est l'amendement n° 75 défendu par le rapporteur Nicolas Thierry. Je vous invite donc à le soutenir.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et LFI – NUPES.
Monsieur Isaac-Sibille, auteur d'un rapport sur les Pfas, vous nous avez fait la leçon sur le sujet, vous avez même prétendu que nous étions favorables aux rejets – cela m'avait énervé, et je vous l'avais dit.
Au moment où nous devrions aller plus loin, vous défendez finalement une position moins-disante. Vous le savez, on ne peut pas faire consensus seul : si vous voulez susciter un consensus collectif, il faudra vous montrer plus audacieux !
Applaudissements sur quelques bancs des groupes Écolo – NUPES et LFI – NUPES.
Vous avez raison, la situation est cocasse : vous aviez en effet voté contre l'article 1er
Toutefois, la position que défend le rapporteur – je la découvre en séance – n'est pas opérante. Je vous le dis en toute transparence, les industriels ne parviendront pas à tenir le délai que vous souhaitez inscrire dans la loi. De ce fait, nous débattons d'un article 1er
Monsieur le rapporteur, je vous demande donc de retirer votre amendement, afin que l'article 1er
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
L'amendement n° 49 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 168
Nombre de suffrages exprimés 166
Majorité absolue 84
Pour l'adoption 80
Contre 86
L'amendement n° 75 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 170
Nombre de suffrages exprimés 170
Majorité absolue 86
Pour l'adoption 89
Contre 81
Le sous-amendement n° 122 est adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 173
Nombre de suffrages exprimés 173
Majorité absolue 87
Pour l'adoption 91
Contre 82
La parole est à Mme Anne Stambach-Terrenoir, pour soutenir l'amendement n° 65 .
Visant à interdire les rejets gazeux de Pfas, il reprend une partie des objectifs de l'amendement n° 75 , défendu plus tôt par M. le rapporteur.
L'Inspection générale de l'environnement et du développement durable (Igedd) a estimé dans un rapport publié en mars 2023 que le système de surveillance des Pfas accusait d'importantes défaillances, car la réglementation est trop lacunaire – elle encadre insuffisamment le rejet de ces substances par les installations industrielles et ne tient pas compte de leur présence dans l'air. Or cette pollution est détectée dans tous les milieux, que ce soit l'eau, les sols ou l'air, et donc dans tous les maillons de la chaîne alimentaire.
Comme le plan d'action ministériel relatif aux Pfas a réussi l'exploit de n'imposer aucune mesure contraignante aux industriels, nous pensons qu'il est urgent d'agir. Nous proposons donc d'interdire aux ICPE tout rejet de Pfas dans l'air.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Bien que je partage votre intention, l'exigence de rapidité, compte tenu des contraintes de la navette parlementaire, me convainc de vous demander de retirer votre amendement. À défaut, notre avis sera défavorable.
L'alchimiste Paracelse affirmait déjà au XVI
Arrêtez ! Contentez-vous de donner un avis défavorable à nos amendements, on n'a pas besoin de votre point de vue !
Un seuil fixé à zéro, on croit rêver ! Je vous laisse donc à vos délires : l'avis du Gouvernement est défavorable.
Mme Sandrine Rousseau s'exclame.
L'amendement n° 65 n'est pas adopté.
Il ne sort pas de nulle part : dans le département du Rhône viennent d'être épandues sur plus de 1 100 hectares des boues d'épuration de la station de Givors. Au vu et au su des services de l'État, celles-ci présentent des taux de Pfas hors normes, mais leur épandage a bien été autorisé.
Nous vous demandons donc que les boues d'épuration contenant des Pfas soient purement et simplement détruites, afin que les terres agricoles, les routes forestières et les autres voies ne puissent pas être contaminées par les résidus d'épuration.
Même si l'amendement ne les évoque pas, les mâchefers devraient subir le même sort – nous y reviendrons peut-être plus tard.
Je partage évidemment l'intention qui sous-tend cet amendement, mais en vertu des mêmes arguments que ceux exposés précédemment, j'en demande le retrait.
Il est défavorable, pour les raisons que j'ai déjà développées.
Le vote à main levée n'ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 166
Nombre de suffrages exprimés 150
Majorité absolue 76
Pour l'adoption 49
Contre 101
L'amendement n° 66 n'est pas adopté.
Cohérent avec l'amendement de suppression de l'article 1er , il vise à supprimer l'article 2 qui vise à instaurer une contribution directe des émetteurs de Pfas dans l'environnement, laquelle serait fléchée vers les agences de l'eau.
L'article 2 tend à instaurer une redevance pour pollution de l'eau, qui serait reçue par les agences de l'eau et qui pèserait sur les comptes des entreprises rejetant des Pfas. La création d'une nouvelle recette au profit des agences de l'eau reviendrait donc à l'application aux entreprises d'un impôt déguisé, qui serait directement fléché vers les caisses de l'État, sans bénéfice pour l'environnement.
En effet, le système de plafond mordant impose déjà aux agences de l'eau une limitation à 2 183 millions d'euros de leurs recettes annuelles de 2023 et de 2024. D'après le jaune budgétaire de ces agences dans le projet de loi de finance 2023, « l'écrêtement s'établit ainsi à 22,37 millions d'euros en 2021 et concerne les agences Adour-Garonne, Artois-Picardie, Rhin-Meuse et Loire-Bretagne. Les recettes perçues par les agences Rhône-Méditerranée-Corse et Seine-Normandie n'ont pas atteint leurs plafonds individuels et n'occasionnent donc pas d'écrêtement pour ces deux dernières agences. »
Mon amendement est évidemment un amendement d'appel, puisque la question de la dépollution et de son financement se pose.
Un amendement d'appel qui prend la forme d'un amendement de suppression, ça ne manque pas de sel !
Permettez-moi d'abord que le seuil de perception de la redevance est fixé à 100 grammes et que son taux atteindrait 100 euros pour 100 grammes. Dans le cadre des auditions préparatoires, les représentants du ministère de la transition écologique nous ont assuré qu'une dizaine de sites seulement rejetaient plus d'un kilogramme de Pfas par an, chiffre en fonction duquel nous avons calibré le seuil évoqué.
Cette redevance concernera d'abord les producteurs de Pfas, qui ne sont pas des très petites, petites et moyennes entreprises (TPE et PME). Il est au contraire question de grands groupes, dont le chiffre d'affaires ou les bénéfices peuvent atteindre plusieurs milliards d'euros.
Le principe de pollueur-payeur doit s'appliquer à ces industriels. S'il n'était pas prévu et si des polluants éternels étaient détectés dans l'eau potable ou si des communes constataient le dépassement des seuils réglementaires de pollution sur leur territoire, le coût de la dépollution serait imputé aux contribuables. Les pollutions anciennes de plusieurs décennies ne doivent pas être traitées par la mobilisation d'argent public : les contribuables et les usagers de l'eau n'ont pas à payer leur dépollution, contrairement aux industriels.
Notre article ne cible que les grands groupes et je vous assure que la redevance que nous proposons demeure raisonnable. Le supprimer reviendrait à faire peser le coût de la dépollution sur les consommateurs d'eau et à exonérer les industriels responsables de toute participation à son financement. Mon avis est donc très défavorable.
Par cohérence, notre avis est favorable. Lors de la discussion générale, Anne-Cécile Violland a demandé un engagement ferme sur les moyens de financement consacrés à la dépollution ; elle soulevait une question importante et je profite de ma prise de parole pour y répondre.
Pour dépolluer les nappes phréatiques présentant une concentration en Pfas supérieure aux seuils fixés, quelqu'un devra nécessairement payer, et rien ne justifierait que les collectivités territoriales seules s'acquittent de ce financement.
L'article 2 n'apporte pas une réponse satisfaisante à l'enjeu du financement. Plusieurs options s'offrent à nous pour soutenir les investissements prévus par les collectivités afin de dépolluer l'eau potable, la première étant la redevance inscrite dans la proposition de loi. Or cette solution n'est pas opérationnelle, puisqu'elle vise à accompagner la réduction des émissions de Pfas par les industriels eux-mêmes : l'assiette de la redevance étant déterminée par des émissions de Pfas, la diminution de celles-ci réduira mécaniquement le montant de la redevance, jusqu'à tarir les ressources permettant de dépolluer les nappes phréatiques.
L'autre proposition serait de créer une taxe Pfas qui constituerait un impôt de production d'un montant significatif, supporté par les industriels d'aujourd'hui pour financer la dépollution de la production passée, qui n'a d'ailleurs pas toujours de rapport direct avec l'industrie. Certaines zones sont ainsi particulièrement polluées du fait de leur proximité avec des aéroports dans lesquels des mousses anti-incendie ont été utilisées. Alors qu'il ne s'agit donc pas toujours de rejets industriels, une taxe à la production viserait paradoxalement les seuls industriels.
Il reste deux options, que nous sommes prêts à étudier dans le cadre du projet de loi de finances, et que je m'engage à discuter avec vous. La première est de relever le plafond des agences de l'eau, afin de soutenir les investissements des collectivités. Oui, monsieur le rapporteur, c'est un coût pour les consommateurs mais c'est au fond un coût pour la nation qui doit prendre à sa charge la dépollution des activités d'hier – qui à l'époque étaient autorisées. Rappelons-le : les acteurs économiques ont respecté la loi pendant des décennies, il serait trop simple d'en faire les méchants de l'histoire.
La responsabilité collective de réparer les pollutions passées ne peut être portée que par le consommateur, en relevant le plafond des agences de l'eau, ou par le contribuable, en créant une charge budgétaire nouvelle. Certains parlementaires ont ainsi envisagé la création par le PLF d'un fonds Bleu, qui soutiendra les investissements des collectivités sur le modèle du fonds Vert. À ce jour, aucune de ces options n'a fait l'objet d'un arbitrage et nous sommes prêts à en discuter. En attendant, je répète que les propositions qui figurent dans la proposition de loi sont au mieux inefficaces, au pire contre-productives. Avis favorable.
Certes !
Vous ne pouvez pas dire que les industriels ont respecté la loi et ignoraient la situation alors que le problème des Pfas est connu depuis des années. On continue à rejeter du PFOA – acide perfluorooctanoïque –, alors qu'il est interdit depuis 2020. On continue à rejeter du Pfos – acide perfluorooctanesulfonique –, alors que son utilisation est réglementée depuis 2009. On continue de fabriquer de nouveaux polluants : je vous ai parlé ce matin du bisphénol A fluoré. Il est donc normal, en application du principe pollueur-payeur, que les industriels participent à la dépollution.
Pour certains d'entre eux, la charge sera d'ailleurs indolore, alors qu'elle serait lourde à porter pour les collectivités. Ce n'est donc pas aux contribuables ni aux collectivités de payer, mais bien aux industriels : ce qu'ils ont abîmé, ils doivent le réparer.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES et sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et GDR – NUPES.
Nous sommes opposés non à l'application du principe pollueur-payeur mais à la création d'une taxe dont les produits iraient alimenter directement les caisses de l'État, comme je l'ai déjà expliqué à propos du plafond mordant des agences de l'eau. Si les amendements de suppression ne sont pas votés, un amendement ultérieur viendra préciser nos propositions. Enfin, je note que le Gouvernement a donné un avis favorable aux amendements de Mme Ménard et de mon collègue Meurin : je vous remercie, monsieur le ministre, pour cette évolution positive.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Le principe pollueur-payeur, monsieur Fournier, n'induit pas que les pollueurs d'aujourd'hui paient pour les pollueurs d'hier.
Il faut financer la dépollution d'activités naguère autorisées, pas toujours industrielles. Je reconnais qu'il n'est pas simple de trouver une solution, mais vouloir que les utilisateurs des Pfas de demain paient pour ceux des Pfas d'hier, de surcroît avec une redevance qui a vocation à s'éteindre car nous travaillons collectivement à la réduction des émissions, est une solution vraiment kafkaïenne. Il faudra en imaginer d'autres ensemble et j'espère que nous trouverons un consensus, mais je le répète : vos propositions sont contre-productives.
Monsieur le ministre, la redevance ne vise pas la pollution historique mais taxerait les entreprises sur la base du volume de leur rejet actuel des Pfas dans l'environnement. Chers collègues, ayez conscience que quel que soit le sort de la proposition de loi, la détection des polluants éternels dans l'eau sera rendue obligatoire par l'Union européenne en 2026. Or l'expérience des États-Unis est riche d'enseignements : la dépollution, quelle que soit la technique utilisée – charbon actif ou osmose inversée – coûte extrêmement cher. Pour une grande collectivité, telle qu'une métropole, le coût est déjà difficile à supporter. Pour les communes petites ou moyennes, la charge sera insurmontable et certaines connaîtront d'immenses difficultés.
Les industriels présents dans les territoires et qui rejettent actuellement des Pfas dans l'environnement doivent participer à une partie du financement de la dépollution, qui ne doit pas reposer intégralement sur les consommateurs, déjà touchés quand ils habitent près des usines et en subissent les désagréments. La contribution du secteur privé est parfaitement acceptable, d'autant que le niveau de la taxe est tout à fait raisonnable. Pensez donc aux petites collectivités qui seront devant un mur en 2026 !
Le débat est important et mérite de la précision. J'ai entendu dire que seules les grandes entreprises paieront. Non, toutes les entreprises – petites, moyennes, grandes – qui rejettent des Pfas paieront !
Vous voulez taxer les flux futurs, les émissions de Pfas à venir. Je vais vous donner un exemple très concret, au risque de rouvrir le débat de ce matin : l'usine Seb de Rumilly émet des Pfas, dont vous voulez réduire l'émission qui sera taxée.
Le député Ruffin nous l'a suffisamment rappelé ce matin : un certain nombre de sites industriels ont fermé en France ces dernières années. Juste à côté de Seb, se trouvait une usine de skis qui émettait des Pfas. Celle-ci a fermé et donc vous allez faire payer à Seb les émissions passées : c'est mécanique !
Quand vous financez la dépollution de la production passée par des usines actuelles, vous n'appliquez pas le principe pollueur-payeur, mais le principe suivant : les producteurs de demain, aussi vertueux soient-ils, paieront pour les pollueurs d'hier. Je le répète, monsieur le rapporteur : nous souhaitons trouver des solutions efficaces pour que la dépollution n'incombe pas aux communes. Nous sommes d'accord sur ce point.
Si, je vous en ai donné deux !
Mais qu'est-ce que l'argent public ? C'est l'argent de la France…
Mais oui, exactement ! On doit payer ensemble la dépollution du passé et nous avons plusieurs moyens de le faire.
Vous dites : les industriels, tous les industriels, rien que les industriels. Pour ma part, je pense que le fardeau doit être partagé entre les consommateurs et les contribuables.
On peut ne pas être d'accord, mais ne donnons pas l'impression que l'argent des industriels tombe du ciel et que mettre à contribution les Français serait une spoliation du bien collectif…
Si vous continuez à m'invectiver de cette façon, je vais aller faire autre chose et vous n'aurez pas de réponse du Gouvernement !
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
C'est ce que vous voulez ? Jusqu'à présent, nous avons eu des discussions de fond, à peu près acceptables. Si vous préférez que je me contente de donner l'avis du Gouvernement, je le ferai. Croyez-vous que le débat parlementaire en sera enrichi ? Avis favorable aux amendements de suppression.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 189
Nombre de suffrages exprimés 184
Majorité absolue 93
Pour l'adoption 27
Contre 157
Monsieur le ministre, vous avez besoin d'un soutien plus fort de la majorité. Sur le scrutin précédent, seuls les groupes Rassemblement national et Les Républicains ont suivi votre avis, c'est quand même surprenant ! Cet amendement propose une solution alternative à la rédaction actuelle de l'article 2. Il vise à diriger les recettes des redevances des entreprises qui rejettent des Pfas, non vers les agences de l'eau – c'est-à-dire finalement vers le budget de l'État –, mais vers l'Office français de la biodiversité, afin de bénéficier plus directement à la défense de l'environnement.
Même avis.
Notre groupe a voté contre les amendements de suppression mais nous nous abstiendrons sur le vote de l'article 2. La question de la redevance est importante dans ce débat. Je rejoins M. le ministre sur plusieurs points. Premièrement, la question relève du PLF. Deuxièmement, le sujet de la qualité de l'eau est beaucoup plus large que le seul sujet des Pfas et ne peut se résoudre que par la seule redevance sur les entreprises polluantes. Il faut aborder le sujet d'une manière beaucoup plus globale. Nous l'avons déjà dit en commission : nous ne voulons pas voter contre la redevance car nous approuvons le principe qui veut que les entreprises polluantes contribuent à la dépollution de l'eau, mais nous ne voterons pas pour l'article 2 pour les raisons que je viens d'exposer.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 178
Nombre de suffrages exprimés 178
Majorité absolue 90
Pour l'adoption 24
Contre 154
L'amendement n° 72 n'est pas adopté.
Cet amendement exprime notre préoccupation pour les pollutions passées et à venir. Les autorités organisatrices de la dépollution vont devoir chiffrer, planifier et engager chaque année des moyens pour faire face à de hauts niveaux de pollution. Les recettes que vous proposez, monsieur le rapporteur, portent sur les rejets à venir et donc sur le financement des dépollutions à venir.
C'est pourquoi, afin que les usagers domestiques de l'eau du robinet ne soient pas les seuls à supporter la charge des dépollutions à venir – qui vont durer quelques décennies – et afin qu'un fonds Pfas puisse être financé durablement, nous proposons une redevance qui s'appliquerait uniquement aux industries classées comme productrices de Pfas, sur les mètres cubes réellement consommés, prélevés et rejetés dans les milieux naturels. Pour les entreprises comme pour toutes les personnes morales, les charges relatives à l'eau et les redevances y afférentes sont déductibles du résultat fiscal et permettent de réduire le montant du bénéfice imposable au titre de l'impôt sur les sociétés. La redevance proposée ne pénalisera donc en rien les entreprises qu'elle concernera.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LI – NUPES.
Vous souhaitez faire peser une redevance sur les entreprises qui ont émis des Pfas dans le passé et ont ainsi pollué l'environnement. Néanmoins, dans l'exposé des motifs, vous mentionnez la production actuelle de Pfas par certaines entreprises. Je ne saurais dire si vous visez de fait la production passée pour internaliser la pollution historique, ou bien le flux de pollution.
Dans tous les cas, il paraît difficile, à ce stade, d'évaluer rapidement le coût de la dépollution pour fixer le barème de la redevance.
Je défends plutôt l'article 2 dans sa version actuelle – à l'exception d'un aménagement que je proposerai à l'amendement n° 77 –, avec une redevance au tarif ambitieux, calculée en fonction des rejets annuels de Pfas opérés par ceux dont l'activité n'est pas assimilable à une activité domestique. C'est pourquoi je vous invite à retirer votre amendement ; à défaut, j'émets un avis défavorable.
Même avis.
L'amendement n° 120 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je vous informe que je suis saisie de plusieurs demandes de scrutin public : sur l'amendement n° 22 par le groupe Rassemblement national et sur l'article 2 par le groupe Écologiste – NUPES.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je suis saisie de deux amendements identiques, n° 77 et 117 .
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 77 .
Il apporte une clarification : les personnes qui devront s'acquitter de la redevance pour pollution de l'eau sont celles qui exploitent une installation classée pour la protection de l'environnement soumise à autorisation. Le périmètre est ainsi plus précis. Cet amendement permet, en outre, de répondre aux remarques de M. le ministre. En effet, les personnes ou les entreprises les plus susceptibles de rejeter de telles substances directement dans le milieu naturel ou par l'intermédiaire d'un réseau de collecte sont des installations classées, notamment celles qui produisent lesdites substances.
Le présent amendement permet également de s'assurer que certains services publics – notamment les pompiers – ne seront pas ciblés par la redevance.
La parole est à M. Cyrille Isaac-Sibille, pour soutenir l'amendement n° 117 .
J'avais défendu un amendement similaire en commission, qui avait reçu un avis défavorable. Il a depuis été retravaillé, en lien avec le rapporteur. En effet, dans la rédaction initiale du texte, toute personne utilisant ou rejetant des Pfas était soumise à la redevance. Or qui répand des Pfas dans les milieux naturels ? Ce sont les industriels, bien sûr, mais aussi les agriculteurs – certains produits phytosanitaires sont des Pfas – et les pompiers. Là est toute la subtilité. Est-il normal de les faire payer ? Le service départemental d'incendie et de secours (Sdis), qui utilise à bon escient les Pfas, doit-il être soumis à la redevance ? Non. Je l'avais signalé au rapporteur en commission, car je pense qu'il convient d'exempter de redevance tant les pompiers que les agriculteurs.
J'imagine, monsieur le rapporteur, que vous êtes favorable à cet amendement, identique au vôtre.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Pour information, j'émettrai un avis défavorable à tous les amendements déposés sur l'article 2. J'ai déjà expliqué les raisons pour lesquelles le Gouvernement est favorable à un débat en projet de loi de finances sur le financement de ces activités.
La parole est à M. Antoine Villedieu, pour soutenir l'amendement n° 22 .
Seuls les rejets nets de Pfas ou intentionnellement ajoutées dans le milieu naturel par les industriels doivent faire l'objet d'une redevance. Dans le cas de l'eau utilisée par les industriels, il conviendrait de mesurer la quantité de Pfas à l'entrée et à la sortie de l'usine, afin de déterminer ce qui est concrètement rejeté dans le milieu naturel par l'industriel.
Vous avez souligné en commission qu'il serait difficile de connaître le taux de Pfas à l'entrée de l'usine : toutefois, il est possible d'utiliser les mêmes méthodes de calcul et de mesure à l'entrée et à la sortie. Surtout, il est souhaitable de ne prendre en compte que les rejets nets de l'industriel, afin que le principe du pollueur-payeur s'applique de manière claire.
Les dispositions de l'article L. 213-10-2 du code de l'environnement actuellement en vigueur, qui s'appliqueront à la redevance nouvellement créée par l'article 2, satisfont votre amendement. En effet, l'industriel peut déjà demander que le suivi des rejets ait pour objet de mesurer « la pollution annuelle ajoutée par l'activité ». Avis défavorable.
Même avis.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 160
Nombre de suffrages exprimés 159
Majorité absolue 80
Pour l'adoption 19
Contre 140
L'amendement n° 22 n'est pas adopté.
L'amendement n° 76 , repoussé par le Gouvernement, est adopté.
Cet amendement précise que, pour des raisons évidentes d'équité, seuls sont pris en compte dans le calcul de la redevance pour l'eau potable les Pfas ajoutées intentionnellement dans le milieu et non l'ensemble des rejets, afin d'en exclure les pollutions historiques générées en amont, qui ne sont pas imputables aux industriels.
Plutôt que de fixer, dans la loi, le taux de la redevance à 100 euros par cent grammes, cet amendement propose que son montant soit décidé par décret.
Avis défavorable. Vous proposez de renvoyer la fixation du taux de la redevance à un décret. Pourquoi refuser d'inscrire directement ce taux dans la loi, en prenant le risque que le décret ne soit publié qu'après un certain délai ? À l'issue des auditions de plusieurs ministères notamment, nous disposons des informations nécessaires pour fixer un taux juste. Il est donc de notre responsabilité de prendre cette décision dès aujourd'hui.
Même avis.
La raison pour laquelle nous pensons qu'il n'est pas judicieux de fixer dès à présent le tarif de la redevance à 100 euros par cent grammes est que, dans la version originale du texte, celui-ci était de 1 000 euros par kilogramme. La fixation du tarif peut évoluer, à la hausse comme à la baisse, et il peut y avoir débat sur le sujet. Il ne nous semble pas utile de l'inscrire dans la loi, ce tarif pouvant être décidé ultérieurement par décret.
L'amendement n° 71 n'est pas adopté.
Il me donne l'occasion d'évoquer le rapport d'information de nos collègues Yannick Haury et Vincent Descoeur sur l'adaptation de la politique de l'eau au défi climatique, dont l'une des recommandations était d'élargir l'assiette de la redevance pour pollutions diffuses de l'eau aux Pfas. Le sujet a été largement évoqué, mais il était important de le citer. Je retire mon amendement.
L'amendement n° 12 est retiré.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 174
Nombre de suffrages exprimés 152
Majorité absolue 77
Pour l'adoption 117
Contre 35
L'article 2 est adopté.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Par cet amendement, nous demandons aux agences régionales de santé (ARS) de présenter, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi, le niveau d'exposition de la population aux Pfas.
Ces niveaux d'exposition revêtent plusieurs paramètres : tout d'abord, pour le renforcement de la transparence au niveau local sur les niveaux de contamination, le Gouvernement prévoit le déploiement d'une cartographie qui rassemblerait les données sur les sites producteurs, émetteurs et utilisateurs de Pfas, ainsi qu'une surveillance des milieux ; ensuite, concernant les données sur l'exposition interne des populations locales aux Pfas, il est difficile de produire des chiffres dans les délais impartis.
Toutefois, en cohérence avec la préoccupation légitime de la population en matière de sécurité de l'eau, cet amendement tend à ce que les ARS rendent public leur programme d'analyses. Il prévoit également que le ministère chargé de la santé et de la prévention réalise un bilan annuel spécifique sur les Pfas.
Il faut que tout le monde prenne bien conscience de l'importance de ce sujet ; les acteurs industriels l'ont fait, mais je ne sais pas sûr que ce soit le cas de nos concitoyens. La transparence de l'information est importante à cet égard, tant au niveau régional que national, pour suivre les pollutions aux pfas.
J'approuve votre proposition de rédaction de l'article 2 bis, qui viendrait se substituer à la version du texte soumise à votre examen. Il me semble en effet davantage opportun d'inscrire dans la loi une obligation pour les agences régionales de santé de publier les résultats des analyses de détection et de quantification des Pfas dans l'eau potable et de publier, en amont, leur programme d'analyses. Dans un souci de transparence, une telle mesure serait la bienvenue. Avis favorable.
Même avis.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 177
Nombre de suffrages exprimés 177
Majorité absolue 89
Pour l'adoption 164
Contre 13
L'objectif est de demander au Gouvernement de remettre un rapport présentant l'état des données disponibles en matière d'exposition de la population aux Pfas, afin que les collectivités puissent en disposer ou, si elles sont manquantes, les coconstruire avec les services déconcentrés de l'État. Cela leur permettrait de déterminer ensuite les leviers à actionner dans les territoires au bénéfice des populations.
Si je comprends votre demande, je ne souhaite pas que nous multiplions les demandes de rapport. Avis défavorable.
L'amendement n° 35 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Antoine Villedieu, pour soutenir l'amendement n° 26 .
Par cet amendement, nous demandons un rapport visant à identifier les populations les plus exposées aux risques de contamination aux Pfas. Le nombre de Pfas existantes est tel qu'il est impossible pour les laboratoires de tous les connaître. De ce fait, il est également difficile pour les autorités sanitaires de mesurer les impacts réels de ces substances sur la santé des populations. Cette demande de rapport vise donc à déterminer quelles sont les substances les plus à risques en fonction de la population considérée et quelles populations devraient être étudiées en priorité.
L'amendement n° 26 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Antoine Villedieu, pour soutenir l'amendement n° 25 .
Il s'agit d'évaluer dans un rapport les coûts de dépollution des espaces contaminés par les Pfas. Différentes techniques de dépollution sont connues – le charbon actif, l'osmose inverse. Au-delà des coûts économiques et énergétiques qu'elles engendrent, elles sont parfois difficiles à appliquer techniquement. Les coûts de dépollution risquent d'être repercutés sur le tarif de l'eau et donc sur la facture des ménages. Avant d'engager de tels frais, il convient donc d'identifier des solutions de financement.
L'amendement n° 25 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Antoine Villedieu, pour soutenir l'amendement n° 24 .
Bien que les sites industriels soient identifiés comme contributeurs aux rejets des Pfas dans les milieux naturels, l'usage domestique de certains appareils peut également contribuer à cette pollution. C'est notamment le cas des machines à laver le linge, qui rejettent des Pfas dans les eaux usées quand les vêtements en contiennent. Plusieurs méthodes de filtrage existent pour dépolluer les eaux. Nous devons étudier l'adaptation de ces technologies pour une utilisation à plus grande échelle. Cette proposition est calquée sur les dispositions de la loi dite Agec – loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire – qui impose aux industriels la mise en place de filtres à microplastiques sur certains appareils à compter de 2025.
L'amendement n° 24 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Par cet amendement, nous proposons que dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remette au Parlement un rapport portant sur l'incinération des produits contenant des Pfas, qui étudie notamment les pistes envisagées pour les détruire. Je le rappelle, lors d'une récente audition de la commission des affaires européennes, l'Igedd a préconisé, afin de garantir leur destruction, un seuil de 1350 degrés pour l'incinération. Enfin, les autorités organisatrices des services d'eau et d'assainissement font minéraliser en Belgique les concentrats présentant de hauts niveaux de Pfas. Il serait intéressant de disposer d'un rapport gouvernemental pour ouvrir des pistes de travail afin de les traiter en France.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Je partage l'intention qui a présidé à la rédaction de l'amendement. Toutefois, j'émettrai un avis défavorable car, dans le cadre de la navette parlementaire, je ne souhaite pas alourdir cette proposition d'un article additionnel. Demande de retrait ou défavorable.
Même avis.
L'amendement n° 67 n'est pas adopté.
J'avais déposé un amendement relatif au financement de la dépollution. Je profite de l'examen de l'article 3 pour poser la question du financement – qui sera plus importante qu'on ne le croit. Monsieur le ministre, vous nous avez répondu qu'elle pourrait être examinée dans le cadre d'un plan. Si, pour les pollutions futures, nous pouvons appliquer le principe du pollueur-payeur, qu'en est-il des pollutions historiques ? Comment traiter les conséquences de décennies de rejets ?
Les avis de la NUPES sont très changeants. Monsieur le rapporteur, l'article 2 fait payer les rejets – je suis d'accord, vous m'avez rejoint sur ce point –, mais je souhaiterais les stopper et supprimer la redevance. L'accès à une eau saine préoccupe des centaines de milliers de nos concitoyens. Comment leur garantir qu'elle le soit, et comment financer les équipements permettant de la dépolluer ? Nous avons beaucoup discuté des pollutions historiques : est-ce les producteurs d'amiante qui financent les réparations de l'amiante ?
Non, pas forcément. Monsieur Jumel, nous avons eu récemment une discussion sur le chlordécone.
Qui doit financer la dépollution pour le chlordécone ? À l'occasion de l'examen récent d'une proposition de loi, nous avons estimé que c'était à l'État de le faire. La question reste entière, monsieur le ministre : équiper les stations de prélèvement d'eau coûtera des dizaines, voire des centaines de millions d'euros.
Monsieur le ministre, comment comptez-vous financer ces équipements ? .
Madame la présidente coupe le micro de l'orateur, dont le temps de parole est écoulé
Je ne reprendrai pas les arguments de M.Isaac-Sibille – je les partage.
L'amendement qui a été retiré reflétait nos inquiétudes quant à ces pollutions, à la nécessité de dépolluer, et au financement de la dépollution – alors que les collectivités territoriales sont soumises à des charges croissantes. Monsieur le ministre, j'ai entendu votre position par rapport à la hausse des redevances pour les agences de l'eau. Je veillerai à son application. Nous pouvons tout de même conduire une étude d'impact sur la taxe que nous avons proposée – elle est juste et vient en complément de la cessation des rejets. Vous pourrez compter sur le groupe Horizons et apparentés pour travailler à vos côtés sur le prochain PLF – le projet de loi de finances.
Je vous informe que je suis saisie par le groupe Écolo – NUPES d'une demande de scrutin public sur l'ensemble de la proposition de loi. Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Le groupe Renaissance votera ce texte. Nous saluons le compromis trouvé dans cette assemblée et les échanges globalement sereins – quoique parfois houleux. Je remercie monsieur le rapporteur pour son écoute.
M. Charles Fournier applaudit.
Nous avons voté l'interdiction des Pfas dans les cosmétiques, les fart et les textiles, nous apportons aux citoyens de la transparence et de l'information, nous prévenons leur exposition aux Pfas, et nous définissons une trajectoire pour tendre vers la fin des rejets. Il nous restera à préciser, en lien avec le Gouvernement, les modalités de financement de la dépollution, et à accompagner les collectivités territoriales.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – M. Isaac-Sibille applaudit également.
Ce texte risquait de provoquer une catastrophe industrielle – je l'avais indiqué dans mon intervention lors de la discussion générale. Heureusement, collectivement, nous l'avons empêchée en supprimant l'alinéa 5 de l'article 1er .
Nous avons donc voté l'article 1er . En ce qui concerne l'article 2, j'ai exprimé les difficultés que nous posait la destination de la taxe sur les entreprises – l'argent ira directement dans les caisses de l'État. Je ne reprendrai pas les arguments développés précédemment, mais c'est un point important.
Le deuxième point concerne le montant fixe de la taxe supplémentaire – que vous appelez redevance –, qui sera déterminé par la loi si ce texte est adopté – je l'ai souligné tout à l'heure. Nous jugions préférable qu'il soit fixé par décret. Nous souhaitions que seuls les rejets nets des entreprises soient soumis à cette redevance – mon collègue Villedieu l'a rappelé. Vous nous dites que cette condition est déjà satisfaite, mais vous aviez indiqué en commission qu'il n'était pas possible d'isoler l'apport des Pfas antérieur à l'activité de l'entreprise – nous sommes toujours suspicieux à cet égard.
Je remercie de nouveau monsieur le ministre d'avoir donné des avis favorables à certains des amendements du groupe Rassemblement national. Des efforts sont encore nécessaires pour que votre majorité suive vos avis quand ils sont favorables à des amendements de mon groupe, mais nous avançons – peut-être que d'ici quelques mois, nous aurons bien avancé. Si cette proposition ne nous donne pas entière satisfaction, elle n'est pas aussi catastrophique qu'elle aurait pu l'être. Mon groupe s'abstiendra donc.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Les discussions sur ce texte visant à éliminer les Pfas – qui est aussi un texte d'appel très intéressant et utile – ont été très riches. Nous sommes tous attachés à la défense de la santé mais aussi à celle de l'emploi et de l'économie nationale. Le texte a été amélioré, toutefois, il n'est pas satisfaisant. Nous nous abstiendrons.
Nous arrivons au terme de l'examen de ce texte, qui reprend en partie le contenu de la feuille de route que j'avais rédigée à la suite de mon rapport, notamment la cessation des rejets – je vous en remercie. La question du financement des équipements pour dépolluer l'eau est posée.
En ce qui concerne les usages, nous envoyons à l'Europe le message que la France souhaite une restriction du règlement Reach – enregistrement, évaluation, autorisation des substances chimiques et restrictions applicables à ces substances. Ce n'est qu'un début.
Nous allons beaucoup parler à la prochaine niche du groupe Démocrates !
La pollution aux Pfas demeurera un enjeu pendant plusieurs dizaines d'années. Nous devrons continuer à en éclairer les mécanismes. Nous avons posé aujourd'hui une première pierre. Grâce au rapporteur, nous sommes arrivés à un compromis acceptable – sur de nombreux aspects, pas tous. Le groupe Démocrate votera donc cette proposition de loi.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes Dem et RE.
Je salue également le travail de compromis. Ce texte constitue une première étape importante pour affirmer la nécessité de l'interdiction des Pfas. Toutefois, sur le long terme, nous devrons travailler à des mesures encore plus ambitieuses. Je tiens ces propos au titre de la présidence du groupe santé et environnement de l'Assemblée nationale – qui travaille au quotidien sur ces questions. Je salue le rapporteur et la qualité des échanges.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES et quelques bancs du groupe RE.
Enfin, je conserve une vigilance accrue sur le principe du polleur-payeur – je n'abandonnerai pas sur le financement. Merci monsieur le ministre pour les engagements pris au banc. Le groupe Horizons et apparentés votera en faveur de cette proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur quelques bancs du groupe RE.
Il y a un peu moins d'un an, j'avais présenté en commission du développement durable une proposition de loi sur les Pfas, qui avait été vidée de sa substance par la majorité de l'époque. J'alertais alors sur la nécessité de légiférer – faute de quoi les citoyens, les associations environnementales et les médias prendraient en charge ce dossier. C'est ce qu'il s'est passé. Il s'est ensuivi le plan d'action du Gouvernement et le rapport que Cyrille Isaac-Sibille a remis au Gouvernement. Je remercie Nicolas Thierry d'avoir préparé cette proposition de loi plus ambitieuse, qui comporte certaines innovations. Si nous regrettons qu'elle ait été vidée de sa substance sur certains aspects, c'est une première pierre. Je regrette que le Gouvernement ait envoyé le ministre de l'industrie et de l'énergie sur un sujet aussi important– c'est un mauvais signal.
C'est presque insultant !
Nous aurions préféré que le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires soit présent. Cela aurait été logique puisqu'il défend le plan d'action sur les Pfas.
Nous le lui dirons !
C'est la preuve que le Gouvernement n'a pas encore pleinement saisi l'intérêt de lutter contre les Pfas, ce qui me préoccupe. .
M. Inaki Echaniz applaudit
Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT, LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
L'article 3 est adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 213
Nombre de suffrages exprimés 186
Majorité absolue 94
Pour l'adoption 186
Contre 0
La proposition de loi est adoptée.
Les députés des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES se lèvent pour applaudir. – Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT. – Mme Anne-Cécile Violland applaudit également.
Chers collègues, le texte que nous venons d'adopter est un premier jalon dans la lutte contre les polluants éternels. Nous avons envoyé un message fort et pris une décision d'importance sur le principe du pollueur-payeur.
Je regrette néanmoins que le lobby grossier d'un industriel ait pu trouver un écho auprès de députés de la majorité, de la droite et de l'extrême droite.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Je retiendrai toutefois les points positifs. Pour la première fois, l'Assemblée nationale adopte un texte pour lutter contre le fléau que constituent les polluants éternels. C'est une avancée majeure dont nous pouvons tous être fiers.
Je me tournerai d'abord vers l'ensemble des personnes qui nous observent, parce qu'elles sont engagées d'une manière ou d'une autre dans cette lutte.
Je pense avant tout aux victimes des Pfas, les salariés de sites du Rhône ou d'ailleurs dont le sang contient ces substances dans des proportions alarmantes.
Je pense à l'ensemble des associations mobilisées : à Générations futures, pour sa précieuse expertise, à Notre Affaire à tous pour son engagement politique sur le terrain juridique ,
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES
à Bien vivre à Pierre-Bénite, à Ozon l'eau saine et Pfas contre terre, qui luttent contre la contamination massive de leurs territoires.
Je pense à ces chercheurs déterminés à faire peser la science et uniquement la science dans le débat public.
Mme Cyrielle Chatelain applaudit.
J'aurai un mot particulier pour l'infatigable Pierre Labadie, directeur de recherche au CNRS.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES et sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Je pense également aux journalistes d'investigation qui documentent minutieusement la contamination aux polluants éternels en France et en Europe.
Je pense, bien sûr, aux activistes, Camille Étienne notamment ,
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES et sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et GDR – NUPES
et salue leur dévouement au service des générations futures et de l'intérêt général. Je sais que certains sont présents dans les tribunes.
Je terminerai en remerciant les administrateurs de la commission qui m'ont accompagné dans ce parcours législatif, en particulier Olivia Sanson.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Comptez sur nous : dès demain, nous serons à nouveau au travail pour lutter contre la civilisation des toxiques !
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES et sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-sept heures trente, est reprise à dix-sept heures trente-cinq.
La parole est à Mme Marie Pochon, rapporteure de la commission des affaires économiques.
« Nous avons fait en un mois ce qu'on fait d'habitude en trois ans » a déclaré le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, Marc Fesneau, le 26 mars au moment d'entériner la révision de la politique agricole commune (PAC). Il aura donc fallu un petit mois aux différents ministres de l'agriculture européens pour s'accorder sur un détricotage du peu de mesures environnementales que contenait la PAC ; un mois pour sacrifier la capacité de nos agriculteurs à produire demain ; un mois pour sacrifier notre capacité à nous adapter à l'impact croissant des dérèglements climatiques.
Les agriculteurs estiment pour leur part en grande majorité que la transition écologique est une nécessité. Ils n'en sont que trop conscients, eux qui doivent désormais naviguer à vue entre sécheresses, records de chaleur, floraisons avancées et pluies torrentielles. Rappelons que ce mois de mars aura été le vingt-sixième mois consécutif où les températures ont été supérieures aux normes saisonnières, soit le double du précédent record.
Puisqu'il est possible pour le ministre de l'agriculture de déplacer des montagnes quand le sujet semble digne d'intérêt au Gouvernement, pourquoi la même énergie et la même volonté n'ont-elles pas été déployées pour apporter une réponse à la question des revenus agricoles ? Pourquoi, après les plus grandes mobilisations agricoles qu'ont connues ces trente dernières années notre pays et notre continent, n'a-t-on constaté que reculs environnementaux et mesures de trésorerie ?
Partout dans le pays, les agriculteurs et les agricultrices, parfois au prix de leur vie, ont bloqué les routes de France avec un slogan ô combien révélateur : « Agriculteur : enfant, on en rêve ; adulte, on en crève ». Le constat est aussi simple qu'implacable : beaucoup trop d'agriculteurs ne peuvent vivre de leur travail.
Nous, députés du groupe Écologiste, n'avons qu'un seul jour par an pour soumettre des textes à cette assemblée. Nous avons décidé – et je remercie mon groupe pour cela – de consacrer notre niche à tenter de déplacer cette montagne-là, à travers une proposition de loi destinée à assurer des prix rémunérateurs aux agriculteurs.
Elle est digne d'intérêt et nous essaierons, en espérant que nos efforts ne seront pas vains, de vous en convaincre. Toutefois, elle est plus que cela : elle est fondamentale et centrale pour les débats sur la souveraineté alimentaire et sur le renouvellement des générations agricoles. Rappelons que 200 000 agriculteurs, soit la moitié d'entre eux, seront en âge de partir à la retraite d'ici à 2030. Comment s'installer quand le risque de vivre sous le seuil de pauvreté est de l'ordre d'un sur cinq ?
Elle est aussi fondamentale et centrale pour la transition écologique que l'effondrement des populations d'oiseaux et d'insectes et les changements climatiques nous commandent d'opérer. Comment assurer les conditions nécessaires pour cultiver, produire et nourrir les gens demain sans garantir un revenu à ceux qui se consacrent à ces tâches ?
Enfin, elle est fondamentale et centrale pour la vie dans nos territoires. Vous comme moi vous rendez dans des communes où il ne reste parfois qu'un ou deux agriculteurs quand elles en comptaient dix ou quinze dans les années 1990. Les fermes disparaissent, avalées par la course à l'agrandissement et à l'endettement. Ce n'est pas seulement le monde agricole qui se meurt mais le monde rural dans son entier. Nos villages se vident, les classes ferment, les bureaux de poste s'éloignent. Comment leur redonner vie et espoir ?
C'est à ces questions que nous avons souhaité répondre, de manière structurelle et précise, car la colère et la détresse demeurent et ce que M. le ministre de l'agriculture a fait en un mois n'a pas permis de les apaiser.
L'article 1er de cette proposition de loi vise à protéger le revenu des agriculteurs en confiant aux conférences publiques de filière le soin de déterminer, par le dialogue, un prix minimal d'achat des produits agricoles qui ne puisse être inférieur aux coûts de production dans chaque filière, en prenant en compte la nécessité de dégager un revenu d'au moins deux Smic.
C'est une petite révolution que l'intégration obligatoire d'un revenu digne dans la constitution de ces prix. C'est une considération nouvelle que d'inscrire dans la loi le principe selon lequel les fruits du travail agricole méritent non pas subvention mais rémunération juste.
Il y a un mois, le Président de la République affirmait : « Il y aura un prix minimum, un prix plancher en dessous duquel le transformateur ne peut pas acheter et en dessous duquel le distributeur ne peut pas vendre. » Ces prix rémunérateurs garantiront à nos agriculteurs qu'ils n'auront plus à brader le fruit de leur travail en dessous des coûts de revient. Ils constituent un filet de sécurité leur apportant visibilité et stabilité dans un contexte qui associe une forte volatilité des prix des produits agricoles à un déséquilibre accru du rapport de forces dans les négociations commerciales.
Ce mécanisme répond désormais à une promesse du chef de l'État. Que l'on en soit heureux ou pas – et cela m'arrive souvent de ne pas l'être, je vous rassure –, sa parole publique compte, bien plus, elle engage.
L'article 2 crée un fonds dédié à la transition agroécologique des exploitations agricoles. Actuellement, les coûts et risques liés aux changements de pratiques sont encore supportés dans une trop large proportion par les seuls agriculteurs alors que les coûts de dépollution et de prise en charge sanitaire appellent une contribution de la puissance publique et que les bénéfices de la transition profitent à la société tout entière.
Investir maintenant dans la transition des exploitations, c'est favoriser leur rentabilité future et faciliter les économies d'argent public. En dix ans, les aides de crise sont passées de 100 millions à plus de 2 milliards d'euros. Elles ne sont satisfaisantes pour personne : ni pour la puissance publique, ni pour les agriculteurs qui préféreraient vivre du fruit de leur travail. Nous continuerons de perdre des milliards si nous n'adaptons pas nos pratiques pour les rendre plus économes, autonomes et résilientes.
Comme la transition profite à tous les acteurs de la chaîne, il n'y a pas de raison pour que les agriculteurs et les citoyens soient les seuls à contribuer. Il est normal que les entreprises prennent part à cet effort, d'autant que leurs profits explosent, passant de 3 milliards à 7 milliards l'an dernier. Il est juste qu'une partie de ces superprofits aille aux agriculteurs.
C'est pourquoi nous proposons à l'article 3 que ce fonds soit financé par une taxation sur les superprofits des industries agroalimentaires, phytosanitaires et de la grande distribution.
Le 23 janvier, nous dénoncions dans cet hémicycle l'incohérence consistant à demander à l'agriculture française d'être à la fois vertueuse, pourvoyeuse d'emplois de qualité et toujours plus compétitive face aux fermes-usines du reste du monde. Nous nous sommes toutes et tous, dans tous les groupes, indignés du mal-être des agriculteurs, qui les expose à un risque de décès par suicide de 43 % supérieur à celui observé dans la population générale.
Nous avons tous condamné ici l'insuffisant partage de la valeur et l'indécence d'un système qui permet à quelques industriels de doubler leurs profits en un an tout en laissant un Français sur cinq ne pas manger à sa faim et 18 % des agriculteurs vivre sous le seuil de pauvreté.
Nous avons dénoncé, tous, je dis bien tous, la fragilisation des revenus agricoles en dépit d'une productivité en hausse. En trente ans, le revenu net de la branche agricole a diminué de 40 % en euros constants tandis que 10 % des agriculteurs ont des revenus négatifs, ce qui signifie que c'est souvent le salaire du conjoint qui fait vivre la famille.
Nous avons enfin, toutes et tous, affirmé notre fierté et notre attachement à notre agriculture, à notre souveraineté agricole et alimentaire.
L'engagement que nous avons toutes et tous manifesté en ce début d'année sur les barrages, dans les fermes, aux côtés des agriculteurs, parfois même sur une botte de paille ou à l'ouverture du Salon de l'agriculture, j'aimerais, chers collègues, même si les médias n'y font plus trop attention, que vous vous en souveniez aujourd'hui.
Je regarde mes collègues qui travaillent sur ces questions, sur tous les bancs de notre assemblée.
Je sais que ce sujet n'est anodin pour aucun d'entre vous : comme moi, vous avez notre agriculture dans le sang. Chaque suicide, chaque terre avalée, chaque abandon apparaît comme un nouveau symptôme de l'impuissance du politique. Je sais aussi qu'une mission parlementaire a été constituée. Elle auditionne beaucoup de monde et prépare la quatrième loi Egalim après les trois premières – loi Egalim 1 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous ; loi Egalim 2 visant à protéger la rémunération des agriculteurs ; loi Egalim 3 tendant à renforcer l'équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs.
Je sais que ses membres y mettent tout leur cœur car ils y tiennent.
Je crois fermement en la puissance de la politique, en sa capacité à changer la vie des gens pour le meilleur. Le mauvais scénario dans lequel les campagnes se videraient de leurs paysans, nous condamnant à vendre ou à acheter de la malbouffe pas chère, venue d'on ne sait où, pour obtenir nos 2 000 calories par jour, sans se demander ce qu'elle contient ni qui elle fait vivre, n'est pas une fatalité. Il ne s'agit aucunement d'un ordre naturel des choses contre lequel toute action publique serait vaine.
Même si nous pouvons être en désaccord sur la marche à suivre, nous sommes l'Assemblée nationale. Nous pouvons aujourd'hui envoyer un signal fort : nous avons pris la mesure de la situation et nous commençons humblement à y remédier, en faisant de la rémunération des agriculteurs non plus une variable d'ajustement, mais la dimension centrale de la fixation des prix.
La complexité de la construction du prix des produits agricoles ne nous est pas inconnue. Nous avons détaillé en commission les mesures supplémentaires qui seront nécessaires pour rendre le dispositif proposé parfaitement opérant, et nous sommes prêts à y travailler. Ainsi, nous devrons réguler plus fermement les marchés pour éviter que les produits agricoles français soient mis en concurrence avec des produits soumis à des normes moins-disantes ; j'ai déposé un amendement en ce sens. Nous devrons aussi réguler les marges de l'industrie agroalimentaire, de la distribution et de la filière des pesticides, pour introduire davantage de transparence et d'encadrement dans les échanges commerciaux. Enfin, nous devrons mener un travail relatif à la disponibilité des coûts de production. Tout cela est complexe, mais faisable. La complexité ne doit pas servir de prétexte à l'inaction, surtout lorsque l'urgence est telle.
Cette proposition de loi est une proposition de compromis. Nous la concevons comme la première pierre d'un chantier plus vaste visant à rendre notre système agricole et alimentaire plus juste. Dès aujourd'hui, nous devons apporter des garanties en ce sens. Par ailleurs, nous ne concevons pas le texte comme la victoire d'un camp sur un autre, mais comme l'aboutissement de tous nos débats, de tous les engagements pris et de tous les messages entendus ces derniers mois dans nos campagnes.
Non à la régression environnementale ; oui au progrès social. Toute autre priorité serait incompréhensible. Votre vote exprimera un choix simple : êtes-vous pour ou contre une avancée significative vers des prix rémunérateurs pour les agriculteurs ?
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
La parole est à Mme la ministre déléguée à l'agriculture et à la souveraineté alimentaire.
Le secteur agricole est confronté à des défis sans précédent. Les tensions géopolitiques, la fluctuation des marchés, le dérèglement climatique, les crises sanitaires touchant les élevages et les cultures suscitent tous l'inquiétude légitime des agriculteurs, lesquels accomplissent leur travail avec une résilience qui force l'admiration. Cette crise du monde agricole qui, vous le savez, s'étend bien au-delà des frontières de l'Europe et de la France, nous oblige à l'action.
C'est dans ce contexte que le Président de la République et le Premier ministre ont pris envers les représentants des agriculteurs soixante-sept engagements, inédits par leur ampleur, visant à répondre à l'urgence de la situation et à ouvrir des perspectives de long terme. En outre, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire a défendu au niveau européen un agenda de simplification et de protection contre la concurrence déloyale d'autres pays. Grâce à cette mobilisation, la Commission européenne a fait parvenir aux vingt-sept États membres, en quelques semaines à peine, des solutions concrètes pour les agriculteurs en France et en Europe.
Par votre proposition de loi, vous prétendez résoudre le problème du revenu des agriculteurs. Le Gouvernement partage pleinement cette préoccupation et agit continûment en ce sens depuis 2017,…
…mais force est de constater que vos recommandations sont inopérantes.
Rappelons tout d'abord que c'est cette majorité qui a traduit dans la loi le consensus qui avait émergé il y a six ans, lors des états généraux de l'alimentation. Il s'agissait de faire en sorte que les négociations entre agriculteurs, industriels et grande distribution soient loyales et assurent un juste partage de la valeur. Grâce aux dispositions votées par la majorité, la contractualisation concerne désormais 90 % des volumes de lait et plus de 70 % des exploitations laitières. Par ailleurs, le Médiateur des négociations commerciales, dont le rôle a été renforcé, a contribué à donner plus de poids aux agriculteurs dans la négociation. La revendication principale des agriculteurs, qui ont exprimé leur colère après les crises successives que nous avons traversées, consiste à ce que ces dispositifs que nous avons fait voter soient plus et mieux appliqués.
Je répète que je souscris à l'ambition initiale du texte : les agriculteurs doivent vivre de leur travail et disposer d'un revenu suffisant pour s'engager dans la transition agroécologique. Je suis d'ailleurs heureuse de vous entendre dire que les agriculteurs sont les premiers à souligner la nécessité de cette transition, contrairement à ce qu'affirment parfois les détracteurs d'un prétendu agrobusiness. Ils doivent également être accompagnés par la puissance publique ; c'est la raison d'être de la planification écologique que nous avons engagée et des crédits que vous avez votés dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) pour 2024.
Nous déploierons cette année pas moins de 800 millions d'euros à cette fin.
Toutefois, je ne partage pas votre méthode ni vos solutions. Le texte propose un dispositif inopérant et risqué pour les filières, comme la plupart d'entre elles nous le disent sans ambiguïté.
D'ailleurs, ce débat a d'ailleurs eu lieu : l'idée d'un prix réglementé fixé par l'État a été rejetée par votre assemblée il y a quelques mois, pour trois raisons de fond et de bon sens qui restent valables aujourd'hui. Afin de trouver une solution à la fois opérationnelle, économiquement et juridiquement viable à ce problème, nous avons missionné les députés Anne-Laure Babault et Alexis Izard, que je tiens à remercier. Je précise que leurs travaux aboutiront avant la tenue d'une nouvelle négociation commerciale, il n'y a donc pas lieu d'agir dans la précipitation, comme vous le faites en reprenant un vieux texte déjà rejeté.
Mme Sandra Regol s'exclame.
Premier point : qui connaît les prix pratiqués mieux que les acteurs du marché eux-mêmes ? Je parle bien sûr des agriculteurs.
Nous devons nous appuyer sur les indicateurs qu'ils construisent avec les autres acteurs de la chaîne, c'est-à-dire sur l'économie réelle. Ce n'est pas à la loi de fixer les prix. Pardonnez-moi de vous le dire, mais il n'incombe pas aux députés de déterminer les prix qui ont cours dans un secteur économique donné.
Ni au Gouvernement, vous avez raison.
Cela incombe aux filières et à leurs parties prenantes, à ceux qui produisent et à ceux qui achètent !
Il est matériellement impossible, dans le cadre d'un dispositif administratif centralisé, d'établir un prix unique pertinent pour toutes les matières premières agricoles. La commission a d'ailleurs implicitement reconnu cette impossibilité : en introduisant dans le texte des références à la diversité des bassins, à la dimension des exploitations, à la variété des systèmes de production ou encore aux contraintes géographiques, elle a mis en évidence la contradiction entre l'administration des prix et leur adaptation à chaque production et à chaque exploitation. Autrement dit, la piste des prix administrés doit être écartée.
Par ailleurs, si l'objectif de déterminer des prix sur une base annuelle était déjà illusoire, le passage à une réévaluation par quadrimestre – à laquelle s'ajoute la convocation d'une nouvelle conférence en cas de présomption de forte hausse ou de forte baisse – est tout simplement aberrant. Nous atteindrions là un summum de technocratie,…
…cette même technocratie que les agriculteurs ne cessent de pointer du doigt !
Si c'est pour avoir des prix rémunérateurs, je pense qu'ils ne cracheront pas dessus !
Deuxièmement, un tel dispositif pourrait produire l'effet inverse de celui que vous espérez. Ainsi, l'instauration d'un prix minimal qui, par définition, ne s'appliquerait qu'aux seules productions nationales pourrait favoriser les produits importés au détriment des produits français. Loin d'augmenter le revenu des agriculteurs, cela diminuerait leur rémunération. Est-ce là ce que vous voulez ? Nous n'avons pas ajouté la souveraineté alimentaire au portefeuille du ministre de l'agriculture pour organiser l'attrition de la production nationale, ni pour encourager l'importation de produits qui, de surcroît, n'obéissent généralement pas aux mêmes standards environnementaux et sanitaires que les nôtres ! C'est pour cette raison que les acteurs de la filière, parmi lesquels une grande partie des représentants des producteurs, sont défavorables à la mesure que vous proposez.
J'en viens à la partition que vous voudriez faire jouer au Médiateur des relations commerciales agricoles. Il joue dans la résolution des situations conflictuelles un rôle précieux et salué de tous, et tient sa crédibilité de sa neutralité institutionnelle. Il ne lui revient donc pas de se substituer aux acteurs pour déterminer les prix. Il y perdrait sa neutralité, indispensable à sa mission qui nécessite de réconcilier les points de vue opposés des différentes parties. Cette proposition reflète, hélas, votre méconnaissance du fonctionnement de la médiation dans les relations commerciales agricoles. Le Médiateur est une interface permettant aux parties de converger vers un équilibre qu'elles sont les seules à déterminer ; il n'est en aucun cas l'administrateur des prix.
Ensuite, vous proposez de créer un fonds pour le financement des transitions. Je commencerai par rappeler que nous ne vous avons pas attendus pour accompagner les agriculteurs dans une transition agroécologique ambitieuse.
M. Matthias Tavel rit.
L'ensemble de nos politiques publiques dans ce domaine y concourent, qu'il s'agisse du renforcement du soutien à l'agriculture biologique, de la certification environnementale, des mesures agroenvironnementales et climatiques (Maec) ou encore des écorégimes. C'est un élément clé du plan stratégique national qui décline en France la politique agricole commune et dans lequel nous investissons des moyens financiers supérieurs aux 9 milliards d'euros européens reçus au titre de la PAC. Ainsi, nous avons consenti un engagement budgétaire annuel sans précédent en faveur de la planification écologique en agriculture, à hauteur de 800 millions d'euros chaque année entre 2024 et 2027. Toute la planification écologique en agriculture est orientée vers les transitions : replantation de haies, développement des protéines végétales, diagnostics carbone, etc.
Pas moins de 200 millions d'euros seront dédiés à un fonds en faveur de la souveraineté alimentaire et des transitions, qui accompagnera des démarches de structuration des filières associant amont et aval, afin de leur permettre d'adapter leur modèle économique aux exigences de décarbonation et de transition écologique et climatique.
Par ailleurs, des outils sont prévus dans le pacte et la loi d'orientation et d'avenir agricoles pour accompagner cette transition ; le mot « transition », d'ailleurs, doit bien figurer une trentaine de fois dans le projet de loi. Je pense à la création de France Services agriculture, à l'octroi de prêts garantis par l'État (PGE) à hauteur de 2 milliards d'euros ou encore à la création du fonds Entrepreneurs du vivant. Il serait donc inutile, car redondant, de créer un nouveau fonds.
En outre, le niveau de financement que vous proposez est complètement déconnecté de la réalité des besoins que nous finançons, pour notre part, à des hauteurs acceptables.
J'ajoute que les secteurs dont vous souhaitez taxer les profits pour abonder ce fonds ne réalisent pas en France de bénéfices anormaux, qu'il s'agisse de l'industrie agroalimentaire, dont les marges sont inférieures de près de dix points à celles de la concurrence étrangère, ou de la filière des engrais, dont les entreprises vont tellement bien qu'elles ferment leurs sites ! Je me demande bien quelle matière fiscale vous allez taxer, mais peu vous importe de fragiliser notre industrie, ses emplois et les familles qui en vivent.
Le Gouvernement et la majorité proposent une autre voie, s'inscrivant dans le sillage tracé par le Président de la République et le Premier ministre. Elle consiste d'abord à ne pas saper l'édifice construit depuis 2017 grâce au cadre Egalim qui, malgré ses limites et même s'il reste nécessaire de l'améliorer, a donné des résultats tangibles. Les agriculteurs le soutiennent et réclament que la loi soit appliquée ; c'est précisément ce à quoi nous travaillons.
En amont, la contractualisation écrite a permis de sécuriser les exploitations où elle a été déployée. Le chemin parcouru par la filière laitière depuis la fin des quotas laitiers démontre la qualité d'un modèle fondé sur la constitution d'organisations de producteurs fortes, orientées vers la commercialisation, et sur la conclusion de contrats pluriannuels s'appuyant sur les indicateurs des coûts de production. Hélas, certaines filières sont moins avancées dans la contractualisation, mais je vous assure que ce n'est pas la fixation d'un prix administré qui leur assurera un avenir prospère. Elles en ont d'ailleurs bien conscience.
En aval, la protection de la matière première agricole a globalement bien fonctionné, mais il convient encore d'aller plus loin, plus vite et de faire plus simple. D'abord, il faut aller plus loin dans la prise en compte des coûts de production ; c'est l'enjeu fondamental de protection de la rémunération des agriculteurs. Ensuite, il faut que les filières appliquent la loi plus rapidement, car tous les acteurs n'ont pas joué le jeu de la contractualisation. Or un contrat, c'est d'abord le prix, mais c'est aussi un engagement portant sur le volume. Les causes de ces lenteurs sont connues : elles s'expliquent par le poids des vieilles habitudes dans certains secteurs et par la mauvaise volonté de certains acheteurs. C'est pourquoi les opérations de contrôle et de répression des fraudes ont été considérablement renforcées cette année. Enfin, il nous faut avancer sur le chemin de la simplification. La loi est parfois complexe, certaines dispositions se révélant insuffisamment opérantes ou prescriptives, selon le constat très juste du Médiateur des relations commerciales agricoles.
C'est ce chantier qui a été confié aux députés Anne-Laure Babault et Alexis Izard, qui disposent de tout l'appui de mon administration et de celle du ministère de l'économie. Ils ont toute notre confiance pour proposer, dans les prochaines semaines, des solutions efficaces prenant en considération les attentes de l'ensemble des acteurs. Vous reconnaissez vous-même la valeur de ces travaux, puisque vous avez voté en commission, à l'unanimité, un amendement visant à ce que rapport soit présenté et débouche sur des textes.
Pour toutes ces raisons, j'invite la représentation nationale à rejeter cette proposition de loi qui, si elle vise des objectifs louables, propose de mauvaises solutions à un vrai problème, celui de la rémunération des agriculteurs.
Vous connaissez notre programme de travail en la matière : une loi d'orientation agricole pour faciliter l'installation a été présentée ce mercredi en conseil des ministres, nous préparerons pour l'été un texte sur la base des travaux de vos collègues Babault et Izard, nous vous soumettrons des dispositifs fiscaux de soutien à la transmission et à la compétitivité dans le cadre du prochain PLF, et nous mettrons en œuvre dans les jours prochains le volet agrivoltaïsme de la loi du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables,…
…dite loi Aper, pour apporter un revenu complémentaire aux agriculteurs. C'est concret, c'est solide, ce n'est pas de la politique spectacle.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Tout le monde parle beaucoup de la crise agricole et du désespoir des paysannes et paysans : ils nous ont, semble-t-il, tous touchés. Je sais que, malgré nos différences, nous partageons la volonté de faire en sorte que le travail des agriculteurs soit de nouveau correctement rémunéré, et de leur montrer ainsi le respect qui leur est dû. Pourtant, après vous avoir écoutée avec attention, madame la ministre, je constate que la réponse du Gouvernement se résume à leur demander d'attendre et à leur assurer que tout ira bien, parce que vous avez tout bon et que vous avez fait tout ce qu'il fallait – à dire, finalement, « tout va très bien, madame la marquise » ! Désolée de vous contredire, mais la mobilisation des paysans et des agriculteurs, dont ont témoigné les nombreux barrages dressés sur les routes, suggère plutôt le contraire, à l'opposé de votre vision inversée de la réalité. Alors pardonnez-nous de refuser le silence des pantoufles et de préférer agir !
Parce que si les élus écologistes composent un des plus petits groupes de cette assemblée, ils ont au moins le courage, face à l'urgence, de tenter de traiter cette question politique pour que nous cessions enfin de maltraiter le corps paysan et les campagnes en leur expliquant qu'ils n'ont rien compris et qu'ils doivent attendre. Ma collègue Marie Pochon a ainsi eu la sagesse d'écouter, de demander ce qu'il fallait faire aux parties concernées et à l'ensemble des groupes qui siègent dans cet hémicycle – jusque dans vos rangs, madame la ministre : peut-être trouverez-vous là une leçon à en tirer. Elle a, ainsi, contribué à l'effort national. Surtout, elle a fait ce que personne d'autre ne fera à notre place.
Le compromis doit se construire. En l'occurrence, nous avons débattu sereinement en commission, où le texte a été adopté à une large majorité. Pour ce faire, ma collègue s'est appuyée sur les propositions des uns et des autres, afin d'aboutir à des mesures concrètes et effectives, tout en respectant les positions défendues par les différents groupes.
Car en dehors de l'hémicycle et des effets de tribune qui y ont cours, des positions compatibles avec ce texte ont émergé parmi des élus de tous bords ou presque. Sur les barrages, beaucoup ont répondu aux agriculteurs qu'il fallait prendre des mesures. Sur les plateaux de télévision, ont fleuri une pléthore de discours concernant les salaires et les revenus. Les propositions censées permettre aux agriculteurs et agricultrices de vivre de leur travail étaient partout. Ce fut évidemment le cas sur les bancs de la gauche et des écologistes – nous assumons d'aller au bout de nos idées –,…
Sourires.
…mais pas seulement : le Président de la République lui-même a proposé d'instaurer des prix planchers. Comme sa suggestion n'était pas très précise, vous avez vous-même, madame la ministre, clarifié la définition de ces prix planchers, ce qui était une bonne chose. Nous nous étonnons donc de vous entendre vilipender cette même définition lorsque nous suggérons de la mettre en application. Vous nous accusiez tout à l'heure de faire du théâtre et de tomber dans la politique politicienne ; je vois dans vos propos une histoire de paille et de poutre.
Vous l'aurez constaté, même s'ils ne forment qu'un petit groupe à l'Assemblée, les écologistes assument leurs promesses, sans renvoyer la patate chaude au Parlement européen – comme ce serait pratique !
Mme Christine Arrighi applaudit
– ni laisser couler les choses jusqu'à l'enlisement total. Car pendant que nous parlons, des gens se suicident : voilà la réalité de nos campagnes !
Mais les propositions ont aussi fusé des rangs de la droite – des propositions parfois même furieusement collectivistes, comme celle du patron des Républicains, Éric Ciotti, qui a carrément appelé de ses vœux le versement d'un salaire minimum de 1 500 euros aux agriculteurs ! Dont acte, encore une fois, puisque le texte vise à atteindre et même à dépasser ce montant.
Non, je reprends ses propos presque mot pour mot – je pourrais retrouver la citation exacte.
Le texte, disais-je, vise à atteindre et même à dépasser ce montant, non pas en salariant les agriculteurs mais en rendant leur travail suffisamment rémunérateur. Il est en effet indispensable de payer correctement les agriculteurs, car si ces derniers étaient environ 5 millions dans les années 1960, ils sont moins de 400 000 désormais. Ils ont ainsi subi le plus grand plan social de France, et le phénomène ne cesse de s'aggraver à mesure que les années passent : 18 % des agriculteurs perçoivent un salaire inférieur au seuil de pauvreté, leur revenu a baissé de près de 40 % et trop de fermes sont contraintes de vendre leur production à perte. Nous connaissons tous cette réalité, que certains d'entre nous ont même vécue.
L'industrie agroalimentaire, en revanche, a vu ses profits plus que doubler en un an, passant de 3 milliards à 7 milliards d'euros. Vous préconisez d'attendre. Nous répondons que l'avenir de l'agriculture devrait peut-être être pensé avec les agriculteurs plutôt que d'être placé dans les mains de l'agro-industrie. Les écologistes défendent donc ce texte, afin que les superprofits des uns viennent compenser les injustices subies par les autres. C'est tout simplement une mesure de justice, que nous devons prendre immédiatement pour répondre à une crise bien réelle.
Pour dépasser la réponse conjoncturelle et aider le secteur agricole, nous proposons aussi de créer un fonds spécifique pour aider les agricultrices et agriculteurs à réussir leur transition agroécologique. Pourquoi ? Parce qu'alors que le coût de la transition repose exclusivement ou presque sur les agriculteurs, leur travail, en préservant la biodiversité, l'eau et les paysages, rend service à l'intégralité de la population. L'institution de ce fonds serait donc tout simplement une mesure d'égalité. Justice, égalité : vous aurez noté que nous essayons d'aller dans le bon sens.
Évidemment, cette proposition de loi ne saurait tout résoudre. Nous ne sommes pas au Gouvernement et nous n'appartenons pas au groupe qui compose le tiers de cette assemblée.
Son adoption apporterait néanmoins une partie de la réponse, à la hauteur des outils dont nous disposons. Elle constituerait au moins un début de réponse concrète, alors que le projet de loi d'orientation agricole n'aborde même pas, à ce stade, la question des revenus, qui est pourtant au cœur des revendications des agriculteurs. Ce que nos prédécesseurs – les droites libérales et conservatrices –…
…n'ont jamais voulu faire pour les agriculteurs, nous proposons de le faire enfin aujourd'hui. Il vous revient désormais de construire la majorité nécessaire. Les agricultrices et agriculteurs attendent des politiques qu'ils leur apportent non pas des mots, mais des réponses concrètes. Ils attendent de nous un peu plus qu'un allègement de normes, qui ne leur donnera pas à manger à la fin du mois et ne leur permettra pas de rembourser leurs traites. Ils demandent que leur travail soit enfin respecté et rémunéré à la hauteur de ce que nous leur devons.
Vous répétez souvent que les agriculteurs nourrissent la France ; peut-être serait-il temps de leur rendre la pareille. Vous invoquez les lois Egalim et votre bilan – très bien. Je vous invite en retour à voter ce texte avec nous. La balle est dans votre camp : agir ou continuer à regarder les trains passer, il faut choisir. Pour ce qui nous concerne, nous voterons avec fierté pour un texte qui, enfin, témoigne du respect que nous devons aux agriculteurs.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et GDR – NUPES et sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Les agriculteurs traversent, depuis des décennies, une crise profonde qui s'est récemment traduite par une mobilisation d'une ampleur inédite partout en Europe. Victimes de la volatilité des prix sur les marchés, de l'augmentation des coûts de production et du changement climatique, ils peinent à vivre du produit de leur travail, eux qui nourrissent pourtant notre nation. En trente ans, le revenu net de la branche agricole a baissé de près de 40 %. Ce chiffre seul suffit à nous convaincre de l'urgence de la situation et de la nécessité de protéger le revenu des agriculteurs.
Cela n'étonnera personne, nous divergeons cependant sur la réponse à apporter : notre définition des prix planchers n'est pas la vôtre.
Les prix doivent couvrir les coûts de production, en incluant le coût du travail des agriculteurs – nous sommes d'accord sur ce point. Mais pour être réellement efficaces, ils doivent être construits en partant de la production et non être imposés d'en haut.
Nous avons déjà eu cette conversation en commission et nous vous avons déjà répondu !
L'exception agricole française se caractérise par la présence de nombreuses exploitations à taille humaine, souvent familiales, recouvrant des réalités bien différentes : produire ne coûte pas autant en montagne qu'en plaine, en agriculture conventionnelle qu'en bio, dans une petite exploitation que dans une structure dont la taille permet de réaliser des économies d'échelle. En confiant aux conférences publiques de filière la mission de définir un seul prix minimal d'achat, qui s'imposerait à tous, votre proposition vise à gommer cette diversité, ce qui pénaliserait les modèles les plus compétitifs. Il faudrait, à tout le moins, que ce prix puisse varier en fonction des systèmes de production au sein d'une même filière,…
…mais que de complexité cela entraînerait-il !
Même ainsi, rien ne garantit que ce prix minimal protégerait réellement les agriculteurs, bien au contraire. Le prix plancher que vous souhaitez créer nuirait à la compétitivité de nos agriculteurs, qui perdraient des parts de marché au profit de leurs homologues européens. On l'a constaté en 2004 : un prix minimum de 85 centimes le kilogramme de tomates avait été instauré, alors que le prix d'équilibre du marché s'établissait à 30 centimes. Résultat : de nombreux invendus se sont accumulés et les tomates françaises ont été remplacées sur les étals par des tomates en provenance de Belgique ou des Pays-Bas. Plus récemment, en 2015, alors que la filière du porc traversait une grave crise, les pouvoirs publics ont défini un prix plancher de 1,40 euro le kilogramme. Mêmes causes, mêmes effets : les porcs sont restés dans les porcheries, les ventes se sont taries et la qualité de la viande s'est dégradée. Dans un cas comme dans l'autre, le prix minimal était rémunérateur sur le papier, mais les volumes de vente se sont effondrés, car les acheteurs sont allés voir ailleurs.
Dans la mesure où l'agriculture et les industries agroalimentaires, cumulées, représentent le troisième excédent commercial français, une telle destruction de compétitivité n'aurait rien d'anecdotique : elle serait un coup dur porté à notre balance commerciale, donc à notre économie. D'ailleurs, peu de pays ont appliqué votre définition des prix planchers : seul le Canada semble y avoir cédé. Pour assurer aux producteurs un prix minimum garanti tout en évitant les effets pervers, il fixe d'ailleurs des quotas de production et contrôle strictement les importations, ce qui serait impossible au sein du marché unique européen. Il n'est d'ailleurs même pas certain que l'instauration de prix minimaux soit conforme au droit !
Enfin, chacun comprendra que le fait de fixer un prix plancher couvrant par principe l'intégralité des coûts, y compris celui du travail, reviendra à fixer en même temps un prix plafond : pour quelles raisons l'acheteur accepterait-il de payer davantage s'il sait que le prix minimal rémunère complètement le producteur ?
Nous devons écouter tous les producteurs, ceux qui sont compétitifs comme ceux qui le sont moins et rencontrent des difficultés. N'entravons pas les uns en prétendant aider les autres ! L'enjeu est de permettre aux agriculteurs d'être plus compétitifs grâce à la formation, à la constitution d'exploitations suffisamment grandes pour être rentables, ou encore à l'aide à l'investissement – autant de questions qui nous mobiliseront lors de l'examen du projet de loi d'orientation agricole. Si les lois Egalim ont permis de premières avancées pour rééquilibrer le pouvoir de marché entre producteurs, industriels et distributeurs, il nous faut les compléter et les enrichir. L'objectif n'est pas de fixer un prix, mais d'affirmer un principe : celui d'une interdiction de destruction de la valeur, rendant impossibles les ventes à perte.
Ne cédons pas à la précipitation. Les travaux actuellement menés par plusieurs de nos collègues nous éclaireront et nous permettront d'élaborer ensemble une solution plus adaptée qui permettra à tous les agriculteurs de vivre de leur métier et d'aborder sereinement les transitions écologiques qui s'imposent.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
« Quand on cause avec un paysan, on s'aperçoit qu'on ne sait rien, ou que c'est comme si on ne savait rien, car on ne peut rien lui apprendre », écrivait Jules Renard. Les betteraviers, les endiviers, feraient un meilleur gouvernement que vous – et eux ne raconteraient pas de craques aux Français ! Ils chérissent leur terre comme personne, ils ont fertilisé nos plaines, ils ont fait de la France vue du ciel ce pays colorié comme aucun autre.
Des assiettes les plus frugales aux restaurants les plus étoilés, les paysans font la grandeur de la France et son rayonnement aux yeux du monde entier.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Lorsque Napoléon III, remettant la Légion d'honneur à l'Artésien Guislain Decrombecque, ancien maire de Lens, lui demanda la recette de ses succès agricoles, ce dernier répondit en picard, en chtimi – langue que vous connaissez parfaitement, madame la ministre : « Sire, j'mets du fien, incore du fien, toudis du fien… Et ch'est comme cha qu'cha pousse ! » – Sire, je mets du fumier, encore du fumier, toujours du fumier, et c'est comme ça que ça pousse ! Nous étions alors en 1867. Cent cinquante-sept ans plus tard, sous le pouvoir macroniste, 70 000 exploitations ont mis la clef sous la porte ! Nous avons tous vu le Président de la République mépriser depuis sept ans les Français par ses actes, ses mots ou ses gestes. Il a réussi à transformer l'Hexagone en octogone. L'édition 2024 du Salon de l'agriculture en a d'ailleurs été un malheureux exemple.
À cette occasion, une phrase d'Emmanuel Macron a d'ailleurs retenu mon attention : « J'ai fait le job », a-t-il dit. Cet anglicisme réduisant la valeur travail – notamment celui des agriculteurs – à un « job » est le signe d'une conception complètement ubérisée de la politique. La politique n'est pas un job d'été ; la politique, c'est ce que fait Marine le Pen, s'engager pour la France et les Français !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Murmures sur les bancs du groupe RE.
En juin 2023, le groupe Rassemblement national a été le premier à alerter le Gouvernement sur la folie que constituerait la suppression, sous couvert d'un verdissement de l'économie, de l'avantage fiscal sur le gazole non routier (GNR).
L'exécutif, ici même, a balayé cet avertissement d'un revers de main pour faire les poches des paysans. Quel mépris !
Avant de vouloir verdir l'économie, apprenez à faire pousser des radis parce que votre bilan en la matière, c'est 900 milliards d'euros de dettes supplémentaires depuis sept ans.
Et ce n'est pas fini ! Malgré la mobilisation agricole, et si l'on excepte quelques mesures relevant des secrétaires généraux de préfecture – fonctionnaires pour qui j'ai beaucoup de respect,…
…étant moi-même fonctionnaire –, il ne s'est rien passé. Ah si : la signature de nouveaux accords commerciaux avec le Chili et le Kenya !
Et ce n'est pas terminé : malgré la mobilisation agricole, alors que nos exploitants attendent toujours l'aide de trésorerie promise, le Gouvernement augmente de 10 % le prix de l'électricité au moment où le tarif réglementé hors taxe diminue ! Quand allez-vous donc vous arrêter ?
Aujourd'hui, nous avons l'occasion de débattre du revenu de nos cinsiers, nos agriculteurs. Permettrez-vous à ces Français qui travaillent avec leur cœur et leurs tripes, à qui nous devons la qualité de nos assiettes et la beauté de nos paysages, d'être justement rémunérés ?
Durant les débats, nous proposerons qu'en dernier recours l'État stratège élabore les indices servant à fixer un prix minimum afin que le prix plancher ne se transforme pas en prix plafond. Nous proposerons de fixer une marge pour les investissements. Si ce dispositif est retenu, il reviendra au Gouvernement de surveiller les importations, qui menacent parfois le marché français, dont les productions sont pourtant de bien meilleure qualité.
Nous proposerons une mesure pragmatique à mi-chemin entre l'économie administrée proposée par la gauche mondialiste et le tout-libéral, défendu
L'orateur désigne les membres du groupe RE
par les députés qui me font face. Il s'agit à la fois de protéger les paysans face aux industriels et de laisser le marché s'organiser parce que nous considérons que seuls ses acteurs connaissent leurs produits et leurs capacités de production.
Regardons la France en face ! Que voulons-nous ? Accompagner la chute libre de l'agriculture que nous constatons depuis plusieurs décennies et, en particulier, depuis l'élection d'Emmanuel Macron, ou conserver ce savoir-faire qui a fait de la France un pays souverain et un modèle à travers le monde ? Notre choix est clair : avec le Rassemblement national, ce sera l'exception agriculturelle française !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Je remercie Marie Pochon de nous soumettre cette proposition de prix planchers, constituant un prix rémunérateur minimum pour nos agriculteurs. Le 30 novembre à l'occasion de la niche parlementaire de La France insoumise, Manuel Bompard avait proposé une disposition semblable ;
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES
l'article en question avait été voté par une majorité de députés, avec même avec quelques voix de la minorité présidentielle.
Puisque le président Macron a repris notre proposition, un jour de Salon de l'agriculture, j'imagine que ce vote se reproduira.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Il est vrai que, depuis, c'est silence radio. Je vois deux explications possibles : la première, c'est que le Président de la République ne croyait pas un mot de ce qu'il disait et que les œufs et les tomates volaient si bas, porte de Versailles, qu'il était urgent de dire quelque chose pour calmer la colère.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
Mais je vais choisir la seconde hypothèse : contrairement à ses ouailles butées en faveur du tout-marché, le président Macron a enfin compris qu'il n'y a pas d'agriculture familiale sans protection ; pas de souveraineté alimentaire ni agroécologie sans régulation du marché.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Pour une fois, donc, je vais choisir de croire le président Macron : oui, il veut tenir sa promesse des prix planchers.
Je viens d'entendre Mme la ministre déléguée – je m'étonne au passage de l'absence de M. le ministre de l'agriculture, compte tenu des enjeux …
C'est une remarque sexiste !
Je le répète : je déplore l'absence de M. le ministre. Quoi qu'il en soit, madame la ministre déléguée, vous venez de remettre en cause la parole du Président de la République, qui nous promettait les prix planchers. Quel camouflet pour lui !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Le Président de la République devrait nous remercier. Heureusement que nous sommes là…
…pour faire en sorte que cette promesse soit tenue et pour qu'il garde un semblant de crédit face aux agriculteurs.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Je veux répondre ici à toutes celles et ceux qui ont voulu torpiller la proposition de prix planchers du président Macron, inspirée par la nôtre, et, en premier lieu son ministre de l'agriculture – dont j'aurais aimé la présence – qui soutient que « les prix planchers, c'est Cuba ou l'Union soviétique ».
Ainsi, pour le ministre Fesneau, l'Europe, c'était Cuba et l'Union soviétique jusqu'en 2008 puisque, avant cette date, la PAC fixait des prix rémunérateurs garantis ;
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES
pour M. Fesneau, les États-Unis et le Canada sont comme Cuba et l'Union soviétique puisqu'eux aussi appliquent des prix planchers, notamment pour le lait, avec les mêmes mécanismes que ceux proposés par Marie Pochon et, avant elle, par Manuel Bompard.
Je vais peut-être vous apprendre quelque chose : tous les grands pays agricoles contrôlent les prix, voire la production, et protègent leurs marchés agricoles. .
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES
Il n'y a guère que la France et l'Union européenne qui aient tout dérégulé ou presque et enlevé une à une toutes les protections. L'Union européenne et la France sont désormais plus libérales que tous les libéraux.
Elles vouent les agriculteurs à la férocité de marchés agricoles chaotiques, profondément instables lorsqu'ils ne sont pas régulés, les privant ainsi de la possibilité de vivre dignement. Il ne faut pas s'étonner de leur colère. Soyez certains que si aucune solution ne leur est donnée pour mieux vivre de leur travail, cette colère va s'amplifier.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Le projet de loi d'orientation agricole ne réglera pas le problème. J'entends que le Gouvernement aurait demandé un rapport sur les lois Egalim… Sachez que mes collègues Frédéric Descrozaille, Richard Ramos, Julien Dive et moi-même travaillons sur un rapport sur l'application de ces lois. Vous faites mine de l'ignorer mais l'Assemblée nationale aussi conduit des travaux d'évaluation, et j'espère que vous ne vous assiérez pas dessus !
Je vous entends dire que les prix plafonds sont des prix planchers. Nous proposons des prix socles, régulièrement renégociés, déclinés dans les territoires selon leurs spécificités.
La protection aux frontières est certes nécessaire. Pour ce faire, il ne faut pas défendre comme vous le faites tous les accords de libre-échange, notamment l'accord avec le Canada auquel tous les syndicats agricoles sont opposés.
Un dernier conseil, madame la ministre déléguée, ne dites pas sur le réseau X que vous aimez l'agneau français alors que vous soutenez l'accord de libre-échange avec la Nouvelle-Zélande !
La survie de notre agriculture familiale se joue aujourd'hui. Prenez vos responsabilités, chers collègues, il vous appartient de permettre aux agriculteurs de vivre dignement de leur travail !
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
La production agricole repose avant tout sur les hommes et les femmes qui nous nourrissent par leur travail. L'examen de cette proposition de loi est l'occasion pour le groupe Les Républicains de redire son attachement résolu à la cause agricole.
Comme vous, madame la rapporteure, je pense qu'il est urgent d'agir pour mieux rémunérer nos agriculteurs et faire de la France un pays en pointe face au défi alimentaire mondial. Plus que jamais, le secteur agricole est à l'avant-garde du combat politique à mener pour reconquérir notre souveraineté. Nous devons réhabiliter l'acte de produire et rassurer les jeunes ayant la vocation d'exercer le beau métier d'agriculteur.
Néanmoins, ce texte n'apporte pas une réponse satisfaisante à la crise agricole que nous traversons. Pire, il profite du moment politique pour défendre des propositions contre-productives pour nos agriculteurs et pour la souveraineté agricole de notre pays. Répondre au problème de la rémunération des agriculteurs en estimant à l'avance le coût de production agricole au sein de chaque filière s'est révélé insatisfaisant.
La priorité est d'agir pour intégrer les coûts de production dans le prix final de manière à préserver la rémunération des agriculteurs. Il est intolérable que nos exploitants travaillent à perte. Les coûts de production, quelle que soit leur définition, doivent au minimum être couverts par le prix d'achat des produits agricoles.
La fixation de prix planchers telle que prévue à l'article 1er , entraînerait des distorsions de marché et, in fine, le renforcement du déséquilibre de notre balance commerciale agricole.
Quant aux articles 2 et 3, la hausse de la taxation sur les industries agroalimentaires et phytosanitaires et la création d'une taxe additionnelle sur les bénéfices de ces industries auraient un effet contre-productif à moyen et long terme.
Au lieu d'agir par la contrainte en taxant nos industries, nous devons envisager des incitations fiscales en faveur des entreprises. Je pense notamment aux entreprises qui investissent pour accompagner les agriculteurs dans la transition écologique et pour favoriser des pratiques équitables vis-à-vis des producteurs. Des mesures de soutien ciblées et des incitations à la modernisation seraient plus efficaces que les mesures envisagées pour améliorer les revenus agricoles et auraient l'avantage de ne décourager ni l'investissent ni l'innovation.
Nous devons également faire du levier fiscal un atout en matière de compétitivité en préservant l'avantage fiscal sur le GNR et en baissant les taxes de production.
En outre, plutôt que de fixer un prix minimal, il convient d'imposer des règles de transparence accrue dans toute la chaîne d'approvisionnement alimentaire pour s'assurer que les agriculteurs reçoivent une part équitable de la valeur ajoutée. S'il est nécessaire d'agir pour améliorer la situation des agriculteurs, il est crucial de trouver un équilibre entre intervention et laisser-faire pour ne pas perturber les mécanismes de marché.
Enfin, les prétentions de ce texte négligent des points simples et de bon sens. La proposition de loi ne contient rien sur les exportations, rien sur les retraites des agriculteurs, rien sur la problématique des successions agricoles, rien sur l'inflation administrative ni sur les surtranspositions des directives européennes.
Nous dénonçons par la même occasion le manque de vision du Gouvernement et de la majorité qui, texte après texte, se bornent à du rafistolage. Nous espérons que, comme en matière d'énergie, Emmanuel Macron finira par se ranger derrière les propositions formulées dans notre livre blanc, auquel je renvoie.
Si cette proposition de loi ambitionne de rééquilibrer la répartition de la valeur ajoutée dans la chaîne agroalimentaire, aucune solution concrète n'a été proposée à cette fin, notamment pour assurer le meilleur respect des lois Egalim. Seules des mesures axées sur la transparence, la négociation équitable et le soutien ciblé contribueront à façonner un secteur agricole résilient et durable tout en garantissant un revenu décent aux agriculteurs. C'est à ces conditions que nous redonnerons de la valeur au socle nourrissier de la nation et que nous ferons de l'agriculture une grande cause nationale.
Le groupe Les Républicains est clairement opposé à la solution proposée par les écologistes, reflet d'options d'un autre temps qui ne répondent en rien aux problèmes rencontrés. Le groupe LR votera donc contre ce texte.
Nos agriculteurs crient leur colère et leur inquiétude face à l'avenir. Nous pouvons nous réjouir que l'ensemble des groupes politiques de cet hémicycle prennent le sujet à c?ur.
Madame Pochon, vous avez raison : le revenu des agriculteurs est un sujet central car ils doivent vivre dignement de leur travail. C'est bien pour cela que le Premier ministre nous a missionnés, Alexis Izard et moi-même…
…afin de dresser un bilan complet des lois Egalim et de remettre d'ici à l'été des préconisations afin de mettre en place un dispositif qui soit opérationnel avant les prochaines négociations commerciales. Pour cela, nous menons un travail de fond avec des dizaines d'auditions, des agriculteurs aux consommateurs, des organisations représentatives aux acteurs de nos territoires.
Madame Pochon, vous n'avez pas pu auditionner tous les acteurs – vous nous l'avez confié lors de nos échanges en commission. Si vous l'aviez fait, vous auriez compris que les agriculteurs ne veulent pas de prix planchers tels que vous les prévoyez.
Vous nous répondez que c'est une proposition du Président de la République. Or laissez-moi vous dire que votre proposition est différente de la sienne – et vous le savez. Vous souhaitez que les filières ou l'État lui-même définissent, pour chaque matière première agricole, les prix en dessous desquels les acteurs ne peuvent pas acheter ou vendre. Le Président de la République, lui, n'a jamais souhaité entrer dans un système de prix administrés dans lequel le ministre de l'agriculture viendrait dire aux producteurs à quel prix ils peuvent vendre leur litre de lait ou leur kilogramme de viande.
C'est nul de dire ça ! Vous savez bien que la proposition de loi ne porte pas là-dessus !
Notre volonté est, premièrement, de renforcer le pouvoir de négociation des agriculteurs pour qu'ils soient en mesure d'imposer davantage leurs prix face aux industriels et à la grande distribution et, deuxièmement, de contraindre les acteurs de l'aval à prendre davantage en compte les coûts de production des agriculteurs afin que ceux-ci ne puissent plus vendre à perte.
Je le disais, les agriculteurs eux-mêmes – à l'exception de la filière bovine – ne veulent pas de prix planchers. La raison est simple : les filières agricoles et agroalimentaires sont tellement complexes que l'instauration d'un prix unique par matière première pourrait évincer des pans entiers de notre économie agricole.
Prenons l'exemple de la filière laitière. L'équilibre économique de l'exploitation varie en fonction d'un grand nombre de paramètres : s'agit-il de lait de plaine ou de lait de montagne ? À combien s'élève l'apport protéique ou en matière grasse ? S'agit-il de lait bio ou conventionnel ? Est-il certifié ou labellisé ? L'éleveur est-il installé depuis longtemps ou non ? A-t-il réalisé des investissements de modernisation ou non ? Le lait est-il valorisé à l'export ou uniquement sur le marché intérieur ? Pour de la production de poudre, de beurre ou de fromage ?
Vous comprendrez aisément que, dans un tel contexte, imposer un prix unique serait totalement réducteur face à la complexité de l'économie agricole. Ce serait même contre-productif sans un système de contrôle des volumes.
Les exploitations qui ont des coûts de production inférieurs au prix plancher seraient incitées à produire davantage et à écraser les prix, évinçant les exploitations moins compétitives. Combiné à une guerre des prix féroce entre les acteurs de la grande distribution, le prix plancher que vous proposez deviendrait rapidement le prix plafond. Ce faisant, l'éviction d'une partie de la production nationale entraînerait une augmentation sensible des importations, portant atteinte à notre souveraineté alimentaire.
C'est pourquoi, au sein de la majorité présidentielle, nous sommes convaincus que l'enjeu n'est pas de définir un prix administré mais de donner les moyens aux agriculteurs de ne pas se voir imposer un prix de vente à perte. La mission que je mène avec Alexis Izard associera les parlementaires à la réflexion autour des propositions qui seront soumises d'ici à l'été. Madame Pochon, nous pouvons travaillons ensemble sur toutes les mesures, au-delà du débat sur le prix – nous vous l'avons d'ailleurs proposé.
Si vous votez pour ce texte, ayez bien conscience que vous votez contre les agriculteurs.
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Pour toutes ces raisons, le groupe Démocrate votera contre cette proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
Un mot, pour commencer, sur le contexte dans lequel nous étudions cette proposition de loi de notre collègue Marie Pochon et du groupe Écologiste : tout d'abord une remise en cause radicale du Pacte vert, ensuite la présentation d'un projet de loi d'orientation pour la souveraineté agricole et le renouvellement des générations en agriculture qui semble d'un vide sidéral s'agissant de la question centrale du foncier et de la politique d'installation, enfin une dizaine de questions, notamment économiques, qui n'ont pas été abordées après la crise agricole et constituent autant d'angles morts.
Je ressens donc ce texte comme un appel, de la part du groupe Écologiste, à revenir à l'essentiel : les questions économiques. Au cœur de ces enjeux figurent à la fois un contrat entre la nation et l'agriculture et un pacte entre la nation et l'Europe, l'agriculture étant envisagée non seulement sous l'angle de sa fonction productive mais aussi de ses nombreuses aménités environnementales.
Mme Anne-Laure Babault et Mme la ministre ont considéré que la mesure visant à établir des prix planchers relevait de la politique-spectacle, d'une politique de mauvaise foi. J'aimerais utiliser une minute du temps de parole du groupe Socialistes pour rétablir la vérité : cette pirouette ne fait illusion pour personne. En vérité, vous êtes très ennuyées par la déclaration du Président de la République à propos des prix planchers au Salon de l'agriculture.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et sur quelques bancs des groupes Écolo – NUPES, GDR et LIOT.
Vous ne cessez de jeter l'opprobre sur un groupe qui, avec une certaine humilité, nous demande de consacrer une ou deux heures de nos débats à une réflexion sur les modalités de ces éventuels prix planchers. C'est en tout cas ainsi que le groupe Socialistes a entendu cette invitation à la coconstruction de solutions. En caricaturant à l'extrême une proposition qui se caractérise par sa modération, son esprit d'ouverture, sa dimension d'appel à la réflexion, vous avouez à demi-mot votre propre impuissance à traduire le souhait présidentiel.
Les prix planchers ne constituent ni une solution magique ni l'horreur économique que vous décrivez. Les socialistes répètent en permanence leurs intuitions – et non leurs certitudes – en la matière, et ce non pas depuis cette année mais depuis la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi Sapin 2, et à l'occasion de toutes les lois Egalim et des différents débats que nous avons eus sur cette question. Ils soumettent leurs idées à la discussion afin de coconstruire des solutions durables.
Premièrement, les prix planchers, que nous qualifierions plutôt de prix garantis, doivent être fixés pour des filières qui sont volontaires. Tel est l'esprit du texte.
Ensuite, cette mesure est expérimentale. Elle doit être mise en œuvre aujourd'hui mais n'a pas vocation à être appliquée pendant vingt ans. Elle vise plutôt à obtenir une garantie de prix couvrant les coûts de production et une rémunération minimum pour les agriculteurs qu'à fixer des prix administrés. D'ailleurs, selon le texte de la loi, les prix sont définis d'abord par les interprofessions, ce qui reflète une confiance de la société civile dans l'élaboration de compromis raisonnables.
Pour les socialistes, une telle mesure doit absolument s'appuyer sur des associations d'organisations de producteurs (AOP) bénéficiant de programmes opérationnels de l'Union européenne. Ces AOP ne sont efficaces que si elles sont en mesure de maîtriser les volumes.
Nous avons toujours proposé de développer des contrats tripartites avec des indices de révision des prix qui nous évitent des crises telles que celle que nous avons connue il y a deux ans lorsque les prix de l'énergie ont atteint des pics. La proposition de loi de notre collègue vise à rendre visibles ces contrats tripartites pour les consommateurs afin que l'aval – autrement dit les choix d'achat de nos concitoyens – puisse soutenir l'amont.
Par ailleurs, le texte prévoit – et je remercie Marie Pochon d'avoir donné un avis favorable à cette proposition en commission des affaires économiques – de s'appuyer sur les principes du commerce équitable, c'est-à-dire l'équité et la durabilité pour tous les travailleurs de la terre dans toute la chaîne de production. De tels principes ne relèvent pas d'une niche mais bien d'une norme que nous devrions appliquer à l'ensemble du commerce.
De façon plus globale, et à un horizon plus lointain, les socialistes défendent une remise en cause de la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008 en raison de son caractère inique. Elle est en effet à l'origine de la création d'une oligarchie qui écrase les prix et d'un système de construction du prix tel que le pouvoir d'achat apparaît dans notre pays comme l'ennemi de l'appareil productif industriel et agricole.
Nous proposons de lutter de façon efficace contre la concurrence déloyale. À l'occasion de la commission d'enquête sur les pesticides, nous avons formulé cinq propositions très concrètes qui pourraient prendre la forme d'un plaidoyer français, au sein de l'Union européenne, pour lutter contre ce phénomène. Elles reposent essentiellement sur l'inversion de la charge de la preuve pour les pays exportateurs.
Enfin, nous pensons que nous devons ouvrir un horizon plus large à la veille des élections européennes. Le système américain, qui vise moins à établir un prix garanti ou plancher qu'à assurer un revenu garanti pour les agriculteurs, nous paraît intéressant. Il repose sur un principe contracyclique que l'Union européenne devrait étudier avec bienveillance dans les années qui viennent.
Tel est l'esprit qui nous anime. Nous allons coconstruire cette loi en espérant que vous ne la balaierez pas d'un revers de la main – ce serait une faute. Une telle méthode, qui consiste à aller au fond des questions, c'est le contraire de la politique spectacle. Cela permet d'aborder ce dossier avec sérieux et respect et en suivant l'impulsion donnée par le Président de la République.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, Écolo – NUPES et LIOT.
La proposition de loi visant à garantir un revenu digne aux agriculteurs et à accompagner la transition agricole, présentée par les députés du groupe Écologiste, prévoit de fixer annuellement un niveau plancher de prix d'achat des matières premières agricoles aux producteurs.
Afin d'assurer une plus juste répartition de la valeur, les lois dites Egalim ont renforcé la transparence du prix de la matière première agricole et consacré son caractère non négociable dans les contrats entre agriculteurs, industriels et grande distribution. Ces coûts de production doivent obligatoirement être pris en compte dans la détermination du prix, pour tous les produits alimentaires contenant des matières premières agricoles mais aussi pour les produits transformés composés à plus de 50 % de matières premières agricoles. Une clause de révision automatique des prix en fonction de l'évolution du coût de ces matières premières a également été imposée.
Ces évolutions du cadre, encore récentes, doivent permettre une meilleure rémunération du monde agricole, qui doit être évaluée et éventuellement adaptée – nous en sommes conscients. C'est dans ce sens que le Président de la République a annoncé il y a moins d'un mois qu'il était ouvert à un dispositif de prix planchers.
La mission parlementaire confiée par le Gouvernement à nos collègues Alexis Izard et Anne-Laure Babault permettra d'explorer cette question et d'en préciser les modalités pratiques en prenant le temps de consulter l'ensemble du monde agricole, sans se précipiter en votant un dispositif à la va-vite.
À titre d'exemple, le texte que vous proposez se contredit : il renvoie à la fois aux indicateurs de coût de production des interprofessions mais également à ceux des conférences publiques de filières, qui pourront être distincts, et préconise de prendre en compte une rémunération tantôt à hauteur de deux Smic, tantôt de seulement 1,5 Smic à l'image de la méthode en vigueur dans le commerce équitable.
Bien sûr, le dispositif proposé ne fait aucune mention des dispositions déjà en vigueur, lesquelles permettent de mettre en regard la valeur de marché et le coût de production dans le calcul. Or il me semble utile et nécessaire de tenir compte du rapport lié à l'offre et à la demande dans la construction du prix pour arbitrer l'évolution des productions et des perspectives vis-à-vis de la concurrence internationale.
La proposition de loi prévoit ensuite la création d'un fonds dédié à la transition agroécologique des exploitations agricoles qui semble redondant avec les crédits additionnels prévus dans le cadre de la planification écologique pour les écorégimes, les mesures agroenvironnementales et climatiques et les fonds de soutien à l'agriculture biologique.
S'agissant des fonds de la planification écologique en agriculture, un effort de 800 millions d'euros par an est prévu à partir de 2024 et jusqu'en 2027, dont 250 millions pour mettre en œuvre une stratégie de réduction de l'utilisation des produits phytosanitaires ; 200 millions pour financer la structuration des filières ; 110 millions pour contribuer à la replantation de 50 000 kilomètres nets de linéaire de haies ; 100 millions pour poursuivre la stratégie nationale pour les protéines végétales ; 80 millions pour déployer des dispositifs favorisant la décarbonation de l'agriculture ; 32 millions pour mettre en œuvre des diagnostics carbone.
Enfin, la proposition de loi entend instituer une contribution additionnelle de 10 % sur les bénéfices générés par les industriels de l'agroalimentaire, des produits phytosanitaires et des engrais de synthèse et par les entreprises de la grande distribution réalisant un chiffre d'affaires annuel supérieur à 50 millions d'euros, ce qui pourrait conduire, selon moi, à une augmentation des prix de vente pour nos administrés.
Compte tenu de ces réserves et dans l'attente de travaux plus approfondis sur le sujet, le groupe Horizons et apparentés votera contre la présente proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs des groupes HOR et Dem et sur plusieurs bancs du groupe RE.
Depuis plusieurs mois, les agriculteurs expriment leur colère, notamment de ne pouvoir vivre dignement des fruits de leur travail. Or une rémunération digne est la condition préalable à tout changement de modèle, à toute autre question, qu'elle soit liée au foncier et à sa transmission ou qu'elle concerne la démographie agricole.
Après trois lois Egalim et des valises de promesses douchées, nous n'y sommes toujours pas. En trente ans, le revenu net de la branche agricole a baissé de près de 40 % en France. Résultat : près de 18 % de nos agriculteurs vivent sous le seuil de pauvreté.
La proposition de loi dont nous sommes saisis par notre collègue Marie Pochon et les autres membres du groupe Écologiste reprend une disposition visant à garantir des prix planchers à nos productions agricoles. En effet, dès 2011 et à nouveau en 2015, le groupe communiste, par la voix d'André Chassaigne, proposait d'introduire la même mesure, assortie de coefficients multiplicateurs par filière – propositions encore repoussées par votre majorité à l'automne dernier. Nous allons dès lors soutenir la proposition de nos collègues écologistes parce qu'elle est un premier pas salvateur, un premier pas pour changer de logiciel et pour cesser de croire que l'on peut s'en remettre au marché pour garantir à nos agriculteurs des prix dignes.
Mais nous savons qu'il faudra aller plus loin, de la production à la distribution, en instaurant des coefficients multiplicateurs. Ils sont la seule garantie que la grande distribution et l'industrie agroalimentaire cessent d'accroître leurs profits sur le dos de notre agriculture. Ils sont également la garantie de proposer des prix accessibles aux consommateurs : trois ans d'inflation des prix alimentaires auront servi à mettre en lumière cette nécessité. Et ce ne sont pas les supplications du ministre de l'économie qui pourront mettre fin aux marges exorbitantes et aux superprofits, mais bien la force de la loi !
Si nous voulons donner corps à la souveraineté alimentaire, il faut sortir du bois et reconnaître clairement que nous avons besoin de protectionnisme aux frontières pour assortir les prix planchers de mesures qui évitent la concurrence déloyale. Il faudra ainsi fixer des prix minimums aux importations issues de la pratique d'un dumping social et environnemental patent. Il faudra aussi arrêter d'importer n'importe quoi en déclarant immédiatement un moratoire sur les traités de libre-échange. Comment croire, sinon, que l'on va rémunérer dignement nos agriculteurs alors qu'ils font face à l'importation de 25 % de produits en moyenne, selon les filières, dont l'élaboration ne respecte pas nos propres règles. Comment soutenir que l'on est partisan de l'agriculture française tout en l'exposant à des prix déloyaux ?
Le texte que nous discutons aujourd'hui a le mérite de mettre le Gouvernement et la majorité devant leurs contradictions. C'est le seul rendez-vous cette année qui nous permettra de poser la question du prix et des marges. Si les députés communistes savent que cette proposition de loi ne peut pas mettre fin aux conséquences de décennies de dérégulation, ils savent aussi qu'elle est un point de départ nécessaire, un point d'appui pour aller plus loin. Car l'alimentation est devenue, pour plusieurs raisons, un risque social, et nous devons le prendre en main à la fois pour assurer notre souveraineté alimentaire en soutenant l'agriculture nationale mais également pour garantir à tous un accès à une alimentation de qualité. La dégradation de la qualité nutritive de nos assiettes et l'effondrement de la démographie agricole obligeront de toute façon à penser autrement. Les députés communistes et ultramarins voteront donc pour ce premier pas.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES et Écolo – NUPES ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et SOC.
La faiblesse des revenus des agriculteurs et leur difficulté à vivre de leur métier sont au cœur de la crise agricole que nous vivons depuis ces derniers mois. Et ce n'est pas sans raison que le mouvement de colère est parti d'Occitanie, l'une des premières régions agricoles de France, mais aussi celle où les agriculteurs vivent le moins bien de leur métier, sachant que les exploitations, souvent familiales et de petite taille, sont touchées par des événements météorologiques extrêmes plus fréquents, par des épizooties et par un manque d'eau croissant.
Les situations varient en fonction de la taille des exploitations, des types de culture et des zones géographiques. Ainsi, selon l'Insee, 15 % des agriculteurs n'avaient perçu aucun revenu en 2021, alors que dans certaines filières, le salaire moyen dépassait 3 000 euros par mois. Au sein même du monde agricole, les avis divergent entre syndicats sur la manière de répondre à cette préoccupation. Le groupe LIOT est conscient qu'il n'y a pas de solution facile et qu'il faudra sans doute actionner plusieurs leviers en les adaptant à l'hétérogénéité du secteur.
C'est pourquoi satisfaire la revendication d'un revenu digne comme il nous l'est proposé dans ce texte n'est pas un exercice simple, même s'il est hautement souhaitable. Jusqu'à présent, le Gouvernement a tenté de relever le défi par la régulation des rapports entre les agriculteurs et la grande distribution. Mais après trois lois Egalim en quelques années, on ne peut que constater qu'elles ne parviennent pas à répondre à cette exigence, et ce pour de multiples raisons, dont la principale est l'insuffisance des contrôles, faute de moyens, de la DGCCRF, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.
Cette proposition de loi vise à compléter l'arsenal législatif existant en mettant en place des prix de référence, en deçà desquels les distributeurs et les industriels de l'agroalimentaire ne pourraient pas se fournir. C'est une solution simple à première vue, mais dont la mise en œuvre est d'une grande complexité – d'où notre étonnement que le Président de la République ait annoncé à la volée la mise en place de prix planchers, sans concertation et sans être capable de détailler les mécanismes sur lesquels ils seront fondés. Nous pensions que la majorité avait avancé sur la question mais nous avons constaté au cours des débats en commission qu'il n'en est rien. Vous réfutez toujours le dispositif ici proposé parce qu'il reviendrait selon vous à des prix administrés, mais vous êtes toujours incapable d'expliciter ce qu'entendait le Président de la République par des prix planchers.
La proposition de loi de notre collègue Marie Pochon n'est pas sans soulever des questions mais elle a un mérite : celui de mettre le sujet sur la table. Certaines dispositions vont selon nous dans le bon sens, telles que la prise en compte de la rémunération des agriculteurs, fixée à deux fois le Smic en commission, dans les coûts de production. Nos travaux en commission ont permis de lever certaines de nos interrogations et notre groupe se satisfait d'avoir vu l'ensemble de ses amendements adoptés, même si toutes les questions de fond n'ont pas été tranchées. Nous avons ainsi gagné en flexibilité grâce à l'adoption de deux de nos amendements qui permettraient aux prix planchers d'évoluer tous les quatre mois ou en cas de fortes fluctuations des prix agricoles. Par ailleurs, nous sommes favorables à l'autre mesure de la proposition de loi : la création d'un fonds de soutien à la transition agroécologique – d'autant que grâce à l'adoption d'un de nos amendements, ce fonds pourrait servir également à soutenir la filière bio, déjà en grande difficulté.
Alors que le nouveau projet de loi d'orientation agricole a enfin été présenté hier en Conseil des ministres, nous ne pouvons d'ores et déjà que regretter qu'il n'aborde pas la question, pourtant cruciale, du revenu. Il faudra donc attendre de nombreux mois encore pour qu'elle soit à l'ordre du jour, autant de jours de frustrations pour nos agriculteurs dont les premières déceptions sur ce projet de loi se sont exprimées dès hier. Aussi, nous pensons qu'il est plus que nécessaire de se pencher avec bienveillance sur le texte de nos collègues écologistes.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
« Notre fin sera votre faim » : voilà le cri de désespoir lancé par nos agriculteurs lors des manifestations de cet hiver. Ce cri, on ne peut l'oublier à l'heure où en France, un agriculteur se suicide tous les deux jours, où 20 % d'entre eux vivent sous le seuil de pauvreté et où les retraités ne touchent en moyenne que 864 euros par mois – une misère. Oui, une misère ! Pour couronner le tout, dans l'Hérault, une concurrence déloyale fait rage entre viticulteurs français et espagnols. Dernier événement en date : entre le 1er
Pour répondre à la grogne plus que légitime de nos agriculteurs, un projet de loi d'orientation agricole, tant attendu, a été présenté en Conseil des ministres hier, le 3 avril. Ce texte vise notamment à reconnaître l'agriculture, l'alimentation, la pêche et l'aquaculture comme « d'intérêt général majeur ». Il était temps !
Autre objectif du texte : simplifier les lourdeurs administratives. Une revendication qui ne date pas d'hier et qui, malheureusement, n'a pas empêché l'inflation des lois, décrets et normes depuis soixante ans – et pas seulement dans le monde agricole.
Ce projet de loi devrait également introduire une « présomption d'urgence » en matière de projets de stockage d'eau et de construction de bâtiments d'élevage : l'idée est de déterminer le plus rapidement possible si des projets comme les mégabassines ou les retenues hivernales sont autorisés ou non afin d'éviter que les agriculteurs ne s'enferrent dans des combats judiciaires sans fin.
Autre sujet crucial : la transmission des exploitations agricoles, enjeu majeur puisque la majorité des agriculteurs auront atteint l'âge de la retraite d'ici à 2030. Pour relever ce défi, le Gouvernement mise sur la création d'un guichet unique qui réunira cédants d'exploitation et potentiels repreneurs.
Malheureusement, le projet de loi ne semble pas répondre aux attentes du monde agricole, pas plus que cette proposition de loi, au reste, qui propose comme mesure phare d'instaurer un prix minimal d'achat – autrement dit, un prix plancher – des produits agricoles tenant compte des coûts de production.
C'est une fausse bonne idée car, comme nous l'avons bien constaté lors des crises récentes liées aux phénomènes météorologiques et aux incertitudes géopolitiques, il est impossible de prévoir les coûts de production pour assurer une juste rétribution à nos agriculteurs. Souvenez-vous : une mesure semblable avait déjà été adoptée en 2004 lorsque le Gouvernement avait signé un accord avec les producteurs de tomates pour leur assurer un prix minimum garanti de 85 centimes le kilogramme, sachant qu'auparavant, le kilogramme de tomates leur rapportait 30 centimes. Mais en trois jours, cette mesure a entraîné une concurrence déloyale entre les tomates françaises et celles provenant de l'étranger, souvent bien moins chères.
En outre, ce dispositif risquerait in fine de transformer le prix plancher en un prix plafond : ce serait un effet pervers et tout à fait contre-productif. Garantir un revenu digne à nos agriculteurs en instaurant un prix minimal est certes un vœu louable, mais ne perdons pas de vue que les prix planchers sont loin d'être revendiqués par tous. Les agriculteurs veulent tout simplement vivre de leur métier ! Voilà pourquoi ils dénoncent en particulier les contraintes liées à la transition écologique sur leurs activités, contraintes perçues à raison comme une distorsion de concurrence avec les produits des agriculteurs étrangers qui ne sont pas soumis aux mêmes normes. Ils réclament également une plus grande réactivité dans l'obtention des aides, surtout lorsqu'elles ont été promises par le Premier ministre !
En ce qui concerne la filière viticole, il faudrait autoriser rapidement et de manière simple un statut de négociant en vin pour les vignerons, se limiter à une déclaration de stock annuelle – en supprimant les déclarations de récolte, d'inventaire et de production – et surtout, simplifier le cadre administratif des exploitations viticoles, bref, en finir avec les doublons pour qu'une seule administration gère les surfaces exploitées avec, à tout le moins, les mêmes règles de calcul.
Vous l'avez compris : cette proposition de loi est certes pétrie de bonnes intentions mais, malheureusement, elle pourrait aggraver encore un peu plus la situation déjà dramatique de nos agriculteurs, ce que personne ne souhaite.
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 11 tendant à supprimer l'article 1er .
Déterminer un prix plancher revient à fixer un prix en se fondant sur le coût de production du producteur le moins performant du marché. J'ajoute que l'intervention de l'État dans la fixation des prix n'a jamais été considérée comme une bonne mesure. Ce fut le cas dans la filière des fruits et légumes, je l'ai évoqué, lorsque Nicolas Sarkozy était ministre, et les effets furent désastreux, les acheteurs ayant fait le choix de se tourner vers des acteurs non soumis à ce prix plancher, c'est-à-dire vers des producteurs étrangers. Instituer des prix plancher sans agir sur les prix des produits importés serait donc totalement contre-productif.
De même, je rappelle que la PAC avait instauré en 1962 un prix d'intervention pour les agriculteurs mais que, face au coût que représentait cette mesure bénéficiant surtout aux grandes exploitations, le dispositif fut supprimé en 1992 au profit de primes sur les quotas laitiers, notamment.
Déterminer un prix plancher ne répondrait pas aux vrais problèmes des agriculteurs, qui demandent surtout moins de bureaucratie, moins de contraintes, moins de normes, et souhaitent que l'ensemble des règles en vigueur soient aussi appliquées aux produits importés dans le but de rétablir une égalité de traitement.
Encore un exemple, puisque les prix planchers sont censés, selon la proposition de loi, être fixés par filière : comment feriez-vous pour la viticulture ? Croyez-vous vraiment que cela aurait du sens de fixer un prix plancher qui s'appliquerait à la fois pour le champagne, pour le vin de Bourgogne, pour le cognac et pour les vins de chez moi, dans le Languedoc-Roussillon ?
De plus, ce genre de mesure n'aura aucune efficacité si l'on ne contrôle pas les prix des importations. Encore une fois, votre proposition de loi est l'archétype de la fausse bonne idée. D'où ma demande de suppression de l'article 1er .
Avis défavorable.
D'abord, le prix minimum instauré par Sarkozy, alors ministre des finances, était fixé en fonction de sa propre recommandation. Le système que nous proposons est différent, puisqu'il s'agit d'un prix non pas administré mais décidé à la suite d'une discussion entre les acteurs au sein de la conférence publique de filière.
Ensuite, vous faites référence au prix d'intervention institué en 1962 par la PAC dans un objectif d'augmentation de la production. Chaque année, la Commission européenne fixait des prix garantis pour les différents secteurs de production, puis elle rachetait les invendus. Vous conviendrez que cela n'a rien à voir avec le dispositif que nous proposons !
Enfin, vous écrivez dans l'exposé sommaire de votre amendement que « déterminer un tel prix ne répond pas aux vraies problématiques des agriculteurs ». Je crois au contraire que la possibilité de vivre dignement de son métier en percevant un revenu juste et sans dépendre des aides de l'État est en haut des préoccupations des agriculteurs.
Vous connaissez mon opinion sur l'article 1er . Néanmoins, je pense qu'il est important que le débat ait lieu. D'où ma demande de retrait ; à défaut, l'avis du Gouvernement serait défavorable.
Je voudrais réagir aux prises de parole dans la discussion générale et, au-delà de ma position sur le fond, rectifier certains propos erronés.
Le revenu disponible moyen des agriculteurs a diminué de 40 %, dites-vous. Examinons les chiffres : on enregistre une augmentation de 90 % entre 2017 et 2022. Par filière, on note certes une diminution de 30 % pour l'horticulture, mais elle n'entre pas dans le champ de la loi Egalim ; en revanche, l'augmentation est de 95 % pour les bovins lait et de 38 % pour les bovins allaitants. Ce que montrent ces chiffres, c'est que les situations sont très diverses. Un prix plancher ne peut donc fonctionner.
Gardons-nous de donner des chiffres qui affolent tout le monde alors qu'il existe dans notre pays – et c'est heureux – des agriculteurs qui vivent de leur travail. Nous devons accroître l'attractivité de ces métiers, permettre aux agriculteurs de vivre de leur travail et faire en sorte que leurs exploitations se transmettent correctement. Tel est l'objet du projet de loi d'orientation pour la souveraineté agricole et le renouvellement des générations en agriculture.
Monsieur Blairy, vous sous-entendez que notre agriculture est en train de s'effondrer. Pourtant, la surface agricole utile est stable depuis 2010. Cessons de dire que nos agriculteurs ne produisent pas, qu'ils ne vont pas bien, parce que c'est précisément ce qui explique que nous avons tant de mal à leur trouver des successeurs.
Madame Trouvé, vous affirmez que le Farm Bill, la loi sur l'agriculture des États-Unis, institue des prix planchers, mais vous omettez de dire qu'il s'agit en fait de subventions : cela n'a rien à voir avec un prix qui aurait été négocié, comme le prévoit le texte.
Je ne parlais pas du Farm Bill mais des comités régionaux où les prix se négocient avec la filière laitière !
Vous parlez d'aides publiques ; ce n'est pas la même logique que celle de la PAC.
On pourrait en discuter. Vous pourriez déplorer que la PAC, telle qu'elle est conçue, ne fonctionne pas, à la différence du Farm Bill américain, suivant un système d'aides contracycliques, mais ne dites pas qu'il existe des prix planchers définis sur la base des interprofessions aux États-Unis !
En outre, dans le monde parallèle où vous vivez, un monde ultralibéral selon vous, les interventions européennes de soutien à l'agriculture représentent tout de même 9 milliards d'euros et le budget de l'agriculture a été renforcé, notamment en faveur de l'agroécologie, avec une enveloppe de 1,3 milliard. Est-ce vraiment là un monde libéral dans lequel la puissance publique n'intervient jamais pour accompagner les filières économiques ?
Savez-vous ce que c'est que le monde libéral ? C'est prendre l'argent public pour le donner aux riches !
Monsieur Potier, je n'ai pas dit qu'on faisait ici de la politique spectacle, j'ai dit qu'en ce qui nous concerne, nous ne faisons pas de la politique spectacle – mais il est intéressant que vous interprétiez ainsi ma phrase… Et puisque vous parlez de respect, je pense qu'il faut aussi respecter le travail de vos collègues Babault et Izard, qui a démarré en février et que vous foulez aux pieds. Sans doute voulez-vous avancer sur ce sujet mais nous y travaillons : ces deux députés vont faire, en temps utile, des propositions. Peut-être faudrait-il aussi respecter ce que disent les filières ; or elles ne pensent pas que la proposition de loi puisse fonctionner – c'est quelque chose que l'on n'a pas beaucoup entendu.
Non, je dis simplement qu'il faut respecter les filières qui estiment que votre proposition de loi ne peut pas fonctionner.
Enfin, n'oublions pas que toutes les interprofessions ne souhaitent pas être incluses dans le dispositif Egalim. Si la filière laitière y a trouvé assez largement son compte, dans d'autres filières, on n'a pas assez contractualisé. Peut-être devrait-on travailler sur cette question et se demander, par exemple, pourquoi la contractualisation ne concerne que 25 % de la filière bovine, au lieu de vouloir imposer un schéma qui ne convient pas à tout le monde.
J'ai signalé que je concevais cet amendement comme un amendement d'appel.
Madame la rapporteure, je répondrai à vos arguments par une seule question. Si votre proposition de loi était adoptée et que l'on instituait des prix planchers – ou des prix garantis, ou encore des prix minimaux, peu importe comment on les appelle –, pensez-vous vraiment que cela aura une incidence positive sur le revenu des agriculteurs si l'on ne contrôle pas dans le même temps le prix des produits importés ? Cela, vous n'en parlez pas.
Pour prendre l'exemple que je connais le mieux, chez moi, dans le Biterrois, le territoire est occupé à 95 % par des exploitations viticoles. Certains viticulteurs, certaines caves coopératives seraient tout à fait intéressés par un prix plancher : ils aimeraient qu'on ne puisse pas vendre le vin à moins de 100 euros l'hectolitre. Mais si certains négociants peu scrupuleux achètent du vin espagnol à 60 euros l'hectolitre, les producteurs auront beau vendre leur vin au prix minimum garanti, ils vont se retrouver avec des stocks d'invendus sur les bras ! Ils ne verront pas la couleur de cet argent.
C'est pourquoi j'estime que cette proposition de loi, si elle part d'une bonne intention, est bancale.
Madame la rapporteure, le constat est simple, nous en sommes d'accord ; malheureusement, contrairement à ce que vous voudriez laisser croire à travers votre proposition de loi, la réponse ne l'est pas – je pense que durant le court laps de temps qu'a duré la préparation de ce texte et grâce aux quelques auditions que vous avez menées, vous avez pu vous en rendre compte.
Peut-être pourriez-vous continuer à travailler avec Anne-Laure Babault et moi sur des solutions concrètes qui profiteront aux agriculteurs, et ne pas vous contenter d'un coup politique.
Nous ne voterons pas cet amendement de suppression parce que chaque seconde que nous pouvons consacrer aux revenus des agriculteurs est à prendre mais cessons de faire des coups politiques, attaquons-nous aux problèmes réels et répondons à la question de la rémunération des agriculteurs autrement que par des solutions simplistes et populistes.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
L'amendement n° 11 n'est pas adopté.
Cet amendement vise à récrire avec pragmatisme l'article 1er , en essayant de trouver une voie médiane entre l'économie administrée et le tout-libéral.
Je commencerai par une question à Mme la rapporteure. Que faites-vous de l'article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime (CRPM) ? Vous n'en parlez jamais. Il devrait pourtant être le fil conducteur de notre discussion, puisqu'il encadre les négociations entre les représentants des agriculteurs et les industriels.
Nous proposons un dispositif équilibré. La conférence de filière, très bien, mais il convient de déterminer un indice établi à partir des coûts de production et des marges, de manière à garantir les investissements et à permettre aux agriculteurs d'avoir une vision à long terme. En cas d'échec des négociations, l'État stratège interviendra pour déterminer cet indice. Une fois cette étape achevée, le marché disposera d'une certaine liberté pour fixer le prix. En effet, l'agriculteur, qui est un très bon négociateur, connaît ses produits et a tous les arguments nécessaires pour vendre sa marchandise aux industriels. Cela contribuera au bien-être de l'ensemble des Français. Et quand le marché est perturbé, on en sort et on n'en parle plus.
Cet amendement de réécriture de l'article 1er vise donc à trouver un équilibre entre une économie administrée datant d'un autre siècle et le tout-libéral dont on voit les effets délétères, puisque, depuis dix ans, 100 000 exploitations ont mis la clé sous la porte.
Sur l'amendement n° 29 , je suis saisie par le groupe Écologiste – NUPES d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement ?
J'ai déjà exprimé en commission mes réserves sur le dispositif que vous proposez, à savoir des indices plutôt que des prix minimaux d'achat et des marges plutôt que des prix rémunérateurs. Notre rédaction est plus complète et intègre les ajouts effectués par les différents groupes en commission, que vous ne reprenez pas tous.
Avis défavorable.
Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
La réécriture ne change rien au principe d'action général ; or, vous l'aurez compris, nous estimons que c'est une fausse réponse apportée aux agriculteurs puisqu'elle ignore complètement la question du revenu global. Vous assurez un niveau de prix, mais pas de volume de vente. S'il y a des prix garantis mais qu'ils ne permettent pas d'écouler la marchandise, il ne se passe rien ! Il faut continuer à travailler.
M. le président de la commission des affaires économiques me signalait l'évaluation par la commission de la loi Egalim – vous l'avez vous aussi mentionnée, madame Trouvé. Elle devra nourrir les travaux en cours.
Madame la ministre déléguée, je vous ferai grâce d'un cours de politique agricole, faute de temps. J'évoquais tout à l'heure, non pas les paiements contracycliques du Farm Bill mais, évidemment, les federal milk marketing orders – les décrets fédéraux de commercialisation des produits laitiers aux États-Unis – et les offices provinciaux de mise en marché du Canada, qui fonctionnent sur le même modèle et, comme vous le savez, utilisent les mêmes mécanismes que ceux proposés par ma collègue Marie Pochon aujourd'hui et par Manuel Bompard le 30 novembre.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Les collègues du Rassemblement national proposent un amendement qui tend à défaire la mise en place de prix planchers. C'est cohérent avec votre abstention sur le sujet en commission. Pourtant, le 30 novembre, vous aviez voté en faveur des prix planchers. Ensuite, Bardella a dit qu'il était contre. En réalité, vous dites tout et n'importe quoi sur une question cruciale, celle des revenus agricoles, c'est-à-dire de la survie des agriculteurs. Vous êtes de gros amateurs !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur plusieurs bancs du groupe Écolo – NUPES. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Deux communes sur trois ont voté pour Marine Le Pen au second tour de l'élection présidentielle et ces communes sont exclusivement rurales. Je crois par conséquent que le monde rural fait confiance au Rassemblement national.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous êtes des députés inutiles ! Marine Le Pen accorde une telle importance à l'agriculture qu'elle n'est pas là aujourd'hui !
Merci de vous en tenir à des interventions sur les amendements en discussion, s'il vous plaît.
Madame la ministre, vous êtes de mauvaise foi car vous ne répondez pas à la question que soulève l'amendement. Le tout-libéral que vous défendez ne fonctionne pas, on le voit aujourd'hui ; dans le même temps, les agriculteurs n'ont pas envie de s'enfermer dans une économie administrée.
J'ignore si vous avez lu l'exposé des motifs et si vous avez travaillé cette question…
…mais il s'agit d'un dispositif équilibré. L'État stratège intervient et le fil conducteur est l'article L.631-24 du CRPM, dont vous ne parlez jamais.
Peut-être allez-vous finir par en parler puisque j'en parle… Le monde rural nous regarde ; il est en souffrance. Plutôt que de faire de la politique politicienne, donnons de l'amour à la ruralité.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Vous accordez tellement d'importance aux agriculteurs que vous n'êtes que cinq !
Monsieur Blairy, une suite d'expressions toutes faites ne constitue pas une politique. État stratège, politique politicienne, etc. : moi aussi, je pourrais en placer dans tous mes discours. Je n'ai pas bien compris votre proposition, mais arrêtons de parler d'ultralibéralisme à propos de l'agriculture, secteur qui fait l'objet d'un soutien important et appelé à croître. C'est inapproprié et déplacé. Vous avez raison de souligner que l'enjeu – la rémunération des agriculteurs – est important. Tout le monde le dit ici ; ce qui nous différencie, c'est que nous, nous cherchons de vraies solutions, avec des volumes et des prix.
Ce qui nous différencie, c'est que nous, nous sommes là et Marine Le Pen, non !
L'amendement n° 5 n'est pas adopté.
Il s'agit pour partie d'un amendement de clarification rédactionnelle précisant l'aspect volontaire de la constitution d'une conférence de filière. La démarche doit être soutenue par une majorité de producteurs, conformément à notre volonté initiale. Lors de nos auditions, certains acteurs nous ont alertés sur des situations où les producteurs souhaitent s'inscrire dans une démarche de contractualisation ou de fixation d'indicateurs mais ne le peuvent pas car ils sont mis en minorité par les acteurs de l'aval de la filière. Cet amendement permet d'éviter ce type d'écueils et garantit que les agriculteurs ne puissent pas être mis en minorité.
Cet amendement est inopérant et je ne vois pas bien ce qu'il modifie. Les filières où la contractualisation est obligatoire disposent d'indicateurs interprofessionnels ; dans les autres filières, les indicateurs peuvent être moins évidents mais la contractualisation ne peut être que fondée sur le volontariat. Je demande donc le retrait de l'amendement ou, à défaut, prononce un avis défavorable. Cela risque d'être la position que je vais répéter à propos de l'ensemble des amendements sur cet article.
Je remercie Mme la rapporteure pour le dépôt de ce texte et je me réjouis de la qualité des discussions entre collègues de divers groupes sur ces questions. Nous n'avons pas fait le tour de cet enjeu absolument crucial. Comme Alexis Izard, je trouve très bien que nous prenions le temps d'en reparler.
Je ne suis pas favorable à la proposition de loi pour deux raisons.
La première, c'est l'échelon géographique. On ne peut pas protéger les prix à la première mise en marché sans sécuriser l'approvisionnement. Si la marchandise est disponible et si les acheteurs peuvent y accéder de manière libre – c'est le cas dans un marché ouvert comme le nôtre –, la protection des prix disqualifie les producteurs dont les revenus sont préservés. L'échelon national ne permet pas de résoudre un tel problème, qui devrait être traité au niveau européen. Nos discussions devraient d'ailleurs nous permettre de commencer à réfléchir à ce que pourrait être la politique agricole commune (PAC) 2027-2034, où il faudrait réintroduire des mécanismes de régulation et de stabilisation des marchés, qui ont été démantelés à partir de 1992.
La seconde raison est l'état actuel de surchauffe législative. La mission Izard-Babault vient d'être lancée, parallèlement à la mission d'évaluation d'Egalim 2. Il y a donc deux lois que nous n'avons pas évaluées et dont nous connaissons mal le niveau d'application. Nous ne sommes pas assez impliqués dans le contrôle des textes en vigueur. Au lieu de nous précipiter à voter des lois pour faire appliquer les principes des lois précédentes, nous gagnerions à être beaucoup plus exigeants vis-à-vis de l'administration, y compris ses services déconcentrés, et vis-à-vis des opérateurs, qui se permettent de suivre des doctrines juridiques qui trahissent l'intention du Parlement.
Notre collègue vient de dire qu'avant de légiférer à nouveau, il faut évaluer les lois adoptées précédemment. Bizarrement, sur certains sujets, vous n'appliquez pas la même logique. Vous venez d'annoncer une nouvelle réforme de l'assurance chômage.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Mme Christine Arrighi et MM. Benjamin Lucas-Lundy et Marcellin Nadeau applaudissent également.
Il y en a eu une en 2019 et une en 2023, dont on ne connaît pas les résultats, mais cela ne vous empêche pas de vouloir à nouveau légiférer. Je demande donc un peu de cohérence.
L'année dernière, les prix payés aux agriculteurs ont baissé d'environ 10 % quand les prix de vente aux consommateurs augmentaient de plus de 10 %. Le problème se situe donc dans les négociations entre les producteurs, les intermédiaires, les industriels et les distributeurs. Si on laisse les agriculteurs seuls face aux gros industriels et à la grande distribution, ils n'arrivent pas à vivre de leur travail.
Mêmes mouvements.
Il faut donc qu'à un moment l'État dise qu'il y a un prix en dessous duquel il n'est pas possible d'acheter la production d'un agriculteur. C'est ce que propose le texte en discussion.
Arrêtez d'essayer de gagner du temps en parlant des missions en cours. La proposition de loi offre une possibilité d'agir immédiatement : adoptons-la et, ensuite, dans la navette parlementaire, les dispositifs seront précisés. Abandonnez votre attitude attentiste, surtout pendant la semaine au cours de laquelle vous proposez une loi d'orientation agricole qui ne prévoit rien pour les revenus des agriculteurs !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Mme Eva Sas et MM. Philippe Brun et Benjamin Lucas-Lundy applaudissent également.
Vous allez encore nous faire mariner pendant des mois. Saisissons-nous du moyen d'agir qui nous est offert, votons en faveur de cette proposition de loi et, en l'occurrence, de l'amendement proposé !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – MM. Philippe Brun et Marcellin Nadeau applaudissent également.
Monsieur Bompard, j'entends ce que vous dites. Le problème est qu'un programme de travail a été proposé par le Gouvernement et qu'il est connu de tous.
Brouhaha sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Est-ce que vous me permettez de prendre la parole, s'il vous plaît ? Est-ce démocratiquement envisageable ?
Un peu de calme, chers collègues. Seule Mme la ministre a la parole. Monsieur Delogu, s'il vous plaît !
Ce programme de travail repose sur les soixante-sept engagements qui ont été pris par le Président de la République et le Premier ministre, et qui correspondent en grande partie aux attentes des organisations professionnelles agricoles. Les questions d'installation, de transmission ou de simplification, la reconnaissance de la souveraineté alimentaire et de la mission d'intérêt général de l'agriculture sont au cœur du projet de loi d'orientation agricole. Les revenus sont le sujet de la mission Izard-Babault qui vient de débuter. Nous n'avons pas encore l'évaluation de la dernière saison de négociations commerciales puisque leur médiateur finalise son rapport qui fera l'objet d'une réunion dans la seconde moitié du mois. La mission Izard-Babault rendra ses conclusions en juin.
Madame Chikirou, s'il vous plaît ! Chacun aura la parole successivement.
Êtes-vous intéressés par l'action du Gouvernement au profit des agriculteurs ou souhaitez-vous seulement m'empêcher de parler quand j'essaie d'éclairer la représentation nationale ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Mme Babault et M. Izard feront des propositions sur la base de travaux déjà menés sur les lois Egalim et en tenant compte de la saison de négociations 2023-2024, qui s'est achevée le 31 janvier. La prochaine période de négociations n'aura pas commencé ; il n'y aura donc ni temps perdu ni prise de risques. Qu'est-ce qui vous pose problème dans le fait d'attendre, si ce n'est la volonté de profiter du moment politique d'aujourd'hui ?
Ce qui nous pose problème, ce sont les morts d'agriculteurs ! Ou bien cela ne compte pas beaucoup ?
Si le projet de loi d'orientation agricole ne contient pas de dispositifs sur les revenus, c'est précisément parce qu'avec sérieux et rigueur, nous conduisons les missions évoquées. Tout s'organise en bonne intelligence avec les organisations professionnelles agricoles. Peut-être est-ce la bonne méthode : concertations sur le terrain et dialogue avec les interprofessions, pour construire un propos qui arrivera en temps et en heure pour apporter les réponses qui manquent. Retenez ce que disent les agriculteurs dans les manifestations : ils nous demandent d'appliquer la loi existante et de multiplier les contrôles.
C'est ce que nous faisons.
Exclamations persistantes sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
C'est terrible : on ne peut pas aller au bout de son propos…
Mme Sophia Chikirou proteste.
S'il vous plaît, mes chers collègues ! Je rappelle que les prises de parole sont successives et non concomitantes. Mme la ministre s'exprime puis vous aurez la possibilité de le faire. S'il vous plaît, madame Chikirou : c'est la deuxième fois que je vous nomme aujourd'hui. Madame la ministre, vous avez la parole.
Les agriculteurs nous demandent d'appliquer la loi, de faire en sorte que la contractualisation et les contrats tripartites aient plus d'importance, de multiplier les contrôles. Nous le faisons et nous prenons le temps de tirer toutes les conclusions de la négociation qui vient à peine de se terminer. Ce n'est pas du temps perdu, ce n'est pas une perte de chance pour les prochaines négociations qui, je le rappelle, auront lieu en fin d'année.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 136
Nombre de suffrages exprimés 132
Majorité absolue 67
Pour l'adoption 86
Contre 46
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES et SOC.
Il s'agit d'un amendement de coordination pour proposer une révision des prix tous les quatre mois. En effet, définir les coûts de production et les prix planchers une fois par an est en décalage avec la réalité. Certaines filières voient leurs coûts augmenter en fonction des saisons, indépendamment des dates calendaires. Par exemple, la filière des fruits voit les tarifs d'emballage ou de transport changer en septembre ou en octobre, selon les variétés.
Votre demande est satisfaite par l'alinéa 5, modifié en commission à l'initiative de notre collègue David Taupiac, que je remercie d'ailleurs pour sa vigilance. Le texte prévoit que la conférence de filière propose son estimation tous les quatre mois, après avoir réuni tous les acteurs concernés. Je vous demande donc de retirer votre amendement. À défaut, avis défavorable.
Il s'agit d'un amendement de coordination juridique qui vise à tirer les conséquences du fait que les conférences publiques de filières se réuniraient tous les quatre mois et non une fois par an. Je demeure cependant défavorable à l'ensemble du dispositif proposé. La fréquence d'une réunion tous les quatre mois n'est pas tenable, même si je comprends la volonté d'actualisation. Par ailleurs, l'amendement n'est pas complètement cohérent puisqu'il maintient la date du 31 janvier. J'invite à son retrait ; à défaut, avis défavorable.
L'amendement n° 57 est retiré.
Il vise à inclure les interprofessions dans la conférence publique des filières afin qu'elles puissent participer à l'élaboration des prix minimaux, ceux-ci pouvant avoir des conséquences pour l'ensemble de l'interprofession. En effet, qui connaît mieux le prix à définir que les organisations professionnelles ? Ces prix sont définis par les organisations de producteurs (OP), qui peuvent être regroupées en associations d'organisations de producteurs, puis transmis à l'Établissement national des produits de l'agriculture et de la mer, FranceAgriMer.
Je suis d'accord avec vous sur le principe, mais l'amendement est satisfait : l'article L. 632-1 du code rural et de la pêche maritime précise que les groupements constitués par les organisations de producteurs peuvent être reconnus en qualité d'organisations interprofessionnelles. Je vous invite donc à le retirer, sans quoi mon avis sera défavorable.
L'amendement vise à ajouter les organisations interprofessionnelles dans la liste des acteurs réunis lors des conférences publiques de filière. De manière générale, je suis favorable à un renforcement du rôle des organisations interprofessionnelles. Toutefois, vous le savez, je suis défavorable à l'ensemble de l'article 1er tel qu'il est rédigé. Même en spécifiant le rôle des interprofessions, le dispositif est, en l'état, inopérant.
Je rappelle en outre que, depuis leur création, ces conférences n'ont jamais été réunies car, en pratique, les échanges se tiennent dans le cadre des conseils spécialisés par filière réunis sous l'égide de FranceAgriMer. Ces derniers donnent d'ailleurs entière satisfaction aux professionnels. C'est pourquoi je vous suggère de retirer votre amendement. Si tel n'est pas le cas, mon avis sera défavorable.
Ce débat est intéressant. En vertu de l'amendement n° 29 que nous venons d'adopter, les conférences publiques de filière se réuniront pour établir un prix plancher si les producteurs le décident. Je tiens de nouveau à saluer la capacité d'écoute de Mme la rapporteure : elle s'est rendu compte qu'une majorité de filières ne souhaitaient pas la fixation d'un prix plancher. Elle a donc introduit la possibilité pour les filières de choisir de s'engager ou non dans une telle démarche.
Nous allons donner aux producteurs la responsabilité de convoquer une conférence publique de filière pour établir un prix. Or ces conférences, qui existent depuis la loi Egalim 1, ne se sont jamais réunies. Autrement dit, le dispositif sur lequel vous comptez pour améliorer la rémunération des agriculteurs n'a pas été mobilisé jusqu'à présent. Cela prouve que votre proposition de loi est inopérante. Je vous invite à la revoir avec nous, car vous souhaitez, j'en suis certain, que le dispositif fonctionne. Travaillons ensemble !
M. Pierre Cazeneuve applaudit. – Mme Sandra Regol s'exclame.
L'amendement n° 58 n'est pas adopté.
Les agriculteurs demandent davantage de fluidité, de simplicité, d'efficacité. Or il apparaît assez complexe d'organiser tous les quatre mois une réunion de la conférence publique de filière. Je me demande même comment c'est possible, du point de vue technique ou humain. Cela risque très rapidement de devenir chronophage.
D'ailleurs, le texte issu des travaux en commission prévoit une nouvelle réunion de la conférence publique de filière « en cas de présomption de forte hausse ou forte baisse des coûts de production agricoles ». Une réunion annuelle me paraît largement suffisante, sachant qu'une nouvelle réunion est prévue en cas de crise. Si le présent amendement était rejeté, la conférence se réunirait trois fois par an. Devrait-elle dès lors se réunir chaque semaine en cas de crise ? Il faut cadrer le dispositif pour le rendre plus efficace.
Le principe d'une réunion de la conférence publique de filière tous les quatre mois a été adopté en commission, sous l'impulsion de notre collègue David Taupiac. Il est pertinent, car cela permettra d'ajuster les estimations. Je suis favorable à la préservation du consensus dégagé en commission, donc défavorable à l'amendement.
Par votre amendement, vous proposez de revenir à une fréquence annuelle pour la réunion de la conférence publique de filière. Bien entendu, comme je l'ai déjà indiqué, une réunion par an est préférable à une réunion tous les quatre mois, qui reviendrait à une réunion quasi permanente. Toutefois, étant défavorable à l'ensemble du dispositif prévu à l'article 1er , je suis défavorable à l'amendement.
L'amendement n° 55 n'est pas adopté.
Il vise à supprimer les mots « à hauteur de deux fois le salaire minimum de croissance ».
Les prix planchers dont il est question deviendront, nous le savons très bien, des prix plafonds, si la proposition de loi devait être adoptée. En évoquant le Smic, rien que par la sémantique, on smicardise l'agriculteur. Or celui-ci est un entrepreneur, un chef d'entreprise, qui a droit à une certaine liberté : il peut vendre sa production ou privilégier une vision à plus long terme. Je l'ai dit dans la discussion générale, la conférence publique de filière devrait déterminer un indice qui protégerait l'agriculteur lorsqu'il négocie le prix sur le marché, par exemple avec les industriels, sachant que le prix et donc la rémunération dépendent aussi de la qualité de la production. Cet indice fixé au préalable serait une sorte de bouclier, étant entendu que l'État stratège pourrait intervenir à tout moment en l'absence d'accord au sein de la conférence publique de filière.
Les dispositions que nous proposons signifient non pas que les agriculteurs ne pourront pas dégager un revenu supérieur à deux fois le Smic, mais que les coûts de production qu'ils présenteront aux autres parties de la conférence publique de filière devront obligatoirement être établis en prenant en compte, de manière prépondérante, une rémunération au minimum égale à deux Smic. Cela vise tout simplement à garantir aux agriculteurs un revenu minimal décent – il ne me semble pas nécessaire de revenir sur les chiffres mentionnés dans la discussion générale.
La mention de deux Smic est indicative. Elle vise à garantir que la conférence publique de filière intègre une rémunération digne des agriculteurs dans l'estimation des coûts de production. Cet indicateur est tout à fait pertinent. Certaines filières – par exemple, les éleveurs laitiers ou les producteurs de viande bovine – l'ont retenu et l'utilisent déjà. Je suis donc défavorable à l'amendement.
L'amendement vise à supprimer la référence « à hauteur de deux fois le salaire minimum de croissance » qui doit être prise en compte pour l'élaboration du prix minimal d'achat des produits agricoles. Il tire ainsi les conséquences de la grande variété des exploitations agricoles et de leurs modalités d'organisation. En pratique, les organisations interprofessionnelles font des choix différents : certaines filières utilisent cette référence – vous l'avez relevé, madame la rapporteure –, mais d'autres ne l'utilisent pas.
Si la démarche est volontaire, il n'est pas nécessaire d'apporter cette précision. De toute façon, je demeure défavorable à l'ensemble du dispositif de l'article 1er , même avec cette évolution marginale. Avis défavorable.
Cet amendement de M. Blairy nous donne l'occasion d'évoquer un sujet intéressant.
Nous débattons du nombre de Smic qui devraient être inclus dans les coûts de production estimés par la conférence publique de filière. Or cela risque de paraître incohérent avec la manière de travailler des agriculteurs et, partant, de susciter leur incompréhension. En effet, si l'on dit que les agriculteurs doivent être rémunérés au minimum à hauteur de deux Smic, cela peut laisser entendre qu'ils travaillent pendant la durée mensuelle donnant droit au Smic. Or ce n'est pas le cas : ils travaillent bien davantage.
En tout cas, je suis bien évidemment opposé à l'amendement, car le Rassemblement national est en train de proposer un dispositif qui administre de plus en plus les prix, avec la détermination d'une marge qui s'ajouterait aux coûts de production et celle d'une rémunération, certes autrement que ne le prévoit le texte. Ce que vous obtiendrez in fine, ce sera non pas un prix plancher, mais tout simplement un prix. Ce que vous ferez gagner aux agriculteurs en prix, vous le leur ferez perdre en volume. Or c'est précisément ce dont ils ont peur. Je vous invite à aller les rencontrer.
Protestations sur quelques bancs du groupe RN.
Ils vous diront qu'ils ne souhaitent pas de dispositif de cette nature.
Mme Caroline Abadie applaudit. – Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
C'est tout de même extraordinaire, monsieur Izard ! Mme la ministre a expliqué que certaines filières avaient déjà fixé des marges sans se fonder sur le mode de calcul qui figure dans la proposition de loi. En tout cas, les filières demandent à fixer des marges, ce qui revient à considérer que l'agriculteur ne travaille pas seulement pour la gloire ou pour couvrir ses charges : il travaille aussi pour gagner de l'argent – j'espère que ce n'est pas un gros mot pour vous !
L'amendement n° 56 n'est pas adopté.
L'amendement n° 30 de Mme la rapporteure est rédactionnel.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
C'est effectivement une clarification rédactionnelle, mais étant opposée à l'article 1er , je suis défavorable à l'amendement.
C'est la première fois que le Gouvernement s'oppose à un amendement rédactionnel !
Non, ce n'est pas la première fois !
Par cet amendement, vous proposez, à la deuxième phrase de l'alinéa 5, de substituer aux mots « diversité des bassins et la dimension des exploitations » les mots « dimension des exploitations, la diversité des bassins et ».
Quelle est l'amélioration apportée par la seconde formulation ? En quoi clarifie-t-elle la rédaction ? Je ne comprends pas bien. Pourriez-vous nous fournir une explication ?
L'amendement n° 30 est adopté.
M. Benjamin Lucas-Lundy applaudit.
La parole est à Mme Françoise Buffet, pour soutenir l'amendement n° 39 .
Les auteurs de la proposition de loi reconnaissent la diversité qui caractérise l'agriculture française, puisqu'ils proposent que l'estimation des coûts de production agricoles prenne en compte « à la fois la diversité des bassins et la dimension des exploitations et des systèmes de production, notamment les contraintes géographiques des territoires marqués par l'éloignement, l'insularité et une dépendance accrue aux importations ». Lors des travaux en commission, une attention particulière a été prêtée à la prise en compte de cette diversité, plusieurs amendements ayant été adoptés pour la renforcer.
Cependant, le dispositif débouchera sur un unique prix minimal d'achat des produits agricoles, qui ne pourra être inférieur aux coûts de production. Afin d'éviter toute vente à perte, ce prix devra être supérieur aux coûts de production les plus élevés, ce qui altérera la compétitivité des exploitations aux coûts les plus bas.
Il s'agit d'un amendement d'appel, qui vise à souligner les incohérences du dispositif. Nous proposons que la conférence publique de filière définisse plusieurs prix minimaux afin de tenir compte de la diversité des situations.
Contrairement à ce qui est écrit dans l'exposé sommaire de l'amendement – que vous avez lu presque intégralement –, le dispositif que nous proposons ne conduira pas à l'établissement d'un prix systématiquement supérieur aux coûts de production les plus élevés. Il s'agira seulement d'un prix supérieur aux coûts existants, qui bénéficiera à tous les producteurs, puisqu'il prendra en compte la dimension des exploitations et la diversité des bassins de production – dans cet ordre, puisque nous avons adapté l'amendement n° 30 .
En revanche, vous avez raison : au sein d'une même filière, il existe un grand éventail de prix tout comme il existe un grand éventail de produits. Prenons l'exemple du lait. Le prix d'achat du lait sera évidemment différent selon qu'il est produit dans les plaines ou dans les montagnes, selon que l'exploitation est bio ou conventionnelle, selon que la ferme est grande ou petite.
En commission, c'est dans le sens d'une reconnaissance de la diversité des exploitations et des modèles que nous avons renforcé la proposition de loi. Cette diversité est reconnue et valorisée lors de la fixation de prix minimaux des produits agricoles dans les expérimentations de ce dispositif. À mon sens, la formule que j'avais proposée, à savoir « la conférence publique de filière détermine un prix minimal d'achat des produits agricoles », permettait, par son caractère général, de prendre en considération cette diversité. Cependant, la rédaction que vous proposez étant tout aussi claire, je donne un avis favorable à l'amendement.
Votre amendement, que vous avez présenté comme un amendement d'appel, prévoit que la conférence publique de filière détermine des prix minimaux – au pluriel – d'achat des produits agricoles, ces prix ne pouvant être inférieurs aux coûts de production. Il tire les conséquences logiques du dispositif adopté en commission des affaires économiques, qui se traduirait par la détermination d'autant de prix minimaux d'achat qu'il y a de productions, de conditions géographiques spécifiques et de modes de production différents. Ainsi que vous l'avez souligné, l'amendement met en lumière le caractère inopérant de l'article 1er . Je comprends votre démarche, mais je vous suggère de le retirer, sans quoi mon avis sera défavorable. En effet, dès lors que l'article 1er dans son ensemble est inopérant, nous ne pouvons le soutenir.
L'amendement n° 39 est retiré.
L'amendement n° 54 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il vise à préciser que le dispositif que vous proposez s'appliquera « sans préjudice des dispositions de l'article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime », car les deux codes pourraient entrer en contradiction concernant les modalités de contractualisation. Cette précision éclairera l'article 1er .
En dépit de la condescendance avec laquelle vous semblez avoir rédigé l'exposé des motifs, selon lequel nous ignorons totalement les dispositions en vigueur, je souhaite vous répondre sur le fond ; j'espère que le débat sera à la hauteur des attentes du terrain et au-delà des postures, que je trouve personnellement affligeantes.
Les dispositions de l'article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime, dont vous prétendez nous apprendre l'existence et qui, je le précise, font l'objet d'une assez longue présentation aux pages 16 et 17 de mon rapport, que je vous invite à lire attentivement, représentent une réelle avancée. Depuis leur adoption, tout contrat de vente des produits agricoles doit être écrit et comporter un certain nombre de clauses obligatoires. La proposition de contrat constitue le socle de la négociation. Le contrat doit prendre en compte un ou plusieurs indicateurs relatifs aux coûts de production de l'agriculture, ainsi qu'à l'évolution de ces coûts. C'est un pas dans le bon sens, qui n'est aucunement remis en cause par la proposition de loi.
Toutefois, l'article mentionné ne répond pas au problème, puisqu'il y est précisé que « les parties définissent librement ces critères et ces modalités de révision ou de détermination du prix ». C'est ce qui explique que le dispositif ne fonctionne pas bien et que les producteurs soient de nouveau à la merci de leurs partenaires commerciaux, qui peuvent leur imposer des prix inférieurs à ceux dont ils ont besoin pour vivre. C'est justement à ce point aveugle que nous souhaitons répondre.
L'amendement, que vous assumez être un amendement d'appel, propose d'en rester au dispositif existant, qui ne fonctionne pas. Nous, nous voulons avancer au bénéfice des agriculteurs. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
L'amendement vise à rappeler que le dispositif de prix minimaux s'appliquerait sans préjudice des dispositions régissant le contrat entre un producteur est son premier acheteur, ainsi que le prévoit l'article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime.
Je partage votre avis sur le fait que le dispositif en discussion s'articule très mal avec le contrat protecteur défini dans le code rural, dont les dispositions ont été renforcées par la loi Egalim 2 et ont donné des résultats, lorsque de tels contrats ont été conclus. C'est tout l'objet de la mission qui vous a été confiée, ainsi qu'à la députée Anne-Laure Babault : identifier des mécanismes crédibles et efficaces d'amélioration du cadre des relations commerciales et de renforcement de la protection du revenu des agriculteurs. J'ai toute confiance dans le succès de vos travaux et vous pouvez compter sur l'appui de mon administration en la matière.
Puisqu'il s'agit d'un amendement d'appel, je vous invite à le retirer ; à défaut, avis défavorable.
Madame la rapporteure, l'exposé des motifs indique que la proposition de loi ignore ces dispositions, et non pas vous personnellement. Du reste, j'ai bien entendu les remarques et les préconisations de Mme la ministre déléguée, aussi vais-je retirer mon amendement.
L'amendement n° 49 est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement et le sous-amendement ?
Demande de retrait du sous-amendement. Avis défavorable à l'amendement.
Nous parlons d'un sous-amendement à un amendement rédactionnel, qui vient à la suite d'une rafale d'avis défavorables et même d'appels à voter contre des amendements rédactionnels, ce qui était rarement arrivé.
Nous sommes dans une journée de niche parlementaire. Il y a des usages : ne pas pourrir ces journées, ne pas en faire des événements où l'on joue avec les textes des autres.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES, SOC et GDR – NUPES.
Exclamations sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Parce que nous n'avons pas, nous, un Gouvernement qui fait ce qu'on lui dit. Nous n'avons pas les moyens d'agir, et le minimum serait de respecter ces journées. Nous avons passé cinq heures trente sur le premier texte, à cause d'une seule personne qui rebondissait en boucle. Il serait bon que nous ne recommencions pas ce mauvais théâtre
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES. – M. Dominique Potier applaudit également
et que nous traitions enfin de la question cruciale des revenus des agriculteurs.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES. – M. Dominique Potier applaudit également.
Vives exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Toute l'année – et peut-être avez-vous raison de le faire –, vous faites de l'obstruction sur les textes que vous jugez mauvais.
« Mais oui ! » et applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Exclamations renouvelées sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
…que vous aviez déjà défendue et avec laquelle nous ne sommes pas d'accord. Il est bien dans notre droit de vous démontrer pour quelles raisons nous votons contre.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Nous essayons de répondre point par point sur chacun des sujets, avec le maximum de clarté et de rigueur.
Sur l'amendement rédactionnel, j'ai dit un seul mot, pour ne pas faire durer le débat. J'ai donné ma position d'emblée : puisque je ne soutiens pas l'article 1er , je ne soutiens pas les amendements rédactionnels. C'est d'une logique imparable. Ce n'est pas la première fois que je le fais et cela n'a jamais posé problème, ni au Sénat ni à l'Assemblée nationale.
Il suffit de dire que vous ne le soutenez pas, ce n'est pas la peine de nous faire perdre du temps !
S'il vous plaît, madame Regol, seule Mme la ministre déléguée a la parole.
En revanche, quand je fais une réponse rapide et factuelle pour ne pas vous faire perdre du temps, vous reprenez la parole pour accuser le Gouvernement de pas travailler sur le revenu des agriculteurs, alors que nous y travaillons, matin, midi et soir ,
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem. – Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES
alors que nous appliquons la loi Egalim, alors que nous faisons des contrôles, alors que cela fait sept ans que nous nous sommes emparés du sujet et que, grâce à ces lois sur lesquelles vous roulez, nous avons permis de sauver des dizaines de milliers d'exploitations ! Je n'ai pas de leçons de morale à recevoir de votre part.
Vifs applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Le sous-amendement n° 68 n'est pas adopté.
Le vote à main levée n'ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 130
Nombre de suffrages exprimés 130
Majorité absolue 66
Pour l'adoption 66
Contre 64
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Il revient, une fois de plus, sur la difficulté de réunir une conférence qui ne s'est jamais réunie jusqu'à maintenant et qui confisque la définition des indicateurs de coûts de production aux interprofessions, lesquelles sont pourtant qualifiées pour le faire. Les raisons de mon opposition à ce principe ont déjà été exposées.
Je profite d'avoir la parole pour parler d'un autre sujet. Si, par malchance, lorsque ces conférences se réuniront, elles ne se mettent pas d'accord sur un prix, c'est le médiateur qui sera chargé de le définir, ce qui nous ferait basculer dans l'administration du prix. Cela pose deux problèmes. Le premier, c'est que l'administration du prix par l'État ne fonctionne pas, comme nous l'avons rappelé plusieurs fois. En 2005, la droite a essayé, cela n'a pas marché. Dix ans plus tard, en 2015, la gauche a essayé, cela n'a pas marché. Encore dix ans après, vous voulez réessayer, et cela marcherait ? La réponse est non.
Le deuxième problème est que ce n'est pas le métier du médiateur. C'est une petite équipe qui n'a pas la capacité de gérer la définition de l'intégralité des prix, et ce serait une très mauvaise idée que de la lui confier.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
L'amendement est satisfait. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
L'amendement vise à rappeler que le dispositif de prix minimaux s'appliquerait sans préjudice de la mission d'élaboration d'indicateurs de coûts de production confiée aux organisations interprofessionnelles. Vous avez tout à fait raison de rappeler que cette mission a été confiée aux organisations interprofessionnelles, lesquelles s'en sont globalement acquittées avec succès. FranceAgriMer met en ligne ces indicateurs sur une base régulière afin que les acteurs intéressés puissent en avoir connaissance. Là encore, le dispositif proposé s'articule très mal avec cette mission, et plus globalement avec le rôle central que le législateur a accordé aux organisations interprofessionnelles.
Pour qu'il n'y ait aucune ambiguïté, je réitère mon opposition à l'ensemble du dispositif proposé par l'article 1er . Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Eu égard à l'exposé de Mme la ministre déléguée, et après avoir écouté attentivement ses propositions, je maintiens mes propos mais je retire mon amendement.
Applaudissements et sourires sur quelques bancs du groupe RE.
L'amendement n° 50 est retiré.
Il vise à faire du prix plancher un filet de sécurité qui s'active lorsque les prix de marché ne sont plus rémunérateurs, mais qui permet de profiter des prix de marché élevé quand la conjoncture est bonne. Il s'inspire de la logique existante dans le commerce équitable, qui prévoit que le prix minimal garanti ne s'active que lorsque le prix de marché devient inférieur à celui-ci.
L'amendement propose un ajustement de l'article 1
J'aimerais comprendre, madame la ministre déléguée. Dans la loi Egalim 1, vous avez obligé les filières à déterminer des indicateurs. Et vous nous expliquez maintenant qu'en réalité, vous ne croyez pas au dispositif que vous avez introduit dans la loi ? On ne comprend pas la logique de votre raisonnement.
Ou plutôt, si, on la comprend : vos interventions et celles de notre collègue montrent que vous ne voulez pas agir. Vous avez toujours un prétexte pour ne pas être efficaces. En voyant dans quel état d'esprit ont été votées ces lois porteuses de dispositifs inapplicables, on comprend l'état actuel de l'agriculture française.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Je regrette toujours que lorsque des caméras sont présentes, et particulièrement en séance, le ton change : on ne peut plus se parler avec sincérité et on s'accuse mutuellement d'avoir des arrière-pensées ou de faire preuve de duplicité. Nous en avons déjà discuté, donc disons-le franchement : les indicateurs d'Egalim 1, ce sont, comme leur nom l'indique, des indications. Dans le dispositif Egalim, qui n'est certes pas satisfaisant et que nous pouvons encore améliorer – nous sommes en train de l'évaluer –, il n'y a pas de prix défini de manière aussi précise que semble le penser la rapporteure. En effet, même si l'on considère le prix du lait – c'est celui pour lequel votre proposition fonctionnerait le mieux, ou le moins mal –, il faut retrancher, si l'on considère la totalité du produit, la vente de la carcasse et des jeunes bovins ! Or la Holstein, par exemple, se valorise beaucoup moins bien que la Normande,…
Je ne suis même pas sûr qu'ils sachent faire la différence entre ces deux vaches !
Egalim donne donc des indications qui permettent au producteur d'engager le mécanisme de formation des prix en proposant un prix ; ensuite, même la méthode de calcul du prix fait l'objet d'une négociation ! C'est ce qui s'est passé entre Lactalis et l'Unell – l'Union nationale des éleveurs livreurs Lactalis –,…
…et même récemment entre Savencia et Sunlait. Ne faites pas semblant de penser que nous sommes de mauvaise foi, que nous sommes des menteurs et que nous sommes là pour amuser la galerie. Nous avons des discussions sérieuses, techniques ; écoutons-nous et à la fin, votons !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Dem et HOR. – Mme Anne Le Hénanff applaudit également.
Je serai brève, parce que M. Descrozaille a tout dit. La loi Egalim a eu un impact :…
…elle a permis de sauver des milliers d'exploitations laitières. Il faut quand même le dire ! Le fait que 90 % des volumes de lait soient contractualisés, ainsi que 70 % des exploitations laitières, c'est un résultat de la loi Egalim ! Nous ne vous avons pas attendus pour agir. Voter contre toutes les propositions que nous faisons…
…puis venir nous dire que rien ne marche sans formuler la moindre contre-proposition, c'est facile ! Mais à la fin, ça ne fait pas avancer le schmilblick et pendant ce temps, les agriculteurs nous attendent.
Nous leur répondons très concrètement : nous avons fait adopter les lois Egalim, qui ont produit une amélioration notable, et les agriculteurs savent – je veux le rappeler – qu'elles ne sont pas le fruit d'un travail en chambre, à Paris, mais le résultat des états généraux de l'alimentation,…
…qui ont réuni l'ensemble des acteurs de la filière, et elles traduisent le consensus qui en est issu. Par conséquent, ne mettons pas les choses dans le mauvais ordre :…
…on peut tout à fait vouloir disposer d'indicateurs de référence tout en disant qu'un prix administré ne fonctionnerait pas ! Ce n'est absolument pas contradictoire.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – Mme Anne Le Hénanff applaudit également.
Le vote à main levée n'ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 135
Nombre de suffrages exprimés 126
Majorité absolue 64
Pour l'adoption 69
Contre 57
L'amendement n° 32 est adopté.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES et sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES et SOC. – M. Marcellin Nadeau applaudit également.
La parole est à Mme Françoise Buffet, pour soutenir l'amendement n° 42 .
Il vise à supprimer la faculté offerte au ministre de fixer le prix minimal lorsqu'une conférence publique de filière n'est pas conclusive. De la sorte, l'échec d'une conférence aura le même effet que si elle n'avait pas eu lieu : les acteurs concernés ne seront pas tentés de s'opposer à sa tenue.
Votre amendement souffre à mon avis de deux écueils. D'une part, il ne dit rien sur l'issue d'une conférence publique de filière qui ne parviendrait à aucun résultat concernant la fixation d'un prix minimal d'achat des produits agricoles : votre dispositif ne résout donc rien. D'autre part, l'intervention du médiateur des négociations commerciales agricoles offre une nouvelle chance au dialogue pour élaborer ce prix minimal. Avis défavorable.
Avis favorable, car l'amendement permet de favoriser ce que vous semblez pourtant défendre, madame la rapporteure, à savoir une approche fondée sur le volontariat. Une telle approche exclut qu'une décision du ministre puisse fixer un prix par arrêté, car nous aurions alors affaire à un prix administré. Vous ne pouvez pas dire qu'il ne s'agit pas du tout d'un prix administré – « dormez sur vos deux oreilles, bonnes gens ! » En effet, si ce que vous proposez était adopté, ce serait in fine le ministre qui trancherait en arrêtant le prix, qui serait donc administré.
Ensuite, votre avis ne tient pas du tout compte de ce qu'est réellement le rôle du médiateur des négociations commerciales, qui doit avoir une position de neutralité dans la discussion. Pour toutes ces raisons, avis favorable à l'amendement, qui conduit à retirer certains éléments problématiques – pas tous, malheureusement – du dispositif prévu à l'article 1er .
L'amendement n° 42 n'est pas adopté.
C'est un amendement rédactionnel, auquel je suis défavorable pour des raisons déjà mentionnées.
L'amendement n° 43 , accepté par la commission, repoussé par le Gouvernement, est adopté.
Il vise à éviter que le prix plancher ne devienne un prix plafond. Son objectif est d'empêcher, si les producteurs d'une filière le demandent, qu'un prix plancher, déterminé plusieurs mois auparavant, continue de s'appliquer en cas de forte volatilité des prix, notamment à la hausse. Ainsi, en cas de hausse des cours, le prix plancher ne pourra pas devenir un prix plafond qui ne tiendrait pas compte de cette évolution.
M. Pascal Lecamp applaudit.