La réunion

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La séance est ouverte à 9 heures.

Présidence de M. Sacha Houlié, président.

La Commission procède à l'examen des articles du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, d'orientation et de programmation du ministère de la Justice (n° 1346) (M. Jean Terlier, rapporteur général, MM. Erwan Balanant et Philippe Pradal, rapporteurs).

Lien vidéo : https://assnat.fr/uj6Ffa

Projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la Justice

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Nous débutons l'examen des articles du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027, ainsi que du projet de loi organique relatif à l'ouverture, la modernisation et la responsabilité du corps judiciaire.

Sur ces deux textes, je le rappelle, la discussion générale a déjà eu lieu, le 14 juin dernier, à l'occasion de l'audition de M. le garde des sceaux. Comme vous le savez, nous avons désigné au total quatre rapporteurs sur ces textes, compte tenu de leur ampleur.

Pour le projet de loi ordinaire, M. Jean Terlier, rapporteur général, est également chargé des titres IV à VII. M. Erwan Balanant, lui est rapporteur des titres Ier et II, relatifs, respectivement, aux objectifs et aux moyens du ministère ainsi qu'à la simplification et à la modernisation de la procédure pénale. M. Philippe Pradal est rapporteur du titre III, relatif à la justice commerciale et aux juges non professionnels. Sur le projet de loi organique, le rapporteur que nous avons désigné est M. Didier Paris.

Comme je vous l'ai indiqué hier et lors de la réunion de notre bureau, afin de nous concentrer en priorité sur les dispositions normatives, nous examinerons tout d'abord les articles 2 à 29 du projet de loi ordinaire, puis son article 1er et le rapport annexé, avant d'en venir au projet de loi organique.

Je précise que 158 amendements ont été déposés sur le projet de loi organique et 787 amendements sur le projet de loi ordinaire. Compte tenu de ce nombre élevé, nous poursuivrons l'examen du texte cet après-midi et ce soir, demain matin, après-midi et soir, et, si nécessaire, lundi après-midi et soir. Suivant les remarques formulées en conférence des présidents nous ne siégerons pas vendredi, afin de vous permettre de retourner dans vos circonscriptions. J'invite en revanche chacun à faire preuve de concision, et, pour le bon déroulement de nos débats, à ne pas interrompre les orateurs.

Titre II DISPOSITIONS RELATIVES À LA SIMPLIFICATION ET À LA MODERNISATION DE LA PROCÉDURE PÉNALE

Article 2 : Habilitation relative à la réécriture du code de procédure pénale

Amendements de suppression CL322 de Mme Emeline K/Bidi.et CL376 de M. Ugo Bernalicis.

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L'amendement CL322 vise à supprimer l'article 2. Nous refusons la demande d'habilitation du Gouvernement relative à la réécriture du code de procédure pénale : elle relève du législateur.

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L'amendement CL376 vise effectivement à supprimer l'article 2. Si je comprends la démarche qui consiste à réformer le code de procédure pénale par la voie ordinaire – un projet de loi –, il n'est pas possible de faire raisonnablement confiance au Gouvernement en la matière, comme l'a montré la réforme du code de la justice pénale des mineurs (CJPM), lors de la précédente législature. Des articles de presse ont évoqué la mise en place d'un comité scientifique où nous serions tous représentés : nous n'y avons pas été conviés, ce qui n'est guère engageant. De plus, des évolutions d'ampleur sont nécessaires pour une meilleure efficacité du code de procédure pénale. Les modifications envisagées sur le fond ne correspondent pas à notre vision des choses, s'agissant notamment du renforcement des pouvoirs du parquet ou de l'augmentation de la possibilité d'usage des techniques spéciales d'enquête : le plus raisonnable est d'attendre.

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Je comprends votre réticence, en tant que parlementaires, quant aux ordonnances. Néanmoins, lors de la précédente législature, des recodifications ont gagné à être faites par voie d'ordonnance, comme celle du CJPM. Vous en êtes convenu, il est nécessaire de revoir le code de procédure pénale. Si nous passions par la loi, il nous faudrait un immense temps préparatoire – au moins deux ans, voire davantage –, sans compter la période de travail et de débat sur le texte, qui occuperait la moitié de la législature. Or nous avons également d'autres sujets à traiter.

La voie de l'ordonnance me semble donc être la meilleure, d'autant que nous avons obtenu l'assurance que ce travail sera fait sans précipitation, avec un comité scientifique et un comité de pilotage parlementaire, où chaque groupe sera invité. Le code de procédure pénale a atteint un tel degré de complexité qu'une recodification est indispensable. Avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

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Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Mon avis est également défavorable. Le code de 1958 est bien plus mince que celui de 2023. Il s'agit de restructurer et de toiletter le code sans modifier aucune règle, ni toucher à aucun équilibre, c'est-à-dire à droit constant, ce que le texte indique d'ailleurs de façon expresse. Le rapport annexé distingue désormais sans équivoque, à la suite des travaux du Sénat, la possibilité de clarification, qui résultera de la réécriture à droit constant, et les propositions de simplification, qui ne pourront intervenir que dans le cadre d'un projet de loi de ratification. Par exemple, le mot « victime » figure partout dans le code de procédure pénale : ne serait-il pas utile de regrouper la question des victimes dans un seul et même chapitre ?

Du point de vue du contrôle vous n'avez aucune raison d'être inquiets : la commission supérieure de codification – dans laquelle l'Assemblée nationale est représentée par un de ses membres –, le Conseil d'État et le comité scientifique y veillent ; je souhaite également mettre en place un comité composé de parlementaires, issu des groupes des deux assemblées, pour suivre les travaux. Toutes les garanties sont donc présentes et nous répondons à vos inquiétudes.

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Votre argumentaire plaide pour que nous procédions dans le sens que vous avez indiqué, monsieur le rapporteur. Pourquoi ne pas consacrer deux ans et demi à ces travaux ? Nous le savons, nous serons invités à participer au comité de liaison parlementaire une fois tous les deux mois et le texte sera rédigé ailleurs. Puis arrivera l'ordonnance de ratification avec engagement de la procédure accélérée, de sorte que nous n'aurons pas suffisamment de temps pour appréhender le sujet : nous ne voulons pas de ce scénario.

Vous l'avez dit, monsieur le ministre, le dispositif est clair et il est précisé qu'il s'effectue à droit constant. Or il est, certes, indiqué que la nouvelle codification, qui porte sur les dispositions en vigueur et sur celles publiées mais non encore entrées en vigueur, s'effectue à droit constant, mais sous certaines réserves, ce qui n'est pas neutre : des modifications peuvent être apportées, à titre anecdotique mais aussi plus substantiel.

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Nous sommes tous d'accord, il est urgent de réécrire le code de procédure pénale, comme le demandent tous les acteurs de la vie judiciaire. Ce qui pose problème, c'est la réécriture à droit constant, qui soulève de nombreuses difficultés. Le constat étant fait, que proposez-vous ? J'entends que vous souhaitez associer les parlementaires, mais qui, parmi nous, va s'atteler, au quotidien, à ce travail de bénédictin ? Il me semble donc approprié de passer par la voie réglementaire, même si elle doit être encadrée.

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Si nous avions la même réticence, sur le principe, à être dépossédés de ce type de sujet, la réécriture de la partie législative du code de procédure pénale est une demande très ancienne, à laquelle personne ne s'est attelé. Il s'agit donc d'une opportunité à saisir, dans un souci de clarté et d'intelligibilité, pour les acteurs du monde judiciaire et de la sphère pénale. Les révisions du CJPM et du code pénitentiaire ont donné de bons résultats. De plus, le rapporteur l'a souligné, c'est un travail fastidieux qui ne saurait être effectué dans un délai raisonnable. Surtout, le ministre l'a dit, les parlementaires seront associés à la réécriture. Compte tenu de ces garanties, il me semble qu'il faut soutenir cette habilitation, dans l'intérêt des professionnels.

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La législature précédente – avec l'exemple du CJPM – a montré qu'une telle méthode fonctionne bien. N'ayez aucune inquiétude quant au comité de pilotage envisagé par le ministère, car il permet d'associer l'ensemble des groupes parlementaires pour un travail de qualité – dans le cas du CJPM, Cécile Untermaier et Stéphane Peu y avaient participé au nom de leurs groupes respectifs.

Par ailleurs, le débat parlementaire aura lieu au moment de la ratification : si des modifications substantielles doivent intervenir, le Parlement y sera associé, en amont et dans le cadre du vote. La méthode a déjà fait ses preuves.

La commission rejette les amendements.

Elle adopte l'amendement rédactionnel CL843 de M. Erwan Balanant, rapporteur.

Amendement CL17 de Mme Pascale Bordes.

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La réforme du code de procédure pénale est attendue par bon nombre d'acteurs de la procédure. Il faut néanmoins bien encadrer la réécriture à droit constant, certaines difficultés étant susceptibles de se traduire par un glissement vers une modification de pans complets de la procédure pénale. Cet amendement vise donc à supprimer, à la fin du premier alinéa, la référence à « la modification de toute autre disposition de nature législative nécessitée par cette réécriture ».

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La refonte étant faite à droit constant, il ne peut y avoir de modification de fond : la décision n° 99-421 DC du Conseil constitutionnel va dans ce sens. La mention que vous souhaitez supprimer vise simplement à permettre de procéder à la coordination avec les autres codes. À titre d'exemple, la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse renvoie au code de procédure pénale : les ajustements proposés permettront d'actualiser ces renvois. De plus, un projet de loi de ratification de l'ordonnance sera déposé.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Si nous présentions un texte autonome, il comporterait 2 000 articles. Il s'agirait d'un travail titanesque, si bien que, dans vingt ans, nous n'aurions toujours pas touché au code de procédure pénale. J'ajouterai que l'objectif principal de ces textes – notre boussole commune, j'en suis convaincu – est d'améliorer la justice de notre pays et les conditions de son exercice.

Je vous suggère par ailleurs ; madame la députée, de participer au comité parlementaire qui va être créé : il sera transpartisan. Il travaillera en lien avec le comité scientifique. Le Parlement aura, en tout état de cause, le dernier mot : vous jugerez ainsi sur pièces de la qualité du travail effectué, à droit constant. Avis défavorable.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CL382 de M. Ugo Bernalicis.

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Il s'agit d'un amendement de repli, visant à sécuriser la nouvelle rédaction du code de procédure pénale, à droit constant. Vous nous dites d'avoir confiance, mais nous ne sommes pas rassurés : depuis un an, nous avons pu constater la façon dont les débats parlementaires se déroulent au sein de notre assemblée. Nous souhaitons donc que soit supprimée la fin de la seconde phrase de l'alinéa 2.

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Nous avons déjà évoqué cette question. Je vous renvoie, encore une fois, à la décision du Conseil constitutionnel sur la codification à droit constant. Vous faites référence au CJPM, mais cette comparaison n'est pas tout à fait opérante, car le texte d'habilitation n'était pas à droit constant : il indiquait que les dispositions relatives à la justice pénale des mineurs seraient modifiées et complétées, dans le respect des principes constitutionnels. Faisons confiance au comité scientifique, qui prendra le temps de travailler. Avis défavorable.

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Il est vrai que cela est moins pire que ce que Nicole Belloubet avait fait : elle avait introduit la demande d'habilitation par ordonnance en cours de débat, après avoir largement communiqué et indiqué que la réforme se ferait à droit constant, sans préciser qu'il y aurait des exceptions... Arrêtez de nous prendre pour des idiots ! Si votre démarche – un comité de pilotage parlementaire – était aussi pertinente que ce que vous indiquez, pourquoi ne figure-t-elle ni dans l'annexe, ni dans le dispositif du texte ?

La semaine dernière, vous nous avez dit, monsieur le ministre, que tous les parlementaires avaient été associés, ce contre quoi je me suis inscrit en faux. Vous indiquez désormais que cela va être mis en place et que la ratification aura lieu devant l'Assemblée nationale, mais il s'agit de la procédure normale de ratification ! J'oubliais votre dernière trouvaille : depuis le covid, une ordonnance peut s'appliquer sans avoir été ratifiée, même après expiration du délai, comme le précise la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Votre volonté n'est donc pas de débattre, mais d'avancer. Vous l'avez d'ailleurs indiqué, nous n'allons pas passer mille ans sur le sujet ; pourtant, il le faudrait. Nous devrions y consacrer dix ans, car il s'agit d'une question fondamentale : la procédure est sœur des libertés.

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Le législateur ne peut pas être tenu pour responsable des décisions du Conseil constitutionnel : la justice est indépendante, a fortiori le Conseil. Cette jurisprudence est de son fait : nous sommes innocents en la matière !

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Nous n'avons pas voix au chapitre sur les décisions du Conseil constitutionnel. La demande d'habilitation est issue des États généraux de la justice et comporte la mention de l'association des parlementaires.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

La confiance n'exclut pas le contrôle ; la défiance non plus. Des précautions sont prises, puisque je n'ai aucun pouvoir, ni sur la commission supérieure de codification, ni sur le Conseil d'État, ni sur votre comité parlementaire de suivi. Avis défavorable.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CL18 de Mme Pascale Bordes.

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Cet amendement vise à rassurer M. Bernalicis, puisqu'il propose de supprimer de la seconde phrase de l'alinéa 2 les mots : « harmoniser l'état du droit », trop vagues et susceptibles d'ouvrir la voie à une véritable modification de fond du code de procédure pénale. Cette expression recouvre en effet un champ des possibles trop vaste, nous éloignant de la réforme à droit constant.

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L'alinéa 293 du rapport annexé prévoit d'associer les parlementaires à la réécriture du code de procédure pénale.

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S'il est important que les parlementaires soient vigilants, la mention sur l'harmonisation dans les habilitations de codification à droit constant est classique. Avis défavorable.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Même avis.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CL19 de Mme Pascale Bordes.

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Visant également à sécuriser la procédure de réécriture à droit constant, cet amendement propose d'intégrer le principe consacré par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 16 décembre 1999, laquelle recommande de s'en tenir à une conception étroite de la codification à droit constant. Pourquoi insérer une décision existante dans le texte ? Le Conseil constitutionnel peut changer d'avis, ce ne serait pas la première fois.

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Le Conseil constitutionnel a une jurisprudence constante sur ce sujet. Il se montre extrêmement soucieux de la préservation des prérogatives parlementaires. Avis défavorable.

La commission rejette l'amendement.

Amendements CL20 de Mme Pascale Bordes, CL477 de M. Emmanuel Mandon et CL630 de M. Jérémie Iordanoff (discussion commune).

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Mon amendement vise à insérer la disposition prévue dans le rapport annexé, à l'alinéa 293, instaurant un suivi par une assemblée de parlementaires. Nous savons en effet tous que le rapport annexé n'a aucune valeur juridique.

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Une refonte de la législation sur la procédure pénale comporte nécessairement de fortes implications pour les libertés individuelles. Nous considérons qu'il est légitime que le Parlement se préoccupe des conditions d'utilisation par le Gouvernement de l'habilitation qui lui est consentie. Je me réjouis, à cet égard, de la volonté de M. le garde des sceaux d'associer étroitement la représentation nationale à l'entreprise de codification, quelles que soient les sensibilités. Le groupe Démocrate a proposé d'inscrire dans la loi elle-même l'engagement qui a été pris par le Gouvernement, désormais inclus dans le rapport annexé. Une telle insertion manifeste la reconnaissance juridique et symbolique d'une responsabilité partagée.

Notre amendement vise à faire reposer la nécessaire concertation sur les projets de texte élaborés au fur et à mesure du processus de codification. À nos yeux la concertation ne peut se fonder sur les seuls documents du comité scientifique : elle doit l'être sur les textes qui expriment les intentions du Gouvernement lui-même. Par ailleurs, il n'appartient pas au Parlement de valider les travaux menés par le Gouvernement, comme le souhaitent les auteurs de l'amendement CL20, au risque de porter atteinte aux délibérations du pouvoir exécutif et au plein exercice par le Parlement de ses compétences propres.

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L'amendement CL630 vise à inscrire le comité de suivi dans la loi, le rapport annexé n'ayant aucune portée juridique. Malgré l'article 38 de la Constitution, le sujet est sensible, alors que le code est très volumineux : il sera difficile de rester à droit constant, d'où la nécessité d'un suivi régulier par les parlementaires, afin d'éclairer le débat au moment de la ratification. Si nous ne nous opposons pas à l'habilitation, nous demandons qu'elle soit bordée. Plutôt que des engagements oraux – par nature incertains –, nous souhaitons qu'une garantie figure dans le texte de la loi.

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Madame Bordes, si le rapport annexé a si peu d'importance, je m'interroge sur notre capacité collective à l'amender. J'en veux pour exemple le rapport annexé de la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi), celui de la loi de programmation militaire (LPM) et celui que nous examinons aujourd'hui. Il est vrai que le ministre – et je l'aime beaucoup – n'est pas éternel.

De plus, la mention de l'association des parlementaires figure expressément dans l'étude d'impact. Elle a également été inscrite dans le rapport annexé, qui fixe le cap et les orientations. Nos préoccupations me semblent donc être satisfaites. Si nous l'ajoutions dans le texte, monsieur Mandon, il en deviendrait bavard. Avis défavorable.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Même avis : si le ministre peut changer, il ne changera pas d'avis ! Les choses sont inscrites et gravées de façon définitive. Pensez-vous franchement que le ministre, quel qu'il soit, passerait outre le Parlement, sans respecter la parole donnée publiquement ? Rassurez-vous, le comité dira ce qu'il a à dire, puisque nous sommes en démocratie. Ce texte doit faire l'objet d'un consensus, tel est mon objectif.

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Vous nous dites, monsieur le ministre, que la parole donnée aux parlementaires doit être respectée : vous n'êtes ni le premier, ni le dernier à le faire. Il n'y a pas si longtemps, sur la réforme des retraites, la Première ministre s'est engagée à ne pas utiliser le 49.3, comme d'autres membres du Gouvernement, y compris devant l'hémicycle. Donc, oui, il est possible que, dans vingt-quatre mois, vous constatiez l'absence de consensus sur cette question et appliquiez un texte non ratifié par les assemblées. Ce ne serait qu'un énième coup de force, après tous ceux que vous avez déjà faits ! Le principe de précaution prévaut donc s'agissant du code de procédure pénale. Je vous pose par ailleurs une question : en l'absence de consensus, êtes-vous prêt à ne pas déposer d'ordonnance dans vingt-quatre mois ?

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Le rapport annexé, dites-vous, fixe un cap. Dont acte, mais on n'est pas obligé de le suivre, à la différence de ce qui est inscrit dans un article de loi.

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Il ne s'agit pas d'une question de confiance, mais simplement de veiller au respect des droits du Parlement. Nous habilitons le Gouvernement à légiférer par ordonnance car nous aurions du mal à réécrire nous-mêmes le code de procédure pénale. Mais il faut que nous conservions toutes les garanties possibles parce que cette matière relève du domaine législatif.

Le rapporteur s'est inquiété de voir le texte devenir bavard. L'article 3 l'est déjà suffisamment pour qu'on se dispense d'un tel argument. Il s'agit en l'occurrence d'un point fondamental et la demande d'habilitation a fait l'objet de critiques assez fortes. Qu'est-ce qui empêche d'inscrire dans cet article des dispositions qui figurent déjà dans le rapport annexé ? J'ai du mal à comprendre.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CL784 du Gouvernement.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Cet amendement a pour objet de rétablir à six mois après la publication de l'ordonnance le délai de dépôt du projet de loi de ratification. Ce délai paraît indispensable car il est probable que ce projet fera l'objet d'un débat parlementaire, comme l'indique d'ailleurs le rapport annexé.

L'ordonnance permettra de clarifier le code de procédure pénale à droit constant. Le délai que nous proposons permettra de présenter au Parlement un projet de loi de ratification aussi complet que possible, ce qui permettra ensuite une discussion parlementaire plus riche et plus constructive.

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Je vous pose de nouveau la question, monsieur le ministre : s'il n'y a pas de consensus au terme du délai de réflexion désormais de vingt-quatre mois, êtes-vous prêt à ne pas publier l'ordonnance ?

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Encore une fois, l'ordonnance a pour objet de clarifier le code, à droit constant. Je ne vois vraiment pas ce qui pourrait ne pas être consensuel. On ne touche ni au fond des règles, ni aux équilibres fondamentaux.

La commission adopte l'amendement.

Amendement CL103 de Mme Cécile Untermaier.

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Peut-être cet amendement se retrouve-t-il en fin de liste parce qu'il propose la parité dans le groupe destiné à associer les parlementaires à la rédaction de l'ordonnance.

Notre groupe est favorable à la réécriture à droit constant par voie d'ordonnance. Lors d'un précédent quinquennat, il avait été décidé avec succès de recourir à la même démarche pour réformer le difficile droit des contrats – ce qui est tout de même quelque chose.

La difficulté n'est pas dans le principe du recours à l'ordonnance mais dans son encadrement, car la procédure pénale touche aux libertés et aux droits de la défense, sujets sur lesquels, à l'évidence, on ne peut que procéder à une réécriture à droit constant.

Mais comment vérifier qu'il en sera bien ainsi ? C'est pour cette raison que, comme d'autres groupes, nous jugeons important que le groupe de parlementaires figure dans cet article et non dans le rapport annexé. Je suis persuadée que ce groupe sera réuni et fera bien son travail. Mais c'est l'occasion de faire en quelque sorte jurisprudence en inscrivant dans la loi, pour la première fois, les modalités d'association des parlementaires à l'élaboration d'une ordonnance. Je ne propose cela ni par défiance ni par crainte d'un complot, mais dans un esprit constructif.

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Faire figurer la composition de ce groupe de parlementaires dans l'article rendrait le texte plus complexe et bavard.

L'article 3 ne l'est pas, monsieur Iordanoff. Il est dense et comprend plusieurs dispositifs de fond, ce qui n'est pas la même chose.

L'amendement est par ailleurs satisfait. Vous souhaitez que chaque groupe parlementaire veille à la parité, ce qui implique de désigner deux de ses membres au sein du groupe chargé du suivi de l'élaboration de l'ordonnance. Cela va faire beaucoup si l'on considère le nombre de groupes à l'Assemblée et au Sénat.

Le ministre s'est engagé à réunir ce groupe de parlementaires ; il est mentionné dans l'étude d'impact ; les sénateurs ont choisi à juste titre de le faire figurer dans le rapport annexé. Nous disposons de toutes les garanties nécessaires.

Avis défavorable.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Mme Untermaier a dit qu'elle n'avait aucune raison de douter de ma volonté de réunir ce groupe de parlementaires, et je l'en remercie.

Nous avons évoqué la méthode de travail. Comme cela figurera au compte rendu, il vous suffira d'y faire référence lors de prochaines demandes d'habilitation pour réclamer qu'elle s'applique de nouveau.

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Monsieur le rapporteur, mon amendement prévoit que chaque groupe parlementaire veillera autant que possible au respect de la parité. Il n'est donc pas question de désigner deux membres par groupe. Mais il me semble nécessaire de nous orienter courageusement vers la parité.

Ce n'est pas à vous que je vais apprendre la force de la loi, monsieur le ministre. Vous avez suffisamment le goût de l'innovation et la volonté de changer les choses pour admettre que la rédaction d'une ordonnance peut s'appuyer sur deux jambes, l'une du côté de l'exécutif et l'autre du législatif – qui serait affaibli si le dispositif figurait seulement dans le rapport annexé. Il me semble intéressant d'inscrire la méthode d'association des parlementaires directement dans l'article, quitte à prendre le risque d'une censure par le Conseil constitutionnel. Avec d'autres groupes, nous déposerons peut-être en séance publique un autre amendement susceptible de satisfaire l'ensemble des parlementaires.

La commission rejette l'amendement.

Elle adopte l'article 2 modifié.

Article 2 bis (nouveau) (art. 367 du code de procédure pénale) : Valeur de titre de détention de l'arrêt de cour d'assises condamnant à une peine d'emprisonnement un accusé comparaissant détenu

La commission adopte l'article 2 bis non modifié.

Article 3 A (nouveau) (art. 230-8 du code de procédure pénale) : Amélioration de la gestion du fichier de traitement d'antécédents judiciaires

Amendement CL546 de M. Jean-Félix Acquaviva.

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Cet amendement prévoit l'effacement complet des données du fichier de traitement d'antécédents judiciaires (TAJ) en cas de relaxe définitive, de décision d'acquittement définitive, de classement sans suite et de non-lieu.

Cela relève selon nous du bon sens. Ces données ne devraient pas être conservées lorsque la décision est devenue définitive et que la personne a été reconnue innocente. L'effacement de toute responsabilité doit emporter l'effacement des données.

Dans les autres cas, l'amendement préserve l'ajout effectué par cet article qui permet, faute d'effacer les données, d'en interdire l'accès dans le cadre d'une enquête administrative.

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En cas de relaxe définitive, de décision d'acquittement définitive, de classement sans suite et de non-lieu, les données doivent par principe être effacées. Elles ne peuvent être conservées que si le procureur le juge nécessaire et après information de la personne en cas de relaxe ou d'acquittement.

En tout état de cause, ces données ne sont accessibles que dans le cadre judiciaire. Les « mentions » dont elles font l'objet excluent tout accès pour des enquêtes administratives, comme lors d'une demande de visa. Mais il est des situations où la conservation des données pourrait se révéler utile pour d'autres affaires. Je pense donc qu'il ne faut pas supprimer cette dérogation limitée et encadrée.

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Nous souhaitons qu'il soit garanti que ces données ne sont pas conservées. La rédaction que nous proposons permet de s'en assurer, car c'est un point fondamental.

La commission rejette l'amendement.

Elle adopte l'article 3A non modifié.

Après l'article 3A

Amendement CL671 de M. Raphaël Gérard.

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L'amendement a pour objet d'harmoniser les rédactions du code pénal et du code de procédure pénale en ce qui concerne les infractions commises en raison de l'appartenance réelle ou supposée d'une personne à une prétendue race.

La loi du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté a modifié les dispositions du code pénal afin de substituer à la notion de « race » – qui n'est pas applicable aux êtres humains – celle de « prétendue race ». Pour des raisons de cohérence juridique et des raisons philosophiques, il est proposé de procéder à la même substitution au sein du code de procédure pénale.

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Avis favorable. Je pense qu'il faudrait d'ailleurs proposer une modification similaire pour la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

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Comme il ne porte pas sur le code de procédure pénale, cet amendement ait serait probablement irrecevable, monsieur le rapporteur.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

L'amendement CL671 est particulièrement bienvenu. Il n'est pas question que le code de procédure pénale mentionne l'existence de races et il convient en effet de se référer à la notion de « prétendue race » – qui emporte les mêmes effets juridiques.

La commission adopte l'amendement.

Amendement CL389 de Mme Andrée Taurinya.

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Avec cet amendement, nous voulons mettre fin aux amendes forfaitaires délictuelles (AFD). Nous en avons longuement parlé à l'occasion de l'examen du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur, mais ce texte est l'occasion de poursuivre notre combat.

L'extension de l'AFD à de nouveaux délits en 2019 – et plus particulièrement à celui d'usage de produits stupéfiants, pour lequel l'AFD manifeste une illusoire fermeté – entraîne des effets pervers. Ceux-ci se sont très rapidement manifestés, avec une explosion du nombre d'amendes prononcées qui n'a pas eu le moindre effet sur le niveau de consommation de stupéfiants en France – ce qui a été dénoncé par de nombreuses organisations.

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On est en train de refaire le match de la Lopmi. Pourquoi pas ? Mais pour que votre dispositif soit efficace, il aurait fallu que vous demandiez la suppression des articles 495-17 à 495-25.

L'AFD met fin à l'action publique pour certains délits expressément prévus par la loi. Contrairement à ce que vous dites, ce mécanisme ne méconnaît nullement les principes du droit pénal et de la procédure pénale, dont l'individualisation des peines et le droit de recours. Le Conseil constitutionnel a déjà eu l'occasion de l'indiquer à plusieurs reprises – la dernière fois au début de cette année. Je rappelle que l'AFD est une alternative à la peine d'emprisonnement et elle est donc utile. Enfin, un bilan complet de l'AFD est prévu avant 2026, mais ce système semble bien fonctionner.

Avis défavorable.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Avis défavorable également.

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Nous sommes en effet favorables à une régulation de la population carcérale, mais nous sommes contre le fait de prononcer des sanctions délictuelles sans procès.

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Si la personne refuse l'AFD, elle comparait devant le tribunal de police ou le tribunal correctionnel et ses droits sont donc parfaitement garantis.

La commission rejette l'amendement.

Article 3 (art. L. 612-1 du code pénitentiaire et art. 59-1 [nouveau], 63-3, 80-1-1, 142-6, 142-6-1 [nouveau], 156, 161-2, 167, 167-2, 186, 186-1, 230-34-1 [nouveau], 230-36, 397-1, 397-2, 397-3, 706-96-1, 706-96-2 [nouveau], 706-97, 803-5 et 803-7 du code de procédure pénale) : Dispositions relatives à l'enquête, à l'instruction, au jugement et à l'exécution des peines

Amendement CL308 de M. Éric Pauget.

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Plus d'un français sur deux ne fait plus confiance à la justice et sept sur dix estiment qu'elle fonctionne mal. D'après les sondages, ils sont même 80 % à penser que notre justice est inefficace.

« Décivilisation » pour le Président de la République, « ensauvagement » pour le ministre de l'intérieur ou « sentiment d'insécurité » pour le garde des sceaux ; jamais, malgré la loi sur la confiance dans l'institution judiciaire, la défiance des Français n'a été aussi forte envers cette institution.

Inspiré de la législation pénale canadienne, qui prévoit que le placement en détention provisoire peut être nécessaire pour ne pas miner la confiance du public envers l'administration de la justice lorsque l'accusation d'une infraction grave paraît fondée, cet amendement vise à transposer dans notre droit la notion d'atteinte à la confiance publique dans la justice. Cela interdira aux magistrats de prononcer de peines pouvant porter atteinte à cette confiance au vu du degré de culpabilité de la personne mise en examen, prévenue ou accusée, de la gravité de l'infraction commise et de ses modalités d'exécution ainsi que de l'importance de la peine d'emprisonnement encourue.

Le garde des sceaux avait mentionné l'exemple du droit québécois lors de son audition sur ce projet. Je propose pour ma part que nous nous inspirions de l'expérience de nos amis canadiens, qui ont trouvé le moyen de rétablir la confiance dans la justice.

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Monsieur Pauget, on connaît votre attachement aux valeurs de la République et à l'indépendance de la justice. Mais votre amendement me surprend et je le trouve assez particulier.

Je ne crois vraiment pas que ce sont les décisions des juges qui vont nuire à la perception de la justice. Pour l'améliorer, il faut faire en sorte que la justice soit plus rapide et qu'elle ait les moyens de bien accomplir sa tâche – c'est ce à quoi nous travaillons avec ce texte.

La confiance dans la justice peut aussi être minée par la mauvaise connaissance du droit et des principes juridiques par nos concitoyens.

Il faut mieux les sensibiliser aux questions juridiques – et le rapport annexé comprend des éléments en ce sens – et avoir une justice qui fonctionne mieux. C'est cela qui garantira que la justice sera aimée par nos concitoyens.

Avis défavorable.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Qu'est-ce qu'une peine « pouvant porter atteinte à la confiance publique dans la justice » ? Que signifie l'interdiction de la prononcer ? Il faudrait que le juge s'interroge sur la peine qu'il envisage de prononcer et qu'il s'interdise de le faire si cette dernière est susceptible de porter atteinte à la confiance publique. Tout cela relève d'une interprétation subjective.

Je veux rappeler mon attachement viscéral à l'indépendance de la justice. Elle a pour corollaire la liberté juridictionnelle. Parmi les centaines de milliers de décisions rendues, il est des peines qui peuvent parfois choquer – que ce soit par leur lourdeur ou leur clémence. Pour avoir longtemps pratiqué les cours d'assises, je peux témoigner que les citoyens qui composent le jury sont souvent en désaccord sur la peine à infliger. L'indépendance et la liberté entraînent parfois des décisions surprenantes, et le citoyen est en droit d'en penser un certain nombre de choses puisque la justice est rendue au nom du peuple français.

Un autre système est possible, celui dans lequel l'exécutif met la main sur la justice. Ce serait une catastrophe absolue. L'État de droit est l'un des signes forts de la vitalité démocratique : si l'exécutif décide des peines à la place des magistrats, nous en avons fini avec les règles qui sont les nôtres et auxquelles je suis profondément attaché. La justice doit s'exercer à l'abri de toute pression. Lorsque l'on n'est pas satisfait d'une décision, il existe des voies de recours. Et pour la paix sociale, il vient un moment où elles sont épuisées. C'est ce qui permet de retrouver un peu de quiétude, parce que la justice c'est le pacte social.

J'entends ce que vous dites, mais attention à ne pas aller trop loin. Vous avez le droit d'exprimer une forme d'irritation, mais il existe des règles intangibles.

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Le pouvoir législatif doit faire très attention à la manière avec laquelle il s'adresse au pouvoir judiciaire et au désir d'influencer les décisions juridictionnelles. Nous votons la loi et il revient aux juges de l'appliquer.

Ce genre d'amendement jette une forme de discrédit sur toute la magistrature et sur l'institution judiciaire. En outre, le terme « confiance » peut être décliné à l'infini – confiance dans les médias, le Gouvernement, les députés ou les élus. On peut aller loin comme cela – et d'ailleurs, pourquoi pas ? Notre rôle en tant que députés consiste à trouver les outils pour répondre à l'absence de confiance.

S'agissant de la confiance envers les élus, la possibilité de les révoquer par référendum constitue un outil efficace. Seriez-vous prêts à l'accepter ? Il faut donc balayer devant sa porte et faire très attention à un discours plutôt démagogique qui vise les magistrats sans pour autant proposer de solution. Que souhaitez-vous vraiment ? Que les peines soient prononcées par référendum ? Notre travail n'est pas de dénigrer et d'affaiblir le pouvoir judiciaire mais de lui donner les moyens de réaliser un travail qui aboutisse au consentement, à l'acceptation et à la paix sociale.

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Je confesse avec une certaine stupeur être à peu près d'accord avec ce que vient de dire Mme Garrido. Dont acte.

Le ministre a raison de souligner que la justice est une œuvre humaine, et il convient de laisser au juge le soin d'apprécier la situation singulière des délinquants, dont les parcours, très différents, ne sauraient tenir dans les mêmes cases.

Nous savons tous que le droit pénal est d'interprétation stricte. C'est le fondement des garanties individuelles qui font qu'être devant un juge ne signifie pas entrer dans une zone de vaste incertitude, soumise aux diktats de l'opinion publique : gardons la logique de notre système juridictionnel, qui conditionne la condamnation à la preuve d'une infraction, elle-même définie par des éléments constitutifs précis. Laissons l'opinion publique en dehors de cela. Il ne faut pas laisser prospérer la subjectivité dans notre code pénal. Mme Garrido a raison : la séparation des pouvoirs est l'élément fondamental de notre démocratie. Soyons vigilants.

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Le Canada est une grande démocratie libre, dans laquelle la séparation des pouvoirs est un principe constitutionnel. L'atteinte à la confiance publique dans la justice y est en vigueur depuis de nombreuses années.

Un droit moderne est un droit qui évolue et qui ne reste pas figé sur ce que l'on a connu les cinquante dernières années. J'entends les arguments des uns et des autres et je les partage. Néanmoins, cela ne doit pas nous contraindre à rester dans un schéma du passé, lequel devra de toute manière évoluer à l'avenir. Avec cette proposition de modification du code de procédure pénale inspirée du droit canadien, il ne s'agit pas de remettre en cause les décisions de justice mais de renouer le lien entre le peuple et l'institution judiciaire. Vous verrez que l'on y viendra un jour ou l'autre.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CL134 de Mme Cécile Untermaier.

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L'Institut français de la justice restaurative (IFJR) déplore que « l'information aux personnes victimes et auteures sur la justice restaurative [soit] très peu délivrée voire confisquée par les professionnels ».

Pourtant, un certain nombre de personnes qui ne connaissent pas cette justice restaurative pourraient profiter de son efficacité. Une enquête menée par l'IFJR et l'association de médiation et d'aide aux victimes (Amav) a révélé que 53 personnes sur les 100 qui avaient participé à un entretien s'étaient montrées intéressées par la possibilité de participer à une mesure de justice restaurative.

Cet amendement vise à systématiser les informations relatives à la justice restaurative auprès des victimes et des auteurs d'infraction, à tous les stades de la procédure pénale.

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Je suis aussi attaché que vous au développement des mesures de justice restaurative. Je tiens à saluer le bon travail réalisé sur ce sujet par Naïma Moutchou et Cécile Untermaier.

Votre amendement me semble inopérant pour deux raisons : d'abord, il systématise une mesure qui doit être envisagée au cas par cas ; ensuite, celle-ci s'appliquerait à tous les stades de la procédure ; autrement dit elle serait proposée plusieurs fois à un justiciable qui l'a déjà refusée. Cela ne marche pas.

Je vous suggère donc le retrait de cet amendement pour le retravailler d'ici à l'examen en séance, étant entendu que la justice restaurative donnera lieu à de nouveaux débats.

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Si je comprends bien, vous êtes d'accord sur le principe. Il suffit de retravailler l'amendement pour que vous y soyez favorable en séance. Je vous en remercie par avance.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Pour ne rien vous cacher, cela fait des années que je regarde la justice restaurative comme le meilleur instrument de résilience pour les victimes. Le sujet me tient à cœur, et je sais que je suis loin d'être le seul : c'est aussi le cas de Naïma Moutchou, de Philippe Pradal, de Blandine Brocard, de Didier Paris, de Cécile Untermaier et de tant d'autres qui me pardonneront de ne pas les citer – et même de M. Bernalicis, vient-il de me dire.

Cela dit, chaque chose en son temps. La systématisation me chagrine car elle contrevient au principe même de la justice restaurative : celle-ci doit être seulement proposée – et je serais même tenté de dire : en susurrant –, car elle concerne des situations douloureuses. Il est compliqué, sur le plan humain, de systématiser l'établissement d'une relation entre une victime et l'artisan de son malheur. Certaines victimes n'en veulent pas, et je les entends.

La question est trop importante pour être tranchée dans l'instant. Mais, sur ce sujet comme sur celui de la surpopulation carcérale, ma porte est toujours ouverte. Tout cela doit faire l'objet d'un travail complet et aussi transpartisan que possible. La modernisation de notre justice appelle à la fois une évolution de certains mécanismes séculaires et la préservation de nos grands principes. En l'occurrence, les Canadiens sont très en avance en matière de justice restaurative, monsieur Pauget. Ce qu'ils ont mis en place est une source d'inspiration. Si vous le voulez bien, rendez-vous dans quelques semaines, donc.

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L'amendement vise à ce que la victime et l'auteur d'une infraction se voient systématiquement proposer une mesure de justice restaurative ; autrement dit il n'implique aucune obligation. J'avais déposé le même amendement il y a cinq ans, sur le projet de loi de programmation de la justice 2018-2022 : on m'avait répondu que tout le monde louait la justice restaurative et qu'il fallait la développer. Cinq ans plus tard, le blocage persiste, faute de moyens. Cela fonctionne bien au Canada parce que les moyens nécessaires y ont été engagés. Le dispositif ne doit en effet pas être obligatoire sous peine d'un dévoiement, mais ce n'est pas l'objet de l'amendement. Si nous sommes tous d'accord, améliorons la rédaction en vue de la séance.

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Il s'agit en effet d'une simple information. Cela étant, nous retravaillerons la rédaction parce que le caractère systématique peut poser problème. Nous souhaitons promouvoir le principe de la justice restaurative, dont l'application reste conditionnée à l'accord des parties.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Je suis favorable à la justice restaurative. Les dispositifs existants en la matière doivent être améliorés, ce qui exige des moyens. Cela étant, l'amendement met la charrue avant les bœufs, parce que si l'on donne l'information avant d'avoir mis en place une justice restaurative plus performante, on ne remplira pas nos obligations vis-à-vis des justiciables, en particulier des victimes. Je suggère un retrait afin que nous travaillions sur le sujet.

L'amendement est retiré.

Amendement CL45 de M. Philippe Gosselin.

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Depuis six ans, on observe une extension de la convention judiciaire d'intérêt public (CJIP) et, plus généralement, de la justice transactionnelle en droit pénal des affaires. Il faut en tirer toutes les conséquences et prévoir l'assistance de la personne morale par un avocat au cours de la procédure de la CJIP.

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Plusieurs différences entre la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) et la CJIP expliquent que ces procédures soient entourées de garanties distinctes. La CRPC implique de reconnaître sa culpabilité, ce qui n'est pas le cas de la CJIP. La CJIP permet d'échapper à toute poursuite en contrepartie du paiement d'une amende et ne constitue donc pas une peine, alors que, dans le cas de la CRPC, une peine – qui peut être de la prison ferme – est susceptible d'être prononcée. La CJIP concerne des personnes morales, donc principalement des entreprises, tandis que la CRPC s'applique aux personnes physiques. Enfin, la CJIP concerne surtout de grandes entreprises qui veulent éviter les poursuites pour des faits de corruption ou de fraude fiscale, et qui sont largement assistées par leurs avocats. Avis défavorable.

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Nous souhaitons que les entreprises de plus petite taille bénéficient, elles aussi, de l'assistance d'un avocat. Les personnes morales ont droit, au même titre que les personnes physiques, à une forme de protection.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CL844 de M. Erwan Balanant.

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L'amendement tire les conséquences de la réserve d'interprétation formulée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 10 février dernier. Il vise à ce que l'avocat soit avisé et puisse assister son client lorsque celui-ci est gardé à vue et fait l'objet, contre son gré, de relevés signalétiques, c'est-à-dire de relevés d'empreintes digitales, palmaires ou de photographies. L'amendement prévoit un délai de carence de deux heures afin d'assurer un équilibre entre les droits de la défense et l'objectif à valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d'infractions.

La commission adopte l'amendement.

Amendements identiques CL47 de M. Philippe Gosselin et CL73 de Mme Caroline Yadan, amendements identiques CL48 de M. Philippe Gosselin, CL106 de Mme Cécile Untermaier et CL335 de Mme Émeline K/Bidi (discussion commune).

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L'amendement CL47 vise à offrir la possibilité à la personne perquisitionnée de prévenir son avocat et d'être assistée par celui-ci, sans que l'absence de ce dernier n'empêche le déroulement de la procédure. Cela n'imposerait aucune formalité supplémentaire aux officiers de police judiciaire (OPJ).

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Cet amendement avait été adopté lors de l'examen du projet de loi de programmation de la justice 2018-2022 puis du projet de loi pour la confiance dans l'institution judiciaire, en 2021, avant d'être abandonné. Il vise à renforcer les garanties procédurales en prévoyant la possibilité de la présence de l'avocat lors d'une perquisition, à la demande de la personne perquisitionnée. Cela permettrait de concilier l'efficacité de l'enquête et le renforcement des droits de la personne perquisitionnée.

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Il s'agit, par l'amendement CL48, de renforcer la présence de l'avocat lors de la perquisition.

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L'amendement CL106 vise à ce que la personne faisant l'objet d'une perquisition puisse appeler son avocat et que celui-ci puisse se rendre sur les lieux, sans que cela n'interrompe les opérations. Cela nous paraît une garantie minimale.

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L'amendement CL335 a pour objet de renforcer la place de l'avocat dans le cadre de la perquisition, en faisant en sorte qu'il puisse être présent dès le début de la procédure, assister son client et adresser des observations au procureur de la République. Il se verrait ainsi attribuer des prérogatives proches de celles qui lui sont dévolues dans le cadre de la garde à vue. Il ne s'agit nullement d'entraver la perquisition mais de renforcer les droits de la personne perquisitionnée. S'il existe un risque pour sa sécurité, il sera possible de refuser la présence de l'avocat. Cette proposition est issue d'un amendement du groupe majoritaire qui avait été adopté par l'Assemblée dans le cadre du projet de loi pour la confiance dans l'institution judiciaire de 2021.

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Le débat, en effet, n'est pas nouveau. Notre assemblée avait adopté cette mesure lors de l'examen du projet de loi pour la confiance dans l'institution judiciaire, mais le Sénat s'y était fermement opposé et la disposition ne figurait plus dans le texte final. Le Sénat a à nouveau écarté cette mesure il y a quelques jours.

Je comprends votre objectif, mais ne suis pas certain qu'il faille aller dans ce sens. D'une part, le droit prévoit déjà un grand nombre de garanties en faveur de la personne concernée par la perquisition : sa présence est obligatoire ou, à défaut, celle de son représentant ou de témoins ; les officiers chargés de la perquisition doivent prendre toute mesure pour assurer le respect des droits de la défense ; l'intéressé a le droit de se taire, ce qui répond aux préoccupations relatives à l'auto-incrimination, et le droit d'être assisté par un avocat s'il est auditionné pendant la perquisition. Les comparaisons avec la garde à vue me semblent hasardeuses car ce sont des situations tout à fait différentes.

D'autre part, comme les forces de l'ordre nous l'ont indiqué, la question de la sécurité de l'avocat pendant la perquisition peut se poser.

La mesure proposée risque de complexifier la procédure et de compromettre l'exécution opérationnelle des perquisitions. Par exemple, une perquisition en flagrance pour un crime grave ou pour empêcher une atteinte doit parfois être menée en urgence, ce qui serait impossible si on devait attendre la présence de l'avocat. Faisons confiance au comité scientifique pour avancer sur le sujet à l'occasion des travaux sur la refonte du code.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Monsieur Gosselin, madame Yadan, il ne me paraît pas cohérent de créer deux régimes distincts de perquisition en fonction du placement ou non en garde à vue de la personne. En outre, vous ne définissez pas les contours de l'assistance dont bénéficierait cette dernière. La présence de l'avocat lors de la perquisition est une question infiniment complexe, qui pourrait être discutée à l'occasion de la refonte du code de procédure pénale. Je vous propose de retirer votre amendement.

Je suis défavorable aux amendements CL48, CL106 et CL335. La commission des lois du Sénat avait supprimé cette disposition de la loi « confiance dans l'institution judiciaire » pour trois raisons. Premièrement, elle estimait que le droit offrait déjà des garanties suffisantes puisqu'en cas d'audition, la personne concernée peut être assistée d'un avocat, à peine de nullité de la procédure. Deuxièmement, elle mettait en avant le fait que la mesure aurait complexifié la procédure pénale, spécialement dans le domaine économique et financier. Troisièmement, elle soulignait que la disposition risquait d'accentuer les inégalités des citoyens dans le cadre de la défense pénale. La commission mixte paritaire (CMP) avait considéré que la suppression de cette disposition était de nature à apaiser le vif débat qu'elle suscitait à l'époque. Lorsque le code de procédure pénale aura été réécrit à droit constant, cette évolution pourra, le cas échéant, être envisagée dans le projet de loi de ratification. J'y suis défavorable pour le moment.

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Il serait naïf de penser que la possibilité accordée à une personne perquisitionnée de prévenir son avocat n'aurait aucune incidence sur le déroulement de la procédure. En effet, les policiers et les gendarmes seraient amenés à se demander s'ils doivent ou non attendre l'avocat. Or, en cet instant, il est crucial de laisser les forces de sécurité agir sans qu'elles aient à se poser trop de questions.

J'abonde dans le sens de M. le ministre : si une réflexion de fond doit être menée sur le code de procédure pénale, pourquoi ne pas y intégrer cette question ? La distinction que vous faites selon qu'il y a ou non une garde à vue est totalement inopérante puisque, en cas d'audition, l'avocat sera présent, au même titre que lors d'une garde à vue.

Dans le cadre des travaux préparatoires à la loi de 2019, nous avions noté que la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) avait très clairement indiqué que la législation française n'était en aucune façon incompatible avec la Convention européenne des droits de l'homme, y compris pour ce qui concerne l'absence de l'avocat pendant la perquisition, puisqu'il ne s'agit pas d'une audition.

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Personne n'a prétendu que le droit français contrevenait à la Convention européenne des droits de l'homme. Il faut certes privilégier le travail de l'enquête mais on ne peut pas dire, comme vous le faites, que cette disposition conduirait les forces de l'ordre à se poser un trop grand nombre de questions. Faisons confiance au comité scientifique, en effet. Si la réécriture du code de procédure pénale se fera à droit constant pour l'essentiel, il ne faudrait pas profiter d'un dessaisissement du Parlement pour recaser dans l'ordonnance des dispositions qui nécessiteraient un examen plus approfondi.

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En relisant l'amendement CL335, je constate que vos doutes n'ont pas lieu d'être. Il est bien écrit que les opérations de perquisition pourront commencer sans attendre la présence de l'avocat. Les forces de l'ordre n'auront donc pas à se poser de questions. Le seul délai qu'elles devront respecter est l'arrivée de l'avocat en cas d'audition de la personne, à l'instar de ce qui est prévu pour la garde à vue. La sécurité de l'avocat ne sera pas non plus menacée puisqu'il intervient chez son client et que sa présence pourra être refusée pour des motifs particuliers. Enfin, rappelons que nous ne sommes pas la chambre d'enregistrement du Sénat.

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Monsieur Gosselin, l'ordonnance sera prise à droit constant. Le comité scientifique est chargé de clarifier et d'identifier des pistes d'amélioration, par exemple sur le sujet dont nous débattons. Des avancées pourront être obtenues lors de l'examen de la loi de ratification. Il n'y a donc pas lieu de s'inquiéter.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Monsieur Gosselin, ce n'est pas à vous que je vais apprendre qu'il faut distinguer la réécriture à droit constant des éventuelles propositions que l'on pourrait faire.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Je ne crois pas. C'était plutôt votre propos qui l'était.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements identiques CL326 de Mme Émeline K/Bidi, CL391 de Mme Andrée Taurinya, CL481 de M. Jean-Félix Acquaviva et CL633 de M. Jérémie Iordanoff.

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Les exceptions à l'interdiction des perquisitions nocturnes ont progressivement été étendues. Ce texte poursuit dans cette voie, ce qui crée un déséquilibre et porte atteinte à des principes à valeur constitutionnelle, à commencer par l'inviolabilité et la protection du domicile. Certes, l'autorisation du juge des libertés et de la détention (JLD) est requise mais, compte tenu des moyens qui lui sont accordés, on sait qu'il ne pourra pas pleinement exécuter son office. Nous ne pouvons accepter cette évolution.

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Nous devons trouver une forme d'équilibre et veiller au respect des droits, ce qui nous conduit à nous opposer aux perquisitions de nuit, que nous jugeons très intrusives dans la vie privée de la personne concernée et de son entourage. On note une tendance générale, en Macronie, à banaliser des procédures tout à fait exceptionnelles, comme les perquisitions menées de nuit, en matière de terrorisme, pour faire face à un danger immédiat. Monsieur le garde des sceaux, j'aurais apprécié que vous m'écoutiez…

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Cet article introduirait des dérogations, à nos yeux excessives, à l'article 59 du code de procédure pénale, qui interdit, sous réserve des exceptions prévues par la loi, les perquisitions de nuit. Les exceptions concernent des infractions d'une particulière gravité, comme le terrorisme, la criminalité organisée et le trafic de stupéfiants. L'amendement CL481 vise à s'opposer à la généralisation de cette faculté, qui nous paraît disproportionnée.

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L'extension aux crimes de droit commun des perquisitions nocturnes domiciliaires nous semble également disproportionnée. Il n'y a pas de raison suffisante pour légiférer. En matière de flagrance, les services disposent déjà de moyens d'enquête très étendus de jour comme de nuit. Enfin, le JLD n'ayant pas les moyens de contrôler l'ensemble des actes, l'encadrement de la mesure sera largement insuffisant. Pour l'ensemble de ces raisons, nous souhaitons supprimer les alinéas 2 à 4.

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Je fais partie de la bande qui défend les libertés, mais il ne faut pas se faire peur pour rien. Les perquisitions de nuit ne seront possibles que dans le cadre d'une enquête de flagrance, ou lors d'une instruction en cas de flagrance, c'est-à-dire dans des cas d'urgence. Elles seront circonscrites aux crimes contre les personnes, infractions d'une extrême gravité. Enfin, la procédure est très encadrée : elle est subordonnée à l'autorisation du JLD, sur requête du procureur, ou à l'autorisation du juge d'instruction au cours d'une information judiciaire. Elle obéit à un formalisme spécifique, en particulier une obligation de motivation renforcée. Il faut notamment préciser pourquoi seules des perquisitions de nuit permettraient d'atteindre les objectifs visés. Enfin, les finalités doivent être précisément et limitativement énumérées.

Ce cadre juridique s'inspire de celui qui est applicable à la criminalité organisée, lequel a été jugé conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel. Au demeurant, le cadre proposé est plus strict, puisqu'en matière de flagrance, le droit en vigueur ne conditionne pas les perquisitions de nuit aux trois finalités prévues ici.

À l'heure actuelle, on peut procéder à des perquisitions de nuit dans des affaires de vente de stupéfiants. Ce texte ajoute la possibilité d'y recourir en cas de viol, de meurtre ou de torture. Je vois mal pourquoi on se priverait de cette possibilité dans l'hypothèse d'un féminicide, par exemple. Soyons cohérents.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Madame Martin, je me suis tourné un instant vers mes services car je souhaitais obtenir une information afin de vous répondre plus précisément. Les perquisitions, notamment en matière de terrorisme, ont été rendues possibles non sous la Macronie mais sous la Mitterrandie !

Prenons l'hypothèse d'un féminicide, qui vient d'être commis dans un appartement, en présence d'enfants : ne diriez-vous pas, si vous étiez JLD, qu'il faut entrer pour préserver les enfants, voire l'intégrité physique de l'auteur – car le féminicide est souvent suivi d'un suicide ?

Monsieur Bernalicis, ne vous en déplaise, le texte est clair : la perquisition ou la visite domiciliaire peuvent être autorisées « lorsque leur réalisation est nécessaire pour prévenir un risque imminent d'atteinte à la vie ou à l'intégrité physique, lorsqu'il existe un risque immédiat de disparition des preuves et indices du crime qui vient d'être commis ou pour permettre l'interpellation de son auteur ». Préférez-vous que les policiers restent en faction dehors en attendant six heures du matin ? Chacun décidera en conscience. Il n'y a là nulle démagogie, madame Garrido : on sait qu'un grand nombre de féminicides s'étend aux enfants ou à d'autres personnes présentes sur les lieux.

Vous pouvez tout contester, et de mon côté je ne crois pas avoir de leçons de défense des libertés à recevoir, je l'ai dit. Mais il est totalement incohérent de permettre, pour certains délits commis en bande organisée, des perquisitions de nuit et de les interdire pour les crimes les plus graves. C'est du bon sens !

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J'appartiens moi aussi à la bande qui défend les libertés ; cela n'a rien de contradictoire avec la volonté de disposer d'outils efficaces.

J'ajoute aux arguments du rapporteur et du ministre que la commission des lois du Sénat a déjà inscrit dans le texte la notion de danger imminent.

Toutes les garanties nécessaires me semblent donc apportées.

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La distinction entre le crime d'une particulière gravité et le crime de droit commun établie dans ces amendements est inutile : un crime contre les personnes est toujours d'une particulière gravité !

Le texte autorise des perquisitions pour prévenir un viol ou un meurtre. On ne va pas y renoncer sous le prétexte qu'il est une heure quarante-cinq du matin ! Ce sont des évidences qui ne remettent pas en cause les principes de la protection du domicile et de la vie privée. Ce texte prévoit même un contrôle par le juge des libertés et de la détention (JLD). Il est équilibré.

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Je vous renvoie au document que vous avez reçu faisant état de l'avancement de nos travaux de rapporteurs. Il révèle les incohérences du droit actuel. Je vous assure qu'il vous convaincra de la nécessité de cette modification.

La commission rejette les amendements.

Amendement CL640 de M. Jérémie Iordanoff.

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Cet amendement ajoute une condition d'urgence, sur le modèle de ce que prévoit le code de procédure pénale s'agissant des perquisitions nocturnes en matière de criminalité organisée. On ne comprend pas pourquoi cette condition a disparu ici.

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L'amendement est satisfait : les trois finalités visées sont marquées du sceau de l'urgence. Dans le cas de la criminalité organisée, l'urgence n'est pas prévue pour la flagrance, mais seulement pour l'enquête préliminaire et l'instruction. J'ajoute que l'alinéa 21, qui porte sur l'instruction, fait bel et bien mention de la condition d'urgence.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Même avis.

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En droit, chaque mot est pesé, et chacun déclenche un régime juridique. Depuis tout à l'heure, il me semble qu'une confusion s'installe entre des régimes juridiques distincts, notamment entre ce qui relève de la perquisition et ce qui relève de l'interpellation. Pénétrer dans un lieu pour empêcher un viol ou libérer un enfant qui hurle, ce n'est pas la même chose que perquisitionner. Si un enfant hurle derrière une porte, j'espère bien qu'on rentre et qu'on libère l'enfant ! Je n'accepte pas votre argument, monsieur le ministre.

Il ne faut pas confondre les différents régimes juridiques, sinon nous mettons toutes les parties en danger, même les victimes : les poursuites judiciaires ne seront pas bien menées si nos textes sont mal écrits. Attention !

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Ce que vous dites est inexact en droit. Bien sûr, on peut pénétrer dans un appartement si on entend une victime en danger qui hurle, et heureusement ! Mais, s'il y a des petits enfants qui sont dans la chambre alors qu'on vient de tuer leur mère, sans la disposition ici introduite, on ne rentre pas.

La commission rejette l'amendement.

Amendements CL845 de M. Erwan Balanant et CL594 de Mme Julie Lechanteux (discussion commune).

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Les Français sont de moins en moins en sécurité. Les trafics de drogue ont pris une proportion inédite, et toute une économie parallèle se développe autour d'eux. Le Var n'est pas épargné : en 2022, les forces de sécurité intérieure y ont saisi près de 1 400 kilos de cannabis, contre 1 030 en 2021. L'augmentation depuis 2017 est de 626 %. Ces chiffres sont alarmants.

Je salue l'investissement sans faille des forces de l'ordre dans la lutte contre le trafic de drogue, mais il faut leur donner davantage de moyens, ainsi qu'à la justice. C'est pourquoi je propose de permettre au procureur de la République d'autoriser, en cas trafic de stupéfiants, les perquisitions, visites domiciliaires et saisies de pièces à conviction en dehors des heures prévues à l'article 59 du code de procédure pénale, c'est-à-dire après vingt et une heures et avant six heures du matin.

C'est un amendement de bon sens qui devrait faire consensus.

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Cet amendement est satisfait. Je vous renvoie aux articles 706-89 à 706-91 du code de procédure pénale. Le trafic de stupéfiant relève de la criminalité organisée, sur laquelle portent ces articles.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Même avis.

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Je trouve ces propositions effrayantes. Gardons à l'esprit que, demain, une loi pourra être détournée et servir à réprimer – nous le verrons peut-être dès aujourd'hui après le Conseil des ministres, puisqu'il est question de dissoudre le collectif Les Soulèvements de la terre. Imaginez les dérives qui pourraient survenir si un parti illibéral prenait le pouvoir !

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Je précise que mon amendement élargit la possibilité d'agir de nuit aux délits relevant du trafic de stupéfiants.

La commission adopte l'amendement CL845.

En conséquence, l'amendement CL594 tombe.

Amendement CL638 de M. Jérémie Iordanoff.

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Le projet de loi ne reprend pas l'ensemble des exigences inscrites à l'article 706-92 du code de procédure pénale. La motivation de l'ordonnance ne porte pas sur les motifs légaux d'utilisation de la perquisition mais sur l'heure à laquelle elle s'effectue. C'est une lacune grave. Il ne faut pas banaliser les perquisitions nocturnes.

Pourquoi ne pas reprendre l'ensemble de l'article 706-92 ?

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Avis défavorable. Ce ne serait pas utile, et poserait même un problème de cohérence car les finalités spéciales de perquisition applicables, en matière de criminalité organisée, en enquête préliminaire ou en instruction ne sont pas exactement les mêmes que celles du texte.

En outre, formellement, le deuxième alinéa de l'article 706-92 renvoie, pour la motivation, aux articles qui portent spécifiquement sur la criminalité organisée ; en tout état de cause, il ne serait donc pas applicable.

Je vous rassure, le cadre juridique est très précis, plus strict d'ailleurs que le cadre actuel en matière de flagrance, et la motivation renforcée de l'autorisation est bien prévue.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CL104 de Mme Cécile Untermaier.

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Il s'agit d'un amendement sémantique, mais qui ne nous paraît pas superflu : nous proposons de remplacer les mots « [leur réalisation] est nécessaire » par « s'impose ». C'est une petite garantie supplémentaire.

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Demande de retrait. Je ne suis pas sûr que votre amendement changerait grand-chose : la nécessité est suffisamment forte et ne souffre guère de nuance. Mme Garrido l'a rappelé, les mots ont leur importance, et le terme « nécessaire » est déjà employé dans le cadre juridique des perquisitions de nuit en matière de criminalité organisée : il est robuste et éprouvé. Il est préférable d'harmoniser les régimes voisins. En outre, il pourrait y avoir des effets de bords si les mêmes termes ne sont pas employés dans les mêmes situations.

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Le verbe « s'imposer » donnerait plus de force.

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Nous essayons d'apporter des garanties supplémentaires pour un dispositif paraît un peu disproportionné.

On nous cite le cas de figure d'un féminicide où il y aurait des enfants dans l'appartement… Les pompiers et les policiers ont une mission de secours à la personne : ils peuvent intervenir. Casser une porte parce que quelqu'un se met en danger, cela leur arrive. Je me disais qu'il devait bien y avoir une base légale, bon sang ! Eh bien, j'ai trouvé l'article 122-7 du code pénal : « N'est pas pénalement responsable la personne qui, face à un danger actuel ou imminent qui menace elle-même, autrui ou un bien, accomplit un acte nécessaire à la sauvegarde de la personne ou du bien, sauf s'il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace. » Certes, il n'est pas question ici de préserver des preuves ou de geler la scène du crime. Mais votre argument portait sur la nécessité de porter secours pour mettre un éteignoir sur la discussion politique. Vous tombez mal : la loi le prévoit déjà.

La commission rejette l'amendement.

Amendements CL642 de M. Jérémie Iordanoff et CL846 de M. Erwan Balanant (discussion commune).

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Cet amendement de repli tend à limiter la liste des motifs légaux pouvant justifier le recours aux perquisitions nocturnes. L'étude d'impact ne cite, pour expliciter la nécessité de légiférer, que la déperdition de preuves. Pourquoi ajouter de nouveaux motifs ? Ainsi, n'est-il pas déjà possible d'appréhender des auteurs de crime ? Il est possible d'intervenir à toute heure dans un domicile pour porter secours – c'est l'article 223-6 du code pénal – ou en cas de réclamation depuis l'intérieur – c'est l'article 59 du code de procédure pénale.

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L'ajout proposé par les sénateurs peut paraître intéressant, mais je ne suis pas convaincu qu'exiger que le risque d'atteinte à la vie ou à l'intégrité physique doive être « imminent » pour permettre les perquisitions de nuit soit nécessaire, ni même opportun.

L'ensemble du dispositif, très bien encadré, est déjà caractérisé par l'urgence : nous sommes en situation de flagrance – y compris pour le dispositif applicable à l'instruction – et les finalités prévues sont toutes marquées par l'urgence et la nécessité d'agir rapidement.

En outre, le régime juridique actuel des perquisitions de nuit ne retient pas cette exigence d'imminence. En retenant une rédaction différente, nous pourrions créer un nid à contentieux.

Je vous propose de conserver une rédaction déjà éprouvée et pleinement sécurisée.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Je suis favorable à l'amendement du rapporteur et défavorable à celui de M. Iordanoff.

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Il règne une certaine confusion entre ce qui relève de l'intervention de police et ce qui relève d'une perquisition – même si je suis favorable à l'extension des possibilités de perquisition, notamment dans des affaires de stupéfiants. Les sénateurs ont eu la sagesse d'ajouter la notion d'imminence pour apporter un peu de clarté.

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On mélange les torchons et les serviettes !

Si quelqu'un fait face à un péril grave et imminent, un témoin qui a conscience du danger a le devoir d'intervenir ; sinon, il se rend coupable de non-assistance à personne en danger. Ces notions figurent dans notre droit. En utilisant ces cas pour élargir le champ des perquisitions, vous déstabilisez la notion même de perquisition, et vous refusez d'entrer dans le débat sur les justifications possibles d'une perquisition.

En cas de danger grave, il faut une action résolue pour protéger la personne. Cette action ne peut pas être une perquisition !

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Le texte inclut les visites domiciliaires. Il traite aussi de l'interpellation d'un auteur, ce qui n'implique pas de danger à l'égard d'un tiers.

Au fond, nos débats ne portent pas tant sur les perquisitions nocturnes que sur les perquisitions en général. Pourtant, personne ne remettrait celles-ci en cause aujourd'hui.

L'extension proposée des perquisitions de nuit est une atteinte aux libertés, mais elle est suffisamment encadrée et proportionnée.

Successivement, la commission rejette l'amendement CL642 et adopte l'amendement CL846.

Amendements CL105 de Mme Cécile Untermaier, CL735 de M. Jérémie Iordanoff, CL145 de Mme Cécile Untermaier, CL847 de M. Erwan Balanant et CL43 de M. Philippe Gosselin (discussion commune).

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Dans le même ordre d'idée, apporter des garanties sur les modalités d'autorisation des perquisitions de nuit, nous proposons que les raisons qui les justifient, lorsqu'elles sont impératives, soient systématiquement exposées.

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L'amendement CL145 est complémentaire du précédent. Il prévoit que les perquisitions peuvent avoir lieu de nuit pour « éviter la fuite » de l'auteur des faits plutôt que pour l'interpeller.

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Mon amendement vise à faire mieux respecter la présomption d'innocence. Or ce principe est mis à mal si l'on utilise ici le terme d'« auteur ». L'amendement, qui reprend un terme déjà utilisé dans notre droit, permet aussi d'englober les complices.

Je vous propose donc de retirer l'amendement CL43 pour vous rallier au mien.

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L'amendement CL43 vise aussi à garantir la présomption d'innocence.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Il faut en effet utiliser les bons mots. Avis favorable à l'amendement du rapporteur, défavorable aux autres.

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Cette discussion est intéressante. Ces amendements corrigent le texte et apportent un peu de clarté. Mais le ver est dans le fruit !

Monsieur le ministre nous expliquait hors micro que l'article 122-7, que je citais, n'autorise pas à pénétrer dans un domicile, mais précise seulement que la personne n'est pas pénalement responsable. Il en va de même pour l'article 223-6, qui porte sur la non-assistance à personne en danger.

Si cette construction a contrario a été utilisée, c'est pour préserver le principe fondamental d'inviolabilité du domicile. Vous faites le contraire en utilisant un régime d'autorisation : le principe d'inviolabilité n'est plus central mais devient l'une des variables de l'équation, au même niveau que d'autres. Le code de procédure pénale suffit à traiter les cas d'urgence que vous soulevez : l'urgence de porter secours, l'urgence de saisir des pièces pour prouver un crime. Votre texte va beaucoup plus loin et change la place du principe d'inviolabilité du domicile dans notre droit.

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Je me réjouis des avis favorables du rapporteur et du ministre. Les oppositions discutent toutes de cet article mais elles ne sont pas toutes sur la même ligne ! Pour ma part, je n'ai rien contre les possibilités nouvelles ouvertes par cet article : il faut conserver les libertés individuelles mais aussi faire évoluer nos textes.

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Monsieur Bernalicis, nous partageons tous vos préoccupations. Mais les sujets sont multiples : en matière de féminicide ou de torture, par exemple, le dépérissement des preuves peut être un problème. Nous ouvrons de nouvelles possibilités, mais avec le niveau d'encadrement aujourd'hui prévu pour la criminalité organisée et le terrorisme. Ces nouvelles mesures relèvent du bon sens.

La commission rejette successivement les amendements CL105, CL735 et CL145.

Elle adopte l'amendement CL847.

En conséquence, l'amendement CL43 tombe.

Amendements CL334 de Mme Emeline K/Bidi et CL497 de M. Jean-Félix Acquaviva (discussion commune).

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Il s'agit d'imposer que la convocation à une audition libre soit écrite, alors qu'elle peut être orale actuellement. Par définition, cela ne concerne pas les cas les plus graves. Avec une convocation écrite, la personne entendue connaîtra mieux ses droits.

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L'amendement est similaire. Une convocation orale nous paraît insuffisante.

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Demande de retrait. J'entends votre préoccupation mais cela alourdirait les procédures sans apporter de garantie supplémentaire aux personnes entendues. Dans certaines situations, produire une convocation écrite peut en outre être difficile. Enfin, la rédaction retenue par l'amendement CL497 pourrait conduire à des difficultés d'interprétation.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements identiques CL327 de Mme Emeline K/Bidi, CL392 de Mme Andrée Taurinya, CL161 de M. Philippe Gosselin, CL498 de M. Paul Molac, CL643 de M. Jérémie Iordanoff et CL733 de Mme Naïma Moutchou.

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Cet amendement vise à supprimer le recours à la télémédecine lors des gardes à vue.

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Pourquoi vouloir recourir à la télémédecine, si ce n'est parce que les hôpitaux sont dans un état désastreux, comme le montrait hier encore la mobilisation des personnels de santé ? Nous en arrivons ici à une atteinte grave aux droits des personnes détenues. Celles-ci doivent pouvoir voir un médecin, lui parler en toute confidentialité. Cette disposition est inquiétante et révélatrice de l'état de notre société : non seulement on casse nos services publics, mais on porte atteinte aux droits fondamentaux.

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Je n'emploierai pas les mêmes arguments que ceux qui viennent d'être avancés : vous proposez que l'examen médical d'un majeur gardé à vue puisse être effectué, sur proposition du procureur de la République, par vidéotransmission ou par tout autre moyen de communication audiovisuelle « si la nature de l'examen le permet, dans des conditions garantissant la qualité, la confidentialité et la sécurité des échanges […] ».

La compatibilité entre la garde à vue et l'état de santé de l'individu peut-elle être garantie par visioconférence ? Ne faut-il pas l'évaluer sur place ? La vidéotransmission peut tronquer la perception : certains éléments peuvent être vérifiés par ce moyen, mais il conviendrait de prévoir un examen complémentaire pour s'assurer de cette compatibilité.

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Nous nous opposons au recours à la télémédecine lors des gardes à vue. Les droits des personnes placées en garde à vue doivent être les mêmes dans tous les territoires, en particulier celui de voir physiquement un médecin.

L'étude d'impact justifie le recours à la vidéocommunication médicale par le manque de médecins disponibles dans certains endroits, notamment les zones rurales et les territoires insulaires et ultramarins. Cette mesure ne ferait que justifier ces inégalités : nous souhaitons donc la supprimer.

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L'encadrement apporté par le Sénat, limiter cette possibilité aux seconds examens, est intéressant mais il ne résout pas la question des échanges en téléconsultation. La personne gardée à vue pourrait être tentée de ne pas livrer l'ensemble des informations à son médecin ; évoquera-t-elle les éventuelles blessures reçues pendant la garde à vue ? Les conditions de la vidéotransmission seront-elles satisfaisantes, notamment pour le médecin, les locaux n'étant parfois pas adaptés ? En tout état de cause, une telle mesure ne peut être justifiée par le manque de médecins : il en faut davantage !

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Mon souhait de supprimer la téléconsultation médicale est une position personnelle que j'ai exprimée lors de votre audition, monsieur le ministre. De manière générale, je n'aime pas les procédures réalisées à distance dans le domaine de la justice car celle-ci se rend les yeux dans les yeux. Il sera compliqué pour un médecin de constater à distance certaines lésions ou blessures d'une personne gardée à vue.

J'entends l'argument des déserts médicaux – notre assemblée vient d'examiner une proposition de loi sur le sujet et nous connaissons la situation de pénurie de soignants dont souffre notre pays –, mais il ne faut conserver l'examen médical physique du gardé à vue.

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Vos préoccupations sont légitimes mais le texte offre de solides garanties.

L'examen par vidéotransmission ne peut se dérouler dans les vingt-quatre premières heures de la garde à vue – au cours desquelles il est tout à fait possible qu'aucun examen médical n'ait été réalisé –, mais seulement si celle-ci est reconduite.

La consultation par vidéotransmission est totalement facultative : le procureur peut la demander par souci de l'intégrité physique et de la santé de la personne gardée à vue ; si c'est cette dernière qui réclame un examen médical, elle peut refuser la téléconsultation. Il n'y a donc aucune atteinte à la liberté, aux droits et à la santé de l'individu gardé à vue.

La famille peut également refuser l'examen par vidéotransmission : dans ce cas, un médecin viendra effectuer la consultation. Au cours d'un examen par vidéotransmission, le médecin peut exiger de voir la personne gardée à vue, même si le délai avant son arrivée peut être long, notamment dans les territoires ruraux.

En outre, le texte prévoit des cas dans lesquels l'examen par vidéotransmission est impossible ; je vous proposerai d'en allonger la liste, afin que celle-ci inclue notamment les blessures, les pertes de connaissance et les grossesses.

Il est préférable qu'une personne soit examinée plutôt qu'elle ne le soit pas ; or le médecin peut parfois mettre deux heures avant d'arriver. Cette mesure est une première étape pour garantir l'examen médical, donc la santé de la personne gardée à vue mais également ses droits, compte tenu de l'encadrement du dispositif. Le texte prévoit que le procureur de la République autorise la téléconsultation, mais celui-ci n'est pas médecin et se prononce donc par rapport au contexte de la garde à vue. Les décisions médicales relèveront exclusivement du médecin, qui pourra exiger un examen physique. J'émets donc un avis défavorable sur ces amendements identiques.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Je tiens à rappeler plusieurs éléments : la téléconsultation ne pourra avoir lieu qu'avec l'accord du procureur de la République, que la Constitution consacre comme garant de la liberté individuelle ; ensuite, point très important, le gardé à vue doit donner son accord pour que l'examen se fasse par vidéotransmission ; enfin, la famille peut exercer un contrôle. La téléconsultation médicale est pratiquée par 10 millions de Français : nous n'inventons aucun dispositif spécifique pour les personnes gardées à vue.

Au début de la garde à vue, l'individu peut demander à voir un médecin, mais il peut attendre plusieurs heures là où il est gardé à vue ou à l'hôpital. Il s'agit d'une mesure de bonne administration de la justice. Une oratrice a dénoncé la casse du service public, mais ce texte vous offre l'occasion de donner à la justice les moyens dont elle a besoin : pendant trente ans, on a cassé ce service public que nous essayons de réparer, et il serait bon que vous participiez à cette tâche. L'avis est défavorable.

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Je n'ai rien contre le développement de la télémédecine : lorsque le dernier médecin a quitté la commune dont j'ai été le maire pendant vingt-deux ans, nous avons créé une association, que je préside toujours, visant à développer la télémédecine avec un cabinet opérant dans ce domaine. Néanmoins, la télémédecine n'est pas la plus opérationnelle pour certains actes. La sécurité sociale s'en est d'ailleurs rendu compte, puisque les congés maladie ne peuvent plus être délivrés par cette voie, qui ne peut pas être utilisée pour tous les actes médicaux : on ne soigne pas une personne qui fait une crise cardiaque ou un accident vasculaire cérébral (AVC) par télémédecine !

Monsieur le rapporteur, vous avez annoncé avoir déposé quelques amendements destinés à encadrer le recours à la télémédecine en garde à vue : avec Naïma Moutchou et d'autres, nous vous alertons car, même si nous devons bien entendu vivre avec notre temps, la présence physique d'un médecin est, dans la mesure du possible, préférable.

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Nous préférerions tous qu'il y ait suffisamment de médecins pour la population, qu'elle soit gardée à vue ou non. Hélas, nous en manquons partout. Dans ma circonscription, neuf gendarmeries et un commissariat sont répartis dans des villages : si quatre ou cinq gardes à vue doivent être prolongées en même temps et qu'il n'y a qu'un seul médecin, il n'y a pas d'examen médical.

Le texte est équilibré et utile pour les gardes à vue en zone rurale. Il faut faire confiance au médecin, qui peut, dans le cadre de la téléconsultation, déclencher l'examen clinique sous sa responsabilité, à laquelle il prête, à juste titre, une grande attention. On peut ajouter quelques cas dans lesquels il ne serait pas possible de recourir à la téléconsultation pour un gardé à vue, mais le texte est tout à fait équilibré.

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La télémédecine n'est pas adaptée à la garde à vue : tout semble toujours bénin jusqu'à ce qu'un examen médical ne démontre le contraire. La mise en œuvre opérationnelle du dispositif pose problème.

Lorsque c'est le procureur qui demande l'examen par vidéotransmission, pourquoi l'accord de la personne gardée à vue n'est-il pas obligatoire ? Si un médecin ne constate aucun problème par visioconférence alors que son diagnostic aurait été différent après un examen physique, la procédure pourrait en être affectée : la nullité ou le report de la garde à vue pourrait être prononcée et les avocats pourraient contester à l'audience la manière avec laquelle certaines preuves ont été obtenues. La téléconsultation n'offre pas de garantie, surtout dans le contexte de la garde à vue où la personne ne peut se rendre aux urgences.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Monsieur Schreck, vous avez eu raison de rappeler que la conscience professionnelle du médecin peut inciter celui-ci à demander la réalisation d'un examen plus approfondi.

L'avocat peut être présent en garde à vue et peut contester certains éléments de celle-ci. Médecin, procureur, avocat et famille de la personne gardée à vue encadrent le dispositif, qui n'est prévu, je le rappelle, qu'en cas de prolongation de la garde à vue, l'individu concerné et le procureur pouvant demander d'emblée un examen physique.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques CL52 de Mme Danielle Brulebois et CL785 du Gouvernement.

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L'amendement vise à rendre possible la téléconsultation médicale lors de la prolongation de la garde à vue, indépendamment de la réalisation d'un premier examen physique. En effet, les territoires ruraux comme le Jura sont confrontés au manque de disponibilité des médecins, malgré les efforts que nous avons accomplis en supprimant le numerus clausus.

La télémédecine a fait ses preuves, et cette mesure est dans l'intérêt de la santé et de l'intégrité physique de la personne gardée à vue : il serait donc dommage de se priver de cet outil à l'utilisation bien encadrée. Rappelons que les mineurs et les majeurs sous tutelle sont exclus du dispositif, dont le déclenchement requiert l'approbation de la personne gardée à vue – qui peut être assistée de son avocat –, de sa famille et du procureur de la République.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

L'amendement a pour objet de supprimer la nécessité d'un premier examen physique pour réaliser une consultation par vidéotransmission lors de la prolongation de la garde à vue.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission adopte l'amendement.

Amendement CL367 de M. Alexandre Vincendet.

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Cet amendement vise à modifier l'alinéa 6 de l'article 3 : l'examen médical pourrait être effectué par vidéotransmission non plus si sa nature le permettait mais « à la seule condition que le problème de santé de la personne en garde à vue soumise à constatation médicale ne soit pas visible et tangible ». Des magistrats et des avocats souhaitent préciser davantage l'usage de la téléconsultation pour en renforcer la garantie juridique.

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Je vous demande de retirer l'amendement car l'une de mes propositions répond pleinement à votre préoccupation.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Même position que le rapporteur.

L'amendement est retiré.

Amendements CL393 de Mme Andrée Taurinya et CL499 de M. Paul Molac (discussion commune).

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Cet amendement de repli vise à ce que l'accord explicite de la personne gardée à vue soit requis pour tout examen médical par vidéotransmission.

Je vous invite à vous inspirer le plus possible des actions des collectivités territoriales : à Grenoble, l'état de personnes manifestement ivres sur la voie publique exigeait l'intervention de médecins ; dans un premier temps, nous sollicitions les urgences, qui, pour de nombreuses raisons dont certaines sont très mauvaises, sont totalement engorgées ; nous avons ensuite passé un accord avec SOS Médecins, qui nous a fait gagner beaucoup de temps. Peut-être qu'un tel dispositif n'est pas applicable partout, mais il serait opportun d'envisager ce type de solutions plutôt que de dégrader continuellement les droits des personnes.

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L'amendement a pour objet de préciser qu'en cas de prolongation de la garde à vue, le recours à la télémédecine n'est possible que si la personne concernée y consent librement et de manière éclairée. Ce consentement est indispensable car certaines techniques nous interrogent sur le respect du contradictoire dans une garde à vue prolongée.

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Le texte satisfait votre amendement, puisque la personne gardée à vue ou sa famille pourront s'opposer à une consultation effectuée par vidéotransmission et exiger un examen physique. Le médecin pourra également demander à effectuer l'examen sur place.

Dans le cas où la demande de l'examen provient du procureur, la personne gardée à vue bénéficiera, certes par vidéotransmission, d'un examen médical qu'elle n'avait pas sollicité. Il s'agit donc d'un progrès, d'autant que même dans ce cas, le médecin pourra exiger de voir l'individu physiquement.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

M. le rapporteur a tout dit !

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CL645 de M. Jérémie Iordanoff.

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Cet amendement de repli vise à renforcer la protection du secret médical et à garantir que les conditions posées par le texte sont bien réunies. Il me semble nécessaire de préciser que le médecin, se prononçant sur la nécessité de procéder à un examen physique de la personne gardée à vue, évalue la réalisation des conditions de qualité, de confidentialité et de sécurité des échanges.

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L'amendement est totalement satisfait, puisque les conditions que vous énoncez figurent déjà dans le texte. Il n'est pas d'usage qu'un parlementaire s'en remette à la sagesse de la commission, donc j'adopte une position de bienveillance favorable à votre amendement.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

La bienveillance du rapporteur me contamine : je donne un avis de sagesse.

La commission adopte l'amendement.

Amendements CL700 de Mme Naïma Moutchou, CL548, CL544 et CL547 de M. Philippe Schreck, et CL848 de M. Erwan Balanant (discussion commune).

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Cet amendement de repli vise à exclure des téléconsultations les personnes manifestement vulnérables, y compris les femmes enceintes.

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Nous sommes d'accord sur l'architecture de l'article, mais nous souhaitons restreindre sa portée en excluant de son champ les personnes les plus vulnérables, à savoir celles âgées de plus de 70 ans et les titulaires d'une carte d'invalidité. Cette population est peu nombreuse parmi les gardés à vue et elle bénéfice normalement, du fait de son état, d'un examen clinique.

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Je vous demande de retirer vos amendements au profit du mien, qui va dans le même sens. Il vise à inscrire dans la loi des exemptions à l'examen médical par vidéotransmission qui sont mentionnées dans l'étude d'impact du projet de loi.

Les mineurs et les personnes majeures protégées sont déjà exclus du dispositif, et je vous propose d'ajouter les femmes enceintes, les personnes qui ont perdu connaissance avant ou pendant la garde à vue, les individus vulnérables ou présentant un état de santé incompatible avec la visioconférence, ceux souffrant de blessures apparentes et ceux prétendant avoir été victimes des forces l'ordre – voilà une garantie qui vous rassurera, monsieur Bernalicis.

La liste pourra être complétée par un décret en Conseil d'État si de nouvelles exceptions apparaissaient nécessaires après la promulgation de la loi. L'amendement vise à inscrire des éléments dans le marbre de la loi tout en laissant de la souplesse au Gouvernement pour rajouter des exemptions.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Je comprends le sens des amendements. Le texte évoque les mineurs et les personnes majeures protégées, ce qui a le mérite de la simplicité et de la clarté. Pour les autres, si la grossesse et l'âge sont simples à constater, les pathologies incompatibles avec la garde à vue le sont beaucoup moins. Quelles maladies retenir ? Comment les reconnaître dans le contexte complexe de la garde à vue ?

Nous devons continuer à travailler sur le sujet car nous devons élaborer un texte carré et définir précisément les exceptions.

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Nous pouvons adopter mon amendement et le retravailler d'ici à l'examen en séance publique avec Monsieur le ministre.

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Mon amendement tente de prendre en compte la complexité pour un enquêteur d'évaluer un état de santé en évoquant une vulnérabilité « manifestement » incompatible avec la garde à vue.

Je veux bien le retirer, mais pas au profit de celui du rapporteur, car je refuse que les personnes disant avoir été victimes de violences policières soient exemptées de la téléconsultation : pourquoi pas d'autres victimes ? Cette disposition me dérange beaucoup.

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Les exemptions doivent reposer sur des critères objectifs comme la grossesse ou l'âge. Or ce dernier ne figure pas dans votre amendement, monsieur le rapporteur, alors qu'il présente des risques pour la santé d'une personne gardée à vue. Nous pouvons discuter du seuil à partir duquel l'âge doit être pris en compte, mais il faut insérer ce critère dans la loi.

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Je revois le garde des sceaux nous présenter tout à l'heure deux versions éloignées dans le temps du code de procédure pénale pour montrer à quel point celui-ci était devenu épais. Or l'amendement vise à insérer de nombreuses exceptions qui alourdiront le texte ; la présence du médecin en garde à vue était un principe simple : je soumets cette remarque à votre sagacité.

L'amendement CL700 est retiré.

La commission rejette successivement les amendements CL548, CL544 et CL547.

Elle adopte l'amendement CL848.

Amendements identiques CL336 de Mme Emeline K/Bidi et CL500 de M. Paul Molac.

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Monsieur le ministre, vous vous êtes félicité du fait que l'avocat puisse demander un examen médical lors de la garde à vue, mais dans le même temps, on nous dit que sa présence complexifie les procédures, notamment les perquisitions. Le rôle de l'avocat n'est pas d'empêcher les procédures, mais d'être le garant des droits et libertés fondamentaux ; ainsi, sa présence assure le respect des règles et des droits de la personne.

Nous souhaitons que la présence d'un avocat soit une obligation lors de la garde à vue et non une simple possibilité offerte à la personne concernée. Chez moi, à La Réunion, de nombreuses personnes sont illettrées et ne peuvent relire le procès-verbal qu'on leur demande de signer : sans la présence d'un avocat, leur déclaration n'est pas relue. Un mythe prétend que les personnes innocentes n'ont pas besoin d'avocat et que la garde à vue se prolonge quand on en demande un : de nombreuses personnes décident donc de ne pas être assistées d'un avocat, ce qui leur porte très souvent préjudice. La présence d'un avocat est une garantie indispensable, que la personne soit innocente ou qu'elle ait commis des infractions graves,

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Nous préconisons également la présence systématique d'un avocat en garde à vue, pour les raisons qui viennent d'être évoquées.

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Une personne placée en garde à vue peut être assistée d'un avocat : il lui suffit d'en faire la demande, elle est de droit. Vous souhaitez rendre cette faculté obligatoire, mais certains individus refusent cette présence. Laissons aux gardés à vue le choix d'avoir ou non un avocat à leurs côtés.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Les propos du rapporteur sont parfaitement justes. L'avis est défavorable.

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Le code de procédure pénale prévoit de nombreux cas dans lesquels la présence de l'avocat est obligatoire, par exemple en matière criminelle ou dans la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) : dans ces situations, les conséquences de la procédure peuvent être tellement graves pour la personne que la présence d'un avocat est obligatoire, que le prévenu le veuille ou non. La garde à vue entre dans cette catégorie car elle détermine le reste de la procédure, notamment la condamnation ou non de la personne concernée.

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La situation évoquée par notre collègue K/Bidi n'est pas un mythe. Que l'avocat soit présenté comme un frein à la levée de la garde à vue, plusieurs témoignages de manifestants contre la réforme des retraites gardés à vue le confirment. D'après les procès-verbaux, les policiers leur ont dit : « Ne prends pas d'avocat, cela ira plus vite. » S'agissant d'un comportement fréquent et répété, et non d'un témoignage isolé, j'adjure la commission de se pencher sur la question. La présence d'un avocat fait taire les critiques, dont les miennes.

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Les droits de la défense sont si souvent malmenés que nous devons affirmer la nécessité de les cristalliser et de les institutionnaliser. Si un médecin préconise une intervention d'urgence sur un patient, nul n'imagine une institution la refuser. Tel est l'état d'esprit dans lequel s'inscrivent ces amendements. Compte tenu des cas avérés de pression et d'exercice incomplet des droits de la défense en garde à vue, laquelle inclut une dimension contradictoire, rappeler le caractère central et permanent des droits de la défense ne peut que renforcer l'État de droit.

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Je suis totalement défavorable à une telle mesure. Elle n'a pas de sens et elle est inapplicable.

Se doter d'un avocat ou d'un conseil est une liberté dont chacun use ou non. Si le prévenu refuse l'assistance d'un avocat rendue obligatoire, il en résultera de drôles de situations.

Par ailleurs, cette mesure ne tient pas compte de la réalité de l'exercice du métier. Un avocat peut être appelé le week-end ou à minuit ; sa présence peut être requise à deux audiences simultanées. Humainement, matériellement, il ne peut pas toujours être là. Or il s'agit de ne pas bloquer les procédures. Le système actuel présente un équilibre qui convient à toutes les parties, avocats compris. Il faut le conserver.

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Monsieur Bernalicis, les droits de la personne gardée à vue, dont celui d'être assistée par un avocat, lui sont rappelés.

Madame K/Bidi, vous comparez la CRPC et la garde à vue, qui ne sont pas tout à fait identiques. La première est une phase de jugement, pas la seconde. Par ailleurs, on voit mal comment imposer l'assistance d'un avocat à quelqu'un qui, pour des raisons qui lui sont propres, n'en veut pas.

La commission rejette les amendements.

Amendement CL337 de Mme K/Bidi.

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En garde à vue, les avocats peuvent poser des questions à l'issue des auditions et des confrontations. L'officier de police judiciaire ou l'agent de police judiciaire (APJ) qui les dirige ne peut s'y opposer que si elles sont de nature à nuire à l'enquête ; le procès-verbal en fait état.

Vous proposez de permettre à l'avocat de poser des questions pendant l'audition et pas uniquement à son issue ; cela pourrait nuire à la qualité de l'enquête. En garde à vue, l'avocat est là pour assurer le plein respect du contradictoire et des droits de la défense, mais il n'a pas vocation à interférer avec les investigations.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CL338 de Mme Emeline K/Bidi.

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Cet amendement s'inspire d'une préconisation du Conseil national des barreaux (CNB) visant à renforcer les droits de la défense et du contradictoire dans l'enquête préliminaire, en donnant accès au dossier au suspect et à son avocat dès le stade de la garde à vue ou de l'audition libre. Ce débat ancien est rouvert lors de chaque examen d'un projet de loi relatif à la justice. Il n'est pas sans importance. Si nous voulons que l'avocat puisse défendre ses clients et que les droits de la défense soient respectés, il faut ouvrir l'accès au dossier plus tôt dans la procédure.

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Dans le cadre de l'enquête préliminaire, qui n'est pas celui de l'instruction, l'ouverture au contradictoire a d'ores et déjà connu de grandes avancées. Monsieur le garde des sceaux s'est particulièrement engagé à ce sujet. Pour garantir l'équilibre entre l'efficacité des investigations, le secret de l'enquête et les droits de la défense, mieux vaut s'en tenir aux dispositions du I de l'article 77-2 du code de procédure pénale.

Avis défavorable.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CL646 de M. Jérémie Iordanoff.

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Mon amendement vise à supprimer le prolongement des enquêtes préliminaires. Cette extension considérable des prérogatives du procureur a été introduite par le Gouvernement un peu rapidement, sans que le Parlement ne soit en mesure de juger de la nécessité ni surtout de l'impact de cette mesure privative de liberté. À tout le moins, il aurait fallu anticiper le problème au moment de la préparation du présent projet de loi, par exemple en diligentant une étude d'impact.

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Sensible à vos arguments pour avoir voté, comme de nombreux parlementaires, le raccourcissement des délais d'enquête préliminaire, je le suis aussi au principe de réalité, qui impose de tenir compte du fonctionnement de notre police judiciaire. Si une réforme doit être adaptée parce qu'elle est imparfaite, il faut l'admettre. Avis défavorable.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Le code d'instruction criminelle ne prévoyait aucun délai pour l'enquête préliminaire, que l'on appelait enquête officieuse et qui durait longtemps. Cette pratique, qui me semble malsaine et nuit gravement aux droits de la défense, a perduré jusqu'à ce que nous imposions des délais, dans le cadre de la loi pour la confiance dans l'institution judiciaire. Lire dans la presse, lorsque l'on est suspecté, des morceaux choisis du dossier d'instruction auquel on n'a pas accès, est à mes yeux insupportable, d'autant que ce feuilletonnage se déploie dans des conditions souvent attentatoires aux droits inhérents à la présomption d'innocence.

Nous avons donc décidé ensemble de fixer des règles et des délais. Nous avons introduit – c'est une première – du contradictoire, notamment lorsque le nom du suspect est livré en pâture dans la presse et son honneur aux chiens, pour reprendre une expression que nous connaissons tous.

Il s'avère qu'un correctif est nécessaire, car les services d'enquête ne parviennent pas à tenir les délais. Deux solutions s'offrent à nous : revenir à l'état antérieur en abolissant tout délai, ce à quoi je ne suis pas favorable et que je considère comme une régression ; modifier quelque peu les règles en allongeant les délais et en prévoyant la possibilité d'un recours au contradictoire intégral s'ils sont dépassés, ce qui permet au suspect et à son avocat d'intervenir dans le cadre de la procédure et de faire valoir les droits qui sont les leurs.

Il ne faut pas perdre de vue le fil rouge de la réforme : donner à la justice davantage de moyens. Vous en avez d'ores et déjà consenti au ministère de l'intérieur. Une fois adoptées toutes les dispositions afférentes, les délais seront réduits de facto et nous pourrons prévoir leur diminution dans la loi. Pour l'heure, il faut être pragmatique et non idéologue. Ceux qui sont suspectés pendant trois, quatre, voire cinq ans bénéficient d'authentiques avancées. Il est indispensable de nous conformer à la réalité. Telle est la raison d'être des modifications introduites par le Gouvernement dans le projet de loi.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CL689 de M. Rémi Rebeyrotte.

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Le Sénat a adopté en séance publique un amendement visant à compléter les dispositions relatives à la limitation de la durée des enquêtes préliminaires issues de la loi pour la confiance dans l'institution judiciaire, en limitant à deux ans l'enquête préliminaire à compter d'un premier acte d'audition libre, de garde à vue ou de perquisition si la personne en fait la demande. Cette condition de formulation d'une demande introduit la possibilité de traitements différenciés.

Le présent amendement vise à supprimer cette exigence d'une demande expresse, en introduisant un délai unique pour toute personne ayant fait l'objet d'un premier acte d'audition libre, de garde à vue ou de perquisition, ce qui rend la disposition globale plus lisible et plus facile à mettre en œuvre.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission adopte l'amendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL849 et CL850 de M. Erwan Balanant, rapporteur.

La réunion est suspendue de douze heures dix à douze heures vingt.

Amendement CL147 de Mme Cécile Untermaier.

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Notre groupe est favorable à l'encadrement de la durée des enquêtes préliminaires tel qu'il a été adopté au Sénat sur proposition du Gouvernement. Comme bien d'autres, nous avons voté, en 2021, leur limitation à deux ans, car demeurer longtemps privé de contradictoire est insupportable. Tout en étant conscients des difficultés soulevées par cette disposition, nous voulions envoyer un signal.

Nous constatons que les effectifs ne permettent pas de l'appliquer. Les procureurs nous ont alertés à plusieurs reprises, les uns et les autres, à ce sujet. J'ai adressé une question écrite et une lettre à Monsieur le ministre à propos de la crainte des procureurs que leurs enquêtes préliminaires ne soient annulées en raison d'un dépassement des délais.

L'ouverture du contradictoire à l'issue d'un délai de trois ans nous convient. Par ailleurs, nous sommes satisfaits de l'adoption de l'amendement CL689 visant à supprimer les mots « lorsque cette personne en fait la demande », la longueur de l'enquête préliminaire étant indépendante d'une éventuelle demande de la personne concernée.

Le présent amendement vise à faire en sorte que les enquêtes relatives à la fraude fiscale et à la lutte contre la corruption, qui sont des sujets majeurs à nos yeux, bénéficient du même régime dérogatoire que le terrorisme et les crimes et délits commis en bande organisée. Si tel est le cas, je retirerai l'amendement.

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Dans la mesure où le procureur peut déroger au délai de trois ans et mener ses enquêtes pendant cinq ans, l'amendement, inspiré par une préoccupation légitime, me semble satisfait.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Madame Untermaier, vous avez vous-même répondu à votre question.

L'amendement est retiré.

Amendements CL162 et CL163 de M. Philippe Gosselin (discussion commune).

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Je suggère le retrait de l'amendement CL162 et émettrais, à défaut, un avis défavorable. Avis défavorable sur l'amendement CL163.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Avis défavorable sur les deux amendements.

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Le débat sur la durée des enquêtes préliminaires me fait trépigner. Lors de l'examen du projet de loi pour la confiance dans l'institution judiciaire, je me suis opposé à la fixation de délais couperets. Mieux vaut prévoir la possibilité de choisir, chaque année, entre « stop ou encore », en introduisant des garanties et de nouveaux droits à chaque étape. Vous devriez m'écouter davantage, chers collègues, je dis parfois des choses utiles ! Le délai de cinq ans devrait suffire pour aboutir, sauf si le procureur dépend d'éléments de preuve qui sont à l'étranger et de tiers sur lesquels il n'a pas de prise directe, ce qui peut faire durer son enquête quelques mois de plus, comme il arrive souvent en matière économique et financière.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle adopte l'amendement rédactionnel CL852 de M. Erwan Balanant, rapporteur.

Amendement CL464 de Mme Andrée Taurinya.

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Dans le cadre de la procédure pénale, il nous semble important d'introduire une phase contradictoire, lors de la clôture de l'enquête, entre le procureur de la République et les parties. Cela offrirait aux mis en cause une défense de la meilleure qualité possible, avec un contradictoire renforcé et prévu dans la procédure, et aux victimes la possibilité d'exprimer ce qu'elles ont à exprimer. Cette disposition bénéficierait donc aux deux parties.

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Nous devons respecter notre modèle, qui laisse au procureur le soin de déterminer l'opportunité des poursuites. Si, en matière pénale, c'est le procureur et non la victime qui poursuit, c'est pour conserver une forme de neutralité dans l'approche de l'enquête. L'amendement, qui casse ce modèle, ne semble pas opportun.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Même avis.

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Peut-être notre rédaction manque-t-elle de clarté, mais il ne s'agit en rien d'imposer une décision sur l'orientation de l'enquête au procureur de la République. Il s'agit d'instituer un moment, lors de la clôture de l'enquête, au cours duquel les deux parties sont entendues. Le procureur de la République conserve la décision de poursuivre ou non.

La commission rejette l'amendement.

Amendements identiques CL164 de M. Philippe Gosselin, CL339 de Mme Emeline K/Bidi et CL701 de Mme Naïma Moutchou.

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La mise en examen est une décision grave, sans doute l'une des plus graves qui puisse être prise dans le cadre procédural. Or, elle est la seule qui peut n'être pas motivée par le juge d'instruction. L'amendement CL164 vise à rendre cette motivation systématique.

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La décision de mise en examen emporte des conséquences particulièrement graves. Dans la procédure d'information judiciaire, elle est pourtant la seule dont la motivation n'est pas obligatoire.

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La motivation de la mise en examen que nous appelons de nos vœux est la motivation détaillée, et non celle qui s'en tient à une formule telle que : « Attendu qu'il ressort des éléments relevant la participation etc. » La motivation de la mise en examen basée sur les faits participe d'une bonne administration de la justice. Elle permet à l'avocat et à son client, au lieu de faire appel de façon préventive et d'encombrer les rôles, de décider une bonne fois pour toutes si un appel est envisageable.

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Ces amendements sont inspirés par le CNB.

L'article 80-1 du code de procédure pénale subordonne la mise en examen à l'existence d'« indices graves ou concordants ». La motivation de la mise en examen porterait sur le constat de leur existence, lequel ne semble pas utile.

Par ailleurs, toute personne peut contester sa mise en examen en appel devant la chambre de l'instruction et demander sa démise en examen dans un délai de dix jours, aux termes des dispositions du présent projet de loi, au lieu de six mois à l'heure actuelle.

Demande de retrait et, à défaut, avis défavorable.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Il me vient à l'esprit un souvenir déjà ancien. Les avocats qui contestent une mise en examen disent qu'il n'y a rien dans le dossier. Toutefois, si le juge d'instruction a prononcé une mise en examen, c'est qu'il estime qu'il y a quelque chose, à tout le moins des indices graves ou concordants.

La motivation de la décision peut être une garantie mais n'en est pas toujours une. Tout praticien du droit a eu sous les yeux des décisions correctionnelles motivées par la formule suivante : « Attendu que les faits sont établis,… ». Nous pourrions envisager d'adopter la formule « Attendu qu'il existe des indices graves ou concordants,… ». L'article 3 du projet de loi renforce les garanties offertes aux personnes mises en examen. Surtout, toute personne mise en examen peut contester sa mise en examen devant la chambre de l'instruction.

L'objectif du texte est de renforcer les moyens de la justice mais aussi d'en simplifier l'exercice. Au stade de la mise en examen, l'avocat a consulté le dossier, et parfois lu un rapport de synthèse rédigé par les services de police rassemblant tous les éléments susceptibles d'être considérés par le juge d'instruction comme des indices. La motivation systématique de la mise en examen n'est-elle pas une lourdeur superfétatoire ? Je ne suis pas convaincu de l'utilité de la disposition proposée. Je lui préfère un recours effectif devant la chambre de l'instruction visant à contester la réalité des indices et leur caractère grave ou concordant.

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. La motivation de la décision de mise en examen et le recours effectif devant la chambre de l'instruction ne sont pas du tout antinomiques. Est-il nécessaire que la personne mise en examen sache pourquoi elle l'est pour qu'elle puisse se défendre ? Oui, sauf à méconnaître les droits de la défense. Que l'on puisse mettre en examen une personne en se basant sur une formule unique et laconique sans qu'elle sache exactement ce qui lui est reproché me semble choquant.

Si vous vous opposez à l'obligation de motiver la mise en examen, c'est uniquement parce qu'elle prend du temps aux juges, et que nous manquons de juges. Une fois de plus, nous gérons la pénurie au détriment des droits de la défense.

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Le projet de loi a pour objet la programmation de la justice en vue de lui attribuer davantage de moyens financiers et humains, j'entends bien. Nul ne le conteste en principe, même si nous en discutons les modalités. Toutefois, rien ne nous interdit d'y introduire des améliorations procédurales.

La mise en examen est la décision la plus grave qui puisse être prise dans le cadre procédural. Existence de recours et obligation de motivation ne sont pas contradictoires. Le droit commun prévoit que le moindre acte administratif de refus, à quelques exceptions près, doit être motivé. Comment une décision aussi importante que la mise en examen pourrait-elle échapper à l'obligation de motivation ? J'avoue avoir un peu de mal à le comprendre. Nous nous situons là en amont des possibilités de recours.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Ces dernières sont, à vrai dire, assez peu utilisées car, si la chambre de l'instruction confirme la mise en examen, les choses sont figées. La plupart des avocats préfèrent laisser évoluer le dossier et se concentrent sur leurs demandes d'actes pour que le juge, dont la loi prévoit qu'il instruit à charge et à décharge, instruise davantage à décharge. Motiver systématiquement la décision de mise en examen fait courir aux personnes concernées le risque que la situation se fige. L'enfer est pavé de bonnes intentions.

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La question se pose de savoir s'il n'est pas plus facile d'introduire un recours devant la chambre d'instruction en ayant en main un document motivé plutôt que rien, ce qui oblige à prouver que l'on n'a rien à se reprocher.

La commission rejette les amendements.

Amendements CL107 et CL108 de Mme Cécile Untermaier (discussion commune).

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Le délai de dix jours prévu pour contester une mise en examen est très court pour l'avocat, qui doit prendre connaissance du dossier pour étayer ses arguments. Nous proposons de le porter à quinze jours.

De nombreux magistrats, je le dis pour éclairer nos débats, considèrent que la nouvelle disposition soulèvera des difficultés. Laisser à la personne mise en examen un délai de quinze jours pour la contester, et à la justice un délai de deux mois pour lui répondre, nous semble offrir la souplesse nécessaire.

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L'article 3 introduit une belle avancée pour les droits de la défense. Jusqu'à présent, il fallait attendre six mois pour contester une mise en examen et bénéficier du statut de témoin assisté, ce qui était long. Le texte initial prévoyait un délai de six jours, porté à dix jours par le Sénat.

Ce délai est celui prévu, à l'article 80-1-1 du code de procédure pénale, pour demander une démise en examen après la notification d'une expertise ou à la suite des déclarations d'un tiers. Nous souhaitons simplifier et clarifier les dispositions du code de procédure pénale, dont la maîtrise des nombreux délais, parfois distincts pour des sujets pourtant proches, voire identiques, exige au quotidien une agilité incroyable.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

L'argument de cohérence développé par M. le rapporteur est parfaitement pertinent. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

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Ces arguments percutants m'incitent à retirer l'amendement CL107. S'agissant de l'amendement CL108, existe-t-il un délai encadrant l'examen de ce recours ?

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Non. En introduire un ne semble pas offrir une véritable plus-value. Les auditions n'ont fait ressortir aucune difficulté sur ce point. Il n'est pas interdit de penser que, s'agissant d'une décision grave, les décisions sont rendues dans un délai inférieur à deux mois. L'amendement CL108 pourrait donc avoir pour effet non souhaité d'allonger les délais.

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Je le retravaillerai, mais votre argumentation ne me convainc pas. En l'absence de délai, celui de six mois s'applique. À la possibilité d'une mobilisation rapide et encadrée sous dix jours doit correspondre un délai de réponse, et cette réponse, les magistrats ne pourront pas la formuler en dix jours.

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Peut-être pourrions-nous adopter la formule « dans les meilleurs délais » ?

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Éric Dupond-Moretti, ministre

La formule « dans les meilleurs délais » réjouit les optimistes et mécontente les pessimistes. Afin d'éviter une multiplication des demandes et une embolisation des tribunaux contraires aux objectifs que nous visons, nous pourrions envisager, d'ici à l'examen en séance publique, une distinction selon que la personne mise en examen est détenue ou libre.

Les amendements CL107 et CL108 sont retirés.

Amendement CL180 de M. Philippe Gosselin.

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Les parties civiles, c'est-à-dire les victimes, sont le parent pauvre. Vous évoquiez tout à l'heure, monsieur le ministre, l'idée qu'une partie du code de procédure pénale soit réservée aux victimes et il me semble en effet important de mettre en avant les parties civiles et de leur donner un peu plus de droits. Il s'agirait notamment, comme le propose cet amendement, de les informer de la demande de démise en examen. Cela ne me semble ni superfétatoire ni propre à alourdir les procédures. Il s'agit, en revanche, de respecter les victimes.

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L'exposé sommaire qui accompagne votre amendement est un peu maladroit, car il laisse penser que vous souhaiteriez que la partie civile se substitue au juge d'instruction. Avis défavorable.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Même avis. L'action publique est l'apanage du parquet. Toute partie civile n'est pas une victime et toute victime peut se constituer partie civile. Il existe des droits que nul n'envisage de contester, comme la possibilité d'intervenir dans un dossier avec un avocat et d'avoir connaissance des éléments de la procédure. Le parquet doit conserver ses prérogatives d'action publique.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CL165 de Monsieur Philippe Gosselin.

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Dans le même esprit que le précédent, cet amendement vise à ce que l'ensemble des autres parties soient informées lorsqu'un juge d'instruction fait droit à une demande. Il s'agit d'assurer plus de transparence et de contradictoire.

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Ce serait alourdir inutilement la procédure. Aujourd'hui, toutes les parties, et donc leurs avocats, ont accès au dossier et auront donc pleinement connaissance, en en faisant la demande, des interrogatoires que le juge d'instruction aura menés et des témoignages qu'il aura recueillis. Avis défavorable.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CL179 de M. Philippe Gosselin.

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Dans le même esprit que les précédents, qui visent à faciliter la constitution de partie civile, l'amendement tend à la suppression du deuxième alinéa de l'article 85 du code de procédure pénale.

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Cette disposition emboliserait le travail des juridictions. La condition de plainte préalable, qui ne s'applique qu'aux délits – et à l'exception des délits électoraux et de presse –, n'est pas une contrainte excessive et insurmontable. Elle permet de procéder à un premier filtrage pour éviter des constitutions de partie civile abusives. Le filtre lui-même n'est pas insurmontable, car il suffit que le parquet indique qu'il ne fera rien, et même qu'il ne fasse rien pendant trois mois, pour que la constitution de partie civile soit recevable. Avis défavorable.

Présidence de Mme Caroline Abadie, vice-présidente de la commission.

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M. Gosselin a raison car, dans les faits, le dispositif prévu au deuxième alinéa de l'article 85 ne fonctionne pas très bien et le manque de fluidité retarde le traitement des plaintes. Lorsque le procureur de la République rend une décision de rejet de plainte, il ne s'agit pas tant de la motiver que de cocher une case faisant état, par exemple, d'une infraction insuffisamment constituée ou d'un défaut de preuves, ce qui n'éclaire pas la partie civile.

Par ailleurs le dispositif en vigueur, dans lequel la victime peut se constituer partie civile devant le juge d'instruction au terme d'un délai de trois mois en cas de refus ou de non-réponse du procureur de la République, n'est pas un filtre, mais un retardateur. Nous en comprenons l'esprit, mais il s'agit, dans les faits, d'un échec car il crée de la lourdeur et ajoute une marche au parcours que doivent accomplir les victimes.

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Je souscris à ce qui vient d'être dit. Depuis ce matin, le rapporteur oppose à nos propositions un argument-balai en invoquant systématiquement le risque d'« emboliser » le mécanisme. Or je ne souhaite rien de tel. Avec un rien de provocation, je dirais même qu'il ne sert à rien de recruter 1 500 magistrats si c'est pour leur donner des tâches qui alourdiraient le processus.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

En évoquant un « argument-balai », vous cultivez quelque peu l'oxymore : selon vous, le ministère de la justice repousserait chacune de vos propositions au motif qu'elle alourdirait la procédure, et vous déclarez en même temps que, si l'on embauche 1 500 magistrats, ce n'est pas pour alourdir leurs charges. À l'origine, le mécanisme que vous dénoncez a été conçu en vue de limiter les constitutions de partie civile abusives. Lever les freins procéduraux existants provoquerait une embolisation considérable.

En outre, les investigations menées par le procureur de la République le sont par le garant des libertés individuelles, tandis que les investigations initiales sont conduites à charge et à décharge. Veillons à ne pas aboutir, avec de bonnes intentions qui sont de toute évidence les vôtres, monsieur Gosselin, à ce que nous voulons précisément éviter en proposant un texte qui a pour objet – je ne cesserai de le rappeler – l'augmentation du budget et des moyens, et la simplification de la procédure. Avis défavorable, donc, sur cet amendement qui aurait pour effet d'engorger considérablement les cabinets d'instruction.

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Monsieur Gosselin, c'était la première fois que j'évoquais ces arguments. Ne me prêtez donc pas des propos que je n'avais pas tenus jusqu'à présent.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CL166 de M. Philippe Gosselin.

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Cet amendement vise lui aussi à remettre la partie civile au cœur des dispositifs, en prévoyant que les réquisitions de non informer et de non-lieu soient notifiées à la partie civile et en fixant un délai dans lequel l'ordonnance du juge d'instruction doit être rendue. Il ne s'agit donc pas d'emboliser la procédure, mais de la rendre plus efficace et plus tournée vers la partie civile.

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Avis défavorable, car cette disposition alourdirait les procédures et pourrait même conduire, dans certains cas, à travailler trop vite dans des affaires délicates – car il faut aussi, parfois, prendre son temps.

Notifier aux parties les réquisitions du parquet, induit une lourdeur supplémentaire qui n'est pas justifiée, compte tenu notamment de votre crainte relative à l'amende. En effet, le juge ne prononce l'amende qu'après réquisition du parquet en ce sens, qui est déjà notifiée à la partie civile, laquelle peut présenter ses observations. Je vous renvoie à cet égard à l'article 177-2 du code de procédure pénale. Je rappelle en outre que l'amende peut faire l'objet d'un appel.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Hier, les ministres de l'intérieur et des outre-mer et moi-même avons lancé la procédure pénale numérique (PPN), déjà très engagée, comme vous le savez. Un chef de projet commun, issu de la Chancellerie, est chargé du développement de cet outil incroyable qui permet de numériser tous les documents, du début de l'enquête jusqu'à l'exécution de la peine.

Nous voulons moins de papier, avec un objectif zéro papier d'ici 2027 et un grand plan de transformation numérique, et voilà que vous nous rajoutez du papier partout ! Si la PPN fonctionnait partout, on pourrait envisager de communiquer certains documents sous forme papier, mais ce n'est pas le cas.

Sur un registre plus grave, je rappellerai que la partie civile, par le truchement de son avocat, a connaissance des réquisitions et, si ce n'est pas le cas, de la décision de non-lieu, dont elle peut interjeter appel.

Je ne veux plus que les magistrats et les greffiers croulent sous la paperasse. Certains documents sont évidemment indispensables et portent intrinsèquement des garanties fondamentales, mais n'en rajoutons pas ! Je suis donc défavorable à cet amendement, même s'il procède d'excellentes intentions.

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Si le « zéro papier » s'applique dans le cadre de l'administration, je peux y souscrire, mais s'il s'applique au justiciable, nous nous y opposerons fermement. En effet, les procédures dématérialisées appliquées dans les préfectures, qui n'ont rien à voir avec la justice, montrent l'ampleur du problème que représente l'éloignement du numérique. Évitons donc le dogmatisme à propos de ce zéro papier, surtout à destination des usagers. Je suis tout à fait favorable à ce que la voie numérique existe, mais je ne peux pas accepter qu'elle ferme les autres voies, y compris la voie papier.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Des dizaines de milliers de procédures ont désormais été transmises aux avocats par un simple clic, alors que j'ai connu l'époque où il fallait huit mois pour obtenir la copie d'un dossier, moyennant trois francs la page ! Le contradictoire réel s'exerçait donc huit mois après une mise en examen – qu'on appelait alors « inculpation ». À quoi sert-il donc de communiquer un réquisitoire dont les parties civiles ont déjà connaissance et alors que les recours sont effectifs, si ce n'est à obliger du personnel judiciaire à communiquer des papiers par voie postale ? Cette complexification n'est pas utile.

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Le zéro papier en 2027 est un objectif que nous devons évidemment soutenir. Nous défendrons du reste un amendement visant à ce que les avocats ne puissent plus exiger, comme c'est actuellement le cas, de recevoir un document papier en sus de la version dématérialisée. M'étant entendu dire que la date de 2025 que je proposais pour cette disposition réglementaire n'était pas tenable, je proposerai donc qu'elle entre en vigueur en 2027. Le passage à un numérique rationalisé est absolument nécessaire, en particulier lorsqu'une postulation d'avocat suppose le transfert du dossier.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CL178 de M. Philippe Gosselin.

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Cet amendement vise à ce que la contestation de partie civile soit notifiée à la partie civile.

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Dans l'exposé sommaire de votre amendement, vous parlez du droit de la défense, alors que nous parlons du plaignant. Avis défavorable.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Avis défavorable. En effet, l'accès au dossier donne accès à toutes les informations qui s'y trouvent.

La commission rejette l'amendement.

Elle adopte successivement l'amendement rédactionnel CL853 et l'amendement de coordination CL854 du rapporteur.

Amendement CL177 de M. Philippe Gosselin.

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En cas de perquisition au cabinet d'un avocat, le bâtonnier peut aujourd'hui s'opposer, sous certaines conditions, à la saisie de certains documents. Dans le même esprit, l'amendement vise à permettre de contester des transcriptions téléphoniques concernant un avocat, qui pourraient être mal transcrites ou illégales. Cette mesure est nécessaire et répond à une forte demande de la part des avocats.

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Il s'agit en quelque sorte d'un amendement « préquel », qui anticipe un point que nous examinerons tout à l'heure. Les garanties demandées sont déjà prévues par l'article 100-7 du code de procédure pénale, qui dispose qu'« aucune interception ne peut avoir lieu sur une ligne dépendant du cabinet d'un avocat ou de son domicile sans que le bâtonnier en soit informé par le juge d'instruction ». Il ne me semble cependant pas acceptable que le bâtonnier puisse s'opposer à cette interception. Avis défavorable.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Même position. Le secret professionnel de la défense a été rétabli dans des conditions auxquelles un grand nombre d'entre vous ont adhéré. Ce que vous proposez d'ajouter n'apporte rien au texte, qui est très protecteur de ce secret.

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Une information est certes déjà possible, mais ce n'est pas de même nature que la possibilité de contester.

La commission rejette l'amendement.

Amendements identiques CL176 de M. Philippe Gosselin et CL501 de M. Jean-Félix Acquaviva.

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L'amendement CL176 tend à interdire l'enregistrement des conversations entre un avocat et son client, afin de mieux faire respecter les droits de la défense. L'examen de ce texte est en effet l'occasion de rappeler certains principes.

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Nous souscrivons à l'idée qu'il faut interdire l'enregistrement, la captation et l'interception des conversations entre un avocat et son client. L'article 100-5 du code de procédure pénale interdit en principe la transcription des correspondances entre un avocat et son client, mais cette garantie est malheureusement devenue très faillible. On pourrait en citer de très nombreux exemples, y compris dans des affaires très sensibles. Il semble donc opportun d'afficher un principe clair en la matière.

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Nous examinerons tout à l'heure un amendement qui devrait répondre à vos préoccupations. Je rappelle toutefois que l'interdiction de toute interception est un principe déjà posé à l'article 100-7 du code de procédure pénale, que je viens de citer et qui apporte des garanties fortes.

Pour ce qui est de l'interdiction de tout enregistrement, le problème est plus technique que juridique. De fait, une telle interdiction serait peu opérationnelle car, lorsqu'une personne est mise sur écoute, elle peut très bien appeler son avocat ; alors l'enregistrement a lieu. En revanche, l'article 100-5 du code de procédure pénale précise bien qu'un tel enregistrement ne pourra pas être retranscrit. De même, lorsqu'une sonorisation est mise en place chez quelqu'un, les conversations sont enregistrées, y compris celles que la personne concernée peut avoir, en étant chez elle avec son avocat qui lui rendrait visite : là encore, l'enregistrement aura forcément lieu.

Les auditions auxquelles nous avons procédées ont contribué à notre réflexion sur cette question et je proposerai tout à l'heure un amendement tendant à réaffirmer clairement l'interdiction de toute retranscription des échanges avec un avocat et la protection de certains lieux – dont nous compléterons la liste –, ainsi qu'à prévoir la destruction des enregistrements. Nous apporterons ainsi, face à cette question technique, des garanties juridiques qui répondront à votre préoccupation.

Je demande donc le retrait de l'amendement au profit notamment des amendements CL681 et identiques que nous examinerons tout à l'heure.

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Éric Dupond-Moretti, ministre

Monsieur Gosselin, lorsqu'un suspect fait l'objet d'une surveillance téléphonique, comment peut-on savoir à l'avance qui il appelle ? S'il s'agit d'un avocat, il est évident que la conversation sera entendue. Ce que vous préconisez est donc impossible à appliquer.

Afin de garantir le secret, j'aurais souhaité que nous puissions disposer d'un système, qui fonctionne aux États-Unis, permettant de couper l'enregistrement lorsqu'est activé un numéro, préalablement communiqué à la police, appartenant à un avocat ou à une autre personne à protéger, comme un parlementaire, un journaliste ou un médecin, de telle sorte que la police n'entend pas la conversation et ne peut, a fortiori, la retranscrire. Ce système donne une garantie absolue, mais nous ne disposons malheureusement pas de la technologie nécessaire. Faute de grives, on mange du merle : il n'est pas possible de retranscrire. Toutefois, si je fais demain l'objet d'une surveillance téléphonique et que je vous appelle, notre conversation sera entendue et je ne vois guère comment nous pourrions y échapper.

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Ma question a certes un aspect technique, mais elle va bien plus loin, notamment sur le plan procédural. C'est du reste la raison pour laquelle le rapporteur nous propose de faire évoluer dans un sens plus protecteur une autre partie du texte. Il y a donc un vrai problème avec la liberté de conversation et la protection des échanges entre l'avocat et son client, même si nous ne sommes pas nécessairement en désaccord de fond à ce propos.

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Pourquoi n'est-il pas techniquement possible que les avocats déclarent un numéro de téléphone qui serait référencé auprès des opérateurs comme ne pouvant être mis sur écoute ? Les Américains ne sont peut-être pas les seuls à pouvoir inventer de nouveaux dispositifs – nous avions d'ailleurs inventé internet avec le Minitel, et ils nous l'ont piqué, et la carte à puce est aussi une invention française. En France, nous savons faire des choses lorsque nous en avons la volonté.

Cette question pose celle des techniques spéciales d'enquête. Pour ce qui est des interceptions téléphoniques, la parade a été trouvée depuis longtemps, car tous les avocats utilisent WhatsApp ou d'autres applications, et non plus des lignes téléphoniques susceptibles d'être écoutées, mais de nouvelles techniques spéciales d'enquête permettront de visualiser l'affichage de l'écran de l'opérateur. Chaque fois que nous mettrons en œuvre de telles techniques, nous devrons en payer le prix au détriment des principes fondamentaux auxquels nous sommes attachés. C'est la raison pour laquelle vous nous trouverez toujours sur ce chemin.

La commission rejette les amendements.

La séance est levée à 13 heures 10.

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Caroline Abadie, M. Jean-Félix Acquaviva, M. Erwan Balanant, M. Romain Baubry, M. Ugo Bernalicis, Mme Pascale Bordes, M. Ian Boucard, M. Florent Boudié, M. Xavier Breton, Mme Blandine Brocard, Mme Émilie Chandler, Mme Clara Chassaniol, M. Éric Ciotti, M. Jean-François Coulomme, Mme Mathilde Desjonquères, Mme Edwige Diaz, M. Philippe Dunoyer, Mme Elsa Faucillon, Mme Raquel Garrido, M. Yoann Gillet, M. Philippe Gosselin, M. Guillaume Gouffier Valente, Mme Marie Guévenoux, M. Jordan Guitton, M. Sacha Houlié, M. Timothée Houssin, M. Jérémie Iordanoff, Mme Élodie Jacquier-Laforge, Mme Emeline K/Bidi, M. Andy Kerbrat, M. Philippe Latombe, M. Gilles Le Gendre, M. Antoine Léaument, Mme Julie Lechanteux, M. Didier Lemaire, Mme Marie-France Lorho, M. Benjamin Lucas, M. Emmanuel Mandon, Mme Élisa Martin, M. Thomas Ménagé, M. Ludovic Mendes, Mme Naïma Moutchou, Mme Danièle Obono, M. Didier Paris, M. Éric Pauget, M. Emmanuel Pellerin, M. Jean-Pierre Pont, M. Thomas Portes, M. Philippe Pradal, M. Stéphane Rambaud, M. Rémy Rebeyrotte, Mme Sandra Regol, M. Davy Rimane, Mme Béatrice Roullaud, M. Thomas Rudigoz, M. Hervé Saulignac, M. Raphaël Schellenberger, M. Philippe Schreck, Mme Sarah Tanzilli, Mme Andrée Taurinya, M. Jean Terlier, Mme Cécile Untermaier, M. Roger Vicot, M. Guillaume Vuilletet

Excusés. - M. Pieyre-Alexandre Anglade, M. Benjamin Haddad, M. Mansour Kamardine, Mme Marietta Karamanli, M. Aurélien Pradié

Assistaient également à la réunion. - M. Thibault Bazin, Mme Danielle Brulebois, M. Fabien Di Filippo, Mme Gisèle Lelouis, M. Alexandre Vincendet, Mme Caroline Yadan