La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quatorze heures.
Monsieur le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, les agriculteurs souffrent et nous interpellent.
Le changement climatique et les maladies récurrentes attaquent les cultures. La libre concurrence et les distributeurs qui se gavent achèvent les producteurs.
Ces derniers jours, les filières apicole et viticole se sont fortement mobilisées pour tirer la sonnette d'alarme ! Les apiculteurs, réunis jeudi dernier place de la République, sont unanimes : bien qu'ils ne produisent que la moitié de la consommation française de miel, ils ne parviennent pas à écouler leurs stocks. Pour couvrir leurs frais, ils devraient le vendre à 10 euros le kilogramme. Or c'est impossible ! C'est impossible, car d'autres font leur miel sur leur dos ! 66 % du miel – si on peut l'appeler ainsi – consommé en France provient d'Ukraine ou de Chine et est acheté seulement 2 euros le kilo par la grande distribution.
Pourtant, vous est-il déjà arrivé, monsieur le ministre, de trouver du miel à 2 euros le kilo dans les supermarchés ?
Eh bien non, car il est vendu à 10 euros le kilo, les distributeurs se faisant une marge de 400 %. C'est inacceptable !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs des groupes Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Le constat est le même pour les viticulteurs qui sont dans le rouge ! Entre le gel, la canicule ou les sécheresses, ils n'ont obtenu qu'une seule récolte normale au cours des cinq dernières années. À cela s'ajoutent la concurrence des vins espagnols, la baisse du pouvoir d'achat des Français et la hausse du coût de l'énergie.
Or quelle solution proposez-vous ? Un nivellement par le bas, qui se traduit par l'arrachage de vignes, l'utilisation de davantage de glyphosate ou de néonicotinoïdes et la signature d'accords de libre-échange.
Jeudi, lors de notre journée de niche parlementaire, nous vous avons proposé la solution : encadrer les marges et assurer à chaque producteur un revenu décent.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES.
C'est tout ce qu'ils demandent ! Ils veulent vivre de leur travail. Cela permettrait également d'éviter bon nombre de suicides : en effet, un agriculteur se suicide tous les deux jours en France. Pourtant, vous avez rejeté cette proposition.
Monsieur le ministre, oubliez l'agro-industrie et les lobbies des pesticides et occupez-vous, enfin, des agriculteurs !
Les députés du groupe LFI – NUPES se lèvent et applaudissent. – Quelques applaudissements également sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Nous sommes aux côtés des agriculteurs face aux crises qu'ils traversent, et ils le savent.
Vous auriez pu souligner, par exemple, que nous avons instauré en faveur du secteur viticole un dispositif de distillation de crise, pour répondre à leurs difficultés qui sont à la fois conjoncturelles et structurelles – en raison d'une baisse de la consommation.
Il est donc nécessaire de travailler avec eux sur le sujet.
Ensuite, vous évoquez la proposition de loi que votre groupe a défendue la semaine dernière visant à encadrer les marges des industries agroalimentaires, du raffinage et de la grande distribution. Je rappelle que cette assemblée s'est prononcée et que votre proposition de loi a été rejetée.
En ce qui concerne l'instauration de prix d'achat planchers, permettez-moi de vous rappeler, sans vous faire offense, que nous ne sommes pas dans une économie administrée. Je sais que vous en rêvez, mais beaucoup de modèles de ce type ont, en définitive, échoué. C'est pourquoi nous avons fait le choix de la régulation,…
…grâce à plusieurs dispositifs créés notamment par la loi Egalim – loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous.
Cette loi a permis de reconstituer une partie des marges des agriculteurs.
Je n'affirme pas que le dispositif est parfait,…
…mais vous ne trouverez pas un seul agriculteur qui souhaite revenir en arrière sur ce plan. Le dispositif a fait ses preuves.
Vous avez également parlé de résilience. Nous avons créé un nouveau dispositif d'assurance récolte, afin de protéger les revenus des agriculteurs. À ce titre, un Fonds de solidarité nationale (FSN), doté de 680 millions d'euros, permettra de faire face, par exemple, aux aléas climatiques. Protéger les revenus n'est pas aussi simple que vous le pensez.
En tout état de cause, cela ne doit pas consister à enfreindre les principes constitutionnels que sont la liberté d'entreprendre, la liberté du commerce et la liberté contractuelle.
En réalité, vous proposez, sur ces sujets comme sur les autres, de contraindre en instaurant des normes environnementales et des prix planchers, qui ne s'appliqueront pas aux produits importés. Je suis prêt à signer dès aujourd'hui, monsieur le député. Cependant, au bout du compte, nous importerons des produits de l'étranger qui ne respecteront pas les mêmes normes que les nôtres,…
…et l'agriculture française disparaîtra. Ce n'est pas la trajectoire que nous avons choisie, ni en matière de rémunération ni en matière de transition, parce que nous risquons de ne pas y arriver. Après, vous viendrez vous lamenter de la perte de souveraineté de la France…
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs des groupes RE et HOR.
Arracher la vigne n'est pas la solution ! La solution, c'est de permettre aux viticulteurs de vivre !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
Madame la ministre des solidarités et des familles, la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) a lancé la chasse aux pauvres, grâce au ciblage des contrôles réalisés sur les femmes isolées, les personnes handicapées ou celles qui touchent moins de 942 euros par mois. Voilà ce que vient de mettre au jour une enquête du journal Le Monde.
Notre système d'aide sociale n'est pas à la hauteur.
En France, il y a 12 millions de pauvres, des familles sautent des repas, des enfants dorment dans la rue. Par ailleurs, outre son insuffisance, notre système est complexe et injuste ! Il oblige à déclarer un cadeau d'anniversaire d'une valeur de 150 euros ou la vente d'objets sur le site leboncoin.fr pour quelques dizaines d'euros ! Pourtant, on n'en demande pas autant aux riches qui pratiquent à haute dose l'optimisation fiscale !
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES et sur quelques bancs du groupe GDR – NUPES.
Depuis 2010, la Cnaf utilise un algorithme pour noter les ménages, selon un calcul secret, note qui déclenche ensuite des contrôles au domicile. Les données de 33 millions de personnes sont ainsi brassées dans la plus grande opacité.
En cause, une commande politique permanente, depuis l'ère Sarkozy, visant à opposer les classes moyennes aux précaires.
En cause, la stigmatisation des personnes les plus en difficulté, la dénonciation permanente d'une fraude sociale prétendument massive, alors qu'il est démontré qu'elle est marginale. Pour répondre à cette commande politique, la Cnaf a massifié les contrôles, au détriment de la prévention et de la bonne information des bénéficiaires sur leurs droits. Cette logique jette les personnes concernées dans une grande détresse, car elles sont contraintes de rembourser des sommes importantes alors qu'elles vivent à l'euro près.
Je vous demande donc de faire toute la transparence sur les méthodes de calcul qui mènent à contrôler en priorité certains publics. Les critères discriminants doivent impérativement être écartés. Au-delà, la simplification et l'automatisation des aides sociales doivent enfin être au cœur de l'action publique ! Chaque jour, des centaines de milliers de personnes renoncent à leurs droits, face à un système bureaucratique qui les suspecte et ne les respecte pas. Que comptez-vous faire pour y remédier ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES et sur plusieurs bancs des groupes SOC et GDR – NUPES.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des personnes handicapées.
Je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de Mme Aurore Bergé. Vous me donnez l'occasion de saluer l'action des caisses d'allocations familiales (CAF) et de leurs personnels, engagés chaque jour aux côtés de nos concitoyens les plus fragiles, afin de leur permettre de bénéficier des droits garantis par le système français de protection sociale. Je serai très claire : l'action des CAF et les contrôles qu'elles effectuent sont au service des allocataires. Contrairement à ce que vous affirmez, elles n'utilisent pas d'algorithmes pour surveiller les bénéficiaires,…
…mais plutôt pour identifier les dossiers qui présenteraient un risque d'erreur et pourraient entraîner, par la suite, des difficultés pour les allocataires concernés.
Le système de solidarité français se fonde sur un principe déclaratif, qui repose sur la confiance dans la démarche de l'allocataire. Toutefois, il est indispensable que la Cnaf procède à des contrôles, d'autant plus que certaines prestations, vous le savez, font l'objet de nombreuses erreurs déclaratives. Par nature, les CAF versent un plus grand nombre d'aides aux personnes les plus pauvres ou en difficulté ; il est donc logique que ces personnes soient surreprésentées parmi les risques d'erreur.
Cependant, grâce à la réforme de la solidarité à la source – c'était un engagement du Président de la République –, nous pourrons lutter contre les difficultés de recours et, surtout, verser à chacun les allocations auxquelles il a droit. Tel est l'objectif de l'expérimentation qui sera menée dans cinq CAF, en 2024, et qui sera généralisée ensuite, au début de l'année 2025.
Vous l'aurez compris, nous sommes pleinement engagés pour garantir les droits des plus précaires et préserver un système social fiable.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Le journal Le Monde, qui ne peut être qualifié d'hurluberlu, fait état de critères, tels que le sexe du bénéficiaire ou sa situation familiale, choisis dans le but de déterminer qui sera contrôlé. C'est absolument indigne !
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Ma question s'adresse à Madame la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme.
En janvier dernier, le lancement du guichet unique avait été marqué par des dysfonctionnements que nous avions alors relevés et qui avaient conduit le Gouvernement à rouvrir temporairement la plateforme Infogreffe.
L'instauration d'un guichet unique est une bonne idée : en rassemblant les sept réseaux épars de centres de formalités des entreprises, il doit permettre à celles-ci d'accomplir en ligne toutes les formalités auprès des différents organismes, qu'il s'agisse des services fiscaux, sociaux ou encore de l'Insee : création, modification, dépôt des comptes annuels ou cessation d'activité, tout doit se faire de manière dématérialisée, sur un même site. J'en profite pour saluer les équipes de l'Institut national de la propriété industrielle (Inpi), que j'ai pu rencontrer il y a quinze jours dans leurs locaux, et qui sont chargées du déploiement de ce guichet. Elles font actuellement le maximum pour répondre aux fortes demandes.
Il y a d'autant plus de cohérence à ce que l'Inpi gère ce guichet que cela permet aux entreprises de prendre conscience de la nécessité de protéger leur patrimoine immatériel et de se défendre contre les contrefaçons, les entreprises françaises restant les premières exposées en Europe.
Le guichet unique doit être relancé le 1er janvier prochain, ce qui conduira à l'abandon définitif de la plateforme Infogreffe. Toutefois, le risque de pannes subsiste et il convient de prévoir des procédures de continuité acceptables, afin de ne pas contraindre les entrepreneurs à accomplir leurs démarches par voie papier auprès des greffes compétents, ce qui nous renverrait quinze ans en arrière. Comment envisager, en effet, que nos très petites entreprises (TPE), nos petites et moyennes entreprises (PME) et nos entreprises de taille intermédiaire (ETI) soient obligées de repousser leurs démarches, au risque d'empêcher les créations d'entreprises nécessaires à l'économie française ? Nous ne pouvons nous permettre de revenir aux modalités du siècle dernier. Nos entrepreneurs, nos salariés, nos territoires ne peuvent attendre. Il y a urgence à agir, pour éviter de subir.
Madame la ministre déléguée, en cas de pannes et afin de résorber le stock de demandes en attente sans avoir à en revenir au papier, quelles procédures de continuité du service public entendez-vous déployer à compter du 1er janvier ? Quels moyens supplémentaires pouvez-vous accorder à l'Inpi pour accompagner les entrepreneurs qui seraient alors en difficulté ?
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme.
Je sais l'intérêt des députés du MODEM, en particulier du président Jean-Paul Mattei,…
…pour le sujet du guichet unique, qu'il connaît bien. Je vous remercie donc pour votre question.
Après des débuts très difficiles pour les entreprises – Bruno Le Maire et moi-même avons d'ailleurs essayé, ces derniers mois, d'améliorer l'efficience du guichet, et je sais qu'il y a du travail ! –, la situation s'est tout de même améliorée, vous l'avez souligné.
Tous les types de formalités sont désormais accessibles. Il était temps. Près de 2 millions de déclarations ont été déposées depuis le début de l'année ; au 30 novembre 2023, on dénombrait, depuis l'ouverture du guichet, 1,3 million de créations d'entreprises enregistrées, 420 000 dépôts de comptes, 182 000 modifications de situation – ce qui ne fonctionnait pas encore il y a quelques mois – et un peu plus de 180 000 cessations d'activité.
La situation en janvier 2024 sera différente de celle de janvier 2023, puisque le guichet unique est considérablement monté en puissance, comme en attestent les chiffres que je viens d'énumérer, et qu'il permet d'accomplir bon nombre de formalités, telles que les créations d'entreprises, les dépôts de comptes ou les modifications.
L'enjeu est désormais de garantir la continuité du service pour tous les déclarants, tout au long de l'année prochaine et des suivantes. Avec Bruno Le Maire, nous travaillons à la définition d'une procédure de continuité, que vous appelez de vos vœux, afin que les usagers soient en mesure d'effectuer leurs démarches. Plusieurs options sont sur la table : premièrement, garantir à tout déclarant une solution en cas de dysfonctionnement, en particulier lorsque sa démarche est urgente – notamment pour les dépôts de comptes ; deuxièmement, conserver la qualité du service pour l'usager ; troisièmement, tout en respectant le cadre juridique de la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi Pacte, l'assistance humaine aux entreprises déclarantes demeure déterminante.
Permettez-moi enfin de vous remercier des mots que vous avez prononcés à l'endroit des agents de l'Inpi, dont la mission est difficile mais dont l'engagement humain est incontestable.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
Monsieur le ministre de l'intérieur et des outre-mer, je vous ai adressé plusieurs courriers relatifs à l'importation des munitions et des armes à Saint-Pierre-et-Miquelon.
Auparavant, le processus était assez clair, il était contrôlé par les services de l'État : la préfecture et le préfet.
Depuis un an, l'ancien sénateur, le préfet et moi-même avons été sollicités par les services de la gendarmerie et des douanes, métiers assujettis à des obligations de tirs, mais aussi par les armuriers, par la fédération des chasseurs et par les associations de tir.
En effet, deux mesures ont tout simplement bousillé un système qui jusqu'ici fonctionnait. Pour les armes, l'obligation de passer par une plateforme dématérialisée, complètement inopérante pour un petit marché comme le nôtre, a fait passer les délais de quelques semaines à six, huit, voire neuf mois. Quant aux munitions, quelqu'un a eu la bonne idée d'appliquer à notre territoire la norme CIP (Commission internationale permanente), qui date de 1914, ce qui a eu des effets catastrophiques.
Lorsque les munitions étaient importées du Canada, le coût en fret d'une tonne de munitions s'élevait à 500 euros, il est aujourd'hui de plus de 8 000 euros. La situation est ubuesque puisque nous sommes obligés d'importer les produits en France et de les renvoyer à Saint-Pierre-et-Miquelon, à près de 10 000 kilomètres.
Les conséquences sont aussi économiques : dès lors que l'armurier mettra la clé sous la porte, la nature ayant horreur du vide, nous assisterons au développement de marchés parallèles qui ne seront plus contrôlés.
J'en appelle donc à votre arbitrage politique pour au moins rétablir la situation antérieure qui était parfaitement maîtrisée par les services de l'État. Retrouvons l'intelligence territoriale qui avait conduit en 1914 à ne pas appliquer cette norme dans le contexte nord-américain.
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.
Vous avez raison, à Saint-Pierre-et-Miquelon, territoire français qui compte le plus grand nombre d'armes par habitant – plus de 500 armes pour 1 000 habitants –, en raison notamment d'une grande tradition de chasse, l'application des règles douanières oblige à ce que les armes et munitions importées par le territoire soient conformes à la norme CIP. Ainsi, elles transitent par la métropole et sont donc plus chères. Le processus est plus compliqué et évidemment contraire au bon sens dans la mesure où cette norme CIP n'est pas reconnue par les États-Unis et le Canada, situés à proximité de votre circonscription.
Je sais qu'il y a eu de très nombreux échanges entre le service des armes du ministère de l'intérieur, la préfecture et vous-même. Je suis aujourd'hui en mesure de vous dire que vous avez parfaitement raison et que le bon sens doit l'emporter.
C'est donc la norme Saami, – pour Sporting arms and ammunition manufacturers' institute, soit Institut des fabricants d'armes et de munitions de sport –, que retiennent le Canada et les États-Unis, qui doit pouvoir s'appliquer à Saint-Pierre et Miquelon sans passer par une norme trop « hexagonale ».
Nous pourrions ainsi expérimenter dès le début de l'année 2024 le passage direct des armes et des munitions par le Canada ou par les États-Unis. J'ai d'ailleurs demandé au service des armes du ministère de l'intérieur de se rendre à Saint-Pierre-et-Miquelon au tout début janvier afin de lancer cette expérimentation.
Un travail est aussi en cours avec l'armurier de Saint-Pierre-et-Miquelon. En outre, un fabricant français de munitions qui possède une usine au Canada pourrait assurer la certification CIP.
Votre demande et vos très nombreux courriers, à propos desquels Philippe Vigier a également été très mobilisé, ont donc obtenu une réponse positive de la part du ministre de l'intérieur et des outre-mer : le bon sens du voisinage va l'emporter et les habitants de Saint-Pierre-et-Miquelon connaîtront l'intelligence des territoires, telle que vous la défendez.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et LIOT.
« À vendre », « liquidation totale avant fermeture », « 100 % déstockage », « tout doit disparaître » : voici ce que l'on peut lire en lettres capitales sur les vitrines de nos commerces pourtant incontournables pour la vitalité de nos centres-villes !
Entre 2012 et 2020, la vacance commerciale a doublé dans les communes de moins de 100 000 habitants. Les outils d'accompagnement, comme le Fisac – fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce –, sont relégués aux oubliettes. Quant au métier de manager de centre-ville, dont la vocation est de préparer le futur, il a été complètement abandonné par manque de soutien financier.
Ajoutons que la majorité des crédits d'État prennent la forme de prêts ou d'aides aux bailleurs privés au lieu de véritables subventions.
Résultat : les collectivités locales, très éprouvées par la conjoncture, assument 75 % de l'effort financier ! Une nouvelle fois, les communes sont contraintes à des dépenses, et vous détournez le regard.
Alors que les maires vous ont fait plusieurs propositions, le volet commerce est négligé dans le dernier plan Action cœur de ville II.
Les commerçants ont le sentiment d'être délaissés face à la concurrence féroce de l'e-commerce et aux charges qui les étouffent. En dix ans, le visage de nos rues commerçantes a changé : le nombre de fast-foods a doublé tandis que les magasins d'habillement ont connu un net déclin. Cette désertification gangrène les centres-villes et atteint son paroxysme dans les villes où le chômage persiste et où de nombreux logements sont vacants.
C'est pourquoi, dans cette épidémie de rideaux de fer tirés, nos commerçants méritent d'être entendus.
Ils réclament, par exemple, un taux réduit de TVA pour les produits commercialisés dans les commerces de proximité. Cette mesure répond à la réalité des charges qui pèsent sur leurs épaules et à la concurrence souvent déloyale à laquelle ils sont confrontés. Dans ce contexte, j'associe à mes questions Frédérique Macarez, maire de Saint-Quentin.
Quelles mesures comptez-vous prendre pour alléger la fiscalité des petits commerçants écrasés par la conjoncture ? En effet, la charge fiscale demeure un défi majeur et les modalités actuelles de la CFE – cotisation foncière des entreprises – doivent être sérieusement réexaminées.
Où en est le plan de sauvetage pour les projets locaux ? Il faut adopter une approche cohérente qui ne sacrifie pas les cœurs de villes au nom de la rationalisation budgétaire.
Monsieur le ministre de l'économie, la scène est dressée, les rideaux, eux, sont baissés !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme.
Il a fallu que je m'assure que c'était bien vous, député du groupe Les Républicains, qui posait cette question : subventions, taux réduit de TVA, j'avoue avoir douté quelques instants…
Protestations sur les bancs du groupe LR.
Je rappelle que nous avons diminué les impôts sur les sociétés d'environ 11 milliards d'euros au cours du précédent quinquennat – cela concerne aussi nos commerces, vous le savez. Je rappelle aussi que la baisse des impôts de production que vous appelez de vos vœux depuis des décennies, nous sommes en train de la faire : 4 milliards sur l'année et 4 milliards au cours des prochaines années. Il y a ceux qui parlent de baisser la fiscalité, il y a ceux qui le font !
Au-delà, il n'est pas une année, un mois, une semaine, depuis 2017, où nous n'avons pas soutenu le commerce.
Vous parlez de subventions : 5 milliards d'euros ont été déployés dans le cadre du plan Action cœur de ville pour accompagner plus de 230 communes.
Vous parlez d'Action cœur de ville II : si vous estimez que les entrées de ville ne méritent pas de commerces, dites-le ! Pour ma part, je suis convaincue qu'il faut des commerces, qu'il faut les rénover : tel est bien l'objectif de ce plan.
Vous parlez des acteurs du commerce, nous les écoutons : ils ont été reçus à plusieurs reprises au cours du précédent quinquennat.
Ils ont demandé une chose : disposer d'un conseil national permettant de travailler aux propositions et aux actions en faveur du commerce. Qui l'a créé ? Ce gouvernement et moi-même !
Un plan Action cœur de ville, un plan de transformation des zones d'activités commerciales, un plan pluriannuel de trois ans en faveur du commerce rural, doté de 12 millions d'euros annuels, dans le cadre du plan France ruralité présenté par la Première ministre : voilà ce que nous avons fait.
Exclamations et bruit sur les bancs du groupe LR.
Si ma réponse ne vous intéresse pas, je vais hausser la voix, cela ne me pose aucun problème.
100 000 Français ont vu revenir des commerces ; 180 commerces ont rouvert dans nos communes rurales. Portez-vous donc candidat : les commerces, on les rouvre et on les accompagne !
Le rapport très attendu sur l'aide médicale de l'État (AME) est paru lundi. Au nom du groupe Horizons et apparentés, je remercie le Gouvernement d'avoir commandé ce précieux rapport pour éclairer les débats, et ses auteurs, MM. Evin et Stefanini, pour la qualité de leurs travaux.
Les chiffres constatés doivent en effet nous conduire à examiner à intervalles réguliers les contours de l'AME.
Déjà en 2019, la majorité présidentielle et le Premier ministre Édouard Philippe avaient conduit une réforme qui avait permis de lutter efficacement contre certains abus. Quatre ans plus tard, un nouveau bilan est bienvenu.
Lors de l'examen du projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, le Sénat a d'ailleurs anticipé ce débat et souhaité aller plus loin en transformant l'AME en aide médicale d'urgence.
Si nous devons effectivement nous interroger sur la soutenabilité à long terme du dispositif et sur la nécessité d'une réforme, l'AME est avant tout un sujet de santé publique qui, à notre sens, n'a pas sa place dans le projet de loi immigration.
Ce rapport montre que l'AME est utile et globalement maîtrisée mais qu'elle subit l'augmentation récente du nombre de ses bénéficiaires et mérite d'être adaptée. Entre fin 2015 et 2023, le nombre de bénéficiaires a crû de 123 000 personnes, soit de 39 %, et 466 000 personnes la perçoivent en 2023, pour un coût de plus de 1 milliard d'euros par an.
Face à ce constat, les auteurs du rapport préconisent d'adapter le cadre juridique de l'AME. Monsieur le ministre, comment le Gouvernement entend-il appliquer ces propositions – notamment celles qui ont une portée législative –, et dans quels délais ?
Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et Dem.
Vous l'avez dit, Claude Evin et Patrick Stefanini ont remis à Gérald Darmanin et à moi-même un rapport essentiel. Ils convergent sur l'essentiel des analyses tout en assumant un dissensus sur certains points.
Ce rapport remet sur ce sujet de la clarté, de la lisibilité, de la transparence, laquelle est indispensable au débat démocratique et est en tout cas plus utile que les postures, la vindicte, la facilité ou, quelquefois, un zeste de démagogie.
Non, l'AME n'est pas un dispositif dont l'État aurait perdu la maîtrise. Il est parmi les mieux contrôlés et les dépenses qui en découlent sont parmi les mieux suivies – vous avez mentionné la réforme du panier de soin engagée en 2018.
Le rapport rappelle aussi utilement que, parmi les 466 000 bénéficiaires de l'AME, figurent 100 000 enfants qui, juridiquement, ne sont pas des étrangers en situation irrégulière.
Le rapport dit enfin très clairement qu'il n'y a pas d'appel d'air ,
Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT et RE
que l'AME ne crée pas de tourisme médical et qu'elle ne favorise donc pas l'immigration irrégulière. C'est pourquoi ni cette disposition ni son évolution n'ont leur place dans le projet de loi immigration, c'est un point essentiel.
Oui, il faut que la médecine de ville s'engage dans la prévention. Oui, l'AME est un outil de santé publique.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et LIOT.
Toutefois, je le dis très clairement : ce rapport n'est pas fait pour être mis sur une étagère. Il pointe des évolutions possibles : certaines de niveau législatif, d'autres de niveau réglementaire, que nous mettrons en œuvre dans les prochaines semaines, dès lors que les avis des auteurs convergent.
L'Union européenne a annoncé le 28 novembre un plan d'action pour moderniser les réseaux électriques d'ici à 2030 et prévoit de mobiliser à cette fin 584 milliards d'euros, montant astronomique qui tient sans aucun doute au recours excessif aux énergies intermittentes, comme Marine Le Pen l'affirme depuis plus de dix ans.
Ces investissements seront à nouveau supportés par les contribuables, comme ceux des producteurs d'électricités.
Le plan prévoit de préparer les réseaux de transport d'électricité à accueillir une part croissante d'énergies renouvelables, comme l'éolien. Les éoliennes ont pourtant montré leur inefficacité lors des tempêtes d'octobre dernier : alors que des vents d'une force inouïe soufflaient, elles étaient à l'arrêt !
Les services publics, les entreprises et plus de 1 million de foyers se sont retrouvés privés d'électricité : bon nombre d'entre eux ont subi des pertes économiques et marchandes durant plusieurs jours.
Cette situation désastreuse aurait pu être évitée si les investissements effectués pour les éoliennes avaient été redirigés vers l'enfouissement des lignes électriques.
En effet, les coupures de courant durant les tempêtes ont été majoritairement causées aux avaries des installations aériennes, particulièrement vulnérables en raison de leur exposition à la foudre, aux chutes d'arbres et de débris divers.
La politique actuellement menée expose l'ensemble du réseau électrique lors des tempêtes, qui sont de plus en plus fréquentes du fait du dérèglement climatique.
Les éoliennes ne sont pas une solution. Elles ne protègent pas les Français.
Madame la ministre de la transition énergétique, nos concitoyens sont-ils condamnés à subir indéfiniment l'aveuglement idéologique de votre gouvernement sans aucune politique réelle de protection de l'approvisionnement en électricité ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Votre question est marquée par une grande confusion. Celle-ci porte d'abord sur les 584 milliards d'euros d'investissement prévus par l'Europe, l'Europe qui nous protège, l'Europe qui, grâce à ses interconnexions, nous a permis de fournir de l'électricité aux Français l'année dernière, ce que vous omettez de dire.
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Ces 584 milliards, que financeront-ils ? Le réseau de distribution et le réseau de transport grâce auxquels nous allons réindustrialiser notre pays, grâce auxquels Dunkerque pourra accueillir deux nouvelles gigafactories dont vous semblez manifestement ignorer les besoins en électricité.
Quant aux coupures intervenues lors de la tempête Ciaran, elles n'ont rien à voir avec les éoliennes.
Elles ont affecté les postes source qui assurent la liaison avec les habitations. Alors, au lieu de raconter n'importe quoi ,
Protestations sur les bancs du groupe RN
…oui, n'importe quoi, vous feriez mieux de remercier les agents d'Enedis qui, sur le terrain, maison par maison, poste source par poste source, ont effectué des réparations pour raccorder les Français qui n'avaient plus l'électricité.
Fort heureusement, la moitié de nos lignes sont enterrées et si l'autre moitié ne l'est pas, c'est que ce n'est pas possible dans certaines régions, comme en Bretagne du fait de sols granitiques.
Notre objectif est de rendre le réseau d'électricité plus résilient, ce que nous faisons, tout en protégeant les Français.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et LIOT.
La vie chère frappe de plus en plus de familles, de retraités, de salariés, d'étudiants. L'inflation cumulée a atteint en deux ans près de 20 % dans l'Hexagone et la situation est pire dans les outre-mer ! Elle a beau ralentir, les prix restent élevés et ne baisseront pas jusqu'à retrouver leur niveau d'avant. Le prix du kilo de pommes de terre a pris 23 % en un an – les frites, dans le Nord, c'est terminé ! –, celui du sucre, 52 %, celui du beurre, 23 % et celui des légumes frais, 29 % en moyenne.
Pour la viande, il faut dépenser entre 12 % et 14 % de plus. Le pire, c'est l'électricité : 90 % d'augmentation en l'espace de douze ans !
Alors que le froid est là, beaucoup choisissent de ne pas ouvrir le chauffage. Face à cela, vous refusez d'augmenter les salaires, les retraites et les bourses étudiantes.
Deux millions de salariés pauvres sont recensés dans notre pays et certains dorment dans leur voiture faute de logement ! Et ne parlons pas de l'état alarmant de nos services publics, notamment en matière d'accès à la santé et à l'éducation.
Devant une telle situation, depuis plusieurs mois, le Parti communiste français, ses militants, ses élus, les députés du groupe GDR se battent pour obtenir des hausses de salaires et des retraites, une baisse des factures liées aux dépenses d'électricité et d'alimentation. Nous sommes mobilisés dans toutes les villes de France, devant les préfectures, comme ici, au Parlement.
À cet égard, j'ai alerté la Première ministre sur une injustice criante concernant l'attribution du chèque énergie. D'une valeur moyenne de 150 euros par ménage, il est versé à 5,8 millions de foyers mais les locataires des HLM qui en sont destinataires n'ont pas le droit de l'utiliser pour payer leurs factures. Ils le mettent directement à la poubelle ! C'est une aberration : 1 million de ménages sont concernés.
Madame la ministre de la transition énergétique, pouvez-vous me confirmer que, comme me l'a assuré la Première ministre, cette demande d'élargissement du chèque énergie sera satisfaite pour ces familles dès 2024, ce qui suppose de modifier le projet de loi de finances pour 2024 ?
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES et SOC.
Vous le savez, la lutte contre l'inflation est le combat du Président de la République et de la Première ministre.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.
La première loi de ce quinquennat visait, vous vous en souvenez, à protéger le pouvoir d'achat des Français à travers des mesures d'urgence. Elle a permis une hausse des pensions de retraite, une revalorisation des minima sociaux et un allégement de cotisations sociales pour les indépendants.
Nous avons adopté des dispositifs d'aide massifs pour les ménages, les entreprises et les collectivités territoriales face à la crise énergétique : bouclier tarifaire pour l'électricité et le gaz, chèque énergie exceptionnel, filet de sécurité pour les collectivités locales, j'en passe. C'est un combat que nous avons mené collectivement avec la majorité, que je remercie pour son engagement.
Notre priorité, dans ce contexte d'inflation, est de protéger les Français, en particulier les plus modestes. Près de 5,6 millions d'entre eux sont éligibles au chèque énergie dont le montant peut atteindre 280 euros. Près de 80 % des bénéficiaires l'utilisent : c'est le dispositif dont le taux de non-recours est le plus faible.
Là où je vous rejoins, monsieur le député, c'est lorsque vous dites que la restriction dont sont l'objet les habitants de HLM est une aberration : ils peuvent l'utiliser pour payer leurs charges d'électricité mais pas leurs charges de chauffage.
Cette situation est inacceptable et la Première ministre s'est saisie de la question. Lundi dernier, à sa demande, j'ai soutenu un amendement du Gouvernement au projet de loi de finances visant à élargir l'usage du chèque énergie qui a été adopté par vos collègues sénateurs.
Sachez que nous défendrons jusqu'au bout – et je sais que j'ai le soutien de la majorité – les mesures permettant aux habitants des HLM de diminuer leurs charges énergétiques grâce au chèque énergie.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Au moment où se déroule la COP28, je voudrais appeler votre attention, monsieur le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, sur les enjeux du changement climatique outre-mer. En mars 2023, le Giec – Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat – rappelait que nos territoires, plus particulièrement nos îles, s'ils sont comme toutes les régions du monde déjà affectés par le changement climatique, le seront de façon plus marquée à l'avenir : inondations lors des cyclones tropicaux et fortes pluies, élévation du niveau de la mer, sécheresses avec les conséquences auxquelles on peut s'attendre pour l'agriculture et les populations exposées aux restrictions d'eau.
Ajoutons à cela, la perte de la biodiversité – nos territoires représentent 80 % de la biodiversité française. À La Réunion, malgré les efforts déjà consentis, 40 % des espèces végétales sont en voie de disparition. De surcroît, dans les outre-mer, la forte littoralisation de l'habitat et des activités économiques constitue un facteur aggravant de risque.
Le changement climatique a aussi une influence sur la santé des populations ultramarines – je pense en particulier aux pathologies provoquées par les vagues de chaleur et le rayonnement solaire. Et elles sont d'autant plus vulnérables que les inégalités sociales et économiques sont plus marquées que dans l'Hexagone.
Nous sommes engagés dans une course contre la montre. La prévention des risques liés au changement climatique dans les outre-mer doit être une priorité absolue à court et moyen terme. Elle passe par une politique d'adaptation. Sous-estimer les conséquences du changement climatique pour nos populations est une position intenable. L'heure est à la responsabilité climatique alors que l'objectif d'une augmentation des températures limitée à 1,5 degré fixé par la COP15 est déjà dépassé.
Monsieur le ministre, ma question est simple et concrète : comment comptez-vous accélérer le déploiement de votre politique pour protéger nos populations face aux défis climatiques ?
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Frédéric Maillot applaudit également.
La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Vous avez raison de vouloir braquer les projecteurs sur l'adaptation et non pas seulement sur ce qui se joue à la COP28 en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Quels que soient les compromis auxquels nous parviendrons à Dubaï, aucune décision ne pourra enrayer la poursuite du dérèglement climatique. Les trajectoires d'atténuation nous conduisent à une augmentation de 4 degrés en France à la fin de ce siècle, comme j'ai eu l'occasion de le dire il y a quelques mois. Le souligner, ce n'est pas renoncer à œuvrer pour accélérer la baisse de nos émissions de gaz à effet de serre, c'est sortir du déni et insister sur la nécessité de protéger nos populations.
Cet après-midi, à quinze heures trente, je prendrai part à une nouvelle réunion du comité de pilotage ministériel sur l'adaptation au changement climatique. Il s'agira de finaliser tout un pan du plan national d'adaptation au changement climatique (Pnacc) qui sera présenté en janvier. Ce plan, qui sera accompagné d'un financement complet, prendra en compte de manière globale les hausses de température déjà constatées, les diminutions des ressources en eau et les vagues de chaleur et passera en revue 256 référentiels afin d'assurer continuités et résiliences. Il pose sans tabou la question des catastrophes naturelles et de la soutenabilité du régime d'indemnisation des assurances face à la multiplication des risques auxquels nous sommes soumis.
C'est aussi dans ce sens que vont les COP territoriales en cours de déploiement. Deux ont déjà eu lieu en outre-mer. Une se tiendra dans quarante-huit heures à La Réunion et une autre au début de l'année prochaine en Guyane.
Que ce soit autour des enjeux de la baisse des émissions à la COP28, avec Agnès Pannier-Runacher, ou des questions liées à l'adaptation, avec beaucoup d'autres ministres, nous sommes mobilisés pour protéger les Français, en faisant en sorte de réduire les émissions, de préserver la biodiversité et de veiller à l'adaptation à travers un plan national.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – M. François Gernigon applaudit également.
La période des fêtes de fin d'année prend un sens particulier en Alsace où les marchés de Noël rythment ce mois de décembre. Tradition dans l'est de la France et symbole de la culture alsacienne, ils rassemblent des millions de visiteurs : 2 millions sont attendus à Colmar et 2,8 millions à Strasbourg.
Ces événements sont un moment majeur dans la vie de notre territoire mais aussi un défi pour la sécurité des habitants comme des visiteurs – ce sera le cinquième anniversaire du tragique attentat qui a coûté la vie à cinq personnes au marché de Noël de Strasbourg.
Dans le contexte du rehaussement du plan Vigipirate au niveau « urgence attentat », nos concitoyens sont inquiets d'autant que la France vient de connaître un nouvel attentat terroriste, à Paris. Des mesures importantes sont prises pour assurer la sécurité de nos concitoyens grâce à une mobilisation exceptionnelle de nos forces de l'ordre, que je salue, et au déploiement d'outils innovants. Je me félicite à cet égard que la justice administrative ait autorisé le recours aux drones pour le marché de Noël de Strasbourg.
L'autre défi de la fin d'année est la nuit de la Saint-Sylvestre, régulièrement ponctuée d'incidents graves : incendies de voitures, accidents liés aux feux d'artifice et affrontements mettant en danger les forces de l'ordre et les services de secours. Dans notre territoire transfrontalier, il existe un enjeu particulier : assurer le contrôle de l'importation illégale de mortiers depuis les pays voisins.
Monsieur le ministre de l'intérieur et des outre-mer, pouvez-vous détailler les moyens que l'État prévoit de consacrer pour garantir la sécurité des Françaises et des Français et des touristes pendant cette période festive et populaire dans notre pays ? J'associe bien sûr les députés alsaciens à ma question.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
En Alsace, à Strasbourg et à Colmar en particulier, se tiennent des marchés de Noël d'une grande importance qui attirent des millions de personnes dans votre magnifique région. Ces territoires sont confrontés à des difficultés particulières en cette fin d'année du fait des attentats ayant déjà eu lieu et de la délinquance de voie publique qui connaît une accentuation pendant la nuit de la Saint-Sylvestre.
Depuis plusieurs années, nous avons décidé de renforcer la mobilisation des forces de l'ordre. Ainsi, cette année, six unités de forces mobiles seront à la main de la préfète de la région Grand Est et du Bas-Rhin. Elles assureront, entre Strasbourg et Colmar, la sécurité des touristes, des commerçants et bien sûr des habitants. Ce dispositif a permis non seulement d'éviter plusieurs attentats terroristes mais aussi de multiplier les interpellations – 490 ont été effectuées cette année contre 441 l'année dernière, soit une augmentation de plus de 11 % – et de réduire le nombre de voitures brûlées pendant la nuit de Saint-Sylvestre, notamment à Strasbourg, malheureusement connue pour la recrudescence de ces actes à cette période – c'est une baisse de 25 % qui a été enregistrée en une année grâce à ces moyens supplémentaires.
Je veux aussi saluer le travail du ministère de l'intérieur : les gendarmes et les policiers sont particulièrement mobilisés, en plus de leurs missions habituelles. Pour la première fois, des drones seront utilisés pour survoler les marchés, grâce à la loi que vous avez votée et au travail de la préfète.
J'insiste aussi sur la lutte menée en amont contre la détention de mortiers, provenant notamment d'Allemagne. C'est souvent cette filière des pays de l'Est qui nourrit malheureusement les tirs sur les policiers, les gendarmes et les commissariats. Depuis le début de cette année dans votre région, plusieurs centaines de kilos d'artifices importés illégalement en Allemagne ont été saisis. À la demande de tous les élus, nous allons intensifier les perquisitions opérées sous l'autorité du procureur de la République.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à quatorze heures quarante-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de Mme Élodie Jacquier-Laforge.
La parole est à M. Marc Ferracci, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 affirme en son article 1er : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune. »
Je n'ai pas l'habitude de présenter des témoignages personnels dans mon travail parlementaire, mais je ferai une exception pour montrer que le principe qu'exprime cette Déclaration ne s'applique pas toujours en France.
Je voudrais vous parler d'un proche parent. Il s'appelle Jean. Il y a des années de cela, Jean a obtenu une thèse de doctorat en physique sur la mécanique des fluides. Par la suite, il a publié de nombreux articles dans des revues scientifiques de niveau international. Il intervient désormais comme expert dans le cadre d'audits sur l'efficacité des circuits de refroidissement des centrales nucléaires. Pour le dire simplement, Jean a très bien réussi sa vie professionnelle.
Le problème, c'est que Jean n'est pas toujours appelé Jean. Son prénom de naissance est Saïd. Après l'obtention de sa thèse, pendant plusieurs années, Saïd a cherché un poste d'ingénieur en lien avec ses compétences. Pour pouvoir vivre, il a été serveur et il a travaillé sur des chantiers. En désespoir de cause, Saïd a demandé à modifier son état civil pour devenir Jean ; au passage, il a supprimé devant son nom de famille le préfixe Ben, qui signifie « fils de » en arabe. Il a obtenu, en moins de quinze jours, un entretien d'embauche auprès d'une entreprise industrielle, entretien qui a débouché sur un recrutement. Ce n'est qu'après de longues années de vie professionnelle qu'il a repris son nom de naissance.
Le cas de Saïd n'est pas un cas isolé. Nombreux sont nos concitoyens qui, à force de se voir refuser l'accès à un emploi, à un logement, décident de changer de nom, de mentir sur leur âge, ou sur leur adresse. Nombreux sont celles et ceux qui sont contraints de se dépouiller d'une partie de leur identité pour pouvoir vivre dignement, car ils subissent des discriminations. Nombreux aussi sont ceux qui se résignent et poursuivent leur chemin sans que leur soit apportée de réponse à la hauteur de ce qu'ils subissent.
Cette violence symbolique que vivent nombre de Françaises et de Français n'est pas acceptable en République. Lutter contre elle est l'objet de cette proposition de loi.
Discriminer, c'est traiter de manière différente deux personnes dont la situation est comparable, mais qui ne se distinguent que par un critère, tel que l'origine, l'âge ou l'adresse. Les discriminations contreviennent au principe d'égalité, qui est au fondement du pacte républicain. Elles créent du ressentiment chez les personnes qui les subissent et favorisent le repli communautaire autant que les tensions sociales. Les discriminations sur le marché du travail ont un coût économique important, comme le montre France Stratégie qui estimait, dans un rapport sur le coût économique des discriminations publié en 2016, que la suppression des discriminations en matière d'emploi augmenterait le PIB de 150 milliards d'euros à long terme.
Selon l'Insee, la proportion des personnes qui déclaraient avoir subi des discriminations est passée de 14 à 18 % entre 2009 et 2020. Par ailleurs, 42 % des personnes actives déclarent avoir été témoins de discrimination dans le cadre de leurs activités professionnelles. Ces chiffres montrent que les discriminations ressenties restent intenses dans notre pays. Non seulement les discriminations ressenties ont augmenté, mais aussi les discriminations objectives, ce que confirmait en 2020 le Conseil d'analyse économique (CAE) en synthétisant les études réalisées depuis vingt ans.
Ces résultats peuvent surprendre car la France dispose d'un arsenal juridique très étoffé contre les discriminations. Mais sa mise en œuvre est particulièrement complexe pour les victimes. Dans le rapport « Discriminations et origines : l'urgence d'agir » publié le 22 juin 2020, le Défenseur des droits notait ainsi que « Si le droit des discriminations s'est considérablement développé, le recours contentieux est une démarche lourde pour les victimes et son impact reste limité comme outil de dissuasion et de lutte contre les discriminations. »
De fait, démontrer l'existence des discriminations requiert des actions spécifiques. L'enjeu est moins d'ajouter aux vingt-cinq critères de discrimination que mentionne le code pénal que d'améliorer l'efficacité des outils qui permettent de changer les pratiques. Parmi ces outils figurent les tests de discrimination, qui ont fait l'objet, depuis plusieurs décennies, de nombreux travaux académiques et d'expériences de terrain, lesquels ont établi leur efficacité pour mettre en évidence les discriminations.
Deux types de tests méritent ici d'être distingués : le test statistique de discrimination et le test individuel à portée judiciaire.
Le test statistique de discrimination est généralement pratiqué par des chercheurs indépendants. Il consiste à envoyer un nombre important de candidatures similaires, ne différant que par un critère de discrimination choisi, afin d'observer d'éventuelles différences de réponses de la part des acteurs testés.
Parce qu'ils reposent sur des candidatures fictives, ces tests statistiques ne sauraient être admis comme preuve dans le cadre d'un recours juridictionnel. En revanche, la publicité des résultats, qui consiste à « nommer et faire honte », selon l'expression anglaise name and shame, peut conduire à changer les comportements des acteurs ; toutefois cela suppose certaines conditions qui, à l'heure actuelle, ne sont pas réunies en France.
En particulier, il est nécessaire d'organiser un dialogue entre les parties prenantes que sont les représentants des entreprises et de leurs salariés, les associations qui luttent contre les discriminations et les chercheurs, afin de partager en amont la méthode des tests, de définir les conditions de publication de leurs résultats et d'accompagner les organisations pour qu'elles changent leurs pratiques.
Au cours des dernières années, des tests statistiques menés par le Gouvernement ont conduit à la publication des noms d'entreprises identifiées comme discriminantes, alors qu'il n'y avait pas eu de discussion en amont sur la méthodologie des tests. Cela a conduit ces entreprises à contester les résultats et à envisager des recours juridiques plutôt qu'à modifier leurs comportements.
Pour remédier à de tels problèmes, la présente proposition instaure un cadre permettant de discuter la robustesse des tests statistiques avant de réaliser ces derniers, dans le but que les acteurs en acceptent mieux les résultats. Les auditions menées durant la préparation ont montré que les partenaires sociaux souhaitent être pleinement associés à ce cadre.
Un autre enjeu actuel est le développement de certains algorithmes qui, en exploitant l'intelligence artificielle, conduisent à discriminer certains profils, sans que ce résultat soit nécessairement voulu. Ces algorithmes se développent très rapidement dans les services de ressources humaines, et les auditions de chercheurs ou de directeurs des ressources humaines (DRH) menées par la commission ont souligné l'intérêt des tests statistiques pour repérer les biais qu'ils induisent.
Le test individuel à portée judiciaire consiste, quant à lui, à mettre en évidence une discrimination subie par une personne réelle, en adressant une candidature similaire à la sienne mais où le critère de discrimination n'apparaît pas. Parce qu'ils permettent d'établir un préjudice, ces tests sont admis par le code pénal comme une preuve de discrimination, ouvrant droit à réparation.
Il faut signaler que les tests de discrimination, qu'ils soient statistiques ou individuels, se distinguent clairement de la démarche des statistiques liées à l'origine, ou « statistiques ethniques », puisqu'ils ne reposent nullement sur la collecte systématique de données individuelles.
La présente proposition de loi vise donc à systématiser la pratique de ces deux types de tests et ainsi à renforcer l'arsenal de lutte contre les discriminations dans notre pays. Elle vise aussi à améliorer la connaissance des phénomènes de discrimination.
Son article 1er prévoit la création d'un service placé sous l'autorité du Premier ministre et ayant pour mission la lutte contre toutes les formes de discriminations, notamment à travers la réalisation de tests.
Comme cela a déjà été annoncé, ce service n'est autre que la délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT, la Dilcrah. Afin de garantir que des moyens supplémentaires et suffisants seront dévolus à la Dilcrah pour assumer ces nouvelles fonctions, un amendement abondant son budget de 3 millions d'euros a été déposé par le groupe Renaissance sur le projet de loi de finances (PLF) pour 2024 et adopté en première lecture.
L'article 2 prévoit la création au sein de ce service d'un comité des parties prenantes, chargé d'élaborer et de valider la méthodologie des tests, de proposer la publication des résultats de ceux-ci et de formuler des recommandations à destination des personnes morales testées. Cela doit permettre de diffuser la culture des tests à l'ensemble des acteurs et de consolider les connaissances en matière de lutte contre les discriminations afin de faire progresser effectivement les pratiques.
L'article 3 de la proposition de loi donne une base législative à la diffusion des résultats des tests statistiques et donc à la publication des noms des organisations dont le comportement discriminatoire a été établi par les tests. Afin d'améliorer les pratiques des acteurs, cet article prévoit que, pour éviter la publication des résultats, les personnes morales concernées, qui pourront être des entreprises ou des administrations, puissent définir par le dialogue social un plan de lutte contre les discriminations, sous peine de sanctions pécuniaires.
Durant nos débats en commission, la proposition de loi a été améliorée. Des amendements de différents groupes ont notamment été adoptés pour inclure les partenaires sociaux interprofessionnels dans le comité des parties prenantes, ou encore pour imposer la consultation du Défenseur des droits sur le programme de tests statistiques défini par le Gouvernement. Un amendement a également été adopté pour rehausser à 1 % de la masse salariale le niveau de l'amende administrative due en cas d'inaction suite à un test statistique positif.
Je reconnais de manière claire que les tests ne sont pas une réponse miracle aux problèmes de discrimination. Tout d'abord, ils sont établis à partir de candidatures et ne sauraient donc permettre identifier des discriminations qui ont cours pendant le déroulement de la carrière professionnelle. Ensuite et surtout, les tests doivent s'insérer dans une stratégie globale, qui inclut notamment des actions de sensibilisation, de formation, mais aussi des sanctions. C'est le sens de cette proposition de loi que de contribuer à rendre effective cette stratégie globale.
Chers collègues, je suis convaincu que tout n'a pas été tenté pour faire reculer les discriminations dans notre pays. Systématiser la pratique des tests est une voie prometteuse. Je vous propose de l'emprunter pour donner plus de consistance à la promesse d'égalité républicaine.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – M. Olivier Falorni applaudit également.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations.
Lutter contre toutes les formes de discrimination est au cœur de ma mission ; c'est agir en faveur de l'égalité.
Bien que l'égalité soit inscrite dans la loi de notre pays, elle est encore loin d'être une réalité pour tous. Il s'agit donc à présent de donner à chacun la possibilité d'accéder à l'emploi ou au logement qu'il mérite, et au prêt bancaire pour financer ses projets.
Selon les données de l'Insee, près d'un Français sur cinq déclare avoir été victime de discrimination au cours des cinq dernières années. Parmi les personnes immigrées et leurs descendants, 82 % déclarent ressentir des discriminations liées principalement à leur origine ou à leur couleur de peau. L'accès à l'emploi et l'accès au logement sont particulièrement concernés. L'être humain ne manque jamais d'imagination quand il s'agit d'écarter son semblable pour ses différences.
Ces discriminations frappent aussi les femmes tout au long de leur vie, qu'elles soient proches de connaître la maternité ou qu'elles soient considérées par certains comme trop âgées pour exercer leur métier. Elles n'épargnent pas non plus les personnes en situation de handicap, les personnes LGBT+ ou les seniors. Il est donc grand temps d'agir.
Cette proposition de loi concrétise la promesse faite par le Président de la République de lutter plus efficacement contre les discriminations dans notre pays. Elle est en parfaite adéquation avec la volonté du Gouvernement et s'inscrit dans le plan national de lutte contre le racisme, l'antisémitisme et les discriminations liées à l'origine pour les années 2023 à 2026, annoncé en janvier 2023 par la Première ministre. Je suis chargée de développer ce plan et cette politique publique avec détermination, pour que nous obtenions enfin des résultats concrets.
Je me réjouis que la commission des lois de l'Assemblée nationale ait adopté cette proposition de loi défendue par le député Marc Ferracci dont je tiens à saluer l'engagement sur ces sujets essentiels.
Ce texte comporte des mesures cruciales pour lutter contre des discriminations qui vont à l'encontre de nos valeurs républicaines et de l'idéal de méritocratie.
Il souligne l'ambition de lutter contre les pratiques discriminatoires, en utilisant des tests statistiques et individuels. Il contribue à la justice sociale et à la cohésion de notre pays en montrant à chaque citoyen que ses origines, sa couleur de peau, sa supposée religion, son âge ou encore son orientation sexuelle ne devraient jamais entraver ses chances d'emploi ou limiter son accès au logement et aux crédits bancaires.
Certaines personnes sont contraintes de changer de nom et de mentir sur leur âge ou leur adresse pour échapper à ces discriminations. Souvent, la résignation les gagne. Cette proposition de loi vise précisément à leur redonner espoir et à leur permettre d'obtenir réparation. Pour changer les choses en profondeur, il nous faut d'abord changer les comportements des entreprises et des administrations.
Pour atteindre cet objectif, ce texte renforce l'arsenal de lutte contre les discriminations en généralisant le testing statistique, lequel consiste à envoyer des candidatures fictives à des employeurs qui vont se différencier par des critères de discrimination. Cela permettra de collecter des données à grande échelle pour analyser les situations rencontrées par nos concitoyens et détecter les entreprises ou les administrations discriminantes.
L'objectif est de permettre le test de 500 entreprises en 2024. Celles qui seront identifiées comme défaillantes et qui n'auront pas engagé les actions nécessaires pour limiter les discriminations se verront signalées par la publication des résultats des tests. Le texte prévoit donc d'encadrer le name and shame pour sécuriser la publication de ces résultats.
Certains nous signaleront que l'arsenal juridique existe déjà. Ils auront raison : depuis le début des années 2000, le principe des tests est un outil de preuve dans le cadre d'une action en justice. Mais cela ne fonctionne pas. En 2020, il n'y a eu, en France, aucune condamnation pénale en matière de discrimination. Aucune. Nous devons donc rendre plus effectif le droit à la réparation.
Cette proposition de loi va permettre de recréer un parcours de justice pour les personnes qui se sentiront discriminées. Le testing individuel va se concentrer sur des situations de discrimination vécues par des personnes réelles. Au lieu de collecter des données à grande échelle, cette approche se base sur les signalements de discrimination faits par les victimes elles-mêmes. Ces signalements sont examinés afin de déterminer si une discrimination a effectivement eu lieu et d'apporter à la victime un soutien à sa démarche juridique.
Dans la lutte contre les discriminations, le testing statistique et le testing individuel sont complémentaires. Je soutiens ces pratiques car je nourris beaucoup d'espoir quant aux résultats qu'ils obtiendront. Le dispositif global s'appuiera sur la délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT, qui aura pour mission d'organiser les tests statistiques à grande échelle. Il ne s'agit pas de concurrencer le Défenseur des droits – qui fait un travail reconnu pour identifier et combattre les inégalités de notre société – mais plutôt de proposer une approche complémentaire.
Dans ce cadre, la proposition de loi prévoit la création d'un comité des parties prenantes incluant des parlementaires, des experts des sujets économiques, juridiques et sociaux, ainsi que le représentant du Défenseur des droits – sa composition, je le sais, occupera une partie de nos débats. Son rôle principal serait de choisir la méthodologie des testings et de déterminer les actions correctrices que les entreprises et les administrations discriminantes pourraient mettre en place.
Mesdames et messieurs les députés, cette proposition de loi représente une étape cruciale dans notre lutte contre les discriminations. Un tel combat ne devrait pas être une question de couleur politique ; il transcende les clivages politiques, tant il est évident que nous avons l'obligation d'agir.
Je suis donc convaincue qu'une majorité peut être trouvée sur ce texte. Nos concitoyens attendent de nous que nous soyons à la hauteur de cette question. C'est ainsi que nous ferons vivre la promesse républicaine d'égalité.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Je veux m'adresser à toutes les victimes de discriminations. Cette proposition de loi leur est dédiée, parce que la haine de l'autre n'a pas sa place dans notre société ; parce que les discriminations portent atteinte à notre principe de fraternité ; enfin, parce que les pratiques discriminatoires perpétuent les inégalités et conduisent à des injustices.
Nous en faisons tous le constat : les fractures qui traversent notre société contribuent à un accroissement des discriminations sous toutes leurs formes. Je salue donc le travail engagé de notre rapporteur. Cette proposition de loi nous permet de débattre du testing et des façons d'améliorer la lutte contre les discriminations – en particulier au travail ; mais, surtout, elle doit nous permettre d'avancer pour changer le quotidien de nos concitoyens.
Je sais que beaucoup de chiffres ont déjà été versés au débat, mais notre groupe, LIOT, souhaite vous alerter sur deux évolutions inquiétantes. D'une part, les discriminations contre les femmes augmentent : le motif sexiste est devenu la principale source de discrimination, devançant celles liées aux origines. Pas moins de 47 % des femmes indiquent avoir été discriminées en raison de leur sexe, c'est-à-dire une femme sur deux. D'autre part – et plusieurs de mes collègues ultramarins souhaitent insister sur ce fait trop souvent négligé –, les traitements inégalitaires touchent durement les citoyens d'outre-mer : 32 % des natifs de ces territoires sont victimes de discriminations.
Au-delà des propos haineux, ces discriminations ont aussi un impact sur la vie quotidienne : elles sont des obstacles au logement, à l'emploi, aux études et aux opportunités. Notre groupe accueille donc favorablement les mesures qui visent à accroître le recours aux tests de discriminations et au name and shame.
En effet, les peines prévues dans notre code pénal ne suffisent plus. Pour lutter contre les discriminations, l'État doit également recueillir des données, diffuser des bonnes pratiques et accompagner les victimes.
Actuellement, le recours aux tests de discrimination souffre d'un cadre législatif limité, qui n'est pas à la hauteur des enjeux. Ces tests individuels et statistiques sont pourtant essentiels car ils permettent de cibler les entreprises qui discriminent. Cela étant, si nous voulons permettre aux services de l'État de les effectuer de manière efficace, il faudra y consacrer les moyens nécessaires.
Par ailleurs, notre groupe s'inquiète de la capacité de l'État à accompagner les victimes dans les tests individuels. Ces derniers ont une importance particulière, parce qu'ils concernent une victime bien réelle, mais surtout parce que notre code pénal les reconnaît comme des preuves admises lors d'un procès contre l'employeur discriminant.
Le dispositif reposerait sur un service central – sans doute la Dilcrah –, mais comment accompagner les victimes sur le terrain, dans les territoires, si elles n'y ont pas un accès direct ? L'accompagnement doit se faire au niveau local ; or il n'est pas possible de le laisser à la charge des seules associations.
Quant au name and shame, lorsqu'une entreprise discrimine nos citoyens et se refuse à prendre des mesures correctrices, publier son nom et mettre à la vue de tous ces pratiques devient une nécessité. S'attaquer à son image de marque est le meilleur moyen de faire réagir une entreprise. Il ne s'agit pas seulement de la pointer du doigt ; cette sanction doit aussi la pousser à prendre sans délai des mesures pour rectifier le tir.
En la matière, la règle doit être la tolérance zéro. Notre groupe soutient le choix d'une amende administrative et proposera un amendement pour accroître son montant en cas de récidive. Une telle fermeté est nécessaire, car les pratiques discriminantes violent le pacte républicain, créent des fractures entre les citoyens et ont, de surcroît, un impact néfaste sur l'économie. Dans l'attente du renforcement du volet répression, notre groupe votera bien évidemment pour la proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT. – Mme Christine Decodts applaudit également.
Une enquête de l'Insee publiée en juillet 2022 a révélé qu'en dix ans, de 2009 à 2019, les personnes déclarant avoir subi des discriminations sont passées de 14 % à 18 %. En 2020, le rapport de la Défenseure des droits intitulé « Discriminations et origines : l'urgence d'agir » indiquait que l'origine, réelle ou supposée, constituait le deuxième critère de discrimination après le genre ; cela concerne 11 % de la population. Quand Yassine, Aminata ou Khadija se portent candidats pour louer un logement privé, ils ont un tiers de chances en moins d'obtenir un premier rendez-vous avec le propriétaire.
Ces discriminations sont des barrières invisibles ; elles empêchent certains de nos concitoyens de jouir pleinement de leurs droits et des opportunités qu'ils rencontrent. Même lorsqu'on ne veut pas les voir, elles existent. Les exemples qui nous le rappellent – des témoignages, des plaintes, des recherches – nous procurent le sentiment douloureux d'une conscience acérée des inégalités, lesquelles reposent sur l'essentialisation des individus par un employeur, un bailleur ou toute autre personne leur refusant l'accès à un service.
Le sentiment d'injustice qui en résulte engendre des blessures, de la résignation et une perte de confiance. Cette violence sourde met en cause l'égalité républicaine et contredit l'article premier de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune. » Les discriminations sont un fléau, non seulement pour celles et ceux qui en sont victimes, mais aussi pour la nation, car elles sont contraires à l'utilité commune. Leur suppression dans l'accès à l'emploi pourrait ainsi augmenter le PIB jusqu'à 14 %, selon le rapport de France Stratégie sur le coût économique des discriminations, datant de 2016.
Ces discriminations peuvent toucher chacun d'entre nous, à un moment de nos vies ; heureusement, la loi les condamne. Malgré cela, nous savons que le non-recours au droit à déposer plainte est massif, si bien que nous sommes incapables de les identifier avec précision, de les mesurer réellement et, surtout, de faire que la société apporte une réparation aux victimes. Or, pour réparer, il faut prouver la discrimination, qui ne s'affiche jamais comme telle.
Les tests dits individuels permettent justement d'apporter la preuve d'une discrimination, grâce à une candidature fictive similaire. Actuellement, leur pratique est très limitée, même si des associations, des avocats, des individus ou même la Défenseure des droits peuvent en réaliser. Nous soutenons donc l'institution d'un service public destiné à les intensifier et à apporter rapidement un soutien matériel aux victimes.
À cet objectif déjà ambitieux, la proposition de loi ajoute un cadre aux tests dits statistiques, c'est-à-dire à l'envoi de candidatures fictives au moyen d'une méthodologie adaptée par des chercheurs. Lors d'une précédente campagne de testing massive, menée sous l'impulsion du Président de la République, il avait été révélé que plusieurs entreprises avaient des pratiques discriminatoires : une personne ayant déposé une candidature spontanée avait jusqu'à 20 à 30 % de chances en moins d'être recontactée si elle avait un nom de famille maghrébin.
Toutefois, ce constat n'entraînait ni sanction ni réelle transformation. La légitimité de la publication de ces résultats avait alors été questionnée, en raison de l'utilisation d'une méthode controversée. Grâce au travail du rapporteur – qui a eu l'occasion de suivre de près les étapes de ces expérimentations –, cette proposition de loi permettra de réaliser des tests statistiques, selon une méthode validée par un comité des parties prenantes. Les résultats positifs à des tests de discrimination pourront désormais conduire à infliger une amende administrative et faire l'objet d'une publication. En commission, nous avons d'ailleurs doublé cette amende en la portant de 0,5 à 1 % de la masse salariale de l'entreprise concernée ; nous souhaitons qu'elle puisse être renforcée en cas de réitération.
Un tel encadrement permet de sécuriser juridiquement le name and shame, d'autant que l'objectif ne soit pas de jeter l'opprobre, mais bien d'engager un dialogue. Grâce à ce texte, une pression sera mise à l'encontre de ceux qui discriminent et qui sont souvent gouvernés par des stéréotypes dont ils n'ont pas conscience. Les employeurs seront contraints de repenser leurs processus de recrutement. En conséquence, la société sera mieux préparée à lutter contre les discriminations : elles ne seront pas tolérées et il sera possible de les démontrer. Les pratiques devront évoluer, et avec elles, les mentalités, dont les changements sont souvent très lents et incrémentaux.
La loi du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes imposait aux entreprises de respecter l'égalité de traitement entre les femmes et les hommes ; la pression de la loi a alors nécessité une ingénierie collective pour trouver des solutions.
Le travail mené en commission sur cette proposition de loi a permis d'ajouter – de manière transpartisane – la représentation des partenaires sociaux dans le comité des parties prenantes. J'espère que la même coopération permettra de renforcer le rôle des associations susceptibles de relayer les problèmes rencontrés sur le terrain.
En commission, le Rassemblement national n'a cessé de minimiser les discriminations. J'espère que sur tous les bancs de l'hémicycle, les députés, attachés à la justice sociale, désireux de ne pas ignorer ces discriminations et conscients de l'ampleur de la tâche consistant à les réduire, seront aux côtés du groupe Renaissance. L'objectif est d'apporter des solutions concrètes, encadrées et concertées, et de faire de l'État un acteur volontariste de l'aide aux victimes et de l'accompagnement des recruteurs, afin de contribuer à instaurer une véritable égalité des chances.
Murmures sur les bancs du groupe RN.
La lutte contre les discriminations est un combat poursuivi par l'ensemble des groupes politiques au sein de notre assemblée.
Selon le rapport de l'Observatoire des inégalités et les données de l'Insee, près d'un Français sur cinq déclare avoir été victime d'une pratique discriminatoire – notamment fondée sur des considérations sexistes – au cours des cinq dernières années.
Même si les auteurs de ce rapport reconnaissent l'existence d'« une société plus ouverte et tolérante qu'il y a vingt ans », il nous faut continuer à lutter sans relâche contre les discriminations, quelles qu'elles soient.
Permettez-moi d'avoir une pensée particulière pour nos concitoyens ultramarins, dont un sur trois a déclaré avoir été victime de discrimination sur le territoire hexagonal – et ce, dans la relative indifférence des gouvernements successifs, il faut bien le dire.
Peu importe leur sexe, leur origine, leur handicap, leur engagement politique, leur couleur de peau, le lieu de leur domicile, leur orientation sexuelle, leur religion ou encore leur âge, on ne doit pas distinguer parmi les Français.
La lutte contre les discriminations est ici dévoyée par la majorité, qui veut faire un coup de com' en ajoutant une nouvelle charge aux entreprises sans pour autant résoudre le problème de fond. Du reste, monsieur le rapporteur, vous avez reconnu vous-même, dans un article publié par Capital le 22 novembre, que ce texte n'est pas une « réponse miracle ».
Quel est le fond du problème ? Les auteurs du texte n'ont pas la volonté de combattre fermement les discriminations par la voie judiciaire, comme nous l'avons proposé à plusieurs reprises en commission. En matière de discrimination, comme pour l'ensemble des crimes et des délits, la dissuasion repose sur la certitude de la peine. Or la seule certitude que vous inspirez aux Français est que les peines ne seront pas exécutées. Les chiffres du ministère de la justice le montrent : 41 % des délinquants condamnés à de la prison ferme ne passent pas une seule nuit en prison. Comment voulez-vous combattre les discriminations sans en punir les auteurs selon la gravité de leurs actes ?
Plutôt que d'élaborer une politique pénale globale et efficace, vous préférez nous présenter une nouvelle lubie bureaucratique. Par cette proposition de loi, vous donnerez à la Dilcrah de nouvelles missions, qui se superposent, d'ailleurs, avec celles du Défenseur des droits, et créerez une procédure proprement inquisitoriale contre les entreprises et les administrations.
La première version présentée en commission posait plusieurs problèmes ayant notamment trait au respect des principes essentiels de l'État de droit et de la démocratie, étant donné qu'elle ne prévoyait aucun contradictoire ni aucune marge d'appréciation. Notre groupe a donc déposé des amendements visant à rappeler à la majorité présidentielle que les entreprises ont le droit de se défendre. Le rapporteur a corrigé sa copie en reprenant nos amendements à son compte.
M. le rapporteur rit.
C'est heureux, mais soyons clairs : en l'état, votre texte n'offre aucune solution satisfaisante pour lutter contre les discriminations.
Monsieur le rapporteur, plutôt que d'appliquer sérieusement le droit existant en la matière, vous choisissez la voie du droit comportemental en encourageant la pratique anglo-saxonne du name and shame, ou plutôt, en français – car nous sommes au Parlement français –, du « nommer et faire honte ». En somme, vous proposez aux Français une société de contrat. Cette pratique consiste à clouer les entreprises au pilori, parfois sur le fondement de simples soupçons de discrimination. Le concept du « nommer et faire honte » risque de masquer d'un écran de fumée le code de procédure pénale, qui vise pourtant à protéger les libertés individuelles en garantissant la sincérité des preuves. Je sais que certains ont déposé des amendements visant à empêcher cela ; nous les soutiendrons.
Au fond, vous menacez les entreprises, au lieu de les associer à la lutte contre les discriminations ou de les condamner pénalement lorsqu'elles en commettent. C'est pourquoi notre groupe sollicitera la suppression des articles du texte, qui n'apporte aucune réponse concrète à nos concitoyens victimes de discrimination. J'ajoute que l'inscription de cette proposition de loi à l'ordre du jour des travaux de notre assemblée me paraît extrêmement éloignée de ce qu'attendent les Français.
Chers collègues, les Français peuvent compter sur le Rassemblement national pour les défendre véritablement face à toutes les discriminations,…
…en assurant le respect de notre Constitution, avec la volonté politique de mettre fin au laxisme, en la matière comme dans tous les domaines.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La méritocratie dont on nous parle tant nous conduit aujourd'hui à débattre d'une proposition de loi visant à lutter contre les discriminations par la pratique de tests individuels et statistiques. Comment en sommes-nous arrivés là ? Cette proposition de loi n'est-elle pas elle-même la preuve que les discriminations du fait du genre, de l'origine ou encore de la religion sont encore trop nombreuses en France ?
Ils s'appellent Nsanda Mizou, Zainab Jamali, Mamadou Camara, Albayrak Sevki, Vafi Sylla, Marwan Zougagh, Mohamed El Moukadem, Lukeba Gispy, Adama Soumaré, Binta Diaw, Aymen Naila. Tous et toutes ont été discriminés à l'embauche après avoir obtenu un bac + 5.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Qu'est-ce qui n'a pas marché, pour que ces enfants qui sont allés à l'école de la République se trouvent obligés de quitter la France pour obtenir un poste à la hauteur de leur diplôme ? Ils ont pourtant étudié dans un bâtiment dont le fronton affiche la devise Liberté, Égalité, Fraternité. Il n'y a pas plus difficile que de se heurter ainsi à la discrimination à l'embauche.
La France n'a jamais cherché à connaître les origines ou la religion de ses soldats pendant la première et la seconde guerres mondiales.
Pendant les Trente Glorieuses, elle s'est construite grâce à des travailleurs immigrés – ou expatriés, selon la façon dont on regarde le monde.
Les enfants de ces travailleurs ont eu des enfants, et les voilà aujourd'hui discriminés à l'embauche ! Quelle honte !
Rares sont les discriminations sur les postes de premier de corvée : femme de ménage, éboueur, maçon, chauffeur de bus, agent de sécurité…
Pour accéder à leur poste, ces travailleuses et travailleurs qui sont autour de cet hémicycle et qui nous font honneur par leur bravoure n'ont pas subi de discrimination, monsieur le rapporteur. Personnellement, je n'ai pas non plus eu besoin d'une telle proposition de loi entre 2008 et 2013, lorsque je cherchais un emploi d'ouvrier après mon brevet d'études professionnelles (BEP) en mécanique et mon bac professionnel de technicien d'usinage. Je n'ai eu aucun problème pour trouver un poste.
Dès lors que j'ai postulé pour trouver un emploi en entreprise dans le cadre d'un brevet de technicien supérieur (BTS) en alternance, les premiers couacs sont arrivés. Laissez-moi tout vous raconter. J'ai alors 18 ans, et c'est une violence inouïe que de subir la discrimination à l'embauche. Nous sommes cinq en salle d'attente pour un entretien d'embauche et nous sommes appelés un par un. J'attends mon tour avec impatience. Voilà ! « Carlos Martens Bilongo, c'est à vous. » Je me lève, mais le recruteur ne pose pas le regard sur moi. Coïncidence ? Je ne sais pas. La première phrase de l'entretien est : « Je ne vous voyais pas comme ça, monsieur Bilongo. »
M. Sébastien Delogu sourit.
Coïncidence, l'entretien se solde par un échec. Coïncidence, le même scénario se répète à cinq reprises, lors de cinq entretiens différents.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Aurélien Taché applaudit également.
Peut-être que c'est une coïncidence, peut-être que je suis mauvais ; en tout cas, me voilà élu à l'Assemblée nationale.
Alors, très vite, j'ai commencé à mettre ma photo sur mon CV. Comme ça, au moins il n'y a pas de secret.
Je n'ai même pas évoqué la discrimination en fonction de l'adresse, de l'âge ou encore de la validité. En effet, même si vous vous appelez Juliette Dupont, vous serez discriminée si vous habitez Villiers-le-Bel, Garges-lès-Gonesse ou Sarcelles. Alors, si vous avez pour prénom Myriam, pour nom Makunza et que vous habitez Stains, c'est un beau triptyque !
M. Sébastien Delogu sourit.
Certes, monsieur le rapporteur, je reconnais que chaque avancée vers la fin de la discrimination mérite d'être distinguée. Toutefois, je crains que ce texte ne mesure pas l'ampleur du défi auquel nous sommes confrontés. D'ailleurs, les bancs de l'hémicycle sont vides, car nous, les parlementaires, ne mesurons pas tout ce qu'il nous reste à faire !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
En 2023, il n'est pas normal de devoir encore parler de la discrimination à l'embauche, dont M. le rapporteur a rappelé qu'elle est nuisible même du point de vue économique ! Toutefois, je le crains, cette réforme est trop timide, floue et manque d'ambition.
En effet, les discriminations ne s'additionnent plus, mais se multiplient. En vingt ans, nous avons assisté à un dédoublement des discriminations perçues à l'embauche en fonction de l'origine, de la race ou de l'ethnie. Qu'importe les études qu'on a menées et les nombreuses compétences qu'on a énumérées sur son CV : en France, s'appeler Karim, c'est voir diminuer de 32 % ses chances d'être contacté pour un entretien d'embauche. Porter le nom de Mounia, c'est devoir envoyer vingt-quatre CV pour être rappelée, quand Marie-France en envoie cinq.
Certes, le testing et l'élargissement des moyens de preuve constituent des outils de lutte contre les discriminations, mais je crains qu'ils ne soient insuffisants. Je regrette l'absence d'effet dissuasif et le manque de clarté du texte. Qu'en est-il de la victime de discrimination et de ses projets de vie, monsieur le rapporteur ? Obtiendra-t-elle un poste à la hauteur de ses diplômes, ou un logement ? Je ne le pense pas.
Vous proposez la création d'un service mis sous tutelle du Premier ministre, sans mesurer les risques de conflit d'intérêts qui en découlent. Comment garantir la bonne foi d'un tel organisme, alors qu'il existe un lien hiérarchique entre le Premier ministre et son administration ? Lorsque l'administration fait elle-même l'objet d'une enquête, comment s'assurer qu'il n'y aura pas de fuite ni d'arbitrage ? Un tel service s'apparente à une IGPN bis .
En attendant que la discrimination soit avérée, puis sanctionnée, le train sera passé pour la victime de discrimination. Pourtant, c'est le sujet qui nous occupe aujourd'hui. Par ce texte, vous créerez un outil de mesure qui ne saurait, à lui seul, devenir une politique publique, alors même qu'une telle politique est nécessaire.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Aurélien Taché applaudit également.
Nous sommes le 6 décembre, jour de la Saint-Nicolas, fête importante pour les Alsaciens comme moi. J'en profite pour commencer mon propos en qualifiant cette proposition de loi de Schnopsidee, comme on dit en Alsace, c'est-à-dire d'idée saugrenue. Je ne dis pas qu'elle est mauvaise, ni que le problème que le texte vise à résoudre n'est pas réel, bien au contraire, mais que les mesures qu'il contient me semblent inopérantes et d'une complexité sans nom.
Il s'agit d'envoyer des milliers de faux CV aux entreprises pour statuer sur l'existence de discriminations systémiques à l'embauche. Voilà l'action de l'État, que financerait l'argent du contribuable. Cette idée est particulièrement complexe à plusieurs égards, à commencer par la définition des discriminations. En effet, le droit français reconnaît pour l'instant vingt-quatre discriminations différentes. Dois-je rappeler le débat que nous avons tenu au sujet de la glottophobie, lors de la précédente législature, à l'occasion de l'examen de la proposition de loi visant à promouvoir la France des accents, grand moment de la vie parlementaire ?
Cette liste de discriminations, comme tout dans le débat public, ne cessera de se spécialiser et de se détailler. Combien de types de discrimination devrons-nous rechercher dans quelques années chez les entreprises ? L'augmentation de leur nombre ne masquera-t-elle pas le problème de fond que posent certaines de ces discriminations ?
Deuxième problème, nous risquons de renverser la situation en appliquant aux entreprises une présomption de culpabilité quasi systématique. Il s'agit, là encore, d'une action antiéconomique, visant à considérer tout le monde comme coupable avant même d'avoir démontré l'existence d'un problème.
Enfin, les visées contentieuses permises par le texte me semblent complexes. D'ailleurs, même la Défenseure des droits, Claire Hédon, dans son avis 23-06 du 13 novembre 2023, s'oppose à la réalisation de tests individuels à visée contentieuse.
Au-delà de la complexité de ce système, il convient également de s'intéresser, monsieur le rapporteur, aux conséquences problématiques qu'aura sur les entreprises sa mise en pratique. En effet, le risque lié à la judiciarisation du processus d'embauche conduira nécessairement les entreprises à réagir. On peut espérer naïvement que cela se traduira par l'abolition de toute discrimination, mais il est plus probable que les entreprises chercheront avant tout à se protéger juridiquement. Pour ce faire, elles externaliseront les fonctions de recrutement, ce qui ne posera aucun problème à certaines entreprises, mais sera difficile pour les plus petites. Qu'en sera-t-il des prestataires qui assureront le recrutement ?
Faut-il, par ailleurs, s'interroger sur les risques de conflit d'intérêts déjà soulignés à l'occasion de l'examen du texte pour le plein emploi ? M. Ferracci, initialement désigné comme rapporteur de ce texte portant réforme de Pôle emploi, avait alors dû se retirer pour cause de conflit d'intérêts, compte tenu des marchés publics liant l'entreprise dont il est actionnaire à l'opérateur de l'État.
Je tiens enfin à dénoncer sans ambiguïté la logique du name and shame, qui tend à se substituer à la justice et à transformer les administrations en juge, au mépris du principe de séparation des pouvoirs, pourtant consubstantiel à notre démocratie et à notre république. Nous détournant du droit continental, nous migrerions ainsi progressivement vers une société où chacun, même les administrations, peut accuser dans l'espace public, en l'absence de toute décision de justice. La République, ce n'est pas cela ; elle ne doit pas humilier, mais identifier, juger et punir, en permettant au justiciable de se réparer sans avoir subi d'humiliation, fût-il une entreprise ou une autre personne morale.
Pour ces raisons, le groupe Les Républicains s'opposera à l'adoption du texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Malgré un arsenal législatif et réglementaire solide, les discriminations persistent, et les victimes renoncent trop souvent à engager une procédure judiciaire car il est difficile de prouver qu'elles subissent des discriminations. Dès lors, il faut trouver des outils pour accompagner le droit existant, mieux lutter contre les discriminations et dissuader leurs auteurs : un service placé sous le contrôle de la Première ministre est donc le bienvenu et, au nom du groupe Démocrate, j'en salue la création.
Les tests de discriminations, utilisés depuis longtemps dans d'autres pays, ont déjà largement prouvé leur efficacité. Un nouveau service composé de personnalités qualifiées, de représentants des entreprises et des administrations susceptibles d'être testées, de parlementaires, mais également de représentants syndicaux – un ajout adopté en commission à notre initiative – est donc un outil intéressant qui permettra non seulement de réprimer les discriminations, mais aussi d'accompagner les victimes dans la défense de leurs droits, et les entreprises et administrations dans la négociation et la correction de ces discriminations – en particulier, la possibilité de publier les résultats des tests, et donc de révéler au public la pratique de discriminations par une personne morale ou privée, doit permettre de prévenir ces situations et d'encourager à les corriger.
Désireux d'adapter le texte au développement de l'intelligence artificielle, le groupe Démocrate avait déposé, en commission, plusieurs amendements malheureusement déclarés irrecevables au titre de l'article 40 – dont acte, nous ne les avons pas déposés à nouveau en vue de l'examen en séance. J'insiste néanmoins sur le fait que nous ne pourrons pas nous priver des capacités de l'intelligence artificielle (IA), qui permettra d'accélérer drastiquement la réalisation des tests et les délais de traitement – même si nous devrons également être très vigilants face aux biais des algorithmes de l'IA, que ce soit lors de l'apprentissage initial – modèle dit de fondation –, en spécialisation – modèle dit de fine tuning –, ou, demain, en autoapprentissage. Ces amendements visaient à ouvrir le débat, et j'espère, monsieur le rapporteur, madame la ministre déléguée, que nous pourrons faire évoluer le texte dans un second temps.
Quoi qu'il en soit, le groupe Démocrate votera évidemment en faveur de ce texte.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Comme les précédents orateurs l'ont déjà largement rappelé, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui, qui vise à créer un service d'État doté de moyens spécifiques pour dépister – si vous me permettez d'utiliser ce terme – et objectiver l'existence de discriminations, et y mettre fin autant que possible, est intéressante à double titre – par son objet et par son objectif. Dans le domaine de l'emploi et de l'accès au travail, tous nos concitoyens sont susceptibles d'être victimes d'une discrimination pour des motifs variés, souvent fondés sur des préjugés. Il est donc important de pouvoir identifier les situations de discrimination et de les signaler, notamment grâce à la pratique de tests individuels de discrimination sur un critère spécifique – une méthode reconnue aussi appelée testing – et des statistiques. Le nouveau dispositif de lutte contre les inégalités dans l'accès au travail que le texte vise à créer mérite donc a priori l'intérêt et le soutien d'une large majorité de députés.
Là comme ailleurs, le trouble vient en réalité non de la finalité poursuivie, mais des moyens et modalités choisis.
Tout d'abord, le champ d'application retenu est étroit, et on ne peut que regretter que les discriminations dans les domaines du logement ou de la santé ne figurent pas dans l'escarcelle du futur service de l'État. Ensuite, si les tests sont un des outils permettant de mettre en évidence la pratique de discriminations, d'autres auraient été intéressants, comme les audits. Enfin, certaines propositions souffrent encore d'imprécision : par exemple, la composition et les objectifs du comité des parties prenantes, chargé d'élaborer la méthodologie des tests et d'émettre les avis, restent flous, notamment en termes d'équilibre entre les participants. Vous avez abordé ce point dans votre déclaration liminaire, madame la ministre déléguée, mais nous attendons des précisions.
En outre, si la procédure après la notification de l'avis a été précisée en commission, le statut de l'avis rendu sur la base des tests n'a pas été clairement établi : s'agira-t-il d'un constat, ou une simple recommandation pouvant être contestée ?
J'en viens à ce qui pose un problème de fond, et sur lequel nous espérons que les débats nous permettront d'évoluer.
Dans son avis sur cette proposition de loi, la Défenseure des droits, qui se félicite du sens du texte, se dit néanmoins clairement défavorable à l'idée de confier de telles compétences à un service de l'État qui ne présente aucune garantie d'indépendance. La création d'autorités administratives indépendantes (AAI) dans divers domaines depuis cinquante ans répond à une double préoccupation : d'une part, assurer la protection des libertés des citoyens en la soustrayant le plus possible au contrôle ministériel ; d'autre part, développer la réglementation et la surveillance des activités dans des secteurs nouveaux ou sensibles, en les confiant à des autorités techniques, facilement identifiables et éloignées du pouvoir de l'État, jugé interventionniste. Le statut même de ces AAI garantit leur indépendance – un critère important et une question centrale s'agissant de votre proposition : pourquoi vouloir créer une nouvelle instance dont les compétences pourraient tout à fait être exercées par une AAI existante, pour peu qu'on lui accorde les ressources nécessaires ? Créer une nouvelle instance ne simplifiera pas forcément la vie des citoyens, qui auront certes le choix entre deux structures, mais avec des résultats différents.
Là réside le mystère de cette proposition de loi, certes intéressante, mais qui n'apporte aucune garantie face à toutes les préoccupations qui se sont déjà fait jour.
Le groupe Socialistes et apparentés a déposé plusieurs amendements visant à confier la nouvelle compétence à la Défenseure des droits – ou, à tout le moins, à imposer sa consultation sur les programmes de tests statistiques d'évaluation des discriminations –, à prévoir que les infractions avérées seront transmises à la justice et à instituer une peine plancher dans les amendes administratives, en lieu et place d'un plafond. Toutes nos propositions ont été refusées en commission des lois.
En vue de l'examen en séance, nous avons à nouveau déposé plusieurs amendements. Nous serons constructifs et exigeants dans le débat, et réservons notre vote sur ce texte en fonction des améliorations qui pourraient être apportées dans le cadre de la discussion, car en l'état, nous ne pouvons le soutenir.
Le sujet qui nous réunit aujourd'hui est éminemment important, car il touche à la cohésion nationale et à notre pacte républicain. Faire nation, c'est prôner résolument l'humanisme et l'universalisme – non pas un universalisme dévoyé qui chercherait à masquer les singularités de chacun dans une forme de repli communautaire, mais l'universalisme au cœur de notre pacte républicain, et qui tend à respecter chacun dans sa différence.
Cet universalisme repose sur un État de droit. Or les discriminations de toute nature, qui sont autant de manquements à l'égalité, sont source de ressentiment chez les personnes qui en sont victimes et favorisent les tensions sociales, entamant chaque jour un peu plus la confiance dans le pacte républicain. Surtout, quel qu'en soit le motif, discriminer revient à se priver de la diversité qui fait la richesse d'un collectif. Depuis 2017, le Gouvernement s'est donc mobilisé sur ce sujet : du plan national de lutte contre le racisme et l'antisémitisme annoncé en 2018 par Édouard Philippe à la création, en 2021, à la demande du Président de la République, de la plateforme antidiscriminations.fr, rattachée à la Défenseure des droits, la majorité n'est pas restée inactive. Alors que plus de 7 000 saisines sont enregistrées chaque année – un chiffre en constante hausse –, pouvoir identifier les discriminations est bienvenu. À ce titre, nous tenons à remercier le rapporteur – cher Marc – de concrétiser la promesse faite par le Président de la République dès sa candidature à la présidence, en 2016.
Objectiver l'existence des discriminations permet de mieux les combattre : le groupe Horizons et apparentés ne peut donc que soutenir les initiatives permettant d'accroître la connaissance scientifique en la matière. Encore trop méconnu ou mal utilisé, le testing est un outil puissant en la matière, qui garantit la collecte de résultats fiables – prérequis essentiel pour déployer une politique lucide d'accompagnement des victimes de discrimination comme des entreprises – et permet d'identifier certains préjugés qui pèsent lourd dans les décisions de recrutement et d'avancement de carrière de certaines minorités. Entre autocensure et stéréotypes, il est de notre devoir de rendre plus atteignable l'égalité des chances que nous appelons de nos vœux.
Le groupe Horizons et apparentés se félicite de l'adoption de ce texte en commission : les actions qui incomberaient aux entreprises testées positives ont été précisées, donnant ainsi une base législative claire au principe dit de name and shame. Mais rendre crédibles les menaces pesant sur les entreprises aux pratiques jugées discriminatoires ne saurait suffire à endiguer le phénomène : lutter contre ces pratiques aux conséquences désastreuses nécessite une véritable culture de prévention et de sensibilisation, tant dans les entreprises qu'au sein des administrations. Pour agir avec lucidité, la réalisation de tests statistiques est donc un prérequis.
Par ailleurs, nous devons veiller à assurer la lisibilité des mesures que nous adoptons : attentifs à l'efficacité des politiques publiques – en particulier sur un tel sujet –, nous saluons les amendements visant à rendre expérimentale la réalisation de tests individuels, ce qui permettra d'éliminer le risque de concurrence entre acteurs qui se faisait jour.
Si elle n'a pas la prétention de régler le problème en s'attaquant à ses causes profondes, cette proposition de loi reste une contribution nécessaire à la résorption du phénomène discriminatoire. Parce qu'on ne construit pas une société sûre, pacifique, solidaire sur la haine de l'autre, le groupe Horizons et apparentés votera, vous l'aurez compris, en faveur de cette proposition de loi.
Les discriminations sont un sujet important, trop peu discuté et, quand c'est le cas, rarement dans le but de proposer des solutions concrètes et ambitieuses. En France, les politiques publiques de lutte contre les discriminations accusent un retard considérable. Notre pays fait pourtant face à une réalité alarmante, notamment en matière d'accès au logement : d'après un testing réalisé par SOS Racisme, non seulement près de la moitié des 136 agences immobilières testées acceptaient ou choisissaient délibérément de discriminer les candidats au profil dit arabe ou noir, mais près d'un quart des agences s'étaient rendues complices de discrimination en laissant au propriétaire la possibilité de procéder eux-mêmes à ce tri. Dans un pays où se loger est déjà devenu si difficile, cette réalité est un coup de canif totalement inacceptable dans notre contrat social.
Autre exemple : la discrimination à l'embauche. Toujours d'après un testing réalisé par SOS Racisme, 45 % des agences d'intérim accepteraient, à la demande de leurs clients du secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP), de discriminer des profils en fonction de l'origine perçue des candidats.
Il en va encore ainsi des contrôles d'identité effectués par la police : selon la Défenseure des Droits, les jeunes hommes perçus comme noirs ou arabes font l'objet de quinze à vingt fois plus de contrôles que les autres.
Ces exemples, triste illustration de la réalité vécue par des millions de nos concitoyens – parfois même par nos collègues, comme l'illustre le témoignage de Carlos Martens Bilongo, que je salue –, ne peuvent plus nous laisser indifférents. Mais devant le niveau d'aveuglement de nos institutions face à l'existence et l'ampleur du problème, comment avoir une réponse à la hauteur des enjeux ?
À mes collègues qui réfutent les méthodes de testing, qui contestent l'objectivité de l'association citée ou qui choisissent simplement de mettre des œillères, je donne cet autre chiffre, qui émane du ministère de l'intérieur : en 2021, les services de police et de gendarmerie ont enregistré 12 500 infractions à caractère raciste, xénophobe ou antireligieux, un chiffre en hausse de 13 %.
Comme l'illustre la terrible actualité de ces dernières semaines, nous assistons à une dramatique accélération de ces agissements. Tags de croix gammées à Paris, menaces envoyées à une mosquée de Valence : partout, les actions racistes se multiplient. Les murs d'une mosquée de la Manche ont même été tagués des mots « Un bon musulman est un musulman mort » – un avis que partageait sûrement l'agresseur de Mourad, ce jeune jardinier attaqué au cutter à Villecresnes. De véritables milices sortent désormais en toute impunité dans les rues de Lyon, Bordeaux ou Paris, aux cris de « Islam, hors d'Europe ! » ou « Français, réveille-toi, tu es ici chez toi ! ». Comme nous l'avons vu la semaine dernière à Romans-sur-Isère, les loups défilent à nouveau dans nos villes, parfois armés, avec la volonté de ratonner – sans qu'Éric Ciotti, interrogé sur le sujet par un journaliste, n'y trouve rien à redire. Chers collègues, c'est à se demander si la droite est encore réellement républicaine.
Mme Michèle Peyron s'exclame.
De fait, comme celui de Lola avant lui, le terrible meurtre du jeune Thomas a immédiatement été récupéré par l'ensemble de la droite et de l'extrême droite, afin de stigmatiser l'ensemble des jeunes dont les familles sont issues de l'immigration – l'enquête dément pourtant désormais la fable raciste de l'expédition punitive !
Le conflit israélo-palestinien exacerbe les tensions : alors que le gouvernement israélien d'extrême droite bombarde sans relâche la bande de Gaza, tuant civils et enfants par milliers, tous ceux qui dénoncent ces crimes – en particulier nos concitoyens musulmans – sont soupçonnés de complaisance avec le Hamas.
M. Sébastien Delogu applaudit.
Cette semaine encore, Jean-Luc Mélenchon a fait l'objet d'une cabale médiatique pour avoir énoncé cette simple réalité et je tiens à dire à cette tribune que je lui apporte tout mon soutien.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Comme vous le voyez, dans ce contexte, les solutions face au racisme ne peuvent se limiter à des approches timides. Il est impératif d'adopter des mesures ambitieuses et complètes pour remédier aux causes profondes de la discrimination ,
Mme Anne Le Hénanff s'exclame
car ne nous leurrons pas : des lois qui ne sont pas appliquées et des services sans moyens ne nous permettront pas d'avancer. Pour éradiquer ce fléau, ce n'est pas d'un simple service, mais bien d'un ministère tout entier, au budget et aux moyens importants, que nous aurions besoin – vous en avez certes la compétence, madame la ministre déléguée, mais vos moyens restent par trop insuffisants.
Pour éliminer les structures discriminatoires, des réformes institutionnelles ambitieuses s'imposent ; pour un changement durable, des politiques publiques équitables, guidées par des principes antiracistes, sont nécessaires. Aussi, j'en conviens, monsieur le rapporteur, ce texte pourrait constituer un point de départ. En créant au sein de la Dilcrah une équipe chargée de réaliser des tests collectifs pouvant donner lieu à des poursuites pénales, nous ferions un pas dans la bonne direction ; il est en revanche impératif que les tests individuels restent à la main d'une autorité administrative indépendante, le Défenseur des droits, et que les sanctions sur lesquelles pourraient déboucher ces tests collectifs soient plus lourdes que ne le prévoit le texte. En commission, vous avez accepté de les doubler, avançant, là encore, d'un pas ; mais en cas de récidive, par exemple, que prévoyez-vous ? Accepterez-vous les amendements déposés par les Écologistes, qui souhaitent une amende allant jusqu'à 5 % de la masse salariale ? Outre cette mesure indispensable, je proposerai la création d'un nouveau délit pénal, afin qu'en cas de discriminations avérées au sein d'une entreprise le dirigeant de celle-ci puisse faire l'objet de poursuites à titre individuel, et nous écouterons vos réponses avant de nous prononcer au sujet de la proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES et sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Le texte dont nous discutons vise à lutter contre les discriminations dans le monde du travail. Cette réalité, je l'ai dénoncée hier, je la dénoncerai demain : à La Réunion, elle fait malheureusement partie de notre vie – à nous, descendants d'hommes et de femmes réduits en esclavage, ou originaires du Maghreb ou d'autres anciennes colonies. Saviez-vous qu'il existe des pages Facebook où certains, parce qu'ils habitent cette île, se font appeler expatriés ? En 2023, des Français considèrent qu'ils s'expatrient en France !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES, ainsi que sur les bancs du groupe Écolo – NUPES. – Mme Marietta Karamanli applaudit également.
Ces pages constituent le terreau local de l'entre-soi et de la discrimination à l'embauche. J'ai porté plainte : c'est vous dire si je livre bataille aux discriminations, si je continuerai de le faire, car encore une fois, à La Réunion, la lutte est quotidienne.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES et Écolo – NUPES, ainsi que sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Comme l'a rappelé le récent rapport de l'Observatoire des inégalités, ces discriminations s'exercent de manière exponentielle, toujours plus violentes, brutales – et vicieuses, s'agissant de l'embauche. Ce rapport fait état d'un constat sidérant : les chances d'un candidat d'être rappelé par un employeur varient de moitié selon que son nom est français ou maghrébin. Or notre brassage ethnique, notre batarsité, font que certains Réunionnais portent fièrement un nom arabe, indien, chinois ; ces pratiques nous affectent donc particulièrement. Il en va de même pour les personnes en situation de handicap. Quand la promesse d'égalité, de fraternité, sera-t-elle tenue et la discrimination abattue ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Outre le monde du travail, elle concerne l'accès aux soins et au logement, d'où la pertinence du recours au testing.
La proposition de loi vise à généraliser ces tests de situation individuelle et statistique : en vue de lutter contre ces injustices, nous ne pouvons qu'y souscrire. Il est judicieux d'attribuer à la Dilcrah la mission d'organiser et d'accompagner la mise en œuvre de tests de masse à visée statistique. Nous adhérons également au fait que ces tests puissent entraîner des actions correctrices au sein des organisations : il s'agit là d'une recommandation ancienne de la Défenseure des droits, visant à passer des recours individuels à une approche structurelle de la lutte contre les discriminations. Toutefois, nous demeurons opposés à ce que cette nouvelle entité réalise des tests individuels à visée contentieuse. Cette mission, assurée par la Défenseure des droits, doit rester son apanage : pour les victimes de discrimination qui cherchent à être reconnues et rétablies dans leurs droits, un dédoublement rendrait illisible la démarche à entreprendre – à moins qu'il ne s'agisse, à terme, de remettre en cause la mission de la Défenseure des droits, ce à quoi s'opposerait notre groupe.
En matière de tests individuels à visée contentieuse, seul le Défenseur des droits se trouve en mesure de garantir l'indépendance et l'impartialité requises :
Mme Marietta Karamanli et M. Stéphane Peu applaudissent
les services de l'État ne sauraient le faire, dès lors qu'eux-mêmes pourraient faire l'objet d'une réclamation pour discrimination. S'agissant de condamner les discriminations, l'impartialité du jugement, l'indépendance de l'exercice constituent des prérequis non négociables, d'où notre souhait d'un comité des parties prenantes, qui comprendrait des représentants du Défenseur des droits et des organisations syndicales – détenteurs d'une expertise que nul ne peut égaler. L'indépendance, l'équilibre final du comité restent toutefois incertains, puisque c'est un décret qui déterminera sa mission et la présence de représentants d'entreprises susceptibles d'être testées.
En guise de conclusion, je souhaite partager avec vous ces mots essentiels de l'abbé Pierre : « La misère ne se gère pas, elle se combat. » Le groupe GDR votera contre ce texte.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
Pour lutter contre toutes les formes de discrimination, votre proposition de loi vise à généraliser les tests en la matière, associés au name and shame, ou mise au pilori, des entreprises accusées de pratiques discriminatoires. Personnellement, je préfère à la dénonciation le recours à la justice.
Surtout, vous faites l'impasse sur un élément essentiel à cette lutte : les statistiques ethniques, qui font régulièrement débat en France alors qu'elles sont utilisées par vingt-deux États européens, sans compter les pays anglo-saxons comme le Royaume-Uni et les États-Unis. Certes, l'article 6 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés dispose : « Il est interdit de traiter des données à caractère personnel qui révèlent la prétendue origine raciale ou l'origine ethnique, les opinions politiques, les convictions religieuses ou philosophiques ou l'appartenance syndicale d'une personne physique […], des données concernant la santé ou des données concernant la vie sexuelle ou l'orientation sexuelle d'une personne physique. » Néanmoins, les alinéas suivants prévoient des dérogations, par exemple au nom de l'intérêt public ou de la protection des personnes, à cette interdiction de principe.
Lever l'interdiction de collecter des statistiques ethniques permettrait d'objectiver certaines données, de préciser certaines connaissances, et par conséquent de mieux apprécier les politiques publiques. De telles statistiques serviraient notamment les politiques d'intégration et de lutte contre les discriminations. Dans son rapport consacré à l'intégration des étrangers, publié en février 2018, Aurélien Taché déplore cette lacune : « Pendant toute la durée de ma mission, je me suis heurté à la difficulté d'objectiver nombre de constats sur la situation des personnes étrangères en France », écrivait-il, proposant directement que les grands services publics – caisses d'assurance maladie, caisses d'allocations familiales, Pôle emploi, etc. – puissent enrichir leurs données de gestion de celles concernant la nationalité, afin de mesurer l'accès effectif des étrangers à ces dispositifs. Ces statistiques constitueraient également un moyen objectif, scientifique, de déterminer les liens entre, par exemple, immigration et délinquance, non pas pour stigmatiser, mais pour contribuer aux politiques publiques relatives à l'intégration ou à la mixité, tout en établissant officiellement ce qui est officieusement évident depuis quarante ans : le secret de Polichinelle français. Le Danemark illustre d'ailleurs parfaitement ces possibilités.
La proposition de loi que nous examinons tend à lutter davantage encore contre les discriminations, puisque, selon l'exposé des motifs, « plus d'un quart de la population active française considère que les individus sont souvent ou très souvent discriminés au cours de leur vie, quel que soit le critère envisagé » : un objectif louable, naturellement, avec pour leviers, d'une part, un service placé sous la tutelle du Premier ministre et ayant pour mission la lutte contre toutes les formes de discrimination, d'autre part, au sein de ce futur service, un comité des parties prenantes, composé entre autres de parlementaires et de représentants des personnes morales susceptibles d'être testées. Enfin, le texte donnerait une base législative à la diffusion des résultats des tests statistiques, donc à la publication des noms des personnes morales dont le comportement discriminatoire serait établi.
Dès lors, deux visions des statistiques se dessinent : l'une vise à un tableau de la honte répertoriant les mauvais élèves, ceux qui ne respecteraient pas certains critères et quotas, l'autre – que je défends – à s'appuyer sur des données chiffrées afin de tenter de comprendre la société dans laquelle nous vivons et, in fine, de mieux la servir. Convaincue que ces données touchant l'état de la société sont toujours bonnes à connaître, j'ai déposé un amendement afin de lever totalement le tabou des statistiques ethniques, qui, je le répète, constitueraient un véritable atout pour préciser nos connaissances, notamment en matière de discriminations, et concourraient à une meilleure appréciation des politiques publiques actuelles et futures. Dommage qu'une fois encore, il ait été déclaré irrecevable…
Mme Christelle Petex-Levet applaudit.
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.
Encore une lubie inutile qui, sous couvert de lutte contre les discriminations, conduit à faire peser de nouvelles obligations sur les entreprises et les particuliers : voilà à quoi se résume l'initiative de la minorité présidentielle. Par cette proposition de loi, le camp macroniste admet en filigrane les thèses de la gauche indigéniste : les discriminations raciales seraient, en France, omniprésentes et structurelles. Il a pourtant été démontré que l'anonymisation des CV réduisait de moitié les chances qu'ont les personnes issues de l'immigration d'accéder à un entretien d'embauche, car les recruteurs tendent en fait à favoriser leur dossier, en vertu d'une logique de discrimination positive,…
…afin de leur donner leur chance. Or, absurdement, vous continuez de soutenir que les Français seraient racistes par essence, qu'il faudrait pour y remédier un dispositif lourd, coûteux, inefficace. La ministre déléguée chargée de la discrimination positive, Bérangère Couillard, a par exemple annoncé hier que de faux CV seraient envoyés aux entreprises afin de les tester – ou comment faire perdre du temps et de l'argent à tout le monde !
Je conclurai par ce propos du général de Gaulle, rapporté par son fils dans De Gaulle, mon père : « Si une communauté n'est pas acceptée, c'est qu'elle ne donne pas de bons produits, sinon elle est admise sans problème. Si elle se plaint de racisme à son égard, c'est parce qu'elle est porteuse de désordre. »
« Quel scandale ! Honte à vous ! Antirépublicains ! » sur les bancs des groupes LFI – NUPES et SOC.
C'est une honte : encore une fois, le Front national – car il restera le Front national jusqu'au bout – vient de tenir des propos inadmissibles.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE, ainsi que sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, HOR, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Vous n'avez pas d'idées, vous n'avez rien à dire, et nous appeler « produits » est intolérable. Chaque jour, jusqu'en 2027, nous serons là pour vous le rappeler !
Mêmes mouvements. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Quant à l'article 1er , il a trait au cœur du dispositif gouvernemental proposé par Marc Ferracci, consacré à la lutte contre toutes les formes de discrimination – fondée sur l'origine, l'âge, l'adresse, le sexe, par exemple. Qu'elles s'exercent en matière d'emploi ou de logement, ces pratiques sont contraires au principe républicain d'égalité entre tous les citoyens.
Le service qu'il est proposé de créer ou de désigner, placé sous la tutelle de la Première ministre, aurait pour mission principale d'aider nos concitoyens à réaliser, à leur demande, des tests individuels destinés à vérifier s'ils sont victimes de discrimination. Aujourd'hui, en effet, nous avons connaissance de témoignages sans pour autant effectuer des signalements. Le service pourrait réaliser aussi des tests statistiques au sein d'entreprises et d'organismes publics, selon des orientations définies par le Gouvernement après consultation de la Défenseure des droits. J'appelle, de manière transpartisane, les uns et les autres à soutenir cet article, en ajoutant qu'un principe transparaît aussi dans ce texte : celui de la non-discrimination, lié à mon sens au principe constitutionnel de la dignité qui figure à l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, selon lequel tous les citoyens, parce qu'ils sont égaux, sont « admissibles à toutes dignités, places et emplois publics ».
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Je ne sais pas dans quel monde vous vivez, vous les élus du Rassemblement national, mais nous ne devons pas vivre dans le même. Je viens des quartiers nord de Marseille, et si vous voulez constater la discrimination, vous n'avez qu'à y mettre les pieds.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES.
Vos propos sont totalement scandaleux, il est inadmissible de tenir de pareils propos dans l'hémicycle. Si vous avez un problème pour reconnaître le racisme structurel, je vous invite à consulter le document réalisé par le Défenseur des droits en 2018, qui pointe du doigt l'existence de ce racisme.
Mêmes mouvements.
C'est notre devoir, en tant que députés, de nous battre contre tous les types de discrimination, parce que lorsqu'on est noir, arabe, ou de toute origine que vous stigmatisez…
Exclamations sur les bancs des groupes RE, LFI – NUPES, Dem, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Au lieu d'invectiver et de toujours croire que vous avez la bonne parole ,
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES
vous devriez écouter les jeunes des quartiers nord de Marseille qui essaient en vain d'obtenir un BTS ou un bac professionnel en alternance ,
Mêmes mouvements
de décrocher un stage ou un travail et qui ne trouvent rien parce qu'ils sont maghrébins, noirs de peau ou parce qu'ils habitent tel ou tel quartier !
Je voudrais ajouter quelque chose de plus personnel. Quand j'ai travaillé dans l'entreprise Orange, quand un client se présentait pour souscrire à un abonnement téléphonique, un code nous alertait lorsque cette personne habitait un certain quartier, afin de ne pas lui vendre d'abonnement !
Mêmes mouvements.
C'est la même chose pour l'embauche, madame Robert-Dehault, alors réfléchissez un peu, et intéressez-vous aux différences de traitement entre les individus !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Inaki Echaniz et M. Frédéric Maillot applaudissent également.
La parole est à M. Frédéric Cabrolier, pour soutenir l'amendement n° 36 .
Loin de nous l'idée qu'il n'y aurait pas de discriminations, mais il y en a de toutes sortes.
« C'est M. Delogu ! » sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
…on a signifié à un membre de ma famille, qui est Français de souche comme on dit, qui est blanc donc…
Vives exclamations sur les bancs des groupes RE, LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
…qu'il ne pouvait pas travailler dans une société de sécurité parce qu'il était blanc. C'est véridique, parce que la société préférait des personnes de couleur. Les discriminations ont lieu dans tous les sens. Vous racialisez les choses depuis tout à l'heure. La discrimination touche au sexe et à la race, c'est certain,…
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Le Gouvernement va donc se lancer dans des testings à grande échelle. Il s'agit d'un vieux serpent de mer de l'antiracisme, qui avait présidé à la création des CV anonymes, lesquels n'ont pas fonctionné et ont été abandonnés. Nous pensons que le dispositif proposé va créer de nouvelles contraintes administratives pour les entreprises. Celles qui ont les moyens vont externaliser leur recrutement alors que les petites entreprises ne pourront pas le faire.
Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES
M. Jocelyn Dessigny applaudit.
Je ne suis pas très étonné, évidemment, de votre volonté, au Rassemblement national, de supprimer cet article et le dispositif prévu par cette proposition de loi. Votre carburant politique, de longue date, n'est pas de faire des propositions concrètes pour améliorer la vie des Français, mais de prospérer sur les fractures qui traversent la société française. Parmi ces fractures, il y a les discriminations, contre lesquelles veut lutter cette proposition de loi. Vous faites donc preuve d'une certaine cohérence en voulant supprimer cet article.
Ce que je trouve un peu moins cohérent, en revanche, c'est ce que vous dites à propos des entreprises. Si vous aviez assisté aux auditions préparatoires à cette proposition de loi, vous auriez entendu les représentants des entreprises nous dire qu'ils se satisfaisaient d'avoir un cadre adéquat pour évaluer les discriminations, pratiquer les testings et accompagner les entreprises. C'est un élément qu'il faut avoir en tête.
Cette proposition de loi ne s'appuie pas seulement sur la sanction. Elle porte aussi une logique d'accompagnement. La plupart des discriminations que pratiquent les entreprises ne sont pas conscientes, c'est pourquoi celles-ci apprécient d'être accompagnées dans l'identification des sources de discriminations inhérentes à leur processus de recrutement.
Lorsque vous évoquez l'externalisation du recrutement, vous auriez, là encore, gagné à assister aux auditions préparatoires. Sachez que des entreprises externalisent déjà leur processus de recrutement, qu'elles peuvent pratiquer des testings à l'égard des prestataires qui font des recrutements pour elles, et que des clauses existent parfois dans les contrats qui lient entreprises et prestataires, afin d'éviter les discriminations. Si les prestataires externes sont testés, on atteint donc l'objectif que l'on recherche. Ne caricaturez donc pas, comme vous l'avez fait dans vos propos, les positions des entreprises. Beaucoup de contrevérités ont été dites. Avis défavorable.
Je tiens à dire aux députés du Rassemblement national que je suis totalement affligé par les propos qu'ils ont tenus depuis le début de la discussion.
Vous vous focalisez sur les discriminations liées à l'origine ou à la couleur de peau.
M. Cabrolier désigne la gauche de l'hémicycle.
Vous ne vous intéressez qu'à celles-ci,…
…écartant totalement les discriminations liées à l'âge, au sexe, au handicap…
…ou à l'orientation sexuelle, évoquées d'ailleurs lors de la discussion générale. Je vous rappelle que vingt-cinq critères de discrimination sont reconnus par la loi. Je ne comprends donc pas votre obstination à ne parler que d'un seul type de discrimination. Supprimer l'article 1er reviendrait à mettre totalement en cause l'objectif que nous partageons avec monsieur le rapporteur. Avis défavorable.
« La mairie ! » sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Nous avons dit, lors de la discussion générale, que nous luttions contre toutes les discriminations, quelles qu'elles soient.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
Nous reconnaissons une seule communauté, la communauté nationale, alors ne mélangeons pas tout. Que disons-nous à propos de ce texte ? Qu'il tend à créer un nouveau comité Théodule et à faire peser une nouvelle charge sur les entreprises alors qu'il suffirait de répondre aux discriminations par une politique pénale globale, notamment en augmentant les peines, en procédant à des poursuites judiciaires et surtout en envoyant en prison ceux qui s'en rendent coupables, ce que ne fait pas le Gouvernement : 41 % des personnes condamnées à une peine de prison ne passent pas une seule nuit en détention !
Ce comité Théodule rime donc avec « nul ». Ce texte est nul et mal ficelé. Nous voterons évidemment pour la suppression de cet article. Arrêtez, dans ce débat, de considérer le Rassemblement national comme votre paillasson : nous avons l'avantage, par rapport à vous, de défendre clairement les Français en ne reconnaissant, je le répète, qu'une seule communauté, la communauté nationale.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Nous savions que cette proposition de loi de notre collègue Marc Ferracci était nécessaire face aux discriminations trop nombreuses et inacceptables dont les salariés sont victimes en France. Nous découvrons aussi qu'elle est utile car, au vu de cet amendement de suppression et des justifications confuses du Rassemblement national, elle constitue une vaste opération de testing pour ce groupe.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
En quelques instants, monsieur Cabrolier, vous avez parlé de race : cela n'existe pas, la science le dément.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, LFI – NUPES et SOC.
Vous avez parlé des Français de souche : qui sont-ils ? Moi, petit-fils d'immigré, suis-je un Français de souche parce que je suis blanc ? Mes collègues, qui n'ont pas la même couleur de peau mais qui sont nés en France et ont des grands-parents français sont-ils des Français de souche ? Expliquez-nous, révélez-vous ! C'est, pour vous aussi, une opération de testing !
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, LFI – NUPES, Dem, SOC, HOR, Écolo – NUPES, GDR – NUPES et LIOT.
L'amendement n° 36 n'est pas adopté.
Il vise à renforcer le rôle du Défenseur des droits dans le dispositif. Monsieur le rapporteur, aidez-nous à vous aider ! Quand on entend les sorties, en quelques minutes, du Rassemblement national sur les Français de souche, la race, un racisme antiblanc complètement fantasmé… Ce que vous dites, monsieur Cabrolier, est totalement faux ! Personne dans ce pays n'a jamais été discriminé dans son accès à l'emploi, au logement ou à quoi que ce soit parce qu'il était blanc : vous êtes un menteur !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Tout le reste de votre discours démontre le peu d'importance que vous accordez à la promesse républicaine et à la cause de l'antiracisme. Vous nous expliquez que le testing serait un frein à la réindustrialisation en créant trop de contraintes administratives. Votre collègue nous parle de comité Théodule. Or nous parlons de racisme, de personnes qui sont discriminées, qui perdent leur emploi, leur logement. Nous parlons de la promesse républicaine, qui mérite d'être prise un peu plus au sérieux.
Je vous le redis, monsieur le rapporteur : la gauche a envie de soutenir ce texte, mais il faut respecter le rôle du Défenseur des droits. Faisons front ensemble. Quand on entend ce genre d'infamies après seulement un quart d'heure de discussion des articles, nous devons tous faire un pas l'un vers l'autre pour aboutir à un texte ambitieux.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Votre amendement supposerait une proposition de loi organique, dans la mesure où la loi qui définit les missions et les compétences du Défenseur des droits est une loi organique. C'est la première difficulté. Deuxièmement, que ce soit dans le texte initial ou dans le texte issu de la commission des lois, le Défenseur des droits est déjà présent dans ce texte.
Il fait partie du comité des parties prenantes. Nous avons en outre accepté en commission un amendement visant à obliger le Gouvernement à le consulter sur le programme des tests statistiques. J'ai dit alors qu'il s'agissait d'une bonne idée, parce que le Défenseur des droits a toute légitimité pour faire remonter au Gouvernement les tendances en matière de discrimination, afin de l'aider à mieux cibler les tests statistiques. En examinant les amendements suivants, nous aurons un débat sur le rôle du Défenseur des droits, mais je le répète, jamais la proposition de loi n'a eu pour but de contourner cette institution.
La preuve, c'est que la première version du texte était de nature organique et prévoyait de confier au Défenseur des droits les nouvelles missions que nous souhaitons désormais attribuer à la Dilcrah. Si nous n'avons pas finalement pas retenu cette option, c'est parce qu'en dialoguant avec Mme Claire Hédon et ses équipes, il est apparu inenvisageable de mener une politique de lutte contre les discriminations en s'appuyant sur une autorité administrative indépendante. Nous ne pouvons pas, en effet, enjoindre à la Défenseure des droits d'atteindre un objectif de 500 tests par an – comme l'a annoncé la ministre déléguée – ni lui imposer des thématiques telles que le logement – je sais que vous y êtes sensible.
Nous sommes donc parvenus avec elle au constat que la politique de lutte contre les discriminations devait être assumée par le Gouvernement.
Nous débattrons plus tard des tests individuels ; je sais que c'est un point sensible pour plusieurs groupes et j'exposerai tous les arguments qui ont mené à la rédaction actuelle de la proposition de loi.
S'agissant de l'amendement n° 45 , j'émets un avis défavorable.
Je partage l'avis de M. le rapporteur. En effet, la Défenseure des droits peut difficilement être chargée des tests statistiques. À l'issue de nos échanges avec elle, il est apparu qu'il lui était difficile d'envoyer des candidatures fictives pour mettre en évidence les discriminations dans le processus de recrutement des entreprises. Ce n'est pas sa mission, et elle s'est dite favorable à ce que celle-ci soit remplie par la Dilcrah, entre autres.
La discussion pourra avoir lieu, en revanche, sur le testing individuel, lequel peut être pratiqué par la Défenseure des droits, par les associations de lutte contre le racisme et l'antisémitisme et par les avocats pour le compte de leur client.
Je me permets d'intervenir car j'ai entendu plusieurs fois prononcer dans l'hémicycle les mots de « race » et de « racisme ». Je ne sais pas s'il me faut répondre en tant qu'homme politique ou en tant que généticien ; je dirai cependant, en tant que généticien, que la représentation nationale doit comprendre une fois pour toutes que la notion de race n'existe pas dans l'espèce humaine.
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem, RE, LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES. – M. Franck Allisio applaudit également.
Mêmes mouvements. – Plusieurs députés du groupe LFI – NUPES, ainsi que M. Frédéric Maillot, se lèvent et applaudissent.
La couleur de peau qui est la nôtre aujourd'hui est une simple adaptation environnementale à la quantité de rayons ultraviolets que nous étions susceptibles de recevoir : à mesure que les Africains que nous sommes ont migré vers le nord, nous avons perdu notre pigmentation afin de continuer à fabriquer de la vitamine D. Il n'y a pas de races dans l'espèce humaine.
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem, RE, LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES. – M. Franck Allisio applaudit également.
Nous soutenons l'amendement de M. Taché. Toutefois, je souhaite revenir sur la réponse apportée par M. le rapporteur et par Mme la ministre déléguée selon laquelle la Défenseure des droits n'est pas opposée à ce que le testing statistique soit effectué par la Dilcrah. Notre demande ne porte pas sur le testing statistique, mais sur le testing individuel, lequel relève de la compétence de la Défenseure des droits.
Sur cette question, nous vous demandons de faire évoluer votre position et nous avons déposé plusieurs amendements en ce sens. Il nous paraît indispensable de défendre cette compétence de la Défenseure des droits.
L'amendement n° 45 n'est pas adopté.
Il vise à ajouter la promotion du principe de non-discrimination dans les missions du service créé à l'article 1
La promotion de ce principe est d'ailleurs inscrite dans la charte de la diversité de l'association Les entreprises pour la cité, lancée en 2004, qui vise à promouvoir la diversité et l'inclusion au-delà des obligations légales en matière de lutte et de prévention des discriminations. J'ajoute que cette nouvelle disposition pourrait aussi être inscrite à l'alinéa 8 de l'article 1er ; c'est d'ailleurs l'objet de mon amendement n° 71 .
Chers collègues de la gauche de l'hémicycle, je comprends votre position. La première brique posée par cette proposition de loi n'est peut-être pas suffisante. Toutefois, étant donné ce que nous venons d'entendre, je pense qu'elle est nécessaire.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Je souscris au principe de l'amendement, car il est en effet important d'affirmer le principe de non-discrimination, plutôt que de simplement lutter contre les discriminations. Nous aurons l'occasion d'évoquer à l'article 3 le contenu qu'il convient de donner à ce principe, ainsi que les pratiques de recrutement et d'embauche qui permettent de le faire vivre. Cependant, je pense que l'amendement est satisfait par la rédaction actuelle de l'alinéa 1er . Je vous demande donc de le retirer au profit de l'amendement n° 71 , que nous examinerons tout à l'heure.
Même avis.
L'amendement n° 11 est retiré.
Il vise à préciser le champ d'application de la proposition de loi. On comprend bien que le texte concerne les discriminations à l'emploi, le dispositif étant destiné à mieux contrôler les entreprises. Toutefois, il est moins clair sur d'autres sujets, à commencer par la question de l'accès au logement. L'amendement vise donc à s'assurer que ce sujet entrera bien dans le périmètre d'intervention du service créé à l'article 1er .
Comme je l'ai dit dans mon discours introductif, la moitié des agences immobilières testées se sont révélées coupables de discrimination puisque, notamment, elles laissaient les propriétaires trier les candidats en fonction des patronymes – quand ces derniers sont connotés noirs ou arabes, les logements proposés dans les annonces immobilières sont tout à coup loués… Je souhaite donc indiquer dans la proposition de loi qu'une lutte ambitieuse contre la discrimination en matière d'accès au logement sera menée.
J'ajoute, avant que ma collègue socialiste ne défende son amendement, que personne ne refuse que les tests statistiques soient confiés à la Dilcrah. La question porte uniquement sur les tests individuels. Je crois que M. le rapporteur l'a compris ; il est important d'être clair sur ce sujet si nous voulons avancer sur le reste du texte.
Cet amendement est bienvenu. Durant la discussion générale, il a beaucoup été dit que la proposition de loi était exclusivement centrée sur la question de l'accès à l'emploi. Ce n'est pas le cas. J'ajoute, en réponse à Mme Karamanli, que tous les sujets mentionnés à l'article 225-2 du code pénal, dont l'accès à un certain nombre de biens et services, parmi lesquels le logement, sont concernés par le testing. Cela va sans dire, mais cela va peut-être mieux en le disant ! C'est la raison pour laquelle la mention du logement, et plus largement des biens et services, proposée par cet amendement me semble être une bonne idée. Avis favorable.
Avis favorable.
Je suis consterné de la tournure prise par le débat sur la question de la couleur de peau et je remercie notre collègue Berta d'avoir rappelé une évidence scientifique.
Mme Brigitte Klinkert applaudit.
Il s'agit, dans cette histoire, de discrimination, de préjugés, et pas nécessairement, heureusement, de francisation, d'identité nationale, historique, géographique ou que sais-je.
Je peux témoigner, en tant qu'ancien recruteur, que les deux discriminations les plus fréquentes se basent sur l'adresse et sur l'âge.
Pourquoi l'adresse ? Parce que certaines entreprises présument que, si vous habitez dans tel quartier, vous ne savez pas dire bonjour, vous ne vous lèverez pas à l'heure et vous ne saurez pas vous conduire avec les clients.
De même pour l'âge : certaines entreprises considèrent qu'au-delà de 50 ans, vous ne pourrez pas être intégré dans une équipe dont la moyenne d'âge est comprise entre 30 et 40 ans.
Ce sont des problèmes triviaux, terre à terre, à mille lieues des sottises que nous avons entendues. Comme l'a dit M. le rapporteur, il s'agit d'accompagner les entreprises afin de les inciter à ouvrir les oreilles, à prendre davantage de risques et à adopter des politiques de ressources humaines plus rationnelles. Vous le voyez, nous sommes loin des poncifs qui caricaturent le débat public !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
Monsieur Taché, quitte à ouvrir le débat sur les discriminations, ouvrons-le complètement. Certaines discriminations semblent vous arranger : vous parlez de la discrimination dans l'accès au logement, mais vous vous asseyez sur la discrimination bancaire.
Par exemple, celle envers les élus jugés un peu trop à droite, qui se voient refuser l'ouverture d'un compte pour leur campagne électorale
Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Exclamations sur les bancs des groupes RE, LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES
ou dont le compte est fermé. Attaquez-vous à toutes les discriminations. Où est la banque du financement de la vie politique promise par Macron ? Voilà une discrimination !
M. Franck Allisio applaudit.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 143
Nombre de suffrages exprimés 141
Majorité absolue 71
Pour l'adoption 113
Contre 28
L'amendement n° 46 est adopté. – M. Manuel Bompard applaudit.
La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour soutenir l'amendement n° 19 .
Il existe déjà une entité chargée par la loi organique d'effectuer des tests individuels à la demande de citoyens qui pensent avoir été victimes de discrimination : c'est la Défenseure des droits, qui peut également assister les citoyens dans la constitution de leur dossier judiciaire et y verser les éléments fournis par le testing.
J'ai bien noté, monsieur le rapporteur, que vous n'aviez pas la volonté de dessaisir la Défenseure des droits de la réalisation des tests individuels – nous y serions fermement opposés. Toutefois, l'adoption du texte aura pour résultat que deux entités seront dotées de cette même compétence, ce qui nécessitera une coordination complexe et créera un problème de lisibilité pour les requérants victimes de discrimination.
Il semble donc nettement préférable de ne garder qu'une seule entité. Bien sûr, il est possible de renforcer leurs moyens respectifs, mais vous avez dit vous-même que ce n'était pas cette proposition de loi qui allait en décider, même si vous avez signalé qu'un amendement au projet de loi de finances pour 2024 avait été adopté pour allouer 3 millions d'euros au nouveau service.
Le présent amendement propose de supprimer les alinéas de la proposition de loi relatifs aux tests individuels – et uniquement ceux-là –, au profit de la Défenseure des droits.
Le sujet est important et nous en avons beaucoup discuté en commission. Je veux, pour vous répondre, partir d'un constat instructif : il y a eu zéro condamnation pénale en matière de discrimination en 2020 en France – zéro ! –, alors même que l'arsenal juridique pour lutter contre les discriminations est très étoffé.
Cet arsenal juridique comprend notamment les tests individuels, lesquels sont admis comme un élément de preuve depuis maintenant une quinzaine d'années par l'article 225-3-1 du code pénal. Le problème est que l'on fait très peu de tests individuels en France. Vous avez dit, madame Karamanli, qu'ils étaient la prérogative de la Défenseure des droits. C'est faux : les avocats peuvent en faire pour le compte de leurs clients et, comme l'a dit M. Taché, les associations le peuvent aussi pour le compte des personnes discriminées.
Nous discutons avec la Défenseure des droits depuis de longs mois. Lors de son audition, nous lui avons posé une question simple : combien de tests individuels sont-ils réalisés sous son autorité ? Elle n'a pas été en mesure de nous donner cette information, et nous en avons tiré la conclusion que le nombre de tests individuels réalisés était très faible.
Je ne jette évidemment l'opprobre sur personne : la réalisation de tests individuels est compliquée et chronophage, elle exige une expertise et de l'argent. Ce n'est pas moi qui le dis, mais la Défenseure des droits elle-même, qui a publié sur son site internet une fiche destinée à aider les acteurs, associations comme avocats, à réaliser eux-mêmes des tests individuels.
Vous souhaitez donc, madame Karamanli, par votre amendement, empêcher l'instance créée au présent article – qui aurait pourtant les moyens de le faire – d'aider tous ces acteurs à réaliser des tests individuels. Je veux vous dire une chose simple, chère collègue : ma seule préoccupation, dans le cadre de cette proposition de loi, est l'efficacité. Si la Défenseure des droits, dans les prochains mois ou les prochaines années, se saisit pleinement de cette prérogative, je serai le plus heureux des hommes ; mais pour le moment, nous constatons que ce n'est pas le cas. Nous souhaitons donc améliorer l'écosystème pour créer, plutôt que de la concurrence, de la complémentarité.
J'ajoute, pour être très précis, que l'accompagnement juridique des personnes victimes de discrimination n'a pas vocation à être assumé par la Dilcrah. Celle-ci peut en revanche réaliser des tests, au profit de tous, par exemple en créant une candidature fictive – assortie d'un CV similaire à celui d'une candidature réelle – pour l'obtention d'un emploi, d'un logement ou d'un prêt bancaire. Après avoir transmis cette candidature, elle laisserait la personne concernée être accompagnée par qui elle le souhaite – et ce pourrait être, d'ailleurs, la Défenseure des droits.
Ce que nous visons, c'est donc l'efficacité des acteurs et non leur mise en concurrence. Adopter votre amendement, madame la députée, reviendrait à valider une forme de statu quo. Or, comme beaucoup l'ont dit ici même, le statu quo n'est pas acceptable, parce que les discriminations sont trop présentes dans notre pays.
Je propose donc, dans un souci d'ouverture, que vous retiriez votre amendement et que nous lui préférions, une fois que nous les aurons examinés ensemble, d'autres amendements qui ont été déposés par plusieurs groupes politiques, notamment de gauche, et qui visent à limiter dans le temps la prérogative donnée à la Dilcrah. Nous aurons l'occasion, dans un délai de deux à trois ans, de dresser collectivement un bilan au sujet des problèmes que vous évoquez, notamment celui qui a trait à la lisibilité du dispositif. Mais dans la situation actuelle, le risque que vous mentionnez n'est précisément qu'un risque, madame la députée. Pour ma part, j'ai une certitude : le statu quo est inacceptable. Avis défavorable.
MM. Philippe Berta et Bruno Studer applaudissent.
Je tiens d'abord à rappeler aux députés du Rassemblement national – dont certains, me semble-t-il, n'ont pas lu la proposition de loi – qu'il s'agit bien, avec ce texte, d'ouvrir plus largement l'accès au logement, mais aussi à l'emploi et au prêt bancaire.
Je partage la position de M. le rapporteur. Madame Karamanli, nous rencontrons des difficultés dans la réalisation des tests individuels. La Défenseure des droits, que j'ai rencontrée, m'a confirmé qu'elle n'était pas en mesure de me dire combien de tests individuels avaient été effectués l'année dernière ou même ces trois dernières années. Comme l'a souligné M. le rapporteur, aucune condamnation n'a été prononcée en 2020 et nous constatons chaque année que les résultats en la matière ne sont pas bons.
Sachant qu'une personne sur cinq, en France, déclare avoir été victime de discrimination, nous devons nous donner les moyens d'agir. La Défenseure des droits est incontournable sur ce sujet, bien sûr, mais elle n'est pas la seule à réaliser ces tests individuels : les associations qui accompagnent les victimes le font, ainsi que des avocats, pour le compte de leurs clients, mais aussi bien d'autres acteurs. C'est pourquoi nous souhaitons que la Dilcrah puisse également réaliser des tests individuels. Toutefois, l'adoption des amendements identiques n° 34 , 35 et 51 nous permettrait de limiter dans le temps cette possibilité ; nous pourrons ainsi faire le point d'ici deux à trois ans.
Mon avis est défavorable sur votre amendement, madame la députée, en attendant d'examiner ces trois amendements.
Le groupe La France insoumise soutient l'amendement du groupe Socialistes. Vous dites rechercher l'efficacité, monsieur le rapporteur, et nous pensons que votre proposition de loi va dans le bon sens, même si elle ne va pas assez loin, mais en l'espèce, en permettant à la Dilcrah de réaliser des tests individuels, vous complexifiez le dispositif, comme l'a dit notre collègue. En effet, vous le savez et tout le monde le reconnaît, la Défenseure des droits est de plus en plus reconnue par les citoyens et les citoyennes, au niveau national, comme l'institution à laquelle il faut s'adresser dans ces situations. Donner la même prérogative à la Dilcrah, au lieu de créer de la complémentarité, ferait donc doublon : cela ne contribuerait ni à l'efficacité ni à la lisibilité du dispositif.
Quant à la problématique des moyens, la Défenseure des droits le dit dans ses rapports d'activité ou quand elle est auditionnée par la commission des lois : elle manque de moyens parce que ses besoins vont croissant, et cela est dû au fait que les citoyens et les citoyennes l'ont identifiée comme l'instance de référence. Elle manque de délégués sur le terrain, mais aussi de moyens pour mener des recherches, par exemple pour exécuter la recommandation formulée par l'Observatoire des discriminations, qui attend toujours sa traduction concrète. Il faut donc plus de moyens pour la Défenseure des droits, pour qu'elle soit capable de réaliser des tests individuels.
Enfin, il est vrai que les condamnations sont très peu nombreuses. Comment faire en sorte que la justice accompagne les personnes victimes de discrimination ? Il faut que les magistrats soient mieux formés sur cette problématique. Nous sommes par exemple favorables à l'instauration d'un code de la non-discrimination ,
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Aurélien Taché applaudit également
afin de rendre plus lisible le droit existant, car il est en l'état beaucoup trop éclaté – et donc peu lisible – par les justiciables.
Il y a donc beaucoup à faire. Votre proposition de loi va dans le bon sens, mais vous risquez de complexifier les choses en retirant à la Défenseure des droits une partie de ses prérogatives.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Ce sujet nous occupe depuis les débats en commission, que j'ai évidemment suivis de près, et nous savions qu'il allait nourrir nos discussions cet après-midi. Nous avons longuement discuté avec la Défenseure des droits et, je le rappelle, nous ne disposons pas de résultats précis quant au nombre de tests individuels réalisés sous son autorité. Comme le soulignait très justement le rapporteur, le système ne fonctionne pas aujourd'hui : les sanctions sont inexistantes…
…et ce n'est pas qu'une question de moyens.
Plusieurs dizaines d'agents travaillent pour la Défenseure des droits et nous avons choisi de renforcer cet effectif en lui accordant 10 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires à partir de l'année prochaine. En donnant à la Dilcrah la possibilité de procéder à des tests individuels – en plus de tests statistiques –, nous faisons un geste supplémentaire pour augmenter leur nombre. Je le disais tout à l'heure : la Défenseure des droits n'est pas la seule à en effectuer, puisque des associations et des avocats, pour le compte de leurs clients, le font également. D'ailleurs, elle donne elle-même des conseils aux uns et aux autres sur la réalisation de ces tests.
L'éventail des acteurs concernés doit être élargi afin d'augmenter massivement le nombre de tests individuels réalisés. Nous aurions du mal à le faire si nous choisissions le statu quo. C'est pour cette raison que nous donnons aussi des moyens supplémentaires à la Défenseure des droits, mais ne retirez pas à la Dilcrah cette possibilité ! Encore une fois, les amendements n° 34 , 35 et 51 , que nous examinerons ensuite, permettront de limiter la prérogative accordée à la Dilcrah à une durée de trois ans. Nous verrons, au bout de ces trois années, quels auront été les résultats de l'expérimentation, et nous serons en mesure de déterminer si nous devons ou non la poursuivre.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 161
Nombre de suffrages exprimés 160
Majorité absolue 81
Pour l'adoption 74
Contre 86
L'amendement n° 19 n'est pas adopté.
L'amendement n° 13 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Il nous a été suggéré par la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), qui s'inquiète du champ d'application des dispositions introduites à l'alinéa 5 du présent article – c'est une nouvelle preuve du manque de dialogue qui a caractérisé l'élaboration de cette proposition de loi.
Votre dispositif permettra de réaliser de façon totalement indifférenciée des tests de nature statistique ; or il s'avère que dans certaines entreprises, l'effectif ou le flux de candidatures n'est pas suffisant pour obtenir des résultats pertinents. Ces entreprises sont déjà assommées de charges, de contraintes, de cotisations, de taxes et d'impôts, et vous allez y ajouter la crainte d'être testées et jetées en pâture publiquement, alors même que les résultats de ces tests ne seront pas du tout représentatifs.
L'amendement vise à circonscrire aux entreprises de plus de 1 000 salariés la possibilité pour le service visé à l'article 1er de réaliser et de financer la réalisation de tests statistiques. Il nous semble que ce serait un aménagement raisonnable en faveur des très petites, petites et moyennes entreprises (TPE et PME), qui l'ont demandé.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
Votre amendement est, de fait, satisfait. En effet, la méthodologie du testing statistique suppose d'envoyer un grand nombre de candidatures et donc de s'adresser à des entreprises ayant un flux de recrutement important. Il est vrai que le flux de recrutement et la taille de l'entreprise ne sont pas toujours corrélés, mais, concrètement, les petites et moyennes entreprises ne peuvent être sujettes à un testing statistique. J'ai eu l'occasion de le dire aux représentants de la CPME, dans le cadre des auditions menées en commission, et cela nous a été confirmé par les chercheurs que nous avons consultés, qui ont l'habitude de réaliser ce type de tests.
Fixer un tel seuil dans la loi serait donc inopérant. La proposition de loi se contente de renvoyer à la discussion qui aura lieu entre les chercheurs et les parties prenantes – nous aurons l'occasion d'en parler à l'article 2 – la méthodologie des tests et leur périmètre. Je peux d'ores et déjà vous dire qu'un testing statistique ne peut être réalisé que pour des entreprises d'une certaine taille. Avis défavorable.
L'amendement n° 67 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il vise à consulter davantage les associations engagées dans la lutte contre le racisme et l'antisémitisme pour élaborer la politique gouvernementale de testing et, plus généralement, de lutte contre les discriminations. Il propose que le Gouvernement, pour fixer ses orientations, consulte, au même titre que la Défenseure des droits, des associations de lutte contre les discriminations, avant de réaliser, dans un second temps, les tests statistiques.
La généralisation du testing pourrait éviter que nos concitoyens s'appelant Mohamed, Rachida ou Aïssatou continuent d'être discriminés et se voient refuser un poste ou un logement ; elle va donc dans le bon sens. Cependant, la proposition de loi ne va pas assez loin, notamment en matière de sanctions et en ce qui concerne l'indépendance du testing – il ne peut être confié à des organismes dépendant du Gouvernement et doit relever d'une autorité indépendante, à savoir la Défenseure des droits. Nous en avons déjà discuté et j'espère que nous pourrons avancer sur ces deux points.
Par cet amendement, nous vous demandons, à tout le moins, de consulter les associations de lutte contre le racisme et l'antisémitisme pour définir les orientations en matière de testing et de lutte contre les discriminations, afin de mettre à profit leur expérience en la matière. Cela irait dans le sens de l'intérêt général et de l'efficacité.
En commission, nous avons déjà fait un pas dans votre sens en imposant au Gouvernement de consulter la Défenseure des droits avant d'élaborer son programme de tests statistiques – vous l'avez rappelé.
Nous pourrons discuter de la présence des associations de lutte contre le racisme, l'antisémitisme et les discriminations dans le fameux comité des parties prenantes. Dans son rapport annuel, celui-ci devra par ailleurs formuler des recommandations sur la manière dont le programme devra évoluer d'une année sur l'autre. Il me semble donc que votre amendement est satisfait.
En outre, pour conserver l'agilité de ce système de testing que nous voulons rendre pérenne, évitons de multiplier les avis. Je pense que celui de la Défenseure des droits suffit. Avis défavorable.
L'amendement n° 26 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Ils ont en commun de vouloir associer davantage ceux qui agissent au quotidien à la lutte contre les discriminations, à l'accompagnement des victimes et à la définition des programmes de tests statistiques, qui, si la proposition de loi est adoptée, seront établis par la Dilcrah. Nous avons besoin des organisations syndicales : la CGT, la CFDT, FO et tous ceux qui se battent pour que les travailleurs ne soient pas discriminés. Nous avons besoin des associations de locataires : la Confédération nationale du logement (CNL) et bien d'autres, qui, sur la question de l'accès au logement, doivent apporter leur expertise afin de déterminer exactement quels tests doivent être effectués. Nous avons besoin aussi des syndicats étudiants, l'Union nationale des étudiants de France (Unef) et beaucoup d'autres, afin de démontrer que des étudiants et des chercheurs sont victimes de discrimination ; eux aussi pourraient apporter leur savoir-faire dans l'élaboration des tests.
Monsieur le rapporteur, je conçois qu'il y ait des contraintes opérationnelles, mais je ne pense pas que la consultation de toutes ces organisations, qui agissent au quotidien aux côtés des discriminés, alourdirait le dispositif autant que vous semblez le penser. Tel est le sens de ces différents amendements.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Je vais tenter de ne pas vous donner la même réponse qu'à Mme Sas. Le dialogue avec les parties prenantes – qu'il s'agisse des locataires, des associations étudiantes ou de tous les groupes de population qui se sentent discriminés ou qui le sont objectivement – aura bien lieu, car le service que nous créons a vocation à mener des auditions et à capter les signaux que lui envoie la société. D'ailleurs, pour bâtir la proposition de loi, nous avons rencontré et auditionné plusieurs de ces acteurs. L'argument que vous avancez est recevable. Cependant, il est nécessaire d'apporter de l'efficacité et de l'agilité au mécanisme. Par conséquent, l'avis est défavorable sur ces quatre amendements.
Nous ne devons pas fournir d'arguments à ceux qui nous accusent de créer une usine à gaz. Or si nous consultons de façon trop large au préalable, nous serons en difficulté au moment du déploiement du dispositif, si bien que celui-ci sera inopérant. Or nous recherchons de l'efficacité.
Je vous invite à examiner l'ensemble du projet de loi en détail. Vous avez obtenu en commission certaines avancées. Je pense notamment à l'article 2 relatif à la composition du comité des parties prenantes, qui prévoit désormais d'intégrer des représentants d'organisations syndicales. Sur ces amendements, en revanche, mon avis est défavorable.
Cet amendement vise le même objectif que le n° 11, que j'ai retiré tout à l'heure, mais sa rédaction est meilleure. Il prévoit d'inclure au dispositif le principe de non-discrimination en permettant au Gouvernement d'intégrer dans son rapport – prévu par l'alinéa 8 – les bonnes pratiques en matière de non-discrimination aussi bien dans le secteur privé que dans le secteur public.
Il est primordial que les bonnes pratiques soient diffusées largement car c'est ainsi que les petites structures pourront s'inscrire dans un schéma plus vertueux, et ce même si elles ne disposent pas de direction des ressources humaines.
M. David Valence applaudit.
L'amendement n° 71 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Par cet amendement de mon collègue Davy Rimane, nous proposons que la réalisation de tests individuels par le service créé à l'article 1er se déroule à titre expérimental. En effet, la Défenseure des droits nous a fait part de son inquiétude quant au risque de concurrence entre les différents acteurs de la lutte contre les discriminations. Nous appelons de nos vœux une période d'expérimentation d'une durée de trois ans afin d'évaluer si ce service permet réellement d'améliorer la prise en charge des victimes, pour lesquelles il n'est jamais simple de faire face à un acte de discrimination. Nous devons nous assurer que le dialogue entre les différents acteurs fonctionne bien avant d'envisager la pérennisation d'un tel dispositif sur le long terme.
J'ajoute, chers collègues du RN, que, s'agissant d'un texte relatif à la discrimination à l'embauche, nous ne sommes guère surpris, de ce côté-ci de l'hémicycle, par vos propos. Nous pensons simplement : heureusement que vous êtes RN et non RH !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Comme le précédent, cet amendement propose que la réalisation des tests individuels par le service créé à l'article 1er se déroule à titre expérimental, compte tenu des inquiétudes exprimées par la Défenseure des droits quant au risque de concurrence entre les différents acteurs.
Nous voulons aider nos compatriotes et non créer des freins. Au terme de cette expérimentation, il sera possible de conclure si le service a permis d'améliorer réellement la prise en charge des victimes de discrimination – car c'est là l'essentiel – et si le dialogue entre les acteurs concernés fonctionne bien, avant d'envisager son éventuelle pérennisation.
Monsieur le rapporteur, je le répète, le début de cette discussion sur l'article 1er n'est pas satisfaisant. Il était tout à fait possible de prévoir un dispositif ambitieux en matière de tests statistiques et de sanctions tout en laissant les tests individuels à la Défenseure des droits.
Puisque l'amendement n° 19 de ma collègue socialiste a été rejeté, nous consentons nous aussi, avec cet amendement de repli, à ce que la réalisation de tests individuels par la Dilcrah fasse l'objet d'une expérimentation de trois ans. Toutefois, je vous le dis, je ne voterai pas favorablement sur l'article 1er . Une véritable coconstruction aurait supposé que vous teniez compte des alertes émises, de façon très forte, par l'ensemble des groupes de gauche de cet hémicycle et que vous entendiez la Défenseure des droits.
Néanmoins, si la proposition de loi doit être adoptée, je préfère que l'intervention de la Dilcrah intervienne à titre expérimental. Je regrette vraiment que nous n'ayons pu avancer sur ce sujet. Cela aurait été un pas important pour la suite du débat.
Je veux répondre à M. Taché, qui s'est montré le plus critique dans cette discussion sur les tests individuels.
Sachez, monsieur Taché, qu'en tant que rapporteur – c'était également le cas lorsque j'occupais d'autres fonctions –, je ne m'entête jamais. Lorsqu'on lance une réforme et qu'on s'aperçoit, après avoir procédé à son évaluation, qu'elle ne marche pas, on la retire. Je n'ai aucun problème avec ce principe.
Je m'étonne que vous ayez balayé d'un revers de main tous les arguments – pourtant factuels – que j'ai donnés tout à l'heure à propos de l'amendement de Mme Karamanli et que vous soyez opposé au principe d'une expérimentation, une méthode que nous évoquons pourtant très fréquemment au cours de nos débats à propos de multiples sujets.
Il faut être pragmatique et ne pas aborder les problèmes en brandissant des principes irréfragables et intangibles. Tel est d'ailleurs l'esprit de ces amendements d'apaisement et d'ouverture, qui prévoient de limiter dans le temps la possibilité pour la Dilcrah de procéder à des tests individuels. Je suis favorable à ces amendements.
Je dois vous faire part de mon étonnement, monsieur Taché. Vous avez dit, en présentant votre amendement, que vous ne souhaitiez pas voter pour l'article 1er . Or vous êtes l'auteur d'un amendement qui prévoit une solution de repli par rapport à celui de Mme Karamanli, lequel visait à empêcher la Dilcrah d'obtenir des moyens pour procéder aux mêmes tests que ceux réalisés par la Défenseure des droits. Vous proposez, comme vos deux collègues, que la réalisation des tests par la Dilcrah se déroule à titre expérimental pendant une durée de trois ans à compter de la publication du décret. Vous nous reprochez de ne pas être ouverts, mais nous sommes prêts à émettre un avis favorable sur ces trois amendements identiques.
Pourtant, vous dites que nous ne sommes pas à la hauteur, que nous refusons les compromis et que vous ne voterez pas l'article 1er . Je vous avoue que je n'arrive plus à vous suivre.
Je suis évidemment favorable à ces trois amendements, qui permettront d'expérimenter la réalisation de tests individuels par la Dilcrah pendant trois ans. Comme l'a dit le rapporteur, nous n'avons pas l'intention de nous arcbouter sur cette solution si elle s'avère insatisfaisante.
M. le rapporteur avance l'argument selon lequel la Défenseure des droits ne procède pas à des tests individuels actuellement. Nous devrions nous demander pourquoi il en est ainsi, si des moyens suffisants sont donnés à la Défenseure des droits pour les réaliser et si les personnes qui pourraient avoir besoin d'y recourir sont suffisamment informées de cette possibilité.
Certes, le nombre de tests individuels réalisés par la Défenseure des droits est trop faible. Toutefois, je ne remets pas du tout en cause l'institution ni ses équipes, mais bien son manque de moyens. Or, pour que ces tests soient réalisés, vous préférez renforcer les moyens de la Dilcrah.
J'ai été sensible à vos arguments concernant les tests statistiques. Je comprends que le Gouvernement veuille mener de manière volontariste une politique publique de lutte contre les discriminations, au-delà des tests individuels effectués par une autorité indépendante. C'est pour cette raison que je soutiens le reste de la proposition de loi, notamment la partie relative aux tests statistiques. S'agissant des tests individuels, je le répète, je ne suis pas convaincu par votre choix.
Si j'ai malgré tout déposé cet amendement, madame la ministre déléguée, c'est parce que si l'article devait être adopté, je préférerais que la mesure soit prise à titre expérimental. M. le rapporteur vient de nous dire que si le système ne fonctionnait pas, il serait le premier à demander qu'on fasse marche arrière – ces propos figureront au compte rendu de notre noble institution –, ce que je salue.
Plutôt qu'un transfert complet des tests individuels à la Dilcrah et d'un dessaisissement de la Défenseure des droits,…
… nous préférons la solution de l'expérimentation. Reste qu'il aurait fallu discuter des raisons de fond pour lesquelles la Défenseure des droits ne peut pas procéder à davantage de tests individuels. Cela n'a pas été le cas et c'est pourquoi, madame la ministre déléguée, je ne soutiendrai pas l'article 1er .
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 142
Nombre de suffrages exprimés 138
Majorité absolue 70
Pour l'adoption 72
Contre 66
L'article 1er , amendé, est adopté.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-sept heures dix, est reprise à dix-sept heures vingt.
L'article 2 complète le dispositif créé à l'article 1er en créant un comité des parties prenantes composé de personnalités morales et de représentants des secteurs privé et public reconnus pour leurs compétences en matière de testing. En commission, le groupe Renaissance a fait adopter un amendement visant à ajouter aux membres de ce comité les représentants des organisations syndicales et professionnelles au niveau national et interprofessionnel – cet ajout avait été demandé par plusieurs autres de nos collègues.
Le comité sera chargé d'élaborer, avec des chercheurs, un plan global visant non seulement à réduire les discriminations, mais à faire appliquer le principe de non-discrimination – c'est un point auquel je tiens tout particulièrement. Ce plan comprendra une méthodologie de test, la publication de résultats, des recommandations et la diffusion de tests favorisant le processus d'acculturation. Il permettra d'organiser un dialogue pour faire progresser les bonnes pratiques, ce qui est essentiel, et de prévenir ainsi les formes de discriminations observées actuellement, qui, comme on le sait, empêchent une partie de nos concitoyens d'avancer, même dans leur vie privée.
J'ai indiqué tout à l'heure que la proposition de loi allait ajouter des charges pour toutes les entreprises, sans même exclure les petites et moyennes entreprises, déjà accablées par tant de contraintes. Il propose aussi la création d'un énième comité, chargé de participer à l'élaboration de la méthodologie des tests et d'émettre des avis sur les suites à leur donner. Tout cela sans apporter aux entreprises de garanties procédurales ou substantielles leur permettant d'échanger avec l'administration ou de se défendre en bonne et due forme.
Ce texte est à l'image de beaucoup d'autres textes macronistes. Au bout de six ans, voilà comment on peut les résumer : création de numéros verts qui ne fonctionnent pas, de comités et d'organes coûteux pour les finances publiques ; pour les sujets réellement importants aux yeux des Français, comme la réindustrialisation, le pouvoir d'achat ou la sécurité, politique de l'autruche ou passage en force par le 49.3. Voilà ce que les Français retiendront du macronisme !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.
Nous proposons de supprimer l'article 2, qui prévoit la création d'un comité des parties prenantes. Ce dernier soulève en effet plusieurs problèmes : tout d'abord, son effectif n'est pas précisé ; ensuite, l'alinéa 6 prévoit la présence de « représentants des personnes morales publiques et privées susceptibles d'être testées », ce qui signifie que le comité pourrait accueillir plusieurs dizaines de représentants des entreprises testées – face à quatre parlementaires, un représentant de la Défenseure des droits et quelques statisticiens et représentants syndicaux, cela ne nous paraît pas très équilibré ; enfin, le renvoi à un décret en Conseil d'État des modalités de nomination de ses membres laisse le flou sur l'autorité qui en sera chargée, ce qui suscite de nombreuses interrogations – un gouvernement pourrait ainsi choisir de procéder à des nominations politiques dans le but de neutraliser l'action du service, tout comme les entreprises et les administrations visées par les tests.
L'amendement n° 37 de M. Thomas Ménagé est défendu.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements de suppression ?
Tout d'abord, je rappelle à la droite de l'hémicycle, qui semble se soucier beaucoup de l'opinion des entreprises,…
…que ce comité, espace de dialogue entre les parties prenantes autour des questions de testing, répond à une demande des entreprises elles-mêmes. Elles ont en effet tiré avec nous les enseignements des testings qui ont eu lieu ces dernières années. Ainsi, en 2019, un testing sur les discriminations à l'embauche a donné lieu à la publication des noms de sept entreprises, lesquelles ont réagi de manière très virulente, en contestant la méthodologie du testing et donc ses résultats. Le comité des parties prenantes créé à l'article 2 vise à répondre à ce genre de problème en permettant aux acteurs concernés de se mettre d'accord en amont sur la méthodologie, afin que les résultats soient acceptables et acceptés par l'ensemble des parties prenantes. Ce premier point me paraît très important.
Ensuite, s'agissant de la question de l'effectif du comité, il est d'usage de ne pas fixer dans la loi le nombre de membres d'une instance. C'est le droit commun de la constitution des comités.
Quant au droit des personnes morales susceptibles d'être testées de faire partie du comité des parties prenantes, je souligne que c'est la philosophie même de ce comité que d'écouter celles qui appartiennent à des secteurs susceptibles d'être testés. Ainsi, si on veut procéder à un testing en matière de logement, il me paraît pertinent d'écouter les acteurs de ce secteur afin d'administrer les candidatures et de les envoyer de façon cohérente avec les pratiques du secteur. Cela ne signifie évidemment pas que des informations seront données sur les acteurs qui seront testés ; c'est la prérogative des chercheurs.
Ces amendements de suppression soulèvent une question pertinente : des acteurs qui ont des intérêts économiques liés au testing doivent-ils avoir voix délibérative dans le comité des parties prenantes ? Nous devons être vigilants et préserver l'indépendance de ce comité. C'est la raison pour laquelle je soutiendrai tout à l'heure un amendement qui propose de distinguer les voix délibératives et les voix consultatives.
Mon avis est défavorable sur les amendements.
Je suis pour le moins surprise de voir les groupes Rassemblement national et Socialistes défendre deux amendements identiques !
Mais je conviens qu'ils n'ont pas les mêmes motivations.
Je tiens à indiquer aux députés du groupe Socialistes que supprimer l'article 2 reviendrait à rendre impossible la constitution du comité des parties prenantes, alors qu'il a pour objectif de décider de la méthodologie des testings, en particulier des tests statistiques. Remettez-vous en cause les tests statistiques ? Par ailleurs, si ce comité n'était pas créé, qui déterminerait la méthodologie des tests ? J'ajoute que les entreprises ne peuvent mettre en place des actions correctrices qu'à partir du moment où elles sont détectées comme discriminantes et que ces actions – formation, sensibilisation, mentorat et autres – seront précisément déterminées par le comité des parties prenantes.
Je m'interroge sur le sens de votre amendement de suppression, madame Pic, parce que je ne comprends pas sa motivation. Vous estimez que ce comité ne sera pas suffisamment libre dans ses prises de position et vous jugez sa composition insuffisamment plurielle. Nous pensons au contraire que ce comité chargé de déterminer la méthodologie des tests et les actions correctrices nécessaires permettra de rendre nos entreprises et les acteurs privés et publics moins discriminants.
Les motivations des deux amendements ne sont évidemment pas les mêmes. Je ne vois donc pas pourquoi vous faites une corrélation entre eux, madame la ministre déléguée.
Si vous êtes surprise, je suis pour ma part très étonnée de votre réponse, car vous reconnaissez que les testés vont influer sur la manière dont on va les tester… Pourquoi, en ce cas, ne pas faire la même chose à l'école ? Que les élèves construisent leur propre outil d'évaluation, les choses seront plus simples !
Non seulement vous remettez à plus tard la définition des conditions de nomination des membres du comité, mais vous affirmez que ses membres pourront définir les modalités du testing. Là est le problème ! Nous considérons qu'il y a trop de flou et qu'en l'état, cet article ne permet pas d'organiser des tests selon les critères définis par les chercheurs.
L'amendement n° 16 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Il s'agit de déterminer comment le comité des parties prenantes, introduit à l'article 2, associera les acteurs de terrain à la lutte contre les discriminations. L'amendement n° 52 , qui a été travaillé avec la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH), vise à préciser que la Dilcrah s'appuiera sur les signalements effectués par des tiers de confiance – organisations syndicales, associations de locataires, autres acteurs que nous avons déjà évoqués. Ces remontées de terrain doivent alimenter l'action du futur dispositif de lutte contre les discriminations.
Je souscris à la démarche qui consiste à faire remonter du terrain les signaux faibles de discrimination. Vous souhaitez que les associations et les organisations syndicales s'en chargent. Elles auront tout le loisir de le faire : s'agissant des organisations syndicales, depuis l'adoption en commission d'un amendement en ce sens, le texte précise déjà qu'elles feront partie du comité des parties prenantes ; s'agissant des associations, un amendement à venir prévoit qu'elles soient elles aussi représentées. Les signalements que vous appelez de vos vœux auront ainsi bien lieu dans le cadre des débats du comité des parties prenantes ; votre amendement est donc satisfait. Demande de retrait ou avis défavorable.
L'amendement n° 52 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 28 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl, pour soutenir l'amendement n° 1 .
Je propose de préciser que le comité des parties prenantes doit inclure un représentant du Conseil d'État. Celui-ci, comme chacun le sait, est le conseil juridique du Gouvernement ; son représentant serait donc dans son rôle. Comme le montrent nos débats, le comité traitera de sujets sensibles : pour éviter toute friction avec nos principes constitutionnels, mais aussi avec le droit général, notamment la loi relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, dite informatique et libertés, il est indispensable qu'un professionnel du droit siège au sein de cette instance.
Votre amendement nous a fait réfléchir. La démarche est pertinente et nous avions considéré cette possibilité ; cependant, intégrer dans le comité des parties prenantes un représentant du Conseil d'État supposerait, en miroir, d'y faire siéger également un représentant de l'ordre judiciaire – par exemple un conseiller près la Cour de cassation –, et donc d'alourdir sa composition. Par ailleurs, pour bénéficier de compétences et d'une expertise juridiques, le comité peut faire appel à des personnalités qualifiées, mentionnées à l'article 2. Un professeur de droit, un conseiller d'État ou un conseiller d'État honoraire peuvent très bien intégrer le comité des parties prenantes à ce titre. Afin de ne pas alourdir le nombre de membres du comité, je vous demande de retirer l'amendement, faute de quoi j'émettrai un avis défavorable.
Même avis. Je précise que la composition du comité des parties prenantes n'a rien de floue : il comprendra, entre autres, des parlementaires – deux députés et deux sénateurs –, des experts de sujets économiques, juridiques et sociaux, et un représentant de la Défenseure des droits. Votre amendement, le rapporteur l'a dit, viendrait alourdir la composition de l'instance, d'autant qu'il faudrait y intégrer, en miroir, un représentant de l'ordre judiciaire.
L'amendement n° 1 est retiré.
Je suis saisie, par le groupe Renaissance, de deux demandes de scrutin public : sur les amendements n° 24 et identiques, et sur l'article 2.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Nous en venons aux amendements identiques, n° 24 , 31 , 33 et 55 .
La parole est à Mme Clara Chassaniol, pour soutenir l'amendement n° 24 .
Nous souhaitons inclure, dans le comité des parties prenantes, des représentants des associations de lutte contre les discriminations. Pour assurer le caractère indépendant de ces nominations, nous proposons de confier le choix des associations au président du Conseil économique, social et environnemental (Cese).
La parole est à M. Jean-Paul Mattei, pour soutenir l'amendement n° 31 .
Il semble logique de renforcer la compétence du comité des parties prenantes en confiant au président du Cese le soin de désigner les associations qui y siégeront.
La parole est à M. Frédéric Maillot, pour soutenir l'amendement n° 33 .
Nous sommes le 6 décembre, date anniversaire du décès d'un grand homme, Frantz Fanon. Il a dit : « Chaque génération doit, dans une relative opacité, découvrir sa mission, la remplir ou la trahir. » Combattre la discrimination fait partie de nos missions.
L'amendement de mon collègue Davy Rimane vise à faire entrer dans le comité des parties prenantes des associations qui luttent contre les discriminations ou qui agissent dans le domaine du handicap. Leur présence est nécessaire pour que les acteurs du secteur soient intégralement représentés. Nous proposons que ce soit le président du Cese qui choisisse parmi les associations régulièrement déclarées depuis cinq ans au moins.
Je défendrai en même temps mes amendements suivants, n° 58, 53, 54, 56 et 57.
Comme je l'ai dit, il faut associer au maximum les acteurs de terrain. Les organisations syndicales ont déjà été incluses dans le comité lors de l'examen du texte en commission ; c'était une avancée importante. Nous proposons désormais, par le biais de l'amendement n° 55 , que le président du Cese désigne les associations de lutte contre les discriminations qui y siégeront également.
Il faut cependant que le président de la CNCDH puisse lui aussi désigner un membre du comité, et que les associations de locataires ou d'étudiants y aient également des représentants. Ces associations sont, chacune dans leur domaine, tout aussi spécialisées dans l'accompagnement des publics discriminés que les organisations syndicales le sont dans le monde du travail, et doivent, comme elles, être associées au comité des parties prenantes. Je propose donc une série d'amendements en ce sens.
Avis favorable sur les amendements identiques. Nous en avons beaucoup débattu en commission : il paraît naturel que les associations de lutte contre les discriminations soient représentées au sein du comité des parties prenantes. Si cela n'a pas été précisé dans le texte initial, c'est parce que nous voulions trouver un équilibre entre le nombre des membres – il s'agit d'éviter de rendre le comité pléthorique – et la représentativité des associations. Après avoir échangé avec le président du Cese, nous sommes parvenus à la conclusion que lui confier la responsabilité de déterminer les associations représentées au sein du comité offrirait les garanties d'indépendance correspondant à notre philosophie.
S'agissant de vos autres amendements, monsieur Taché, je considère qu'ils seront satisfaits par l'adoption des amendements identiques. J'ajoute que le sixième alinéa de l'article 2 mentionne la présence « de représentants des personnes morales publiques et privées susceptibles d'être testées ». Les associations des secteurs concernés pourront donc être représentées, en cas de besoin, en fonction des thématiques qui feront l'objet de tests. Il n'est pas nécessaire de dresser une liste d'associations dans le texte, car cet alinéa nous permet précisément la souplesse que vous appelez de vos vœux : si, par exemple, les tests concernent le logement, des acteurs du secteur – représentants d'une association de locataires ou d'une fédération professionnelle – pourront naturellement être présents. Je vous suggère donc de retirer les amendements.
Même avis. Les amendements identiques permettent au président du Cese de décider des associations qui seront consultées. Beaucoup d'entre elles souhaitent donner leur avis. Le Cese présentant toutes les garanties requises de neutralité et d'indépendance, lui confier le choix des associations à intégrer au comité représente une bonne solution.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 138
Nombre de suffrages exprimés 138
Majorité absolue 70
Pour l'adoption 99
Contre 39
Il s'agit d'un amendement de précision, mais qui a de la substance. Le comité des parties prenantes, on l'a dit, va rassembler une série d'acteurs, dont certains tireront leur légitimité de leur appartenance au secteur qui a vocation à faire l'objet de tests – par exemple, celui du logement. Ces acteurs seront associés à l'élaboration de la méthodologie des tests, mais il serait difficile de les associer à l'étape suivante : la décision quant à la publication des résultats. C'est pourquoi nous souhaitons que le comité distingue les voix délibératives, qui pourront donner lieu à des décisions, et les voix consultatives, qui seront réservées aux acteurs impliqués dans tel ou tel secteur ou thématique. C'est une garantie d'indépendance qui nous semble renforcer la légitimité du comité.
Incroyable ! Qu'est-ce qu'on ne ferait pas pour compliquer la vie des gens !
L'amendement n° 27 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 139
Nombre de suffrages exprimés 139
Majorité absolue 70
Pour l'adoption 94
Contre 45
L'article 2, amendé, est adopté.
L'article 3 comprend un ensemble de dispositions encadrant la diffusion des résultats des tests statistiques, notamment leur transmission aux personnes morales testées qui auraient un comportement discriminatoire. Pour permettre à celles-ci de corriger leur comportement, plutôt que de passer directement par des sanctions, le texte invite au dialogue et incite à mener des plans d'action.
En commission des lois, le rapporteur a déposé un amendement précisant l'articulation entre le service créé à l'article 1er et les personnes morales que sont les entreprises. Le service informera l'entreprise, ainsi que l'autorité administrative territorialement compétente, des résultats démontrant un comportement discriminatoire. Dès qu'elle sera informée, l'entreprise aura l'obligation, dans un délai de six mois, de mener un plan d'action ou de signer un accord d'entreprise afin de corriger ces résultats grâce à des mesures précises, susceptibles de faire l'objet d'un contrôle efficace par l'autorité administrative. Si des manquements sont constatés au terme de la procédure contradictoire, une amende sera appliquée.
L'article 3 permet donc aux personnes morales concernées par des résultats démontrant des comportements discriminatoires de corriger ceux-ci dans un cadre bien défini, mais souple, comprenant des obligations et d'éventuelles sanctions. Cette méthode permettra enfin à chacun de progresser dans sa pratique.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
L'amendement n° 38 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il vise à ce que les résultats des tests soient transmis au procureur de la République lorsqu'ils attestent que des entreprises se sont rendues coupables de discriminations. La justice doit pouvoir mener les enquêtes qui s'imposent et, le cas échéant, poursuivre les entreprises.
Je proposerai dans quelques instants de créer un nouveau délit pénal pour que les chefs d'entreprise qui laissent perdurer de telles pratiques soient poursuivis en justice. Commençons par autoriser la transmission systématique des résultats des tests au procureur de la République afin de renforcer la lutte contre les discriminations en la pénalisant davantage.
La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour soutenir l'amendement n° 21 .
Il est curieux de prévoir dans la proposition de loi le cas d'infractions pénales constatées par un service de la Première ministre, pour lesquelles les auteurs encourraient comme sanction la seule publication de leurs fautes et échapperaient aux sanctions pénales prévues par la loi. Nous proposons donc, avec cet amendement, que, lorsque des discriminations sont constatées, le service créé par l'article 1er informe la justice afin qu'elle procède à des poursuites si elle l'estime nécessaire.
Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements en discussion commune ?
Je partage l'intention de ces amendements, qui est de rendre effectif le droit à la réparation, mais je me permettrai de vous faire deux remarques. Tout d'abord, vous avez déposé ces amendements à l'article 3, lequel concerne les suites données aux tests statistiques. Je l'ai expliqué dans mon intervention liminaire : ces tests s'appuient sur de faux profils ou, si vous préférez, des candidatures fictives. Dès lors, aucun préjudice n'est à déplorer puisque, dans les faits, aucune personne réelle n'a subi de discrimination. L'affaire ne peut donc être transmise à la justice.
Si, en revanche, la réalisation de tests statistiques met en évidence une discrimination touchant une personne réelle, la Dilcrah, en tant qu'autorité publique, est tenue par l'article 40 du code de procédure pénale d'en informer le procureur de la République.
Dans un cas comme dans l'autre, l'amendement est satisfait. Je vous invite à le retirer ou j'y serai défavorable.
Même avis.
Nous soutiendrons ces amendements car ils tirent les conséquences d'un constat partagé tant par le rapporteur que par la ministre déléguée lors de la discussion de l'article 1er . Tout le monde le reconnaît, les condamnations ne sont pas suffisantes. Nous avons bien compris que les tests statistiques ne ciblaient pas des situations réelles. Cependant, la transmission des résultats au procureur de la République, lorsque des manquements ont été constatés, permettrait à la justice d'ouvrir des enquêtes et de contrôler les pratiques des entreprises concernées. Grâce à cette disposition, d'anciennes victimes pourraient être retrouvées et recevoir une réparation pour le préjudice subi. Elle inciterait par ailleurs le ministère public à se montrer plus attentif à des problématiques auxquelles il n'est pas forcément familier.
La transmission des résultats d'un test individuel au procureur de la République est déjà possible dès lors qu'une personne se sent discriminée ou qu'elle est victime d'une discrimination objective. En revanche, les tests statistiques portent sur de faux profils : il n'y a donc rien à transmettre au procureur de la République. Il est plus judicieux d'inviter l'entreprise à engager des actions correctrices, quitte à la sanctionner en publiant les résultats des tests si elle ne se plie pas à cette obligation ou en lui infligeant une amende administrative, qui peut aller jusqu'à 1 % des rémunérations et gains.
Il tend à rendre obligatoire la divulgation des résultats des tests statistiques et, par conséquent, des noms des entités juridiques reconnues coupables d'un comportement discriminatoire. L'objectif est de conférer une réelle portée à la proposition de loi et d'accroître son efficacité.
Contrairement au rapporteur, je ne pense pas que cette disposition entre en contradiction avec l'esprit de la loi. La publication des résultats de l'entreprise coupable de pratiques discriminatoires ne signifie pas qu'elle ne prendra pas des mesures correctrices par la suite. Au contraire, cette mesure la contraint à agir rapidement et efficacement.
En matière d'égalité réelle entre les femmes et les hommes, l'expérience a prouvé que le fait d'obliger simplement les entreprises à élaborer un plan d'action ralentissait considérablement les progrès attendus, d'autant que les plans négociés sont souvent creux et peu opérationnels. Au contraire, le name and shame contraindrait les entreprises à agir vite pour supprimer leurs pratiques discriminatoires.
M. Aurélien Taché applaudit.
Votre amendement va à l'encontre de l'esprit de l'article 3 et, plus généralement, de la proposition de loi, qui vise à donner, aux entreprises et aux administrations – le secteur public doit aussi se montrer exemplaire dans la lutte contre les discriminations –, le temps de s'adapter au travers d'un plan d'action.
Notre expérience du testing et du name and shame a montré que la publication des résultats, sans incitation préalable à la négociation d'un plan d'action pour corriger les discriminations ou les pratiques discriminatoires lors des recrutements, ne produit pas d'effet. Les entreprises se braquent et préfèrent intenter des recours juridiques contre les chercheurs qui ont réalisé les tests plutôt que de modifier leurs pratiques de recrutement.
Votre deuxième remarque est légitime, mais qu'advient-il d'une entreprise qui a établi un plan d'action sans contenu – « creux » avez-vous dit ? Nous avons prévu ce cas à l'article 3, puisque le comité des parties prenantes devra se prononcer sur la pertinence des mesures prévues dans les plans d'action des entreprises.
Les auditions que nous avons menées nous ont appris que des mesures simples et concrètes peuvent être prises pour améliorer les techniques de recrutement. Rentrer dans la boîte noire des algorithmes, qui peuvent générer des biais de discrimination, proposer aux managers en charge du recrutement des formations plus efficaces, instaurer des pratiques comme le recrutement sans CV, actuellement évalué par des chercheurs indépendants : toutes ces mesures constitueront la boîte à outils dont les entreprises pourront se servir pour élaborer leur plan d'action.
Notre intention est bien de changer les comportements, mais laissons aux entreprises et aux administrations le temps de trouver un accord d'entreprise ou de négocier un plan d'action. Six mois, en l'espèce, me paraît un délai. Avis défavorable.
Nous voulons accompagner les changements de comportements : il n'est donc pas question de rendre publics les résultats des tests dès qu'ils sont connus ! Plutôt que de les braquer, nous préférons inciter les acteurs concernés à engager des actions structurantes pour modifier leurs procédures de recrutement. Avis défavorable.
Nous sommes évidemment d'accord pour laisser aux entreprises et aux administrations le temps d'élaborer un plan d'action, mais, vous le savez, dans la réalité, elles sont longues à le faire. En outre, l'évaluation des mesures programmées, elle-même tardive, montre souvent que le plan est inefficace. Ce sont alors dix ans de perdus pour les victimes, qui sont autant de gagnés pour les entreprises coupables de pratiques discriminatoires… Le name and shame est un dispositif simple et pratique. Il est normal que le public soit informé des pratiques discriminatoires de certaines entreprises et administrations.
La pratique du name and shame a fait l'objet de nombreuses études, en particulier de sociologues, qui ont conclu que la publication des noms des entreprises, sans être accompagnée de mesures complémentaires, n'avait guère d'effet sur les comportements.
Le devenir d'une entreprise qui ne changerait rien à ses pratiques, malgré la validation de son plan d'action par le comité des parties prenantes et par les services de l'État, a toutefois été débattu par la commission des lois et nous allons y revenir dans quelques instants, lorsque nous examinerons les amendements relatifs aux entreprises et aux administrations dont les pratiques discriminatoires ont été dénoncées à deux reprises, dans un intervalle de temps déterminé.
L'amendement n° 25 n'est pas adopté.
Avis favorable sur l'amendement sous réserve de l'adoption du sous-amendement, qui tend à en préciser la rédaction.
Le sous-amendement n° 73 est adopté.
L'amendement n° 14 , sous-amendé, est adopté.
Le sous-amendement n° 74 est adopté.
L'amendement n° 15 , sous-amendé, accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'amendement n° 42 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 18 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'amendement n° 43 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Sur les amendements 10 et identiques et sur l'article 3, je suis saisie par le groupe Renaissance de demandes de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je suis saisie de deux amendements, n° 23 et 60 , pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Stéphane Delautrette, pour soutenir l'amendement n° 23 .
Cet amendement porte sur les mesures d'incitation, ou de dissuasion – on peut aborder la question sous un angle ou sous un autre. Il vise à porter le montant maximal de l'amende administrative de 1 % à 5 % des rémunérations et gains pour les entreprises ou administrations qui n'auraient pas pris de mesures pour lutter contre les discriminations constatées.
En commission, nous avions, par l'adoption d'un amendement que j'avais proposé, doublé le montant de l'amende administrative infligée aux entreprises reconnues discriminantes, en le portant de 0,5 % à 1 % de la masse salariale. Nous souhaitons ici aller encore plus loin.
Nous entrons dans le vif du sujet, monsieur le rapporteur ! Nous avons eu quelques désaccords concernant la manière dont les choses devaient être faites : qui doit réaliser les tests collectifs ou individuels ? Faut-il, comme le propose ma collègue Eva Sas, sanctionner les entreprises qui se rendent coupables de discrimination en divulguant leurs noms ? La sincérité de votre engagement dans la bataille contre les discriminations, je vais l'évaluer en fonction des sanctions qui seront prévues.
Nous avons augmenté le montant de l'amende de 0,5 % à 1 % de la masse salariale ; portons-le à 2 %. Nous discuterons un peu plus tard de ce que nous devrons faire en cas de récidive. Les sanctions doivent être au cœur de notre débat jusqu'à la fin de l'examen du texte.
Nous discutons là du niveau de sanction à appliquer contre les entreprises qui ne prennent aucune mesure à la suite d'un premier test statistique positif. Vous l'avez dit, monsieur Taché, nous avons adopté en commission un amendement de votre part faisant passer de 0,5 % à 1 % de la masse salariale le montant de l'amende administrative – c'est-à-dire le doublant. Vous voulez maintenant le faire passer de 1 % à 2 %. Pourvu que le texte ne revienne pas en deuxième lecture, parce que si l'on double le montant à chaque examen, on va finir avec un niveau d'amende administrative pour la première infraction objectivement déraisonnable !
Nous avons déjà eu le débat en commission. Je trouve le montant de cette première amende suffisamment dissuasif. Il correspond à celui appliqué aux entreprises qui ne publient pas leur index de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, à savoir 1 % de la masse salariale. Néanmoins, je suis d'accord avec vous sur la nécessité de discuter de la question, non pas de la récidive – je n'utiliserais pas ce terme –, mais du deuxième test positif. C'est ce que nous allons faire dans quelques instants.
Avis défavorable sur les deux amendements.
L'amendement n° 17 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Il vise à renforcer la lutte contre les pratiques discriminatoires en augmentant le montant de l'amende administrative infligée à une entreprise en cas de réitération.
La parole est à M. Philippe Naillet, pour soutenir l'amendement n° 22 .
Il tend à prévoir une seconde vague de tests statistiques afin d'évaluer l'évolution des discriminations au sein d'entreprises ou d'administrations dans lesquelles des pratiques discriminatoires ont été constatées. Dans le cas où elles auraient encore lieu, une amende majorée pourrait être prononcée.
Cet amendement est présenté par le groupe Renaissance. Nous proposons de réaliser un contrôle a posteriori des personnes morales pour lesquelles des pratiques discriminatoires ont été identifiées. Ce nouveau contrôle aurait lieu entre un an et demi et cinq ans après le résultat du premier test afin de vérifier si les mesures que les personnes morales concernées se sont engagées à prendre ont permis de réduire les discriminations – je précise, pour nos collègues qui n'auraient pas lu le texte, que nous parlons ici d'entreprises d'une certaine taille. Si les résultats s'avéraient insuffisants, la personne morale encourrait, au terme d'une procédure contradictoire, l'amende prévue au IV de l'article, mais avec un montant pouvant être porté à 5 % des rémunérations et gains versés.
L'aggravation de la sanction administrative est justifiée par le fait de ne pas avoir pris les mesures correctrices suffisantes. C'est essentiel pour que le dispositif fonctionne et pour que, d'ici quelques années, nous puissions enfin dire que nous avons contribué à l'éradication des discriminations.
Les amendements n° 61 , de M. Aurélien Taché, et 32, de M. Philippe Latombe, sont défendus.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
Nous poursuivons donc la discussion engagée il y a quelques instants. Ces amendements ciblent les organisations, les entreprises ou les administrations – le secteur public se doit lui aussi d'être exemplaire – qui ont été testées positives à l'issue d'un test statistique, qui ont mis ou non en œuvre un plan d'action, ledit plan ayant été ou non validé par le comité des parties prenantes, mais qui avaient la responsabilité de remédier à la situation.
Si ces organisations étaient testées positives une deuxième fois, cela signifierait que les engagements pris à la suite du dialogue sur le plan d'action n'ont pas été tenus. Nous devons savoir être dissuasifs et faire en sorte que les entreprises n'aient jamais à se trouver dans la situation de devoir payer une amende d'un montant de 5 % de la masse salariale. Pour cela, nous devons être crédibles et inscrire cette possibilité dans la proposition de loi.
J'ajoute que le montant de 5 % n'est pas automatique. Le montant effectif de l'amende tiendra compte du contexte et des efforts réalisés par l'entreprise ; il s'agit d'un plafond – c'est clairement indiqué dans les amendements. L'article 3 se fonde en effet sur le principe de la confiance dans les engagements pris par les entreprises – mais cette confiance suppose l'existence d'un instrument de dissuasion pour éviter que certaines soient tentées de ne rien faire.
Avis favorable sur les amendements identiques et défavorable sur l'amendement n° 32 .
Je comprends tout à fait le souhait de mettre en place un dispositif suffisamment sévère pour qu'il joue un rôle dissuasif. J'appelle néanmoins votre attention sur la rédaction des amendements, qui pose selon moi un problème, notamment parce qu'elle ne caractérise pas suffisamment le manquement. En outre, un montant de 5 % de la masse salariale peut représenter une somme extrêmement élevée pour une entreprise, en particulier pour certaines PME. Néanmoins, je m'en remettrai à la sagesse de l'Assemblée sur les amendements identiques, tout en émettant un avis défavorable sur l'amendement de M. Latombe.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 151
Nombre de suffrages exprimés 149
Majorité absolue 75
Pour l'adoption 102
Contre 47
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 151
Nombre de suffrages exprimés 151
Majorité absolue 76
Pour l'adoption 107
Contre 44
L'article 3, amendé, est adopté.
Sur l'ensemble de la proposition de loi, je suis saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je suis saisie de plusieurs amendements portant article additionnel après l'article 3.
La parole est à Mme Cécile Rilhac, pour soutenir l'amendement n° 8 rectifié .
Cet amendement, proposé par notre collègue Raphaël Gérard, a pour objet de moderniser la définition de la discrimination sur le fondement du nom de naissance afin de tenir compte des récentes évolutions familiales et sociales.
La loi du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations a en effet introduit un nouveau critère de discrimination, lié au patronyme, au sein du code du travail et du code pénal. Or la loi du 4 mars 2002 relative au nom de famille a modifié les règles de transmission du nom à l'enfant. L'ordonnance du 12 mars 2007 relative au code du travail a tenu compte de cette évolution et remplacé le critère du patronyme par celui du nom de famille. Néanmoins, aucune modification n'a été introduite par le législateur au sein du code pénal.
Dans une logique d'harmonisation des critères et compte tenu des règles actuelles en matière de transmission et de choix du nom de famille, il apparaît souhaitable de généraliser la rédaction en vigueur dans le code du travail.
Avis favorable. L'objet de cet amendement est, non pas marginal, mais quelque peu décalé par rapport à la proposition de loi. Toutefois, il permet de prendre acte d'une évolution sociétale. Faire référence non plus au patronyme, mais au nom de famille, traduit l'évolution des structures familiale ; cela me semble important.
Avis favorable. Les débats sur les textes de loi sont aussi l'occasion de nettoyer une partie des codes en vigueur. Les modèles familiaux ayant changé, un nombre croissant de noms de famille ne correspondent pas aux patronymes. Il importe donc de procéder à cette modification.
L'amendement n° 8 rectifié est adopté.
La parole est à Mme Cécile Rilhac, pour soutenir l'amendement n° 6 rectifié .
Il s'agit d'un autre amendement déposé à l'initiative de Raphaël Gérard. La loi du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer a introduit un nouveau critère de discrimination, qui a été traduit dans le code du travail à l'article L. 1132-1, mais qui ne figure pas à l'article 225-1 du code pénal, ce qui soulève des questions en matière de lisibilité et de cohérence du droit de la non-discrimination.
Ainsi, en l'état actuel de la rédaction, l'article 1er de la proposition de loi ne prévoit pas la possibilité de réaliser des tests de discrimination individuels à la demande d'une personne s'estimant victime d'une discrimination liée à sa domiciliation bancaire, puisque son champ d'application renvoie aux articles 225-1, 225-2 et 432-7 du code pénal et aux articles L. 1146-1 et L. 2146-2 du code du travail.
Afin que le service visé à l'article 1er puisse réaliser des tests relatifs à la domiciliation bancaire à la demande de toute personne qui s'estimerait victime d'une discrimination en la matière, et dans un souci d'harmonisation des critères, l'amendement vise à inclure la domiciliation bancaire dans la liste mentionnée à l'article 225-1 du code pénal.
Cet amendement est bienvenu, car il tend effectivement à harmoniser les textes, la référence à la domiciliation bancaire figurant déjà dans le code du travail et dans la loi de 2008 relative à la lutte contre les discriminations. La discrimination liée à la domiciliation bancaire concerne particulièrement les ultramarins, qui peuvent avoir des difficultés à accéder à un emploi ou à un logement en métropole au motif que leur domiciliation bancaire est demeurée outre-mer. L'amendement visant à garantir l'égalité républicaine, j'y suis tout à fait favorable.
Il importe en effet que la référence à la domiciliation bancaire figure dans le code pénal. Le problème concerne nombre de nos compatriotes, notamment des outre-mer. Je suis bien évidemment favorable à l'amendement, qui rectifie en quelque sorte un oubli.
L'amendement n° 6 rectifié est adopté.
Une amende administrative de 1 % de la masse salariale constitue certes une sanction mais ne suffira pas pour mettre fin aux pratiques discriminatoires. Je l'ai dit à plusieurs reprises, il convient d'aller bien au-delà. Par cet amendement, nous proposons de renforcer les sanctions à l'encontre des entreprises qui pratiquent une discrimination.
Nous en avons longuement discuté tout à l'heure. En matière pénale, le problème n'est pas tant le niveau des sanctions que la fréquence des condamnations. Je rappelle qu'en 2020, aucune condamnation pénale n'a été prononcée pour des faits de discrimination. Plutôt que de relever le montant des amendes, notre préoccupation collective doit être d'améliorer notre système de lutte contre les discriminations – je ne reviens pas sur le débat que nous avons eu à propos des tests individuels – et de faire en sorte que la chaîne pénale soit davantage encline à prendre en considération cette dimension et à prononcer des condamnations.
L'amendement n° 66 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je regrette vivement que l'amendement précédent n'ait pas été adopté.
Salimata Sylla, basketteuse depuis dix ans, Founé Diawara, footballeuse et présidente des Hijabeuses, collectif bien connu, Zakia Khudadadi, championne d'Europe de para-taekwondo – je pourrais citer d'autres noms – ne pourront pas participer aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024 parce que la ministre des sports a décidé qu'aucune athlète portant le voile ne pourrait faire partie de la délégation française pour ces Jeux.
« Elle a raison ! » sur quelques bancs des groupes RE et LR.
Monsieur le rapporteur, vous affirmez vouloir lutter résolument contre les discriminations liées à l'origine ou à la religion perçue. Prouvez-le ! Nous ne sommes pas convaincus par les méthodes de test retenues, ni par les sanctions qui seront appliquées aux entreprises qui pratiquent une discrimination. Mes chers collègues, à quelques mois des Jeux olympiques et paralympiques, démontrez par des actes politiques forts que votre engagement contre les discriminations est sincère ; adoptez cet amendement n° 63 !
Votre amendement est satisfait : parmi les objets possibles de la discrimination, l'article 225-2 du code pénal mentionne l'accès aux biens et services. Cette catégorie est très large, et l'organisation des compétitions sportives en relève, puisqu'il s'agit d'un service. Dès lors, les tests de discrimination pourront être pratiqués dans ce cas précis. Mon avis est donc défavorable.
L'amendement n° 63 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
En matière d'accès à la fonction publique s'applique une discrimination essentielle, fondée sur la nationalité. La France est l'un des seuls pays qui refusent systématiquement d'embaucher des personnes étrangères dans certains domaines de l'administration. Or les personnes présentes depuis longtemps et de manière régulière sur le territoire français, qui y paient leurs impôts et participent à la vie publique, devraient pouvoir travailler aussi dans l'administration. En adoptant cet amendement, nous ferions sauter ce verrou et nous enverrions un message fort, celui que la société française est plurielle, inclusive et ouverte, celui que notre nation ne pratique pas de discrimination liée à la nationalité, à l'origine ou à la religion.
Vous soulevez une question importante, monsieur Taché. À titre personnel, j'y suis sensible. Toutefois, nous nous éloignons ici du cœur de la proposition de loi. Peut-être cet amendement aurait-il davantage sa place dans le projet de loi pour contrôler l'immigration et améliorer l'intégration, dont l'examen débutera dans quelques jours. Il vous reste du temps : le délai de dépôt des amendements expire demain à 17 heures. J'émets un avis défavorable.
Sourires.
Les ressortissants des pays non européens ne peuvent pas relever du statut de la fonction publique, qui offre la garantie de l'emploi, mais ils peuvent être embauchés en tant que contractuels. L'avis est défavorable.
L'amendement n° 64 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Béatrice Piron, pour soutenir l'amendement n° 3 rectifié .
Cet amendement de mon collègue Raphaël Gérard vise à corriger une incohérence en matière pénale. L'article L. 1146-1 du code du travail sanctionne d'un an d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende le fait de refuser d'embaucher une personne, de prononcer une mutation, de résilier ou refuser de renouveler le contrat de travail d'un salarié en considération du sexe, de la situation de famille ou de la grossesse. Les mêmes faits, à savoir le refus d'embaucher, la sanction ou le licenciement d'une personne en raison de son sexe, de sa situation de famille ou de sa grossesse sont passibles de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende en application de l'article 225-2 du code pénal.
Cet écart dans la répression sème le doute sur l'adéquation du cadre actuel aux exigences de clarté et de précision de la loi pénale. Nous proposons d'harmoniser le quantum des peines conformément à la jurisprudence de la Cour de Cassation, laquelle a fait valoir en 2009, dans un cas de cette nature, que les sanctions du code pénal, plus sévères, avaient vocation à s'appliquer.
Il existe une zone de chevauchement partielle entre l'article 225-2 du code pénal et l'article L. 1146-1 du code du travail. Dans une telle situation, conformément au principe applicable en cas de conflit de qualification, il appartiendrait au parquet de poursuivre les comportements discriminatoires et aux juridictions de les condamner sur le fondement de la qualification sanctionnée par la peine la plus sévère, à savoir, ici, celle qui est prévue par le code pénal. Il n'y a pas lieu de donner suite à votre amendement ; j'en demande donc le retrait.
L'amendement n° 3 rectifié , ayant reçu un avis défavorable du Gouvernement, est retiré.
Le code pénal permet de sanctionner des délits non intentionnels. Cela aurait dû conduire à la condamnation de M. Dupond-Moretti, mais la Cour de justice de la République en a décidé autrement. J'espère néanmoins que nous parviendrons à faire condamner les chefs d'entreprise qui laisseraient des discriminations être pratiquées au sein de leur entreprise.
D'après ce que vous affirmez depuis le début de la discussion, monsieur le rapporteur, vous souhaitez que cette loi soit efficace et fasse reculer les discriminations dans les entreprises. Compte tenu du niveau de sanction prévu à ce stade – 1 % de la masse salariale, c'est peu pour une grande entreprise –, je ne crois pas que l'on arrivera à grand-chose. Certaines entreprises jugeront moins coûteux de payer des amendes que de mettre fin aux discriminations.
Prouvez-nous que vous voulez véritablement faire reculer les discriminations ! Créons un nouveau délit : faisons en sorte que les chefs d'entreprise soient poursuivis et sanctionnés pénalement lorsque leur entreprise pratique une discrimination. Nous aurons ainsi un gage de votre bonne volonté. À défaut, je l'annonce d'emblée, je ne voterai pas en faveur de la proposition de loi.
J'ai le sentiment que nos échanges précédents sont passés par pertes et profits. En cas de « récidive », l'amende sera désormais de 5 % – et non 1 % – de la masse salariale. Un tel niveau de sanction est inédit dans notre droit, s'agissant d'une amende administrative.
Vous souhaitez alourdir les sanctions et proposez de créer un nouveau délit, fondé sur l'absence d'intentionnalité. L'article 223-1 du code pénal punit la mise en danger d'autrui, à savoir le fait « d'exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement ». Ces critères sont beaucoup plus exigeants que ceux qui figurent dans votre amendement, et le fait « d'exposer les personnes physiques à un risque de discrimination » n'a évidemment pas la même portée. Au demeurant, je n'ai pas besoin de faire la preuve de ma sensibilité à la question des discriminations.
Je suis disposé à poursuivre le débat sur la responsabilité des dirigeants d'entreprise, mais la démarche que vous proposez me semble un peu excessive ; votre amendement irait trop loin. L'avis est défavorable.
Le délit d'exposition au risque de discrimination que vous proposez de créer ne satisferait pas à l'exigence de précision de la loi pénale. Il apparaît même difficile de percevoir ce que signifie un risque de discrimination : s'agit-il de la seule présence, au sein de l'entreprise, de personnes appartenant à une minorité sexuelle ou religieuse ? Soit une discrimination existe, et elle doit être sanctionnée ; soit elle n'existe pas, et il est alors inopportun que l'on puisse invoquer une infraction. J'émets un avis défavorable.
L'amendement n° 62 n'est pas adopté.
L'amendement n° 65 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme la ministre déléguée, pour soutenir l'amendement n° 72 , tendant à supprimer l'article 4.
Il vise à lever le gage.
L'amendement n° 72 , accepté par la commission, est adopté ; en conséquence, l'article 4 est supprimé.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 183
Nombre de suffrages exprimés 183
Majorité absolue 92
Pour l'adoption 102
Contre 81
La proposition de loi est adoptée.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-huit heures trente, est reprise à dix-huit heures trente-cinq.
La parole est à M. Inaki Echaniz, rapporteur de la commission des affaires économiques.
Le logement est bien souvent devenu un outil d'optimisation fiscale et de rendement permettant une exonération exagérée de l'impôt. Dans les zones les plus tendues, de nombreux actifs ne peuvent plus vivre sur leurs lieux de travail et des entreprises déménagent faute de logements en nombre suffisant pour leurs salariés. Des soignants et des employés territoriaux sont contraints de dormir dans leurs voitures ou au camping durant l'été, tandis que l'appartement qu'ils occupaient est proposé sur un site de location de vacances. Des locataires en règle sont exclus de leurs logements afin de les transformer en meublés de tourisme. Des familles ne peuvent plus vivre là où elles ont grandi car la spéculation immobilière, qui a fait exploser les prix, transforme nos villes et villages en résidences de vacances. Dans des villes universitaires, le manque de logements étudiants est inversement proportionnel à l'augmentation du nombre de meublés de tourisme, tandis que 12 % des jeunes abandonnent leurs études sans solution de location.
Les élus locaux multiplient les appels à l'aide face au nombre croissant de demandes d'accès à un logement qu'ils reçoivent. Or, force est de constater que l'État encourage ce déséquilibre délétère et, ce faisant, entretient la crise du logement par des avantages fiscaux injustifiés et une absence de réglementation efficace.
Par cette proposition de loi transpartisane, nous avons tenté d'apporter une première solution à ces problèmes. Du Sud-Ouest à la Bretagne, du littoral à la montagne, des villes aux villages, ce texte a pour objectif commun d'encadrer les meublés de tourisme et de favoriser le logement permanent.
C'est un enjeu de justice sociale et fiscale mais aussi de cohésion des territoires, car ce phénomène ne touche pas que Biarritz, Saint-Malo, Marseille ou Paris. Il se propage partout, jusqu'à Bourges, Orléans ou Caen, tant ces opérations immobilières sont devenues lucratives.
Durant nos auditions, nous avons entendu le cri d'alarme de nombreux élus locaux, toutes tendances politiques et tous territoires confondus. Nous devons donc agir. Au lendemain du congrès des maires et présidents d'intercommunalité de France, ce texte entend enfin leur permettre de mettre en œuvre une politique du logement juste et équilibrée, au plus près des besoins de leurs populations et de leurs territoires. Tel est notamment l'apport de l'article 2 dont les dispositions – renforcement juridique du changement d'usage et possibilité d'instaurer des quotas – permettront à toutes les communes qui s'en saisiront de contenir la croissance du parc de meublés touristiques.
La location d'un meublé de tourisme offre certes un complément de revenu pour certains, mais elle participe surtout à l'augmentation des loyers, à l'impossibilité d'acheter pour les ménages de classes moyennes, à l'accroissement du mal-logement et à la précarisation des plus fragiles. Cette proposition de loi n'a pas pour objectif d'interdire les locations de type Airbnb, ni de déployer une réglementation drastique comme il en existe dans des États pourtant très libéraux, à l'image de New York, très récemment. Elle entend trouver un équilibre entre les activités touristiques saisonnières et la vie du territoire le reste de l'année.
C'est également dans un but de justice qu'à l'article 1er , nous proposons de soumettre les locaux de tourisme aux mêmes obligations de performance énergétique que les logements.
N'oublions pas que caractère culturel exceptionnel de nos territoires, qui fonde leur attractivité touristique, a été façonné et valorisé par plusieurs générations de femmes et d'hommes. Dès lors, le départ des habitants d'une commune signe la disparation d'une partie de sa mémoire vivante et de son identité.
Ces mêmes habitants permanents rendent possible la présence de services publics ou de commerces de proximité aujourd'hui menacés. Dans certains quartiers, ils sont pourtant évincés par la montée des prix et le développement de pratiques illégales. En effet, l'intérêt économique des meublés de tourisme forme un terreau d'insécurité pour les locataires, par l'intermédiaire de baux mobilité abusifs générant un double revenu issu de la location saisonnière et de la location de longue durée ; ou encore par de faux congés pour vente ou pour reprise.
La question de l'habitat est si importante qu'elle impose la primauté des mesures préventives sur les mesures curatives. Le logement n'est pas une marchandise comme une autre et ne doit pas être traité comme tel.
Je me réjouis que nous puissions travailler de concert, avec ma corapporteure Annaïg Le Meur, sur un texte commun, enrichi et renforcé par la commission à l'initiative de députés issus de divers groupes. Même s'il ne peut résoudre à lui seul l'ampleur de la crise en cours, ce texte est une première initiative qui permettra concrètement et rapidement aux Français de se loger dans des conditions dignes et durables.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et GDR – NUPES. – Quelques députés du groupe RE applaudissent également.
La parole est à Mme Annaïg Le Meur, rapporteure de la commission des affaires économiques.
Je suis heureuse d'examiner avec vous notre proposition de loi visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif en zone tendue. Ce sujet est majeur pour nos territoires, nos élus et nos concitoyens, tant est grave ma crise du logement que connaît notre pays. Le poids croissant des plateformes numériques et la multiplication des meublés de tourisme, qui s'est encore intensifiée depuis la crise sanitaire, en sont probablement les symptômes les plus visibles. Cette crise est cependant multifactorielle et nécessitera d'aller au-delà de cette proposition de loi, pour que chacune et chacun puisse, demain, accéder à un logement abordable, partout en France.
En quelques années, près d'un million de meublés de tourisme se sont substitués à des logements classiques destinés à l'habitat permanent. Aucun territoire n'est épargné. De la Bretagne au Pays basque en passant par la Corse, les métropoles, les zones littorales, insulaires, ultramarines et montagneuses, l'ensemble de notre pays est désormais confronté à ce phénomène.
Soyons clairs : l'objectif de cette proposition de loi n'est pas d'interdire l'usage des plateformes ni des meublés de tourisme. Au contraire, nous en avons besoin pour constituer une offre de tourisme adaptée et attractive sur l'ensemble de notre territoire. L'élue bretonne que je suis ne vous dira pas le contraire !
Les locations de courte durée ont certes permis de renforcer une offre touristique parfois insuffisante ou inexistante – et elles continueront de le faire là où nous en avons le plus besoin.
En revanche, le développement de l'immobilier touristique ne doit pas se faire au détriment de la location à l'année et de l'économie productive. Dans certains territoires, la proportion des meublés de tourisme est telle qu'elle transforme en profondeur nos villes et modifie durablement les équilibres économiques et sociaux.
Dans ma circonscription, les entreprises ne parviennent plus à recruter, faute de logements disponibles à l'année. Des villages entiers se vident sous le poids des meublés de tourisme, perdant leur identité et se transformant en villages de vacances. Telle n'est pas ma conception du vivre ensemble, ni de l'économie.
Nous devons garantir à nos territoires des bâtis de qualité, sur le plan environnemental. Or les locations de courte durée ne sont pas soumises au diagnostic de performance énergétique (DPE), contrairement à celles de longue durée : cela explique le développement d'une stratégie d'évitement à l'obligation de rénovation, en basculant vers la location de courte durée. Il convient de corriger ce point avant qu'il ne soit trop tard. C'est l'objet de l'article 1er .
Le texte que nous proposons va dans le sens d'une décentralisation réelle et audacieuse : les élus locaux disposeront d'une véritable boîte à outils, qu'ils pourront utiliser s'ils le souhaitent, pour agir au plus près du terrain. C'est l'objet de l'article 2, qui a été renforcé en commission par de nouveaux dispositifs.
Au-delà des instruments que nous mettons à la disposition des élus, ce texte traite de la fiscalité spécifique des meublés de tourisme, qui est à la fois inéquitable et inefficace puisqu'elle contribue à renforcer la tension locative dans des territoires où le manque de logements pèse déjà fortement sur la croissance. Elle contribue également à augmenter le prix des logements pour les habitants qui rencontraient déjà des difficultés à se loger à l'année.
Enfin, nous vous proposons d'engager un rééquilibrage de la fiscalité locative en faveur de la location de longue durée. Le compromis trouvé en commission permet de cranter cet objectif, sans affecter les finances publiques. La mission sur la refonte de la fiscalité locative, que la Première ministre a confiée à Marina Ferrari et à moi-même, afin de favoriser la location de longue durée, rendra ses conclusions au mois de mars, ce qui nous permettra de faire évoluer la proposition de loi au cours de la navette parlementaire.
Rien ne nous empêchera, par la suite, de proposer des dispositifs complémentaires pour favoriser l'investissement locatif de longue durée.
Toutefois, nous ne pouvons plus attendre. Car je ne sais pas expliquer à nos concitoyens, aux travailleurs et aux étudiants que nous continuons à encourager les locations touristiques de courte durée alors qu'ils n'arrivent plus à se loger. Je ne sais pas non plus expliquer aux entreprises qui rencontrent des difficultés de recrutement liées au manque de logements que nous préférons favoriser l'économie saisonnière à l'économie productive, au risque de sacrifier l'élan de réindustrialisation voulu par notre majorité. Enfin, je ne sais pas expliquer aux élus locaux qui nous alertent depuis des années que nous ne sommes pas en mesure de mobiliser, au niveau national, tous les leviers pour répondre à leurs attentes.
En revanche, je sais expliquer à nos concitoyens, à mes collègues et au Gouvernement, qu'il est temps d'agir. Cette proposition de loi dépasse les clivages politiques traditionnels et répond à une véritable attente du terrain. Ce combat n'est ni personnel ni partisan, mais collectif ; nous le menons depuis des mois, avant tout pour nos élus locaux, pour nos territoires et pour nos concitoyens. J'espère que ce soir, nous serons à la hauteur de l'enjeu.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR et sur quelques bancs du groupe SOC ainsi que sur les bancs des commissions.
Je souhaite, comme je l'ai fait en commission, rappeler trois principes essentiels que je garde constamment à l'esprit en tant que ministre du logement.
Premier principe : le logement n'est pas un bien comme les autres. Nous ne pouvons le laisser aux seules lois du marché, parce qu'il répond à un besoin essentiel, d'une part, et parce qu'il est ancré dans les territoires, et donc sur le foncier, d'autre part. Le marché de l'habitat doit donc être régulé, tant sur le plan national que local, avec tous les outils dont dispose la puissance publique, au premier rang desquels la norme et la fiscalité.
Deuxième principe : ces outils doivent pouvoir être différenciés selon les territoires. La présente proposition de loi l'illustre particulièrement, en confiant différentes possibilités de régulation à la main des élus, sans les imposer de manière uniforme sur tout le territoire, et je m'en réjouis.
Troisième principe : le logement doit être accessible. Sans instruments de régulation, les élus, dont les maires au premier chef, assistent impuissants à des variations de prix tant à l'achat qu'à la location, en fonction de l'offre et de la demande. Lorsque les demandes sont excessives, elles sont susceptibles de déséquilibrer le marché. En tant que députés, sans doute recevez-vous régulièrement dans vos permanences des personnes à la recherche d'un logement, alors même qu'elles disposent d'un travail et d'un salaire.
C'est une réalité : hier, il était possible de rembourser un prêt en cinq à dix ans tandis qu'aujourd'hui, même avec des salaires supérieurs au salaire médian en France, peu de personnes empruntent sur moins de vingt ans, tout en devant accepter un taux d'effort souvent égal à 30 %, voire 35 %. C'est donc toute une population qui est concernée par les difficultés à se loger.
Le succès rapide rencontré par les plateformes internet de location de courte durée s'est traduit par une envolée du nombre de logements mis en location touristique.
Cela a commencé par les zones touristiques, puis les métropoles et désormais une grande partie du territoire national. La France est ainsi la seconde destination mondiale sur Airbnb.
L'une des conséquences de cet engouement massif a été, sans nul doute, la forte diminution du parc d'habitations à vocation de résidence principale, qui a aggravé les déséquilibres locaux entre offre et demande et participé in fine à la hausse des prix, qui entraîne elle-même nombre d'effets sociaux, parfois désastreux, que vous connaissez bien.
Depuis plusieurs années, de nombreux élus locaux tirent la sonnette d'alarme et réclament l'instauration d'un dispositif de régulation puissant, à même de limiter, voire de contrer, cette expansion inédite du parc de logements touristiques de courte durée.
Une réglementation relative au changement d'usage, définie principalement dans le code de la construction et de l'habitation, existe pourtant. Elle permet aux communes, sous réserve de respecter certaines conditions, de se doter d'un dispositif d'enregistrement des demandes de changement d'usage visant à mettre en location de courte durée des logements, et d'instaurer un dispositif d'autorisation de changement d'usage temporaire ou définitif, subordonné, le cas échéant, à une compensation sous la forme de la transformation concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage.
Toutefois, l'application de cette réglementation par les collectivités locales se heurte, sur le terrain, à de nombreuses difficultés d'ordre pratique et juridique. Les contentieux visant à annuler les règlements institués localement se multiplient, à l'image de ceux concernant Saint-Malo ou Val d'Europe à Marne-la-Vallée.
Par ailleurs, la réglementation ne permet pas, en l'état, d'agir sur le nombre de meublés touristiques dans le territoire. Des travaux ont été engagés depuis deux ans, sous l'égide du Gouvernement et en lien avec les collectivités locales, afin d'identifier les difficultés d'application rencontrées par les acteurs locaux et de proposer une amélioration des dispositifs.
La présente proposition de loi transpartisane prévoit un ensemble de mesures législatives qui visent à moderniser, à améliorer et à renforcer le régime du changement d'usage. Comme je l'ai dit à de multiples reprises dans les médias au cours des dernières semaines, je me réjouis de l'arrivée devant le Parlement de ce texte, qui répond pleinement aux attentes des élus de tous bords confrontés sur le terrain à ces difficultés.
Ce débat s'engage parallèlement au démarrage d'une mission confiée par la Première ministre aux députées Annaïg Le Meur et Marina Ferrari, portant sur la fiscalité locative.
Elles formuleront dans leur rapport des préconisations en matière d'évolution de la fiscalité pour tous les loueurs de biens, afin d'avoir une vision d'ensemble des enjeux liés à ces changements et de rééquilibrer la fiscalité locative entre la location de courte durée et celle de longue durée, au profit de cette dernière.
Ces préconisations auront vocation à être présentées devant le Parlement pour être intégrées par voie législative.
La version initiale de la proposition de loi a fait l'objet de très nombreux amendements parlementaires visant non seulement à l'élargir, à l'enrichir, voire à la durcir sur certains points, mais également à la sécuriser sur le plan juridique.
Les députés se sont prononcés une première fois en commission : le texte qui vous est soumis résulte donc déjà de débats et d'échanges nourris entre les pouvoirs et les acteurs concernés.
Certains amendements ont d'ailleurs été votés contre l'avis du Gouvernement, pour aboutir au texte que vous vous apprêtez à examiner et sur lequel de nombreux amendements ont encore été déposés depuis la réunion de la commission. Je souhaite vivement que le débat qui s'ouvre soit constructif, pour que vous parveniez à rédiger une loi efficace, proportionnée et adaptable aux différents enjeux des territoires.
Qu'est-ce qu'une loi efficace, me direz-vous ? Pour le sujet qui nous occupe – car je n'aurais pas la prétention de répondre de manière générale à la question –, c'est une loi qui crée un dispositif d'ensemble cohérent en vue de limiter efficacement sur le terrain le développement de l'offre de locations touristiques, voire de le bloquer.
Première amélioration apportée par la proposition de loi : la généralisation du numéro d'enregistrement pour tous les meublés touristiques, dès lors que la plateforme nationale sera opérationnelle.
Cette mesure, qui peut paraître a priori technique, permettra aux collectivités locales et à l'État de mesurer l'évolution du nombre de meublés et de locations touristiques proposés par les plateformes en ligne, au moyen d'un système national mis à leur disposition. Grâce à ces données, il sera possible pour une commune d'anticiper et de prévenir une éventuelle hausse préjudiciable du nombre des meublés de tourisme, par la mise en place ou la modification du règlement de changement d'usage, lorsqu'il aura été instauré. Je sais à quel point cette notion de prévention est chère à M. le rapporteur et je partage pleinement sa vision. La transmission des données permettra de mieux contrôler le respect, par les propriétaires, de la réglementation, s'agissant notamment des locations concernant des résidences principales.
Deuxième amélioration majeure : l'application des obligations de rénovation énergétique aux meublés touristiques…
…réduira considérablement les phénomènes de bascule de logements locatifs à titre de résidence principale vers le parc de locations touristiques, en mettant sur un pied d'égalité ces deux usages en matière de décence énergétique. En outre, elle contribuera de manière évidente à notre combat, commun à tous, contre le réchauffement climatique. Je suis convaincu que cette nouvelle obligation permettra d'augmenter l'offre de logements locatifs à titre de résidence principale, tout en laissant les territoires qui ne connaissent pas de problème majeur d'offre dans ce domaine libres d'instaurer, ou non, le changement d'usage.
Troisième évolution importante : la création de quotas d'autorisations de changement d'usage temporaire, qui permettra une réelle régulation du développement des locations touristiques et qui répond aux difficultés rencontrées sur le terrain par des communes telles que Saint-Malo.
Enfin, dernier apport précieux : la possibilité d'instaurer une servitude de résidence principale en zones tendues, dans les communes qui comportent plus de 20 % de résidences secondaires, soit le double de la moyenne française. Les communes pourront définir des secteurs dans lesquels les programmes de construction devront rester durablement affectés à des logements à vocation de résidence principale.
Qu'est-ce qu'une loi proportionnée ? Le Gouvernement a le souci de permettre à ses citoyens d'évoluer dans un cadre normatif stable, qui leur permet de se projeter dans l'avenir avec un minimum de sérénité et de visibilité. Par ailleurs, s'agissant d'une proposition de loi qui, de fait, porte atteinte au droit du propriétaire à disposer librement de son bien, nous devons rester très attentifs à proportionner cette atteinte au regard de l'objectif d'intérêt général recherché.
Prenons le cas particulier de la décence énergétique. L'analyse juridique de l'administration nous conduit à défendre un dispositif d'adossement, tel qu'il vous est proposé dans ce texte, de l'obligation de décence énergétique à la procédure de changement d'usage, sans exception. Les élus locaux qui ne souhaitent pas mettre en place ces obligations énergétiques désormais liées au changement d'usage le pourront, en n'instaurant pas le changement d'usage. Un dispositif à la carte nous paraît présenter trop de fragilités juridiques, ce qui explique l'avis défavorable que nous émettrons sur les amendements qui visent à établir une dissociation entre le changement d'usage et les objectifs de performance énergétique.
De même, il ne nous semble pas proportionné d'appliquer des obligations de rénovation énergétique sous cinq ans aux propriétaires de meublés de tourisme qui sont déjà munis d'une autorisation définitive. J'ajoute que cette mesure nous paraît juridiquement fragile. Je suis convaincu qu'il est plus pertinent, le cas échéant, d'instituer un calendrier adapté, qui permette aux propriétaires concernés de se conformer à cette nouvelle norme. Cela me paraîtrait être un outil proportionné aux objectifs que nous cherchons tous à atteindre. En conséquence, nous souhaitons, sur la base d'analyses juridiques plus poussées, proposer des évolutions à ce texte, lors de son passage au Sénat.
Pour la servitude de résidence principale, mesure que je salue, le principe de proportionnalité est essentiel. Je soutiens son applicabilité dans les zones tendues et dans les communes qui comprennent plus de 20 % de résidences secondaires – rappelons que le taux moyen de résidences secondaires est de 8 % au niveau national. Du fait de l'atteinte très importante au droit de jouir librement de sa propriété, cette servitude ne saurait être créée partout sans être dûment justifiée par un motif d'intérêt général supérieur. C'est la raison pour laquelle nous émettrons un avis défavorable aux amendements qui visent à élargir la possibilité d'instituer cette servitude sans respect de ces deux critères que sont les zones en tension et le taux de résidences secondaires – j'insiste fortement, de nouveau, sur la recevabilité juridique d'une telle proposition.
La mesure que la commission a adoptée visant à permettre aux collectivités de fixer un plafond de nuitées compris entre 90 et 120 jours pour les locations touristiques de courte durée nous paraît également proportionnée. Un abaissement plus important du nombre de nuitées aurait pu être considéré comme trop attentatoire à la liberté de disposer de son bien.
Enfin, qu'est-ce qu'une loi adaptable ? C'est une loi qui laisse aux élus la possibilité de déployer les outils en fonction des enjeux de leur territoire. Désormais, toute collectivité pourra mettre en place un régime de changement d'usage, si elle le souhaite. Ce régime sera de droit en zone tendue et devra être motivé dans les autres territoires. Les compensations sur les autorisations de changement d'usage définitives ou les quotas pour les autorisations de changement d'usage temporaires pourront être définis librement par chaque commune, dans le respect de la proportionnalité que je viens de mentionner.
L'adaptation des politiques publiques aux territoires est un principe que je défends en tant que ministre et auquel je suis très attaché.
En ce qui concerne les politiques du logement, administrer depuis Paris n'est ni efficace ni proportionné.
Plus que jamais, les marchés du logement et les enjeux liés à l'habitat sont locaux. C'est pourquoi les élus des territoires doivent disposer des leviers nécessaires pour agir. Globalement, la présente proposition de loi est faite par et pour tous les territoires, et je m'en réjouis.
Je conclurai en disant quelques mots sur la réforme fiscale proposée par les articles 3 et 4 de la proposition de loi.
Le Gouvernement en est convenu à travers la voix de plusieurs ministres, dont la mienne : une réforme de la fiscalité locative des bailleurs privés est nécessaire, dans le but de rééquilibrer la fiscalité en faveur de la location de longue durée et de mettre fin à des niches fiscales jugées injustifiées.
N'oublions pas, tout de même, que la France est la première destination touristique du monde !
C'est une question de justice fiscale. Toutefois, la fiscalité est un sujet épineux : déplacer un curseur peut entraîner des conséquences en chaîne non maîtrisées. De plus, différents régimes, tels que le micro-BIC – bénéfices industriels et commerciaux – et le réel, cohabitent. Modifier l'un sans toucher l'autre peut se révéler inefficace.
Faisons preuve de prudence en nous penchant sur le sujet. Une mission parlementaire a été confiée aux députées Mmes Annaïg Le Meur et Marina Ferrari, afin d'analyser sereinement les tenants et les aboutissants des changements à apporter à la fiscalité locative, au-delà de la question des meublés de tourisme. Ces travaux nourriront cette proposition de loi et éclaireront in fine la décision des parlementaires.
Une loi efficace, une loi proportionnée, une loi qui tient compte des spécificités des territoires : voilà le cap que je vous propose.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Depuis plusieurs années, les textes se succèdent en vain pour tenter de pallier les dérèglements liés au marché de la location de courte durée. En effet, les déséquilibres demeurent et l'action publique en faveur de la maîtrise des prix du logement en zone tendue peine à porter ses fruits.
Nous en constatons régulièrement les conséquences dans nos circonscriptions, que ce soit en matière de tensions sociales ou de difficultés de recrutement, notamment des saisonniers.
Ce texte, qui aborde la problématique du logement de manière très limitée, ne saurait résoudre ces difficultés qui résultent d'erreurs stratégiques du Gouvernement.
Nous avons besoin de mesures structurelles. En effet, la crise du logement exige des mesures d'urgence, fortes et immédiates, pour l'ensemble du secteur.
Il s'agit d'un enjeu crucial pour les Français, les collectivités territoriales et notre économie. Je me félicite à ce propos que les députés Les Républicains aient permis de lever la procédure de législation en commission et que nous puissions prendre le temps d'examiner cette proposition de loi en séance.
En effet, bien que considérée comme transpartisane, cette proposition de loi ne l'est pas.
Bien sûr ! Elle est même approuvée par des maires LR comme celui de Saint-Malo !
Le débat sur ce sujet mérite d'être prolongé. En tout, 124 amendements ont d'ailleurs été déposés par tous les groupes politiques.
La réponse à la crise du logement, en particulier en zone tendue, exige un juste équilibre : d'un côté, le maintien du tourisme, un secteur économique indispensable à l'attractivité, à l'emploi et à l'économie des territoires ; de l'autre, la nécessité de permettre à ceux qui y vivent et qui y travaillent d'y habiter de façon pérenne et dans des conditions acceptables.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Malgré les travaux de la commission qui ont permis de corriger certaines fragilités juridiques, cette proposition de loi n'est pas à la hauteur de cette exigence.
Et pour cause : l'obligation du DPE, dans des délais difficilement soutenables, ne permettra ni de créer des logements permanents ni d'accéder à la transition énergétique.
Nous nous dirigeons vers un problème majeur de pénurie de logements disponibles. Cette disposition risque au contraire d'affaiblir le marché de la location touristique, ce qui affectera les capacités d'accueil des destinations, sans faire diminuer les tensions sur le logement.
À cet égard, la nouvelle rédaction de l'article 1er n'en corrige pas toutes les lacunes.
Par exemple, l'instauration de la procédure d'enregistrement et du téléservice prendra du temps. Elle ne sera pas opérationnelle dès la promulgation de la loi. Je proposerai d'ailleurs un amendement tendant à lever certaines ambiguïtés, notamment sur cette obligation d'enregistrement.
Quant aux mesures fiscales prévues aux articles 3 et 4, elles ne sont pas acceptables en l'état.
Je pense notamment à la diminution des abattements fiscaux sur les loueurs des meublés touristiques qui affectera en particulier les petits propriétaires.
Modifier ces conditions fiscales pourrait mettre en péril la viabilité financière de leurs investissements et déstabilisera le marché.
Au reste, nous devons attendre les conclusions de la mission d'information sur la fiscalité du logement, qui seront rendues en février 2024, et qui permettront notamment de formuler une réponse territorialisée à cette question.
D'ailleurs, le rapporteur général du budget a déposé un amendement pour supprimer l'article 3. Quelle cohérence dans cette majorité !
En outre, les solutions fiscales proposées sont différentes de celles introduites par le Gouvernement dans le cadre du PLF 2024. Elles conduiraient à une incohérence législative et brouilleraient la lisibilité de la loi.
Il faudrait vous mettre d'accord avec les sénateurs LR. Ils en pensent quoi ?
Enfin, l'article 3 se fonde sur un classement touristique qui n'existe plus depuis 2008. La liste de communes classées stations de sport d'hiver et d'alpinisme n'existe plus.
Légiférer sur de telles bases est irresponsable.
À l'instar de la proposition de loi de notre collègue Thibault Bazin, portant mesures d'urgence pour remédier à la crise du logement, la priorité doit être de relancer la construction et de réhabiliter des logements vacants.
C'est la raison pour laquelle vous l'avez mise en neuvième position de la niche parlementaire LR !
Agissons par des mesures viables et structurelles, sans renoncer à nos exigences en matière de développement durable, de justice sociale et d'attractivité touristique des territoires.
Dans un esprit de responsabilité, le groupe Les Républicains se prononcera en fonction des amendements qui seront adoptés au cours des débats.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
J'ai le numéro de Gilles Lurton, si vous voulez. Max Brisson et lui vous écoutent attentivement !
Les Français n'ont jamais éprouvé autant de difficultés à se loger. La construction de logements neufs s'effondre, tandis que l'offre reste inférieure à la demande dans les zones tendues et que la liste des demandeurs d'un logement social s'allonge. L'horizon de l'accession à la propriété s'éloigne peu à peu pour la majorité des primo-accédants.
Les chiffres sont dramatiques : outre la chute historique du pouvoir d'achat immobilier – depuis 2022, 18 mètres carrés ont été perdus dans le cadre d'une acquisition –, plus de 2,4 millions de ménages sont dans l'attente d'un logement social. La France compte 3 millions de logements vacants, alors que 12 millions de Français sont touchés par le mal-logement.
Le logement reste le premier poste de dépenses pour les foyers les plus modestes, dépassant 40 % du revenu des locataires dans certaines métropoles comme Paris. Enfin, plus dramatique encore, le nombre de sans-abri a doublé en dix ans : 330 000 personnes sont désormais concernées. Voilà le bilan de votre majorité !
Contrairement aux déclarations du Gouvernement, la crise du logement que nous traversons n'a pas pour seule origine la conjoncture, la remontée des taux d'intérêt ou l'inflation, qui affectent la construction. La vision idéologique d'Emmanuel Macron porte une lourde responsabilité dans la situation que subissent les Français.
Parce que vous n'êtes pas des idéologues !
Depuis 2017, les budgets consacrés à la politique du logement ont été rabotés de 15 milliards d'euros, entraînant la baisse des APL – aide personnalisée au logement –, la quasi-suppression des APL accession, une restriction du PTZ – prêt à taux zéro –, le maintien d'un dispositif d'investissement Pinel dans le neuf sans grande ambition, et des coupes dans le financement du logement social.
Vous voulez maintenir ce qui provoque la crise !
À ces rabots successifs s'ajoute la multiplication des normes environnementales qui contribue à la raréfaction du foncier par l'instauration du zéro artificialisation nette (ZAN), et à l'augmentation des coûts de construction du fait de la RE2020 – réglementation environnementale 2020.
La suppression de la taxe d'habitation achève de décourager les maires bâtisseurs qui redoutent d'accueillir de nouveaux habitants sur leur commune, dans un contexte budgétaire contraint. Dans ce climat hautement défavorable, la livraison de logements neufs s'est effondrée à son pire niveau, pour atteindre selon les projections 250 000 en 2024.
Voilà des propos totalement incohérents !
C'est parfaitement cohérent, monsieur le ministre délégué : après avoir sinistré le marché du neuf alors que nous devons construire massivement, le Gouvernement a élargi les hostilités au parc ancien en interdisant progressivement depuis le 1er janvier 2023 la location de logements présentant une note de DPE dite dégradée.
Cette mesure entraîne le retrait d'un nombre important de logements du marché locatif, aggrave la crise et prépare un transfert massif de propriété des petits propriétaires, qui ne peuvent assumer les travaux sont contraints de vendre leurs biens à la décote ou à casse, vers les foncières institutionnelles. Soyez assurés que nous nous battrons pour dénoncer ce projet de remplacement des propriétaires français au profit de la finance, que vous organisez !
M. le ministre délégué s'esclaffe.
Depuis le début du premier quinquennat d'Emmanuel Macron, aucune politique d'aménagement du territoire visant à desserrer la pression foncière dans les zones tendues n'a été entreprise. La proposition de loi défendue par la majorité prétend ainsi remédier à la crise du logement qu'elle a elle-même fabriquée. Plutôt que de remettre profondément en question votre stratégie, vous voulez faire porter la responsabilité de cette crise aux petits propriétaires. Vous voulez nous faire croire que la location saisonnière est à elle seule responsable de ce fiasco. C'est un mensonge.
En effet, personne n'a dit ça !
Vous prétendez avoir consulté largement. Nous constatons que ce sont avant tout vos amis élus de gauche…
…dans les villes du littoral atlantique ou à Paris et le monde institutionnel qui ont contribué à la construction de cette loi. Le littoral méditerranéen, notamment languedocien,…
…marqué par la spécificité des stations balnéaires, comme dans ma circonscription dans l'Aude, a été méprisé.
Vous êtes restés dans l'entre-soi en oubliant de consulter les citoyens Français, les petits propriétaires, ceux qui seront directement pénalisés par la hausse de la fiscalité que vous leur préparez.
Cette majorité se prétend libérale, mais ce texte n'est qu'un condensé de vieilles mesures socialistes…
…imposant la multiplication de normes et une hausse des impôts, comme seules réponses à la crise du logement.
Après tout, il a été corédigé par le Parti socialiste avec l'appui du ministre délégué chargé du logement, lui-même un ex-socialiste.
Sérieusement, c'est l'hôpital qui se moque de la charité ! Après avoir bloqué le blocage des prix ! Les marxistes, c'est vous !
Les Français ne supportent plus votre absence de vision, ce logiciel de pensée étriqué, cette inflation législative concoctée par de petits technocrates gris, s'évertuant à créer toujours plus de contraintes, de normes et de taxes.
Vous l'aurez compris : nous sommes farouchement opposés à cette proposition de loi au titre trompeur et aux dérives idéologiques d'une majorité alliée à la NUPES, dans sa guerre contre les petits propriétaires.