La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quatorze heures.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Mercredi dernier, lors de sa conférence de presse, le Président de la République a longuement évoqué « nos compatriotes qui gagnent déjà trop pour être aidés et pas assez pour bien vivre, la France populaire, la France des classes moyennes, celle qui dit : "Quand vous proposez quelque chose, ce n'est jamais pour moi". Et pourtant, c'est celle qui tient le pays. » Le constat est juste, mais il aura fallu sept ans au Président pour comprendre le drame que connaît notre pays : l'impossibilité pour les Français qui travaillent dur de vivre correctement et de faire vivre décemment leur famille grâce aux revenus de leur travail. Sept ans pour se rendre compte que dans notre pays, des millions de Français ne vivent pas mieux en travaillant que s'ils restaient à la maison. Sept ans d'aveuglement et bien souvent de mépris pour la majorité silencieuse.
Ces Français qui « tiennent le pays » sont assommés par l'inflation galopante. Chacun s'en rend compte en remplissant son caddie de courses ou son réservoir de carburant.
Le prix des produits de grande consommation alimentaire – produits essentiels – a augmenté de 24,8 % depuis janvier 2022, comme le révèle UFC-Que choisir. Et ce n'est pas fini, car en ce début d'année, le Gouvernement a décidé d'aggraver les choses en infligeant une nouvelle taxe aux Français : la hausse de 9,8 % du prix de l'électricité.
Exclamations sur quelques bancs du groupe RE.
Lorsqu'on gouverne, il y a la parole, mais il y a surtout les actes. Vous prétendez vouloir protéger les classes moyennes, mais dans les faits, vous réinstaurez la taxe sur la consommation finale d'électricité. Alors que les Français n'ont jamais été autant en difficulté, alors qu'ils ont multiplié les efforts pour diminuer leur consommation électrique, leurs factures énergétiques n'auront jamais été aussi élevées. C'est le résultat de décisions politiques graves, celles de votre gouvernement.
Monsieur le ministre, allez-vous enfin prendre conscience des difficultés de ces millions de Français ? Êtes-vous prêt à annuler cette hausse scandaleuse du prix de l'électricité ? Qu'allez-vous faire concrètement pour améliorer le pouvoir d'achat des Français, et pour passer de la parole aux actes ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.
Pour répondre à votre question, monsieur Minot, le ministre de l'économie est en déplacement avec le Président de la République ; cet impératif était connu de tous.
Protestations sur les bancs du groupe LR.
Dès le début de la crise, la majorité présidentielle a protégé les Français…
…en créant un bouclier tarifaire, afin qu'ils ne subissent pas la hausse massive des factures d'électricité qu'ont connue tous nos voisins européens en 2022 et 2023. Sans l'action du Gouvernement, le tarif réglementé de vente d'électricité aurait doublé. L'État a pris en charge plus de la moitié de la facture des Français.
Nous continuons à agir massivement sur le prix de l'électricité en 2024 : la taxe sur l'électricité est maintenue en dessous du niveau d'avant la crise, et le chèque énergie est prolongé pour les ménages les plus fragiles ; par ailleurs, l'amortisseur électricité, le plafonnement du prix de l'électricité pour les très petites entreprises (TPE) et les aides aux entreprises ayant signé des contrats au pire moment de la crise sont maintenus.
Nous agissons également à long terme pour que les prix appliqués en France restent durablement les moins chers d'Europe, comme c'est le cas actuellement. Cela passe par la relance de la production nucléaire, la hausse de la production d'énergies renouvelables, le plan de sobriété énergétique et la réforme du marché européen de l'électricité.
Je ne regrette pas l'absence de M. Le Maire, Mme Thevenot lit aussi bien que lui !
Vous ne semblez pas m'écouter, preuve que ces sujets vous intéressent malheureusement trop peu. Peut-être pourriez-vous aussi demander à vos collègues du Sénat, où votre famille politique est majoritaire, pourquoi lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2024, ils ont demandé la suppression massive et brutale du bouclier tarifaire.
Si leur amendement avait été adopté, le tarif de l'énergie n'aurait pas augmenté de 8 %, mais de 15 %.
Le prix de l'électricité croît de 10 %, alors que le Smic n'augmente que de 1,14 % : voilà comment vous agissez pour la France qui travaille !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Ma question s'adresse à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Depuis le 1er janvier 2024, le dispositif d'aide aux travaux de rénovation énergétique MaPrimeRénov' bénéficie d'une enveloppe de 1,6 milliard d'euros supplémentaires, mais comporte surtout de nouvelles règles plus contraignantes, sources d'inquiétude pour de nombreux artisans et petites entreprises du bâtiment. Cette actualisation s'inscrit dans la volonté du Gouvernement d'accélérer la transition énergétique des logements en favorisant les travaux de rénovation d'ampleur. Cela se traduit par un recentrage des aides sur des bouquets de rénovation en vue d'atteindre 200 000 rénovations globales en 2024.
Les associations et les fédérations d'artisans et de petites entreprises du bâtiment, que j'ai rencontrées récemment dans ma circonscription, en redoutent les conséquences. En effet, les rénovations globales sont très contraignantes pour les logements occupés, et les restes à charge sont élevés compte tenu du montant des travaux. Mais ce qui les inquiète le plus, ce sont les nouvelles obligations pour les entreprises pouvant mener les travaux : elles doivent désormais détenir le label Reconnu garant de l'environnement (RGE), agrément complexe à obtenir, surtout pour les petites structures. Ces professionnels craignent que les grands groupes à dimension régionale voire nationale soient favorisés sur le marché, à leur détriment. Dans un contexte de marché déjà difficile, ils ont adressé un courrier à l'ancienne Première ministre, Élisabeth Borne, pour l'alerter sur cette situation et pour lui soumettre des propositions alternatives concrètes visant à ne pas exclure les 600 000 artisans et PME concernés. Par exemple, à la place de la certification RGE, ils proposent qu'une fois les travaux effectués par l'entreprise, une certification de fin de chantier atteste leur conformité. Quels éléments pouvez-vous apporter à ces artisans et à ces entreprises pour lever leurs inquiétudes ?
Applaudissements sur les bancs du groupe HOR. – Mme Emmanuelle Anthoine applaudit également.
La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Les bâtiments représentent 20 % de nos émissions de CO
Les modifications qui ont été apportées il y a quelques jours à MaPrimeRénov' ont un double objectif : poursuivre massivement l'augmentation des rénovations énergétiques et améliorer leur qualité. Au-delà de notre objectif de 700 000 rénovations par an – soit une multiplication par dix par rapport à la situation antérieure –, nous souhaitons augmenter la part des rénovations performantes.
Les deux nouveaux piliers – efficacité et performance – qui ont été instaurés le 1er janvier 2024 visent donc à accroître les rénovations performantes, en particulier grâce à la systématisation du dispositif MonAccompagnateurRénov'.
Ils cherchent un chef de bureau à l'Agence de la transition écologique !
Le courrier du président de la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb), auquel vous avez fait allusion, a retenu mon attention en qualité de ministre, ainsi que celle du nouveau Premier ministre, Gabriel Attal, dans un contexte où le Président de la République appelle à une simplification des dispositifs.
Vous avez évoqué les groupements momentanés d'entreprises, qui permettent à des artisans de répondre collectivement aux appels d'offres pour ne pas laisser les marchés aux grands groupes, et les pistes de simplification du RGE. Je vous annonce qu'au cours du mois de février,…
…je réunirai, au ministère, un comité de suivi de la rénovation énergétique avec l'ensemble des forces vives, notamment les artisans
M. Jean-Paul Lecoq s'exclame
pour étudier les simplifications possibles…
…et la façon dont nous pouvons faciliter la vie des premiers concernés, tout en maintenant le rythme de la transition écologique.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et HOR.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer. Je tiens d'abord à saluer le travail remarquable des forces de l'ordre, qui œuvrent chaque jour à la protection des Français. Le chaos sécuritaire s'accentue toujours plus, avec des chiffres vertigineux : en 2023, 1 000 agressions par jour. Le chaos sécuritaire tue jusqu'aux agriculteurs qui manifestent légitimement – je veux ici leur rendre hommage. La délinquance se répand jusqu'au plus petit des villages. Dans mon département, l'Aube, les cambriolages ont explosé de 200 % fin 2023. Il y a deux jours encore, un tabac se faisait braquer à Bar-sur-Aube, dans mon territoire.
Cette insécurité est un véritable fléau ; elle menace les Français qui travaillent chaque jour et se voient voler leurs biens et leur intimité. C'est le résultat de votre politique laxiste : Dupond-Moretti, Darmanin, même constat, même échec, rien ne change. En guise de remerciements, vous avez été reconduits dans vos ministères : c'est ce qu'on appelle la prime à l'incompétence !
M. François Cormier-Bouligeon s'exclame.
Votre volonté politique est nulle. Combien d'individus sont trop vite relâchés et passent plus de jours à récidiver qu'en prison ? La peur doit changer de camp ! M. Darmanin dit aimer terminer le travail commencé, mais il n'a rien commencé. Les obligations de quitter le territoire français (OQTF) ? Elles sont neuf sur dix à ne pas être appliquées, ce qui nous met en danger – nous l'avons encore vu hier. La lutte contre les agressions ? Il s'en produit une toutes les quarante-quatre secondes. L'expulsion des clandestins ? Ils sont presque 1 million sur notre territoire, selon votre ministère.
M. Darmanin a trahi sa famille politique pour rejoindre le candidat du vide ; mais le vide, c'est l'ensemble de votre gouvernement.
Ma question est simple : allez-vous enfin commencer quelque chose pour protéger les Français ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des relations avec le Parlement.
Je vous prie d'excuser l'absence de M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer, Gérald Darmanin.
Pour répondre à votre question, qui était, somme toute, une mise en accusation du Gouvernement, je rappellerai que dans votre département de l'Aube, la lutte contre les cambriolages – qui est une des priorités du ministre de l'intérieur et des outre-mer – s'est considérablement améliorée grâce à la mobilisation exceptionnelle des policiers, des gendarmes et des magistrats.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Grâce à cette mobilisation, nous avons réussi à inverser la tendance. Alors que la hausse des cambriolages était très forte en 2022, à 11 %, elle n'était plus que de 3 % l'année dernière. Surtout, les cambriolages ont diminué lors des derniers mois de l'année 2023 : leur nombre total était en baisse de 2 % par rapport au trimestre précédent.
« Ah ! » sur les bancs du groupe RN.
Il faut reconnaître cet effort important aux policiers et aux gendarmes qui, dans les départements, ont bénéficié du plan national de sécurisation renforcée à compter de septembre 2022.
Les cambriolages sont en baisse, alors qu'ils avaient augmenté fortement en 2022. Quelques exemples emblématiques témoignent de cette lutte : - 6 % dans les Bouches-du-Rhône, - 14 % en Loire-Atlantique et - 20 % dans le Rhône. Paris et sa petite couronne connaissent une baisse de 1 % ; c'est encore insuffisant, mais nous y travaillons.
J'en viens à votre département de l'Aube. Entre 2017 et 2022, les cambriolages de logements y ont diminué de 6 %. Cela a été rendu possible, entre autres facteurs, par la hausse de 4 % des effectifs de la direction départementale de la police nationale (DDPN) entre 2017 et 2023 – résultat des décisions prises dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur. Outre les actions visant à lutter plus efficacement contre les cambriolages, je tiens à mentionner le recrutement massif d'effectifs et la création de nouvelles unités de force mobile de gendarmerie. Les 239 brigades de gendarmerie permettront…
Mme la présidente coupe le micro de l'oratrice, dont le temps de parole est écoulé. – Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Vous nous parlez d'une baisse de la hausse, madame la ministre ; en d'autres termes, la hausse continue ! Votre bilan est calamiteux en matière de sécurité. Les Français vous sanctionneront dans les urnes le 9 juin prochain.
Ma question s'adresse au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Dimanche, celui-ci a annoncé une hausse des tarifs réglementés de vente de l'électricité le 1er février, de 8,6 % pour le tarif de base et de 9,8 % pour les usagers en heure creuse, alors même que les prix de gros de l'électricité ont baissé de 30 % au dernier semestre. Cette augmentation a pour seule explication la volonté du Gouvernement de relever la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE). Depuis 2022, les Français ont vu leur facture d'électricité flamber de 43 % – 43 % ! –, alors que l'électricité consommée en France, très largement décarbonée, est, quoi qu'on en dise, peu dépendante des aléas géopolitiques qui affectent les cours des énergies fossiles. Tandis que 12 millions de nos concitoyens sont déjà confrontés à la précarité énergétique, cette nouvelle hausse relève du racket pur et simple.
C'est une hausse de taxe ! Cela n'a rien à voir avec le prix de l'électricité !
Les récents travaux du conseil social et économique central (CSEC) d'EDF démontrent qu'une réforme du calcul des tarifs réglementés reprenant simplement les principes de péréquation tarifaires et d'empilement des coûts de production permettrait, à elle seule, de réduire la facture des usagers de 20 %, tout en finançant les six nouvelles tranches des réacteurs pressurisés européens (EPR) que vous appelez de vos vœux ou des investissements massifs d'amélioration des performances énergétiques de l'habitat, que j'appelle des miens.
L'échec de la libéralisation du marché européen de l'énergie est patent. Sa réforme, actée le 17 octobre, n'y changera rien. Alors, monsieur le ministre, au nom du groupe Gauche démocrate et républicaine et au nom des millions de Français qui se serrent la ceinture, je vous demande de renoncer à cette hausse irresponsable et d'engager le chantier d'une reprise en main publique de ce bien vital.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES et sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.
Monsieur Bénard, permettez-moi tout d'abord de saluer votre arrivée et de vous souhaiter la bienvenue dans ce bel hémicycle de l'Assemblée nationale ,
Applaudissements sur tous les bancs
dans lequel nous avons le plaisir de confronter nos idées et de faire avancer le débat politique et public sur des sujets majeurs,…
…non pas pour quelques ego chagrins, mais pour les Français et les Françaises.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Oui, le pouvoir d'achat est un enjeu majeur et un défi auquel la majorité présidentielle et le Gouvernement s'attachent à répondre.
Nous avons pris des mesures dès 2022, au début du second quinquennat d'Emmanuel Macron, avec l'adoption du paquet pouvoir d'achat, la revalorisation des retraites, la suppression de certaines taxes, notamment de la taxe d'habitation et de la redevance audiovisuelle, et la baisse de la pression fiscale sur les premières tranches de l'impôt sur le revenu – la liste est longue !
Je le rappelle au cas où vous ne le sauriez pas, monsieur Bénard : toutes ces mesures en faveur du pouvoir d'achat ont été permises grâce au soutien de la majorité présidentielle.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Les mesures concrètes visant à protéger le pouvoir d'achat des Français ont été adoptées au Parlement grâce à notre majorité et en dépit de l'opposition de certains groupes !
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Je tiens à vous le dire, monsieur le député : certains de vos collègues ne sont à gauche que du fait de leur place dans l'hémicycle !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
La ministre a souhaité la bienvenue au député Bénard, la présidente ne l'a pas fait…
Ma question s'adresse à M. Gabriel Attal, Premier ministre et ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse au moment des faits que je vais évoquer.
Monsieur Attal, la veille de votre nomination à Matignon, le journal Mediapart a révélé que l'enquête administrative annoncée dans la foulée du suicide du jeune Lucas, 13 ans, n'avait jamais eu lieu et que l'enquête menée par le parquet avait été bâclée. Interrogé fin 2023, vous n'avez jamais voulu répondre sur ce sujet. C'est la raison pour laquelle je pose de nouveau ma question devant la représentation nationale. À l'époque, l'émotion était vive et les déclarations unanimes. De Pap Ndiaye à Marlène Schiappa en passant par Clément Beaune, ces personnalités alors ministres exprimaient toutes leur sidération.
Malgré l'émotion suscitée par ce drame survenu en janvier 2023, rien n'a été fait pour savoir si le collège de Lucas aurait pu prévenir son suicide. L'enquête administrative annoncée a été enterrée et le principal de l'établissement, qui minimise les faits de harcèlement, n'a jamais été auditionné. L'homophobie latente dont était victime Lucas était omniprésente dans l'établissement depuis son arrivée. Le principal de l'établissement a-t-il tenté de préserver la réputation du collège, quitte à livrer de fausses informations ou à minimiser les agissements des élèves mis en cause ? Malheureusement, aucune mesure n'a été prise pour poursuivre les coupables.
Pourquoi l'enquête annoncée par le Gouvernement n'a-t-elle jamais été lancée ? Pourquoi avoir communiqué sur une enquête administrative qui n'a jamais existé ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
La parole est à Mme la ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des Jeux olympiques et paralympiques.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Nous voulons une école qui ne transige jamais sur le respect de l'enfant et qui s'oppose catégoriquement au harcèlement. Pas plus qu'un enseignant un enfant ne doit avoir peur à l'école. Il doit s'y sentir bien.
Vous évoquez le cas de Lucas. Je veux rappeler aussi ceux de Lindsay et de Nicolas et avoir une pensée pour toutes les familles de victimes.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Depuis six ans, nous avons considérablement renforcé notre action contre le harcèlement, notamment grâce à la loi du 2 mars 2022 visant à combattre le harcèlement scolaire, déposée par Erwan Balanant et qui fait du harcèlement un délit, et grâce au programme de lutte contre le harcèlement à l'école, le programme Phare.
Le Premier ministre a souhaité mettre fin à l'ère du « pas de vague ». Avec le plan interministériel de lutte contre le harcèlement à l'école, il nous a fixé la feuille de route suivante : 100 % prévention, 100 % détection, 100 % solutions.
Exclamations sur quelques bancs du groupe LR.
Elle touchait 400 000 euros par an à la Fédération française de tennis !
Lors de la Journée nationale de lutte contre le harcèlement scolaire, 7 millions d'élèves du CE2 à la terminale ont répondu à un questionnaire visant à déceler les situations de harcèlement et de mal-être à l'école. Dans quelques jours, la synthèse détaillée de cette démarche inédite sera rendue publique et je communiquerai une photographie claire et précise de la situation actuelle dans les écoles et les établissements, ainsi que de toutes les enquêtes en cours.
M. Loïc Prud'homme s'exclame.
Les équipes éducatives sont pleinement mobilisées et le ministère les a armées dans les départements et les académies en déployant 150 responsables de la lutte contre le harcèlement scolaire.
Quelle erreur d'avoir regroupé le ministère de l'éducation nationale et le ministère des sports !
Nous allons aussi aider les parents d'élève à mieux détecter les situations de harcèlement. Aucune situation ne doit rester sans réponse, tant pour les élèves victimes que pour les élèves auteurs ,
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES
que nous pouvons désormais changer d'établissement, y compris dans le primaire. L'école de la République doit protéger et rendre heureux,…
Sourires sur les bancs du groupe LR.
…il n'y aura aucune exception à ce principe.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Des effets d'annonce, mais très peu d'actes !
Par cette question, je m'associe à la peine des parents de Nicolas, un jeune Guadeloupéen qui s'est suicidé à Poissy, dans les Yvelines, après s'être plaint de harcèlement l'année précédente, ainsi qu'à celle des parents de Dinah, qui a mis fin à ses jours après avoir été harcelée au collège Émile Zola à Kingersheim.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Ma question s'adresse à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Les Français ont envie de train et ils le montrent. L'année 2023 a battu tous les records de fréquentation quotidienne puisque celle-ci a connu une hausse de 8 % pour les trains régionaux et de 4 % pour le TGV.
Contrairement à des idées reçues, les Français n'opposent pas la grande vitesse aux transports du quotidien. Ils les perçoivent, à juste titre, comme complémentaires. Leur exigence vis-à-vis de la SNCF est à la mesure de leur attachement affectif à l'opérateur ferroviaire historique.
Or un journal quotidien du matin s'est fait hier l'écho de réflexions internes au groupe public ferroviaire concernant les lignes déficitaires. La SNCF s'interrogerait sur plusieurs choix possibles : celui de solliciter une contribution auprès des collectivités territoriales pour équilibrer les comptes des lignes concernées ; celui de faire évoluer leurs dessertes ; voire celui de les supprimer purement et simplement. Précisons qu'une ligne déficitaire n'est pas toujours peu fréquentée. Ce peut être une ligne sur laquelle les abonnés sont majoritaires par rapport aux voyageurs occasionnels. Des dessertes comme Chambéry, La Rochelle, Laval, Charleville-Mézières, Épinal et Saint-Dié-des-Vosges seraient visées, mais SNCF Voyageurs a tenu hier à démentir ce projet.
Monsieur le ministre, je suis né en 1981, l'année de lancement du TGV par le Président de la République François Mitterrand. Pouvez-vous nous confirmer que l'État considère toujours le train à grande vitesse comme un outil d'aménagement du territoire et que la péréquation restera la règle entre les lignes bénéficiaires et les lignes déficitaires du TGV ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Y a-t-il des projets de suppression de lignes de TGV à l'étude ? La réponse est non. Y a-t-il des projets de diminution de la fréquence de certaines lignes ? La réponse est non également.
Je serai clair : non seulement SNCF Voyageurs a démenti, mais je le fais aussi aujourd'hui de manière solennelle. Aucune diminution de service sur les lignes TGV n'est à l'étude.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Ce n'est pas seulement au député que je m'adresse, mais au président du Conseil d'orientation des infrastructures (COI). Vous êtes né en 1981, au début d'une décennie au cours de laquelle notre pays a fait le choix des lignes à grande vitesse (LGV) – ce dont nous pouvons nous enorgueillir à certains égards. Or le financement de ces lignes s'est accompagné de la diminution de la régénération des petites lignes. Tout l'enjeu pour nous, aujourd'hui, est de tenir dans un même mouvement la poursuite de la grande vitesse et l'accentuation de la régénération des petites lignes qui ont souffert d'un sous-investissement. Cette régénération entraîne des retards considérables, qui font parfois la une de la presse, qui ne font pas honneur à la SNCF et qui nuisent au désenclavement des territoires.
Vendredi prochain, je recevrai le président de la SNCF, Jean-Pierre Farandou, pour faire avec lui un point extrêmement précis sur les dysfonctionnements inacceptables et répétés de la ligne Paris-Clermont-Ferrand et d'autres lignes.
Je répète par ailleurs que les annonces d'Élisabeth Borne seront concrétisées
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES
par le Gouvernement : 100 milliards d'euros seront consacrés au secteur ferroviaire d'ici 2040 et 1 milliard supplémentaire sera alloué à la régénération des petites lignes à la fin du quinquennat.
Nous tiendrons les engagements du Président de la République sur les trains du quotidien !
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Je vous remercie d'avoir rappelé que l'État est décidé à jouer son rôle d'actionnaire de l'entreprise publique SNCF et à lui donner des consignes claires en matière d'offre de transport et d'investissement.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
…10 000 enfants tués, 24 000 morts, des milliers sous les décombres, 60 000 blessés, des centaines de centres de soins bombardés, 70 000 maisons rasées, 1,9 million de personnes déplacées : voici le bilan de plus de cent jours de massacre de masse. La population affamée de Gaza survit au milieu de flaques d'eaux usées qui débordent des égouts détruits. La maladie s'abat sur ce petit bout de territoire martyr, tuant toujours plus. Pas de cessez-le-feu à l'horizon. Pour une paix juste et durable, le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes reste notre boussole. Qu'elle prenne la forme d'une solution à deux États, d'un État plurinational ou d'une autre solution viable, mutuellement acceptée, il faut sortir de ce statu quo plus mortifère que jamais.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Mais Netanyahou persiste : « C'est mon insistance qui a empêché pendant des années la création d'un État palestinien qui aurait constitué un danger existentiel pour Israël. » Vous avez qualifié d'inquiétante cette déclaration. La semaine dernière, vous discréditiez la volonté de l'Afrique du Sud de poursuivre Israël pour génocide devant la Cour internationale de justice. Aujourd'hui, vous semblez découvrir la duplicité de ses dirigeants, qui sabotent le processus de paix depuis des décennies.
Mme Anne-Laurence Petel s'exclame.
En avril 2017, le candidat Macron s'engageait à mettre toute son énergie pour la paix et la reconnaissance de deux États, et promettait de condamner les politiques de colonisation. Monsieur le ministre, dix ans après la résolution votée par l'Assemblée nationale, la France va-t-elle enfin emboîter le pas du candidat Macron et reconnaître l'existence de l'État palestinien, comme vous le préconisiez hier devant le Conseil de sécurité des Nations unies ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – MM. Benjamin Lucas et Richard Ramos applaudissent également.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.
Je vous prie de bien vouloir excuser le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, Stéphane Séjourné, qui présidait hier le Conseil de sécurité des Nations unies, réuni au sujet de la question que vous évoquez. Cette réunion a confirmé la volonté de la France de mettre un terme aux combats déclenchés le 7 octobre par l'attaque terroriste du Hamas contre Israël. Plus de quarante Français sont morts et trois sont encore retenus en otage à Gaza.
À l'initiative de la France, le Hamas fait désormais l'objet d'un régime de sanctions spécifique de l'Union européenne.
À l'initiative de la France, le Hamas est désormais soumis à un régime de sanctions spécifiques de l'Union européenne car, oui, c'est un groupe terroriste.
La situation à Gaza s'aggrave de manière dramatique. La France est totalement mobilisée pour y mettre un terme. Sur le plan humanitaire, 1 000 tonnes de nourriture et d'équipements ont été expédiées et une aide de 100 millions d'euros pour la population a été décidée.
Plus de 1 000 actes médicaux ont été réalisés en Égypte, sur le Dixmude. Une coordination étroite avec la Jordanie complète cet engagement. Des enfants palestiniens sont soignés dans nos hôpitaux grâce à l'action conjointe du Quai d'Orsay et du ministère de la santé.
La France est également mobilisée sur le terrain politique, en vue de redonner corps à la solution à deux États. Cette solution, que vous avez mentionnée, est celle que notre pays préconise, en conformité avec le droit international. C'est l'objet de la réunion du Conseil de sécurité de l'ONU, que la France a invité à œuvrer pour un cessez-le-feu.
Nous attendons la reconnaissance de l'État palestinien avec impatience, car il y a urgence.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
Ma question aurait pu être pour le membre du Gouvernement chargé des personnes handicapées mais il n'y en a plus ! Alors, puisque, finalement, avec vous, tout est une affaire d'argent, même quand il s'agit de dignité, je vais m'adresser à M. le ministre de l'économie.
En avril 2023, lors de la Conférence nationale du handicap, le Président de la République a fait une promesse importante et attendue : le remboursement intégral par l'assurance maladie de tous les fauteuils roulants. Or ces derniers jours, les fabricants, prestataires et associations m'ont alerté sur les conditions de prise en charge tarifaire qui leur ont été présentées.
Il y aurait bien une augmentation de la base de remboursement à 2 600 euros pour les fauteuils manuels et à 18 000 euros pour les fauteuils électriques. Mais un plafond du même montant serait instauré. Nous nous retrouverions alors dans une situation ubuesque où tous les modèles au-dessus de ces plafonds ne seraient plus remboursés du tout.
Je prends un exemple simple, celui de mon fauteuil : il n'est ni spectaculaire ni extravagant, seulement adapté, léger, maniable et sur mesure. Il coûte 8 000 euros, ce qui n'est pas un luxe, mais le prix de l'autonomie et de la dignité. Avec les nouvelles conditions de prise en charge, mon fauteuil ne serait plus remboursé du tout. Nous l'avons vu avec le projet de loi de financement de la sécurité sociale : votre unique volonté est de contenir les dépenses, au détriment de l'autonomie, du bien-être et de la dignité.
Alors, que fait-on ? Que fait-on, monsieur le ministre, pour les personnes qui vont devoir maintenant payer intégralement un fauteuil roulant alors que le reste à charge était déjà trop élevé pour elles ?
Que fait-on pour les parents qui vont devoir continuer à créer des cagnottes participatives pour espérer financer le fauteuil de leur enfant ?
Que fait-on pour les milliers de personnes qui vont renoncer à un équipement adapté, c'est-à-dire à être autonome, à sortir, à pratiquer une activité sportive, bref, à vivre ?
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, RN, LFI – NUPES, LR, SOC, Dem, HOR, GDR – NUPES et LIOT, dont de nombreux députés se lèvent. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.
Nous avons évoqué ce point très important la semaine dernière, lors de ma première venue dans l'hémicycle. Vous avez raison : le Président de la République a pris devant la Conférence nationale du handicap l'engagement du remboursement intégral. Actuellement, nous en sommes à la concertation entre les associations de patients et les fournisseurs.
Lors de cette concertation, nous devons travailler ensemble et trouver des réponses. Le sujet est l'autonomie. C'est le sens de l'échange que j'ai eu avec vous la semaine dernière.
Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES, LR, SOC et Écolo – NUPES.
Je suis à votre disposition pour continuer à discuter de ce sujet, car l'autonomie est une des réponses les plus concrètes que nous puissions apporter aux personnes ayant besoin d'un fauteuil roulant.
J'associe à ma question notre collègue Philippe Latombe, spécialiste du numérique au Mouvement démocrate.
Le gouvernement a renforcé les dispositions permettant à l'État de s'opposer à une opération de rachat d'actifs stratégiques pour la France. Or depuis quelques mois, un fleuron français est dans la tourmente : le groupe Atos, qui emploie plus de 100 000 personnes et travaille sur des projets stratégiques pour notre pays. C'est dramatique car, dans moins de deux cents jours, le monde entier aura les yeux rivés sur Paris avec les Jeux olympiques.
Or Atos a été choisi pour livrer et gérer les infrastructures numériques de ce grand événement.
La situation de l'entreprise est le résultat de près de six mois d'attentisme, alors qu'un plan de continuité industrielle est sur la table depuis six mois.
L'entreprise vient de nommer son septième PDG en quatre ans, sous la pression de fonds activistes étrangers. Ce nouveau PDG, américain, envisage une vente à la découpe de plusieurs activités stratégiques du groupe, à des Allemands, à des Canadiens, à des Américains, entend-on dire. Le plan de démantèlement aurait pour conséquence une casse sociale sans précédent, avec 6 000 emplois menacés en France et une baisse de près d'1 milliard d'euros du chiffre d'affaires.
Monsieur le ministre, comment pouvons-nous imaginer qu'un leader français se déclare en faillite à quelques semaines des Jeux ? Envisagez-vous de protéger les entreprises françaises et leurs salariés d'appétits malveillants ? Comment comptez-vous assurer qu'Atos puisse tenir ses engagements et sauver ses emplois ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.
Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, en déplacement avec le Président de la République, me charge de vous répondre.
Le ministre voyage le mercredi. Cela montre la considération qu'il a pour les députés…
Vous avez raison, Atos est une entreprise stratégique pour la France. L'État suit de très près la situation et s'assure que ses intérêts souverains seront préservés. Nous n'hésiterons pas à mobiliser les outils nécessaires, notamment ceux permettant de contrôler les investissements étrangers dans notre pays. Le code monétaire et financier soumet en effet une entrée importante d'un acteur étranger au capital d'une entreprise sensible à l'autorisation du ministre de l'économie. Atos a besoin d'investisseurs privés et industriels pour se développer dans les marchés du numérique.
Faites des choix politiques ! De l'audace, encore de l'audace, toujours de l'audace !
En tout cas, le rôle de l'État est de protéger nos actifs stratégiques. Ils l'ont été, le sont et continueront à l'être.
Mme Estelle Folest et M. Thomas Rudigoz applaudissent.
Après les émeutes qui ont succédé au drame de la prison d'Arles, le Président de la République a décidé d'ouvrir un dialogue de fond avec les élus de la Corse qui a été nommé « processus de Beauvau ». Je puis témoigner de l'engagement du ministre de l'intérieur et rendre hommage à sa volonté d'apporter une réelle réponse à la question corse.
La situation de la Corse est particulière, par sa géographie certes, mais aussi par l'existence historique d'un peuple, avec sa culture, ses traditions, la profondeur de son sentiment d'appartenance, qui a permis à tant de femmes et d'hommes de venir partager un destin commun sur cette île. Cette réalité est difficile à prendre en compte dans la structure centralisée d'un État-Nation, comme il est difficile, en cette période de crise, de prendre en compte les difficultés économiques et sociales, l'acculturation ou la dépossession foncière. Or on traite mal une situation particulière avec des lois générales. L'idée n'est donc pas de se singulariser par coquetterie mais de trouver un chemin institutionnel qui permette de porter le progrès global que les Corses attendent depuis deux siècles.
Le processus de Beauvau avance péniblement, en dépit de l'engagement de la collectivité de Corse et de l'impulsion qu'a voulu lui donner le Président de la République. Je vous demande donc, monsieur le Premier ministre, quel est votre sentiment et quelle suite vous entendez donner au processus dont votre gouvernement a la responsabilité.
Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT et Écolo – NUPES.
Le 28 septembre 2023, à Ajaccio, à l'occasion du quatre-vingtième anniversaire de la libération de la Corse, le Président de la République a pris des engagements clairs et en cohérence avec une nouvelle approche qu'il avait eu l'occasion d'exprimer à plusieurs reprises, notamment pendant la dernière campagne présidentielle. Monsieur le député, je vous le dis de manière très claire au nom de mon Gouvernement, nous tiendrons ces engagements.
D'abord, nous allons poursuivre les travaux visant à faire apparaître dans la Constitution la mention de la Corse, en affirmant au sein d'un article spécifique la reconnaissance d'une communauté insulaire historique, linguistique et culturelle. Cet engagement du Président de la République lie le Gouvernement.
Ensuite, des responsabilités nouvelles seront données à la collectivité de Corse pour tirer les leçons des insuffisances du statut actuel. Concrètement, il s'agit de pouvoir adapter les règles, et même les lois. Là encore, le Président a témoigné d'une ambition nouvelle et forte. Nous pouvons, si les élus de Corse le décident, bâtir une forme d'autonomie à la corse, c'est-à-dire une autonomie pour l'île et dans la République. Le dialogue a commencé – je prends connaissance des positions des uns et des autres – et se poursuivra.
Enfin, nous devons avancer ensemble autour de bien d'autres sujets : mieux enseigner le corse ; créer un service public de l'enseignement qui favorise le bilinguisme – dans mes précédentes fonctions de ministre de l'éducation nationale, j'ai eu l'occasion de travailler sur cette question, notamment avec le recteur, qui est très dynamique à propos de l'enseignement public du corse ;…
…répondre au défi immobilier sur l'île ; créer une métropole pour Ajaccio ; renforcer la chambre des territoires ; revoir le mode de scrutin pour les élections territoriales, etc. Toutes ces pistes sont discutées par les formations politiques insulaires et doivent être approfondies dans une logique de consensus.
Maintenant, comment avancer ? Le Président de la République a invité les responsables politiques corses à consolider un accord dans les six mois. Dans cet état d'esprit, le ministre de l'intérieur se rendra en Corse début février pour faire un point d'étape et recueillir la contribution de l'ensemble des acteurs. Sur cette base, le Gouvernement poursuivra ses travaux en vue de proposer au Parlement les textes constitutionnels et organiques nécessaires. Comme le Président de la République l'a rappelé, il nous faut bâtir un nouveau modèle qui soit pleinement corse. Ce modèle doit être celui de la Corse dans la République et celui d'une autonomie qui permette de construire un avenir ensemble, avec l'engagement de l'État.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et LIOT.
Je prends acte avec plaisir de l'intervention importante du Premier ministre. Nous espérons tous que le processus de Beauvau constituera une étape dans l'histoire de la Corse contemporaine. Il serait également important que Bastia, ville que le Premier ministre n'a pas évoquée et qui a été totalement ignorée en raison d'un centralisme régional exacerbé, trouve enfin la place qui doit lui revenir dans la vie politique et institutionnelle de la Corse. J'espère que le Premier ministre s'emploiera à corriger ce déséquilibre dommageable.
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à quatorze heures quarante, est reprise à quinze heures.
La parole est à M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice.
Madame la présidente, madame la ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations – chère Aurore –, monsieur le président de la commission des lois,...
Si cela vous fait plaisir : cher Sacha.
…monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, « Les filles comme moi gâchaient la journée des médecins. [...] elles les obligeaient à se rappeler la loi qui pouvait les envoyer en prison et leur interdire d'exercer pour toujours. Ils n'osaient pas dire la vérité, qu'ils n'allaient pas risquer de tout perdre pour les beaux yeux d'une demoiselle assez stupide pour se faire mettre en cloque. »
C'est par ces mots que la narratrice du roman L'Événement, d'Annie Ernaux, se remémore les circonstances de son avortement clandestin en janvier 1964. Ces mots pourraient être ceux de nos mères, de nos sœurs, de nos grands-mères, de nos tantes, de nos amies. Ces mots pourraient être ceux de toutes les femmes qui ont vécu dans leur chair l'interdiction de l'avortement, ce sentiment de ne pas pouvoir disposer de leur corps, d'être à la merci d'une grossesse qu'elles ne désiraient pas.
Ces mots et la souffrance qu'ils définissent nous obligent. Ils nous rappellent un fait simple : il n'y a pas de démocratie digne de ce nom lorsque la moitié de sa population ne peut s'émanciper. Non, une démocratie ne peut pas maîtriser son destin si les femmes qui y vivent n'ont pas la liberté de maîtriser le leur. La liberté de recourir à l'interruption volontaire de grossesse (IVG) n'est pas une liberté comme les autres, car elle permet aux femmes de décider de leur avenir.
L'histoire regorge d'exemples de libertés et droits fondamentaux, conquis au prix du sang et des larmes, que tous – je dis bien : tous – croyaient définitivement acquis, et qui, dans la stupeur ou l'indifférence, ont été balayés d'un revers de manche. C'est d'ailleurs l'histoire de la femme qui nous en offre les plus cruels exemples. Oui, les premiers droits qui disparaissent sont souvent ceux des femmes. C'est ce que nous a rappelé récemment la décision de la Cour suprême des États-Unis. Cet exemple rend plus que jamais criants de vérité les mots de Simone de Beauvoir rapportés par Claudine Monteil : « N'oubliez jamais qu'il suffira d'une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant. » Nous avons désormais la preuve irréfutable que plus aucune démocratie, pas même la plus grande d'entre toutes, n'est à l'abri.
Je suis particulièrement fier d'être parmi vous pour défendre le projet de loi constitutionnelle relatif à la liberté de recourir à l'interruption volontaire de grossesse. Si je parle d'un projet de loi, c'est bien parce que ce texte est présenté par le Gouvernement, mais je dois à la vérité de dire qu'il s'agit plutôt d'une forme de troisième lecture, tant les initiatives parlementaires ont été nombreuses et tant le sujet a été débattu au Parlement ces derniers mois. Je veux ici rendre solennellement hommage à l'ensemble des initiatives parlementaires, de celle de l'ancienne présidente Bergé – ma chère Aurore – à celle de la présidente Panot,...
…en passant par celle de la sénatrice Mélanie Vogel et celle du sénateur Philippe Bas.
Le projet que je vous présente fait suite à ces travaux et à la volonté exprimée par le Président de la République d'inscrire cette liberté dans le marbre de la Constitution. Le 8 mars dernier, dans le discours qu'il a prononcé en hommage à Gisèle Halimi, il a émis le souhait de « changer notre Constitution afin d'y graver la liberté des femmes à recourir à l'interruption volontaire de grossesse pour assurer solennellement que rien ne pourra entraver ou défaire ce qui sera ainsi irréversible ». Voilà ce que nous nous apprêtons à faire cet après-midi à l'Assemblée nationale.
Ainsi que le Conseil d'État l'a souligné dans son avis d'une très grande qualité, il n'existe pas aujourd'hui de véritable protection supralégislative du droit ou de la liberté de recourir à l'interruption volontaire de grossesse. La Convention européenne des droits de l'homme ne comporte pas de disposition spécifique relative à l'avortement. Par ailleurs, la Cour européenne des droits de l'homme considère que le droit au respect de la vie privée et familiale, protégé par l'article 8 de la Convention, ne consacre pas un droit à l'avortement. De la même manière, la Cour de justice de l'Union européenne se borne à rappeler, en l'absence de disposition spécifique sur ce point, la compétence des États membres et renvoie à l'appréciation du législateur national.
Quant au Conseil constitutionnel, il a jugé conforme à la Constitution les différentes lois relatives à l'interruption volontaire de grossesse. Ce faisant, il a examiné l'équilibre ménagé entre, d'une part, la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme de dégradation et, d'autre part, la liberté de la femme qui découle de l'article 2 de la Déclaration de 1789. Il n'est pas allé plus loin ; il a même pris le soin de souligner, au sujet de l'interruption volontaire de grossesse, qu'il « ne dispose pas d'un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement » et qu'il ne lui appartient donc pas « de remettre en cause, au regard de l'état des connaissances et des techniques, les dispositions prises par le législateur ». Ainsi, la liberté des femmes de recourir à l'interruption volontaire de grossesse ne bénéficie pas, à ce jour, d'une véritable consécration constitutionnelle.
Lorsqu'elle s'est exprimée devant l'Assemblée nationale le 26 novembre 1974 pour défendre sa grande loi, Simone Veil a inscrit son projet sous le signe de l'espérance. Permettez-moi de reprendre humblement les mots par lesquels elle a conclu son discours, afin de convaincre les députés encore hésitants : « Je ne suis pas de ceux et de celles qui redoutent l'avenir. » Simone Veil croyait profondément que la loi qu'elle présentait alors permettrait à la société française de progresser. L'avenir lui a, bien heureusement, donné raison.
Mais, car il y a un « mais »... Près de cinquante ans après la légalisation de l'avortement, j'aimerais tant vous dire à cette tribune que non, moi non plus, je ne redoute pas l'avenir. J'aimerais tant pouvoir vous dire que je ne suis pas de ceux qui s'inquiètent face à l'avenir et aux incertitudes qu'il charrie parfois. J'aimerais tant être de ceux qui, tranquilles et d'un pas assuré, avancent insouciants sur le chemin de la vie, croyant que ce qui est acquis l'est pour toujours. J'aimerais tant, enfin, être de ceux qui, d'un revers de main, balayent les exemples étrangers dans lesquels le droit recule et, avec lui, souvent, la condition des femmes. Tel est le cas aux États-Unis, en Hongrie ou encore en Pologne, où les femmes sont forcées, avant d'avorter, d'écouter les battements de cœur du fœtus.
Qui peut garantir que ce qui s'est produit outre-Atlantique ne pourra pas se produire en France ? Non pas demain, bien sûr, mais à plus long terme. Le pire n'est jamais certain ; le meilleur, non plus. C'est en raison de cette incertitude que je suis favorable à ce que l'on élève la grande loi Veil, celle de 1975 telle qu'elle a été modifiée, au sommet de notre hiérarchie des normes. À ceux qui répondent que l'IVG n'est pas menacée en France, je dis que l'on écrit la Constitution non seulement pour le présent, mais d'abord et surtout pour l'avenir.
Le propre même de la loi suprême est de durer, de valoir pour l'avenir, en protégeant nos droits, les acquis démocratiques et notre État de droit.
Vous l'avez compris, l'objectif du Gouvernement est clair. Il rejoint, je crois, les positions déjà exprimées par l'Assemblée nationale et le Sénat. Il s'agit, par le présent projet de loi constitutionnelle, d'accorder à cette liberté une véritable protection constitutionnelle, laquelle doit être suffisamment souple pour permettre au législateur de continuer son œuvre en la matière, donc ménager un équilibre satisfaisant au regard, notamment, des évolutions techniques, médicales ou scientifiques qui pourraient advenir. Il s'agit d'empêcher que le législateur puisse un jour interdire tout recours à l'interruption volontaire de grossesse ou qu'il en restreigne si drastiquement les conditions d'accès que la substance même de la liberté d'y recourir s'en trouverait irrémédiablement atteinte. Voilà notre objectif.
Le Gouvernement s'est attelé à trouver un équilibre entre les versions votées au Sénat et à l'Assemblée. La rédaction proposée permet de répondre non seulement aux attentes, mais aussi aux craintes d'une grande partie des parlementaires. Le Gouvernement souhaite consacrer pleinement la valeur constitutionnelle de la liberté de la femme de recourir à l'interruption volontaire de grossesse, tout en reconnaissant le rôle du législateur d'organiser les conditions d'exercice de cette liberté.
En effet, le projet de loi constitutionnelle comporte une disposition unique ayant pour objet de modifier l'article 34 de la Constitution en y ajoutant, après le dix-septième alinéa, un alinéa ainsi rédigé : « La loi détermine les conditions dans lesquelles s'exerce la liberté garantie à la femme d'avoir recours à une interruption volontaire de grossesse ».
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et LR.
Si vous pouviez, madame la députée, me laisser prononcer mon discours sans m'interrompre en permanence, je vous en serais extrêmement reconnaissant.
Le Gouvernement a tout d'abord retenu l'article 34 de la Constitution, comme l'avait fait le Sénat. En termes juridiques, cet emplacement paraît en effet le plus adapté. Il faut rappeler que la jurisprudence du Conseil constitutionnel reconnaît que l'article 34 de la Constitution peut, contrairement à ce qu'une première lecture pourrait sembler indiquer, accueillir des règles de fond et mettre des obligations positives à la charge du législateur. C'est ce qui a été fait avec la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, qui a prévu à l'article 34 que la loi fixe les règles concernant « la liberté, le pluralisme et l'indépendance des médias ».
Le projet fait par ailleurs le choix du mot « liberté » plutôt que du mot « droit ». Ce choix, très commenté, ne doit pas être surestimé. Car, ainsi que l'a relevé dans son avis le Conseil d'État, il n'existe pas, en droit positif ni dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, de différence établie entre les deux termes. Si le Gouvernement a choisi ce terme, c'est dans un souci de clarté : il ne s'agit pas de créer un droit absolu et sans limite, mais de faire référence à l'autonomie de la femme,…
…et de garantir ainsi l'exercice d'une liberté qui lui appartient, dans les conditions prévues par la loi.
Mme Ségolène Amiot s'exclame.
Madame la députée, vous interviendrez tout à l'heure. Nous avons doublé le temps de la discussion générale pour permettre à chacun des groupes d'exprimer son opinion.
Vous aurez deux fois plus de temps pour critiquer le texte le moment venu. En attendant, s'il vous plaît, laissez-moi terminer.
Enfin, le Gouvernement a souhaité, par la rédaction qu'il propose, insister sur le fait que si les conditions de cette liberté sont déterminées par le législateur, cette liberté doit rester dans tous les cas garantie aux femmes qui en bénéficient. C'est là un point particulièrement important. Le mot « garantie », issu des travaux menés par votre assemblée, vise là encore à exprimer clairement l'intention qui nous anime. Que les choses soient bien claires : il s'agit non d'une simple attribution de compétence au législateur, mais bien de la création d'une obligation positive à sa charge, celle de protéger une liberté que la Constitution garantit dans les conditions qu'il estime appropriées. L'objectif est bien qu'aucune majorité future ne puisse réellement porter atteinte à la liberté intangible qu'est celle pour la femme de disposer de son corps.
Un mot, enfin, sur les effets attendus de cette révision constitutionnelle.
Tout d'abord – c'est un point important –, aucune disposition législative en vigueur ne devrait se voir remise en cause par l'adoption de cette révision de la Constitution. Le Conseil d'État lui-même l'a constaté, et telle est bien l'intention du Gouvernement. De manière claire et précise, et pour répondre par anticipation à certaines craintes exprimées ici ou là – je pense notamment à celles de la députée Bonnivard, qui pose des questions légitimes –, la consécration de cette liberté n'emporte la remise en question d'aucune autre liberté, et surtout pas de la liberté de conscience des médecins et des sages-femmes, qui leur permet de choisir de ne pas pratiquer d'IVG si cet acte est contraire à leurs convictions. Cette liberté-là est totalement préservée. Autre point important, le principe de respect de la dignité de la personne humaine est lui aussi préservé. Une loi qui porterait le délai maximal pour avorter à 30 semaines, par exemple, pourrait tout à fait être censurée, y compris avec la présente révision.
Ensuite, la rédaction proposée tend à rendre clair le fait que la décision d'avorter appartient à la femme enceinte, et à elle seule. Elle ne nécessite ni l'autorisation d'un tiers, que ce tiers soit le conjoint ou les parents, ni l'appréciation d'une autre personne. Cette liberté est strictement personnelle. Elle est d'ailleurs reconnue à toutes les femmes enceintes, et même à toute personne enceinte, sans considération de son état civil, de son âge, de sa nationalité ou de la régularité de son séjour en France.
Enfin, j'insiste sur ce point, cette rédaction ne vise pas à créer une forme de droit opposable, absolu et sans limites. Le Gouvernement n'ignore pas les difficultés matérielles et concrètes qui peuvent encore exister dans l'accès à l'interruption volontaire de grossesse, notamment dans certaines parties du territoire, mais il s'agit là d'un autre sujet, qui n'est pas d'ordre constitutionnel. Nous nous retrouvons aujourd'hui pour réviser la Constitution, et non pour voter je ne sais quelle mesure relevant du périmètre du ministère de la santé, lequel est pleinement mobilisé pour améliorer l'accès à l'IVG partout en France. Cette révision de la Constitution ne lèvera pas toutes les difficultés mais elle protégera les femmes, en France, d'une éventuelle régression brutale de leur liberté de recourir à l'avortement. C'est là la volonté exprimée par l'Assemblée puis par le Sénat ; c'est là l'objectif du Président de la République, repris par le Gouvernement.
Je veux prendre un instant pour remercier le rapporteur Gouffier-Valente, militant éclairé et infatigable du droit des femmes et partenaire hors pair dans le projet qui nous réunit aujourd'hui. Je sais que sa pédagogie a convaincu en commission, comme en témoigne l'adoption du texte.
Nos débats en séance poursuivront dans cette voie du dialogue, du consensus et du respect.
Cela a déjà été fait ! Le seul qui n'ait pas été remercié jusqu'à présent, c'est moi, et je n'en fais pas un drame.
Madame la députée, je le répète, votre groupe aura dix minutes pour s'exprimer. Vous pourrez alors remercier qui vous souhaitez.
Un dernier mot, enfin, pour répondre à un certain nombre de critiques et de craintes qui ont été exprimées. Depuis que je suis à la Chancellerie, j'ai toujours respecté les convictions de chacun sur les sujets sociétaux. J'entends et je respecte les craintes que suscite ce que certains perçoivent comme la création d'un droit absolu et sans limite. Je veux les rassurer : il n'en est rien. Il s'agit aujourd'hui de donner une protection constitutionnelle à l'état actuel de notre droit. J'ai entendu aussi la crainte du président Larcher que la Constitution ne devienne, je le cite : « un catalogue de droits sociaux et sociétaux ».
Je partage sa crainte. Oui, la Constitution doit demeurer ce qu'elle est, à savoir le recueil de nos libertés fondamentales.
Je crois donc que la liberté de recourir à l'IVG y a toute sa place.
Enfin, je veux revenir sur la question du calendrier parlementaire. Je sais l'émoi qu'a provoqué la pseudo-annonce d'une date de Congrès, avant même que les chambres ne se soient prononcées. Cela a été perçu par certains comme un manque de respect à l'égard du Parlement. Afin de dissiper tout malentendu, permettez-moi de revenir à la parole présidentielle initiale. Lors des rencontres de Saint-Denis, le Président de la République n'a jamais parlé que d'une possibilité de Congrès. Voilà les termes précis de ce qu'il proposait aux différents partis politiques : « Un examen dans chaque assemblée pourra avoir lieu au premier trimestre 2024, afin qu'un Congrès puisse être envisagé le 4 mars prochain. » Vous le voyez, il ne s'agit là que d'une possibilité.
C'est pourquoi je veux vous rassurer et vous dire que nous prendrons le temps qu'il faut pour aller au bout de cette révision, car je crois profondément que nous pouvons y arriver. Tout, j'insiste, tout dans le projet de loi constitutionnelle qui vous est présenté est fait pour que chacun puisse voter sans crainte cette écriture calibrée et soupesée.
Ce projet de révision de la Constitution constitue le point d'équilibre de nombreux travaux engagés dans les deux chambres et commencés ici même. Parce qu'elle respecte les priorités de l'Assemblée, parce qu'elle respecte le travail du Sénat, la rédaction proposée doit nous permettre de trouver une majorité dans les deux chambres et d'obtenir ensuite une majorité qualifiée au Congrès. Nos débats doivent permettre de dissiper les dernières hésitations afin que notre pays, par le vote d'une loi constitutionnelle, franchisse un pas historique pour les femmes de notre pays. La France deviendrait alors le premier pays au monde à protéger cette liberté inaliénable de la femme dans sa Constitution. Mais, avant cela, il faut que l'Assemblée adopte le texte de la manière la plus large possible. Les Français, et peut-être surtout les Françaises, nous regardent ; si nous réussissons dans ce travail, n'en doutons pas, ce sera le monde entier qui tournera son regard vers notre pays. La France aura alors été, une fois de plus, au rendez-vous de sa vocation universelle.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et Hor, ainsi que sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES, LR et SOC.
La parole est à Mme Aurore Bergé, ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations.
L'histoire de l'avortement, c'est d'abord l'histoire du corps des femmes, qui est et a toujours été un corps politique. Un corps scruté, réglé, rangé ; un corps que la loi examine sous toutes ses coutures et auquel on n'a cessé de prescrire des façons d'être, de se tenir, de se vêtir ; un corps pour lequel des hommes réunis en assemblée ont déterminé des règles lui donnant le droit de recourir ou non à la contraception, de vivre ou de ne pas vivre sa grossesse, d'entrer dans la maternité.
Quand la loi s'est-elle penchée de cette façon sur le corps des hommes ? Quand s'est-elle interrogée sur leur sexe, est-elle entrée dans leur ventre, a-t-elle scruté jusqu'au fond de leurs entrailles ?
L'histoire de l'avortement, c'est l'histoire de celles qui ne se rangent pas parce qu'elles ne le veulent pas, parce qu'elles ne le peuvent pas. C'est celle de femmes à qui l'on réserve tous les raffinements de la douleur et de la honte. Car il n'a jamais suffi d'interdire aux femmes : encore fallait-il les faire souffrir.
L'histoire de l'avortement, c'est un cintre plongé dans un utérus, sur une table de cuisine ; ce sont des vessies et des intestins perforés ; ce sont des femmes mourant de septicémie, comme il en meurt encore 40 000 par an dans le monde à la suite d'un avortement réalisé dans des conditions indignes. Ce sont des curetages pratiqués sans anesthésie dans les hôpitaux, parce que « ça lui apprendra ». Ce sont ces gamines violées qu'on enfermait dans les couvents de la Madeleine pour « leur apprendre à aguicher les hommes ». C'est cette mère de famille épuisée que l'on embarquait au poste parce qu'elle n'avait pas voulu d'un nouvel enfant.
Dans cette histoire, des femmes ont lutté, et des hommes auprès d'elles. De grandes héroïnes comme Simone Veil et Gisèle Halimi, et à leurs côtés Lucien Neuwirth, Eugène Claudius-Petit, Jacques Chirac, des médecins et des avocats ; mais aussi des foules d'anonymes, des femmes qui se recommandaient une adresse dans le coin d'une cuisine, qui se formaient comme elles le pouvaient aux méthodes d'aspiration, qui s'entouraient et qui s'entraidaient.
Parmi elles, les plus exposées n'ont peut-être pas été celles à qui nous avons le plus rendu hommage, car la lutte pour l'avortement était aussi une lutte de classes. Qui a-t-on condamné dans les procès de l'avortement ? Les caissières, les ouvrières, les employées. Celles qui triment, qui écument et qui galèrent ; celles à qui s'imposent toujours en premier les servitudes que l'on réserve aux femmes. Et qu'en est-il aujourd'hui ? Quel soin leur apportons-nous ? Sommes-nous à la hauteur de ce qui pèse sur leurs vies et sur leurs corps ?
Quand nous avons déposé, il y a maintenant plus d'un an, une proposition de loi constitutionnelle visant à inscrire la liberté des femmes à recourir à l'avortement dans le texte fondamental et fondateur de notre République, tant de voix se sont élevées pour nous dire que c'était inutile et superflu, qu'il s'agissait d'une diversion politique visant à détourner le regard de sujets « sérieux », que ce n'était qu'un symbole pour bourgeoises en mal de combats. Eh bien oui, cette loi est un symbole ! Elle symbolise la fierté de ce que nous sommes, de ce en quoi nous croyons et de ce qui fonde le projet d'émancipation et d'égalité de notre pays.
Mais cette loi n'est pas seulement un symbole. Parce que pour trop de femmes encore, le droit à l'avortement reste entravé par des défauts d'accès à l'information, aux soins et à un accompagnement adapté ; parce qu'insidieusement, partout à travers le monde, ce droit recule ; parce que dans des sociétés qui apparaissaient comme des terres de liberté, les fractures et le repli conduisent à s'attaquer à ce qui nous semblait définitivement acquis, il n'est pas de raison de croire que ce qui arrive autour de nous ne pourra pas arriver chez nous, comme si nous étions préservés de toute régression.
Et si l'on abattait ce symbole, si ce qui a incarné au plus haut point la lutte d'émancipation des femmes en venait à tomber, alors tout le reste céderait. Je fais partie d'une génération qui croyait que l'histoire avancerait inéluctablement vers le progrès des sociétés, que les combats se gagneraient pied à pied et sans retour. L'avortement était acquis, et avec lui la libération sexuelle et l'égalité des droits, puis viendraient l'égalité des salaires, l'égalité réelle et finalement un monde où il ne serait plus question d'être une femme ou d'être un homme mais seulement d'être soi, libéré des déterminismes, des assignations, des conditionnements, des rôles imposés et de toute violence. Il suffisait que d'autres générations prennent la place et l'affaire serait réglée.
Mesdames et messieurs les députés, j'aurais voulu qu'il n'y ait plus besoin d'un ministre de l'égalité. J'aurais voulu que ce combat s'achève par la disparition de son objet. J'aurais voulu que nous puissions déposer les armes en sachant que, grâce à notre intelligence collective, nous étions parvenus à nous défaire de ces enfermements et de cette violence. J'aurais voulu que cette inscription de l'IVG dans la Constitution soit une cérémonie d'hommage, un point final, le clairon que l'on sonne après la victoire – votons, réjouissons-nous et finissons-en !
Mais ce temps n'est pas encore venu. L'histoire résiste et c'est pourquoi nous sommes ici réunis, conscients du caractère fondateur d'un tel débat et d'un tel vote. Vous vous apprêtez – du moins, je l'espère – à voter pour inscrire l'avortement dans la Constitution, à la faveur d'un projet soutenu par le Président de la République et par le garde des sceaux dès le premier jour, ainsi que par des parlementaires issus de tous les bancs, à l'Assemblée nationale comme au Sénat. Cela aurait été inimaginable il y a cinquante ans, tout comme le fait de voir une femme parler à une assemblée composée indistinctement de femmes et d'hommes et présidée par une femme.
Mais nous savons aussi désormais qu'il ne suffit pas d'un changement de génération pour acter la victoire des droits des femmes. Ce texte n'est donc pas un point final. Il est un moment que prend la République pour mettre en sécurité une liberté précieuse avant de reprendre sa marche. Mesdames et messieurs les députés, ce vote sera l'un des plus importants, l'un des plus marquants de cette législature. Je suis la fille d'une mère qui a risqué la prison et la mort pour avorter dans la clandestinité, et la mère d'une fille que je souhaite voir grandir libre, libre de disposer de son corps, d'un corps qui ne soit plus scruté, réglé, rangé.
Mesdames et messieurs les députés, dans ce débat et par vos votes, soyons tout simplement à la hauteur de nos mères et de nos filles.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR, ainsi que sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES. – Mme Elsa Faucillon applaudit également.
La parole est à M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Certains textes sont particulièrement attendus. Celui qui nous réunit aujourd'hui, relatif à la liberté de recourir à l'interruption volontaire de grossesse, en fait partie.
À moins d'un an du cinquantième anniversaire de la loi Veil et à la suite des initiatives parlementaires qui ont été prises au début de cette législature – je tiens à saluer l'engagement et les travaux de nos collègues, notamment Mmes Battistel, Panot, Faucillon, Vogel, Rixain et M. Balanant, ainsi que notre ancienne collègue Aurore Bergé –, je salue le choix du Président de la République de remettre l'ouvrage sur le métier pour aboutir à une adoption rapide et autonome de cette révision, qui doit nous permettre d'introduire dans notre Constitution la reconnaissance de la liberté de recourir à l'interruption volontaire de grossesse et d'en assurer la protection la plus forte possible. Le Parlement a travaillé en bonne intelligence et nous nous devons de poursuivre sur cette voie.
Pour mémoire, en novembre 2022, l'Assemblée nationale a adopté une rédaction, fruit d'un consensus transpartisan, qui reconnaissait la garantie du droit à l'IVG et à un accès effectif à celui-ci. Dans la foulée, le Sénat, qui avait jusqu'alors fait valoir sa réticence à l'inscription de l'IVG dans la Constitution, a également adopté une rédaction qui était certes moins ambitieuse mais dont le sens était néanmoins clair et avait une portée historique : par ces deux votes, les deux chambres ont signalé qu'elles souhaitaient faire aboutir une révision constitutionnelle sur ce sujet.
Que les choses soient claires : si nous combattons ceux qui s'attaquent au droit à l'avortement et aux droits des femmes, nous respectons l'opinion de ceux qui s'interrogent sur l'opportunité d'inscrire le droit à l'IVG dans la Constitution. Nous le savons, réformer notre Constitution est un acte fort et exigeant. Il exprime la volonté de nous autres, constituants, d'entériner le choix du peuple présent pour le peuple futur. Réformer notre Constitution, c'est au fond consacrer le présent pour protéger l'avenir.
En outre, pour le bon déroulé de nos débats, je crois qu'il faut circonscrire le périmètre de la discussion. Je veux dire clairement, en préambule de nos débats, ce que ce projet est et ce qu'il n'est pas. Il ne s'agit pas de discuter du cadre législatif en vigueur ni de préparer de futures évolutions législatives visant à élargir la liberté de recourir à l'IVG. Il ne s'agit pas non plus de créer un droit opposable. Nos débats seront scrutés en cas de contentieux et les intentions du Gouvernement et du Parlement doivent être claires : la rédaction soumise à notre examen n'implique nullement une évolution du droit existant et ne saurait être source d'un nouveau contentieux, par exemple par voie de question prioritaire de constitutionnalité (QPC). L'avis du Conseil d'État est on ne peut plus clair sur ce point.
En revanche, le projet qui nous est soumis remplit l'objectif que nous partageons : faire en sorte qu'il ne soit pas possible de modifier la loi afin d'interdire le recours à l'interruption volontaire de grossesse ou d'en restreindre les conditions d'exercice au point qu'elle se verrait privée de toute portée.
L'adoption du texte nous paraît indispensable pour garantir la reconnaissance réelle de cette liberté et pour renforcer sa protection juridique. La Constitution recense déjà de nombreux droits et libertés, sans distinguer d'ailleurs ces deux notions – l'une valant pour l'autre –, ni dans ses préambules ni dans ses articles : laïcité, égalité entre les femmes et les hommes, interdiction de la peine de mort, libre administration des collectivités territoriales, droit d'asile et bien d'autres. Il n'y a donc pas d'incohérence ni de risque à reconnaître un nouveau droit. Au contraire, il est même de la responsabilité du législateur constituant d'en prendre la responsabilité, sans attendre que le Conseil constitutionnel reconnaisse ou non ce nouveau droit de manière prétorienne.
Bien sûr !
Ne croyons pas non plus que la protection de l'IVG par la loi suffit à nous prémunir contre tout risque d'atteinte à cette liberté. Certes, le Conseil constitutionnel a admis la conformité à la Constitution des différentes réformes concernant l'interruption volontaire de grossesse. Il a considéré que le législateur avait toujours respecté l'équilibre entre la liberté de la femme, telle qu'elle découle de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, et la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme de dégradation.
Notons cependant trois limites à cette protection. Premièrement, s'il admet sa constitutionnalité, le Conseil constitutionnel n'a jamais reconnu l'interruption volontaire de grossesse comme un droit ou une liberté fondamentale en soi, comme il a pu le faire dans d'autres cas, par exemple à propos de la liberté d'enseignement. Deuxièmement, il n'a jamais eu à se prononcer sur une restriction du droit à l'IVG, et on peut s'interroger sur sa capacité à déclarer inconstitutionnelles de telles dispositions sur le fondement de l'équilibre qu'il a défini, qui repose sur une interprétation déjà extensive de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Troisièmement, le Conseil reconnaît au législateur un large pouvoir d'appréciation sur cette question, ce qui est bien normal compte tenu du silence des textes constitutionnels en la matière.
C'est cette ambiguïté, cette incertitude que nous souhaitons lever, sans priver le juge constitutionnel de son office. La modification de l'article 34 de la Constitution renvoie explicitement à la prérogative du législateur chargé d'encadrer cette liberté, qui ne saurait être absolue. L'ajout du mot « garantie », principale évolution par rapport à la rédaction du Sénat – très largement reprise par ailleurs –, doit renforcer la protection de cette liberté, désormais de rang constitutionnel, contre d'éventuelles atteintes à l'avenir. À l'inverse, la suppression du mot « garantie » rétablirait une incertitude quant à l'intention du constituant ;…
Ça, c'est sûr !
…elle pourrait même indiquer que celui-ci n'a pas souhaité garantir ce droit, ce qui serait contre-productif. C'est pourquoi nous resterons impérativement attachés à ce mot.
Plus largement, je pense, chers collègues, que la rédaction actuelle du projet de loi constitutionnelle est la plus robuste et la plus opportune, sur le plan juridique, de celles qui ont été proposées. Compte tenu des auditions que j'ai menées et de l'avis du Conseil d'État, qui a été particulièrement positif à ce sujet,…
…mais aussi des travaux de nos collègues sénateurs et des discussions qui ont été les nôtres en commission des lois mercredi dernier, je défends la position selon laquelle cette rédaction est suffisamment précise et ne crée aucune ambivalence concernant l'objectif que nous poursuivons.
L'emplacement retenu, à l'article 34 de la Constitution, fait sens au regard de notre histoire constitutionnelle et de son évolution. Cela ne diminue en aucune manière la portée de la liberté ainsi garantie. Une telle rédaction est enfin de nature à garantir une protection qui respecte le choix individuel de chaque personne souhaitant recourir à une interruption volontaire de grossesse.
Je pense par ailleurs que la rédaction retenue est susceptible d'aboutir un accord avec nos collègues sénateurs, car elle se fonde sur les travaux de qualité qu'ils ont menés sur le sujet au début de l'année 2023, et qui ont ouvert le chemin vers la présentation de ce projet de loi constitutionnelle. C'est la raison pour laquelle je n'ai pas déposé le moindre amendement, comme en commission des lois ; je vous inviterai donc à retenir la rédaction qui nous est proposée et qui a d'ailleurs été largement adoptée par les commissaires aux lois, sans modification, le 17 janvier dernier.
Je note également que lors de nos débats en commission, la majorité des députés a exprimé son attachement à travailler à la construction d'un accord avec le Sénat. J'en veux pour preuve le débat que nous avons eu à propos d'amendements visant à rétablir les rédactions initiales des différentes propositions de loi ayant trait à ce sujet ; leur examen nous a permis d'avoir un débat juridique abouti, avant qu'ils ne soient retirés au profit de la rédaction initiale du présent projet de révision constitutionnelle.
Bien entendu, les débats qui vont s'engager demeurent d'une importance considérable. Comme lors de la commission, ils nous permettront de mettre en lumière l'objectif poursuivi et les choix juridiques qui ont conduit à cette rédaction, et je salue le fait qu'à l'exception de quelques-uns, tous les amendements déposés ont un rapport avec le projet de révision de la Constitution qui nous est soumis.
Cette révision intervient dans un contexte inquiétant pour celles et ceux qui défendent les droits des femmes. Rappelons qu'en Europe et aux États-Unis, ce droit est menacé. L'arrêt de la Cour suprême américaine, véritable électrochoc, nous a rappelé que, même dans un pays aussi développé et attaché aux libertés que les États-Unis, un recul du droit à l'IVG est possible. Leur situation juridique n'est pas comparable à celle de notre pays, mais force est de constater que ce droit, comme le disait Simone de Beauvoir, n'est « jamais acquis », et qu'il « suffira d'une crise […] pour que les droits des femmes soient remis en question ».
En Pologne, en Hongrie, les gouvernements ont élevé de nouvelles barrières à l'accès à l'IVG, comme l'obligation d'écouter le cœur du bébé ou l'interdiction d'avorter en cas de malformation du fœtus. Le droit européen n'apporte d'ailleurs aucune garantie en la matière, car la Cour européenne des droits de l'homme et la Cour de justice de l'Union européenne laissent une grande marge d'appréciation aux États.
Les militants dits antichoix sont très actifs en France et reçoivent d'importants financements. Les entraves prennent des formes de plus en plus pernicieuses : certaines plateformes vont jusqu'à créer des numéros verts afin de se faire passer pour des organismes publics et de dissuader ensuite les femmes qui les appellent.
C'est vrai !
Les attaques à l'encontre du droit à l'avortement nourrissent le débat public, comme en témoignent d'ailleurs certains amendements dont nous aurons à discuter aujourd'hui. Ne croyons donc pas que la France est complètement imperméable à ce risque. C'est précisément parce que ce droit est encore solidement ancré en France qu'il faut le protéger : je le redis à cette tribune, on ne prend pas une assurance quand la maison brûle.
Par cette révision, enfin, la France enverrait un message fort dans le monde entier en devenant le premier pays à reconnaître l'interruption volontaire de grossesse dans le texte de sa Constitution – qui a servi de modèle à tant de pays à travers l'histoire.
En somme, ce texte, d'une certaine manière, c'est rien et tout à la fois : il n'est rien, parce qu'il ne bouleverse pas le droit existant ; mais il est tout, parce qu'il crée un bouclier pour le futur en érigeant la liberté de recourir à l'interruption volontaire de grossesse, c'est-à-dire la liberté de disposer de son corps, parmi les libertés fondamentales devant être garanties par un État de droit au XXI
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes SOC et Écolo – NUPES. – M. Léo Walter applaudit également.
La parole est à M. Sacha Houlié, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
C'est un jour important pour notre assemblée : nous examinons le projet de loi constitutionnelle relatif à la liberté de recourir à l'interruption volontaire de grossesse. Si notre assemblée vote ce texte, si le Sénat l'approuve dans les mêmes termes, si le Parlement réuni en Congrès l'adopte, alors la liberté de recourir à l'interruption volontaire de grossesse sera inscrite dans notre Constitution : la France deviendra le premier pays au monde à la garantir à ce niveau. Si notre assemblée vote ce texte, si le Sénat l'adopte dans les mêmes termes, si le Parlement réuni en Congrès l'approuve, ce sera la première révision constitutionnelle adoptée depuis près de seize ans.
Si le conditionnel est de rigueur, c'est parce qu'il faut mesurer combien le parcours d'un projet de révision constitutionnelle est difficile. Celui du texte qui nous occupe a débuté il y a plusieurs mois grâce aux deux propositions de lois constitutionnelles défendues tant par la majorité – par la voix de Mme Bergé – que par l'opposition – par la voix de Mme Panot. Ce fut l'ébauche du consensus que nous devons concrétiser aujourd'hui, malgré des résistances anciennes.
Pour parvenir à réformer la Constitution, il faut en effet un consensus. Nous l'avions trouvé ici même en novembre 2022. Le Sénat, de son côté, avait adopté une autre rédaction, sans remettre en cause le principe consistant à garantir aux femmes la liberté de recourir à l'interruption volontaire de grossesse en l'inscrivant dans la Constitution. Le projet de loi présenté par le Gouvernement opère une synthèse qui permet cette révision : consécration de la liberté de la femme et du rôle prépondérant du législateur pour l'encadrer, recours garanti à cette liberté pour se prémunir de toute régression, inscription littérale de l'interruption volontaire de grossesse au cœur de la Constitution.
Les travaux menés la semaine passée par la commission des lois, éclairés par l'avis du Conseil d'État, ont, je le crois, permis à chacun de mesurer les enjeux et de lever les dernières réserves – pour celles qui étaient sincères. Certains ont, à cette occasion, raillé le caractère symbolique d'une telle révision constitutionnelle. Mais si celle-ci n'est que symbolique, pourquoi s'y opposer ?
La vérité, c'est que réviser la Constitution est tout sauf symbolique. La révision de 2007 constitutionnalisant l'interdiction de la peine de mort n'était pas symbolique. La protection d'une liberté fondamentale n'est pas symbolique. De même, le caractère indivisible, laïc, démocratique et social de notre République, l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion et le respect de toutes les croyances mentionnées à l'article 1
Car l'interruption volontaire de grossesse – comme plusieurs droits fondamentaux, d'ailleurs – est remise en cause dans le monde. La France n'étant pas isolée, hermétique au monde ou autarcique, rien ne la prémunit par principe des mouvements conservateurs et réactionnaires, pro-vie et anti-IVG. En l'état du droit, qui pouvait prédire avec certitude l'adoption, par la Cour suprême des États-Unis, de l'arrêt Dobbs du 24 juin 2022, par lequel elle a rompu avec cinquante-neuf ans de reconnaissance du droit à l'avortement à l'échelle fédérale ? Qui peut sereinement observer la Hongrie et la Pologne, pourtant membres de l'Union européenne, restreindre avec force le recours à l'IVG en obligeant les femmes à écouter le cœur du fœtus ou en interdisant les avortements en cas de malformation ? Nul besoin pour les détracteurs de l'IVG, dans ces pays, de dénoncer la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme ou de la Cour de justice de l'Union européenne : ni l'une ni l'autre ne protègent ce droit, car elles considèrent que son application relève de la libre appréciation des États.
Aussi vrai soit-il qu'en France, l'avortement est largement soutenu par la population comme par les associations, les mouvements antichoix sont bien présents et se sont sinistrement rappelés à la mémoire de chacun en dégradant plusieurs accueils du Planning familial, dont je souligne ici l'importance et le rôle indispensable.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES, sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et SOC et sur quelques bancs du groupe RE.
Aussi vrai soit-il qu'en France, la loi reconnaît le droit de recourir à l'IVG, aucune règle constitutionnelle ne protège pour l'heure cette liberté : le Conseil constitutionnel ne l'a jamais consacrée et n'a jamais estimé qu'elle était garantie aux femmes.
La conformité de l'IVG à la Constitution ne résulte pas même d'un principe constitutionnel spécifique, mais de l'équilibre entre la liberté de la femme – appréciée à l'aune d'une interprétation extensive de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen – et de la sauvegarde de la dignité de la personne humaine. À titre de rappel – pour ceux à qui cela échapperait dans les prochains jours –, le Conseil constitutionnel lui-même estime, depuis sa décision relative à l'IVG du 15 janvier 1975, qu'il ne dispose pas d'un « pouvoir général d'appréciation et de décision identique à celui du Parlement ». Autrement dit, seul le Parlement agissant en constituant peut élever la protection du recours à l'IVG au rang de principe constitutionnel.
Nous voilà donc placés devant une responsabilité importante et, au vu de la marche du monde, peut-être historique. La main de celles et ceux qui nous ont précédés, comme Simone Veil, n'a pas tremblé quand il a fallu adopter la loi de 1975. La voix de celles et ceux qui se sont battus ne s'est jamais tue lorsque, comme l'a fait Gisèle Halimi, il a fallu chèrement « choisir la cause des femmes ».
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – Mme Marie-Pierre Rixain applaudit également.
La nôtre ne doit donc pas manquer au moment de garantir constitutionnellement le recours à l'interruption volontaire de grossesse.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, SOC et Écolo – NUPES.
La parole est à Mme Véronique Riotton, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.
C'est avec émotion et détermination que je me tiens ici devant vous, cinquante ans après le discours de Simone Veil à cette même tribune, pour garantir la pérennité du droit à l'interruption volontaire de grossesse. En cet instant, j'ai une pensée pour toutes les femmes, connues et inconnues, qui ont œuvré pour faire inscrire dans la loi ce droit fondamental à disposer de son corps, pour toutes celles et ceux qui accompagnent au quotidien les femmes qui ont recours à l'avortement, et aussi pour toutes les Françaises de notre pays qui nous écoutent, avec attention et emplies d'espoir. Comme le disait Simone Veil, « il suffit d'écouter les femmes », premières concernées par l'IVG. Or 80 % des Françaises et des Français sont en faveur de la constitutionnalisation de ce droit. Écoutons-les.
Je le répéterai autant de fois que j'en aurai la force : n'en déplaise à certains dans cet hémicycle, le droit à l'avortement n'est pas une simple tolérance ou une grâce faite aux femmes. L'IVG est un droit humain fondamental : celui de disposer librement de notre corps et de choisir si, oui ou non, nous voulons poursuivre une grossesse. Les droits sexuels et reproductifs sont le socle de tous les droits des femmes. Comme le disait Gisèle Halimi, « il y a dans le droit à l'avortement de la femme une revendication élémentaire, physique, de liberté ».
Je sais que certains d'entre vous, minoritaires, s'interrogent légitimement sur la nécessité de constitutionnaliser ce droit. À ceux qui doutent, je rappelle que l'histoire du droit à l'avortement est jalonnée de victoires, mais aussi de régressions. Qui aurait pu penser, il y a deux ou trois ans, que ce droit serait torpillé aux États-Unis ? Certains me rétorqueront qu'on n'écrit pas la loi en fonction de la situation internationale. À ceux-là, je veux répondre deux choses.
Premièrement, je l'affirme : les mouvements antichoix sont parmi nous. Il n'y a qu'à voir les votes au sein de cet hémicycle, entendre certains propos tenus en commission des lois ou encore constater la mobilisation grandissante autour de la « marche pour la vie » pour se rendre compte que le droit à l'IVG n'est pas une évidence pour tout le monde.
Deuxièmement, c'est précisément parce que le droit à l'IVG n'est pas encore remis en cause en France que nous pouvons et devons l'inscrire dans la Constitution dès maintenant. Soyons humbles : reconnaissons que ce droit qui nous est cher pourrait disparaître. En Europe, on l'observe déjà : les forces politiques qui y sont opposées le remettent clairement en cause dès leur arrivée au pouvoir. Ce qu'une simple loi ordinaire nous a permis d'obtenir il y a cinquante ans, une simple loi ordinaire pourrait le défaire. Ayons la modestie de reconnaître que ce qui arrive chez nos voisins italiens, hongrois ou polonais – qui n'habitent pas des contrées exotiques et lointaines, contrairement à ce qu'on a pu entendre en commission – peut aussi arriver en France.
L'avis du Conseil d'État est très clair et doit servir de base à nos débats : personne ni aucun texte ne peut présentement garantir l'intangibilité du droit de recourir à l'IVG. Que celles et ceux qui refusent d'intégrer le droit à l'IVG dans notre Constitution parce qu'ils estiment qu'il n'est nullement menacé regardent autour d'eux, qu'ils regardent à l'horizon ! Pouvez-vous assurer aux générations futures qu'elles auront accès aux mêmes droits que nous ? Pouvez-vous le leur garantir ? Nous connaissons tous la réponse. Le sujet est trop grave pour ne pas faire preuve d'honnêteté intellectuelle.
Vous qui clamez que les conditions d'accès à l'IVG sont prioritaires, comment justifiez-vous avoir déposé des amendements visant à affaiblir le droit actuel ? Comment expliquez-vous aux Françaises et aux Français votre volonté de réduire de quatorze à dix le nombre de semaines durant lesquelles il est possible d'avorter ? Comment justifiez-vous votre volonté de dérembourser l'IVG ? Et la liste ne s'arrête pas là : en prétendant créer un nouveau droit à « la protection de la vie à naître », vous reprenez les mots des antichoix qui ont défilé ce dimanche dans la rue. Quel choc en lisant vos amendements !
Quelle vision avez-vous, ou plutôt vous faites-vous du droit à l'avortement et des femmes ? Que les femmes seraient trop légères lorsqu'elles ont recours à l'avortement ? Qu'elles ne seraient pas capables de faire ce choix libre et éclairé ? Ces sous-entendus sont d'une violence extraordinaire pour les personnes concernées ; j'ai une pensée pour toutes celles d'entre nous, au sein même de cet hémicycle et au-delà, qui ont eu recours à l'IVG. Disons les choses clairement : ce discours qui vise à culpabiliser les femmes témoigne d'une vision paternaliste et rétrograde qui n'est l'alliée ni des femmes ni de leurs libertés. Vous faites croire qu'il n'existe aucune menace contre le droit à l'IVG, mais vous incarnez vous-mêmes cette menace : vos amendements sont la preuve flagrante de la nécessité de constitutionnaliser le droit à l'IVG.
Chers collègues, n'attendons pas que le droit à l'IVG soit en danger pour agir : agissons maintenant pour qu'il ne soit jamais menacé. Mon cœur, mon corps, mon choix. Constitutionnalisons le droit à l'IVG.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, LFI – NUPES, Dem, SOC, HOR, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Comment ne pas évoquer solennellement, à mon tour, la grande dame que fut Mme Simone Veil, qui prenait la parole ici même, il y a près de cinquante ans ? Comment ne pas se remémorer l'adversité et la haine qu'elle a endurées jusque dans ses propres rangs ? Si ce texte majeur pour le droit des femmes a traversé les années, personne ne prétend le remettre en cause aujourd'hui, hormis quelques militants acharnés – que je respecte totalement dès lors qu'ils ne versent pas dans un fanatisme religieux.
Cela étant, à ceux qui disent qu'il n'existe pas de risque politique réel et imminent, les élus du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires répondent que l'improbable n'est pas impossible et que si l'optimisme est une qualité, il ne doit pas mener à l'aveuglement. Comment rester insensible face aux positions réactionnaires de divers gouvernements que l'on voit poindre au cœur même de l'Europe – sans parler de la décision prise par la Cour suprême de l'autre côté de l'Atlantique ?
Dans ce contexte, nous espérons que ce débat et le vote de cette loi enverront un message rassurant. Un an après le vote de la dernière proposition de loi sur ce thème, ma position – comme celle de la très grande majorité de notre groupe – n'a pas changé. Il faut être constant et rester fidèle à ses convictions sur des sujets de société aussi importants.
Nous sommes favorables à l'inscription dans la Constitution française du droit à l'interruption volontaire de grossesse pour toutes les femmes. .
Applaudissements de Mme Maud Petit
Je salue mon collègue de l'Ariège, Laurent Panifous, très engagé sur la question du droit à l'avortement. Saisissons la fenêtre de tir qui se présente à nous ! Ainsi que je l'ai déjà dit en commission au nom du groupe LIOT, nous ne pouvons manquer cette opportunité.
J'en appelle ainsi à la bienveillance de nos collègues sénateurs et du président Gérard Larcher : nous n'enlevons aucun droit à personne, nous consacrons simplement une liberté légitime. Certains estiment notre législation suffisamment protectrice, mais cette opinion ne doit pas mener à une inconscience béate. Si la loi Veil est une grande loi, elle demeure une loi ordinaire qui pourrait être limitée par une autre loi ordinaire. Nous pouvons aller plus loin en lui conférant une force constitutionnelle incontestable.
L'existence d'une majorité dans cette Assemblée pour voter ce texte doit nous pousser non à l'inertie mais à l'action pour renforcer la protection de ce droit.
J'en viens au texte que nous proposent le Gouvernement et cette majorité. Comme évoqué en commission, sa rédaction témoigne d'une forme de prudence un peu excessive. L'article unique reste timide par rapport à la version qu'avaient défendue en novembre 2022 de nombreux députés dont Mathilde Panot, et que nous avions soutenue. Cependant, pour des raisons d'équilibre, nous sommes prêts à nous ranger s'il le faut – et il le faudra certainement – derrière cette rédaction de compromis qui privilégie la notion de liberté et une inscription à l'article 34 de la Constitution.
Au-delà des avancées symboliques, la question essentielle pour les citoyennes françaises demeure celle de l'exercice concret et sans entrave de l'IVG. Les difficultés pratiques ainsi que les importantes fractures sociales et territoriales qui subsistent dans l'accès effectif à l'interruption volontaire de grossesse imposent une réponse forte de l'État.
Contrairement à d'autres Constitutions, comme celle de la République fédérale allemande, la Constitution du 4 octobre 1958 ne contient pas de liste de droits et libertés garantis. Ceux-ci sont renvoyés à ce qu'on appelle le « bloc de constitutionnalité ».
La question de l'IVG démontre que la sacralisation de droits et libertés fondamentaux représente un chantier à ouvrir dans le cadre d'une révision constitutionnelle d'ampleur. Faisons tous aujourd'hui un choix noble et juste, votons ce texte !
Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT, RE, LR, Dem et HOR et sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Il y a près d'un demi-siècle, cette assemblée légalisait le droit à l'interruption volontaire de grossesse sous l'impulsion de Simone Veil, marquant le commencement d'une nouvelle ère pour les femmes : celle de la maîtrise de leur corps et de leur destin.
Depuis cet acte fondateur pour les droits des femmes dans notre pays, que de chemin parcouru ! Le droit à l'avortement a été renforcé et facilité et son remboursement a été obtenu. Les politiques d'égalité entre les femmes et les hommes dans notre pays auraient été impossibles sans ce pas décisif.
Il appartient aujourd'hui à cette législature de consacrer un droit qui représente un pilier de l'édifice législatif émancipateur des femmes en inscrivant dans notre Constitution la liberté garantie à la femme de recourir à l'interruption volontaire de grossesse.
Plusieurs groupes parlementaires – que je salue – ont pris l'initiative de déposer une proposition de loi constitutionnelle tout en soulignant la nécessité de privilégier le recours à un projet de loi. Ces textes eurent le mérite de permettre à nos deux chambres de débattre sereinement. Puis, au terme d'une première navette, le Président de la République a déposé, comme il s'y était engagé, un projet de loi constitutionnelle en Conseil des ministres.
À ce stade, je salue l'engagement constant de M. le garde des sceaux en faveur de l'inscription dans la Constitution du droit de recourir à l'IVG ainsi que votre détermination sans borne, madame la ministre déléguée. Nous nous souvenons tous du discours sincère et combatif que vous aviez tenu ici, en votre qualité de députée, il y a un an, lors de l'examen d'une première proposition de loi constitutionnelle visant à garantir le droit à l'IVG.
Je salue aussi la qualité de votre rapport, monsieur le rapporteur. Sa lecture et celle de l'avis particulièrement éclairant du Conseil d'État expliquent les conséquences juridiques de l'inscription de l'IVG dans la Constitution.
Ces deux textes présentent une réponse à ceux qui arguent que celle-ci est superfétatoire.
Le Conseil d'État rappelle sans ambiguïté qu'en l'état actuel de notre droit, il n'existe pas de garantie supralégislative à la liberté donnée aux femmes de recourir à l'avortement. Certes, le juge constitutionnel a consacré la conformité à la Constitution de la législation actuelle en matière d'IVG mais il n'a jamais affirmé qu'une loi qui viendrait réduire ou faire disparaître ce droit de l'ordonnancement juridique serait contraire à notre loi fondamentale. Il est donc essentiel d'introduire dans la Constitution une disposition claire qui consacre cette liberté.
Vos travaux, monsieur le rapporteur, ainsi que ceux du Conseil d'État, sont également précieux pour apprécier la formulation retenue, selon laquelle : « La loi détermine les conditions dans lesquelles s'exerce la liberté garantie à la femme d'avoir recours à une interruption volontaire de grossesse ». Je fais miennes les observations du Conseil d'État sur l'usage du mot « liberté » plutôt que du mot « droit », lorsqu'il indique : « Au vu de la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui ne retient pas une acception différente des termes de droit et de liberté, le Conseil d'État considère que la consécration d'un droit à recourir à l'interruption volontaire de grossesse n'aurait pas une portée différente de la proclamation d'une liberté. »
La Constitution consacre la liberté d'expression ou la liberté de conscience, qui sont des droits fondamentaux dont nul ne conteste la portée, quand bien même il ne s'agit pas de droits à proprement parler.
L'avis du Conseil d'État est tout aussi éclairant sur le choix du mot « femme » : si la désignation d'un bénéficiaire de cette liberté est indispensable pour donner un caractère personnel à celle-ci, l'usage du mot « femme » – somme toute assez légitime lorsqu'on parle de droits reproductifs – n'empêche pas de faire de toute personne en état de grossesse un bénéficiaire de cette liberté.
Enfin, le choix du gouvernement de reprendre les travaux du Sénat sur l'inscription de cette liberté à l'article 34 de notre Constitution tout en précisant que la liberté de recourir à l'IVG est « garantie » aux femmes est pertinent et susceptible de proportionner avec justesse le niveau de protection de cette liberté. Cet équilibre consacre les prérogatives du législateur pour délimiter les contours et les modalités d'exercice de ce droit, tout en renvoyant à la Constitution pour en protéger le caractère effectif.
L'adoption de ce projet de loi n'entraînera ni la nécessité de faire évoluer notre cadre législatif ni une remise en cause d'autres droits et libertés – en particulier de la liberté de conscience des médecins. Il n'en résultera pas un droit à l'interruption volontaire de grossesse en dehors du cadre législatif actuel. Il ne sera en revanche pas possible pour un législateur réactionnaire d'interdire l'avortement ou de le limiter de manière excessive.
Fruit d'un premier échange entre les deux chambres de notre parlement, cette rédaction de compromis est d'une redoutable efficacité : elle permet la mise en place d'un bouclier protecteur non régressif et empêche tout retour en arrière qui viendrait priver d'effectivité le droit des femmes de recourir à l'IVG.
À ceux de nos collègues, très engagés sur ce sujet, qui seraient tentés de vouloir améliorer la rédaction proposée, je voudrais dire que les deux chambres ont déjà eu l'occasion d'exprimer leur volonté, que le mieux est l'ennemi du bien et qu'à partir du moment où le terme « garantie » a été ajouté à la formulation du Sénat, il ne fait aucun doute qu'elle offre un niveau de protection suffisant.
Parce que toute modification du texte nous éloignerait de la perspective d'une constitutionnalisation, il nous faut en tirer les conclusions appropriées et le voter sans rien y ajouter et sans rien y retrancher, pour tendre la main à nos collègues sénateurs. C'est ce que feront les députés du groupe Renaissance.
Très bien !
Juridiquement, la situation est claire ; politiquement, elle l'est aussi malheureusement ! Pour certains, modifier la Constitution serait une mesure symbolique non nécessaire en l'absence de menace pesant sur le droit à l'IVG. Mais c'est lorsqu'on a une majorité pour le faire qu'il convient d'inscrire une liberté dans notre loi fondamentale. Après, il est trop tard !
En second lieu, c'est une erreur que de considérer que la menace est nulle. L'humilité impose de regarder avec lucidité ce qui se passe hors du territoire français et de constater que, partout, les réactionnaires, lorsqu'ils arrivent au pouvoir, portent atteinte à ce droit car il constitue un pilier essentiel de la capacité des femmes à maîtriser leur corps et donc leur destin.
L'arrêt Dobbs rendu par la Cour suprême américaine nous rappelle qu'une tradition juridique bien ancrée peut être modifiée par une minorité très organisée. Au reste, le mouvement ne concerne pas uniquement les États-Unis : au Portugal, les conservateurs ont limité les conditions d'accès à l'IVG ; en Hongrie, ils ont quasiment fait disparaître ce droit et en Pologne, l'IVG a été pratiquement aboli dans les faits. Suppression totale ou partielle, déremboursement, mesures vexatoires comme l'imposition d'un examen psychologique ou d'un délai de réflexion ou l'obligation d'entendre au préalable les battements de cœur du fœtus,…
…partout, les adversaires de l'IVG multiplient les attaques contre ce droit, y compris en Europe. Que toutes les défenseures du droit à l'avortement en Europe, qui militent parfois dans des conditions très difficiles, soient ici saluées et encouragées, leur combat est le nôtre !
Il faudrait être aveugle ou de mauvaise foi pour ne pas voir que la menace est réelle, ici aussi. Non, les anti-IVG n'ont pas disparu dans notre pays. Ils pullulent sur les réseaux sociaux et sur internet ; ils envoient des fœtus en plastique aux députés engagés sur cette question ; 6 000 à 15 000 d'entre eux ont défilé dans nos rues la semaine dernière ; ils siègent même sur les rangs de notre assemblée. N'oublions pas que, si la stratégie de la cravate change l'apparence, elle ne change rien au fond !
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Oui, l'extrême droite est l'adversaire historique du droit des femmes en général et du droit à l'avortement en particulier. Marine Le Pen défendait il y a encore quelques années le déremboursement de l'IVG considérant qu'il fallait lutter contre « les avortements de confort ». En 2021, lorsque cette assemblée allongeait de douze à quatorze semaines le délai de recours à l'IVG, elle dénonçait « une dérive idéologique ».
D'ailleurs, on attend toujours qu'elle condamne l'interdiction par ses alliés du parti Droit et justice (PiS) de l'avortement en Pologne.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Nous pouvons avoir des doutes légitimes quant au fait que les idées du RN auraient changé. Simplement, la soif de pouvoir pousse ses membres à dissimuler leurs croyances profondes derrière des cravates. C'est bien une élue RN qui avait qualifié en 2018 l'avortement de « génocide de Français remplacé à tour de bras par les migrants » et c'est au RN qu'un député a comparé en 2020 l'IVG à la Shoah, aux génocides arméniens et rwandais, et aux crimes de Daech.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et HOR, ainsi que sur quelques bancs des groupes LR et LIOT.
À ceux qui disent que la constitutionnalisation ne servirait à rien, je pose cette question : veulent-ils sérieusement prendre le risque de voir demain leurs filles et leurs petites-filles mettre leur vie entre les mains de faiseuses d'anges, se retrouver dans une arrière-cuisine et finir mutilées ou pire, pour n'avoir pas voulu se résoudre à mener une grossesse à terme ? Ce n'est ni mon choix, ni celui de mon groupe.
Pour consacrer le droit des femmes à maîtriser leur corps, pour envoyer un message d'espoir à toutes les femmes du monde qui voient leurs droits reproductifs fragilisés, le groupe Renaissance votera ce texte sans modification.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Vouloir inscrire dans la Constitution la liberté de la femme de recourir à l'IVG est à tout le moins inapproprié et inutile.
Inapproprié car ce texte est très éloigné des aspirations actuelles de nos concitoyens,…
…davantage préoccupés par la hausse galopante des prix, notamment de l'énergie, et la baisse corrélative du pouvoir d'achat, par le sort plus qu'inquiétant des pêcheurs et des agriculteurs sacrifiés sur l'autel de l'Union européenne,…
…par la situation internationale alarmante et par la hausse exponentielle des trafics en tous genres, des viols ou encore des homicides que par une loi constitutionnelle parfaitement inutile…
…et surtout totalement décorrélée de tous ces sujets qui ne vous intéressent pas mais qui suscitent les plus grandes craintes chez nos concitoyens.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
Inutile car personne, dans la société française contemporaine, ne souhaite remettre en cause l'IVG,…
Je le répète car je connais la vision partiale et partielle – je n'ose pas aller jusqu'à parler de mauvaise foi –qui s'exprime parfois sur certains bancs : il n'est pas question que notre famille politique remette en cause l'accès à l'avortement.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La liberté d'avorter, aujourd'hui pleinement protégée par la loi défendue par Simone Veil, fait désormais partie intégrante de notre patrimoine juridique.
Le Conseil constitutionnel quant à lui, a toujours jugé l'avortement conforme à la Constitution et rattache au demeurant l'IVG au principe de liberté de la femme découlant de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qu'il concilie avec celui de sauvegarde de la dignité de la personne humaine. Ainsi, sur le plan constitutionnel, il n'existe strictement aucun risque d'atteinte à l'IVG.
Dès lors, à quel titre devrions-nous modifier notre Constitution afin d'y inscrire une liberté que personne ne conteste et qui est protégée par la jurisprudence constante du Conseil constitutionnel – que vous savez brandir en d'autres occasions ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.
À cet égard, et alors que certains tentent de semer la confusion, ne vous trompez pas de débat. Le problème n'est pas de savoir si l'on est pour ou contre l'IVG ; ce débat a été tranché en 1975, il y a bientôt cinquante ans.
Mettez vos pendules à l'heure ! Il est de savoir si l'on constitutionnalise ou non la liberté d'avoir recours à une IVG, liberté que personne ne conteste au demeurant…
…et dont on use dans notre pays où 234 300 IVG ont été pratiquées en 2022, soit deux fois plus qu'en Allemagne.
Par ailleurs, ce texte risque de remettre en cause l'équilibre de la loi Veil. En effet, celle-ci énonce dans son article 1er : « La loi garantit le respect de tout être humain dès le commencement de la vie. Il ne saurait être porté atteinte à ce principe qu'en cas de nécessité et selon les conditions définies par la présente loi. »
C'est pour nous protéger contre vous que nous allons voter la proposition de loi constitutionnelle !
À travers cet article, le législateur de 1975 a souhaité – il y a quasiment cinquante ans – équilibrer les droits de la femme enceinte et ceux de l'embryon en posant une règle dérogatoire et fondamentale, au « respect de tout être humain dès le commencement de la vie ». La loi Veil était donc, dès l'origine, un texte dérogatoire au droit commun, faisant de l'IVG une exception au principe de respect de tout être humain dès le commencement de la vie.
C'est pourquoi vouloir inscrire aujourd'hui dans la Constitution « la liberté garantie à la femme d'avoir recours à une IVG » peut paraître en contradiction avec la loi Veil. Si le texte proposé est voté, l'IVG sera constitutionnalisée. D'exception, elle deviendra principe. Dès lors, c'est tout un pan du code de la santé publique et du droit médical qu'il nous faudra rebâtir autour de ce principe, quoi qu'en disent les partisans de ce texte afin d'assurer à tout prix cette nouvelle liberté constitutionnelle. Au vu de l'état actuel de notre système de santé, est-ce bien judicieux ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
D'aucuns, pour pallier cet écueil, mettent en avant l'aspect symbolique de la démarche. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'une majorité de notre groupe avait voté le texte soumis à notre assemblée en novembre 2022.
La Constitution étant le texte suprême de notre droit, nous considérons que ce projet de loi constitutionnelle devrait dans tous les cas être soumis à référendum car la Constitution ne devrait pouvoir être modifiée que directement par le peuple souverain. D'autre part, comme Marine Le Pen l'a souligné durant la campagne présidentielle …
« Ah ! » sur divers bancs
…– je savais que ça vous plairait – les sujets de société doivent être tranchés directement par la société.
En outre, certains constitutionnalistes estiment qu'il ne serait pas responsable d'inscrire cette liberté dans la Constitution car la norme constitutionnelle doit être un point d'ancrage de notre droit, un élément de stabilité de l'ordre juridique et non l'exutoire des désirs de certains.
« L'exutoire des désirs ! »
Cette nouvelle liberté risque par ailleurs – et c'est fondamental – d'entrer en conflit avec d'autres libertés garanties par le bloc de constitutionnalité. Je pense par exemple à la liberté de conscience garantie par l'article 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.
C'est écrit noir sur blanc !
Enfin, la formulation retenue – « la liberté garantie à la femme d'avoir recours à une IVG » – pourrait conduire à consacrer un accès sans condition à l'IVG, par exemple bien au-delà de la limite légale en vigueur. C'est le débat que nous avions eu il y a quelques mois.
C'est faux !
Admettez que vous êtes contre l'IVG au lieu de recourir à ces circonvolutions !
À ce sujet, quelques amendements déposés par certains groupes parlementaires – toujours à la pointe de l'innovation – laissent à penser que d'aucuns ne verraient absolument pas d'inconvénient à ce que des IVG soient pratiquées jusqu'à huit ou neuf mois de grossesse.
Exclamations sur quelques bancs des groupes RE, LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Alors pourquoi ce texte ? Tout en reconnaissant que cette liberté n'est nullement menacée dans notre pays, on invoque désormais, comme dans un inventaire à la Prévert : une croisade que notre pays se devrait d'entreprendre partout dans le monde – l'utilisation du terme « croisade » par le rapporteur souligne le caractère très idéologique de ce texte – ,…
…le fait que la France serait ainsi l'un des premiers pays au monde et le premier en Europe à reconnaître dans sa Constitution une telle liberté ; enfin – j'ai gardé le meilleur pour la fin – la volonté du chef de l'État d'adresser un message universel de solidarité à toutes les femmes qui voient aujourd'hui cette liberté bafouée.
Or la sauvegarde des droits et libertés des femmes ne se réduit pas à un sombre concours pour savoir qui est le premier, ni à une croisade à travers le monde ,
Applaudissements sur les bancs du groupe RN
encore moins à un message universel envoyé à la terre entière, voire à la galaxie, a fortiori lorsque la situation de ces mêmes droits et libertés n'est pas, tant s'en faut, satisfaisante en France.
C'en est fini de la défense des droits des femmes : place au message politique, au tract de campagne électorale. Où qu'elles vivent dans le monde, les femmes méritent mieux que cette vulgaire course à la gloriole.
Non mais franchement !
Pour conclure, ce texte inapproprié, inutile et contraire à l'équilibre de la loi Veil ne permettra par ailleurs, en aucune façon, de résoudre la question majeure de l'effectivité de l'accès à l'IVG sur tout le territoire français où, près de cinquante ans après la loi Veil, nombre de femmes, essentiellement dans les zones rurales, ne parviennent pas à avoir recours à une IVG dans les délais légaux, repoussés récemment jusqu'à quatorze semaines pour pallier les carences abyssales de notre système de santé.
Dès lors, ce texte ne réglera pas le problème de toutes ces femmes au quotidien car il ne s'agit là que d'une opération de communication destinée à flatter l'ego de certains, tout en masquant la réalité de l'insondable état de notre système de santé.
Bref, ce texte n'est finalement qu'un artifice pour masquer la vacuité de votre politique de défense du droit des femmes.
Farouchement attaqué… Pardon, farouchement attaché à la liberté de conscience,…
Quel lapsus ! Vous vous attaquez en effet à la liberté de conscience ! C'est l'inconscient qui parle !
…le groupe Rassemblement national laissera chacun voter en conscience.
Ce sujet est beaucoup trop grave pour être instrumentalisé à des fins politiciennes. Ne nous trompons pas de débat : ne pas voter ce texte n'est pas remettre en cause l'accès à l'avortement ,
Applaudissements sur les bancs du groupe RN
…lequel, je le répète, fait aujourd'hui partie intégrante de notre patrimoine juridique. Quel que soit notre vote, nous sommes tous, je le crois, sur ces bancs, attachés à faire de la défense des femmes une priorité.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Mmes et MM. les députés du groupe LFI – NUPES se lèvent et applaudissent.
On dit « madame la ministre » !
Et « monsieur le ministre » !
…collègues, aujourd'hui, la France parle au monde. Aujourd'hui, l'histoire longue vient à notre rencontre et nous appelle à prendre une décision à la hauteur de ce que nous sommes collectivement. Collègues, c'est aujourd'hui que nous devons consacrer le droit à l'avortement dans la Constitution.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur plusieurs bancs du groupe Écolo – NUPES.
D'aucuns nous disent pourtant que nous serions réunis dans un but nul et non avenu, et que constitutionnaliser l'avortement ne serait ni urgent, ni majeur, ni vital.
C'est nier qu'en 2024, en France, quarante-neuf ans après la loi Veil, le droit à l'IVG n'est toujours pas pleinement effectif. C'est nier qu'en 2024, en France, il est toujours difficile pour des femmes d'accéder à un avortement dans des délais convenables,…
…sans faire des centaines de kilomètres et avec la méthode de son choix. C'est nier qu'en 2024, en France, 130 centres IVG ont fermé en quinze ans
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur plusieurs bancs du groupe Écolo – NUPES
et que l'accès à l'avortement est toujours conditionné à une double clause de conscience des médecins.
Pourquoi en est-il ainsi ? Parce que, quarante-neuf ans après la loi Veil, le combat des femmes pour le droit à disposer de leur corps est plus que jamais d'actualité.
C'est aujourd'hui que nous devons consacrer le droit à l'avortement dans la Constitution parce que, quarante-neuf ans après la loi Veil, nous restons dans un « en même temps » insupportable de la part de ce gouvernement,…
…et, d'abord, de la part d'Emmanuel Macron lui-même, lui qui, il y a une semaine, n'a pas eu un mot, en deux heures vingt de conférence de presse, pour évoquer la constitutionnalisation du droit à l''avortement.
Mais enfin, c'est son projet !
À l'inverse, il aura préféré, reprenant les mots de Viktor Orbán, Premier ministre hongrois d'extrême droite, se faire le chantre du « réarmement démographique ». Je rappelle que M. Orbán impose aux femmes hongroises d'écouter le cœur du fœtus lorsqu'elles souhaitent mettre fin à une grossesse. Modèle de Jordan Bardella et plus largement du Rassemblement national ,
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur plusieurs bancs du groupe Écolo – NUPES
il s'est saisi, à l'image de tous les réactionnaires et fascistes à travers l'histoire, de la question de la démographie pour instrumentaliser le corps des femmes.
Collègues, nos ovaires ne sont pas des armes de guerre.
Mêmes mouvements.
Non, monsieur le ministre et madame la ministre, le corps des femmes appartient non à l'État, à la famille, aux juges mais aux femmes et à elles seules.
Mêmes mouvements.
L'obsession nataliste est liée depuis le début à la criminalisation de l'avortement. Le régime de Vichy en avait fait un crime contre la sûreté de l'État, passible de peine capitale – un corollaire de sa politique nataliste. Dans tous les régimes fascistes du siècle passé, le contrôle de la reproduction et la domination du corps des femmes sont les premiers leviers vers un État totalitaire. Aujourd'hui, partout dans le monde, les groupes rétrogrades redoublent encore de stratégies pour restreindre et bafouer les droits sexuels et reproductifs.
C'est aujourd'hui que nous devons consacrer le droit à l'avortement dans la Constitution. Car les mouvements antichoix sont toujours une menace féroce et organisée. En la matière, il n'y a pas d'exception française. Ils manifestent et désinforment massivement sur les réseaux sociaux ; leurs militants attaquent de plus en plus régulièrement les permanences du Planning familial ; ils font campagne pour le déremboursement de l'avortement ; ils combattent également l'éducation à la vie affective et sexuelle à l'école ,…
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
…s'attaquant, par là, à la bonne information sur la contraception, à l'éducation au consentement ou encore à la lutte contre les inégalités.
Ces antidroits siègent aussi à l'extrême droite de cet hémicycle, au Rassemblement national, dont le fondateur Jean-Marie Le Pen déclarait en 1996 : « L 'affirmation que votre corps vous appartient est tout à fait dérisoire. Il appartient à la vie et aussi, en partie, à la nation. »
Je rappelle qu'en 2012 le Rassemblement national, par la voix de Marine Le Pen, souhaitait dérembourser les avortements dits de confort et qu'en 2022, Marine Le Pen – toujours elle – s'opposait à l'allongement du délai légal pour avorter.
Sur les bancs d'extrême droite, on retrouve, pêle-mêle, Laure Lavalette qui écrit qu'elle veut « abroger, à terme, le droit à l'avortement », Hervé de Lépinau qui compare l'avortement aux génocides arménien et rwandais, à la Shoah et aux crimes de Daech ,
Protestations sur les bancs du groupe RN
Caroline Parmentier qui regrette qu'après « avoir génocidé les enfants français à raison de 200 000 par an », soit le nombre d'avortements en France, on doive « maintenant les remplacer à tour de bras par des migrants ».
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES, dont de nombreux députés se lèvent pour applaudir, ainsi que sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Voilà pourquoi, aujourd'hui, nous devons consacrer le droit à l'avortement. Notre responsabilité est immense. L'avortement n'est peut-être pas en danger imminent. Peut-être. Inscrivons-le dans la Constitution et il ne le sera jamais à l'avenir. Car c'est justement quand il n'est pas encore en danger imminent qu'il faut le protéger.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur plusieurs bancs du groupe Écolo – NUPES. – M. Erwan Balanant applaudit également.
Introduire le droit à l'avortement dans la Constitution sécurise la portée, aujourd'hui incertaine, de ce droit humain fondamental.
C'est affirmer ici à nos filles, petites-filles et arrière-petites-filles qu'elles n'auront pas moins de droits que nous. C'est conjurer l'idée que les générations futures devraient un jour ingurgiter de l'eau oxygénée, du détergent ou s'introduire dans l'utérus une aiguille à tricoter, une brosse à dents, de l'eau savonneuse ou un épi de blé. C'est parer la réalité des sévices que des femmes pouvaient s'infliger avant 1975, entraînant parfois leur mort. Car oui : la seule conséquence de la privation des femmes du droit à avorter, c'est l'avortement clandestin et, bien souvent, la mort.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Collègues, voilà pourquoi c'est aujourd'hui que nous devons consacrer le droit à l'avortement. Être le premier pays au monde à graver dans sa Constitution le droit à l'avortement honorera la France en tant que nation pionnière des droits des femmes ! Cette consécration que nous appelons de nos vœux aujourd'hui représente pour nous un encouragement à la lutte et un hommage aux femmes états-uniennes traquées jusque dans leurs conversations Facebook et condamnées pour l'usage de pilules abortives, un hommage aux femmes argentines en grève générale aujourd'hui, notamment pour le droit à l'avortement.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES. – M. Erwan Balanant applaudit également.
Cette consécration que nous appelons de nos vœux aujourd'hui, nous la voulons en hommage à Vanessa Mendoza Cortés, traînée en justice pour avoir dénoncé devant l'ONU la quasi-interdiction de l'avortement en Andorre, à Justyna Wydrzyñska, militante polonaise condamnée pour avoir aidé une femme à avorter ou encore à Izabela, à qui on a refusé l'avortement et qui déclarait dans son dernier SMS avant son décès : « C'est la loi, le supplice de l'être humain. Les femmes sont devenues des couveuses. »
Cette consécration que nous appelons de nos vœux aujourd'hui, nous la voulons en hommage aux personnes qui meurent toutes les neuf minutes dans le monde du fait d'un avortement non sécurisé.
Collègues, voilà pourquoi c'est aujourd'hui que nous devons consacrer le droit à l'avortement !
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et sur plusieurs bancs du groupe Écolo – NUPES.
Insoumises, nous nous réclamons héritières d'un humanisme dont le principe directeur est l'autonomie car c'est l'autonomie individuelle, consacrée par les droits humains, qui est à la base des libertés de conscience, d'expression et de mouvements. Il s'agit de se commander soi-même, d'être maître de soi, d'être libre de choisir ; il n'y a pas d'aspiration plus haute pour tout être humain ! C'est pourquoi le droit à l'avortement est le préalable à tout féminisme.
Constitutionnaliser ce droit aujourd'hui, ce n'est pas seulement défendre la justice reproductive dans le monde mais aussi la démocratie qui permet d'être sujet de sa vie.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur plusieurs bancs des groupes Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Car le féminisme ne concerne pas exclusivement les femmes : c'est l'histoire multimillénaire d'une émancipation. Voilà pourquoi aujourd'hui, je le répète, nous devons consacrer le droit à l'avortement.
La constitutionnalisation de l'IVG s'inscrit dans une longue histoire de privation des femmes à disposer de leur corps, dans la continuité de toutes les mobilisations féministes. Cette victoire est d'abord celle de tous les militants des associations et des collectifs : je veux saluer leur présence dans les tribunes et leur exprimer notre reconnaissance pour leur engagement à faire vivre les droits des femmes au quotidien.
Mmes et MM. les députés des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES, ainsi que M. Erwan Balanant, M. Frédéric Zgainski et Mme Ingrid Dordain, se lèvent et applaudissent longuement. – M. le rapporteur et M. le président de la commission applaudissent également.
Militantes féministes de tout temps, si ce débat existe et si cette victoire est proche, c'est d'abord grâce à vos combats ! Car derrière la loi, il y a toujours une foule. Et c'est une longue foule de militantes qui a arraché le droit à l'IVG en 1975, leur combat qui a permis le remboursement de l'IVG par la sécurité sociale en 1981, porté à 100 % depuis 2013, et qui a imposé l'allongement des délais de dix à douze semaines en 2001, puis de douze à quatorze semaines en 2022. C'est toujours cette foule qui a arraché, victoire après victoire, le droit des mineurs à avorter sans accord parental, la suppression du délai de réflexion, la création d'un délit d'entrave et l'autorisation des sages-femmes à pratiquer des IVG. Et cette prochaine victoire est aussi une victoire insoumise et parlementaire puisque la proposition de loi que j'avais eu l'honneur de présenter au nom de mon groupe, adoptée le 24 novembre 2022 à l'Assemblée nationale ,
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES. – Mme Elsa Faucilllon applaudit également
puis le 1er février 2023 au Sénat, a forcé le Gouvernement à inscrire ce projet de loi constitutionnelle à l'ordre du jour.
C'est un raisonnement au forceps !
Depuis les années soixante et jusqu'au troisième millénaire, le droit à l'IVG aura été un champ de bataille permanent. Nous sommes conscientes qu'il n'y aura jamais de marbre assez puissant pour graver définitivement ce droit, conscientes que la formulation retenue n'est pas celle que nous aurions souhaitée, mais le temps venu, le peuple l'améliorera dans le cadre de la Constituante en y ajoutant le droit à la contraception, corollaire du droit à l'avortement. Mais l'inscription dans la Constitution de « la liberté garantie à la femme d'avoir recours à une interruption volontaire de grossesse » marque une victoire historique. Cette victoire est la vôtre, la nôtre, et c'est la défaite des antichoix !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur plusieurs bancs des groupes SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Aujourd'hui, la France parle au monde !
Pour terminer, je souhaite vous livrer les mots de Gisèle Halimi lors de sa plaidoirie au procès de Bobigny en 1972 : « Personne, comprenez-moi, messieurs, personne n'a jamais pu obliger une femme à donner la vie quand elle a décidé de ne pas le faire. » Et comme un symbole magnifique au moment où nous débattons de ce texte, nous apprenons que les militantes polonaises vont permettre aux femmes de reconquérir l'accès libre à la pilule du lendemain. Leur combat est le nôtre ; notre victoire est la leur !
Les députés du groupe LFI – NUPES ainsi que plusieurs députés des groupes SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES se lèvent et applaudissent longuement. – Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.
« Les représentants du peuple français […] ont résolu d'exposer, dans une déclaration solennelle, les droits naturels, inaliénables et sacrés de l'homme, afin que cette déclaration, constamment présente à tous les membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs […] » Ces mots sont ceux du préambule de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Nous, constituants, avons un devoir fondamental : celui de veiller au respect de l'esprit et de la lettre de cette déclaration quand nous nous apprêtons à modifier notre Constitution. Parmi les droits que la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen qualifie de « naturels et imprescriptibles » figure notamment, en son article 2, la liberté. C'est en s'appuyant sur cet article que le Conseil constitutionnel a jugé l'interruption volontaire de grossesse comme principe à valeur constitutionnelle, la liberté pour la femme de mettre fin à sa grossesse étant déduit du droit fondamental à la liberté. Mais dans leur immense sagesse, nos illustres prédécesseurs ont défini à l'article 4 de cette même déclaration ce qu'est la liberté en tant que droit naturel et imprescriptible : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui […]. » La liberté ici mentionnée n'est donc pas absolue, elle ne revient pas à permettre de faire absolument tout ce que l'on veut ; elle est limitée par le fait de ne pas nuire à autrui et donc par un autre droit fondamental : celui du droit de toute personne à la vie, déduit de cette même déclaration et mentionné à l'article 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
C'est précisément cet équilibre fragile entre ces deux libertés, entre ces deux droits fondamentaux, que la loi Veil du 17 janvier 1975 a réussi à protéger en consacrant à la fois le respect de la liberté de la femme de mettre un terme à sa grossesse et la protection du droit de l'enfant à naître. Je souhaite rappeler ici que dans son article 1er , elle consacre le principe du « respect de tout être humain dès le commencement de sa vie », tout en permettant à la femme de mettre un terme à sa grossesse – à l'époque jusqu'à la dixième semaine et dans des conditions spécifiques, telle une situation de détresse. La loi Veil, c'est aussi cela. Elle prévoit qu'au cours des premières semaines de la grossesse, dont le nombre est déterminé par la loi, c'est la liberté de la femme qui prévaut, mais qu'après la fin du délai légalement prévu, c'est la protection de l'enfant à naître qui prévaut. C'est donc cet équilibre délicat qui permet la conciliation de ces deux principes fondamentaux que nous devons préserver quand nous débattons de l'inscription de l'IVG dans notre Constitution. À la lecture du discours tenu par Simone Veil à cette tribune, il y a quarante-neuf ans, je suis convaincue que son intention ne relevait pas du militantisme. Je crois qu'elle visait comme législatrice, de manière pragmatique, responsable et humaine, à mettre fin à des situations de détresse inacceptables pour les femmes, alors que les pratiques illégales d'IVG étaient courantes et notoirement risquées pour la vie et la fertilité à venir des femmes. Elle cherchait à accorder le droit de l'époque à une réalité sociale incontestable. Elle visait aussi à mettre fin à la peur et à la culpabilité des femmes d'être hors la loi. Valéry Giscard d'Estaing, alors Président de la République, disait au sujet de ce texte qu'il s'agissait de mettre fin à une situation de désordre et d'injustice, et d'apporter une solution mesurée et humaine à l'un des problèmes les plus difficiles de notre temps. Sans la volonté de Valéry Giscard d'Estaing et de Jacques Chirac, alors Premier ministre, sans l'humilité de Simone Veil et sans la mobilisation de députés sur tous les bancs, l'IVG n'aurait pas été inscrite à l'ordre du jour de notre assemblée et n'aurait donc pas été votée. Je ne laisserai donc personne, durant ces débats, tenir des propos réducteurs à l'égard de la droite républicaine, en l'occurrence des Républicains que j'ai l'honneur de représenter à cette tribune.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La loi Veil de 1975 ainsi que de très nombreuses autres dispositions relatives aux droits des femmes ont été présentées et soutenues par des gouvernements de droite.
Chez les Républicains, nous revendiquons une exigence forte : celle de nous assurer que l'équilibre de la loi Veil soit toujours maintenu et la liberté de conscience de chacun respectée. Si à titre personnel, en tant que femme, je suis favorable à l'inscription de l'IVG dans la Constitution, j'ai en tant que législateur constituant, un devoir fondamental prioritaire qui l'emporte sur mon avis personnel et sur ma condition genrée : celui de m'assurer que cette inscription de l'IVG – à laquelle, je le répète, je suis favorable – n'aboutisse pas d'une manière ou d'une autre à la réduction, au grignotage, voire à la négation de l'autre droit fondamental qu'est le respect de la vie humaine. Car ces droits n'ont pas à être hiérarchisés. Humainement, je ne pourrais l'accepter. Et je ne me réduis pas à mes ovaires, y compris au sens de la Constitution.
Or à ce stade de l'examen du projet de loi, un certain nombre de doutes subsistent, monsieur le garde des sceaux, notamment en raison de la modification par le Gouvernement de la rédaction du texte de notre collègue Philippe Bas, président LR de la commission des lois du Sénat. Il avait su pourtant trouver une rédaction de compromis, votée notamment par la gauche sénatoriale. Si nous débattions aujourd'hui du texte du Sénat, il s'en serait probablement suivi un vote conforme ici même, puis un vote sans difficulté au Congrès.
C'est une autre histoire ! Je ne crois pas qu'on puisse refaire le film !
Mais le Gouvernement a tenu à ajouter dans son texte que la liberté de la femme d'avoir recours à l'IVG lui est garantie. Aussi ouvre-t-il un questionnement sur le caractère opposable de cette liberté,…
…laquelle pourrait dans les faits et sur le fond compromettre un autre principe fondamental qui est celui du respect de l'être humain dès le commencement de sa vie. Monsieur le ministre, vous nous avez rassurés dans vos propos liminaires mais nous aurons encore besoin de l'être. Vous aviez dit en commission que nous n'avions pas à nous inquiéter et que l'avis du Conseil d'État devait d'autant plus nous tranquilliser.
Il n'en reste pas moins que c'est nous qui faisons la loi et, en l'espèce, qui modifions la Constitution. Aussi, j'aurai besoin que vous expliquiez comment pourra statuer le Conseil constitutionnel face au cas suivant : une femme ayant découvert sa grossesse tardivement, à la douzième semaine par exemple, et vivant éloignée d'un centre hospitalier ou n'ayant pas pu consulter un médecin ou une sage-femme dans les temps – on sait que cela arrive malheureusement –, estime que sa liberté d'avoir recours à une IVG, pourtant garantie par la Constitution, n'a pas été effective et demande à pouvoir y recourir hors délai. Que décidera le juge constitutionnel ? Comment statuera-t-il ? Nous avons besoin de connaître votre réponse.
Il ne juge pas de cela.
Autre doute : aujourd'hui, la liberté de la femme à avoir recours à l'IVG est déjà un principe à valeur constitutionnelle, comme le respect de l'être humain dès le commencement de sa vie, et ces deux principes ont donc la même valeur au regard de notre Constitution ; or demain, ce texte va y inscrire en toutes lettres l'IVG – je répète que j'y suis favorable –, mais pas le droit de l'enfant à naître. Que dira le juge constitutionnel le jour où il aura à interpréter l'intention du constituant, y compris au regard de ce que celui-ci aura décidé de ne pas faire ? Pourquoi ne pas avoir prévu d'inscrire non seulement la liberté pour la femme de recourir à l'IVG mais aussi le droit de l'enfant à naître dans la Constitution ?
C'est en raison de ces doutes que nous avons toujours besoin d'être rassurés. Car il s'agit bien, chers collègues, de se tenir collectivement à l'écart de deux visions extrêmes présentes au sein de notre société mais aussi, comme l'ont montré malheureusement les deux précédentes interventions, parfois même au sein de notre hémicycle.
Dans le premier cas, le droit de l'enfant à naître prévaut sur la liberté de la femme et, à ce titre, l'IVG devrait être remis en cause ; dans le second cas, la liberté absolue de la femme prévaut sur le droit de l'enfant à naître et alors l'IVG ne peut avoir aucune limite. Je me demande dans quelle mesure ces extrêmes ne se nourrissent pas l'un l'autre.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
C'est bien pour nous prémunir du premier extrémisme que l'inscription de l'IVG dans la Constitution est à l'ordre du jour et que j'y suis favorable. Même si l'IVG n'est pas en danger juridiquement en France,…
…ce droit est remis en cause dans la plus grande des démocraties du monde que sont les États-Unis et en Europe, à quelques centaines de kilomètres de notre pays, en Pologne et en Hongrie. On ne peut pas faire comme si cela n'existait pas. Le pire n'est jamais certain, certes, mais malheureusement, l'histoire nous a suffisamment démontré qu'il pouvait advenir, en l'occurrence sous la forme d'un extrémisme dont il n'est pas incongru de se préserver par ce texte.
Toutefois, nous devons rejeter avec la même force l'autre extrémisme, et nous en prémunir.
Il s'agit de celui selon lequel le droit de la femme est absolu et que celle-ci, si elle le souhaite, peut mettre fin à sa grossesse à tout moment – jusqu'au sixième, septième, voire neuvième mois !
Nous avions ainsi débattu dans cette enceinte d'un amendement visant à autoriser l'interruption médicale de grossesse (IMG) en cas de « détresse psychosociale », disposition qui avait été condamnée par le Conseil d'État.
Ces forces agissent dans la société et dans l'hémicycle. Il est de notre devoir de constituants de les maintenir à égale distance de notre travail, afin de maintenir l'équilibre de la loi Veil.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur quelques bancs du groupe HOR.
« Une nouvelle loi est-elle vraiment nécessaire ? » Ces mots ne sont pas les miens. Ce sont ceux de Simone Veil, qui avait dû démontrer la nécessité de légiférer en vue de dépénaliser l'avortement. La situation est la même aujourd'hui. Soyons fiers de marcher dans ses pas.
C'est non sans émotion que nous nous retrouvons pour défendre l'inscription dans la Constitution de la liberté de recourir à l'interruption volontaire de grossesse. Je suis heureux, pour toutes les femmes mais aussi pour tous les hommes de ce pays, que nous en débattions aujourd'hui.
Mais quelle humilité cela impose ! Quelle dignité cela demande ! J'espère que nous saurons collectivement en faire preuve, tant le sujet est important – il touche à l'intimité des femmes.
N'oublions pas non plus ce que cela signifie. Aujourd'hui comme hier, il nous faut justifier la défense de ce droit et la nécessité d'en garantir la protection. Le 24 novembre 2022, trente-deux députés ont voté contre la constitutionnalisation de l'IVG. Sous couvert d'une meilleure protection des femmes et de leurs intérêts, les arguments avancés n'avaient en réalité pour objet que de limiter ce droit.
Cela interroge. Cela effraie. Cela illustre malheureusement que ce droit, que nous pensons fondamental et inaliénable, n'est pas hors d'atteinte, y compris dans nos démocraties. Cela justifie d'autant plus l'impérieuse nécessité de l'inscrire dans la Constitution. Oui, les anti-IVG sont toujours présents et vindicatifs dans notre pays. Ne soyons pas dupes et agissons !
C'est ce que nous avons commencé à faire. Je tiens à rendre hommage à tous les groupes parlementaires qui ont permis, de manière transpartisane, d'inscrire ce sujet à l'ordre du jour.
Le 24 novembre 2022, notre Assemblée avait adopté à une large majorité – transpartisane – une proposition de loi constitutionnelle garantissant aux femmes l'effectivité de l'IVG ainsi que son égal accès. Le 1er
Le projet de loi constitutionnelle qui nous est proposé aujourd'hui offre un équilibre entre les positions des deux chambres : il retient les mots « interruption volontaire de grossesse » afin de ne laisser subsister aucune ambiguïté, consacre l'existence d'une liberté et reconnaît le rôle du Parlement dans l'établissement des conditions dans lesquelles s'exerce cette liberté garantie par la Constitution.
Ce projet de loi est le véhicule législatif que nous attendions. Il marque ni plus ni moins la volonté du Gouvernement et de la représentation nationale d'aller au bout du processus législatif grâce à un vote des parlementaires réunis en Congrès.
Il s'agit d'une aspiration de toute la société. Plus de 80 % des Françaises et des Français souhaitent cette constitutionnalisation.
Si Simone Veil avait malheureusement dû s'excuser d'être une femme devant une Assemblée « presque exclusivement composée d'hommes », je ne m'excuserai pas d'être un homme défendant la liberté de recourir à l'IVG. D'une part, parce que c'est un honneur de le faire devant les nombreuses femmes désormais assises dans l'hémicycle – vous l'avez rappelé, madame Bergé : c'était inenvisageable il y a cinquante ans. D'autre part, parce que je suis convaincu que les hommes doivent eux aussi se saisir de ce sujet, comme de tous ceux qui ont trait à l'égalité entre les femmes et les hommes.
S'inspirant de l'histoire de Marie-Louise Giraud, l'une des dernières femmes guillotinées en France pour avoir été une « faiseuse d'anges », Claude Chabrol avait réalisé en 1988 un film magnifique : Une affaire de femmes. Aujourd'hui, on peut dire que ce n'est pas seulement une affaire de femmes ni même de genre, mais que c'est une affaire de société.
Je crois fermement qu'il est de notre rôle non seulement de législateurs, mais avant tout de citoyens et de citoyennes, de nous prononcer résolument pour la constitutionnalisation de l'IVG. Il y va de notre responsabilité et de notre devoir de protéger la liberté, demain, de nos filles et de nos petites-filles à disposer de leur corps.
Comme Simone Veil, je rappellerai qu'aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l'avortement. Sur ce point, rien n'a changé. Jamais aucun jugement ne doit être porté sur les raisons qui la poussent à y recourir.
L'onde de choc provoquée par la décision historique de la Cour suprême américaine bouleverse nos convictions et brise le mouvement que l'on croyait continu de progression du droit des femmes à disposer de leur corps. Nous devons nous interroger sur notre capacité à anticiper de tels revers en Europe et en France. Son inscription dans notre norme suprême lui offrira la protection la plus forte qui soit. Elle rendra autrement plus difficile les velléités de certains de la remettre en cause par la loi.
Vous l'avez souligné, monsieur le garde des sceaux : quand nous inscrivons une liberté dans la Constitution, nous le faisons pour l'avenir. Vous avez raison, monsieur le président du Sénat : la Constitution n'est pas un catalogue de droits sociaux et sociétaux – toutefois, elle définit les droits fondamentaux qu'elle protège, et c'est pourquoi l'IVG y a toute sa place.
Certains n'y voient là qu'un symbole, presque inutile. Eh bien, oui : la constitutionnalisation par la France de la liberté de recourir à l'IVG est aussi un symbole. Ne nous en cachons pas. Bien au contraire, soyons-en fiers. Soyons fiers du message que l'on enverra aux autres pays – et je suis certain qu'il y en aura qui suivront le mouvement.
S'il y a bien un moment pour lui rendre hommage, c'est celui-ci. J'ai ouvert mon propos avec les mots de Simone Veil ; je le terminerai de la même façon. « L'histoire nous montre que les grands débats qui ont divisé un moment les Français apparaissent avec le recul du temps comme une étape nécessaire à la formation d'un nouveau consensus social, qui s'inscrit dans la tradition de tolérance et de mesure de notre pays. »
En mémoire de Simone Veil, en mémoire de nos grands-mères et de nos mères qui ont tant souffert de ne pas avoir ce droit, à qui la liberté de disposer de leur corps a tant manqué, pour garantir demain ce droit à nos filles et à nos petites-filles, écrivons un nouveau chapitre dans l'histoire des droits des femmes : constitutionnalisons le droit à l'IVG.
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et RE.
Aujourd'hui est un grand jour : nous pouvons écrire ensemble une page de notre histoire.
C'est un grand jour pour les femmes, qui sont toujours ballottées dans les soubresauts de l'histoire et qui, de changement politique en changement de régime, ne sont jamais à l'abri de voir leurs droits reculer.
Au moment d'inscrire dans la Constitution ce droit sacralisé, il me plaît de citer à la tribune les mots de Simone de Beauvoir à l'adresse des femmes : « N'oubliez jamais qu'il suffira d'une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant. » Aujourd'hui, nous pouvons faire triompher cette vigilance.
Ce grand jour est d'abord celui des féministes, des associations, du Planning familial ,
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, RE, Dem, Écolo – NUPES, GDR – NUPES ainsi que sur les bancs des commissions
de tous les professionnels qui se battent chaque jour pour faire de l'avortement un droit réel et effectif, qui accompagnent au quotidien les femmes dans la revendication et l'exercice de leur droit à disposer librement de leur corps. Je veux les saluer pour leur engagement et pour leur combat.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et Écolo – NUPES ainsi que sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Ian Boucard applaudit aussi.
C'est un grand jour aussi pour les socialistes, auteurs de plusieurs textes tendant à renforcer et à protéger l'IVG. En 2018, nous défendions déjà un amendement visant à reconnaître dans le préambule de la Constitution de 1946 le droit d'avoir accès à une contraception adaptée et gratuite ainsi que de recourir librement à l'IVG.
Mme Cécile Untermaier applaudit.
L'année suivante, nous reprenions cet amendement sous la forme d'une proposition de loi constitutionnelle, qui n'obtint pas, alors, l'aval de la majorité. Aujourd'hui, nous nous retrouvons ensemble – et c'est une bonne nouvelle – dans les rangs de ceux qui veulent faire avancer les droits des femmes. Je salue la constance et l'engagement de mes collègues Laurence Rossignol, Cécile Untermaier et Fatiha Keloua-Hachi, qui, comme moi, n'ont jamais cessé de se battre pour cette cause.
C'est un grand jour pour les groupes de gauche, qui, rassemblés, ont fait adopter une proposition de loi constitutionnelle par l'Assemblée nationale et par le Sénat, ce qui nous amène à examiner aujourd'hui ce projet de loi constitutionnelle.
Je remercie mes partenaires Mathilde Panot, Elsa Faucillon et Marie-Charlotte Garin pour leur engagement pugnace en faveur des droits des femmes.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Je salue également le rapporteur, Guillaume Gouffier Valente, sur qui nous avons toujours pu nous appuyer durant ce long parcours ,
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et Écolo – NUPES ainsi que sur quelques bancs des groupes RE et Dem. – M. Ian Boucard applaudit aussi
ainsi que toutes celles et tous ceux qui, parmi nous, portent ce combat.
Ne laissons personne confisquer cette victoire.
À ceux qui prétendent que le droit d'avorter n'est pas menacé en France, je rappelle les exemples des sept États américains ayant, depuis l'arrêt de la Cour suprême, interdit l'IVG, même en cas de viol ou d'inceste. Je leur rappelle aussi l'exemple de nos voisins européens, comme la Pologne, où désormais seules les IVG en cas de viol ou de danger pour la vie de la mère sont autorisées ; comme la Hongrie, qui oblige les femmes souhaitant avorter à écouter battre le cœur du fœtus ; comme le Portugal, qui impose depuis peu aux femmes un examen psychologique préalable. Personne ne saurait préjuger de ce qu'il pourrait advenir demain en France.
Méfions-nous d'ailleurs, soyons vigilants, car, partout sur le territoire, les entraves à l'IVG prennent des formes de plus en plus pernicieuses de la part des mouvements antichoix, qui cherchent à tromper les femmes peu ou mal informées afin qu'elles poursuivent leur grossesse. Ces militants sont nombreux, y compris ici, et très organisés.
Nous devons aussi convaincre ceux qui pensent que la Constitution n'est pas un catalogue de droits et que le droit à l'avortement n'y a pas sa place. À ceux-là, nous posons la question suivante : la Constitution n'est-elle pas la norme suprême qui permet à la nation d'indiquer les valeurs et les principes auxquels elle donne une importance particulière ? En effet, la Constitution, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, le préambule de la Constitution de 1946 font plus que fixer l'organisation institutionnelle notre pays ; ils rappellent les droits fondamentaux, les valeurs intangibles et tout ce qui fait la force d'une République indivisible, laïque, démocratique et sociale.
En ce sens, la constitutionnalisation des droits reproductifs se justifie pleinement en ce qu'elle permet de consacrer à la fois l'égalité des citoyens et des citoyennes ainsi que l'effectivité de leurs droits. La Constitution, Kelsen le souligne, est la loi des lois. Elle doit protéger ce qu'une simple loi pourrait défaire demain.
Enfin, à ceux qui estiment que ce droit serait déjà protégé par le juge constitutionnel et par le juge européen, nous répondons que le droit à l'avortement ne bénéficie pas de la protection juridique la plus forte. Non, il n'a jamais été consacré par le juge constitutionnel sous la forme d'un droit fondamental. Non, il ne jouit pas d'une protection constitutionnelle autonome. Non, il n'est pas protégé au niveau européen, en raison de l'absence d'un consensus sur la question.
Nous ne parlerons pas de ceux qui, pour des raisons purement politiques ou politiciennes, voudraient faire échouer ce projet. À ceux-là, nous n'avons pas de réponse à donner… si ce n'est de leur dire : « Pensez à votre responsabilité et au sens de notre mandat. Au moment du vote, pensez aux citoyennes qui comptent sur nous. » En 1975, l'opposition de gauche avait choisi la conviction plutôt que la posture, et la dignité plutôt que le calcul, pour faire adopter la loi Veil refusée jusque dans son propre camp. Nous leur disons : « Comme nous, répondez à la grande histoire. »
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et Écolo – NUPES.
Certes, le droit à l'IVG aurait pu être consacré plus fortement encore si nous avions été plus ambitieux. Nous aurions préféré la consécration d'un droit plutôt que celle d'une liberté, afin de garantir un véritable droit fondamental à l'interruption volontaire de grossesse, sans qu'il soit nécessairement rattaché à la liberté personnelle. Nous n'aurions pas introduit l'IVG à l'article 34 mais nous aurions plutôt consacré ce droit de façon autonome, en l'inscrivant à l'article 1er , qui constitue pour nous l'écrin des droits. Nous aurions également souhaité que la notion de contraception y figure.
Toutefois, nous savons que les victoires féministes ont toujours été le fruit de compromis, dès lors que l'essentiel est obtenu. Sans ces compromis, qui refusent la compromission, Simone Veil ne serait pas parvenue à faire adopter la loi sur l'avortement. Cinquante ans plus tard, nous continuons à suivre cette ligne constructive pour faire primer l'intérêt des femmes.
Néanmoins, monsieur le ministre, nous tenons à insister sur deux points, à commencer par la notion indispensable de « garantie ». En effet, de l'avis des constitutionnalistes que nous avons auditionnés, l'absence du mot « garantie » créerait une incertitude quant à la volonté du constituant : s'agirait-il de simplement rappeler le droit existant ou pire, de donner au législateur une plus grande marge d'appréciation, dont il pourrait se servir pour faire progresser ou reculer cette liberté ?
Deuxièmement, l'emploi du terme « femme » ne doit pas être interprétée comme excluant les personnes transgenres, par exemple. Le Conseil d'État le rappelle au point 15 de l'avis qu'il a rendu en décembre 2023 : « Il résulte de l'objet même de cette liberté […] qu'elle doit être entendue comme bénéficiant à toute personne ayant débuté une grossesse, sans considération tenant à l'état civil, l'âge, la nationalité […] ». Nous y tenons.
C'est dans cet esprit que nous présenterons l'amendement n° 68 afin de reprendre la proposition de loi constitutionnelle visant à protéger le droit à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception, déposée le 20 octobre 2022 par Cécile Untermaier et le groupe Socialistes et apparentés. Il tend à inscrire à l'article 1
La mention de l'effectivité et de l'égal accès au droit à l'avortement nous semble en effet plus pertinente, notamment lorsqu'on sait que l'actuelle ministre de la santé avait, en 2017, saisi le Conseil constitutionnel contre la loi relative à l'extension du délit d'entrave à l'interruption volontaire de grossesse.
N'oublions pas qu'aujourd'hui encore, pas moins de 3 000 femmes se voient contraintes d'avorter à l'étranger.
Cependant, parce que nous savons que cette rédaction est le résultat d'un compromis,…
…qui doit nous conduire à une adoption par le Congrès, parce qu'il est important de tenir sévèrement en échec ceux qui combattent les droits des femmes et de renforcer, collectivement, les protections et les garanties bénéficiant aux femmes, parce que des millions d'entre elles, aujourd'hui et demain, attendent un signal fort et des droits solides, parce que, partout dans le monde, la voie tracée par la France est observée avec attention lorsqu'il s'agit de protéger des droits fondamentaux dont beaucoup trop de femmes sont dépourvues, parce qu'enfin, cela est tout simplement juste et nécessaire, le groupe Socialistes et apparentés votera avec fierté ce projet de loi constitutionnelle, pour contribuer à faire de ce jour une victoire.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, RE, LFI – NUPES, Dem, HOR, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
« Pouvoir que le citoyen a de faire ce qu'il veut, sous la protection des lois et dans les limites de celles-ci ». Telle est la définition de la liberté, selon le Centre national de ressources textuelles et lexicales. Permettez-moi, monsieur le garde des sceaux, de partager votre fierté, et de vous remercier pour votre engagement assumé et qui nous inspire.
Le projet de loi constitutionnelle qui nous est soumis consacre la liberté de la femme, la protection de ses choix, et le rôle des représentants du peuple pour fixer le cadre dans lequel cette liberté s'exerce.
À l'heure où nous débattons souvent – peut-être trop – d'interdictions, de sanctions ou de normes contraignantes, je me réjouis de prendre la parole pour débattre de la constitutionnalisation d'une liberté : celle de recourir à l'interruption volontaire de grossesse, dont disposent aujourd'hui les femmes françaises.
Cette liberté n'est, fort heureusement, que très marginalement remise en cause dans notre pays. De récentes manifestations, bien que concentrées et minoritaires, se qualifiant elles-mêmes de « pro-vie », nous rappellent toutefois que la liberté de recourir à l'IVG ne fait pas encore pleinement consensus.
D'autres, sans renier la liberté de la femme, estiment que l'IVG n'a pas sa place dans la Constitution. Je leur réponds en reprenant à mon compte l'avis, limpide, du Conseil d'État qui précise en son point 10 que « Le caractère réversible et limité de la protection conférée par la loi ordinaire justifie, pour le Gouvernement, que soit garantie par la Constitution la liberté de la femme de recourir à l'interruption volontaire de grossesse. » Soyons honnêtes : c'est bien parce que cette liberté n'est pas structurellement menacée, aujourd'hui, que nous pouvons avoir ce débat – de manière apaisée, je l'espère. Si un jour, en France, cette liberté venait à se trouver menacée, vous le savez comme moi : il serait trop tard pour tenir un tel débat.
Anticiper les risques, c'est bâtir un rempart avant l'assaut. Ne pas attendre la catastrophe pour se prémunir, voilà la sagesse de l'assurance.
M. Ian Boucard applaudit.
À ceux qui s'inquiètent d'un éventuel déséquilibre entre deux principes à valeur constitutionnelle – la liberté de la femme et le respect, contre toute forme de dégradation, de la dignité de la personne humaine –, je réponds que ce n'est nullement l'intention de ce projet de loi. Ce dernier n'a qu'un but : encadrer l'office du législateur afin qu'il ne puisse interdire tout recours à l'IVG, ni en restreindre les conditions d'exercice à un point tel qu'il priverait cette liberté de toute réalité.
Cette constitutionnalisation, c'est l'assurance pour les femmes françaises que nul ne pourra remettre en cause leur liberté de choisir. Cette liberté est bien trop importante, structurante et essentielle, pour que nous baissions la garde et ne fassions preuve de la grande vigilance à laquelle nous invitait Simone de Beauvoir.
Le devoir de vigilance s'accroît lorsque, outre-Atlantique, la Cour suprême met un terme à sa célèbre jurisprudence Roe vs Wade de 1973. Ce que l'on pense acquis dans nos sociétés modernes ne l'est jamais définitivement, surtout lorsqu'il s'agit du droit des femmes.
Ce devoir de vigilance augmente encore davantage lorsque, au sein même de l'Union européenne, ce droit se trouve considérablement restreint. Aux exemples déjà évoqués du Portugal, de la Hongrie et de la Pologne, j'ajouterai celui de Malte. L'IVG y est strictement interdite, et passible de dix-huit mois à trois ans de prison pour les femmes, et de quatre ans de prison assortis de l'interdiction d'exercer pour les médecins qui la pratiquent. La seule exception, votée le 28 juin 2023, concerne les fœtus non viables mettant la vie de la mère en danger.
À ceux qui pensent que le droit à l'avortement n'est pas menacé en France, je pose les questions suivantes : avez-vous besoin d'autres exemples ? Combien de pays doivent restreindre ce droit avant que vous admettiez la nécessité de le protéger ? Avons-nous besoin d'attendre ?
Face à ces retours en arrière, la France doit montrer la voie. Consacrer cette liberté au sommet de la hiérarchie des normes, ferait de notre pays le premier au monde à protéger dans sa Constitution la santé physique – et aussi psychique – des femmes, contre les risques de l'avortement dans la clandestinité. En héritiers de Simone Veil, près de cinquante ans après la loi fondatrice du 17 janvier 1975, nous devons nous prémunir contre la possibilité d'un retour aux faiseuses d'anges, en empêchant la remise en cause, par la loi, de la liberté d'avoir recours à l'interruption volontaire de grossesse. Ce serait un message fort envoyé aux femmes et aux hommes du monde entier : mesdames, votre liberté de choisir fait partie intégrante des valeurs fondamentales de notre pays, votre corps n'est pas un territoire à réguler mais un espace sacré de libre arbitre et d'autodétermination.
Applaudissements sur les bancs des groupes HOR et Dem et sur quelques bancs du groupe RE.
En réalité, cette liberté est très fragile. Comme le souligne le Conseil d'État, elle ne fait à ce jour l'objet d'aucune consécration dans nos textes fondamentaux – ni dans la Constitution, ni dans la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni dans le droit de l'Union européenne. Si le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 27 juin 2001, a fait le choix d'adosser la valeur constitutionnelle de la liberté de la femme d'avoir recours à l'IVG à celle de la liberté de la femme prévue par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, le temps est venu de lui conférer une valeur constitutionnelle autonome.
Certes, la Constitution n'est pas un catalogue de droits sociaux. « La Constitution, c'est l'esprit d'un peuple, d'une époque et d'une volonté » déclarait Jean-Louis Debré le 4 octobre 2018, à l'occasion du soixantième anniversaire de notre loi fondamentale,
Je me réjouis que la rédaction proposée par le Gouvernement soit issue du long travail mené par l'ensemble des parlementaires. À l'Assemblée, à l'initiative des présidentes Panot et Bergé, nous avions adopté une proposition de loi constitutionnelle visant à garantir le droit à l'interruption volontaire de grossesse. Elle a été reprise et modifiée par nos collègues sénateurs – je salue à cet égard la sénatrice Mélanie Vogel. Des divergences sont alors apparues, quant à l'emplacement à choisir au sein de la Constitution, ou quant au choix sémantique de consacrer un « droit » ou une « liberté », afin de donner à la disposition sa pleine force. Toutefois, à l'Assemblée comme au Sénat, ces propositions de lois constitutionnelles ont été adoptées. Preuve qu'il existe une voie de passage et un consensus en faveur de la constitutionnalisation. Je salue également les associations féministes pour leurs propositions constructives.
Les rédactions adoptées ont été synthétisées par le Gouvernement, et enrichies des remarques pertinentes du Conseil d'État. La rédaction de compromis qui en résulte emporte notre approbation, parce qu'elle précise que c'est à la loi de garantir l'effectivité et l'accès à l'IVG. En d'autres termes, il revient aux représentants du peuple de déterminer les conditions dans lesquelles ce droit est exercé. Ainsi, la liberté de recourir à l'IVG sera protégée de façon pérenne, tout en continuant à être encadrée démocratiquement.
D'autre part, l'emploi d'une formule positive permet d'assurer la constitutionnalité de plusieurs dispositions importantes de notre droit, notamment la clause de conscience des médecins et des sages-femmes.
Résolument attaché à la liberté de choisir, le groupe Horizons et apparentés sera toujours guidé par la volonté d'empêcher toute remise en cause de l'équilibre défini par la loi Veil. Parce qu'il confère à cet équilibre une assurance solennelle et un caractère irréversible que rien ne pourra entraver ou défaire, nous voterons en faveur de ce projet de loi, dans sa rédaction initiale.
Applaudissements sur les bancs des groupes HOR, RE et Dem. – Mme Marie-Noëlle Battistel applaudit également.
Depuis bientôt cinquante ans, les femmes ont acquis, par la loi Veil, le droit de recourir à l'IVG ; pourtant elles se sentent toujours obligées de se justifier. Depuis cinquante ans, cette justification permanente – n'en déplaise à ceux qui prétendent que rien n'est en danger – rappelle que rien n'est gagné ni acquis.
Les manifestations contre nos droits, les agressions à proximité des centres IVG, les attaques récurrentes contre le Planning familial, tout cela rappelle cruellement que malgré l'obtention d'un droit, rien n'est jamais acquis.
Pourtant, le droit à l'IVG est une conquête féministe – j'insiste sur ce mot – qui instaure le droit des femmes en France : le droit à disposer de leur corps et par conséquent de leur vie. Il ne s'agit pas d'un combat récent ; il a été mené par nos aînées, ces féministes que l'on vilipendait parce que leur verbe était trop haut, ces avorteuses, ces faiseuses d'anges qui étaient poursuivies par la justice, et dont l'histoire reconnaît aujourd'hui l'apport car elles ont, en réalité, sauvé des vies entières.
Ces femmes qui « n'étaient rien », mais qui, ensemble, faisaient front, ont œuvré pour que leur sororité nous permette d'en être là aujourd'hui. Merci à elles, qui ont tracé ce sillon ,
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES, SOC et GDR – NUPES. – Mme Sarah Tanzilli applaudit également
et à celles qui reprennent le flambeau. Je sais qu'elles sont nombreuses dans ces travées et dans les tribunes cet après-midi.
Ces femmes ont tracé le sillon qui nous conduit à délibérer sur ce texte, qui constitue une suite à leur travail. En aucune manière, il ne s'agit d'un point final, ce que je regrette : ce n'est qu'une étape dans le long processus de notre « empouvoirement », c'est-à-dire de l'égalité.
À tout moment, nos droits peuvent être menacés dès lors qu'ils ne sont pas institués. On pense naturellement aux États-Unis, à la Pologne – nos collègues en ont parlé –, à tous ces pays où, en réalité, c'est une bascule politique qui produit une fracture dans le socle des droits fondamentaux. En pareil cas, les femmes sont toujours les premières victimes. J'insiste, ce sont bien des bascules politiques conjoncturelles qui défont les libertés durement acquises.
Cette réalité concerne aussi la France, où des sites incitent les femmes à culpabiliser ou à renoncer à leurs droits, où des déserts médicaux rendent l'accès à l'IVG inégalitaire sur le territoire, et où certains médecins refusent de pratiquer cette intervention ou culpabilisent les femmes. Directement ou indirectement, nous avons toutes connu cette honte que nous ne ressentions pas, mais que certains se sont sentis en droit de nous imposer. Cela passe par nos proches, par nos familles, par notre entourage. Cette honte-là doit changer de camp.
Je le répète, les moments de bascule dont je parle ont pour point commun d'être politiques et issus des réactionnaires, toujours prêts à empêcher les femmes de disposer de leur corps et de leur vie, de décider de leur avenir, et à vouloir les rendre dépendantes. Ici même, nous avons une nouvelle fois dû subir, venus de ma droite, ces discours qui font toujours passer les femmes au dernier plan et qui ne cessent de renier nos droits.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES, SOC et GDR – NUPES.
À cet égard, certains, et pas qu'à ma droite, persistent à vouloir légiférer sur le ventre des femmes, nous jouant une mauvaise reprise de La Servante écarlate, afin de nous obliger à produire selon des quotas. Ce sont les mêmes qui opposent les droits des femmes à ceux des fœtus et qui refusent de construire l'histoire parce que c'est la nôtre : celle des femmes.
À nos collègues qui s'inquiètent sincèrement des possibles conséquences du texte, je le redis : constitutionnaliser, ce n'est pas banaliser. C'est sanctuariser un droit, en l'occurrence celui des femmes. Ce n'est pas démultiplier les recours à l'IVG. Ce n'est pas nier le choix de celles qui ne veulent pas avorter. C'est s'assurer que, quoi qu'il arrive, le droit n'ira pas à rebours ; s'assurer que nos droits ne régresseront pas. C'est aussi inscrire la France dans l'histoire en faisant de notre pays le premier à agir en faveur d'une constitutionnalisation.
Certes, nous préférions le travail commencé par des femmes : Mmes Panot, Vogel et Bergé. Elles ont été capables de travailler ensemble et sans elles nous n'aurions pas de projet de loi constitutionnelle à examiner. Certes, nous préférions la formulation proposée par Mathilde Panot, qui permettait de garantir l'accès aussi bien à l'IVG qu'à la contraception.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES, SOC et GDR – NUPES.
Si nous défendrons des amendements en ce sens, nous ne poursuivrons qu'un seul objectif, qui sursoit à tout autre enjeu : construire notre histoire et constitutionnaliser cette liberté fondamentale de toutes les femmes, fût-ce seulement à l'article 34, fût-ce dans une rédaction revue à la baisse.
Comme le rappelle « L'hymne des femmes », c'est debout que nous avons avancé et c'est debout que nous avancerons.
Ne ratons pas ce rendez-vous avec l'histoire : constitutionnalisons l'IVG et continuons ce combat ensemble.
Applaudissements sur les bancs des Écolo – NUPES, LFI – NUPES, SOC et GDR – NUPES, ainsi que sur quelques bancs du groupe RE. – M. Ian Boucard, Mme Michèle Peyron et Mme Sarah Tanzilli applaudissent également.
Ce texte, qui vise à constitutionnaliser le droit à l'avortement, est le fruit d'une longue lutte féministe, laquelle devra évidemment se poursuivre.
En préambule, je tiens à dire que c'est pour moi un honneur de prononcer, au nom du groupe Gauche démocrate et républicaine – NUPES, cette intervention en faveur de cette constitutionnalisation. J'ai une pensée pour toutes les femmes qui, dans les collectifs et les associations, ont mené cette lutte acharnée grâce à laquelle nous en sommes là aujourd'hui.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES. – M. Erwan Balanant applaudit également.
J'adresse aussi mes remerciements amicaux aux parlementaires qui ont défendu cette revendication à l'Assemblée nationale et au Sénat, je pense notamment à Mathilde Panot, Albane Gaillot, Marie-Noëlle Battistel, Erwan Balanant, Marie-Charlotte Garin, ou encore à Mélanie Vogel et Guillaume Gouffier Valente.
Mêmes mouvements.
Enfin, je veux adresser toute ma solidarité et mon soutien aux femmes qui défendent ce droit à travers le monde et qui, en retour, subissent harcèlement, stigmatisation, violences physiques et procès.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES, Dem, SOC et Écolo – NUPES. – M. Ian Boucard applaudit également.
Ce texte, j'en suis convaincue, n'est pas vain, ni cosmétique. Il est profondément politique, car nos corps le sont, en particulier ceux des femmes tant ils sont scrutés, réglementés, sous contrôle. Ce texte est également utile, à l'heure de la montée en puissance de fascismes en Europe.
Le droit à l'IVG est un droit bafoué dans de nombreux pays, y compris chez certains de nos voisins européens. D'autres l'ont dit avant moi, la Pologne a adopté une interdiction quasi totale de l'avortement en octobre 2021, tandis que la Hongrie a voté une loi qui oblige les femmes à écouter les battements du cœur de leur fœtus avant de subir une interruption de grossesse.
En matière de droits des femmes, il y a une constante à l'extrême droite qui consiste à combattre et à mépriser toutes celles qui les défendent. Il n'y a pas si longtemps, Marine Le Pen parlait encore d'IVG de confort…
…et n'hésitait pas à dire, écoutez bien : « Je refuse que des femmes se fassent avorter à plusieurs reprises quand d'autres au même moment doivent renoncer aux soins faute de moyens ».
À l'Assemblée nationale comme au Parlement européen, les élus de son parti se sont presque unanimement et systématiquement opposés aux textes qui promeuvent l'égalité entre les femmes et les hommes,
Applaudissements sur quelques bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES
que ces lois concernent l'égalité salariale, l'accès à la contraception, la lutte contre les violences faites aux femmes et les violences de genre, ou la promotion de la parité.
Éric Zemmour a fait du combat contre le féminisme un combat contre la « dévirilisation de l'Occident » et contre le « grand remplacement ».
Sourires sur les bancs du groupe RN.
Tartuffes ! Vous êtes des hypocrites : vous allez voter le texte alors que vous êtes contre !
M. Chenu défend M. Zemmour !
L'extrême droite est bien un danger pour les droits des femmes.
Ainsi, à ceux qui souhaitent classer le droit à l'IVG parmi les droits sociétaux, nous répondons que la liberté de disposer de son corps et les droits sexuels et reproductifs sont des droits fondamentaux à part entière et ont, à ce titre, toute leur place dans la Constitution.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES et Écolo – NUPES. – M. Aurélien Pradié applaudit également.
J'insiste, le droit de disposer de son corps est un droit fondamental, essentiel à la liberté individuelle. Il est donc une condition indispensable à l'existence de toutes les autres libertés.
Il s'agit aussi d'une manière de se prémunir contre les politiques natalistes, qui font du ventre des femmes une variable d'ajustement démographique au mépris des droits fondamentaux.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES et Écolo – NUPES.
Rappelons-le, le droit d'avorter est une question de vie ou de mort. Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), chaque année, dans le monde, 47 000 femmes meurent encore d'un avortement clandestin, soit une femme toutes les neuf minutes.
Mes chers collègues, messieurs, les femmes qui veulent avorter avortent. C'est le cas depuis la nuit des temps. Lorsqu'elles n'en ont pas le droit, les femmes qui souhaitent avorter recourent à tous les moyens pour mettre fin à leur grossesse, quitte à mettre leur vie en péril en s'enfonçant une aiguille, de l'eau savonneuse ou du persil dans l'utérus, en se mutilant le ventre, ou encore en ingérant de l'acide.
Ce projet de loi constitutionnelle est attendu de longue date par les associations et plus généralement par celles et ceux qui souhaitent s'assurer de la protection absolue de ce droit, en particulier depuis l'annulation, par la Cour suprême américaine, de l'arrêt Roe vs Wade – annulation qui a eu une résonance internationale. En effet, dans certains pays tels que le Kenya, le Nigeria, l'Éthiopie ou l'Inde, des mouvements antiavortement ont saisi cette occasion pour interrompre des processus législatifs progressistes en faveur des droits sexuels et reproductifs. En définitive, les régressions comme les conquêtes ont une résonance mondiale.
En France, ce séisme américain a rouvert le débat autour de la constitutionnalisation du droit à l'IVG. Selon un sondage de février 2021 conduit pour la Fondation des femmes et le Planning familial, 93 % des Français se disent attachés au droit à l'avortement. Et selon un sondage mené en juillet 2022 pour la Fondation Jean-Jaurès, 81 % des Français sont favorables à la constitutionnalisation de ce droit.
MM. Benjamin Lucas et Damien Maudet applaudissent.
Toutefois, cela ne réduit pas la vigueur de l'action des associations antiavortement, qui sont abreuvées de financements opaques. Selon un rapport de 2021 du Forum parlementaire européen pour les droits sexuels et reproductifs, entre 2009 et 2018, près de 707 millions de dollars ont été versés aux mouvements anti-droits des femmes et antiavortement en Europe, la France faisant partie de leurs cibles prioritaires.
Ces associations s'offrent des campagnes régulières et d'ampleur. Manifestations anti-IVG, diffusion de fausses informations auprès des femmes sur internet, mobilisation d'élus conservateurs : les antiavortement redoublent d'idées pour empêcher les femmes d'avorter.
Je pense, entre autres, à la campagne coordonnée de dépose d'autocollants sur des vélos à Paris, laquelle a parfaitement imité la charte graphique des Vélib afin de semer le doute chez les usagers.
Les réseaux sociaux sont également devenus un lieu privilégié pour de telles campagnes, car le jeune public représente une cible de choix. Selon un rapport de la Fondation des femmes et de l'Institut pour le dialogue stratégique (ISD) publié en 2024, un cinquième des vidéos les plus recommandées sur Instagram concernant l'avortement contiennent des fausses informations, notamment sur la pilule contraceptive, des conseils de santé alternatifs, ou promeuvent le style de vie dit femmes au foyer.
Je le dis sans ambages : le groupe GDR – NUPES votera ce texte avec détermination, même si nous pensons que la rédaction choisie est améliorable.
En premier lieu, nous regrettons que le droit à la contraception ne soit pas mentionné, tant nous savons qu'il va de pair avec le droit à l'avortement. En effet, dans le monde, 225 millions de femmes qui souhaiteraient différer ou éviter une grossesse n'ont pas accès à une contraception sûre et efficace. Nous savons qu'il s'agit là également d'une arme de choix des anti-IVG pour s'attaquer au ventre des femmes.
Deuxièmement, le terme « garantie » va dans le bon sens, en ce qu'il sous-tend que l'État doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la bonne application du droit à l'IVG. Cependant, si ce dernier ne peut être supprimé, la rédaction retenue laisse la possibilité d'ajouter des conditions à son exercice, pour le meilleur comme pour le pire. Voilà pourquoi nous défendrons un amendement visant à revenir à la formulation issue du travail parlementaire transpartisan mené à l'Assemblée nationale.
Par ailleurs, si le droit à l'IVG est en danger, c'est également à cause des restrictions de personnels dans les hôpitaux publics et des suppressions de centres d'orthogénie. Au total, 130 centres pratiquant l'IVG ont été fermés ces quinze dernières années et d'autres sont menacés. Les personnes en situation de pauvreté ou d'exclusion, les migrants et les personnes mineures en sont les premières victimes. Oui, il y a bien là une question de classe, madame Bergé. Lors du procès de Bobigny, Gisèle Halimi nous avertissait d'ailleurs sur ce point : « C'est toujours la même classe, celle des femmes pauvres, vulnérables économiquement et socialement, cette classe des sans-argent et des sans-relations qui est frappée. »
Mme Cyrielle Chatelain applaudit.
Le droit à l'IVG existe désormais, mais le manque de moyens en fait un droit moins accessible pour les plus précaires. Nous l'avons constaté pendant la crise du covid, mais le phénomène perdure. Les associations l'affirment : dans certains territoires, certaines semaines, il est impossible de faire des avortements en raison de la démographie des professionnels ou parce qu'on se trouve en période estivale. Il apparaît donc que la constitutionnalisation du droit à l'IVG nous oblige – et vous oblige – à prendre en compte la nécessaire hausse des moyens.
Pour conclure, je souhaite m'adresser aux collègues du Sénat. À l'Assemblée, nous avons d'abord réalisé un travail transpartisan, qui a conduit chacun et chacune à faire des compromis. Et après le travail du Sénat, nous faisons de nouveau des compromis pour permettre la constitutionnalisation du droit à l'IVG.
Je rappelle donc aux sénateurs et sénatrices qu'eux aussi doivent faire œuvre de compromis pour que le processus aboutisse.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem. – M. le rapporteur applaudit également.
Vous l'aurez compris, nous considérons que ce texte est perfectible. En matière de droits des femmes, les luttes à mener sont toujours nombreuses. J'espère donc sincèrement que, très vite, nous pourrons dédier cette conquête historique à toutes celles qui se sont battues et qui continuent de se battre à travers le monde pour le droit à l'IVG et à la contraception.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES, M. Benjamin Lucas s'étant levé, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem. – M. Aurélien Pradié applaudit également.
« Un million de femmes se font avorter chaque année en France. Elles le font dans des conditions dangereuses en raison de la clandestinité à laquelle elles sont condamnées, alors que cette opération, pratiquée sous contrôle médical, est des plus simples. On fait le silence sur ces millions de femmes. Je déclare que je suis l'une d'elles. Je déclare avoir avorté. De même que nous réclamons le libre accès aux moyens anticonceptionnels, nous réclamons l'avortement libre. » Ces mots datent de 1971, alors que le manifeste des 343 personnalités célèbres ou anonymes appelle à la légalisation de l'avortement en France.
Nous sommes collectivement les héritiers et les héritières de celles qui nous ont précédés pour avoir le droit d'avorter dans de bonnes conditions. Je commencerai par dire « Merci » : merci Simone, merci Gisèle, merci Monique, merci Delphine, Christiane, merci au Mouvement de libération des femmes, merci au Mouvement pour la liberté de l'avortement et de la contraception, merci à toutes les associations pour leur travail ,
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES, SOC et GDR – NUPES et sur quelques bancs des groupes RE et Dem
merci à toutes les femmes politiques qui ont relayé ce travail, et merci à toutes celles et ceux qui ont œuvré inlassablement pour sauver la vie des femmes ayant eu besoin de l'avortement.
C'est l'histoire avec un grand H, celle qui s'écrit au féminin dans les contreforts des grands discours, la mobilisation de milliers de femmes qui, dans l'illégalité, ont permis aux autres femmes d'avorter, qui ont tenu la main des plus jeunes, calmé les angoisses, apporté des réponses, répondu à la détresse, pris des risques pour que celles qui ne voulaient pas, celles qui ne pouvaient pas, puissent choisir librement, dans une société qui les en empêchait, si elles voulaient ou non avoir un enfant.
Parce que la pilule n'a pas marché, parce que le préservatif a craqué, parce qu'on a oublié, parce que la vie est trop chère, trop dure, pour construire une famille, parce que le corps ne peut pas, parce que le cœur ne veut pas, parce que, toujours, cela doit rester un choix.
Que celles qui veulent avorter le puissent, que celles qui ne le veulent pas s'en abstiennent et que tous ceux qui disent vouloir défendre la vie permettent l'accès massif à la contraception, à l'éducation à la vie sexuelle et affective, et l'implication à égalité des deux parents ; qu'ils accompagnent les familles, soutiennent des politiques plus justes pour les plus précaires et les familles monoparentales – au sein desquelles on trouve souvent des femmes – ; qu'ils financent le planning familial et toutes les associations de terrain qui se battent pour la santé des femmes, qu'ils agissent enfin pour garantir un accès à l'IVG et à la santé sexuelle et reproductive sur tout le territoire, sans exception.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES, SOC et GDR – NUPES. – Mme Maud Petit et M. Freddy Sertin applaudissent également.
On ne naît pas femme, mais on peut en mourir quand on n'a pas accès à des soins de qualité près de chez soi. Rendre plus difficile l'accès à l'avortement pour les femmes n'entraînera pas une baisse du nombre d'avortements en France, mais une hausse du nombre de femmes qui en meurent.
Aujourd'hui, parce que la loi a changé hier, ne pas mourir quand on avorte, c'est la réalité d'Alice, de Mathilde, de Samia, de Laura, de Christelle, de nos mères, de nos sœurs, de vos filles et de tant d'autres anonymes qui ne nous doivent rien, ni à nous, ni à personne : pas une explication, pas une excuse, puisqu'elles ont un droit, celui de choisir.
Celui de dire non au réarmement démographique, non aux politiques natalistes qui instrumentalisent nos corps et ébranlent nos libertés. Notre pays ne peut pas se ranger aux côtés des États-Unis de Trump ou de la Hongrie d'Orbán.
Il nous faut être responsables et construire des digues pour protéger nos droits fondamentaux face à la montée de la boue fasciste partout en Europe. Les corbeaux sont à nos portes et nous ne leur laisserons pas nos corps. Inscrire le droit à l'IVG dans la Constitution, c'est dire à nos petites sœurs que si, notre vie durant, nous devons nous battre pour nos droits, plus jamais elles n'auront à se battre pour celui-là. Plus jamais ! Plus jamais inquiétées, plus jamais condamnées, plus jamais les cintres, plus jamais la peur, plus jamais la mort.
Toujours la liberté, le droit à disposer de son corps ; toujours le choix, le choix, le choix… Le choix d'être mère ou pas.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES, SOC et GDR – NUPES et sur quelques les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
En me tenant devant vous aujourd'hui, je suis consciente de la gravité du sujet qui nous occupe. Nous sommes ici pour discuter non pas de l'interruption volontaire de grossesse en tant que telle, mais de sa place dans notre Constitution, sanctuaire national, fondement de nos valeurs et de notre identité en tant que peuple français.
J'entends déjà les tenants de la pensée unique nous expliquer que ceux qui s'opposent à ce texte sont contre l'IVG. C'est faux, et je vais m'en expliquer.
La question de la nécessité de ce projet de loi constitutionnelle visant à graver dans le marbre le droit à l'avortement se pose : quelle est l'utilité d'inscrire dans notre Constitution un droit qui n'a jamais été sérieusement contesté au sein de notre pays ?
Mme Elsa Faucillon et M. Benjamin Lucas s'exclament.
À quoi tout cela rime-t-il ? Est-ce ainsi que nous utilisons au mieux notre temps législatif alors que nous devrions agir pour traiter d'autres sujets de société criants et urgents ? Sommes-nous conscients que nous consacrons notre énergie à sacraliser un droit qui n'a jamais été réellement menacé ?
Nous devrions plutôt nous saisir du véritable sujet de l'accompagnement des femmes qui font face aux drames de l'avortement. Il conviendrait de soutenir au mieux celles qui ont eu recours à cet acte de détresse. Car avorter n'est pas anodin. Tous les témoignages le confirment : si l'IVG est un droit, cela reste une blessure morale.
En outre, il est désolant de constater que nous copions aveuglément les États-Unis, en estimant que tout ce qui est bon pour eux l'est aussi pour nous.
La France, doit-on le rappeler, a sa propre histoire et sa propre identité, qui impliquent des solutions uniques et non automatiques. Ce texte inutile n'est qu'un écran de fumée destiné à occulter des problèmes bien plus pressants, sur lesquels les Français nous attendent. Notre pays est confronté à des défis majeurs, notre système éducatif est en péril, l'hôpital public à bout de souffle, l'insécurité nous ronge, nos aînés sont souvent négligés, les agriculteurs et les pêcheurs sont en colère…
Pourtant, aujourd'hui, nous regardons ailleurs. La politique, au sens le plus noble, c'est aussi l'art de prioriser les problèmes les plus criants de notre société et d'y apporter des réponses empreintes de justice et d'audace.
Il y a quelques jours, le Président de la République prononçait une grande tirade sur les problèmes démographiques de la France et, au même moment, il veut sacraliser l'avortement. N'est-ce pas là tout le paradoxe du « en même temps » ?
Trois réalités s'imposent : une dénatalité sans précédent depuis la dernière guerre, un triste record avec plus de 230 000 avortements en 2022, et une politique familiale inexistante depuis François Hollande.
De plus en plus de femmes avortent alors qu'elles sont de moins en moins nombreuses à accoucher. Plutôt que de légiférer inutilement, pourquoi ne pas, plutôt, envisager enfin un grand plan Marshall pour encourager les naissances et la célébration de la vie ?
Exclamations sur les bancs du groupe RE.
Transmettons aux futures générations l'idéal de la vie, pas celui de la mort. Faisons renaître en elles un nouvel espoir !
L'espoir que leurs enfants pourront grandir et s'épanouir dans une France sûre et résolument tournée vers un avenir plus prometteur.
Notre devoir, en tant que représentants du peuple français, est d'agir avec sagesse et prévoyance, en accordant la priorité aux enjeux qui façonnent le quotidien et l'avenir de nos concitoyens plutôt qu'à des questions déjà résolues.
La Constitution est le socle de notre République ; elle dicte les valeurs fondamentales qui doivent régir notre pays. Chacune de ses modifications doit être mûrement réfléchie, pesée, et empreinte de notre responsabilité envers les générations présentes et futures. Montesquieu n'estimait-il pas que nous ne devions y toucher que d'une main tremblante ?
À défaut, nous nous rendrions coupables d'avoir ouvert la boîte de Pandore. Après mûre réflexion, en toute responsabilité, et convaincue que le socle de notre République ne doit pas être victime des coups de com' de la majorité, je voterai contre cette proposition de loi.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.
J'appelle maintenant l'article unique du projet de loi constitutionnelle.
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article.
La parole est à Mme Pascale Martin.
Comme vous pouvez l'imaginer, la rédaction qui nous est proposée ne nous satisfait pas puisqu'elle exclut le droit à la contraception. Or nous souhaitions que ce droit soit inscrit dans la Constitution.
On affirme que le droit à l'IVG n'est pas garanti en France pour l'avenir. C'est vrai ! Lisez en particulier les amendements déposés par le groupe Les Républicains – ils veulent que le délai de pratique de l'IVG revienne à douze semaines, ou interdire aux sages-femmes de pratiquer les IVG instrumentales.
Lisez l'amendement de Mme Ménard ou celui de Mme Bordes qui évoquent le droit de l'embryon. Écoutez les propos hallucinants tenus par les députés du groupe RN sur l'IVG ces dernières années – ils vont jusqu'à parler d'IVG de confort et de génocide.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Je le répète, le droit à l'IVG est en danger. C'est pourquoi nous devons le faire entrer dans la Constitution.
Cela ne nous empêchera pas de travailler en parallèle afin de garantir l'accès effectif à ce droit et de lutter sans relâche contre les mouvements anti-IVG et pro-vie.
Nous proposerons quelques amendements pour débattre de la contraception : c'est un sujet fondamental, pour nous, et pour les femmes qui vous remercieront de vos propos en leur faveur dans cet hémicycle.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Avant l'examen des amendements et après avoir aussi entendu les quelques réticences qui se sont exprimées, je souhaite apporter ma contribution. Doit-on inscrire ce droit fondamental visant à protéger et à garantir l'interruption volontaire de grossesse dans notre Constitution ? Bien entendu, je soutiens cette disposition, et je salue le travail des commissaires aux lois pour trouver la rédaction la plus juste possible.
Chers collègues, dans la vie d'une femme, cette liberté constante à disposer de son corps est un droit fondamental, un droit qui doit être solidement protégé et mérite de se trouver au sommet de notre hiérarchie des normes, un droit qui a donc toute sa place dans la Constitution de la République française.
Certains estiment qu'il s'agit d'un débat importé et que la liberté en question n'est pas menacée en France. C'est bien mal connaître le vécu de certaines femmes que le médecin contraint à écouter le cœur de l'enfant, ou qui ont des difficultés à trouver un praticien pour réaliser cet acte, encore en 2024.
Ce ne sont pas des études qui inspirent ces propos, mais des témoignages que j'ai reçus personnellement : ces femmes vivent dans l'angoisse du temps qui passe, pour rester dans le délai légal, ce qui les traumatise, en particulier quand il s'agit de leur première grossesse.
Notre pays compte évidemment avant tout des médecins et des professionnels à l'écoute, mais n'occultons pas les difficultés – sans parler des mouvements, bien trop nombreux, qui veulent revenir sur ce droit.
En résumé, non seulement ce débat n'est pas importé, mais il est fondamental. S'il semble, après la discussion générale, que la majorité des membres de notre hémicycle soutienne ce texte, la majorité n'est pas certaine au Sénat. Je souhaite donc appeler tous les parlementaires à soutenir ce projet de loi constitutionnelle, afin de faire en sorte qu'aucune femme ne souffre de la remise en cause de ce droit dans le futur.
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem, RE et HOR.
Je tenais à prendre la parole pour rappeler que ce jour est important et que cette séance est historique.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Nous devons tous être fiers d'être ici aujourd'hui, même ceux qui s'opposent au texte, car nous attendions ce débat depuis quelques années.
Constitutionnaliser l'IVG est absolument indispensable car accéder à une interruption de grossesse est un droit fondamental pour toute personne qui en a besoin. Si l'article unique du projet de loi constitutionnelle que nous allons adopter n'est parfait, nous saurons faire des concessions et nous ferons un pas en avant. Nous nous obligerons à voter cet article.
En outre, il est important de s'opposer fermement aux amendements des Républicains qui sont toujours là lorsqu'il s'agit d'entraver les avancées des femmes.
Ne se sont-ils pas fermement opposés à l'allongement du délai de pratique de l'IVG ? Ces combats, nous le savons, seront encore longs et compliqués.
Je conclus en lançant un appel en faveur de l'accès à l'avortement. Aujourd'hui, toutes les femmes n'ont pas un égal accès en la matière. Je pense aux femmes les plus précaires, à celles qui vivent dans les territoires ruraux ou outre-mer.
Le combat est encore long, mais nous allons le mener. Nous souhaitons que l'IVG soit inscrite dans la Constitution et qu'en France, toutes les femmes puissent accéder de manière égale et libre à l'avortement.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Ce rappel au règlement se fonde sur l'article relatif à la bonne tenue de nos débats.
Comme je l'ai dit, je m'opposerai à toute remarque diffamatoire prétendant que les Républicains dans leur ensemble, par leurs amendements, sont toujours prompts à réduire le droit à l'avortement.
Je m'opposerai systématiquement à ces pétitions de principe insupportables. J'ai été suffisamment claire lors de mon intervention…
Mme la présidente coupe le micro de l'oratrice.
Ce n'est pas un rappel au règlement, madame la députée. Vous aurez tout le temps d'échanger vos arguments de fond pendant le reste des débats.
C'est avec quelque émotion que nous sommes rassemblés ici aujourd'hui pour poser une nouvelle pierre à la constitutionnalisation du droit à l'IVG.
Je tiens à remercier Mathilde Panot, les militantes d'aujourd'hui ,
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES. – M. le rapporteur et Mme Michèle Peyron applaudissent également
et Albane Gaillot, qui m'a précédée à l'Assemblée nationale comme députée de la onzième circonscription du Val-de-Marne et s'est beaucoup battue pour le droit à l'avortement.
C'est aussi avec émotion que je pense à Élisabeth, ma tante, qui a eu le courage de dire publiquement « J'ai avorté » avec 342 autres femmes, dans Le Nouvel observateur, il y a plus de cinquante ans, se mettant hors-la-loi par solidarité.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES. – Mmes Marina Ferrari et Marie-Pierre Rixain applaudissent également.
Cette étape est d'autant plus cruciale qu'elle advient alors que l'obscurantisme et les forces réactionnaires s'organisent pour faire barrage au mouvement féministe. Je pense donc à ma fille – à toutes nos filles – avec la volonté de leur garantir qu'elles pourront consacrer leur énergie aux combats suivants, combats qui restent nombreux avant d'atteindre l'égalité.
En Europe, nous assistons depuis plusieurs années à des remises en cause des droits fondamentaux des femmes. Notre pays n'est pas épargné par ce phénomène : il y a des groupuscules violents dans la rue, des écoles qui organisent le séparatisme de genre…
…et dont les enseignements dénigrent l'avortement, les difficultés persistantes que rencontrent un grand nombre de femmes pour accéder à l'avortement. J'ai aussi été surprise d'entendre le Président de la République dire récemment qu'il fallait que les ventres des femmes viennent au secours d'une civilisation qui serait en perdition.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et LFI – NUPES. – Exclamations sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
Autant de mots qui résonnent comme des dissonances si l'on considère notre débat et les droits des femmes.
À toutes celles et ceux qui pensent qu'il serait inutile de protéger davantage nos droits, je réponds qu'ils sont plus fragiles qu'il n'y paraît dans une société où l'extrême droite et son idéologie sont omniprésentes.
Nous ne sommes pas alarmistes mais nous sommes vigilants, et nous serons donc présents et présentes pour constitutionnaliser l'IVG et faire ainsi de la France une pionnière.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et LFI – NUPES.
L'avortement est intrinsèquement un sujet de femmes : elles peuvent le vivre – ou non – dans leur chair.
Je saluerai d'abord toutes ces femmes qui se sont battues, que ce soit dans la rue ou dans le cadre d'une association, mais aussi tous les professionnels de santé qui accompagnent celles qui avortent.
Je salue également notre mobilisation politique, en particulier depuis 2017, et ce sur tous les bancs. Je pense notamment à Mme Marie-Noëlle Battistel, auteure d'un rapport d'information qui fera date dans notre assemblée.
L'avortement se situe au centre du nœud gordien de la liberté des femmes et de leur émancipation, qu'il s'agisse de l'émancipation de leur corps, de leur sexualité ou de leur fécondité. Les hommes ont voulu exercer sur cette dernière leur pouvoir et leur domination depuis des temps ancestraux. Reconnaître aux femmes le libre usage de leur corps, c'est desserrer ce nœud et faire disparaître les principaux freins et obstacles à l'égalité entre les femmes et les hommes.
Posséder les corps féminins, faire main basse sur leur utérus, s'approprier la fécondité féminine, c'est aussi imposer aux femmes ce qui va avec : les confiner aux rôles de génitrice et de mère, donc à des tâches nourricières et d'entretien, mais également leur confisquer la moindre parcelle de pouvoir politique et économique, voire de savoir. De là, on en vient à nier aux femmes leur dimension de sujets à part entière, aptes à décider de leur sort, à œuvrer pour le bien commun et à contribuer à notre croissance.
Protéger le droit à l'avortement permet donc de garantir aux femmes le pouvoir de disposer d'elles-mêmes et de leur corps, ainsi que de l'usage, procréatif ou non qui peut en être fait. L'inscription de l'avortement dans la Constitution fait donc entrer dans l'histoire l'autonomie des femmes.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Avec l'examen des amendements, nous allons pouvoir entrer dans le vif du sujet et nous atteler à la rédaction du texte.
Il faut dédramatiser le débat autour de ce projet de loi. J'ai à nouveau entendu parler de première historique.
Or, comme je l'ai indiqué à M. le garde des sceaux et à M. le rapporteur en commission des lois, il existe un précédent : il y a cinquante ans, l'article 191 de la nouvelle Constitution yougoslave de 1974 disposait que « c'est un droit de l'homme de décider librement de la naissance de ses enfants ».
Cet article n'existe plus !
La Constitution de la Yougoslavie socialiste consacrait donc un droit à l'avortement en même temps qu'elle conférait des pouvoirs à vie au président Tito.
Murmures sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Sourires.
Voilà qui relativise la portée historique de votre texte : contrairement à ce que vous prétendez, nous ne serons pas le premier pays à inscrire un droit à l'avortement ou une liberté d'avorter dans sa Constitution, mais le deuxième ! Vous vous en contenterez peut-être, mais cela met les choses en perspective.
…il faut maintenir un équilibre entre la liberté de la femme, qui est reconnue, et la protection de la vie à naître,…
…qui est également protégée. Cet équilibre a été douloureusement atteint lors du vote de la loi Veil en 1975,…
…avant d'être consacré par la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
L'équilibre sera-t-il rompu par la révision constitutionnelle que vous proposez ? Les questions sont nombreuses à ce sujet. Nous allons maintenant les poser en défendant nos amendements. Nous attendons des réponses car elles serviront, comme tout notre débat, à l'interprétation de la Constitution.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
Une précaution oratoire est de mise : il ne s'agit pas dans le débat qui nous occupe cet après-midi d'être pour ou contre l'IVG mais bien pour ou contre son inscription dans la Constitution.
Pour ma part, je ne pense pas qu'elle soit opportune. Elle me paraît tout d'abord inutile. Certains députés, et même le Gouvernement, expliquent que l'IVG pourrait être un jour menacée en France ; mais par quoi, et par qui ?
Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES. – Mme Véronique Riotton s'exclame également.
Toutes les modifications législatives depuis la loi de 1975 sont allées dans le sens de l'élargissement et de l'assouplissement des conditions requises pour avorter :…
…allongement des délais à deux reprises, suppression du délai de réflexion, du consentement parental pour les mineures, de la notion de détresse pour avorter, instauration du délit d'entrave, remboursement intégral…
Aucun risque non plus, bien au contraire, de revirement de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui a toujours admis les différentes évolutions législatives.
Ensuite, votre référence à l'arrêt de la Cour suprême des États-Unis rendu en 2022 pour justifier cette inscription de l'IVG dans la Constitution me sidère, tant il est évident qu'importer en France un débat lié aux spécificités constitutionnelles des États-Unis, qui ne ressemblent en rien aux nôtres, est dépourvu de sens.
Inscrire le droit à l'IVG dans la Constitution me paraît également dangereux : toucher à la Constitution pour une question sociétale comme l'avortement, c'est ouvrir le catalogue de tout ce qui vous paraîtra digne, à un moment donné, de devenir un droit inaliénable.
En faisant de l'accès à l'avortement un droit constitutionnel, vous bouleversez les équilibres trouvés par la loi Veil, dont vous ne cessez pourtant de vous réclamer. Je pense notamment à la clause de conscience des médecins, puisque deux droits fondamentaux s'opposeront : le droit à l'IVG et la liberté de conscience.
Vous l'aurez compris : je pense que vous prenez le problème à l'envers. Tout le monde pourra s'accorder sur l'idée qu'il vaut mieux, d'un point de vue éthique, psychologique ou économique, prévenir les IVG plutôt que d'avoir à les réaliser. Or, en 2023, 234 300 IVG ont été pratiquées. C'est un record absolu. Je ne crois pas que l'IVG soit menacée aujourd'hui en France.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN. – Mme Véronique Riotton s'exclame.
Nous en venons aux amendements.
Sur les amendements n° 1 et identiques, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je suis saisie de plusieurs amendements identiques, n° 1 , 25 , 50 , 56 , 117 et 169 , tendant à supprimer l'article unique.
La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l'amendement n° 1 .
Je veux être très clair : je défends cet amendement à titre personnel. Seule Émilie Bonnivard est habilitée, en tant qu'oratrice du groupe Les Républicains, à s'exprimer au nom de ce dernier. Si vous devez vous en prendre à quelqu'un, adressez vos reproches aux députés à titre individuel et non au groupe.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
Nous déposons un amendement de suppression car, même après les débats en commission, nous n'y voyons pas clair. Un équilibre doit être recherché entre la liberté de la femme et la protection de la vie à naître. La formulation que vous souhaitez introduire dans la Constitution changera-t-elle quoi que ce soit ? Si cet ajout est sans conséquences, à quoi bon ? S'il en a, il faut nous expliquer lesquelles. Nous n'avons toujours pas compris ! Cela ne peut modifier que l'équilibre entre la liberté…
Monsieur Balanant, n'hésitez pas à prendre la parole ! Nous aurons l'occasion de débattre.
Est-ce que cela change l'équilibre entre la protection de la vie à naître et la liberté de la femme ? Nous pensons que oui. Si vous n'êtes pas d'accord, dites-nous en quoi consiste le changement. Nous avons besoin d'y voir clair ! Si cette modification relève du pur symbole, le moment nous paraît mal choisi. Si, au contraire, elle a des conséquences, dites-nous lesquelles. Nous attendons des réponses claires. Comme nous ne les avons pas obtenues en commission,…
Permettez-moi pour défendre cet amendement en commençant par une citation : « Je vous renvoie au comité Veil qui a aussi pointé, en 2008, le danger qu'il y aurait de constitutionnaliser […] "des principes qui peuvent apparaître aujourd'hui comme intangibles mais qui pourraient fort bien se révéler ne plus l'être demain". Les sujets de bioéthique ne gagneraient pas à être inscrits ainsi dans la Constitution, au risque d'interdire tout débat et toute évolution en la matière. »
Il s'agit d'une intervention de Mme Yaël Braun-Pivet ,…
Applaudissements et sourires sur plusieurs bancs du groupe LR.
…alors présidente de la commission des lois, qui, en tant que rapporteure du projet de loi constitutionnelle pour un renouveau de la vie démocratique, s'est exprimée à plusieurs reprises pour indiquer qu'il ne fallait surtout pas constitutionnaliser l'IVG.
Je vous invite à reprendre les débats en question, vous verrez que ces propos ont été tenus et répétés. Madame la présidente, nous défendons ces amendements pour être totalement en phase avec vos déclarations de 2018 !
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RN et LR.
Merci monsieur Hetzel, mais, si vous citez mes propos, il faut les reprendre dans leur intégralité ! Ceux-là datent de 2018. J'ai indiqué publiquement et à de très nombreuses reprises que ma réflexion avait évolué et que j'étais à présent favorable à la constitutionnalisation de l'interruption volontaire de grossesse !
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et SOC.
J'espère que c'est maintenant clair pour tous.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 50 .
Sourires.
Si j'ai déposé un amendement pour supprimer l'article unique, c'est tout simplement parce qu'aujourd'hui, en France, la constitutionnalisation du droit à l'IVG est inutile. Depuis la loi Veil du 17 janvier 1975, le Conseil constitutionnel a systématiquement accepté les évolutions toujours plus permissives de la législation sur l'IVG, en considérant qu'il ne lui appartenait pas de substituer son appréciation à celle du législateur dans un tel domaine.
Par sa décision du 27 juin 2001, le Conseil constitutionnel a même explicitement rattaché l'IVG à la liberté personnelle de la femme, protégée par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Désormais, c'est la remise en cause de l'IVG par la loi qui serait censurée par le Conseil constitutionnel.
Si vous prenez une telle initiative aujourd'hui, c'est parce qu'en France, les responsables politiques s'attaquent toujours à des sujets de société quand ils sont incapables de résoudre les vrais problèmes.
Est-il plus urgent aujourd'hui de s'attaquer au problème de l'IVG qui n'est menacée par personne, ou de trouver des solutions pour les agriculteurs ?
Mme Bergé a parlé de symboles ; je ne suis pas opposée aux symboles en politique, mais pas quand ils servent de prétexte pour mettre la poussière sous le tapis. Au lieu de nous interroger sur les causes du recours massif à l'IVG, et sur les moyens d'aider les femmes qui y ont recours, vous voulez inscrire dans le marbre constitutionnel ce que Simon Veil pointait clairement comme une solution qui devait rester exceptionnelle à une situation de détresse.
En 2023, 234 300 IVG ont été pratiquées, un record absolu. Quelle est l'urgence aujourd'hui : constitutionnaliser l'IVG, ou mettre en place une véritable politique de prévention de l'avortement, notamment pour les jeunes ? J'espère que nos débats répondront à cette question.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.
À mon tour, je m'interroge : est-il nécessaire de modifier la Constitution alors qu'il n'existe pas, en France, de risque avéré de revirement du Conseil constitutionnel sur la liberté de recourir à l'interruption volontaire de grossesse dans le cadre législatif actuel ?
Heureusement, la France n'est pas les États-Unis et aucun groupe parlementaire ne souhaite supprimer cette liberté. Selon moi, c'est une erreur d'importer des questions qui ne se posent pas ici. D'ailleurs, si des entraves particulières existaient en France, comment expliquer que le recours effectif à l'IVG n'ait jamais été aussi important ?
La question n'est pas de savoir si l'on est pour ou contre cette liberté, mais s'il faut l'inscrire dans la Constitution et, le cas échéant, s'il s'agit d'en faire un droit absolu sans condition. Cela relève sans doute du symbole mais en 2008, Simone Veil elle-même avait refusé d'y inscrire des dispositions à la portée purement symbolique. Si nous le faisions, il faudrait alors y inscrire d'autres principes qui bénéficient d'une protection juridique équivalente.
N'est-ce pas un peu superflu, alors que nous devrions réserver notre énergie et notre temps à légiférer sur les problèmes que rencontre la France ?
Ne vaudrait-il pas mieux nous atteler à modifier la Constitution pour retrouver notre souveraineté dans les domaines qui préoccupent nos concitoyens…
…ou nous appliquer à résoudre la crise agricole, ce qui nécessiterait de revenir sur des surtranspositions législatives ?
Au-delà des questions relatives à l'opportunité d'inscrire la liberté de recourir à l'IVG dans la Constitution, rappelons que la loi Veil ménage un fragile équilibre entre la liberté de la femme et la protection de l'enfant à naître.
N'y renonçons pas. Or la formulation choisie par le Gouvernement ne semble pas suffisamment précise car l'emploi du terme « garantie » engendre des incertitudes. Cette garantie serait-elle relative ou absolue ? La loi Veil a prévu un encadrement éthique de cette liberté, puisque toute liberté a ses conditions et ses limites. La formulation envisagée pourrait-elle remettre en cause l'équilibre recherché par Simone Veil ? Voici les questions que je me pose et que je souhaite partager avec vous.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
En cet instant, nous ne sommes plus législateurs, nous sommes devenus constituants. C'est un rôle grave, j'en conviens, puisqu'il n'y a pas eu de révision de la Constitution depuis 2008.
Je regrette que pour procéder à un acte de cette gravité, nous saisissions le prétexte de ce qui se passe aux États-Unis, comme si nous n'avions pas suffisamment de problèmes à régler chez nous !
C'est tellement plus amusant de s'occuper des problèmes des autres, surtout quand on est défaillant pour régler les siens !
MM. Jérémie Iordanoff et Benjamin Lucas s'exclament.
De plus, nous nous positionnons comme une sorte de phare pour l'humanité – ce sont vos propos, monsieur le ministre. Tous ceux qui ont eu l'occasion d'échanger avec des parlementaires d'autres pays, notamment des pays du tiers-monde, peuvent constater que cette attitude, très française, suscite irritation et parfois mépris.
Évitons de donner ce type de leçons au monde et intéressons-nous plutôt à ce qui se passe chez nous, à savoir 234 000 avortements en 2022 d'après l'Insee. Ce chiffre est considérable ! En Europe, il n'y a devant nous que la Russie – un voisinage qui n'est peut-être pas flatteur, du moins pour nous –, qui tire cela de son histoire communiste. Avec 234 000 avortements dans l'année, le sujet n'est plus simplement individuel, mais national et démographique.
Au moment où le Président de la République admet qu'il faut mettre sur la table la natalité – ce que je trouve plutôt bien – nous choisissons de solenniser le droit à l'avortement, de le canoniser et d'en faire une sorte de dogme.
Eh bien non ! Les lois ont vocation à évoluer et il n'y a pas de raison de leur donner un tour dogmatique.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
La parole est à Mme Anne-Laure Blin, pour soutenir l'amendement n° 169 .
Il est inquiétant de manipuler à ce point les procédés juridiques et de vouloir modifier la Constitution, qui est la norme la plus importante de notre pays. Monsieur le ministre, permettez-moi de citer l'exposé des motifs du projet de loi : « Si, dans notre pays, cette liberté n'est pas aujourd'hui directement menacée ou remise en cause, hormis par quelques courants de l'opinion heureusement très minoritaires, tel n'est pas le cas dans d'autres États et non des moindres. » Vous reconnaissez vous-même que la liberté de recourir à l'avortement n'est pas remise en cause. D'ailleurs, il est rappelé sur un site internet de l'État, vie-publique.fr, que depuis une décision du 27 juin 2001, confirmée en 2017, le Conseil constitutionnel reconnaît cette liberté.
Elle découle d'un principe général de liberté posé à l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Cette liberté, que vous souhaitez intégrer à notre Constitution, a donc déjà valeur constitutionnelle.
La procédure nous impose d'examiner les amendements de suppression avant toute discussion mais compte tenu des débats en commission et de ceux qui s'ouvrent maintenant, la suite de l'examen du texte nous éclairera davantage sur les volontés des uns et des autres, en particulier de l'extrême gauche renforcée par les macronistes.
Même à la tribune, vous utilisez des exemples étrangers. Afin d'éclairer vos esprits, permettez-moi de vous signaler qu'aux États-Unis, de janvier à juillet 2023, c'est-à-dire après la décision de la Cour suprême, plus de 500 000 IVG ont été pratiquées. Il y a donc eu plus d'IVG après l'interdiction de l'avortement qu'avant. Vous voyez bien que ce droit n'est pas remis en cause.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
Avis défavorable à tous les amendements de suppression. Nous sommes en désaccord sur trois points : la réalité des menaces contre le droit à l'avortement, la protection juridique du droit à l'avortement et les conséquences de cette révision constitutionnelle pour notre cadre législatif.
Les menaces qui pèsent sur le droit à l'avortement sont réelles et sérieuses. Il y a dix ou quinze ans, personne n'aurait pensé devoir légiférer pour protéger le droit à l'avortement au niveau constitutionnel.
Ces menaces ne sont pas fictives : aux États-Unis mais aussi en Hongrie, en Pologne, en Espagne et au Portugal, elles sont une réalité juridique et politique. Dernièrement, le Honduras a constitutionnalisé l'interdiction de l'avortement, afin de criminaliser l'IVG. Ces menaces ont des ramifications dans notre pays, où elles se traduisent notamment par des violences physiques à l'encontre des associations.
Je tiens à saluer la présidente et l'ensemble des membres du Planning familial, qui subissent au quotidien ces menaces et ces actions violentes, comme d'autres associations dans tout le territoire.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES et sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
En France, les menaces peuvent être juridiques et politiques, elles s'invitent dans le débat public et le débat politique, comme en témoignent les liens qu'entretiennent des partis tel que le Rassemblement national avec d'autres forces politiques en Hongrie, en Pologne et en Italie. Dès lors qu'elles arrivent au pouvoir, ces forces politiques n'interdisent pas le droit à l'avortement mais elles en ferment presque totalement l'accès par le déremboursement, la réduction des délais, la remise en cause du délai de réflexion et la disparition du délit d'entrave.
Certains amendements au présent projet de loi sont certes personnels, mais ce sont bien des attaques contre le droit à l'avortement.
Le deuxième désaccord porte sur la protection juridique qui, rappelons-le, n'existe pas au niveau européen. Au niveau national, la protection juridique s'appuie sur une jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui a eu à se prononcer au sujet de la constitutionnalité des différentes lois relatives au dispositif législatif d'accès au droit à l'avortement. En aucun cas le Conseil constitutionnel n'a reconnu le droit à l'avortement comme une liberté. En aucun cas non plus il n'a eu à se prononcer sur des lois à caractère régressif, ce qui crée une incertitude quant à la position qu'il pourrait adopter en cas d'adoption d'une loi qui réduirait fortement l'accès au droit à l'avortement. C'est ce qui justifie, compte tenu de la réalité des menaces, la nécessité de reconnaître cette liberté en tant que liberté fondamentale, puis de la protéger en l'inscrivant dans la Constitution.
Le troisième désaccord concerne la rupture d'équilibre entre les différentes libertés qu'entraînerait cette révision constitutionnelle, ainsi que toutes les conséquences qu'elle aurait pour les révisions d'ordre législatif. Dans la discussion générale, Mme Pascale Bordes a déclaré que cette révision entraînerait la refonte totale du code de la santé publique. Permettez-moi de vous renvoyer au point 12 de l'avis du Conseil d'État, qui est très clair : cette révision constitutionnelle n'entraîne aucune rupture d'équilibre entre les différentes libertés du bloc de constitutionnalité ni aucune demande de révision de notre législation.
Le Conseil d'État souligne que la disposition examinée n'impose aucune modification des dispositions législatives existantes. Son avis me semble particulièrement clair.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
À cet instant, tout le monde imagine certainement que je serai défavorable aux amendements de suppression. Tout d'abord, je remercie les uns et les autres d'avoir précisé qu'ils exprimaient une position personnelle. Je vais essayer, non pas de vous convaincre, mais de débattre des arguments que vous avez mis en exergue, parce que je suis respectueux de vos opinions personnelles. Nous débattons d'un sujet qui, philosophiquement et pourquoi pas religieusement, ne peut nous conduire à l'unanimité.
Non seulement cette assemblée a largement voté le texte, mais je crois pouvoir dire que nous sommes tous favorables à la loi Veil – la grande loi Veil.
Monsieur Breton, je passe sur cette dérive titiste,
M. Philippe Gosselin sourit
qui est un trait de l'humour que l'on vous connaît. La Constitution de 1958 vaut largement celle de la Yougoslavie, de l'ex-Yougoslavie d'ailleurs, ce qui ferait véritablement de la France le premier pays à inscrire la liberté de recourir à l'avortement dans la Constitution.
La Yougoslavie n'est plus un pays et il n'y a plus que M. Xavier Breton qui se réfère à sa Constitution !
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
Soyons sérieux, nous débattons d'un sujet sérieux !
D'aucuns disent que la grande loi Veil n'est pas menacée dans l'immédiat. Je l'entends et j'ai tenté, à la tribune, de répondre à cet argument en expliquant qu'une modification constitutionnelle était aussi pratiquée pour l'avenir. Il s'agit de donner davantage de force à ce texte, qui est très important et dont la nécessité est désormais reconnue par la majorité d'entre nous.
Permettez-moi de vous présenter les choses autrement.
Certes, l'avortement n'est pas menacé dans l'immédiat mais il n'est pas protégé constitutionnellement, ce que souligne le Conseil d'État dans un avis très clair. Cet avis, documenté par les jurisprudences supranationales de la Cour européenne des droits de l'homme et de la Cour de justice de l'Union européenne, puis par la jurisprudence française, rappelle que le Conseil constitutionnel n'a pas conféré à la loi Veil la protection que le Gouvernement souhaite et qui a fait l'objet, je le rappelle, de multiples initiatives parlementaires.
Madame Ménard, vous affirmez qu'il n'y a pas urgence. Vous avez raison mais le moment est opportun pour inscrire le droit à l'interruption volontaire de grossesse dans la Constitution : nous disposons ici d'une majorité pour ce faire et nous avons réuni une majorité au Sénat.
Mme Véronique Riotton applaudit.
Bien sûr que l'urgence n'est pas avérée mais rappelons tout de même que l'une des plus grandes démocraties au monde est revenue sur ce que l'on croyait acquis, que certains, qu'il n'y a même pas lieu de chercher outre-Atlantique, puisqu'ils sont en Europe, ont des velléités de faire reculer cette liberté, pourtant essentielle. Enfin madame Ménard, vous dites qu'il vaut mieux prévenir les grossesses pour ne pas avoir à avorter. Avec tout le respect que je vous porte, je vous répondrai que ce n'est pas ainsi que cela se passe dans la vie !
Parfois, les femmes se retrouvent enceintes par accident et il arrive aussi que cet enfant, elles l'ont voulu, mais que les circonstances de la vie les ont contraintes à y renoncer. C'est une liberté – c'est la leur – et je souhaite que la Constitution l'affirme clairement !
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Bien que cela revienne à tenter l'escalade de la face nord des Grandes Jorasses un jour d'hiver et sans gants, je voudrais tenter de rassurer quelques sceptiques, dont les convictions, que je respecte, sont bien ancrées. Nous conserverons les libertés essentielles qui sont déjà les nôtres.
Madame Roullaud, vous seriez parfaitement rassurée si vous relisiez l'avis du Conseil d'État, qui rappelle clairement que la liberté de conscience des médecins et des sages-femmes est une liberté totalement garantie.
Mme Anne-Laure Blin s'exclame.
Le projet de loi est très précis et se veut la traduction du compromis entre ce que vous avez voté et ce que le Sénat a voté.
Si, les sénateurs ont bien adopté la proposition de loi constitutionnelle, modifiée à l'initiative de Philippe Bas, qui n'est tout de même pas le premier juriste venu.
La rédaction de cette proposition et celle de votre projet ne sont pas les mêmes, vous le savez bien !
Les sénateurs ont ensuite pu exprimer des désaccords personnels : j'en accepte l'augure car nous sommes en démocratie mais l'argument selon lequel le projet entraverait la liberté de conscience des médecins n'est, quoi qu'il en soit, pas recevable.
Je suis, bien naturellement, opposé à l'amendement de suppression, mais je respecte vos opinions.
Madame Bordes, vous affirmez que le Rassemblement national défend le droit à l'avortement
Exclamations sur les bancs du groupe RN
et nous en revenons encore au même sujet : le projet de loi comporte peu d'articles, il n'en compte même qu'un ! Si vous défendez vraiment le droit à l'avortement, votez-le !
Ce n'est pas plus compliqué que ça !
J'ai bien entendu ce que vous avez dit, madame Bonnivard, et je comprends que la démonstration de M. Le Fur, que j'ai écoutée avec attention, n'engage que lui et pas le groupe Les Républicains. J'en ai cependant déduit qu'il devenait urgent d'inscrire le droit à l'avortement dans la Constitution.
Je respecte votre position, monsieur Le Fur, mais vous avez clairement démontré, chacun en est témoin, que vous n'étiez pas tout à fait favorable au droit à l'avortement. Votre parti politique aspirant, comme d'autres, à revenir un jour aux responsabilités…
En voilà encore un qui n'a pas compris ce que c'est que de faire de la politique !
…il est de notre responsabilité de légiférer aujourd'hui pour préparer l'avenir. Tel est bien le rôle d'une Constitution : légiférer pour l'avenir en empêchant de revenir en arrière. C'est ce que nous nous apprêtons à faire en inscrivant dans notre texte suprême le droit à l'avortement.
Je comprends votre opposition au droit à l'avortement, que d'aucuns peuvent juger légitime, mais c'est précisément en raison de cette opposition que nous souhaitons protéger le droit des femmes à avorter.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur les bancs du groupe RE.
Je pensais avoir clairement exposé ma position mais certains ne l'ont manifestement pas comprise – à moins qu'ils ne soient durs d'oreille ?
Je le répète donc, à titre personnel et en tant qu'oratrice du groupe Rassemblement national : le Rassemblement national n'entend pas remettre en cause le droit à l'avortement, institué il y a près de cinquante ans.
Certains se trompent ou font mine de se tromper : il n'est pas question de revenir sur le droit à l'avortement, puisque nous n'en débattons pas, mais d'empêcher son inscription dans la Constitution.
J'insiste, ce texte est totalement inutile !
Mais non !
Les dangers que présente la constitutionnalisation du droit à l'avortement ont été soulignés par divers députés siégeant de mon côté de l'hémicycle, en particulier le risque d'un télescopage entre certaines libertés et certains droits, comme la liberté d'avorter et la liberté de conscience des soignants. Vous nous renvoyez à l'avis éclairant du Conseil d'État, pour reprendre l'expression que vous avez employée en commission des lois, monsieur le rapporteur.
Oui, absolument : cet avis est lumineux.
Vous savez ce que valent les avis de la Cour de cassation ou du Conseil d'État. Ce ne serait pas faire injure au Conseil d'État que de dire qu'un avis n'est qu'un avis ou qu'un avis n'engage que celui qui l'a rendu.
L'avis du Conseil d'État n'engage pas la section du contentieux qui est, quant à elle, amenée à statuer.
Et quand bien même, un arrêt du Conseil d'État irait dans votre sens, rien n'empêcherait ce même Conseil d'État de changer de jurisprudence, quelques heures ou quelques jours plus tard.
Je rebondis sur les propos de notre collègue Hetzel : vous voulez nous convaincre de voter favorablement, au motif que ce projet de loi ne changerait rien. Mais si ce projet ne change rien, c'est bien qu'il y a un problème.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Je n'ai pas dit que le projet ne changeait rien, je vous ai invité à le voter !
Faut-il qu'un droit soit menacé pour l'étendre et renforcer son application ? Peut-être n'avons-nous pas la même lecture de ce qu'il se passe en France. En effet, il n'est pas nécessaire de regarder ce qu'il se passe à l'étranger, puisqu'en France aussi, des voix d'extrême droite, des programmes et des mouvements pro-vie mettent en péril un droit légitimement acquis il y a cinquante ans. Aux portes de notre pays, en Italie, en Ukraine, en Pologne, des femmes n'ont pas le droit d'avorter, ce droit leur étant même refusé, dans certains pays, en cas de viol ou d'inceste.
Le Conseil d'État a indiqué qu'aucun texte ne garantissait l'intangibilité du droit à avorter. Il est donc très important d'aborder ce projet avec beaucoup d'humilité, puisque ce droit n'est toujours pas garanti aujourd'hui, et de vous exhorter à adopter la constitutionnalisation du droit à l'IVG.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Mon propos s'adresse tout particulièrement aux auteurs de l'amendement.
Vous ne comprenez pas pourquoi nous nous engageons pour la constitutionnalisation du droit à l'avortement car à vous croire, l'accès à l'IVG ne serait pas en danger en France.
Je ne répéterai pas les exemples que j'ai cités pendant la discussion générale et qui attestent du retrait, dans différents pays, de l'accès à l'IVG. Ces exemples sont d'ailleurs trop nombreux pour que je puisse tous les énumérer dans le temps qui m'est imparti, mais il faut cesser de nier la réalité.
Les associations antichoix mènent des campagnes pernicieuses, qu'aucun d'entre nous ne saurait ignorer. Là encore, nous ne pouvons pas faire comme si cela n'existait pas.
Le Conseil d'État a reconnu que l'IVG n'avait jamais été consacrée par le juge constitutionnel sous la forme d'un droit fondamental. Aujourd'hui, nous souhaitons cette consécration.
Vous vous défendez d'être contre le droit à l'IVG, mais c'est bien vous qui vous étiez opposés, alors que j'étais corapporteure avec Albane Gaillot de la loi visant à renforcer le droit à l'avortement, à la prolongation des délais d'accès à l'IVG de douze à quatorze semaines.
Parce que la constitutionnalisation de l'IVG est devenue indispensable, nous voterons contre votre amendement !
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et RE.
Nous aurons l'occasion de revenir plus tard sur la clause de conscience mais je tenais, monsieur le ministre, à corriger ce que vous avez dit à mon sujet. Je n'ai pas dit qu'il n'y avait pas d'urgence…
C'est pareil.
Vous avez moqué mon propos, assez facilement je dois le dire, en expliquant que la prévention n'était pas l'enjeu et que je méconnaissais la réalité. Votre réponse me sidère car au fond, vous procédez toujours de la même façon, c'est-à-dire à l'envers.
De la même manière que vous vous empressez de préparer une loi sur l'euthanasie avant d'avoir généralisé les soins palliatifs en France, vous voulez inscrire le droit à l'avortement dans la Constitution avant de vous être attaqué aux causes des IVG, toujours plus nombreuses.
Je veux bien donner crédit aux députés qui s'alarment des menaces pesant sur l'IVG en France, mais des IVG, il y en a toujours plus chaque année. Comment soutenir alors que l'IVG est menacée ? Je ne comprends pas.
Pourquoi, pour vous attaquer aux causes de ces IVG, ne pas recruter des infirmières dans les collèges et dans les lycées ?
Personne n'évoque cette solution, mais recrutons ces professionnels de santé pour qu'ils enseignent aux gamins ce qu'est véritablement la sexualité et les risques qu'implique un rapport sexuel non protégé ! Faisons-le, chiche ! Vous n'en parlez pas, mais ces infirmières pourraient informer et conseiller les plus jeunes. Vous, vous préférez ne pas traiter les causes et inscrire la liberté des femmes de disposer de leur corps dans la Constitution.
C'est très bien, sauf que vous ne vous souciez pas des conséquences des IVG pour celles qui y recourent.
Après tout, pourquoi auriez-vous ce souci, puisque votre objectif est atteint : les femmes peuvent jouir de leur corps en toute liberté. Très bien mais le problème ne sera pas réglé et nous compterons chaque année toujours plus d'IVG en France.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Je souhaite tout d'abord rappeler que, dans son avis, le Conseil d'État confirme que l'interruption volontaire de grossesse ne fait l'objet d'aucune consécration dans le droit, que ce soit dans la Constitution, la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les protocoles additionnels, le droit de l'Union européenne, la jurisprudence du Conseil constitutionnel, celle de la Cour européenne des droits de l'homme ou de la Cour de justice de l'Union européenne. Nous devons donc consacrer ce droit dans la Constitution.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Ensuite, les militantes polonaises avec qui nous avons discuté nous ont raconté avec quelle rapidité le droit à la contraception et à l'avortement avait été remis en cause. Elles ne s'y attendaient pas du tout ! Si elles sont en train de reconquérir le droit à la contraception, la perte du droit à l'avortement fut à l'origine de six décès !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs des groupes SOC et Écolo – NUPES. – M. Philippe Brun applaudit également.
Dès lors, il y a urgence à inscrire ce droit dans la Constitution, tant qu'il n'est pas remis en cause.
Quant au Rassemblement national, nous ne croyons pas une seule seconde ses déclarations, d'autant plus que ses représentants prennent comme modèle Viktor Orbán,…
…lequel oblige les femmes à écouter le cœur du fœtus avant de pouvoir avorter.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs des groupes SOC et Écolo – NUPES.
On peut également citer l'Italie ! Oh certes, on ne touche pas à la législation mais on impose des clauses de conscience, on multiplie les obstacles et, finalement, le droit n'est plus accessible ! Nous savons bien de quel côté vous êtes.
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Comme partout dans le monde, lorsque l'extrême droite arrive au pouvoir, elle s'en prend d'abord aux droits des femmes.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs des groupes RE, SOC et Écolo – NUPES.
Enfin, j'ai espoir en l'avenir car, à l'époque, votre famille politique avait combattu très ardemment la loi Veil. Or aujourd'hui, vous n'osez même plus dire que vous êtes contre l'avortement – ce que vous êtes au fond –, vous contentant de nous enjoindre à respecter l'équilibre de cette loi. Cela veut dire que nous avons gagné contre vous, les antidroits, les antichoix.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
Nous continuerons à progresser, en votant cette nouvelle étape qui marquera non seulement une victoire des progressistes en faveur des droits humains, mais surtout une défaite des antichoix dans ce pays et dans le monde.
Les députés du groupe LFI – NUPES se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, SOC et Écolo – NUPES.
Je ne comprends pas tous les arguments développés dans cet hémicycle. Le Conseil d'État n'est pas CNews mais une instance de la République, garante de la légalité des lois que nous votons.
Or précisément, il affirme dans son avis que l'inscription de l'IVG dans la Constitution représenterait une avancée.
Vous avez dit qu'aucun danger ne menaçait le droit à l'IVG, qu'il était inutile de le constitutionnaliser et qu'il suffirait de renforcer la prévention pour éviter d'y recourir.
Dans ce cas, pourquoi refusez-vous systématiquement l'inscription de programmes d'éducation à l'égalité dans les écoles ?
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Écolo – NUPES et LFI – NUPES.
Pourquoi êtes-vous les premiers et les premières à supprimer les subventions au Planning familial, si vous tenez tant que cela à limiter le recours à l'IVG ?
Pourquoi refusez-vous la constitutionnalisation de ce droit si elle est inutile ? La vérité est que vous ne voulez pas que celui-ci devienne un droit fondamental des femmes, alors que c'est ce que nous devons faire aujourd'hui.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES, SOC et GDR – NUPES.
Protestations sur les bancs du groupe LFI – NUPES
…je rappelle que vous n'avez pas le droit de faire un procès d'intention au groupe LR. Il s'agit non pas d'un débat sur le bien-fondé ou non du droit à l'IVG, mais sur sa constitutionnalité.
Ce n'est pas du tout la même chose.
Messieurs le rapporteur et le garde des sceaux, vous avez invoqué deux types d'arguments. Vous avez dit que partout à l'étranger, le droit à l'IVG était remis en cause…
Je n'ai pas dit ça !
…et que, par conséquent, il serait urgent de légiférer.
Cela fait dix ans que je siège dans cet hémicycle. À chaque fois que nous avons débattu de cette question, nous n'avons jamais remis en cause ce droit mais l'avons élargi. J'en veux pour preuve l'adoption par l'Assemblée de l'amendement, défendu par Mme Battistel lors de l'examen du projet de loi relatif à la bioéthique en juillet 2020, qui visait à permettre la réalisation d'une interruption médicale de grossesse jusqu'à neuf mois, en raison de la détresse psychosociale de la femme.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
N'est-ce pas, madame la députée ?
Heureusement, il a été retoqué par le Sénat. Nous ne nous sommes donc jamais prononcés dans le sens d'un rétrécissement de ce droit mais toujours en faveur de son élargissement.
Le deuxième argument invoqué est l'existence d'associations anti-IVG. C'est vrai, elles sont là depuis longtemps. Néanmoins, vous n'ignorez pas que nous sommes dans un pays de liberté d'expression. Ce n'est pas mon opinion mais on a le droit d'exprimer son opposition au droit à l'IVG.
Mme Ségolène Amiot s'exclame.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Enfin, vous voulez constitutionnaliser ce droit de manière préventive. Cette position est fort discutable, ce qui explique que nous souhaitions supprimer l'article.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Ne nous trompons pas de débat. La question est de savoir si nous devons ou non inscrire le droit à l'IVG dans la Constitution. Vous venez de nous prouver que, tout compte fait, ce ne serait pas inutile.
Relisez l'avis du Conseil d'État : la loi ordinaire ne garantit pas ce droit. Il ne serait donc pas inutile de l'inscrire dans notre Constitution car il mérite d'être sacralisé. Nous ne sommes plus sous le coup de l'émotion suscitée par ce qui s'est passé aux États-Unis. Depuis quelques mois, nous avons dépassé ce stade, mais nous sommes décidés à protéger nos droits pour préserver notre avenir.
Jusqu'à présent, je croyais qu'il n'y avait pas urgence. Après avoir écouté certains orateurs, j'ai changé d'avis. En tout cas, le droit des femmes à disposer de leur corps est inaliénable et doit le rester.
Applaudissements sur les bancs des groupe RE et LFI – NUPES et sur plusieurs bancs du groupe Écolo – NUPES. – M. Ian Boucard applaudit également.
Inscrire le droit à l'IVG dans la Constitution est bien entendu une garantie supplémentaire. J'invite les uns et les autres à se méfier en permanence des tentatives de remise en cause des droits et des libertés publiques.
Dans de nombreuses démocraties qui nous entourent, des pans entiers de libertés publiques sont remis en cause, tels le droit à l'information, l'indépendance de la justice ou encore la séparation des pouvoirs – qui aurait pu le penser ?
Par conséquent, nous ne pouvons que nous réjouir d'apporter une garantie supplémentaire, en inscrivant ce droit dans la Constitution. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons que ce projet de loi constitutionnelle soit adopté. Nous nous opposons donc aux amendements de suppression de l'article.
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 230
Nombre de suffrages exprimés 225
Majorité absolue 113
Pour l'adoption 27
Contre 198
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, LFI – NUPES, Dem, SOC, HOR, Écolo – NUPES, GDR – NUPES et LIOT. – M. Ian Boucard applaudit également.
Je suis saisie de dix amendements, n° 113 , 68 , 109 , 63 , 64 , 108 , 2 , 26 , 118 et 165 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements n° 64 et 108 , ainsi que les amendements n° 2 , 26 , 118 et 165 sont identiques.
La parole est à Mme Sarah Legrain, pour soutenir l'amendement n° 113 .
Comme de nombreux orateurs avant moi, j'exprime l'émotion qui m'étreint, à l'instant où je prends la parole dans cet hémicycle, alors que nous vivons un moment que nous considérons toutes et tous comme historique.
Nous allons adopter un texte historique qui est un texte de compromis. Bien entendu, nous le soutiendrons contre certaines voix qui s'expriment ici, ne serait-ce que pour infliger une défaite au discours antichoix
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES
et pour faire valoir le droit des femmes à disposer de leur corps.
Pourtant, nous estimons nécessaire de rappeler la rédaction initiale de la proposition de loi constitutionnelle que nous avions déposée, signée par 114 sénateurs appartenant à cinq groupes politiques et par tous les députés de quatre groupes politiques, et adoptée le 16 novembre 2022 à l'Assemblée.
Le texte visait à élargir et à rendre encore plus effective la garantie du droit des femmes à disposer de leur corps. En effet, il tendait à garantir, à toute personne qui en faisait la demande, l'accès effectif tant à l'interruption volontaire de grossesse qu'à la contraception.
La question de la contraception n'est pas une p