La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Suite de la discussion d'une proposition de loi
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi encadrant l'intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques (n° 366, 2112).
Ce matin, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles, s'arrêtant à l'article 6.
J'aimerais revenir sur ce qui s'est produit ce matin : l'adoption de plusieurs amendements dictés par le Gouvernement a dénaturé le texte. Les macronistes ont fait voter des dispositions visant à éviter de rendre des comptes sur le recours aux cabinets de conseil, à réduire la transparence et le contrôle de leurs prestations, à allonger les délais de remise des rapports du Gouvernement et à en réduire le contenu. Ils ont aussi voulu nous renvoyer à des décrets, afin que le Gouvernement puisse décider des prestations et des cabinets qui sont concernés ou non par la proposition de loi.
En bref, le texte a été progressivement démoli au cours de la matinée. Mme la ministre et les députés macronistes prétendent évidemment le contraire dans l'hémicycle, mais au cours de la pause, nous avons entendu les députés de la Macronie, dans les couloirs, se réjouir d'avoir réussi à détricoter le texte et à tuer la loi relative aux cabinets de conseil.
L'après-midi risque de se poursuivre sous les mêmes auspices. L'article 6, malgré l'importance qu'il revêt, sera encore attaqué par la Macronie. Il vise à évaluer les prestations de conseil – très inégales – dispensées aux administrations publiques, et à évaluer leurs conséquences sur la décision publique. La commission des lois y a introduit une notion importante : la justification du recours à une prestation de conseil plutôt qu'à des ressources internes. Il s'agit là de mieux appréhender le risque de privatisation de la décision publique, mais aussi d'éviter des surcoûts – puisque les prestataires coûtent beaucoup plus cher que les fonctionnaires. Pour notre part, au Rassemblement national, nous estimons qu'il ne faut recourir aux cabinets de conseil qu'avec parcimonie. Malheureusement, ces dispositions seront encore attaquées par des amendements de la Macronie. Nous le dénonçons dès à présent, et nous voulons rester fidèles à la rédaction initiale de l'article 6.
L'évaluation des prestations des cabinets de conseil est essentielle, mais elle n'a pas toujours lieu. Nous souhaitons que des personnes extérieures aux prestations soient associées aux évaluations, afin que celles-ci soient menées de façon transparente et objective. Cet amendement a été travaillé avec l'association Sherpa.
Comme nos collègues du groupe Socialistes, nous demandons que l'évaluation des prestations soit réalisée par des personnes qui n'ont pas travaillé en lien direct avec le cabinet, afin qu'elle se déroule en toute transparence. Comment savoir que des cabinets travaillent correctement, si nous ne pouvons pas nous appuyer correctement sur des évaluations ? C'est une question de bon sens.
La parole est à M. Bruno Millienne, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission sur ces amendements.
Nous préférons que l'évaluation soit menée par des agents publics qui ont participé au pilotage et au suivi de la prestation, et qui ont pu observer le travail des consultants au quotidien. Imaginez que l'évaluation soit confiée à des agents d'un service parfaitement extérieur, qui ne connaissent rien à la prestation : comment pourront-ils juger du travail effectué ? Je demande le retrait des amendements ; à défaut, mon avis sera défavorable.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des relations avec le Parlement, pour donner l'avis du Gouvernement.
Avis défavorable, pour les mêmes raisons que M. le rapporteur.
Il vise trois objectifs. Le premier est de respecter le secret des affaires, comme le prévoit l'article L. 311-6 du code des relations entre le public et l'administration. Le deuxième est de simplifier et d'alléger les charges qui incombent aux administrations, sachant que les obligations prévues par l'article 6 pourraient représenter une quantité de travail considérable et disproportionnée par rapport à l'objectif de transparence. Le troisième est de se mettre en cohérence avec le code précité, qui limite la communication des pièces administratives aux documents achevés.
La parole est à M. Nicolas Sansu, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission.
La commission a rejeté cette proposition. Nous voyons deux intérêts à mentionner les conséquences de la prestation sur la décision publique : d'une part, cela contribue à mesurer l'influence potentielle des cabinets de conseil sur la décision publique ; d'autre part, cela permet d'identifier les situations où les prestations commandées ne sont pas utilisées, et par conséquent où l'administration aurait pu se passer de les acheter.
Nous comprenons votre objection sur le décalage entre le temps de la prestation et celui de son évaluation, mais ce point ne nous semble pas poser de difficulté : en effet, l'évaluation n'a pas à être publiée immédiatement, mais peut l'être dans un délai raisonnable. Par ailleurs, il ne nous semble pas justifié d'exclure de la liste des livrables la référence à « tout autre travail réalisé par [les consultants] ». Avis défavorable.
Le Gouvernement est favorable à cet amendement qui vise à limiter le contenu de l'évaluation aux documents achevés – notion empruntée au droit de la communication des documents administratifs, qui exclut les documents inachevés. C'est évidemment sur des documents achevés que la qualité d'une prestation peut être jugée.
Quand on recourt au cabinet McKinsey pour organiser un colloque sur le métier d'enseignant, et que la prestation n'est pas achevée parce que le colloque n'a pas lieu, qu'en est-il de son évaluation ? Il est impossible d'en juger si l'on s'en tient aux documents achevés. C'est une vraie question.
Cet amendement est inopérant ; il va même à l'encontre de notre objectif.
Nous n'exigeons pas que la totalité des documents et des informations soient fournis ; certains travaux préparatoires pourraient ainsi encombrer le travail d'évaluation. Cependant, vous cherchez une fois de plus à élaguer les obligations : alors que nous mettons le pied dans la porte avec cette proposition de loi, vous voudriez faire trois pas en arrière. Vous persistez à détricoter le texte.
L'amendement de Mme Miller relève du bon sens, tout d'abord parce qu'il fait référence à des prestations achevées. Par ailleurs, comment évaluera-t-on les éventuelles conséquences de l'intervention d'un cabinet de conseil sur la définition d'une politique publique ? Vous créez une usine à gaz, alors même que nous nous engageons dans la voie de la simplification.
M. Benoit Mournet applaudit.
Je comprends qu'il faille évaluer et contrôler les prestations, mais gardons-nous de créer des dispositifs qui ne seront ni opérationnels ni efficaces. Ce serait se faire plaisir avec une loi bavarde.
Nous n'atteindrons certainement pas l'objectif assigné à la proposition de loi si nous instaurons ce type de dispositifs qui, je le répète, seront une usine à gaz. Revenons à davantage de raison.
Même mouvement.
L'amendement n° 159 n'est pas adopté.
Nous partageons pleinement la finalité de l'article 6, qui est de renforcer le principe d'évaluation des prestations de conseil. Toutefois, comme vous le savez – nous en avons déjà beaucoup parlé –, la circulaire du Premier ministre du 19 janvier 2022 et l'accord-cadre – renouvelé – de la direction interministérielle de la transformation publique (DITP), relatif à la réalisation de prestations de conseil en stratégie, en cadrage et conduite de projets et en efficacité opérationnelle, prévoient déjà une évaluation.
En outre, l'alinéa 3 demande de justifier le recours à une prestation de conseil plutôt qu'à des ressources internes : cela n'entre pas dans le champ de l'article 6, qui porte sur l'évaluation. C'est pourquoi nous proposons de retirer cet alinéa.
La commission veut éviter le recours à des cabinets de conseil pour des missions qui ne nécessitent pas leur intervention. À ce titre, il est utile que l'évaluation se penche sur les raisons pour lesquelles des prestations sont externalisées. À l'heure où nous réinternalisons des compétences, il est bon de savoir si des prestations sont demandées à des cabinets de conseil alors qu'elles auraient pu être réalisées en interne.
Je vous renvoie à l'exemple du colloque sur le métier d'enseignant cité par M. Sansu. L'article 6 ne fait que renforcer la circulaire du Premier ministre du 19 janvier 2022 à laquelle vous avez fait référence. Les citoyens attendent plus de transparence ; nous y répondons par des mesures pleinement justifiées.
Favorable. La justification de la prestation n'a pas sa place dans l'évaluation de celle-ci ; c'est pourquoi nous sommes favorables à la suppression de l'alinéa 3 de l'article 6.
M. Gosselin a déclaré, au sujet de l'amendement précédent, que l'adopter nous conduirait à faire trois pas en arrière. Il a été rejeté de justesse, mais, si celui-ci était adopté, nous reculerions de vingt-cinq pas !
Vous voulez supprimer « la justification du recours à une prestation de conseil plutôt que le recours à des ressources internes ». Pourtant, le troisième alinéa de l'article 6 découle d'une rédaction transpartisane de la commission, une rédaction que plusieurs élus de votre famille politique semblent approuver.
Il ne doit pas y avoir de recours excessif aux cabinets de conseil. Si une administration a la possibilité de s'en passer, elle doit le faire, et nous voulons nous assurer qu'elle le fait.
Vous dites que l'évaluation de la prestation de conseil intervient à la fin. Soit, mais nous devons exercer notre mission de contrôle précisément à ce moment-là, pour connaître les raisons du recours à un prestataire.
Lors de l'examen de l'article 3, ce matin, nous avons bien compris que vous vouliez que la représentation nationale et le grand public contrôlent le moins possible le recours aux cabinets de conseil ! Quant à nous, nous souhaitons conserver la rédaction initiale de l'article 6 : une justification doit être apportée.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Nous voilà au cœur du sujet. La proposition de loi vise à rendre plus transparent le recours aux cabinets de conseil. Or quoi de plus transparent que d'expliquer les raisons qui ont conduit à recourir à un cabinet extérieur ? Ces raisons peuvent être tout à fait justifiées et légales ! Je le répète, notre objectif n'est pas d'interdire le recours aux cabinets de conseil, mais de l'encadrer. Mettons les éléments sur la table et regardons s'ils justifient une intervention extérieure – c'est le cas, par exemple, quand certaines compétences manquent dans une administration ou quand les délais sont serrés.
Supprimer la justification du recours à une prestation de conseil reviendrait à s'asseoir purement et simplement sur le texte ! Nous pourrions parler des heures des autres dispositions, mais si nous ne sommes même pas capables d'inscrire dans le texte la nécessaire justification du recours à un cabinet de conseil, alors démissionnons dès maintenant ! C'en est fini de notre droit de contrôle.
« Ben voyons ! » sur les bancs du groupe LFI – NUPES
…puisqu'il consiste à distinguer la justification du recours au cabinet de conseil en amont de l'évaluation de la prestation en aval. Cela me paraît tout à fait cohérent et logique. Pourquoi vouloir mélanger la justification du recours et l'évaluation de la prestation ? Ça n'a pas de sens !
« Mais si ! » sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Je précise que mon corapporteur Bruno Millienne et moi-même partageons le même avis sur cet amendement : nous pensons qu'il ne devrait pas être adopté.
Évitez la caricature, madame la ministre ! Si vous ne voulez pas de cette proposition de loi, il faut le dire. De toute évidence, vous ne voulez ni des contrôles ni de la transparence.
Assumez donc votre position et supprimez tous les articles du texte. Ce sera beaucoup plus simple et nous irons plus vite si vous avez la majorité dans l'hémicycle.
Comme l'a dit M. Gosselin, si cet amendement était adopté, on se priverait de toute possibilité de contrôle et on ne chercherait même plus à savoir si la prestation est justifiée. Ce serait catastrophique !
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 56
Nombre de suffrages exprimés 55
Majorité absolue 28
Pour l'adoption 22
Contre 33
L'amendement n° 160 n'est pas adopté.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Mme Ségolène Amiot applaudit également.
Sur les amendements n° 111 et 112 , je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale de demandes de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Anne Le Hénanff, pour soutenir l'amendement n° 136 .
Il vise à ce que les administrations bénéficiaires évaluent si les données collectées et traitées dans le cadre de la prestation de conseil sont d'une sensibilité particulière. En cohérence avec les efforts de protection des données sensibles de l'État et de ses administrations – la circulaire « cloud au centre » de 2021, actualisée en 2023, impose des critères stricts de sécurité au cloud qui héberge les données sensibles et stratégiques des services de l'État –, mais également dans un souci de prise de conscience de l'importance stratégique de nos données, il convient que les administrations se penchent sur le caractère sensible ou non des données dont elles disposent et qu'elles confieraient dans le cadre d'une prestation de conseil.
Il n'y a pas si longtemps, lors de l'examen du projet de loi visant à sécuriser et réguler l'espace numérique (Sren), nous avons souhaité, sur tous les bancs, inscrire la circulaire « cloud au centre » dans la loi. C'est dire si ce sujet nous tient à cœur.
La commission d'enquête du Sénat a établi que les cabinets de conseil étaient destinataires de données pouvant présenter un caractère sensible. J'en veux pour preuve la mission de réorganisation du service de santé des armées 2018-2021 menée par des consultants. L'absence d'évaluation et de règles spécifiques de sécurité pour les prestations de conseil particulièrement sensibles constituerait à mon sens une brèche majeure dans la protection des données de l'administration.
Il est donc nécessaire que les administrations procèdent à cette évaluation et prévoient, le cas échéant, le recours à un cabinet de conseil capable de traiter les données en toute sécurité.
Le Gouvernement demande le retrait de l'amendement, dont le lien avec l'évaluation de la prestation est très indirect. La protection des données de sensibilité particulière peut intervenir en amont, si nécessaire, de la réalisation de la prestation ou peut être imposée contractuellement aux prestataires. L'évaluation de la prestation après sa réalisation a pour objet d'apprécier la qualité du service. Ces éléments sont déjà fixés dans l'article 6.
Les réponses de M. le rapporteur et de Mme la ministre laissent entendre que ce qui est bon pour les autres ne l'est pas pour l'État français ! Le règlement général sur la protection des données (RGPD) s'applique pourtant depuis plusieurs années et la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) existe depuis 1978. Faut-il rappeler également qu'au sein de l'Union européenne, la France a longtemps été leader sur le sujet de la protection des données ?
Dans ces conditions, comment pouvons-nous accepter que des données sensibles, y compris des données de santé, qui nécessitent, nous le savons, d'être sécurisées, soient quasiment en accès libre pour les cabinets de conseil ? Certes, ils ne vont pas tous utiliser ces données de manière malveillante, mais notre souveraineté passe aussi par des clouds et des entreprises sécurisés. Je vous rappelle que la Plateforme des données de santé (PDS), créée au moment de la crise du covid, faisait appel à Microsoft, une société soumise au droit américain et qui présente régulièrement ses données au gouvernement des États-Unis.
Voilà précisément ce que nous voulons éviter, au nom du respect des données personnelles et des citoyens ! Je soutiens l'amendement n° 136 .
Dans le prolongement de ce qui vient d'être dit, je rappelle que les Gafam, grâce à la collecte massive de données auprès de chacun d'entre nous et auprès des entreprises, détiennent davantage d'informations sur nous que nous en détenons nous-mêmes. L'archivage de ces informations alimente des bases de données volumineuses, qui permettent à certaines entreprises de mener une prospection commerciale ciblée, dans le meilleur des cas. On pourrait aussi imaginer que des entreprises extraterritoriales comme Microsoft ou Google fassent un usage politique de leurs masses de données. Il suffit de penser à l'ingérence de certains pays étrangers dans la politique intérieure de notre pays, dénoncée ici même.
Nous devons impérativement nous prémunir contre un tel danger, d'autant que la sécurité sociale vient de décider l'hébergement de nos données médicales chez Microsoft. La moindre des choses est de faire toute la transparence sur l'usage des données sensibles.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 67
Nombre de suffrages exprimés 66
Majorité absolue 34
Pour l'adoption 32
Contre 34
L'amendement n° 136 n'est pas adopté.
Le groupe La France insoumise souhaite, lui aussi, revenir au texte issu des travaux de la commission d'enquête du Sénat sur l'influence croissante des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques. En effet, l'article 6, dans sa version modifiée par la commission des lois, voit sa portée initiale considérablement réduite. Il prévoyait à l'origine que toute prestation de conseil fasse l'objet d'une évaluation par l'administration bénéficiaire. Un tel dispositif constitue le strict minimum pour que les administrations, les collectivités et l'ensemble des citoyens soient à même de juger de l'utilité des travaux réalisés.
Or la version issue de la commission pose de nombreuses barrières à l'exercice du droit fondamental, pour les élus, à délibérer en toute connaissance de cause – je l'ai souligné ce matin –, et, pour les citoyens, à se construire un avis. Ainsi, les évaluations des prestations de conseil ne seront plus publiées dans de nombreux cas sous prétexte, par exemple, du respect du secret médical et du secret des affaires. Ce dernier comprend le secret des procédés et le secret des informations économiques et financières et des stratégies commerciales et industrielles. Il s'agit du cœur du sujet qui nous occupe.
Nous ne voyons pas pourquoi le secret des affaires permettrait aux prestations des cabinets de conseil d'échapper à une évaluation de l'administration, qui paie pour ces services. Notre groupe parlementaire s'était déjà opposé, à raison, à la loi relative à la protection du secret des affaires en 2018. Le droit d'information des citoyens doit toujours primer, ainsi que celui des élus à délibérer en toute connaissance de cause. Nous vous proposons donc de supprimer l'atteinte au droit d'information des citoyens que constituent ces restrictions et de conserver la rédaction initiale issue de la commission d'enquête.
Permettez-moi de corriger une erreur : il n'y a pas de recours croissant aux cabinets de conseil ; une décroissance est observée depuis 2023.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Il s'agit d'une simple précision, mais elle est utile. La vérité ne nuit à personne.
Mêmes mouvements.
Madame Amiot, j'énonce un simple fait. Que vous l'acceptiez ou non, ce n'est pas le problème.
En ce qui concerne l'amendement, il vise à mettre en cohérence les obligations de publication prévues par l'article 6 avec les dispositions générales du droit de la communication des documents administratifs. Le secret des affaires est, en effet, défini par la loi et constitue l'une des composantes de la liberté d'entreprendre, constitutionnellement garantie. D'autres mesures de protection de l'information ont vocation à être invoquées. Je pense aux éléments qui portent une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable, ou qui font apparaître le comportement d'une personne dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice.
Tout cela est déjà acquis. Prenons l'exemple d'une administration qui, face à de graves problèmes organisationnels ou une situation de harcèlement, aurait commandé une étude à un prestataire indépendant. Il me paraît important, et je pense que tout le monde en conviendra, que ces protections s'appliquent.
Enfin, si les prestations de conseil préparatoires à une décision administrative en cours d'élaboration ne font pas l'objet d'une évaluation, ce n'est qu'en application du droit commun en matière de la communication des documents administratifs. Nous ne cherchons pas à empêcher la publication des documents, mais seulement à la suspendre temporairement tant que l'administration n'a pas pris de décision. Une fois la décision prise – ou si l'administration n'y a pas manifestement renoncé à l'expiration d'un délai raisonnable –, l'évaluation sera bien entendu publiée.
La rédaction actuelle me semble équilibrée, c'est pourquoi j'émets un avis défavorable à votre amendement.
Si la transparence et l'évaluation sont nécessaires, la notion de secret des affaires, que les cinq amendements à venir visent eux aussi à remettre en cause, est protégée par la loi – le rapporteur l'a parfaitement expliqué. Partant, j'émets moi aussi un avis défavorable.
Je veux simplement préciser qu'à titre personnel, je suis favorable à cet amendement.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 79
Nombre de suffrages exprimés 78
Majorité absolue 40
Pour l'adoption 40
Contre 38
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
L'article 6, amendé, est adopté.
La parole est à M. Frédéric Mathieu, pour soutenir l'amendement n° 114 .
Afin d'assurer la transparence à l'égard des personnels, il tend à prévoir que les Comités sociaux d'administration (CSA), où siègent notamment les représentants syndicaux, sont informés des prestations de conseil en cours dans les services et établissent un bilan annuel de leur exécution.
Je rappelle que, statutairement, les syndicats sont compétents à la fois pour traiter des questions individuelles et des questions d'organisation des services. Il serait donc de bon aloi qu'ils soient informés de l'existence de marchés de conseil, qui pourraient avoir des conséquences sur l'organisation.
À titre personnel, je suis favorable à cet amendement pour une raison simple : en supprimant l'article 4, nous avons d'ores et déjà privé les organisations syndicales représentatives et les représentants du personnel d'un certain nombre d'informations. Je trouve donc positif qu'ils soient associés et informés de l'exécution de marchés de conseils dans les services.
Encore un amendement sur lequel nous ne sommes pas d'accord, monsieur Sansu !
Sourires.
Pour ma part, je considère que l'amendement est trop lourd et peu opérationnel. En effet, les compétences des comités sociaux d'administration sont plus générales et stratégiques que la question des marchés publics de conseil.
Aux termes du code général de la fonction publique (CGFP), les comités sociaux d'administration connaissent des questions relatives au fonctionnement et à l'organisation des services ; à l'accessibilité des services et à la qualité des services rendus ; aux orientations stratégiques sur les politiques de ressources humaines ; aux lignes directrices de gestion en matière de mobilité, de promotion et valorisation des parcours professionnels – la mise en œuvre des lignes directrices de gestion fait l'objet d'un bilan, sur la base des décisions individuelles, devant le comité social d'administration ; aux enjeux et aux politiques d'égalité professionnelle et de lutte contre les discriminations – les comités sociaux sont consultés sur le plan d'action pluriannuel en faveur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes mentionné à l'article L. 132-1 et informés annuellement de l'état de sa mise en œuvre ; aux projets de statuts particuliers ; à la protection de la santé physique et mentale, à l'hygiène, à la sécurité des agents dans leur travail, à l'organisation du travail, au télétravail, aux enjeux liés à la déconnexion et au dispositif de régulation de l'utilisation des outils numériques, à l'amélioration des conditions de travail et aux prescriptions légales y afférentes ; aux autres questions relevant des domaines mentionnés à l'article L. 112-1, à l'exception de l'examen des décisions individuelles.
Ils ont déjà pas mal de boulot, je pense qu'il serait compliqué de leur en ajouter encore ! Je suis donc défavorable à cet amendement.
Comme M. le rapporteur Millienne, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Les comités sociaux d'administration connaissent des questions qui relèvent, par exemple, du fonctionnement et de l'organisation des services, de l'accessibilité des services et de la qualité des services rendus, ou encore de l'orientation stratégique sur les politiques de ressources humaines. Or le champ des prestations de conseils défini à l'article 1er de la proposition de loi dépasse largement le domaine d'intervention des CSA. En leur confiant la réalisation d'un bilan annuel des prestations de conseils, on leur attribuerait une nouvelle compétence en matière de marchés publics relatifs aux prestations de conseils, qui n'entre pas dans le champ du dialogue social de la fonction publique dévolu à ces instances participatives. En outre, il serait difficilement justifiable que les CSA soient déclarés compétents uniquement s'agissant de certains types de marchés – en l'espèce, celui des prestations de conseils.
Nonobstant l'inventaire à la Prévert dont nous a gratifiés M. Millienne pour nous faire peur,…
…je note qu'aucune organisation syndicale – en particulier dans l'administration – ne s'est jamais plainte d'avoir trop d'informations ! Au contraire, ces dernières années, la tendance a été de dépouiller les syndicats et, plus largement, les instances représentatives du personnel, de leurs compétences plutôt que de leur donner du grain à moudre.
En outre, la question ne se limite pas aux seuls marchés publics : l'externalisation d'une prestation doit également être étudiée sous le prisme des ressources humaines.
Les représentants du personnel ne sont pas des bébés : ils connaissent leur métier, ils connaissent les services et les administrations dans lesquels ils bossent ; charge à eux de contrôler la liste des marchés qui figure dans le bilan et de questionner leur opportunité lorsqu'il leur semble qu'il existait les ressources en interne pour mener la mission en question. Voilà qui constituerait réellement une participation des syndicats à l'appréciation des politiques de ressources humaines des administrations ! Il me semble donc que la proposition entre tout à fait dans le champ de compétences des CSA : nous ne cherchons qu'à adapter le droit aux nouvelles réalités et au recours accru et intense aux cabinets de conseils.
Première observation : alors que nous reconnaissons tous que notre système économique et l'organisation des services publics sont frappés d'une complexité excessive qu'il serait bon de simplifier,…
…qui va encore complexifier les choses au nom de la surveillance, du contrôle, du flicage.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Seconde observation : avec l'adoption de l'amendement n° 111 , on vient de flinguer le secret des affaires.
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Sourires.
Vous venez de dépouiller les administrations publiques de certaines de leurs prérogatives au profit d'un renforcement d'une forme d'autogestion.
Moi, je suis contre l'économie administrée et pour l'économie de marché !
Je suis contre l'autogestion et pour le secret des affaires ! Je pense que cette proposition de loi nous engage dans une voie particulièrement dangereuse.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et HOR.
L'amendement n° 114 n'est pas adopté.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Les articles 6 bis et 7 sont successivement adoptés.
Je ne suis pas intervenu dans les débats jusqu'à présent, mais cela m'a pourtant démangé de le faire. Comme l'a rappelé le président Mattei, nous sommes censés débattre d'un texte transpartisan ; force est de constater que son caractère transpartisan ne le prémunit pas contre une tendance au bavardage et un certain penchant « politicien »
« Oh ! » sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES
– cela se vérifie depuis ce matin.
Une chose me gêne beaucoup dans ce texte, en particulier dans l'article 8 : au fond, il nourrit la défiance à l'égard des administrations publiques et des fonctionnaires.
Pendant les douze années où j'ai travaillé au sein de l'administration, j'ai pu voir à plusieurs reprises les cabinets privés lui être d'un grand secours.
On ne cherche pas à supprimer le recours aux cabinets de conseils, seulement à l'encadrer !
Par exemple, si les Hôpitaux de Paris n'avaient pas bénéficié d'un regard externe pour remettre à plat le circuit de facturation et des consultations externes, le parcours et l'expérience des patients n'auraient pas été les mêmes, tant s'en faut, et les recettes auraient été bien moindres.
De même, sans l'intervention pro bono de plusieurs cabinets de conseil pendant la crise du covid-19, on serait encore en train de chercher dans l'annuaire les numéros des laboratoires privés qui ont permis de tester massivement les Français. Telle est la réalité !
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Enfin, contrairement à ce que vous suggérez, si les missions sont mal cadrées, cela relève plus souvent de la responsabilité du donneur d'ordre que de celle du cabinet de conseil. Certaines prestations sont parfois d'un coût élevé, mais leur efficacité sur le terrain fait que l'on n'a pas à regretter ce coût.
Cette proposition de loi me gêne donc beaucoup.
Je fais confiance à nos administrations et à nos responsables publics, qui sont aussi les garants de la bonne gestion des deniers publics.
Je ne m'opposerai jamais à l'exigence de transparence, mais avec l'article 8, on atteint des sommets : l'administration passera plus de temps à expliquer ce qu'elle fait qu'à faire quoi que ce soit.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
En ce début d'après-midi, nous pouvons remercier M. Labaronne de nous offrir un moment tout à fait rafraîchissant de rencontre avec le passé lointain. Après que d'anciens ministres de Nicolas Sarkozy ou de Jean-Pierre Raffarin ont fait leur entrée au Gouvernement, on a droit aujourd'hui à un remake de l'époque giscardienne ! On nous annonce déjà les chars soviétiques place de la Concorde ; ce ne sont pourtant, monsieur Labaronne, que les tracteurs d'agriculteurs en colère
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et LFI – NUPES
Sourires
…ou les enseignantes et enseignants qui manifestent pour qu'on respecte enfin l'école publique dans notre pays. Je tiens d'ailleurs à leur rendre hommage.
On invoque donc l'économie administrée, le soviétisme et que sais-je encore. Nous croyons, en effet, qu'il faut administrer correctement l'État et que l'usage de l'argent public mérite d'être convenablement contrôlé. Cela devrait nous rassembler.
Enfin, dans le contexte de ringardise auquel nous sommes accoutumés depuis le discours de politique générale du Premier ministre – qui s'est pris pour Alain Madelin 2.0, si ce n'est pour Margaret Thatcher –, on nous sert désormais le fantasme du flicage ! Demander le contrôle du bon usage des deniers publics par les cabinets de conseil privés serait donc du flicage !
Exclamations sur les bancs du groupe RE.
Puisqu'il me reste quarante secondes, souffrez de m'entendre !
Monsieur Labaronne, c'est quand même gonflé de parler de flicage après avoir adopté de telles mesures à l'égard des allocataires du RSA, des chômeuses et des chômeurs !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
C'est quand même gonflé de parler de flicage quand, à la tribune de l'Assemblée nationale, le Premier ministre déclare à la jeunesse : « Tar' ta gueule à la récré » ou « Sois jeune et tais-toi » ! C'est quand même gonflé de parler de flicage alors que nous voulons simplement faire œuvre de transparence et de démocratie au service de l'intérêt général.
…et pour nous avoir rappelé, si besoin était, l'existence d'une droite rance, néolibérale et toujours prête à utiliser des arguments d'une grande mauvaise foi intellectuelle.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Mme Sandra Regol applaudit également.
Le prochain amendement de suppression du Gouvernement va sans doute faire tomber tous les amendements à l'article 8, or nous étions particulièrement attachés à l'un d'entre eux. Contrairement à ce que j'ai pu entendre, nous ne nous sommes pas assis sur le secret des affaires. Il faut évidemment protéger les entreprises des risques de pillage de l'innovation, telle n'est pas la question ici. En revanche, le contrôle des deniers publics, compte tenu de l'ensemble des aides accordées aux entreprises, ne me semble pas anormal. Nous serions en tort si nous ne l'exercions pas, et invoquer le secret des affaires pour éviter des contrôles de cette nature n'est qu'un prétexte.
Nous voulons réinternaliser des compétences au sein des administrations, ce qui est possible chaque fois que les fonctionnaires sont à même de réaliser des actions et que l'intervention d'un cabinet de conseil privé n'est donc pas indispensable. Pour aller dans ce sens et alimenter notre réflexion, nous devrions nous tourner vers les centres de recherche universitaires, acteurs sur lesquels nous pouvons compter pour améliorer notre travail administratif. Cette piste n'est jamais suivie, alors qu'ils sont prêts à nous aider. Nous devons y travailler.
Il est assez gonflé d'expliquer que les cabinets de conseil nous auraient permis de faire face à la crise covid et de remédier aux manques de l'administration, alors que ces mêmes cabinets conseillent à tous les gouvernements, depuis des décennies, de se déprendre de toute l'expertise, de toutes les compétences qui ont fait pendant très longtemps la grandeur de notre service public et de l'appareil d'État.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également
S'il est une chose que la crise sanitaire a montrée, c'est la folie absolue des gouvernements néolibéraux, qui ont affaibli le secteur public et amoindri ses capacités de réaction rapide ,
Mêmes mouvements
alors que nous disposions d'ingénieurs, de techniciens et d'un savoir français jouissant d'une réputation internationale. Le problème n'est donc pas seulement l'usage excessif des cabinets de conseil, mais aussi l'idéologie qui, en favorisant le recours à ces cabinets, a sonné la charge néolibérale et affaibli le service public.
Les cabinets se sont ainsi créé un marché et l'externalisation a montré ses limites absolues au moment de la crise sanitaire. Voilà pourquoi, comme le propose l'article 8, il faut réaliser une cartographie des ressources et des besoins de chaque ministère afin de pouvoir prendre les décisions qui s'imposent en fonction des situations. Nous défendons par ailleurs un amendement visant à former à nouveau des fonctionnaires et à nous doter de l'expertise dont nous avons besoin.
Il y va de la souveraineté de notre État. Tous les démocrates et républicains devraient partager cet objectif.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Benjamin Lucas et Mme Sandra Regol applaudissent également.
Sur l'amendement n° 183 , je suis saisie par le groupe Rassemblement national d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme la ministre déléguée, pour soutenir l'amendement de suppression n° 183.
Cet amendement vise effectivement à supprimer l'article 8, en cohérence avec l'amendement gouvernemental qui a modifié l'article 3 et prévoit la publication d'un rapport qui présente le bilan des moyens de l'Agence de conseil interne de l'État, rendant ainsi l'article 8 redondant.
M. Benoit Mournet applaudit.
C'est un amendement de bon sens dès lors que l'article 3 a été adopté. Je ferai simplement remarquer à M. Mournet, qui a reproché au texte d'être bavard, inutile et porteur de tous les maux, que l'amendement n° 179 à l'article 3 a été déposé par le Gouvernement lui-même.
M. Benjamin Lucas et Mme Sandra Regol applaudissent.
Il reprenait les deux premières dispositions de l'article 8, sans retenir la troisième, ce qui est un peu gênant mais pas très grave. Cet amendement de suppression de l'article 8 est donc un amendement de coordination.
J'approuve les propos selon lesquels les cabinets de conseil ont été le cheval de Troie des politiques publiques régressives, notamment à l'occasion de la réforme de l'aide personnalisée au logement (APL) et de la diminution des droits des chômeurs. Peut-être a-t-on préféré les cabinets de conseil à l'administration pour porter ces politiques, monsieur Mournet. Je ne peux donc donner qu'un avis de sagesse. Lors de l'examen de l'article 3, j'avais demandé le retrait de l'amendement n° 179 du Gouvernement, mais puisqu'il a été adopté, il me semble logique d'adopter également celui-ci.
Je veux saluer les propos du rapporteur Sansu. C'est l'application du principe de simplification déjà évoqué par mon collègue Mournet : on supprime l'article 8 qui était bavard.
Ensuite, j'entends nos collègues de gauche affirmer depuis le début du débat que nous aurions perdu toutes les compétences dans la haute fonction publique et dans nos administrations, comme si le recours aux cabinets de conseil était la preuve que les compétences ont déserté les fonctions publiques.
D'ailleurs, les cabinets de conseil ne conseillent pas que l'administration. Si votre raisonnement était juste, cela signifierait que toutes les grandes entreprises privées, les multinationales – Google, Apple et les autres – elles-mêmes parfois biberonnées aux cabinets de conseil alors qu'elles sont dotées de milliers d'ingénieurs, seraient aussi dépossédées de leurs meilleurs talents. C'est faux, car les cabinets de conseil sont utilisés sur des sujets bien précis, pour mobiliser des compétences dont on ne dispose pas en interne.
On sait que vous êtes une grande spécialiste de la gestion des entreprises !
Si on avait écouté la LFI Consulting Group pendant la crise du covid, nous aurions hérité du vaccin Spoutnik et nous serions encore dans la panade !
Protestations sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Vous pouvez rigoler, mais vous dilapidez l'argent public au profit de vos copains !
Sur l'amendement n° 18 , je suis saisie par le groupe Rassemblement national d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Timothée Houssin.
Ce matin, lors de l'examen de l'amendement n° 179 du Gouvernement à l'article 3, j'ai défendu deux sous-amendements dont l'exposé sommaire signalait que la nouvelle écriture de l'article 3 reprenait purement et simplement le dispositif de l'article 8 : en d'autres termes, au prétexte de réécrire l'article 3, l'article 8 en supprimait en réalité des dispositions extrêmement importantes. En effet, vous avez saccagé son écriture initiale en supprimant toute une série de mesures en matière de transparence, afin de dissimuler la décomposition précise du milliard d'euros dépensé par les ministères dans la consultation de cabinets de conseil. Il ne reste finalement plus grand-chose dans cet article 8, à part le quatrième point.
Nous allons nous opposer à votre amendement de réécriture, qui nous priverait de l'examen des amendements de l'article 8 relatifs au recrutement de fonctionnaires. En effet, le recours croissant aux cabinets de conseil vise à remédier au manque de personnels dans certains domaines ministériels. Nous aurions pu en débattre aujourd'hui, mais ce ne sera pas le cas si votre amendement de suppression est adopté.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Il s'agit d'un amendement de cohérence avec l'article 3. Je voudrais revenir sur les propos de notre collègue Untermaier, qui souhaiterait associer les universités et laboratoires universitaires pour produire des rapports qui alimenteraient notre réflexion. Comme nos débats font l'objet d'un compte rendu et peuvent ainsi nourrir la doctrine administrative, il est important de souligner ce point. Nous ne pourrons pas examiner l'amendement très pertinent de Mme Untermaier si nous adoptons celui du Gouvernement ; il ouvrait pourtant une piste très intéressante, car nous n'utilisons pas assez nos ressources universitaires, qui constituent une vraie richesse.
Mme Anne Le Hénanff applaudit.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 82
Nombre de suffrages exprimés 76
Majorité absolue 39
Pour l'adoption 47
Contre 29
La parole est à M. Philippe Naillet, pour soutenir l'amendement n° 18 .
Cet amendement, rédigé selon les préconisations de la note « Un cadre juridique et déontologique pour un recours vertueux de l'État aux cabinets de conseil » de l'Observatoire de l'éthique publique, en date du 6 avril 2022, étend le délit d'octroi d'avantage injustifié, dit délit de favoritisme, au recours abusif à l'externalisation. Il vise à créer un délit de favoritisme dans les cas spécifiques de recours abusif à l'externalisation, défini par le nouvel article, c'est-à-dire dans les cas où le recours à l'externalisation est pratiqué de manière injustifiée, la personne publique favorisant les compétences du secteur privé à celles du secteur public. Entrent notamment dans cette catégorie, les cas d'absence d'évaluation préalable obligatoire ou encore de conflit d'intérêts entre les agents publics et les membres de cabinets de conseil. Il s'agit d'encadrer de manière plus contraignante le recours aux cabinets de conseil et aux consultants.
Votre proposition pose de trop nombreuses difficultés. Sur le principe, le texte que nous examinons prévoit de nombreuses mesures pour encadrer et mieux contrôler le recours à l'externalisation. Le code pénal prévoit des sanctions en cas de corruption ou de prise illégale d'intérêt. Ce sont des cas graves qu'il faut bien entendu sanctionner. Je suis réservé quant à l'idée de sanctionner les agents publics au-delà de ces situations.
Le dispositif que vous proposez me paraît disproportionné. Les sanctions sont très lourdes et les infractions insuffisamment définies. Je pense notamment à l'obligation de remettre une évaluation préalable « correctement établie ». Elles me paraissent par ailleurs tout à fait disproportionnées et sans véritable lien avec le caractère « abusif » du recours à l'externalisation. Ainsi, le fait pour un fonctionnaire de ne pas sanctionner un cocontractant, sans en préciser la raison, serait passible de sanctions pénales. Pour toutes ces raisons, même si je comprends l'esprit dans lequel vous avez déposé cet amendement, j'exprime un avis défavorable.
Vous souhaitez créer un délit réprimant le fait de favoriser un recours abusif à l'externalisation, sur le modèle du délit de favoritisme. Toutefois, le champ de la répression nous semble trop large. Rappelons que l'externalisation ne concerne pas uniquement des prestations de conseil, mais également des prestations informatiques ou de nettoyage, par exemple. Ensuite, les personnes visées par ce nouveau délit sont également définies de manière trop large. Enfin, ce délit est trop imprécis pour satisfaire au principe constitutionnel de légalité criminelle. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
Nous sommes favorables à l'introduction d'un délit de recours abusif à l'externalisation, puisque ce dernier constitue à la fois une forme de corruption et de trahison vis-à-vis des fonctionnaires. Nous voulons, en ce qui nous concerne, limiter la privatisation de la décision publique. Rappelons que le recours abusif à l'externalisation peut s'exercer dans le but de favoriser la défense d'intérêts particuliers ou pour des raisons financières. Il existe en effet de nombreux cas d'anciens salariés de cabinets de conseil qui se retrouvent en situation de décider, dans des ministères ou dans des administrations publiques, de l'externalisation de certaines prestations, ce qui pose problème. Il faut donc être en mesure de sanctionner les dérives graves.
Vous continuez ! Par cet amendement, on judiciarise le problème, en consacrant le principe du recours abusif ! Alors que dans la crise que nous traversons actuellement avec les agriculteurs ou avec tous ceux qui veulent développer un projet,…
…on voit bien que la difficulté principale, ce sont les recours excessifs et abusifs.
Vous poussez très loin la démarche et risquez, en définitive, de bloquer les initiatives des administrations publiques. Vous préconisez, en quelque sorte, la décroissance administrative, en vertu du principe du recours abusif.
Protestations sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Économie administrée, flicage permanent, abandon du secret des affaires, judiciarisation : voilà ce que vous proposez. Personnellement, ce n'est pas ce que je veux pour mon pays et ce n'est pas ma conception des choses,…
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 64
Nombre de suffrages exprimés 57
Majorité absolue 29
Pour l'adoption 21
Contre 36
L'amendement n° 18 n'est pas adopté.
La parole est à M. Raphaël Schellenberger, pour soutenir l'amendement n° 52 .
Il a pour objet d'interdire de sous-traiter à un cabinet de conseil la labellisation publique. En effet, lorsque l'État décide d'instituer une labellisation, susceptible de produire des effets en matière de politique publique, nous considérons qu'il ne doit pas en sous-traiter l'instruction à un cabinet privé. L'exemple le plus frappant est celui du label qui concerne le financement, par des fonds d'investissement, de la transition énergétique : le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires a sous-traité à un cabinet de conseil la labellisation de projets pour leur capacité à obtenir des crédits. Or ce dernier s'est largement éloigné de la doctrine du ministère, écartant par exemple tous les projets liés au nucléaire de la possibilité d'accéder à ce label vert, ce qui n'était pas dans l'état d'esprit du ministère. Une telle décision témoigne d'une interprétation, qui aurait dû relever du ministère et non d'un cabinet de conseil privé. Lorsqu'une labellisation contribue à l'établissement d'une politique publique, il revient au ministère de l'opérer.
Je vous informe que sur l'amendement n° 115 , je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis de la commission ?
Vous souhaitez interdire aux cabinets de conseil la possibilité d'acquérir la qualité d'organisme labellisateur. Tout d'abord, le sujet que vous évoquez ne faisait pas partie des préoccupations de la commission d'enquête. Ensuite, s'agissant du label Transition énergétique et écologique pour le climat, les critères d'éligibilité de labellisation sont encadrés par la loi et le règlement. Les cabinets de conseil ne participent en rien à la définition de ces critères. Il existe actuellement trois organismes labellisateurs : EY, Afnor et Novethic. Le référentiel et le plan de contrôle et de surveillance-cadre sont publiés par le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, ainsi que par celui de la transition énergétique. Il existe par ailleurs un comité du label – compétent pour réviser le référentiel –, constitué de vingt membres et présidé par le commissaire général au développement durable : il comprend cinq représentants de l'État, cinq représentants des investisseurs professionnels ou non professionnels et des sociétés de gestion de portefeuille, cinq représentants de la société civile et cinq personnalités qualifiées en matière de gestion d'actifs financiers ou de certification. Enfin, le référentiel est homologué par arrêté ministériel. Je pense vous avoir fourni une information suffisamment complète sur la question et vous invite, par conséquent, à retirer votre amendement. À défaut, j'émets un avis défavorable.
Avis défavorable pour les mêmes raisons.
L'amendement n° 52 n'est pas adopté.
Par cet amendement, nous souhaitons renforcer l'expertise du service public. Celui-ci a en effet subi une casse, liée notamment aux politiques d'externalisation toujours en cours et auxquelles il faut mettre fin. La révision générale des politiques publiques (RGPP) a entraîné une réduction uniforme de la capacité de l'État dans l'ensemble de ses missions, en grande partie en raison de la diminution de l'emploi public. Ce processus se poursuit sous la gouvernance actuelle et engendre, de surcroît, des coûts croissants pour l'État, comme c'est le cas avec le recours massif aux cabinets de conseil.
Le rapport sénatorial qui est à l'origine de nos discussions souligne que les dépenses consacrées en conseil ont doublé pendant le premier mandat du président Macron, portant la facture à 1 milliard d'euros en 2021. Cette somme représente, selon les calculs des organisations syndicales, l'équivalent de l'embauche de 20 000 fonctionnaires. Rappelons que la crise sanitaire a illustré les limites et les impasses de cette politique : soixante-huit commandes ont été passées, pour un montant de 41 millions d'euros. Le rapport sénatorial a mis en lumière le fait que les cabinets de conseil sont intervenus sur des pans entiers de la crise et que l'État s'est retrouvé, en définitive, dans une situation de dépendance.
Le rapport du collectif Nos services publics a démontré que le recours massif à l'externalisation représente 160 milliards d'euros par an. Cette utilisation généralisée de l'externalisation soulève des questions fondamentales, qui mettent en péril la capacité de la puissance publique à agir au quotidien et à prendre des décisions de manière souveraine. L'affaiblissement durable des compétences et des capacités d'action publique résultant du recours à ces prestataires externes constitue une perte préoccupante de savoir-faire pour la puissance publique, la rendant incapable de conduire, de manière autonome, de nombreuses politiques. C'est pourquoi il est impératif de reconstituer et de renforcer un vivier de fonctionnaires capables d'assurer le bon fonctionnement des services publics.
Votre amendement est très séduisant. Toutefois, la présente proposition de loi, qui vise à encadrer le recours aux cabinets de conseil, devrait, de facto, inciter le Gouvernement à recourir aux compétences disponibles en interne.
Ensuite, votre amendement n'a pas de portée normative : il ne suffit pas de dire que la nation se dote de moyens importants.
Je vous invite donc à le retirer, d'autant que nous obtiendrons sans doute l'assurance, de la part de Mme la ministre déléguée chargée des relations avec le Parlement, de pouvoir nous prononcer sur le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 ,
Sourires sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit
donc de débattre des emplois publics. Si Mme la ministre nous assure que le Gouvernement ne recourra pas au 49.3 pour faire adopter le budget, je vous invite à retirer l'amendement.
Je partage l'intention qui a présidé à la rédaction de l'amendement. Toutefois, comme l'a souligné Nicolas Sansu, il n'a pas de portée normative et je m'étonne, d'ailleurs, qu'il soit passé sous les radars et qu'il ait été jugé recevable – mais au moins a-t-il eu le mérite de nous permettre d'aborder cette discussion.
Par cet amendement, vous souhaitez que la nation se fixe comme objectif de reconstituer un vivier de fonctionnaires. C'est précisément ce que nous faisons depuis 2023 ! Certes, il ne sera peut-être pas reconstitué à l'égal de ce que vous voulez ; néanmoins, c'est en cours. Après la commission d'enquête sénatoriale, l'État a bien compris qu'il fallait agir et c'est ce qu'il fait. Nous ne pouvons qu'espérer que la tendance s'accélère dans les prochaines années. Avis défavorable, puisque votre amendement n'a aucune portée normative, j'y insiste ; je vous remercie néanmoins de l'avoir déposé.
Avis défavorable. En effet, au-delà du problème de rédaction, votre amendement est satisfait, non seulement en raison de l'esprit de la présente proposition de loi, mais aussi et surtout grâce à la politique conduite par le Gouvernement depuis 2023 – les rapporteurs l'ont rappelé. L'objectif de la circulaire du Premier ministre du 19 janvier 2022 précise que les administrations et les établissements publics de l'État doivent engager une réflexion sur l'internalisation des compétences et expertises qui correspondent à ses besoins permanents ou réguliers et à ses commandes récurrentes.
C'est également le sens d'une partie de l'article 3 adopté précédemment, qui porte sur l'établissement d'un rapport permettant de dessiner la cartographie de l'internalisation des compétences et des besoins. Par conséquent, d'une part, l'esprit de la proposition de loi répond à l'objectif de votre amendement et, d'autre part, des dispositions ont d'ores et déjà été prises pour avancer sur ce sujet de l'internalisation des compétences.
Oui. Nous n'avons pas obtenu de réponse s'agissant du recours au 49.3 !
C'est vrai, nous n'avons pas eu la réponse de la ministre ! Le présent amendement est particulièrement important. En effet, j'ai appris, en lisant le rapport d'un cabinet de conseil, que nous n'avions plus en France de fonctionnaires disposant des compétences nécessaires pour rédiger des courriers « attractifs ». Dans le cadre d'une lecture journalière, j'ai vu que la Fondation Abbé Pierre avait publié aujourd'hui son rapport, à l'occasion du 70
Vous savez sans doute qu'il existe dans notre pays 3,1 millions de logements vacants. Le Gouvernement avait lancé la plateforme Zéro logement vacant (ZLV), un outil, selon un rapport de la DITP, « en cours de déploiement […], adoptant une approche "start-up d'État" ». Pour alimenter cette plateforme, la direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature (DGALN) et beta.gouv.fr ont demandé à la DITP, qui a sollicité un cabinet de conseil – Behavioural Insights Team (BIT) –, d'explorer, je cite, les « sciences comportementales pour encourager les propriétaires à répondre aux communications qui leur sont envoyées, et à prendre contact avec l'administration », afin de ne pas laisser leurs logements vacants. Ledit cabinet de conseil a donc produit un rapport de quarante pages qui explique, en gros, qu'il faut rédiger des courriers attractifs dans le but non pas que les propriétaires de logements vacants remettent leurs biens sur le marché, mais qu'ils répondent au moins aux courriers qui leur sont envoyés par les collectivités.
Tout de même, ce cabinet n'a pas osé se contenter d'écrire qu'il suffisait de rédiger des courriers attractifs. Il propose donc un système de boîte à outils, comprenant sept briques rouges, qui correspondent à sept modèles de courriers, et trois briques vertes, qui correspondent à des courriers plus positifs. Par ailleurs, je dois reconnaître que ce cabinet de conseil est honnête puisqu'à la fin de son rapport, il écrit : « Ce rapport n'est en aucun cas exhaustif »…
…« et n'a impliqué qu'une analyse documentaire et un nombre réduit d'entretiens avec des collectivités. Nous n'avons pas, par exemple, interrogé des propriétaires de logements vacants ou des agents. Il est donc possible que nos conclusions ne soient pas représentatives des avis de l'ensemble des individus impliqués. »
Rires et applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Pour ma part, je soulignerai le travail remarquable réalisé par les deux rapporteurs sur cet amendement et l'ensemble du texte. Nous avions un problème, qui a été mis sur la table et a été résolu. Votre amendement est révélateur : vous souhaitez zéro cabinet de conseil, n'est-ce pas ?
Mais citez-moi une entreprise, un État, un département, une région, une collectivité qui pourrait se priver de cabinets de conseil !
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
…alors que nous avons la chance en France de disposer de fonctionnaires compétents et d'avoir renforcé la fonction publique ? Tout simplement à disposer d'un niveau d'expertise que nous n'avons pas sur certains sujets.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Prenons un exemple d'actualité et que vous connaissez, celui de la Sacem – la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique. Ce n'est pas l'État, mais une société privée à but non lucratif. Elle a eu besoin sur le droit d'auteur, qu'elle connaît parfaitement, de recourir à un cabinet de conseil pour analyser l'intelligence artificielle et ses évolutions.
Si nous exigeons de l'État qu'il se prive de l'expertise des cabinets de conseil, nous ne prendrons plus que des mesures qui manqueront leur but.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
C'est vrai, madame la présidente, c'est désagréable. Si M. Bompard a quelque chose d'intéressant à nous dire, pour une fois, qu'il prenne le micro et qu'il parle,…
S'il vous plaît ! Je ne sais pas comment vous faites, pour ma part, je n'entends même pas ce que dit M. Balanant.
…même si, sur ce sujet, j'ai un doute.
Les cabinets de conseil apportent le niveau d'expertise supplémentaire dont L'État manque parfois. Voilà ce que nous devons encadrer. Vous avez eu raison de juger un tel encadrement nécessaire, de même que les rapporteurs. La proposition de loi vise à encadrer le recours aux cabinets de conseil. Nous faisons œuvre utile pour continuer à avancer au service de nos concitoyens.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 73
Nombre de suffrages exprimés 70
Majorité absolue 36
Pour l'adoption 29
Contre 41
L'amendement n° 115 n'est pas adopté.
Vous pourriez au moins faire silence quand j'annonce le résultat des scrutins, sinon cela ne sert à rien que je le fasse !
L'amendement n° 200 de M. Bruno Millienne, rapporteur, est rédactionnel.
L'amendement n° 200 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme Cécile Untermaier, pour soutenir l'amendement n° 29 .
Je serai brève, madame la présidente, car l'heure tourne et d'autres textes nous attendent. Le groupe Socialistes et apparentés avait déposé en commission des lois un amendement visant à soumettre les consultants des cabinets de conseil qui travaillent pour les administrations aux principes déontologiques qui s'appliquent pour les fonctionnaires. Le présent amendement ajoute les principes de dignité et d'impartialité à ceux d'intégrité et de probité.
L'amendement n° 29 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 201 est retiré
Le sous-amendement n° 234 de M. Bruno Millienne, rapporteur, est également défendu.
Le sous-amendement n° 234 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'amendement n° 162 , sous-amendé, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Nicolas Sansu, rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 202 .
C'est un amendement de cohérence avec le code général de la fonction publique.
L'amendement n° 202 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme Sophia Chikirou, pour soutenir l'amendement n° 117 .
L'objectif de cet amendement, issu d'une recommandation du rapport sénatorial « Un phénomène tentaculaire : l'influence croissante des cabinets de conseil sur les politiques publiques », est de renforcer les moyens dont dispose la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) pour contrôler le respect des règles déontologiques par les cabinets de conseil. Le rapport en question préconisait, dans sa neuvième recommandation, de renforcer les moyens de la HATVP en lui confiant « une nouvelle mission de contrôle des cabinets de conseil intervenant dans le secteur public, pour vérifier le respect de leurs obligations déontologiques ».
La HATVP, qui dispose d'environ 70 équivalents temps plein (ETP), couvre un champ très large, puisque 18 000 personnes environ sont soumises à l'obligation de déclaration. Elle est de plus en plus sollicitée dans le contexte actuel de néolibéralisme, qui pousse l'État à externaliser et à confier de plus en plus de missions à des prestataires – vous le constatez comme moi. Je le rappelle à l'intention de ceux qui ne semblent pas au fait de ce fonctionnement : l'État a supprimé des services et des postes dans la fonction publique – des postes d'ingénieurs, par exemple – pour ensuite faire appel à des cabinets de conseil. C'est ainsi qu'en Île-de-France, la façon de penser le Grand Paris et les transports publics s'est trouvée façonnée par cette logique au cours des quinze ou vingt dernières années. Une grande partie des problèmes de gaspillage d'argent public découle du fait que la région Île-de-France ne dispose plus en interne des personnels compétents capables de concevoir l'architecture d'ensemble d'un projet – d'où l'importance de renforcer les moyens de la HATVP.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Je comprends parfaitement votre amendement, toutefois ce n'est pas dans le cadre de l'examen de cette proposition de loi que nous allons décider des moyens supplémentaires accordés à la HATVP, mais lors de l'examen du PLF – je le dis en présence du président de la commission des lois – qui aura lieu cet automne. S'il est nécessaire de renforcer les moyens de la HATVP, nous en débattrons à ce moment-là.
Ce n'est pas moi qui décide de recourir à l'article 49.3, monsieur Sansu – vous le savez.
Sourires.
Avis défavorable.
L'amendement ne concerne pas le projet de loi de finances. Nous voulons inscrire dans la loi un objectif : l'octroi à la HATVP des moyens de remplir sa mission. Sans cela, l'amendement aurait été jugé irrecevable.
Vous renvoyez à la discussion du projet de loi de finances alors que nous sommes le 1er février. Vous savez parfaitement comment va se passer la discussion du PLF cette année encore, même si j'espère que d'ici là, il se sera passé suffisamment de choses pour que vous ne puissiez plus vous permettre de violer ainsi la volonté parlementaire et la volonté démocratique à coups de 49.3 abusifs …
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES
Nous examinons cette semaine de nombreuses propositions de loi. Systématiquement, nous formulons des vœux pour obtenir des moyens et, systématiquement, vous nous dites que nous nous occuperons des moyens à l'automne – mais nous savons déjà comment les choses vont se passer. Soit nous faisons de la politique sérieusement, comme l'exige la mission qui nous a été confiée ,…
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES
…soit il faut croire que nous ne sommes là que pour passer le temps, comme vous semblez le dire, et il ne nous reste qu'à attendre cet automne de voir quel Premier ministre nous imposera un 49.3 pour nous empêcher de débattre.
Mêmes mouvements.
Il est savoureux d'entendre ici, dans l'hémicycle, devant la représentation nationale, des personnes qui font elles-mêmes l'objet d'enquêtes pour des problèmes liés à des entreprises de communication et de conseil dans leur propre parti politique, contester le fait que le juge puisse contrôler si l'argent public est bien dépensé et nous faire la leçon en nous faisant croire que tout est de la faute de la Macronie et que la démocratie n'est jamais respectée. Quand on viole les règles de la République, on s'abstient de tenir ce genre de propos.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et RE.
S'il vous plaît : pas de discussion quand vous n'avez pas la parole. Allez-y, madame Amiot, pour le rappel au règlement.
Ce rappel au règlement se fonde sur l'article 70, alinéa 2, du règlement, relatif aux mises en causes personnelles. Je vous prie, cher collègue, de faire preuve de bonne foi.
Exclamations sur les bancs du groupe RE.
Souhaitez-vous vraiment étaler sur la place publique l'ensemble des casseroles, avérées ou non ? .
Exclamations sur les bancs du groupe RE
Aucune mise en cause d'un membre du groupe LFI n'a encore été prononcée pour les faits que vous évoquez.
Mme Sophia Chikirou s'exclame à l'adresse de M. Ludovic Mendes.
Mme Sophia Chikirou continue de s'exclamer à l'adresse de M. Ludovic Mendes. – Exclamations sur les bancs du groupe RE.
S'il vous plaît, madame Chikirou, votre collègue est en train de s'exprimer et nous voudrions l'entendre. Je vous demande de bien vouloir vous calmer.
Chez collègues, nous avons assisté aux mêmes scènes ce matin ! Nous allons éviter les mises en cause personnelles et laisser Mme Amiot terminer son rappel au règlement.
Exclamations persistantes.
Cela suffit. S'il vous plaît, madame Chikirou ! La séance est suspendue pour deux minutes.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à seize heures trente, est reprise à seize heures trente-cinq.
J'aimerais poser quelques règles, chers collègues. Je vous demande de ne pas vous interpeller les uns les autres, de ne pas vous provoquer mutuellement, de ne pas faire de mises en cause personnelles. Si nous devions revivre ce à quoi nous venons d'assister, je prendrais des sanctions, le cas échéant.
Vous savez que je suis très attachée au débat et que je laisse une large place à l'expression de chacun, mais il y a des limites. Nous allons maintenant poursuivre dans le calme la discussion de ce texte particulièrement intéressant et revenir à l'amendement n° 117 .
La parole est à M. Bruno Millienne, rapporteur, qui souhaitait apporter quelques précisions.
Je ne vais pas m'appesantir sur l'incident qui a conduit à cette suspension de séance, je dirai seulement que si nous pouvions éviter ce genre de choses, ce serait beaucoup mieux.
Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
En tant que corapporteur, je tiens à souligner que la présomption d'innocence vaut pour tout le monde, que les accusations soient ou non fondées. Respectons au moins ce principe dans cet hémicycle et tout se passera bien.
Madame Chikirou, si j'ai donné un avis défavorable à votre amendement, c'est aussi parce qu'il n'a aucune portée normative, car sa rédaction reste très vague. J'espère vous avoir donné une explication la plus complète possible.
L'amendement n° 117 n'est pas adopté.
L'article 9, amendé, est adopté.
La déontologie représente un tiers environ du rapport de la commission d'enquête sénatoriale sur l'influence croissante des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques. La question des conflits d'intérêts est donc primordiale dans cette proposition de loi : la rédaction initiale de son article 10 reprend les recommandations formulées dans ce rapport sénatorial, mais aussi par le président de la HATVP et par la Cour des comptes.
Les auteurs dudit rapport notent que « l'État ne dispose d'aucun moyen pour s'assurer de l'absence de conflit d'intérêts chez ses consultants » et recommandent, dans leur proposition 12, d'« imposer une déclaration d'intérêts aux consultants » afin que « l'administration puisse identifier et prévenir les risques de conflit d'intérêts ». En commission, l'adoption d'amendements de députés macronistes a conduit à une nouvelle rédaction de l'article transformant cette déclaration exhaustive en une simple déclaration sur l'honneur. Ainsi les risques ne seraient-ils plus identifiés par l'administration mais par les cabinets de conseil eux-mêmes. Pour éviter d'avoir à nous en remettre au bon vouloir des consultants, nous entendons confier à nouveau ce pouvoir de décision à l'administration. C'est la raison pour laquelle nous proposerons de revenir à la rédaction initiale du Sénat, qui nous paraît meilleure.
Avec votre permission, madame la présidente, je défendrai en même temps l'amendement n° 123 . Pour calmer les esprits, un peu de pédagogie à destination de celles et ceux qui regardent nos débats aussi passionnants qu'éclairants : comparons quelques chiffres. Le coût des cabinets de conseil pour les finances publiques, et donc pour les contribuables, avoisine le milliard d'euros, à quelques dizaines de milliers d'euros près, ce qui correspond au coût du fonctionnement de l'État, soit la présidence de la République, le Parlement, le Conseil constitutionnel et le Conseil d'État. Autrement dit, si nous économisions les frais liés aux consultants, nous pourrions avoir deux fois plus de députés, ce qui améliorerait la représentation nationale,…
…et, cerise sur le gâteau, deux présidents de la République, deux couples présidentiels.
Nous aurions, vous le voyez, de quoi nous faire plaisir !
Mais venons-en à nos amendements. La transparence exige que les cabinets de conseil adressent à l'administration une déclaration d'intérêts. Il est hors de question de placer en eux une confiance absolue. Prenons le cas d'un cabinet qui aurait pour clients à la fois un grand syndicat d'agriculteurs et le ministère de la santé : au premier, il conseillerait de recourir au glyphosate pour augmenter la productivité ; au deuxième, il recommanderait d'en limiter l'usage pour réduire les risques de toxicité alimentaire. Ce serait un conflit d'intérêts caractérisé.
L'amendement n° 122 et l'amendement de repli n° 123 prévoient donc une obligation pour les cabinets de conseil de déclarer leurs intérêts croisés sur les cinq dernières années. L'administration serait ainsi à même de savoir si consultants et clients sont parties prenantes au même capital, ce qui serait de nature à fausser la sincérité des conseils.
Sur l'amendement n° 122 ainsi que sur les amendements identiques n° 38 et 47 , je suis saisie par le groupe Rassemblement national de demandes de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
Ces amendements visent à rétablir la rédaction du Sénat, moyennant quelques modifications. Le travail que Nicolas Sansu et moi-même avons effectué me paraît plus constructif, car il permet d'articuler les divers éléments de la meilleure manière qui soit.
Je demande donc le retrait des amendements n° 122 et 123 ainsi que des amendements identiques n° 38 et 47 et donnerai un avis favorable à l'amendement n° 163 de Mme Miller, sous réserve de l'adoption des sous-amendements que j'ai déposés. S'ils sont adoptés, nous aboutirons à une rédaction qui, tout en visant le même objectif que vous, accordera plus de souplesse à l'administration.
L'amendement n° 122 a une vertu inégalée et inégalable : comme il reprend intégralement la rédaction de l'article 10 issue du Sénat, nous n'aurions pas, si nous l'adoptions, à rediscuter de cet article au cours de la navette. Allons-y !
Sourires.
Le Gouvernement estime que la rédaction à laquelle est parvenue la commission des lois de votre assemblée constitue une amélioration par rapport à la rédaction du Sénat, notamment en matière de proportionnalité des obligations.
Néanmoins, une étude approfondie des amendements à l'article 10 nous a conduits à donner un avis favorable à l'amendement n° 163 modifié par les sous-amendements du rapporteur Millienne. S'agissant des autres amendements, notre avis sera défavorable.
Je m'étonne que les amendements n° 38 et 47 ne soient pas en discussion commune avec les amendements n° 122 et 123 , car ils tendent tous à revenir à la rédaction du Sénat, qui laisse à l'administration plutôt qu'aux cabinets de conseil le soin d'identifier les risques de conflits d'intérêts. Nous voterons pour ces amendements, avec une petite préférence pour l'amendement n° 122 , qui apporte une amélioration par rapport au texte sénatorial. Il a en effet l'avantage de dissiper le flou attaché aux mots « même secteur » en les supprimant. Prenant en compte le fait que les conflits d'intérêts peuvent fort bien se manifester quand des prestations ont été délivrées dans des secteurs différents, il ajoute parmi les éléments sur lesquels doit porter la déclaration d'intérêts les « missions qui sont susceptibles de générer une influence sur la conduite ou l'issue de la prestation de conseil ».
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 76
Nombre de suffrages exprimés 76
Majorité absolue 39
Pour l'adoption 40
Contre 36
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES et sur quelques bancs du groupe LR.
Sur l'amendement n° 125 , je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je suis saisie de deux amendements, n° 86 et 125 , pouvant être soumis à une discussion commune.
L'amendement n° 86 de M. Timothée Houssin est défendu.
La parole est à M. Frédéric Mathieu, pour soutenir l'amendement n° 125 .
Il vise à interdire aux cabinets de conseil de démarcher les administrations publiques. La demande de conseil doit émaner de l'administration, non être suscitée par des contacts publicitaires. Il s'agit en effet des deniers publics, et les prestations de conseil peuvent influencer l'organisation et l'application des politiques publiques. Elles doivent donc faire suite à un besoin particulier clairement identifié, en toute responsabilité, par les personnes habilitées à prendre des décisions et à signer des marchés.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Même avis.
Ces deux amendements très similaires visent à interdire le démarchage, qui peut être abusif. Nous estimons que de telles démarches doivent faire l'objet d'un contrôle. Si une administration publique a besoin d'avoir recours à un cabinet de conseil, elle peut lancer un appel d'offres ou solliciter d'elle-même des prestataires. Par conséquent, nous souhaitons empêcher les cabinets de conseil de multiplier les démarches visant à lui proposer leurs services. Il n'est pas souhaitable que le recours à une telle prestation devienne une solution de facilité – relativement coûteuse, d'ailleurs –, ce qui créerait un risque de privatisation de la décision publique.
Il faut avoir conscience que si certains cabinets de conseil sont très connus, d'autres sont de petites entreprises.
Nous l'avons d'ailleurs évoqué ce matin : le rapporteur Sansu a rappelé qu'il fallait permettre aux petits cabinets de proposer leurs prestations de service. Si nous abolissons le démarchage – je ne vois pas bien comment, soit dit en passant, car il faudrait fliquer les courriels, les SMS et j'en passe –, l'essentiel des prestations seront accomplies par les grands cabinets de conseil, qui ont pignon sur rue.
Cela éliminera tous les cabinets de conseil de petite taille ou de taille intermédiaire, qui regorgent pourtant d'imagination et de créativité, et pourraient très bien accompagner l'administration publique – peut-être pour moins cher, d'ailleurs.
J'en profite pour répondre au président Mattei, qui a préconisé un recours accru aux centres de recherche universitaire. J'en suis moi aussi partisan, mais il ne faut pas se faire d'illusions : les centres de recherche universitaire ne sont pas exempts de biais idéologiques. Je pense notamment à la mouvance de la nouvelle gestion publique (NGP), d'inspiration très libérale, qui a conseillé la réforme de l'administration publique, ou encore aux laboratoires de recherche d'inspiration marxiste ou marxisante.
Sourires et exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
J'ai cité la NGP pour fournir deux exemples opposés !
Il ne faut pas croire que les centres universitaires sont d'une pureté doctrinale absolue. Néanmoins, je crois qu'il serait effectivement intéressant d'y avoir davantage recours, car ils regorgent de compétences pointues dans le domaine de la recherche.
Monsieur Labaronne, les cabinets de conseil doivent répondre à des consultations, selon les règles de la commande publique. Il n'y a aucun démarchage à faire pour cela. Tel est le problème : sont-ils censés passer par le démarchage ou répondre à un appel d'offres, à une consultation ouverte ou à un marché de gré à gré ? À mon sens, la question du démarchage ne se pose pas, sauf en ce qui concerne l'Union des groupements d'achats publics (Ugap).
L'amendement n° 86 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 74
Nombre de suffrages exprimés 74
Majorité absolue 38
Pour l'adoption 36
Contre 38
L'amendement n° 125 n'est pas adopté.
L'amendement n° 184 du Gouvernement est un amendement de mise en cohérence rédactionnelle.
L'amendement n° 184 , accepté par la commission, est adopté.
Cet amendement des députés Les Républicains vise à revenir à la rédaction du Sénat, qui impose aux cabinets de conseil des obligations déclaratives lorsqu'ils ont effectué du démarchage ou du lobbying préalablement à leur prestation. Cela nous semble sain.
Martin Hirsch a dénoncé ce type de pratique devant la commission d'enquête du Sénat. Il nous semble logique qu'un cabinet de conseil ayant démarché quelque administration publique que ce soit le déclare lorsqu'il est ensuite retenu comme prestataire.
Sur les amendements identiques n° 48 , 124 et 155 , je suis saisie par le groupe Rassemblement national d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Les amendements n° 124 de Mme Mathilde Panot et 155 de Mme Sandra Regol sont défendus.
Quel est l'avis de la commission ?
Ces amendements visent à revenir à la rédaction issue des travaux du Sénat, comme nous l'avons fait pour l'article 10. Cela me semble une bonne idée de voter conforme et d'en finir avec l'article 11.
Mme Sandra Regol applaudit.
Il veut rétablir un texte conforme à celui du Sénat, alors que cela ne correspond pas du tout aux travaux que nous avons menés tous les deux.
Sourires.
Je suis donc défavorable à ces amendements identiques. Je remercie tout de même leurs auteurs de les avoir déposés, ce qui me permet de préciser l'intention de la commission – je dis bien celle de la commission, non la mienne !
L'article 11 adopté par le Sénat pose deux difficultés. D'une part, les termes employés sont très généraux et tendent à couvrir un périmètre très large, ce dont il résulte une réelle difficulté à appréhender le champ exact de l'obligation déclarative. Si tout doit être déclaré, même les démarches insignifiantes, cela rendra le dispositif inefficace, car qui trop embrasse mal étreint. D'autre part, les informations demandées et qui seraient rendues publiques risquent de révéler des éléments relatifs à la stratégie commerciale de l'entreprise, ce qui porte atteinte à la liberté d'entreprendre, constitutionnellement garantie. C'est pourquoi la commission a modifié l'article 11 pour rendre le dispositif plus opérationnel et donc plus efficace. Avis défavorable.
Défavorable. Le rapporteur Millienne en a bien expliqué les raisons, et l'équilibre trouvé en commission nous semble plus adapté. Le Gouvernement, loin d'être opposé à la transparence, y est même plutôt favorable, comme il l'a prouvé lors des derniers mois, mais le dispositif doit être proportionné, ce qui ne nous paraît pas être le cas de la version du Sénat.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 76
Nombre de suffrages exprimés 76
Majorité absolue 39
Pour l'adoption 40
Contre 36
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
La parole est à Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, pour soutenir l'amendement n° 90 .
Cet amendement vise à encadrer plus précisément le champ d'application de l'article 11, en cohérence avec l'article 1er .
L'article 1er de la proposition de loi liste de manière limitative les administrations entrant dans son champ d'application. L'article 11, par le renvoi opéré à l'article 238 bis du code général des impôts, étend considérablement ce champ d'application, auquel il intègre des structures non lucratives œuvrant pour l'intérêt général comme les associations, les fondations ou les fonds de dotation. Ces structures peuvent en effet recevoir des dons en nature sous forme de mécénat de compétences, mais l'obligation déclarative imposée par la proposition de loi semble redondante avec les obligations déclaratives déjà existantes en matière fiscale relatives au traçage des actions de mécénat d'entreprise. Je pense aux formulaires Cerfa pour déclarer les dons et versements, les ressources humaines mobilisées et les contreparties éventuellement reçues.
En alourdissant davantage les charges administratives qui pèsent sur les actions de mécénat, cet article, en l'état, risque de limiter le mécénat de compétences au profit du secteur de la générosité et du bénévolat, dans une période où beaucoup de ces structures voient leur modèle économique fragilisé en raison de la baisse des dons, de la montée de l'inflation et de la difficulté à trouver de nouveaux bénévoles.
L'amendement n° 90 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 53 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 11, amendé, est adopté.
Je demande une suspension de séance.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures cinq.
La séance est reprise.
Je vous donne une information statistique qui peut vous être utile : nous examinons un peu moins de vingt amendements par heure, ce qui n'est pas très rapide. À ce rythme, nous ne pourrions procéder au vote sur le texte que vers vingt heures. Je vous rappelle que nous devons ensuite examiner d'autres propositions de loi pour lesquelles des collègues se sont mobilisés.
Je vous invite donc, si vous le voulez bien, sans vous censurer, à aller un peu plus vite.
La parole est à Mme Sophia Chikirou, pour soutenir l'amendement n° 128 .
Cet amendement de repli vise à étendre le droit de saisir la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique à l'ensemble des employés d'une administration bénéficiaire de la prestation de conseil. Actuellement, cette possibilité de saisine est limitée. L'étendre permettrait à des employés qui sont en contact avec les salariés d'un cabinet de conseil et qui sont donc plus au fait d'éventuels conflits d'intérêts ou manquements aux règles déontologiques de les signaler sans être bloqués par leur autorité hiérarchique. Nous proposons donc d'élargir le rôle de lanceur d'alerte aux employés d'une administration.
Madame Chikirou, la rédaction que vous proposez étend considérablement le droit de saisine de la HATVP, puisque « tout employé de l'administration bénéficiaire de la prestation de conseil » aurait le droit de la saisir.
La proposition de loi, dans sa rédaction actuelle, prévoit que la HATVP est compétente pour contribuer « au contrôle déontologique des prestations de conseil ». À mon sens, il n'est pas souhaitable d'instituer la HATVP en arbitre des conflits entre l'administration et le personnel sur les sujets d'externalisation ou de gestion des ressources humaines. Il faut conserver la cohérence du dispositif.
Je vous rappelle que l'administration bénéficiaire de la prestation, c'est-à-dire l'acheteur, peut déjà saisir la HATVP, ce qui me semble parfaitement suffisant.
Étendre, comme vous le proposez, la possibilité de saisir la HATVP à tous les agents de l'administration me semble bien trop large.
L'avis de la commission est donc défavorable.
L'amendement n° 128 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Sur les amendements identiques n° 126 et 144 , ainsi que les amendements identiques n° 39 , 127 et 145 , je suis saisie par le groupe Rassemblement national de demandes de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Cécile Untermaier, pour soutenir l'amendement n° 22 .
Dans le même esprit que l'amendement n° 128 , il vise à étendre le droit de saisine de la HATVP, cependant l'élargissement proposé est ici plus restreint.
Nous considérons en effet que le référent déontologue de l'administration bénéficiaire de la prestation peut utilement saisir la HATVP d'une question déontologique dont il a été informé. Dans le cas où l'échange avec les autorités de cette administration aurait été négatif, nous proposons qu'il puisse saisir la HATVP, sachant que les saisines et les données communiquées sont confidentielles.
Madame Untermaier, nous avons déjà discuté de cette question en commission, cependant il est vrai que l'examen peut être repris dans l'hémicycle.
La proposition de loi prévoit que c'est à l'administration bénéficiaire, dont fait partie le référent déontologue, de saisir la HATVP. On l'a dit, si un employé a un doute, il peut saisir le référent déontologue qui, s'il a un doute lui-même, peut saisir l'autorité hiérarchique, laquelle peut saisir la HATVP. C'est très bien comme cela. N'alourdissons pas les procédures.
L'avis de la commission est donc défavorable.
L'amendement n° 22 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Nous avons déjà évoqué à plusieurs occasions le rôle des organisations syndicales dans la prévention des manquements à la déontologie.
Par cet amendement, nous proposons de rétablir pour les organisations syndicales de fonctionnaires le droit de saisir la HATVP de tout manquement déontologique constaté, car elles connaissent les services comme les métiers et peuvent faire fonction de lanceur d'alerte.
La parole est à M. Timothée Houssin, pour soutenir l'amendement n° 144 .
Identique à l'amendement n° 126 , il vise à rétablir la possibilité pour les organisations syndicales de fonctionnaires de saisir la HATVP qui était prévue dans la rédaction initiale de la proposition de loi.
La saisine de la HATVP par les syndicats entre pleinement dans leurs prérogatives de défense du personnel. En outre, plusieurs instances au sein d'une administration, en particulier si ce droit avait été étendu au référent déontologue, pourraient procéder à cette saisine.
Il repose sur les mêmes fondements que les amendements précédents. Nous considérons en effet que les agents publics sont les premiers concernés par le recours excessif aux cabinets de conseil.
Je rappelle que seules quatre ou cinq organisations syndicales reconnues sont dites représentatives.
Étendre le droit de saisine aux « organisations syndicales représentatives de fonctionnaires » donnerait donc un moyen aux agents de saisir la HATVP.
La parole est à Mme Sophia Chikirou, pour soutenir l'amendement n° 127 .
J'ajouterai un argument à ceux qui ont déjà été exposés. Limiter le droit de saisine à l'administration bénéficiaire de la prestation de conseil, c'est-à-dire en fait à la hiérarchie, revient à n'autoriser que le donneur d'ordres à la saisir, car c'est généralement l'administration qui a choisi le cabinet de conseil et a signé un contrat avec lui.
À défaut de donner ce droit de saisine à tous les agents ou au déontologue, comme cela a été proposé précédemment, le conférer aux organisations syndicales représentatives des fonctionnaires est une façon d'instaurer une sorte de contre-pouvoir dans cette relation commerciale et contractuelle.
Vous connaissez le travail mené par les organisations syndicales dans l'administration. Elles possèdent une véritable expertise et disposent de moyens pour l'exercer en évaluant la situation. Enfin, elles sont pleinement légitimes pour saisir la Haute Autorité.
La parole est à M. Timothée Houssin, pour soutenir l'amendement n° 145 .
Les amendements n° 126 et 144 tendent à rétablir une disposition que nous avions supprimée en commission. Par cohérence, mon avis est défavorable.
Les amendements n° 39 , 127 et 145 ajoutent une condition de représentativité que nous avons également rejetée en commission.
En fait, ce que vous proposez conduirait à instituer la HATVP en arbitre des conflits entre l'administration et les représentants du personnel sur les sujets d'externalisation ou de gestion des ressources humaines.
Les organisations syndicales ont bien évidemment pour mission de représenter les intérêts des agents publics et de défendre leurs droits. En revanche, elles n'ont pas pour mission de participer au contrôle du respect, par les cocontractants de l'administration, de leurs obligations.
L'avis de la commission sur ces cinq amendements est donc défavorable.
Même avis défavorable sur l'ensemble des amendements.
L'argumentation contre ces amendements ne tient pas la route. Dès qu'on touche à des sujets sociaux, on entend dire dans cet hémicycle qu'il faut laisser faire le dialogue social – c'est très bien, mais quand on arrive aux choses sérieuses, les syndicats disparaissent.
Lorsque j'entends les explications du rapporteur, je comprends que les syndicats devraient être cantonnés à vérifier si les toilettes du service sont propres ou si la fenêtre n'est pas cassée. L'intervention de cabinets de conseil et les manquements déontologiques qui en découlent parfois peuvent atteindre directement l'outil de travail. Plusieurs exemples l'ont montré. Connaître l'outil de travail, le défendre, porter un regard sur l'organisation et sur les règles appliquées ou enfreintes, oui, cela relève tout à fait des compétences d'une organisation syndicale. Les syndicats ne se privent pas pour le faire quand ils le peuvent. Si on leur demandait leur avis, ils répondraient sans doute que cela ne les concerne pas, mais tout le monde sait que cela les concerne. Votons et soyons raisonnables, pour une fois.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 66
Nombre de suffrages exprimés 66
Majorité absolue 34
Pour l'adoption 32
Contre 34
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 63
Nombre de suffrages exprimés 63
Majorité absolue 32
Pour l'adoption 28
Contre 35
Cet amendement vise à donner au président de la commission des finances de l'Assemblée nationale ou du Sénat un pouvoir de saisine de la HATVP. En effet, le président de la commission des finances a une place privilégiée : il a la possibilité d'accéder aux documents des entreprises et des particuliers couverts par le secret fiscal ; il peut ordonner des contrôles sur pièces et sur place ; enfin, il a une véritable légitimité en tant qu'élu du Parlement et représentant de l'opposition. Si l'on soupçonne un non-respect des règles déontologiques par les cabinets de conseil, il pourrait donc saisir la HATVP.
Avis défavorable. Le Premier ministre, le président de l'Assemblée nationale ou le président du Sénat peuvent déjà saisir la HATVP au titre de ses autres compétences en matière de contrôle des déclarations d'intérêts, mais il n'est pas logique que les présidents des commissions des finances des deux assemblées puissent le faire. En réalité, vous souhaitez donner à l'opposition la possibilité de saisir la HATVP, qui deviendrait alors un arbitre des conflits politiques. Cela ne me semble pas souhaitable.
J'ajoute que les pouvoirs de contrôle dont disposent les présidents des commissions des finances ont vocation à leur permettre d'assurer le contrôle budgétaire. S'ils identifient des faits répréhensibles dans le cadre de leur contrôle, ils peuvent effectuer un signalement auprès du procureur, en application de l'article 40 du code de procédure pénale.
Avis défavorable, pour les raisons avancées par le rapporteur Millienne. Plusieurs amendements – ni identiques, ni en discussion commune – portent sur les différentes modalités de saisine de la HATVP. Il y a des modalités citoyennes et d'autres qui sont plus proches du mode de saisine du Conseil constitutionnel. Cependant, il ne faut pas se méprendre sur le rôle de la HATVP : si celle-ci a pour mission de contrôler la déontologie et de lutter contre les conflits d'intérêts, elle ne vise pas à combattre la corruption. D'autres textes étant en attente, je donne une explication groupée des amendements à venir. Avis défavorable.
L'article 12 prévoit que le président de l'Assemblée nationale ou du Sénat puisse saisir la HATVP en cas de violation des règles déontologiques relatives au recours aux cabinets de conseil ; néanmoins, on a refusé un amendement qui préconisait que l'Assemblée nationale et le Sénat s'entourent de règles concernant les cabinets de conseil. Je regrette vraiment que cet amendement n'ait pas été adopté.
L'amendement n° 87 n'est pas adopté.
La parole est à M. Timothée Houssin, pour soutenir l'amendement n° 88 .
Le rapporteur Millienne a dit que je voulais que l'opposition puisse saisir la HATVP. Il a entièrement raison : les députés et sénateurs de l'opposition sont les représentants du peuple. Lorsqu'un cabinet de conseil est sollicité dans le cadre public, il est normal que les représentants du peuple puissent saisir la HATVP en cas de doute sur un éventuel manquement à la déontologie.
Cet amendement propose donc que soixante députés ou sénateurs puissent saisir la HATVP. Pourquoi soixante ? C'est le même nombre que pour une saisine du Conseil constitutionnel. Parmi les amendements qui seront appelés ultérieurement, nous voterons contre ceux qui prévoient que tout individu puisse saisir la HATVP, parce que c'est excessif, mais ces individus ont des représentants – nous-mêmes – et le chiffre de soixante parlementaires semble raisonnable.
Monsieur Houssin, vos amendements n'ont rien à faire dans ce texte de loi. Faites une proposition de loi sur la refonte, les droits et les devoirs de la HATVP ; on l'étudiera dans cet hémicycle. Vous profitez du texte pour avancer des propositions qui ne relèvent pas des compétences de la HATVP, et nous ne voulons pas que celle-ci soit considérée comme un arbitre des conflits politiques.
Cela n'est pas souhaitable. Faites une proposition de loi dédiée et on verra. Avis défavorable.
Défavorable.
Monsieur le rapporteur, votre idée de proposition de loi complémentaire est bonne. En commission ou en séance depuis hier, vous avez démonté une bonne partie des propositions du Sénat visant à encadrer l'intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques, dont certaines avaient été votées à l'unanimité. En effet, si l'on rassemble toutes les dispositions d'utilité publique que vous avez rejetées, il y a de quoi faire une proposition complémentaire.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 47
Nombre de suffrages exprimés 44
Majorité absolue 23
Pour l'adoption 10
Contre 34
L'amendement n° 88 n'est pas adopté.
La parole est à M. Frédéric Mathieu, pour soutenir l'amendement n° 129 .
Cet amendement vise à étendre les possibilités de saisine de la HATVP par les associations luttant contre la corruption et agréées par le ministère de la justice. Cette série d'amendements concerne la saisine de la HATVP et tout le monde comprend bien – je parle pour ceux qui viennent de commencer à regarder nos débats – que nous assistons au dévoiement total de la proposition de loi.
Chaque fois que l'on parle de la protection de l'intérêt général, la Macronie sort le bouclier du secret des affaires, du business, des entreprises et même de la liberté d'entreprendre – cette dernière formulation me semblant quelque peu fumeuse.
À vous entendre, n'importe quel contrôle porterait atteinte à la liberté d'entreprendre – nous ne vivons pas dans le même monde. Nous devons prendre nos responsabilités et défendre l'intérêt général, pas le business de quelques-uns. Il faut réagir, nos concitoyens nous attendent sur la question.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
Le débat a lieu dans le secret feutré de l'Assemblée nationale, mais il faudra assumer cela à l'extérieur.
Nous ne nous priverons pas de dire que vous vous êtes employés à vider la proposition de loi de sa substance.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
L'amendement n° 129 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 63 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Frédéric Mathieu, pour soutenir l'amendement n° 118 .
Nous demandons un rapport de la HATVP pour évaluer ses moyens, afin de vérifier si nous lui donnons vraiment les moyens de fonctionner. Ce rapport rendra possible la transparence, la bonne administration et la vérification du respect de nos règles déontologiques.
La HATVP publie déjà un rapport annuel ; cette évaluation apparaît à la page 91 de son dernier rapport. Demande de retrait, car votre amendement est satisfait.
L'amendement n° 118 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme la ministre déléguée, pour soutenir l'amendement n° 185 .
Cet amendement vise à rappeler qu'en ce qui concerne le secret des affaires, l'office de la HATVP est soumis à une obligation de confidentialité. Cet ajout permettrait d'harmoniser la présente proposition de loi avec les règles encadrant les pouvoirs de la HATVP en matière de contrôle des représentants d'intérêts ; il garantirait aussi le respect de nos engagements européens dans ce domaine.
Par ailleurs, je propose de supprimer les pouvoirs de vérification sur place reconnus à la HATVP. En effet, la HATVP n'a pas été conçue par le législateur dans un but répressif. Si elle dispose de tels pouvoirs dans le cadre de sa mission relative à la transparence des rapports entre les représentants d'intérêts et les pouvoirs publics, il s'agit d'une exception à son mode de fonctionnement.
La mission principale de la HATVP consiste à vérifier les déclarations fournies par les personnes placées sous son contrôle et à les renvoyer vers les interlocuteurs pertinents – le parquet, par exemple, en cas d'infraction pénale. C'est pourquoi, en cohérence avec le rôle de la HATVP, je propose de limiter ses pouvoirs de contrôle à la communication de toute information ou de tout document nécessaire à l'exercice de sa mission. En outre, elle restera toujours en mesure d'entendre ou de consulter toute personne dont le concours paraît utile.
La commission était défavorable, mais, à titre personnel, je donne un avis de sagesse.
Cet amendement du Gouvernement se situe dans la droite ligne de ce que j'ai décrit : on annonce un meilleur encadrement, mais on ne fait rien pour qu'il soit effectif. On comprend mal pourquoi la HATVP, si elle l'estime nécessaire, ne pourrait pas faire un contrôle sur place. Ceux qui la dirigent comme ceux qui y travaillent sont suffisamment raisonnables pour ne pas traverser toute la France pour le seul plaisir de se promener.
Offrons la possibilité à la HATVP de remplir sérieusement ses missions et de conduire son office. Si elle le souhaite et si elle l'estime nécessaire, permettons-lui de faire des contrôles sur place. Aucun argument rationnel ne peut s'y opposer.
L'amendement n° 185 est adopté.
L'amendement n° 131 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Nous sommes d'accord sur le principe de la mission attribuée à la HATVP. Toutefois, comme à toutes les autorités administratives indépendantes – par exemple, le Défenseur des droits ou le Contrôleur général des lieux de privation de liberté –, il lui faut des garde-fous.
L'amendement vise donc à ajouter à la liste des secrets susceptibles d'être opposés à la Haute Autorité le secret de l'enquête et de l'instruction, principe fondateur de notre procédure pénale française, et le secret médical, qui couvre toutes les informations dont disposent les professionnels de santé à propos de chacun d'entre nous.
L'amendement ajoute le secret de l'enquête et de l'instruction, et le secret médical à la liste des secrets pouvant être opposés à la HATVP. Vous aviez proposé en commission l'ajout du secret de l'enquête et de l'instruction, mais l'amendement avait été retiré.
Selon nous, la HATVP n'a pas vocation à se transformer en une autorité d'enquête et de poursuite. Toutefois, inclure dans la liste le secret de l'enquête et de l'instruction pourrait l'empêcher de procéder à des contrôles sur des manquements dont elle a été saisie dès lors qu'une enquête a été ouverte. S'agissant du secret médical, nous aurions besoin d'explications : dans quels cas a-t-il vocation à être opposé ?
Je prononcerai à titre personnel un avis de sagesse sur cet amendement, même si j'y suis plutôt défavorable. L'avis du rapporteur Sansu est défavorable.
Je demanderais aux rapporteurs de donner l'avis de la commission. Vous pouvez donner vos avis personnels mais c'est, si j'ose dire, la cerise ; le gâteau reste bien l'avis de la commission.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Opposable au Défenseur des droits et au Contrôleur général des lieux de privation de liberté, le secret de l'enquête et de l'instruction doit l'être également à la Haute Autorité de la transparence pour la vie publique. Cela permettrait de tracer une frontière plus lisible entre l'office de la HATVP et les nécessités de la procédure judiciaire afin d'éviter tout risque d'immixtion de la Haute Autorité dans le domaine de compétence du juge. Avis favorable.
L'amendement n° 164 est adopté.
La parole est à M. Sansu, rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 208 .
Il s'agit d'un amendement de coordination – si toutefois l'article 17 n'est pas totalement dépouillé.
Aujourd'hui, la Cnil peut procéder à des contrôles mais ne peut prononcer des sanctions administratives. Par cet amendement, nous souhaitons permettre à la Cnil, en cas de manquement avéré en matière de destruction des données, de saisir la HATVP pour que celle-ci puisse prononcer des sanctions administratives.
Nous avons déjà évoqué nos points de désaccord lors de la préparation des débats. Par souci de cohérence avec la position du Gouvernement, qui souhaite modifier l'article 17 et ne pas doter la Haute Autorité d'un pouvoir de sanction, je suis défavorable à votre amendement.
L'amendement n° 208 n'est pas adopté.
Les amendements identiques n° 49 de M. Philippe Gosselin et 130 de M. Frédéric Mathieu sont défendus.
L'amendement n° 207 de M. Bruno Millienne, rapporteur, est un amendement de précision.
L'amendement n° 207 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Je vous en prie, madame la députée. La parole est donc à Mme Ségolène Amiot, pour soutenir ces amendements.
Ils visent à instaurer un mécanisme de contrôle à la main des citoyens, sous la forme d'une pétition dont le seuil est fixé à 50 000 signatures pour l'amendement n° 65 et à 100 000 pour le n° 64. L'objectif est de prévenir d'éventuels abus de la part de certains cabinets de conseil.
Nous sommes convaincus qu'une participation active des citoyens au contrôle de l'administration permettrait de les réconcilier avec nos institutions et de raffermir leur confiance en elles. En outre, la vigilance serait plus grande puisque plusieurs millions d'yeux scruteraient les agissements des uns et des autres, ce qui représente bien sûr beaucoup plus de personnes que n'importe quelle administration.
Il est défavorable. La HATVP n'a pas pour mission de recevoir ni de traiter des pétitions. Si vous souhaitez qu'elle joue ce rôle, je vous invite, vous aussi, à rédiger une proposition de loi sur le sujet.
Nous avons déjà débattu de la question de savoir qui peut saisir la HATVP. L'extension de la possibilité de saisine, telle que vous la proposez, nous semble beaucoup trop large – que le seuil soit fixé à 50 000 ou à 100 000 signatures. La nature même de l'institution en serait changée. Si vous voulez modifier les règles, je le répète, vous pouvez déposer une proposition de loi.
L'article 12, amendé, est adopté.
La parole est à Mme la ministre déléguée, pour soutenir l'amendement n° 186 .
Cet amendement de réécriture vise à remplacer les sanctions administratives, en cas de non-respect des obligations ou interdictions contenues dans la proposition de loi, par un régime de sanctions pénales analogue au cadre déjà existant en matière de transparence de la vie publique. C'est une mesure de cohérence avec le dispositif prévu en cas de non-respect des dispositions relatives aux déclarations d'intérêts que la HATVP est chargée de contrôler.
La voie pénale est au moins aussi efficace que la voie administrative, et plus dissuasive eu égard aux peines d'emprisonnement encourues.
Par ailleurs, le Gouvernement ne souhaite pas bouleverser le fonctionnement de la HATVP, qui doit conserver un rôle de contrôle et de vérification. Il ne faut pas lui attribuer un pouvoir de sanction car cela nous obligerait à créer une nouvelle structure administrative – une commission des sanctions – en son sein.
L'avis de M. Millienne et le mien ne seront pas forcément convergents.
Je vais vous expliquer pourquoi je pense qu'il ne faut pas réécrire l'article ainsi. Je ne nie pas la nécessité du recours à la voie pénale s'agissant des manquements importants – la question n'est pas là. Cependant, je pense que, dans l'esprit des sénateurs qui ont rédigé l'article, l'idée – bonne selon moi – était d'adjoindre la possibilité de procéder à des sanctions administratives, plus efficaces et plus rapides que des sanctions pénales. Elles seraient applicables uniquement dans le cadre du contrôle déontologique des cabinets de conseil et ne concerneraient donc pas les autres missions de la HATVP. D'ailleurs, la Haute Autorité, dont nous avons auditionné des représentants, a déclaré qu'elle était encline à se voir confier cette nouvelle mission.
Dans le cadre d'une mission parlementaire, Mme Cécile Untermaier et M. Gilles Le Gendre avaient déjà proposé de doter la HATVP du pouvoir de prononcer des sanctions administratives. Une telle mesure me semble d'autant plus souhaitable qu'elle avait été envisagée dès 2016 par la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi Sapin 2, mais qu'elle avait alors été rejetée par le Sénat.
Je n'ai pas le même avis que Nicolas Sansu. J'entends et respecte sa position mais je suis moi-même partagé. Par exemple, une sanction administrative apporterait de la souplesse là où une sanction pénale serait plus dissuasive.
Par ailleurs, il me semble important d'apporter deux précisions. D'une part, l'article prévoit, en l'état, la création d'une structure nouvelle – la commission des sanctions –, alors que nous cherchons plutôt à alléger notre État et à limiter le nombre de ses démembrements. D'autre part, certes, le texte ne confère un pouvoir de sanction à la HATVP que sur la question des cabinets de conseil, mais cela créerait un précédent. Une fois que la commission des sanctions sera créée, j'ai bien peur qu'au gré de futurs textes législatifs, son champ ne s'étende mécaniquement à d'autres domaines. Il faut garder cela à l'esprit. Voilà pourquoi mon avis est très différent de celui du rapporteur Sansu.
Entre l'avis du rapporteur Sansu et celui du rapporteur Millienne, faites votre choix !
L'amendement n° 186 est adopté ; en conséquence, l'article 13 est ainsi rédigé et les amendements suivants tombent.
La parole est à Mme la ministre déléguée, pour soutenir l'amendement n° 187 , qui tend à supprimer l'article 14.
Il s'agit d'un amendement de coordination avec l'amendement 186 qui vient d'être adopté.
L'amendement n° 187 est adopté ; en conséquence, l'article 14 est supprimé et les amendements suivants tombent.
L'article 15 a été supprimé par la commission. Je suis saisie d'une série d'amendements pouvant être soumis à une discussion commune, qui tendent à le rétablir. La parole est à M. Bruno Millienne, rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 214 deuxième rectification.
Les amendements à l'article 15 rétablissent la possibilité d'exclure un cabinet de conseil de la procédure de passation des contrats de la commande publique – nous avons exposé à l'article 13 les raisons pour lesquelles il est important de prévoir cette exclusion. Parmi ces amendements, je vous propose de donner la préférence au mien car la rédaction me semble meilleure. J'y reprends la version du texte issue du Sénat en procédant à trois modifications.
Tout d'abord, je propose de supprimer l'ajout du faux témoignage à la liste des motifs d'exclusion de plein droit de la procédure de passation des marchés publics, d'une part parce que la rédaction inclut tous les cas de faux témoignage et non seulement ceux qui sont faits devant une commission d'enquête, d'autre part parce que ce serait contraire au droit européen.
Deuxièmement, je propose de remplacer les alinéas qui décrivent la procédure dite d'autoapurement par un renvoi aux nouvelles dispositions du code de la commande publique qui encadrent cette procédure. C'est également ce que propose l'amendement n° 41 de M. Rimane.
Enfin, je procède aux coordinations nécessaires pour permettre l'application de l'article relatif aux outre-mer, qu'il fallait mettre à jour.
La parole est à Mme Soumya Bourouaha, pour soutenir l'amendement n° 41 .
Il prévoit de réintroduire l'article 15 tel qu'il a été adopté au Sénat. Cet article complète le dispositif prévu à l'article 13 de la proposition de loi, que nous avions également demandé de rétablir par amendement.
La nouvelle possibilité d'exclusion est complémentaire de celle qui est prévue par l'article L. 2141-10 du code de la commande publique en cas de conflit d'intérêts. Elle obéit néanmoins à une logique différente, ce qui justifie la création, dans le code, d'un nouvel article. Ce motif d'exclusion de plein droit vient renforcer l'effet dissuasif des sanctions que peut prononcer la HATVP en cas de non-respect des exigences en matière de déontologie et de transparence.
La parole est à M. Frédéric Mathieu, pour soutenir l'amendement n° 59 .
Le présent amendement, qui vise également à rétablir l'article 15, n'est cependant pas tout à fait identique aux précédents car il prévoit de supprimer le dispositif permettant de contourner les sanctions et de régulariser sa situation en réglant les amendes et indemnités dues.
Cela voudrait dire que les cabinets qui ont commis des fautes professionnelles graves mais qui ont de la trésorerie pourraient tout à fait les provisionner au titre du risque dans leur bilan et ainsi s'émanciper de toutes les obligations qui peuvent peser sur eux en mettant la main à la poche. J'ai entendu depuis ce matin que certains députés se faisaient beaucoup de soucis pour les petits cabinets conseil qui, eux, c'est certain, ne pourront pas forcément payer d'éventuelles sanctions financières. Je pense donc que ces collègues feront preuve de cohérence en votant notre amendement.
Sur les amendements identiques n° 60 , 157 et 192 , je suis saisie par le groupe Rassemblement national d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Les amendements n° 60 de Mme Mathilde Panot et 157 de Mme Sandra Regol sont défendus.
La parole est à M. Timothée Houssin, pour soutenir l'amendement n° 192 .
L'article 15, rappelons-le, a été supprimé en commission par l'amendement de M. Pradal, député du groupe Horizons et apparentés, ce qui supprime la possibilité pour la HATVP d'exclure de la commande publique des cabinets de consultants sanctionnés pour des manquements aux règles déontologiques. Son amendement a été rédigé par un syndicat de cabinets de conseil ; au moins cela a le mérite de la franchise. Rappelons que le droit communautaire permet d'exclure des marchés publics un opérateur économique ayant commis une faute professionnelle grave remettant en cause son intégrité. Voilà pourquoi nous demandons le retour de l'article 15 tel qu'il était rédigé par le Sénat.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
Favorable à l'amendement n° 214 deuxième rectification et défavorable à tous les autres.
En cohérence avec l'amendement n° 186 qui a réécrit l'article 13 en substituant une peine prononcée par le juge pénal à la sanction administrative d'exclusion de la commande publique par la HATVP, le Gouvernement émet un avis de sagesse sur l'amendement n° 214 deuxième rectification du rapporteur Millienne. En effet, par rapport à la rédaction initiale de l'article 15, il apporte des éléments qui vont dans le bon sens : il met fin à une contradiction avec le droit européen en supprimant le témoignage mensonger de la liste des manquements pouvant donner lieu à l'exclusion de la commande publique et renvoie à une procédure générale d'autoapurement figurant désormais dans le code de la commande publique. Avis défavorable sur les autres amendements.
Je demande à nos collègues d'adopter au moins l'amendement n° 214 deuxième rectification. S'il faut une sanction pénale pour exclure les cabinets conseil ayant commis un manquement de toute passation de marché public, on peut attendre des années et des années. Reste à savoir comment la HATVP peut interdire de passer des marchés publics aux cabinets conseil qui auraient fauté sans être pour autant soumis à la sanction pénale – je pense à ceux qui auraient fait une fausse déclaration à la HATVP –, car en supprimant la sanction administrative, on ne s'en donne pas les moyens.
Le mieux serait bien entendu d'adopter l'amendement n° 60 , qui rétablit l'article 15 dans la rédaction du Sénat.
L'amendement n° 58 de M. Frédéric Mathieu, portant article additionnel après l'article 15, est défendu.
L'amendement n° 58 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 213 de M. Bruno Millienne, rapporteur, portant article additionnel avant l'article 16, est rédactionnel.
L'amendement n° 213 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 16 a été supprimé par la commission. Je suis saisie de plusieurs amendements, n° 215 rectifié , 50 , 57 , 143 et 158 , tendant à le rétablir et pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements n° 50 , 57 , 143 et 158 sont identiques.
La parole est à M. Nicolas Sansu, rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 215 rectifié .
La suppression complète de cet article crée une petite faille puisqu'il n'y a plus de contrôle du pantouflage vers les cabinets de conseil avec obligation de rendre compte de son activité tous les six mois pendant trois ans. Je propose de rétablir cette disposition, sachant que les autres mesures prévues à cet article existent déjà dans le droit en vigueur qui régit le pantouflage et le rétropantouflage.
La parole est à M. Raphaël Schellenberger, pour soutenir l'amendement n° 50 .
Il poursuit le même but que celui de M. le rapporteur, mais en reprenant la rédaction initiale du Sénat.
Cette disposition voulue par la commission d'enquête et adoptée par le Sénat prévoyait un contrôle systématique de la HATVP lorsqu'un responsable public partait exercer une activité de consultant dans le secteur privé – le pantouflage – ou lorsqu'un consultant rejoignait l'administration – le rétropantouflage. La HATVP pouvait ainsi rendre un avis de compatibilité, d'incompatibilité ou de compatibilité avec réserve ; le responsable public devenu consultant devait rendre compte de son activité pendant trois ans, ce qui aurait permis de veiller à ce que l'avis de la HATVP soit respecté. Pour des raisons dites de simplification, la Macronie a supprimé le dispositif qui était pourtant de bon sens, le jugeant trop compliqué. Pourtant, les responsables publics devenus consultants représentant à peine 1 % des effectifs des cabinets de conseil, cela n'aurait pas constitué une charge de travail énorme. Il est vrai que, souvent, il ne s'agit pas de n'importe qui : on y trouve d'anciens secrétaires d'État, d'anciens ministres, d'anciens directeurs qui du Trésor, qui de l'Anssi – Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information –, qui de cabinet ministériel, et ainsi de suite. Il n'y a rien d'illégal mais, au vu des informations auxquelles ils ont eu accès, il semble nécessaire de savoir ce qu'ils font et l'article 16 du Sénat encadrait cela très bien.
Par l'amendement de notre excellente collègue Sandra Regol, nous voulons rétablir l'intégralité de l'article 16 qui prévoyait un meilleur encadrement du passage d'un agent public vers un poste dans un cabinet de conseil du secteur privé lucratif, et inversement, en confiant cette mission à la HATVP. Nous croyons qu'au nom de l'intérêt général et de la conception que nous devons nous faire de la République et de l'exemplarité de l'État, il faut protéger notre démocratie de cette tentation de la start-up nation où le service de l'État, le service public, n'est qu'une étape sur un CV entre deux activités de consulting ou de lobbying au service d'intérêts privés. On l'a beaucoup vu depuis 2017. C'est une tare originelle du macronisme que cette vision du pantouflage entraînant la confusion entre l'intérêt général et celui des lobbies. On l'a constaté encore il y a quelques instants dans plusieurs annonces du ministre de l'agriculture… ministre des pesticides, devrais-je dire.
Vives protestations sur les bancs des groupes RE et Dem.
D'ailleurs, il faut regarder ce qu'est la composition de son cabinet hier et aujourd'hui.
Il n'y a pas à insulter tout le monde ! Vous ne savez pas faire autre chose ! C'est incroyable !
Nous croyons qu'il est nécessaire de défendre une certaine vision de l'éthique démocratique et de la République, qui repose sur l'intérêt général.
Exclamations sur les bancs du groupe RE.
Un peu de calme, mes chers collègues. Dois-je rappeler que j'ai demandé d'éviter les provocations ?…
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
Je serai défavorable à tous les amendements, sauf à celui de M. Sansu que je trouve… sensé.
Sourires.
Par respect pour M. le rapporteur Sansu, je me dois d'expliciter plus longuement cette fois-ci l'avis du Gouvernement. La HATVP connaît déjà le cas des allers-retours des personnes ayant occupé ou souhaitant occuper les emplois les plus à risque au sein de la hiérarchie administrative. La logique de la réforme de 2019, en matière de contrôles déontologiques, a consisté non à soumettre à la surveillance de la Haute Autorité une liste de professions du secteur privé qui présenteraient intrinsèquement un risque déontologique et pénal plus élevé que d'autres, mais à faire porter les contrôles sur les détenteurs, passés ou à venir, des postes présentant le plus de capacité de décision ou d'influence au sein de l'administration, car c'est pour ces postes que le risque de conflit d'intérêts ou de prise illégale d'intérêts est le plus élevé. Ce risque existe bien au-delà du seul passage entre un cabinet de conseil et une administration. Concentrer les contrôles sur certaines professions du secteur privé ferait perdre beaucoup d'efficacité au système tel qu'il a été établi par la loi de 2019. Au surplus, ajouter au système actuel une seule dérogation spécifique aux cabinets de conseil et aux activités libérales de consultant nuirait à la lisibilité de l'ensemble. C'est pourquoi l'avis est plutôt défavorable.
J'entends vos arguments, madame la ministre ; c'est bien parce que des règles existent déjà que je n'ai pas demandé le rétablissement entier de l'article. Cependant, comme il existe un problème particulier concernant les cabinets de conseil, on propose un contrôle accru de ce secteur. Libre au Gouvernement, s'il le souhaite, de proposer un texte plus incisif sur les pantouflages et rétropantouflages dans les autres sphères, mais il s'agit ici d'une proposition de loi sur les cabinets conseil et il nous semble utile de procéder à un contrôle tous les six mois pendant trois ans. Cela n'aurait rien d'exceptionnel et ne modifierait pas les caractéristiques des personnes visées par l'article 16 : il s'agirait bien de celles et ceux qui ont eu une position particulière, et non de tous les agents comme on aurait pu le comprendre dans la première rédaction de l'article.
Le vote à main levée n'ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 79
Nombre de suffrages exprimés 76
Majorité absolue 39
Pour l'adoption 35
Contre 41
L'amendement n° 215 rectifié n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 78
Nombre de suffrages exprimés 78
Majorité absolue 40
Pour l'adoption 34
Contre 44
L'amendement n° 84 de M. Timothée Houssin, portant article additionnel après l'article 16, est défendu.
L'amendement n° 84 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il est surprenant, voire inquiétant, de constater que dans les textes qui traitent d'hébergement de données, rien ne soit jamais prévu pour protéger celles-ci des ingérences extraeuropéennes. Ici, nous parlons de données recueillies par des cabinets de conseil dans le cadre de leur prestation au service de l'État, donc de données potentiellement sensibles ou personnelles. Si ce sont des données sensibles, il nous faut des garde-fous pour s'assurer qu'elles sont pleinement protégées. La première garantie, c'est évidemment le respect par l'hébergeur du RGPD, mais cela ne peut suffire et il nous faut une deuxième garantie, cette fois systématiquement ignorée : la protection contre les lois extraterritoriales. On pourrait citer l'exemple du Cloud Act, loi qui permet aux autorités publiques américaines d'accéder aux données hébergées par des entreprises américaines, un risque que même les rapporteurs du Sénat ont souligné, c'est écrit noir sur blanc dans le rapport de notre commission.
C'est là que notre amendement intervient : nous souhaitons que les données recueillies par les cabinets de conseil soient hébergées dans un cloud européen – et ne répondez pas qu'il n'en existe pas : des entreprises françaises savent très bien le faire. En plus de sécuriser notre souveraineté numérique, cela permettrait à notre industrie de remporter de nouvelles parts de marché.
Défavorable : ces mesures me paraissent disproportionnées.
La parole est à M. Raphaël Schellenberger, pour soutenir l'amendement n° 55 .
Cet amendement du groupe Les Républicains vise à rappeler que le règlement général sur la protection des données s'applique et qu'il y a lieu d'être particulièrement vigilant en la matière.
Monsieur Schellenberger, je vais vous demander de retirer votre amendement parce qu'il nous paraît déjà satisfait ; à défaut, l'avis de la commission serait défavorable. En l'état, le texte n'interdit pas en effet de supprimer les données collectées dans un délai plus court si la réglementation l'exige.
Même avis.
Cela ne fait pas de mal de rappeler qu'il faut respecter la loi. Le débat parlementaire aura éclairé la jurisprudence à venir. Je retire l'amendement.
L'amendement n° 55 est retiré.
Quand on crée une nouvelle obligation, il convient de s'assurer qu'il existe des garanties qu'elle sera respectée. Or l'alinéa 2 de l'article 17 crée une obligation de transmission d'une déclaration attestant que les données que le prestataire ou le consultant collecte auprès de l'administration bénéficiaire ou des tiers avec qui il communique pour les besoins de sa prestation ont été détruites, sans pour autant que ces garanties soient apportées.
Par cohérence, l'amendement tend à modifier l'alinéa 4, car la sanction de l'absence de transmission de la déclaration ne peut équivaloir à un manquement à la protection des données et ne saurait, dès lors, être du ressort de la Cnil.
Excusez-moi si je réponds avec un peu de retard, madame la présidente, mais j'ai été distrait par M. le président de la commission des lois qui expliquait combien les deux corapporteurs étaient merveilleux.
Sourires.
Nous demandons le retrait de l'amendement ou, à défaut, son rejet, tout simplement parce que cette phrase nous a été suggérée par la Cnil lors de son audition. Il faut bien qu'à un moment donné on produise un acte qui prouve que les données utilisées par le prestataire extérieur ont bien été détruites et qui soit opposable. À défaut, cela signifierait que des données risquent de se promener dans la nature, ce qui n'est pas envisageable.
Le Gouvernement est favorable à cet amendement qui vise à supprimer l'obligation pour le prestataire de transmettre à l'administration une déclaration attestant de la destruction des données collectées auprès d'elle. En effet, le législateur créerait ainsi une formalité administrative qui ne s'inscrirait pas dans le cadre de la législation en matière de protection des données et ne permettrait pas de garantir le respect des règles. Nous préférons privilégier la simplification administrative.
L'amendement n° 165 est adopté.
Il vise à donner à la Cnil la possibilité de réaliser des contrôles aléatoires chez le consultant ou le prestataire qui a réalisé une mission pour le compte d'une administration. Cela nous semble plus efficace qu'un contrôle conditionné à un doute de ladite administration ou d'un tiers.
Un tel contrôle aléatoire suppose que la Cnil ait connaissance de tous les contrats conclus entre un prestataire ou un consultant et une administration. C'est pourquoi le présent amendement prévoit aussi que l'administration bénéficiaire notifie systématiquement les contrats à la Cnil.
L'amendement n° 27 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Nicolas Sansu, rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 216 .
L'idée de cet amendement était de permettre à la Cnil, si elle constatait un manquement, de saisir la HATVP pour une sanction administrative, mais, par cohérence avec la suppression de la commission des sanctions de la HATVP, je vais le retirer. Néanmoins, attention : il faut que la Cnil puisse à un moment ou à un autre sanctionner les cabinets de conseil qui ne respectent pas la protection des données ou qui ne les détruisent pas à la fin de leur mission. Le Gouvernement serait bien avisé d'examiner comment traiter ce problème.
L'amendement n° 216 est retiré.
La parole est à Mme la ministre déléguée, pour soutenir l'amendement n° 188 .
Puis-je vous demander un instant, madame la présidente ?
Il s'agit d'un amendement de cohérence auquel je suis favorable, madame la ministre déléguée.
Disons donc qu'il s'agit d'un amendement de cohérence…
Vous pouvez aussi dire que l'amendement est défendu – ou demander une suspension de séance.
Je veux bien une suspension, madame la présidente.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-huit heures dix, est reprise à dix-huit heures quinze.
Excusez-moi, madame la présidente, je me suis embrouillée par suite des propos tenus à l'occasion de la défense de l'amendement n° 216 des rapporteurs.
Sourires.
L'amendement n° 188 du Gouvernement, qui est assez différent de celui des rapporteurs, tend à supprimer l'alinéa 7, selon lequel, lorsque la Cnil constate une mauvaise utilisation des données ou que celles-ci ne sont pas détruites à l'issue de la prestation, elle en informe l'administration bénéficiaire, qui peut saisir la HATVP dans la perspective d'une sanction. En effet, la Haute Autorité n'est pas compétente pour prononcer des sanctions relevant du champ de compétence de la Cnil.
Il n'y a plus de commission des sanctions : il s'agit donc d'un amendement de coordination, ou presque.
L'amendement n° 188 est adopté.
L'article 17, amendé, est adopté.
Les données de l'administration constituent des actifs d'intérêt majeur et peuvent même revêtir un caractère sensible ou stratégique. Aussi est-il nécessaire que les administrations concernées disposent de la pleine maîtrise de leurs données, notamment s'agissant de leur traitement.
Il est fréquent que certaines données des administrations, traitées par des fournisseurs de services, soient soumises à des législations extraterritoriales, avec toutes les conséquences que cela implique, notamment l'obligation de transmission à des autorités étrangères, sans que ces administrations en soient informées, notamment lorsqu'elles ont recours à des prestations de conseil. La commission d'enquête menée par le Sénat a formellement établi que les cabinets de conseil collectent de données pouvant présenter un caractère sensible ou stratégique.
L'amendement vise à imposer des obligations de transparence aux cabinets de conseil et à leurs prestataires quant aux juridictions auxquelles sont soumises les données qui leur sont confiées dans le cadre de leur mission. Cette disposition s'inscrit dans une logique de cohérence avec le règlement européen sur les données, dit Data Act, et avec les dispositions de l'article 10 bis – adopté à l'unanimité par l'Assemblée nationale en octobre 2023 – du projet de loi Sren.
Ces obligations de transparence permettront aux administrations de disposer de toutes les informations relatives à la souveraineté du traitement des données et aux enjeux environnementaux. Cette transparence ne représente en aucun cas une charge pour les cabinets de conseil car il leur suffira de transmettre les informations que les hébergeurs de données devront publier sur leur site pour se conformer au Data Act.
Défavorable.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 73
Nombre de suffrages exprimés 73
Majorité absolue 37
Pour l'adoption 31
Contre 42
L'amendement n° 135 n'est pas adopté.
L'article 18 porte sur la protection des données. Il est nécessaire que la définition des données que nous voulons protéger soit claire. Or la notion de « haut niveau de sécurité » qui figure dans la rédaction proposée ne bénéficie pas d'une définition juridique. L'amendement vise donc à remplacer cette formulation par celle de « données d'une sensibilité particulière », notion définie par une circulaire.
De même, la mention d'un « référentiel établi par l'Anssi » ne reflète pas le renforcement prochain du cadre réglementaire, notamment au travers de la transposition de la directive NIS 2 qui prévoit un référentiel de sécurité générale. Par souci de cohérence, de clarté et d'intelligibilité du droit, il convient de ne pas multiplier les référentiels. Voter cet amendement, c'est donc voter pour une protection des données proportionnée, efficace et surtout effective.
Ce sera une demande de retrait ou, à défaut, un avis défavorable. En commission, sur votre proposition, nous avons assoupli les obligations prévues par l'article 18. Vous proposez une nouvelle rédaction introduisant la notion de « données d'une sensibilité particulière » et supprimant la référence aux prestataires qualifiés par l'Anssi. Cela nous semble constituer un assouplissement supplémentaire par rapport à ce que nous avons voté en commission.
Dans sa rédaction actuelle, l'article 18 met sur un même plan toutes les prestations de conseil. Or l'enjeu de sécurité informatique n'est pas le même selon que l'on manie ou non des données sensibles. Cela soulève une question de proportionnalité, principe auquel le Gouvernement est attaché.
Par ailleurs, le concept de haut niveau de sécurité lui-même n'est pas suffisamment spécifique. Celui de la sensibilité des données traitées, présent dans la circulaire sur le cloud de juin 2023, offre une meilleure clé de lecture et respecte le cadre international dans lequel s'inscrit la France.
Un périmètre trop large risquerait de peser lourdement sur le marché des prestations d'audit et de sécurité des systèmes d'information et, plus largement, sur celui du conseil en cybersécurité, qui pourrait se retrouver engorgé de demandes si les enjeux de protection étaient de niveau variables. C'est pourquoi la proposition d'amendement visant à redéfinir le champ de l'article 18, le rendant applicable aux seuls cabinets de conseil qui traitent des données sensibles, nous semble bienvenue car elle permet à l'administration de s'assurer de la protection de ses données dans les cas qui le justifient sans créer d'obligation trop générale.
L'amendement n° 166 est adopté.
Le renforcement de la sécurité des prestataires de conseil de l'État et de ses administrations est une avancée que je salue. Il est néanmoins important d'accompagner les prestataires souhaitant participer à la passation d'un contrat de commande publique dans cette démarche d'amélioration de leur sécurité, qui peut s'avérer complexe, notamment pour les petits cabinets.
Aussi cet amendement vise-t-il à ce que le décret d'application de l'article 18 prévoie la mise en œuvre, avec le concours de l'Anssi, d'un guide ou de recommandations dédiés aux cabinets de conseil. Il s'agit avant tout de les accompagner pour leur permettre de se mettre en conformité avec des règles minimales et harmonisées prévues par le II de l'article 18.
Je vais demander le retrait de cet amendement ou émettre un avis défavorable parce qu'il nous paraît plus sage d'attendre la transposition de la directive NIS 2, qui devrait intervenir dans l'année, avant d'établir des bonnes pratiques spécifiquement applicables aux cabinets de conseil. Tout cela sera défini dans la directive européenne.
Même avis que le rapporteur.
L'amendement n° 137 est retiré.
L'article 18, amendé, est adopté.
Cet amendement tend à ce que l'État et les administrations, dans le cadre des marchés publics, aient recours à des cabinets de conseil garants d'un cloud immunisé vis-à-vis des législations extraterritoriales dès lors que vont être traitées des données particulièrement sensibles, et ce en cohérence avec les efforts de protection des données sensibles de l'État et de ses administrations. Je fais référence ici à la circulaire dite cloud au centre de 2021, actualisée en 2023, qui impose des critères stricts de sécurité aux clouds hébergeant des données sensibles ou stratégiques de services de l'État.
Il convient que les administrations s'assurent des critères des clouds sur lesquels les cabinets de conseil hébergent les données qui leur sont confiées. Je rappelle que, lors du débat sur la loi Sren, nous avons tous souhaité inscrire cette circulaire dans la loi. Aucun parmi nous n'a voté contre. L'absence de règles spécifiques de sécurité pour les cabinets de conseil qui traitent des données particulièrement sensibles constitue donc une brèche majeure dans la protection des données de l'administration.
Si cet amendement n'était pas adopté, la mise en œuvre de la circulaire dite cloud au centre serait en péril. En effet, à quoi bon obliger l'État et ses opérateurs à héberger leurs données sensibles ou stratégiques sur des clouds souverains si c'est pour laisser les mêmes données exposées à des législations étrangères lorsqu'elles sont confiées à des cabinets de conseil ? Ce serait incohérent.
Même avis.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 81
Nombre de suffrages exprimés 81
Majorité absolue 41
Pour l'adoption 30
Contre 51
L'amendement n° 138 n'est pas adopté.
Ces amendements concernent la date d'application du texte. Outre l'amendement n° 218 , je soutiens également l'amendement n° 217 rectifié , que j'ai déposé avec mon corapporteur, Bruno Millienne. Si le Gouvernement pouvait au moins donner un avis favorable sur cet amendement, cela nous irait. Nous proposons que la future loi s'applique dès sa promulgation, ce qui est normal, en excluant les prestations en cours de réalisation, c'est-à-dire celles pour lesquelles le bon de commande a déjà été signé.
Ne pas adopter l'amendement n° 217 rectifié reviendrait à exclure aussi toutes les prestations contenues dans des accords-cadres qui peuvent courir jusqu'en 2026. Ce n'est pas envisageable. Nous proposons donc que, dès la promulgation, les marchés subséquents et les marchés à bons de commande, notamment ceux réalisés par la DITP ou l'Ugap entrant dans le cadre dit du tourniquet, soient concernés par la loi. Cela serait quand même la moindre des choses.
Les amendements identiques n° 32 de M. Davy Rimane et 51 de M. Philippe Gosselin sont défendus.
L'amendement n° 217 rectifié a déjà été défendu.
Quel est l'avis du Gouvernement ? Attention, madame la ministre déléguée, vous vous faites influencer…
Sourires.
J'ai compris que, pour les rapporteurs, le débat se focalise sur l'amendement n° 217 rectifié . Le Gouvernement partage la volonté de n'appliquer la loi qu'aux futurs contrats, conformément à l'article 2 du code civil, et n'est pas favorable à faire exception à ce principe, même pour les accords-cadres en cours. Une application immédiate remettrait en cause la stabilité des relations contractuelles, constitutionnellement protégée, et serait une source d'insécurité juridique. La cessation immédiate de plein droit des prestations de conseil conclues à titre gracieux porterait une atteinte disproportionnée à la liberté contractuelle et à la force obligatoire du contrat, d'autant que ces prestations n'ont pas d'incidence sur l'utilisation des deniers publics. C'est donc plutôt un avis défavorable.
C'est un avis défavorable.
Je vais demander à M. Nicolas Sansu, rapporteur, de nous préciser l'avis de la commission sur les amendements identiques.
Je retire l'amendement n° 218 et propose à mes collègues de retirer les leurs pour qu'on se concentre sur l'amendement n° 217 rectifié . Je le répète, madame la ministre déléguée, les accords-cadres peuvent aller jusqu'à la fin de 2026. Si nous n'adoptons pas cet amendement, aucun des marchés conclus dans un accord-cadre avec un prestataire ne sera concerné par la loi. Or il existe de très nombreux accords-cadres. Cela revient à dire : « Votez la proposition de loi, mais elle ne s'appliquera pas. » Franchement, cela n'est pas très sérieux.
On peut entendre beaucoup d'arguments mais je ne comprends pas du tout celui sur les contrats conclus à titre gratuit. Je ne résiste pas au plaisir de placer le mot synallagmatique dans l'hémicycle. Si une prestation est rendue par un prestataire, c'est qu'il y a une contrepartie qui, si elle n'est pas financière, est d'une autre nature. Donc il n'y a pas de difficultés à ce que des contrats gratuits soient poursuivis si la contrepartie est honnête, quand la loi sera adoptée.
Je retire l'amendement n° 51 au bénéfice du n° 217 rectifié.
L'amendement n° 51 est retiré.
L'amendement n° 217 rectifié n'est pas adopté.
Les amendements n° 116 de M. Frédéric Mathieu et 132 de Mme Mathilde Panot, portant article additionnel après l'article 19, sont défendus.
Nous avons achevé l'examen des articles de la proposition de loi.
Sur l'ensemble de celle-ci, je suis saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
J'ai eu l'occasion de dire à quel point nous souhaitions que la présente proposition de loi soit discutée. Nous avons accompagné son cheminement afin qu'elle puisse être examinée dans l'hémicycle. Il me semble que notre assemblée a bien travaillé. Nous avons évité de faire un copier-coller du texte du Sénat, ce qui n'était pas le but. Le texte n'est peut-être pas parfait, mais permet une avancée, puisqu'il encadre les activités de conseil.
C'est rassurant pour nous et pour nos concitoyens, s'agissant notamment de l'utilisation de l'argent public.
Nous avons besoin des cabinets de conseil. De nombreux collègues ont souligné, avec raison, la nécessité de renforcer l'administration, et je suis tout à fait sur cette ligne. Néanmoins, l'administration a sa vision, et demeure en place – dans les collectivités territoriales, nous le savons bien. Dès lors, les politiques que nous sommes ont parfois besoin d'être éclairés par d'autres avis. Il faut en tenir compte.
Je me félicite de ce texte transpartisan. Il évoluera certainement encore, mais il apporte déjà des améliorations. Je remercie les rapporteurs, que je connais bien l'un et l'autre, chacun ayant sa personnalité. Leurs avis ont parfois divergé, mais c'est la démocratie. Messieurs les rapporteurs, vous avez fait vivre le débat, et je vous remercie. J'adresse aussi mes remerciements à Mme la ministre déléguée. Dans le contexte actuel, madame la ministre, votre tâche n'est pas facile ; vous êtes omnisciente !
Je remercie moi aussi les deux rapporteurs. Nous avons là un exemple de ce que peut être un texte transpartisan donnant lieu à de nombreuses discussions entre les rapporteurs et dans l'hémicycle ; ces débats ont été source de richesse. Nous avons mené un véritable travail de fabrique de la loi et aboutissons à un compromis. Peut-être celui-ci ne satisfait-il pas pleinement les rapporteurs, mais nous avons réalisé des progrès, qu'il convient d'enregistrer, par rapport à la version du Sénat. Ainsi, il était important d'étendre le champ d'application aux collectivités locales.
Nous avons aussi pu conserver une partie des dispositions initiales de l'article 3, que le Sénat pourra enrichir, s'il le souhaite. De manière générale, nous avons beaucoup parlé de transparence, de régulation, d'évaluation et de déontologie ; il était important pour nous de le faire au sein de l'hémicycle.
Bien sûr, nous avons des regrets. Je pense aux missions de la HATVP, notamment à son pouvoir de sanction. Il faudra bien, à un moment donné, que la HATVP puisse adresser des mises en demeure et prononcer des sanctions administratives, si l'on veut éviter un encombrement des tribunaux. Elle ne dispose pas non plus de tous les moyens nécessaires. Changer le droit, c'est une bonne chose, mais il faut aussi que le dispositif soit opérationnel, sans quoi l'on risque de décevoir.
En conclusion, il ne s'agira pas d'un vote conforme de la rédaction du Sénat. Il importe que le texte retourne devant celui-ci, sachant que l'Assemblée nationale aura le dernier mot. C'est pourquoi le groupe Socialistes et apparentés votera la proposition de loi.
Je remercie à mon tour MM. les rapporteurs, Mme la ministre déléguée et tous ceux qui ont travaillé sur la question. J'aimerais être aussi optimiste que M. le président Mattei et Mme Cécile Untermaier, mais je ne fais pas du tout la même lecture qu'eux : j'ai plutôt le sentiment que le texte atterrit on ne sait trop où.
Je ne suis pas mécontente d'avoir pris quelques précautions en indiquant notamment que le groupe Horizons et apparentés avait une ligne rouge : son opposition à l'inclusion des collectivités territoriales dans le champ d'application du texte, alors même qu'il n'y a pas eu d'étude préalable sur ce sujet. Or cette inclusion a eu lieu. C'est la démocratie, mais nous resterons cohérents et ne voterons donc pas le texte.
Il est préférable, dit-on, d'élaguer en hiver, car la plante repousse alors plus vite.
Je ne suis pas persuadée que cela fonctionne pour les propositions de loi. Force est de constater que le Gouvernement a beaucoup élagué le texte. Je pense bien évidemment aux articles 3 et 4, mais aussi aux nombreuses petites coupes pratiquées ici ou là. Nous doutons que cela soit très efficace.
En tout cas, cela montre qu'en cette période de grogne sociale, le Gouvernement ne souhaite pas réellement donner de gages en matière de transparence démocratique. À un moment où les professeurs sont en grève et où les agriculteurs bloquent les routes, je ne pense pas que l'incapacité du Gouvernement à comprendre qu'il doit lui aussi participer à l'effort national, faire attention et, surtout, donner l'exemple soit le meilleur signal que l'on puisse adresser à la population française. J'en conçois même une très forte inquiétude.
Vous estimez, monsieur le président Mattei, que les avis extérieurs sont toujours intéressants,…
…vous avez tout à fait raison. La proposition de loi encadre faiblement la façon dont ces avis extérieurs sont donnés. Mais cela n'est pas tenable si, parallèlement, les moyens attribués à l'administration publique sont diminués, si les services publics ne reçoivent plus ce qu'ils devraient recevoir. L'argent n'étant pas magique, les milliards d'euros versés aux cabinets de conseil sont autant de crédits qui ne sont pas affectés ailleurs. Face à ce danger, nous n'avons pas agi ; vous, coalition présidentielle, n'avez pas agi.
Le Premier ministre a affirmé que l'éducation importait plus que tout. Dans la mesure où il a énoncé d'autres priorités – les droits des femmes, l'agriculture –, je ne sais plus trop quel est son degré d'importance.
« Élaguez vos propos ! », sur les bancs du groupe RE.
Même s'il semble très difficile de réduire l'addiction du Gouvernement aux cabinets de conseil, le groupe Écologiste se dit que ce texte est un petit pas : il peut être utile si le Sénat s'en saisit pour le renforcer et aller plus loin. Nous exprimerons donc un demi-vote pour, alors que la proposition de loi aurait pu et dû être un signe très fort d'engagement en faveur de la transparence et de la démocratie.
Mme Eva Sas applaudit.
À l'issue de ce débat, peut-être un peu long aux yeux de certains, j'éprouve un sentiment mitigé. D'un côté, je suis soulagé que le texte ait enfin été inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée et que nous soyons allés au terme de sa discussion dans l'hémicycle. De l'autre, je ressens une certaine frustration face à des choix selon moi inopportuns, notamment de la part du Gouvernement.
Je pense que le Gouvernement a commis une erreur en réduisant le champ d'application de la proposition de loi, notamment en récrivant complètement l'article 3. Tel est le résultat du débat parlementaire, et j'en prends acte. Pourtant, à un moment où nos concitoyens expriment une telle défiance à l'égard de la parole politique et nous alertent sur le contrôle insuffisant de l'usage que nous faisons des deniers publics, il ne faut pas donner de signe de fébrilité.
De même, je regrette que l'amendement 217 rectifié ait été rejeté, il y a quelques minutes. Dans les faits, cela reporte de trois ans l'entrée en vigueur du texte, car de nombreuses prestations de conseil se rattachent à des accords-cadres applicables jusqu'en 2026. Selon moi, ce n'est pas un bon signal.
Néanmoins, je sais d'où l'on vient : cette proposition de loi était vouée à finir à la poubelle. Tel n'a pas été le cas parce que des groupes parlementaires l'ont inscrite à l'ordre du jour. Je remercie à cet égard les présidents Chassaigne et Mattei. Je remercie aussi Bruno Millienne pour le travail que nous avons mené en commun, ainsi que l'administrateur de la commission des lois et nos collaborateurs, avec qui nous avons travaillé d'arrache-pied au cours du dernier mois.
Même si certaines dispositions me chagrinent, nous sommes parvenus à redresser quelque peu la barre en fin de match, en récrivant l'article 10 et en amendant l'article 11. Je n'oublie pas non plus qu'à l'article 1er , nous avons rétabli la rédaction du Sénat en ce qui concerne le conseil en informatique, ce qui revient à inclure plus de la moitié des prestations informatiques dans le champ d'application de la loi.
Dès lors, nous allons permettre à cette proposition de loi de poursuivre son chemin, en espérant que celui-ci sera moins long et tortueux en deuxième lecture qu'il ne l'a été en première lecture. Avec toutes ces précautions d'usage, le groupe Gauche démocrate et républicaine votera en faveur du texte.
Nous souhaitons nous aussi que le législateur poursuive son travail en la matière, en espérant que le Gouvernement entendra la colère de nos concitoyens sur ces questions et n'essaiera pas de nouveau d'enterrer la proposition de loi.
Je remercie les deux rapporteurs, Mme la ministre et tous les collègues qui se sont investis dans la discussion de cette proposition de loi.
Les débats ont été longs et ont souvent versé dans la caricature. Il est très commode de nous faire passer pour les méchants députés qui défendent les cabinets de conseil – on se demande d'ailleurs dans quel but nous le ferions. Cette fable est facile à raconter ; nous savions que nous y aurions droit, et nous y avons eu droit. Merci à vous, vous ne nous avez pas déçus.
Pourtant, la vérité est tout autre, comme nous nous sommes évertués à le rappeler au cours des débats. À la suite des travaux de la commission d'enquête, le Gouvernement a pris ses responsabilités : circulaire en janvier 2022, accord-cadre en juillet 2022, article du projet de loi de finances pour 2023 prévoyant la remise d'un rapport annuel, nouvelle circulaire de la Première ministre en 2023. De même, nous prenons nos responsabilités en soutenant cette proposition de loi.
Dès le début, notamment dans la discussion générale, nous avons signalé un écueil à éviter : si l'objectif est évidemment d'assurer la transparence et de faire respecter des règles déontologiques, il ne faut pas créer une usine à gaz, dont le seul effet serait d'empêcher les administrations d'agir. Or, si tous vos amendements avaient été adoptés, nous aurions pu rebaptiser le texte ainsi : « proposition de loi visant à supprimer toute capacité de l'administration à agir ».
Heureusement, la majorité présidentielle a réussi à faire passer des amendements dont la seule finalité est d'assouplir la proposition de loi.
On entend dire matin, midi et soir qu'il faut faire simple, qu'il faut cesser de superposer des normes qu'on ne comprend plus, qu'il faut libérer les énergies et les administrations …
Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES
Vous râlez, mais on l'entend tous les jours. Les Français sauront que vous avez voulu complexifier la proposition de loi pour la rendre ineffective. Nous avons fait en sorte qu'elle soit applicable. Nous voterons donc pour le texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
La commission d'enquête du Sénat a fait un travail excellent. Elle a démontré la présence tentaculaire des cabinets de conseil privés dans la décision publique. On assiste même, parfois, à une véritable privatisation de la décision. Tout cela a un coût pour nos ministères : les prestations de cabinets de conseil ont représenté près de 1 milliard d'euros de commandes en 2021.
Le texte du Sénat nous semblait très bon. Il permettait non d'empêcher, mais d'encadrer le recours aux cabinets de conseil, de contrôler leur usage par la puissance publique, d'apporter de la transparence pour que les élus et les citoyens puissent savoir ce que l'on fait de leur argent, et pourquoi. Il permettait aussi de lutter contre les conflits d'intérêts.
En commission et en séance, la Macronie a montré son vrai visage. Elle a montré qu'elle ne voulait pas de ce texte. Elle a multiplié les tentatives de démontage. Elle a réussi sur certains points, par exemple en enlevant les éléments relatifs à la limitation ou à l'encadrement du pantouflage. Ce matin, des amendements ont imposé des décrets qui permettront à la Macronie de décider quelles administrations publiques et quel type de prestations de conseil seront réellement encadrés par cette loi. La suppression de la majeure partie de l'article 3, surtout, a mené à une vraie diminution des exigences en matière de transparence. On entendait ce midi, dans les couloirs de l'Assemblée nationale, les députés de la Macronie se réjouir de détricoter le texte en allant déjeuner ! Puis, vu des bancs du Rassemblement national, l'après-midi a été plutôt bon : nous avons réussi à supprimer le secret des affaires, imposé en commission et qui nuisait à la transparence ; nous avons réussi à maintenir, à l'article 6, une justification du recours aux prestations de conseil ajoutée en commission qui nous paraissait primordiale ; nous avons rétabli l'article 10 sur les déclarations d'intérêts, lui aussi supprimé en commission ; nous avons rétabli en partie l'article 15 sur les sanctions administratives.
Concernant l'extension des dispositions aux collectivités territoriales, nous restons sceptiques. Philosophiquement, nous y sommes plutôt favorables ; cependant, nous avons peur que cet ajout ne fasse traîner la navette parlementaire et qu'il faille encore des années avant que le texte soit réellement appliqué. Nous estimons qu'il est moins bon maintenant qu'il ne l'était en arrivant du Sénat, dont nous préférions la version. Néanmoins, celle-ci est tout à fait correcte et nous la voterons. La proposition de loi sera renvoyée au Sénat, à qui nous faisons confiance, puisqu'il n'est pas macroniste, pour encadrer le recours aux cabinets de conseil privés.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Avant toute chose, je veux remercier sincèrement les deux rapporteurs pour la rigueur de leur travail. J'ai entendu prononcer l'expression « libérer les énergies » : il est certain qu'ils ont déployé beaucoup d'énergie pour mener à bien un travail difficile qu'ils ont assumé avec beaucoup de rigueur et d'honnêteté, même quand ils n'étaient pas d'accord, ce qui mérite d'être salué, compte tenu de la difficulté du texte.
À écouter les explications de vote précédentes, on en retire, à raison, un sentiment de perplexité. L'analyse que nous en faisons, c'est que le souci du Sénat de protéger l'intérêt public et l'intérêt général a été dévoyé par un ballet du camp présidentiel visant à protéger le business des entreprises et la liberté d'entreprendre, ce qui n'était pas le sujet.
Néanmoins, il y a quelque chose de rassurant à voir ce combat qui vise à entraver le contrôle démocratique normal de l'emploi des deniers publics contre d'éventuelles ingérences d'intérêts privés. En effet, c'est un combat d'arrière-garde et, même si vous avez réussi à détricoter un certain nombre de dispositions, vous l'avez déjà perdu. Il n'y a pas si longtemps, vous n'auriez pas admis qu'une telle loi soit discutée dans l'hémicycle.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Désormais, cette loi existera. Vous êtes déjà en train de reculer : voilà qui nous inspire de l'optimisme pour l'avenir.
Je ne dirai pas que le texte est une coquille vide, ce serait trop sévère, mais cette coquille est étrange, peu remplie, mal remplie et, que vous le vouliez ou non, elle finira par être remplie par d'autres que vous. Des associations de lutte contre la corruption nous prendront à témoin, nous autres parlementaires : « Mais qu'avez-vous fait là ? Il faut changer la loi. » C'est ainsi qu'elle vivra. J'anticipe un peu, car le chemin démocratique et institutionnel du texte n'est pas encore achevé. Celui-ci doit retourner au Sénat. Pour l'instant, en raison de ce sentiment mitigé, nous nous abstiendrons.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous ne voterez pas pour le texte ? Nous le dirons dans nos circonscriptions !
Rappelons qu'à l'origine de ce texte, il y a une commission d'enquête du Sénat et qu'à l'origine de cette commission d'enquête, il y a le recours excessif aux cabinets de conseil par le Gouvernement sous la précédente législature. Sans cela, nous n'aurions pas eu à débattre de la façon dont l'administration a parfois besoin d'une aide externe, d'un regard tiers, ce qui est une démarche saine. Le texte visait non à interdire le recours aux cabinets de conseil – Les Républicains ne se seraient pas engagés dans cette voie –, mais à éviter un recours excessif. Voilà à quoi nous invitait la commission d'enquête du Sénat, dont nous partageons la préoccupation, et tel était le point d'équilibre du texte transpartisan qui en était issu. Il aura fallu quinze mois pour qu'il soit inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, qui a pourtant fait savoir sa volonté de travailler sur des sujets transpartisans.
Quinze mois ! Qui plus est, entre son passage en commission et le débat dans l'hémicycle, le texte a été vidé de sa substance, comme l'ont souligné les orateurs qui se sont exprimés avant moi. Outre ce détricotage, nous avons été gênés par l'inclusion des collectivités territoriales dans le champ d'application du texte. Les raisons pour lesquelles celles-ci recourent à des cabinets d'expertise ne sont pas les mêmes : les collectivités territoriales n'ont pas à leur disposition, dans leurs services, la même ingénierie que l'État, avec sa puissance.
Nous souhaitons fermement encadrer le recours aux cabinets de conseil. Le texte ne nous donne pas encore satisfaction. Nous comptons sur le Sénat pour y parvenir et pour donner corps à l'ambition formulée par la présidente de l'Assemblée nationale de travailler enfin de manière transpartisane.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 88
Nombre de suffrages exprimés 71
Majorité absolue 36
Pour l'adoption 66
Contre 5
La proposition de loi est adoptée.
J'adresse mes remerciements à l'administrateur qui nous a aidés, et d'autres, très sincères, à Nicolas Sansu, avec qui je crois avoir travaillé en bonne intelligence. Je lui sais gré de son objectivité et de sa sincérité. Je remercie également tous les députés qui ont été présents aujourd'hui, alors qu'ils avaient un train à prendre. Enfin, merci, madame la ministre déléguée, d'avoir assumé ce travail à la place du futur ministre de la fonction publique, qui n'est pas encore nommé.
La tâche n'était pas facile. Le texte va continuer son voyage parlementaire au Sénat. Nous verrons ce qu'il en adviendra lors de son retour chez nous.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante-cinq, est reprise à dix-neuf heures cinq.
La parole est à Mme Émilie Bonnivard, rapporteure de la commission des affaires culturelles et de l'éducation.
L'adage est bien connu : les voyages forment la jeunesse. Les classes de découverte évoquent pour chacun d'entre nous des souvenirs d'enfance que l'on chérit toute sa vie. C'est pourquoi je suis particulièrement honorée de vous présenter la proposition de loi visant à relancer leur organisation. Merci à tous les groupes politiques de cet hémicycle, qui ont unanimement voté pour que nous l'inscrivions à l'ordre du jour de cette semaine de l'Assemblée.
Les voyages scolaires sont anciens : c'est en 1936, sous le Front populaire, que la première classe de découverte fut organisée dans les Vosges. Cette politique fut favorisée par l'emblématique ministre de la jeunesse et des sports de l'époque, Léo Lagrange. Au sortir de la guerre et jusque dans les années 1980, ils se développent essentiellement en montagne. C'est l'âge d'or des classes de découverte et de l'éducation populaire ; beaucoup de mairies communistes, en particulier, acquièrent des centres d'accueil et y envoient tous leurs élèves. Dans les années 1980, l'éducation nationale développe à son tour une politique ambitieuse en la matière et les classes de découverte se diversifient : classes de mer et classes vertes se multiplient.
Les bénéfices associés aux voyages scolaires sont très nombreux. Ils permettent l'acquisition de connaissances et de compétences nouvelles,…
…dans un cadre favorisant la curiosité des élèves. Ils sont souvent l'une des premières expériences des enfants loin de leurs parents, en collectivité ; c'est donc un premier pas vers l'autonomie, la socialisation et la confiance en soi. De l'avis unanime des professeurs, de telles expériences, vécues loin de l'école, renforcent le lien entre élèves et professeurs, ainsi que le groupe formé par la classe, et rendent possible l'identification d'éventuels problèmes, notamment de harcèlement.
Évidemment, et c'est là un point crucial, les classes de découverte contribuent à la lutte contre les inégalités et l'assignation à résidence des enfants de familles modestes : c'est souvent la première occasion de sortir de son milieu, de découvrir la montagne, la mer ou la ville, donc la richesse de notre pays. L'apport d'un tel voyage dans l'esprit et le parcours d'un enfant est immense. Ces classes sont porteuses de promesses : l'enfant prend conscience du fait qu'il existe d'autres choses que son quartier, son village et sa rue, donc d'autres horizons qu'il peut découvrir. Ce sont des graines semées dans son esprit et dans son cœur, qui ne disparaîtront jamais et peuvent contribuer à faire bifurquer son chemin de vie.
Or, malgré tous les avantages qu'ils procurent, les voyages scolaires font face à de nombreux obstacles. En 1995 puis en 1998, deux accidents tragiques, qui ont causé la mort d'enfants et de leurs accompagnateurs, ont mis un coup d'arrêt aux départs, les textes du ministère de l'éducation nationale devenant très contraignants en la matière.
Il est particulièrement difficile, sinon impossible, de disposer de chiffres précis, au niveau national, quant au nombre de classes de découverte et à son évolution ces trente dernières années ; un des amendements votés en commission permettra de remédier à ce manque. Quoi qu'il en soit, les acteurs de terrain, qu'il s'agisse des enseignants, des parents d'élèves ou des associations d'éducation populaire, donnent tous l'alerte à ce propos : le nombre de voyages scolaires a drastiquement diminué après la crise du covid, et les contraintes qui pèsent sur leur organisation sont devenues bien trop lourdes.
La présente proposition de loi vise à lever les deux principaux freins au départ.
Le premier a trait au financement des voyages scolaires. Leur coût a évidemment explosé ces dernières années, du fait de l'augmentation des coûts relatifs au transport et à l'hébergement. Il est de plus en plus difficile de tenir l'objectif d'un reste à charge minimal, voire financièrement supportable, pour les familles, alors que c'est la condition nécessaire pour que tous les enfants d'une même classe puissent partir. Certes, les situations varient beaucoup selon les territoires, en fonction de la mobilisation et des moyens des parents d'élèves mais aussi des collectivités locales, qui peuvent faire baisser le coût supporté par les familles. Mais il est un acteur qui n'apparaît guère dans ce financement : l'État. C'est problématique car l'absence de dispositif au niveau national nourrit les inégalités territoriales et l'absence d'équité entre les enfants, qui ne sont pas traités de la même manière en fonction de la commune où ils habitent. On trouve bien quelques outils de l'État susceptibles d'aider à financer les voyages scolaires, mais ils sont très disparates, peu lisibles et peu opérants.
Le second frein est lié à la charge administrative et au niveau de responsabilité qui pèsent sur l'enseignant organisateur, mais aussi à l'absence totale de reconnaissance et de valorisation du travail accompli dans ce cadre. L'organisation d'un voyage scolaire nécessite de nombreuses heures de préparation. Durant la période du séjour lui-même, le temps de travail dépasse largement les horaires habituels, puisque les enseignants encadrent les élèves la journée, le soir et la nuit, le mercredi et même parfois le week-end. C'est un sacrifice ponctuel, le temps du séjour, qui empiète sur leur vie personnelle ; il fait aussi peser sur eux de lourdes responsabilités, d'autant que la judiciarisation de notre société, qui fait courir le risque d'un procès lorsqu'un enfant se foule le poignet lors d'une sortie, freine évidemment beaucoup les enseignants. En réalité, les enseignants s'y engagent de manière totalement bénévole, uniquement mus par l'immense intérêt de ces voyages pour leurs élèves.
Dans ce contexte, si aucune action publique d'ampleur n'est conduite, on continuera d'assister à leur déclin. Le Gouvernement semble pourtant avoir pris conscience de ce problème, puisque la circulaire du 13 juin 2023 relative à l'organisation de sorties et voyages scolaires dans les écoles, les collèges et les lycées publics marque un regain d'intérêt pour le sujet. Elle indique ainsi que « tout élève, quel que soit son milieu social d'origine, doit pouvoir bénéficier d'au moins un voyage scolaire au cours de sa scolarité obligatoire ». La présente proposition de loi vise précisément à nous donner les moyens de cet objectif.
Les débats que nous avons eus en commission ont été riches et fructueux ; ils ont permis d'aboutir au vote de sept articles intéressants, dont deux principaux.
L'article 1er vise à soutenir financièrement les départs en voyage scolaire par un fonds national d'aide au départ. Nous sanctuarisons ainsi dans la loi le principe et l'existence d'un tel fonds, ce qui me paraît être un progrès essentiel. Cet article est complémentaire d'un amendement que j'ai présenté dans le cadre du PLF pour 2024, qui prévoit 3 millions d'euros pour financer les classes de découverte en 2024 et qui a été retenu par le Gouvernement.
L'article 2 valorise l'engagement des professeurs au moyen d'une reconnaissance financière. Il est essentiel car il instaure un mécanisme d'indemnisation des enseignants du premier degré qui préparent, organisent des voyages scolaires et y participent. Par souci de simplicité, nous avons proposé que cette indemnisation s'inscrive dans le cadre du pacte enseignant. Je précise qu'il ne s'agit pas d'émettre un avis sur le pacte : c'est une manière de donner davantage de chances à la proposition de loi d'aboutir, afin que les enseignants qui organisent ces voyages soient désormais indemnisés et que ceux qui ne le font pas soient encouragés à le faire.
Mon texte initial prévoyait d'attribuer, de manière proportionnelle, un quart, une demi-part ou une part entière de pacte en fonction du nombre de nuitées, dès la première nuitée. En commission, nous avons voté un amendement de la majorité fixant à trois nuitées le seuil minimal ouvrant droit à cette rétribution ; je souhaite que nous puissions arriver à deux nuitées pour une part de pacte, soit 1 250 euros, afin d'encourager les séjours de durée moyenne à longue et surtout de rendre le dispositif simple et opérant. Cela me paraît être un compromis acceptable.
Le travail en commission a également permis d'enrichir le texte de plusieurs nouveaux articles – j'y reviendrai.
Chers collègues, je souhaite conclure en vous expliquant le motif essentiel qui m'a poussée à déposer cette proposition de loi. Elle peut sembler mineure en comparaison d'autres ; mais alors que l'école, comme toute la société française, subit des fractures profondes d'ordre social, religieux ou économique, que les parents voient parfois l'école comme une prestation qui leur est due, sachant souvent mieux que les enseignants, grâce au dieu Google – ou à tout autre dieu, d'ailleurs –, ce que leur enfant doit apprendre ou non, la classe de découverte, c'est la résistance à tout cela : c'est la force du projet républicain, de l'égalité, de la laïcité, c'est le refus du repli sur soi. Elle est un moyen unique de faire aimer l'école, car on peut aussi y vivre des choses extraordinaires ensemble. C'est une expérience de vie et de joie collective unique, vécue dans un cadre républicain, et un moyen tout aussi unique de faire connaître et aimer à nos enfants leur pays, la France, dans toute sa richesse, sa beauté et son histoire.
J'espère sincèrement que nous pourrons trouver un accord et voter ensemble cette proposition de loi. Je veux remercier les deux administrateurs qui m'ont accompagnée dans sa rédaction, Clémentine et Anthony – ils ont accompli un travail formidable –, ainsi que tous les députés qui, en commission, ont apporté, grâce à leurs amendements, des ajouts essentiels ayant permis de rendre le texte le plus pertinent possible.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – M. Philippe Emmanuel, Mme Estelle Folest et M. Stéphane Lenormand applaudissent également.
La parole est à Mme la ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des Jeux olympiques et paralympiques.
Je tiens d'abord à remercier l'ensemble des groupes pour l'inscription à l'ordre du jour de cette proposition de loi consacrée aux classes de découverte. Ces dernières sont au cœur même de la mission de l'école : elles permettent en effet à nos élèves, aux côtés des savoirs acquis dans les salles de classe et dans les cours de sport, d'élargir encore leurs horizons. Ce sont de véritables fenêtres ouvertes sur le monde, qui permettent d'en appréhender toute la diversité culturelle, sociale et territoriale. C'est ainsi que ces classes s'inscrivent dans un cadre plus global, celui d'une école de l'épanouissement républicain, qui multiplie les possibilités d'éveil proposées aux élèves, en leur permettant notamment de vivre des expériences inédites et, ainsi, de faire grandir leurs savoirs et leur curiosité, consolidant par là les chances d'émancipation que chacun et chacune mérite.
Voilà pourquoi le Gouvernement et la majorité ont conduit une action résolue en faveur des classes de découverte. Je pense bien sûr à la création, dans le projet de loi de finances pour 2024, d'un fonds de 3 millions d'euros destiné – Mme la rapporteure l'a souligné – à faire face à un contexte difficile et à faciliter l'organisation de ces classes. Plus largement, nous avons voulu, ces dernières années, aider très concrètement les enseignants à organiser des voyages scolaires, à travers un ensemble de mesures et d'outils complémentaires. Nous l'avons fait en développant deux axes principaux, sur lesquels vous me permettrez de revenir brièvement.
Le premier consiste à développer les jumelages entre établissements scolaires de zones urbaines ou rurales, afin de favoriser notamment les séjours en montagne. Cette mesure était au cœur du plan Avenir montagnes présenté par le Premier ministre Jean Castex en mai 2021. Le ministère de l'éducation nationale en a rappelé l'importance à l'ensemble des académies. Les jumelages permettent en effet aux classes d'échanger en vue de construire des projets pédagogiques communs et d'organiser des rencontres lors de séjours qui permettent aux élèves de découvrir la vie d'enfants venant d'autres territoires. En outre, ils constituent le cadre idéal pour une première mobilité, dans la mesure où ils sont relativement peu coûteux – notamment lorsque l'hébergement s'effectue dans les familles des enfants correspondants –, simples à organiser par les enseignants et sécurisants pour les parents et leurs enfants.
Le deuxième axe consiste à simplifier et à sécuriser l'organisation des voyages scolaires. C'est à cette fin que mon ministère a élaboré un catalogue national des structures d'accueil et d'hébergement, qui regroupe l'ensemble des structures labellisées pour accueillir des élèves dans le cadre de voyages scolaires. Cet outil, mis à la disposition des enseignants, vise à garantir la qualité des structures d'accueil et d'hébergement, notamment leur conformité aux objectifs éducatifs et pédagogiques inhérents à l'accueil d'élèves dans le cadre de sorties scolaires avec nuitées. Quant au volet financier, dans la perspective de limiter la charge induite par l'organisation des voyages scolaires, le ministère, en concertation avec les associations de tourisme, a fixé un tarif national de référence pour les séjours consacrés aux thématiques de développement durable et de protection de la nature ou de la biodiversité.
Simplifier, revitaliser, mais aussi sécuriser : c'est le sens de la circulaire du 13 juin 2023, qui consacre le principe selon lequel « tout élève, quel que soit son milieu social d'origine, doit pouvoir bénéficier d'au moins un voyage scolaire au cours de sa scolarité obligatoire » et qui, par voie de conséquence, lève les principaux freins à l'organisation des sorties et des voyages scolaires – la charge administrative, les éventuelles réticences des équipes pédagogiques, les problèmes de financement ou encore, parfois, la frilosité des parents d'élèves. Nous avons ainsi simplifié la procédure d'autorisation des voyages scolaires dans le premier degré, notamment en déléguant cette compétence, initialement dévolue au directeur académique des services de l'éducation nationale (Dasen), à l'inspecteur de l'éducation nationale chargé de la circonscription. À cette mesure s'ajoutent le raccourcissement des délais de traitement des dossiers et l'aménagement des taux d'encadrement minimaux pour les séjours organisés avec des élèves de niveau élémentaire.
La circulaire du 13 juin 2023 s'accompagne de la mise à disposition des équipes éducatives impliquées dans l'organisation de ces sorties d'un ensemble de ressources. Pour sécuriser les déplacements et lever les éventuelles appréhensions des parents d'élèves, en particulier dans le premier degré, elle rappelle la nécessité, pour les enseignants, d'informer et d'associer étroitement les parents à chaque étape des projets de voyage. Elle prévoit également que les services départementaux de l'éducation nationale s'assurent de l'honorabilité des accompagnateurs extérieurs en consultant le ficher judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes. Ces mêmes services sont enfin tenus de recenser tous les voyages scolaires des élèves relevant de leur ressort afin de pouvoir localiser aisément les participants aux différents séjours autorisés et, le cas échéant, joindre rapidement les accompagnateurs ainsi que les familles concernées.
Pour toutes ces raisons, je tiens une nouvelle fois à vous remercier, mesdames et messieurs les députés, d'avoir inscrit à l'ordre du jour cette proposition de loi et je nous invite à poursuivre le travail pour donner aux classes de découverte leur juste place dans le parcours pédagogique de l'élève.
Le Gouvernement soutient donc le principe qui sous-tend le texte, en ce qu'il promeut l'accès aux classes de découverte pour tous – dans la continuité, madame la rapporteure, de la vision de Léo Lagrange. Nous disposerons ensuite du temps de la navette pour trouver les mécanismes proportionnés, utiles et efficaces qui nous permettront de parachever le dispositif existant. L'allocation du fonds devra notamment bien tenir compte des réalités, notamment sociales, de chaque école et de chaque territoire. L'indemnité devra quant à elle s'inscrire dans le cadre global du pacte enseignant – vous l'avez dit – et être définie sur la base de critères justes, qui ne déséquilibrent pas la part accordée aux différents éléments du dispositif. Par ailleurs, le montant alloué devra faire l'objet d'une répartition juste au regard de la charge de travail et du temps investi. Enfin, le champ des voyages concernés par le texte, s'agissant notamment du nombre de nuitées, devra être clarifié. Ainsi, le régime des classes de découverte aura toute la robustesse attendue, au bénéfice de toutes nos écoles.
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires culturelles et de l'éducation.
Je tiens à remercier vivement la rapporteure, Mme Émilie Bonnivard, d'avoir pris l'initiative de déposer cette proposition de loi visant à relancer l'organisation des classes de découverte, que nous avons adoptée en commission des affaires culturelles et de l'éducation en novembre dernier, dans le cadre de la journée parlementaire du groupe Les Républicains. Je suis heureuse que nous puissions l'examiner en séance publique cette semaine, car elle nous donne l'occasion d'adopter des mesures concrètes et utiles pour les élèves et les enseignants de l'école primaire.
Les classes de découverte constituent un formidable outil pédagogique. À leur échelle, elles incarnent le vivre-ensemble et offrent à notre jeunesse la possibilité de découvrir, bien souvent pour la première fois, la mer, la montagne, la campagne ou encore la richesse culturelle de notre pays. Si le ministère de l'éducation nationale n'est pas en mesure, à ce stade, de transmettre des chiffres officiels, les acteurs de terrain signalent une baisse préoccupante du nombre de classes de découverte organisées ces dernières années. Bien évidemment, le covid a interrompu les voyages scolaires, mais la difficulté est en réalité plus profonde : des facteurs plus structurels sont à l'œuvre.
Rappelons tout d'abord que les voyages scolaires n'existeraient pas sans l'investissement des enseignants, dont je salue le travail. Les projets de classes de découverte témoignent de l'engagement de la communauté éducative en faveur de la réussite et de l'épanouissement des élèves. Organiser une telle classe demande un lourd travail de préparation et engage une forte responsabilité, dont il faut bien mesurer l'ampleur. Ce travail est insuffisamment reconnu ; les enseignants conduisent ces projets de façon entièrement bénévole. C'est un des enjeux de la présente proposition de loi.
Le financement des voyages scolaires est l'autre problème central. Les classes de découverte impliquent des dépenses importantes, essentiellement liées au transport et à l'hébergement. Ces coûts ont crû de manière significative ces dernières années, principalement sous l'effet de l'inflation. Il en résulte un reste à charge parfois considérable pour les familles – de l'ordre de 400 euros, voire plus, pour un voyage de quatre ou cinq jours, par exemple. Toutes ne sont pas en mesure de faire face à une telle dépense, malgré les aides sociales proposées par les collectivités, notamment par les communes. C'est alors la double peine : les élèves issus des milieux les plus défavorisés risquent aussi d'être ceux qui partent le moins en classe de découverte. L'école républicaine, qui porte en elle la promesse de l'égalité des chances, doit offrir à chacun la possibilité de bénéficier d'un tel dispositif, indépendamment du revenu des parents. C'est en tout cas l'ambition exprimée par le Gouvernement dans une récente circulaire, que je cite à mon tour : « tout élève, quel que soit son milieu social d'origine, doit pouvoir bénéficier d'au moins un voyage scolaire au cours de sa scolarité obligatoire ».
Je partage pleinement cet objectif, mais nous devons aller plus loin dans les mesures déployées à cet effet. Si des premières mesures de simplification administrative ont été prises et sont évidemment les bienvenues, elles restent insuffisantes.
À travers cette proposition de loi, le Parlement avance des solutions concrètes pour développer les classes de découverte dans les écoles primaires. D'une part, le texte prévoit la création d'un fonds spécifique pour aider au financement de ces classes. Cette mesure s'inscrit dans la continuité des discussions qui ont eu lieu lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2024, à l'issue duquel 3 millions d'euros supplémentaires ont été dévolus au développement des classes de découverte. D'autre part, il tend à mieux reconnaître le travail des professeurs des écoles, à travers une rétribution financière versée aux enseignants qui préparent les voyages scolaires et accompagnent les élèves.
Sur la quarantaine d'amendements examinés par la commission, dix-neuf ont été adoptés, notamment en vue de mieux cibler le dispositif, afin d'encourager les séjours longs. Les amendements votés prévoient des avancées significatives dans l'optique de construire une véritable politique publique de nature à encourager le développement des classes de découverte. Je songe notamment à la reconnaissance du rôle de ces dernières dans l'acquisition de la culture générale, ou encore à l'adoption d'un nouvel article 2 quinquies, qui prévoit la transmission par le Gouvernement de données précises quant au nombre de classes organisées chaque année. J'y tiens tout particulièrement : le Parlement doit être correctement éclairé pour mener à bien sa mission de contrôle et d'évaluation des politiques publiques.
Chers collègues, je forme le vœu que notre vote dans l'hémicycle nous permette de passer des paroles aux actes, et d'insuffler une dynamique forte en faveur du développement des classes de découverte.
Applaudissements sur les bancs des groupes HOR, RE et LIOT. – Mme Francesca Pasquini et Mme la rapporteure applaudissent également.
Madame la rapporteure, nous étudions enfin dans l'hémicycle votre texte visant à relancer l'organisation des classes de découverte. L'exposé des motifs en souligne l'intérêt éducatif et pédagogique. Vous savez à quel point je partage cet avis : la classe de découverte n'est pas un à-côté, un bonus ludique qui laisse de bons souvenirs, mais un moment fort de l'année scolaire, qui la couronne et lui donne sens.
Vous savez également que je partage l'objectif énoncé dans la circulaire du 13 juin 2023 : permettre à « tout élève, quel que soit son milieu social d'origine », de « pouvoir bénéficier d'au moins un voyage scolaire au cours de sa scolarité obligatoire ». J'ai organisé une classe de découverte chaque année lorsque j'étais enseignant – c'est dire si les mots « au moins » sont importants à mes yeux.
Mme la rapporteure applaudit.
Or vous identifiez deux freins principaux aux départs : « le financement des séjours et l'absence de valorisation du travail des enseignants s'engageant dans ces projets ». Mesurons en effet l'engagement que représente l'organisation d'une classe de découverte.
Il s'agit d'abord de construire le projet éducatif et pédagogique – car ce ne sont pas des « voyages scolaires », contrairement à ce qu'indique la nomenclature trompeuse du ministère, mais bien des projets à part entière, s'inscrivant pleinement dans le continuum de l'année scolaire, en lien avec les apprentissages menés en classe, à tel point que le projet pédagogique doit d'ailleurs comporter un volet en amont et un autre en aval.
Il faut ensuite préparer le séjour avec la structure d'accueil et rencontrer les familles – parfois chaque famille – pour les convaincre de l'intérêt du projet, répondre à leurs inquiétudes et lever leurs doutes.
Et puis – pardon si j'insiste mais les enseignants sauront pourquoi – il faut renseigner le célèbre formulaire d'« autorisation de départ en sortie scolaire avec nuitée(s) », nouveau chaque année, alors que rien ne change. Il est à remplir en ligne, ce qui ne fonctionne généralement pas, de sorte qu'il doit être imprimé, complété à la main puis scanné avant d'être envoyé exclusivement par mail.
Sourires sur divers bancs.
Il y est demandé aux enseignants – que je salue en ce jour de grève – de se porter garants, entre autres, du permis de conduire des chauffeurs ou du certificat de conformité du car. On aimerait autant de rigueur dans le contrôle du projet pédagogique du collège Stanislas !
Exclamations sur les bancs du groupe RE.
Avant de partir, madame la ministre, demandez à vos services de modifier cette procédure inepte. Ce sera déjà un grand pas !
Une fois l'autorisation accordée, obtient-on un soutien financier de l'éducation nationale ? Que nenni ! Il faut alors aller chercher des subventions ; vendre des gâteaux, des calendriers ou des tasses décorées par les élèves ; organiser des lotos ou des tombolas… Et qui achète ces gâteaux, ces calendriers, ces tasses, ces tickets de tombola ? Les parents d'élèves, qui paient ainsi une deuxième fois.
Enfin, il y a le séjour en lui-même : quinze à dix-sept heures de travail par jour, mercredi compris, soit, au bas mot, cinquante heures supplémentaires sur la semaine, sans compter les nuits. Votre proposition de créer un fonds de soutien aux départs et de reconnaître le travail invisible des enseignants va donc dans le bon sens. Elle établit aussi, accessoirement, que le ministre a menti à cette tribune le 5 avril dernier…
…lorsqu'il m'a affirmé que le pacte enseignant incluait les classes de découverte. Ce n'est pas le cas. Dont acte !
Et voici mon premier désaccord – et non le moindre – avec le texte : celui-ci propose de rémunérer les heures supplémentaires par le biais du pacte enseignant ; or ce dispositif est rejeté massivement par la profession.
Deuxième limite fondamentale : la proposition de loi ne dit rien de la part de financement restant à la charge des familles, ce qui est pourtant la question centrale.
Troisième désaccord : la proposition concerne aussi les écoles privées sous contrat, signal désastreux au moment où la ministre a mis en lumière – et comment ! – le problème du financement de l'école privée par les deniers publics.
Quatrième difficulté : le texte ne prend pas en compte les accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH), dont la présence est pourtant une condition indispensable au départ de ces élèves avec leur classe.
Cinquième difficulté : je déplore qu'en élevant le seuil de prise en compte des séjours d'une à trois nuitées, un amendement voté en commission ait exclu de fait les écoles maternelles du dispositif. Quelle erreur !
Enfin, même si la mention en a été retirée, le montant du fonds de soutien envisagé est dérisoire si l'on veut permettre à chaque élève de partir une fois sur les cinq années d'école élémentaire : 3 millions d'euros par an, soit 15 millions sur cinq ans. Divisé par 4 052 500 élèves, cela représente 3 euros et 70 centimes ! Il faut fixer ce montant chaque année, en fonction des besoins. Et s'il faut trouver des fonds,…
…le ministère de l'éducation nationale a rendu le 26 janvier dernier à Bercy la somme de 285 618 151 euros et 23 centimes, non dépensée au titre de l'exercice 2023. Il vient par ailleurs de lancer l'appel d'offres d'un marché plafonné à 300 millions d'euros pour les uniformes du service national universel (SNU).
Combien de classes de découverte pourrait-on financer sur ces budgets ?
Madame la rapporteure, vous nous avez expliqué que ce texte était insuffisant mais que vous l'aviez conçu pour lui donner une chance d'être adopté, grâce aux votes des macronistes. Ces votes vous ont finalement été refusés en commission malgré l'ampleur de vos concessions.
Je veux vous dire ce que m'ont appris quinze ans de syndicalisme : demander le moins ne permet jamais d'obtenir le plus – ni même le moins, apparemment ! .
Rires sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES
En un an et demi de mandat parlementaire, j'ai appris autre chose : il ne faut jamais faire confiance aux macronistes.